Auteur/autrice : Celine.lpv

  • CP / Courrier à la Première Ministre : La France ne doit pas abandonner son ambition en matière de Zéro artificialisation nette

    A l’occasion de l’ouverture des débats à l’assemblée nationale sur la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, Notre Affaire à Tous, le Réseau Action Climat, la Fondation pour la Nature et l’Homme, la Ligue pour la Protection des Oiseaux, et Humanité et Biodiversité, ont souhaité adresser leur inquiétudes et leurs demandes quant aux ambitions du dispositif ZAN.

    Madame la Première Ministre,

    La proposition de loi actuellement en discussion devant le Parlement menace profondément la réalisation de l’objectif de zéro artificialisation nette. Mesure phare de la loi climat et résilience, cette mesure est particulièrement stratégique pour permettre à la France de tenir ses engagements en matière climatique et environnementale, et constitue le cœur des arguments avancés par l’État dans les procès climatiques dont il est l’objet pour justifier son action climatique.

    La loi climat et résilience de 2021 a posé un objectif de zéro artificialisation nette en 2050, imposant une étape de réduction de l’artificialisation des sols à échéance 2031 de moitié par rapport à la décennie précédente (2011-2021). La proposition de loi sénatoriale relative au dispositif ZAN menace ces objectifs en délaissant la force contraignante du dispositif et en multipliant les dérogations à la comptabilisation des espaces artificialisés.

    Les associations de défense de l’environnement demandent à ce que soit maintenue la force contraignante élevée et chiffrée que fixe la loi climat et résilience, notamment en inscrivant explicitement dans la loi la compatibilité des SCoTs, PLUi, et cartes communales avec les SRADDETs (1) afin de garantir l’atteinte des objectifs fixés nécessaires à la préservation des sols. Afin de répondre aux craintes des territoires concernant la création d’une forme de tutelle de la Région, nous proposons également de revoir la manière dont la territorialisation du ZAN est réalisée, en donnant la responsabilité aux territoires de trouver un accord, éventuellement arbitré par l’Etat. 

    Sans mesure concrète de réduction de l’artificialisation des sols, celle-ci continuerait sur un rythme de 20 000 hectares par an (France Stratégie). Ce développement priverait les sols de leur capacité à stocker le carbone, amplifierait l’érosion de la biodiversité, et aggraverait les risques climatiques (inondations, incendies…) comme cela a été récemment le cas lors des inondations en Emilie-Romagne.

    Ces mesures sont indispensables, au vu du constat des politiques d’aménagement passées qui, malgré l’affichage croissant d’exigence de sobriété foncière, ne sont pas parvenues à réduire suffisamment le rythme de l’artificialisation des sols face au développement économique des territoires.

    Pourtant, l’Etat ainsi que les parlementaires enclenchent à bas bruit l’abandon du dispositif ZAN consacré par la loi climat et résilience, en détricotant exigence par exigence, et en accordant de multiples dérogations. Si le dispositif initial nécessitait effectivement des adaptations  afin de prendre en compte les contraintes de l’échelon local, les avancées réglementaires et législatives précédemment acquises font actuellement l’objet d’un réel retour en arrière.

    En effet, afin que le dispositif ZAN soit opposable et  territorialisé à petite échelle, la loi Climat et résilience prévoit d’accorder à la région, et notamment à travers le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), d’importantes prérogatives en matière d’orientations d’aménagement pour une gestion économe des sols. Pour en assurer l’effectivité, la première version du décret d’application de la loi (2)(relatif à la territorialisation) impose un « rapport de compatibilité » entre les SCOTs et les règles du SRADDET fixant des objectifs chiffrés, ce afin de permettre d’assurer la déclinaison territorialisée de ces objectifs. Ce « rapport de compatibilité  » permet de s’assurer que les documents locaux d’urbanisme respectent l’esprit des objectifs régionaux qui découlent eux-mêmes de la loi climat et résilience

     Ce mécanisme est la pierre angulaire de l’effectivité de l’objectif ZAN. 

    Nous constatons avec la plus grande inquiétude que les discussions actuellement en cours, notamment la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, envisagent  une  régression très problématique du dispositif en remettant en cause le rapport de compatibilité au profit d’un rapport de simple « prise en compte ». Cela signifierait que les documents d’urbanisme locaux pourraient déroger aux  orientations fondamentales de la norme supérieure, le SRADDET, en justifiant de l’intérêt d’une opération particulière. Cette évolution correspondrait finalement à transformer une obligation en simple recommandation, ce qui, en somme,  reviendrait à un abandon de l’objectif ZAN. Si la difficulté résidait dans le fait que le décret SRADDET contredirait la loi, nous vous invitons à modifier la loi pour y inscrire explicitement le lien de compatibilité. 

