Le devoir de vigilance c’est quoi ?
Le texte de loi devoir de vigilance a été introduit à l’Assemblée Nationale juste après l’effondrement du Rana Plaza, une usine textile, qui a fait plus de 1100 morts au Bangladesh en 2013. Ce drame a révélé la nécessité d’imposer un devoir de vigilance aux entreprises sur l’ensemble de la chaîne de production.
L’objectif de cette loi, qui a été définitivement adoptée en 2017, est de “responsabiliser ainsi les sociétés transnationales afin d’empêcher la survenance de drames en France et à l’étranger et d’obtenir des réparations pour les victimes en cas de dommages portant atteinte aux droits humains et à l’environnement”. Désormais, celles-ci peuvent obtenir réparation auprès des sociétés mères pour des dommages causés par leurs filiales ou prestataires.
Le lundi 2 mars 2020, après plus d’un an de travail, de recherche et d’enquête, Notre Affaire à Tous publie une étude juridique comparative sans précédent de la vigilance climatique de 25 multinationales françaises !
Résultat : aucune entreprise ne se conforme véritablement aux obligations découlant de la loi et de la Constitution. L’association, qui a déjà assigné la pollueuse Total en justice, interpelle désormais ces 25 entreprises au bilan carbone huit fois supérieur à celui du territoire français afin qu’elles s’engagent à protéger le climat.
Si les pouvoirs publics doivent jouer un rôle fondamental dans la lutte contre le réchauffement climatique, les entreprises partagent aussi cette responsabilité, et pour cause : l’empreinte carbone cumulée des multinationales évaluées s’élève à 1.517 millions de tonnes (Mt) de CO2e. En prenant notamment en compte certaines contre-expertises, cette empreinte carbone totale dépasserait 3549 Mt CO2e5. Cela représente huit fois les émissions territoriales françaises (445 Mt CO2e) !
Très fortement contributrices au réchauffement, les multinationales françaises doivent répondre de leurs actes et accélérer leur transition énergétique
Pour cela, les juristes et bénévoles de Notre Affaire à Tous ont entrepris un long travail de recherche en se basant sur l’étude des documents de référence des 25 entreprises afin d’évaluer la mise en œuvre de la loi sur le devoir de vigilance en matière climatique. Des critères de notation ont été développés afin d’évaluer le comportement des multinationales. Ceux-ci s’appuient sur les objectifs internationaux de l’Accord de Paris ainsi que les données scientifiques du GIEC et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Ce rapport a donc une visée informative : Il s’agit de permettre aux citoyen-e-s, consommateurs, et participants à la société civile de s’approprier les codes et outils juridiques applicable à l’encontre des multinationales polluantes pour faire valoir leurs droit à l’information, et exiger plus de transparence.
Cette visée informative, notre rapport ne s’y limite pas pour autant. Le second enjeu de ce rapport est de contribuer à une interprétation ambitieuse de la loi de vigilance qui doit s’imposer aux sociétés polluantes. C’est pourquoi des courriers d’interpellation ont été envoyés aux entreprises afin de leur demander de : dévoiler intégralement les émissions directes & indirectes du groupe, reconnaître les risques climatiques et leur part de responsabilité, adopter une stratégie et des objectifs chiffrés en lien avec l’objectif 1,5°C, mettre en place des actions cohérentes et effectives de réduction de GES, intégrer les informations climatiques pertinentes aux plans de vigilance.
Ainsi, Notre Affaire à Tous cherche à établir la responsabilité des pollueurs en matière de climat afin de remédier au vide juridique concernant la non-application de l’Accord de Paris aux entreprises.
Les résultats principaux
- Manque d’intégration du climat au plan de vigilance
- Communications incomplètes de l’impact climatique et de l’empreinte carbone
- Absence quasi-générale de reconnaissance de leur part de responsabilité dans le réchauffement climatique
- Trop faible niveau d’engagement au regard des
risques encourus
Toutes les entreprises analysées font face à des risques de non-conformité. Pour y remédier, elles doivent, comme indiqué dans les courriers d’interpellation qui leur ont été adressés :
“Alors que les multinationales s’apprêtent à publier leurs nouveaux plans de vigilance, nous avons démontré leurs manquements de l’année passée. Les entreprises doivent décarboner entièrement leur modèle économique le plus rapidement possible et indiquer précisément et sincèrement les voies et défis pour y parvenir. Si elles ne le font pas, elles pourraient être attaquées en justice, tout comme Total.”
PAUL MOUGEOLLE, AUTEUR PRINCIPAL ET COORDINATEUR DE L’ÉTUDE POUR NOTRE AFFAIRE À TOUS