    Le décret d’application relatif à la territorialisation de l’objectif ZAN, actuellement en révision, quant à lui, participe également à l’abandon du dispositif ZAN en transformant l’obligation d’édicter de telles règles en simple possibilité ; et en supprimant l’exigence de fixer des objectifs chiffrés de réduction du rythme de l’artificialisation des sols à échelle infrarégionale dans les règles du SRADDET. En cela, le nouveau décret prend seulement acte du fait que certaines régions ont appliqué les dispositions de la loi climat, quand d’autres ne l’ont pas fait. 

    La planification écologique qui vous est confiée impose  de consolider les objectifs clés de la loi climat et résilience, et pour ce faire de garantir la force contraignante des mesures de réduction de l’artificialisation des sols et de les préciser au travers de chiffres applicables à échelle locale. Les reculs aujourd’hui envisagés, conjugués aux nombreuses dérogations votées au Sénat, conduiraient à un abandon de fait de l’objectif ZAN.

    A terme, l’incapacité du Gouvernement à maintenir l’exigence de sobriété foncière renforcera la vulnérabilité des territoires et des populations aux impacts du dérèglement climatique. Les premiers réfugiés climatiques français sont apparus en février 2023 du fait de la montée des eaux (3) qui entraine des risques sur déjà plus de 800 communes (4), tandis qu’au cours du même mois de février, la communauté de communes du Pays de Fayence a suspendu tous les permis de construire pour 5 ans, pour cause de sécheresse, avant que le préfet du Var confirme ce choix dans un courrier du 10 mars (5). Si le ZAN doit être la politique qui planifie la fin de l’étalement urbain, nous devons avoir à l’esprit que les sécheresses portent en elles le risque d’impossibilités d’urbanisation de fait, brutales, non concertées. Que deviendront les quotas d’artificialisation des territoires frappés par les sécheresses et l’impossibilité de construire davantage ?

    Ainsi, il nous semble crucial non pas d’affaiblir la portée du ZAN, mais au contraire de conforter le dispositif et de l’articuler avec les autres domaines de planification écologique, notamment concernant la ressource en eau. 

    Au regard des catastrophes climatiques qui touchent d’ores et déjà le territoire français, il est impératif d’imposer des mesures ambitieuses de sauvegarde de la biodiversité, principale alliée face à ces phénomènes. Il est par conséquent impensable d’abandonner l’objectif ZAN. C’est pourquoi nous vous demandons, Madame la Première Ministre, une décision politique forte pour préserver et réaffirmer l’importance des objectifs de “zéro artificialisation nette”. 

    Nous vous prions d’agréer, Madame la Première Ministre, l’expression de notre très haute considération. 

    Signataires

    Jérémie Suissa, Délégué Général (Notre Affaire à Tous)

    Morgane Créach, Directrice, Réseau Action Climat

    Matthieu Orphelin, Directeur Général, Ligue pour la Protection des Oiseaux, 

    Stéphanie Clément-Grandcourt, Directrice Générale, Fondation pour la Nature et l’Homme

    Sandrine Bélier, Directrice, Humanité et Biodiversité

    Copie à M. Christophe Béchu, Ministre de la transition écologique

    1.  ou les Plan locaux d’urbanisme (PLU) non soumis à un  SCOT
    2.  Article R 4251-8-1 du Code général des collectivités territoriales
    3. France TV Info, Réchauffement climatique : quand la mer grignote le littoral, 3 février 2023 , disponible sur : <https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/rechauffement-climatique-quand-la-mer-grignote-le-littoral_5638901.html>
    4. Décret n° 2022-750 du 29 avril 2022 établissant la liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral, disponible sur : <https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045726134>
    5. Courrier de M. Le préfet du Var, “ressource en eau et urbanisme sur le territoire de la communauté de communes du Pays de Fayence”, 10 mars 2023, disponible sur : <https://www.cc-paysdefayence.fr/wp-content/uploads/2023/03/PJ-3-Courrier-prefet-eau-urba-10.03.23-1.pdf >

    Contact presse

    Marine Coynel, Chargée de communication – Notre Affaire à Tous
    marine.coynel@notreaffaireatous.org

  • CP / Extension du Centre Commercial Rosny 2 : Le nouveau projet présenté à l’enquête publique ignore les demandes du juge.

    Le projet d’extension contient les mêmes failles que le projet initial malgré les insuffisances reconnues par le tribunal administratif.

    En Décembre 2021, après un recours porté par les associations Alternatiba Rosny et MNLE 93, épaulées par les juristes de l’association Notre Affaire à Tous, le tribunal administratif de Montreuil avait suspendu les 4 permis de construire de l’extension du centre commercial Westfield Rosny 2 confirmant les vices invoqués par les associations. Le juge avait donné douze mois au promoteur Unibail-Rodamco-Westfield et à la commune de Rosny-sous-Bois pour évaluer concrètement les impacts induits par l’extension du centre commercial sur la qualité de l’air et les îlots de chaleur.

    La nouvelle étude d’impact présentée à l’enquête publique est alarmante, le projet d’extension reste le même, les conclusions identiques et les demandes du juge semblent avoir été ignorées.

    Crédit Photo : Dagmara Bonjenko

    Pour rappel, le centre commercial Westfield Rosny 2 développe actuellement 120 000 m2 de surface de plancher et regroupe 169 magasins sur deux niveaux. II accueille quelque 15 millions de visiteurs annuels et réalise un chiffre d’affaires d’environ 600 millions d’euros, ce qui lui confère une envergure départementale, voire métropolitaine.

    Le projet d’extension vise à porter la surface commerciale à plus de 150 000 m²  et de créer un immeuble de bureaux de sept étages. Le but assumé de l’enseigne est donc d’augmenter la zone d’influence du centre, afin d’en faire le leader du nord-est parisien et le deuxième plus grand centre commercial de France.

    La mairie s’était engagée auprès de l’association Alternatiba Rosny à tenir des réunions publiques d’informations sur le projet d’extension afin de tenir informés les habitants de la teneur du projet. Malheureusement, elle n’a pas tenu ses engagements, car aucune réunion d’information n’est prévue et seules les obligations légales de l’enquête publique ont été retenues. Se limiter aux obligations légales du droit d’information et de participation du public souligne le défaut de transparence envers les habitants. En effet, la faible participation du public à la précédente enquête publique aurait dû être contrebalancée par une plus large information afin de garantir la démocratie environnementale.

    Les conclusions du rapport de la MRAe (Missions Régionales d’Autorité environnementale) sont sans équivoque: le projet n’a absolument pas évolué. Seule l’étude d’impact a été mise à jour avec quelques propositions qui répondent uniquement à des obligations environnementales sur les énergies renouvelables, la récupération des eaux pluviales, ou l’efficacité énergétique, mais qui se limitent aux travaux d’extension, sans prendre en compte l’ensemble du centre commercial qui représente presque 20 hectares. 

    L’ensemble commercial (existant et extension, comprenant le bâtiment tertiaire) représente, dans un secteur très urbanisé, un îlot de chaleur important. L’étude conclut que pour l’unique extension du centre commercial “ l’effet d’îlot de chaleur urbain est très limitée de l’ordre de 0.1°C ”, sans le démontrer alors que le tribunal administratif exige une telle analyse. Encore une fois, l’effet d’îlot de chaleur urbain doit être analysé sur l’ensemble du rayonnement du centre commercial, extension incluse.

    Comme le souligne la MRAe, l’extension aurait dû être l’occasion d’améliorer l’ensemble du site commercial et les solutions apportées manquent clairement d’ambition. Pire, la définition claire de certaines mesures sont reportées post permis de construire et ne constituent donc pas des engagements fermes : récupération des eaux pluviales des bureaux, végétalisation de la toiture terrasse…

    En matière de pollution automobile par exemple, l’étude d’impact annonce une hausse moyenne du trafic de 13% avec des pics à 16%. La nouvelle analyse de la qualité de l’air en hiver 2022, est pire que la précédente: les concentrations relevées en dioxyde d’azote sont supérieures aux valeurs réglementaires annuelles et les concentrations en particules fines (PM2,5 et PM10), 10 fois supérieures, aux valeurs seuil journalières de l’organisation mondiale de la Santé (OMS). Mais, l’étude d’impact compte sur l’amélioration hypothétique des performances des voitures pour réduire la pollution de l’air, argument déjà exposé en 2018 avec une projection en 2022 qui n’a pas su se réaliser. Il aurait été plus pertinent d’envisager des solutions pour réduire le trafic aux abords du site.

    L’avis de l’autorité environnementale note que la promotion des mobilités actives est très floue dans le projet et ne présente aucune stratégie de développement de ces mobilités. Il n’est même pas mentionné l’emplacement et le nombre exact de places de stationnement dédiées aux vélos ! Cet avis est également renforcé par celui d’Ile de France Mobilités, qui émet une réserve aux 4 permis de construire. Cette instance souligne que les différents aménagements de prolongation de la ligne 11 du métro, l’arrivée de la ligne 15 ainsi que le réaménagement de la station de RER E Rosny-Bois-Perrier, ne sont pas correctement pris en compte dans l’étude d’impact tant au niveau régional que local.

    Crédit Photo: Dagmara Bojenko

    Le promoteur n’a retenu aucune des mesures ERC (Eviter, Réduire, Compenser) formulées par le tribunal administratif pour améliorer l’artificialisation irréversible des sols, l’augmentation du trafic routier, la détérioration de la qualité de l’air, et le phénomène d’îlots de chaleur urbains. Tandis que de son côté, la mairie de Rosny-sous-Bois espère donc faire passer le plus discrètement cette enquête publique.

    Alternatiba Rosny, MNLE 93 et Notre Affaire à Tous déplorent le manque d’ambition du nouveau projet et appellent à la participation active des populations concernées à l’occasion de l’enquête publique qui aura lieu jusqu’au 5 Décembre. 

    Les associations ne manqueront pas d’utiliser tout moyen juridique pour faire valoir l’exigence de régularisation ordonnée par le tribunal administratif de Montreuil.

    Contacts Presse

    Alternatiba Rosny – Olivier Patté

    MNLE 93 – Yves Chaumard

    Notre Affaire à Tous – Céline Le Phat Vinh

  • Coup porté au projet “Montagne d’Or” : Une application ambiguë de l’article 1 et 3 de la charte de l’environnement par le Conseil constitutionnel

    Article Rédigé par James LEGRIS, Adrian LAKRICHI, avec la participation de Céline LE PHAT VINH

    Lors d’une décision inédite, le Conseil constitutionnel a déclaré le 18 février 2022 la deuxième phrase de l’article L-144-4 du code minier contraire à la constitution et plus particulièrement contraire à la Charte de l’environnement, dans sa version antérieure à la loi climat et résilience (1). Le code minier fait depuis quelques temps face à des modifications, quatre ordonnances viennent compléter la réforme du code minier, initiée par la loi climat et résilience du 22 août 2021 (2). Il est en fait irrémédiable pour le code minier de connaître certains changement: le texte est initialement issu de la loi impériale du 21 avril 1810, qui donna lieu au code minier par décret du 16 août 1956 (3).

    Soutenue par Guyane Nature Environnement, l’association France Nature Environnement (FNE), avait saisi le Conseil constitutionnel par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) afin d’éviter la prolongation d’une concession minière d’or en Guyane (4). La saisine renvoyée par le Conseil d’Etat au Conseil constitutionnel avait pour but de freiner la prolongation de quatre concessions minières sous la direction de la Compagnie Minière de Boulanger. Le projet dit Montagne d’or était donc visée au premier plan.

    Bien que la décision ait des répercussions sur tout le territoire français, elle s’inscrit tout de même dans un cadre particulier, celui de l’exploitation minière dans les territoires d’outre mer. Le projet Montagne d’or, nom repris aussi par la compagnie maître d’ouvrage, est le nom donné à un grand projet minier d’extraction d’or en Guyane (5). Détenu par Nordgold-Orea mining (auparavant Columbus gold), une société russo-canadienne, le projet devait s’adonner à l’exploitation minière sur une surface totale de 125 kilomètres, dont une partie de 8 km² à ciel ouvert. Entre mars et juillet 2018 un débat public a eu lieu afin de recueillir l’avis des guyanais sous la forme d’une consultation, bien qu’il ne fit pas l’unanimité.

    Toutes les concessions minières affectées par la décision du Conseil constitutionnel ne sont pas du même ordre. En effet, alors que le projet Montagne d’or est issu de l’initiative d’une entreprise privée, la société Nordgold-Orea mining, le projet était en fait finalement rejeté par l’Etat. Alors que l’autorisation du projet de concession par Compagnie minière de Boulanger, lui, fut délivré par l’Etat et contesté devant les juridictions administratives par FNE. C’est ainsi qu’une décision du Conseil d’Etat du 28 juillet 2022 vient annuler le décret du gouvernement accordant à la compagnie Boulanger le renouvellement de quatre concessions minières en Guyane en se basant sur la décision du Conseil constitutionnel que nous allons commenter (6).

    I. Un droit minier en lente évolution

    L’association France nature environnement (FNE), par une question prioritaire de constitutionnalité, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2021-971 QPC, contestait la conformité à la Constitution des articles L. 142-7, L. 142-8 et L. 142-9 du code minier et de la seconde phrase de l’article L. 144-4 du même code, tels qu’issus de l’ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 (7). L’article L. 144-4 était le principal article querellé, les autres articles ne l’étant qu’à titre incident. Ce premier article disposait que la prolongation des concessions minières, initialement accordées pour une durée illimitée, est « accordée de droit. » Pour FNE, une telle prolongation aurait eu pour conséquence de prolonger des concessions sans que l’autorité administrative ait pu analyser ou constater des dégradations sur l’environnement.

     Cette QPC s’inscrit dans une évolution lente du droit minier. La loi n° 77-620, du 16 juin 1977, avait mis fin aux concessions à durée illimitée, pour limiter leur octroi à une durée de 50 années. Il était prévu que les concessions originellement perpétuelles devaient expirer le 31 décembre 2018. L’article L. 142-14 du même code permettait la prolongation desdites concessions pour autant que soient respectées les règles en vigueur au moment de la soumission de la demande de prolongation et dans le respect de l’article L. 144-4 (qui est l’article déclaré contraire à la Constitution par cette décision). Ce dernier article disposait que « la prolongation des concessions correspondant à des gisements exploités à cette date est accordée de droit dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du présent titre [c’est-à-dire les articles L. 142-7, L. 142-8 et L. 142-9 du code minier]. ».  Ces derniers articles précisaient, en particulier, que lorsqu’à la date d’expiration de la concession, il n’a pas été statué sur la demande de prolongation, le titulaire peut continuer d’exploiter ladite concession jusqu’au prononcé de sa décision par l’administration.

        Toutefois, la loi du 22 août 2021 a modifié l’article L. 114-3 du code minier, afin d’ajouter que la demande de prolongation est refusée si l’autorité compétente émet un doute sérieux sur la possibilité de procéder aux recherches ou à l’exploitation du type de gisement mentionné sans porter une atteinte grave aux intérêts mentionnés à l’article L. 161-1, qui vise en particulier la protection  de l’environnement.

    C’est bien les textes antérieurs à la loi du 22 août 2021 qui ont été déclarés contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

    II. Sur le débat entre les deux parties à propos de la constitutionnalité de l’article L 144-4 du code minier

    L’article L. 144-4 du code minier dans sa version de 2011 disposait : “Les concessions de mines instituées pour une durée illimitée expirent le 31 décembre 2018. La prolongation des concessions correspondant à des gisements exploités à cette date est accordée de droit dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du présent titre.”

        D’une part, FNE estimait qu’antérieurement à l’entrée en vigueur à la loi du 22 août 2021, l’article L. 144-4 était contraire à la Charte de l’environnement, en ce que la protection de l’environnement ne pouvait pas être prise en compte par l’autorité administrative lorsqu’elle se prononce sur la délivrance d’une prolongation d’une concession

    Au contraire, les représentants des entreprises concessionnaires et le Premier ministre  estimaient que la Charte de l’environnement n’était pas pertinente en l’espèce (8). Ceux-ci faisaient valoir que la concession constitue un titre immobilier qui, en tant que tel, ne peut avoir aucune conséquence sur l’environnement. Ce titre ne permet pas la réalisation de travaux de recherches et d’exploitation, qui supposent l’obtention d’une autorisation subséquente, soumise à des conditions spécifiques, censées garantir la prise en compte des intérêts environnementaux (articles L. 162-3 à L. 162-10). Ils ajoutaient, d’une part, que la loi du 22 août 2021, en imposant la prise en compte des intérêts environnementaux, n’avait pas pour objectif de combler, une lacune —qui précisément n’existerait pas. Pour eux, dans un contexte de contestation des exploitations minières, la prise en compte de ces intérêts, dès le stade de la concession du « titre minier », permettrait de légitimer aux yeux du public cette décision administrative. D’autre part, ils rappelaient que l’administration n’était pas en situation de compétence liée (9). L’article L. 144-4 garantissait seulement l’absence de mise en concurrence de la concession, mais n’exonérait pas l’administration de l’obligation de « s’assurer que, en fonction de la durée d’exploitation accordée, l’exploitant de la concession disposera des moyens économiques et financiers pour exploiter le site et le remettre en état à l’issue de cette exploitation, afin de préserver les intérêts [notamment environnementaux] mentionnés à l’article L. 161-1 du code minier » (CE, 18 décembre 2019, Société Vermilion REP, n° 422271). 

    Autrement dit, et ainsi que la  Cour administrative d’appel de Bordeaux l’avait précédemment précisé, « l’impact direct des travaux d’exploitation sur les intérêts mentionnés à l’article L. 161-1 ne peut être opposé, au regard des dispositions en vigueur du code minier, que dans le cadre de l’instruction de cette demande d’autorisation de travaux, distincte de l’autorisation de prolongation de la concession » (CAA Bordeaux, 16 juillet 2021, Projet « Montagne d’Or », n° 21BX00295). Les intérêts environnementaux ne devraient être pris en compte pour la délivrance d’un titre que pour déterminer la durée de celui-ci. En revanche, pour la délivrance d’une autorisation de travaux, ces intérêts bénéficient d’une protection plus large, afin de vérifier qu’aucune atteinte grave n’est leur est portée.

    III. La première déclaration d’inconstitutionnalité sur le fondement des articles 1 et 3 réunis de la Charte de l’environnement par le Conseil constitutionnel

    Le juge constitutionnel commence par vérifier si la Charte est applicable en l’espèce. Cela suppose que l’application de la norme contrôlée soit susceptible de porter atteinte à l’environnement. Le juge estime que tel est le cas. Cela n’était pas nécessairement évident. Ainsi qu’il a été précédemment montré, le renouvellement d’une concession ne concerne que de façon médiate l’environnement. La concession est un titre patrimonial et ne permet pas, à elle seule, d’entamer des travaux de prospection et d’exploitation, qui supposent l’obtention d’une autorisation subséquente. Seule cette dernière a une influence directe sur l’environnement. Cependant, la concession « détermine notamment le cadre général et le périmètre des travaux miniers » (pt. 11). Selon le juge, elle conditionne de façon suffisante les travaux qui pourront ensuite être réalisés pour être susceptible de porter atteinte à l’environnement. Dès lors, une atteinte médiate suffit, pour autant que cette atteinte ne soit pas minimale, voire dérisoire (par ex. voir la décision n° 2014-394 QPC concernant les servitudes légales de voisinage). Cette appréciation du Conseil constitutionnel s’inscrit pleinement dans sa décision n° 2020-843 QPC, du 28 mai 2020 (10), par laquelle il estimait qu’afin de déterminer si une disposition a une incidence sur l’environnement, « est indifférente à cet égard la circonstance que l’implantation effective de l’installation puisse nécessiter l’adoption d’autres décisions administratives postérieurement à la délivrance de l’autorisation. »

        Le juge évalue de façon concomitante le respect des articles 1er et 3 de la Charte. Le premier consacre le droit de chacun « de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. » Le Conseil constitutionnel ne s’était encore jamais basé sur cet article pour déclarer une disposition inconstitutionnelle. Tout au plus, il peut être rappelé que le juge a dégagé, sur le fondement des articles 1er et 2 de la Charte de l’environnement, une obligation de vigilance, s’imposant à l’État et aux particuliers, à l’égard des atteintes à l’environnement qui pourraient résulter de leurs activités (décision n° 2011-116 QPC). Néanmoins, ce devoir de vigilance constitue une obligation autonome qui ne permet pas réellement d’interpréter l’article 1er. La portée de celui-ci apparaît donc encore imprécise.

        L’article 3 consacre le principe de prévention : « toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences. » L’utilisation du principe de prévention dans le contentieux environnemental est relativement faible, que ce soit devant le Conseil constitutionnel, que devant le Conseil d’État ou la Cour de justice de l’Union européenne. Ce principe impose de traiter à la source les atteintes qui pourraient être commises à l’environnement. Dès lors qu’une telle atteinte est possible, des mesures doivent être prises pour en empêcher la réalisation. Il semble aussi que, dès lors qu’une atteinte a déjà commencé à se produire, la manière d’y mettre fin doit immédiatement être recherchée et mise en œuvre, sans attendre une aggravation de la situation.

        Le Conseil apprécie la légalité de la disposition en cause au regard de deux périodes différentes, à savoir avant et après l’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021. 

    Avant l’entrée en vigueur de cette loi, la prise en compte des intérêts environnementaux, au stade de la concession du titre minier, était limitée. Il était essentiellement question d’évaluer la durée du titre minier au regard des capacités économiques et financières pour exploiter le site et le remettre en état à l’issue de l’exploitation. Le juge semble estimer que ce contrôle est insuffisant pour être conforme aux articles 1er et 3 de la Charte. Le contrôle de la conformité de la procédure à la Charte ne s’accomplit pas globalement, au regard des deux autorisations qui sont nécessaires pour exploiter le site. Autrement dit, est « indifférente la circonstance que certaines de ces conséquences pouvaient être, le cas échéant, prises en considération ultérieurement à l’occasion des autorisations de recherches et de travaux devant se dérouler sur le périmètre de la concession » (pt. 12). 

    En revanche, la disposition en cause est conforme aux deux dispositions de la Charte depuis l’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021. Le Conseil rappelle qu’une telle prolongation « est refusée si l’administration émet un doute sérieux sur la possibilité de procéder à l’exploitation du gisement sans porter une atteinte grave aux intérêts environnementaux mentionnés à l’article L. 161-1 du même code. »
    Le Conseil estime, en revanche, que les articles 2 et 7 de la Charte de l’environnement ne sont pas méconnus. L’article 7, principal fondement de la mise en œuvre de la Charte par le juge constitutionnel, garantit l’accès « aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. » Le juge semble considérer, implicitement, mais nécessairement, que l’article L. 144-4 ne fait pas obstacle à l’application de l’article L. 132-3 du même code, qui dispose que « la concession est accordée après une enquête publique réalisée conformément au […] code de l’environnement. »

    IV. Un risque d’appauvrissement de la Charte de l’environnement ?

    Plusieurs remarques peuvent être faites. Il convient, tout d’abord, de ne pas revenir à la sempiternelle, mais toujours aussi juste critique, concernant la pauvreté rédactionnelle des décisions du juge constitutionnel. Si la brièveté du raisonnement peut être source de bonne administration de la justice pour une cour régulatrice interprétant des règles de droit, tel n’est pas le cas pour un juge constitutionnel interprétant des principes qui appellent, à la fois, un travail plus lourd d’interprétation et à une mise en balance au cas par cas desdits principes.

         D’abord, le juge estime que l’article L. 144-4 est conforme à la Charte depuis l’entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021. Il précise bien que cette disposition exige que le site puisse être exploité « sans porter une atteinte grave aux intérêts environnementaux » (nous soulignons). Est-ce à dire que les articles 1er et 3 de la Charte imposent une action de l’administration seulement en cas d’une atteinte « grave » ? Autrement dit, le juge vient-il implicitement, mais nécessairement, ajouter un critère d’applicabilité à ces deux articles ?

        Ensuite, il est possible de continuer à s’étonner, malgré l’habitude prise par le Conseil, de l’utilisation simultanée de plusieurs articles de la Charte. Il aurait été préférable de distinguer les articles 1er et 3, d’autant plus dans une décision qui apparaît comme la première à se fonder sur l’article 1er.

        Enfin, une troisième critique reprend les deux qui précèdent. Il pourrait être intellectuellement acceptable d’utiliser un critère de la « gravité » pour moduler l’obligation de prévention (article 3). Le cas échéant, des mesures devraient être adoptées afin de prévenir les atteintes graves à l’environnement. En revanche, pour les atteintes peu graves, seule l’obligation de réparation s’appliquerait (article 4, appliqué dans la décision n° 2020-881 QPC du 5 février 2021). Cependant, il ne fait pas sens d’introduire un critère de gravité pour l’application de l’article 1er, qui dispose que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. » Ce droit a vocation à innerver (nous n’oserions plus écrire aujourd’hui « irradier ») l’ensemble du droit et donc de la société. Si une limitation de ce droit peut entrer en jeu, c’est au seul stade de son application, c’est-à-dire au titre du contrôle de la proportionnalité —et non de son applicabilité.

        Le Conseil n’exclut pas clairement une telle interprétation. Cependant, son raisonnement ne permet pas pour autant de la soutenir. Il semble même que son raisonnement s’en éloigne davantage qu’elle s’en approche. En admettant que l’article 1er n’est pas violé, alors que la loi n’impose à l’administration de refuser un titre de concession qu’en présence d’une atteinte « grave », le juge constitutionnel ne se positionne pas dans une logique de mise en balance. La loi de juillet 2021 n’impose pas de mettre en balance la « gravité » de l’atteinte à l’environnement avec l’intérêt à exploiter telle ou telle mine spécifique. La « gravité » n’est pas relative à l’intérêt de poursuivre tel ou tel projet d’exploitation spécifique. La loi pose ce critère de « gravité » pour l’exploitation d’une quelconque mine. Il est question d’une limitation abstraite et générale de la protection accordée à l’environnement.

        Il est dès lors possible de voir, dans une telle décision, un appauvrissement de la Charte qui, s’il devait être confirmé, serait plus que contestable.

    NOTES

    1. Conseil constitutionnel, Décision n° 2021-971 QPC du 18 février 2022, disponible sur : 

    <https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2022/2021971QPC.htm

    2. Ordonnances disponibles sur : 

    <https://www.vie-publique.fr/loi/284827-ordonnances-13-avril-2022-reforme-code-minier#:~:text=Elle%20vise%20%C3%A0%20s’assurer,la%20base%20de%20crit%C3%A8res%20environnementaux

    3. Diana Cooper-Richet, France Archives Loi sur les mines, les minières et les carrières, disponible sur :  

    <https://francearchives.fr/fr/pages_histoire/40091 >

    4. Communiqué de Presse France Nature Environnement, Victoire historique pour l’environnement devant le Conseil Constitutionnel et coup d’arrêt à la mine d’or en Guyane, 18 février 2022, disponible sur : 

    <https://fne.asso.fr/communique-presse/victoire-historique-pour-l-environnement-devant-le-conseil-constitutionnel-et

    5. https://cpdp.debatpublic.fr/cpdp-montagnedor/

    6. CE, 6ème et 5ème chambres réunies, n°456524, disponible sur : 

    <https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-40160-CE-decision-annulation-prolongation-concessions-minieres.pdf

    7. Ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, disponible sur : 

    <https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000023478661/>

    8. Audience du 8 février 2022 de l’affaire n° 2021-971 QPC, disponible sur : 

    <https://www.dailymotion.com/video/x87q0ig>

    9.  En droit administratif, la compétence liée est un pouvoir que son détenteur (ici, l’administration) est obligé d’utiliser, qu’il le veuille ou non. On dit que la compétence est « liée » car elle est encadrée par d’autres textes qui déterminent l’action de l’administration.

    10. Conseil constitutionnel, Décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020, disponible sur : 

    <https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020843QPC.htm

  • Le guide “Quel plan local d’urbanisme pour demain ?”

    Notre Affaire à Tous publie son guide “Quel plan local d’urbanisme pour demain ?”, afin de mettre au clair les nouveaux outils mis en place par la loi climat et résilience pour lutter contre l’artificialisation des sols et gérer le recul du trait de côte, en plus de ceux existants avant la promulgation de cette loi. Ces outils permettent d’adapter l’aménagement et l’urbanisme à la crise environnementale climatique.



    Le législateur a assigné des objectifs très ambitieux aux collectivités publiques : ainsi, “[leur action] en matière d’urbanisme vise [notamment] à atteindre les objectifs [de] lutte contre l’étalement urbain [et] contre le changement climatique […]”. N’oublions toutefois pas qu’en 1983 déjà, la loi enjoignait les collectivités à “gérer le sol de façon économe” ; et que depuis, la part des sols artificialisés en France métropolitaine est passée de 5,2 % à 9 %, au détriment des terres agricoles.

    La loi climat et résilience du 22 août 2021, quant à elle, pose un « objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 ». Inspirée des conclusions de la Convention Citoyenne pour le Climat – bien qu’elle ne porte pas suffisamment haut ses ambitions – la loi climat figure néanmoins une nouvelle avancée en matière de lutte contre l’artificialisation des sols. Ces changements n’entrent pas tous immédiatement en vigueur, et de nombreux décrets d’application seront prochainement publiés. La loi Climat met également en place un calendrier de réformes des documents d’urbanisme applicables (principalement SRADDET, SCoT et PLU(i)) qui s’étale jusqu’en 2027.

    L’idée d’un guide portant sur le plan local d’urbanisme de demain est née à la suite des élections municipales et communautaires de mars et juin 2020. Les thèmes de campagne de ce scrutin portent en effet de plus en plus autour de la politique d’aménagement de la commune et de l’intercommunalité à laquelle elle appartient : à quel point la ville avancera sur les terres agricoles ces six prochaines années (consommation foncière) ? Quel type de constructions, et où (habitat, activités, en centre-ville, en périphérie) ? Quelle ville pour habiter demain (habitats collectifs, lotissement pavillonnaire) ?

    Depuis ces élections, les voix soutenant un objectif de sobriété foncière se font de plus en plus vives : elles ont d’ailleurs porté de nombreuses équipes véhiculant un projet écologiste à la tête d’exécutifs locaux, y compris dans de grandes agglomérations. Désormais, l’urbanisme ne peut plus être seulement conçu comme un processus d’anthropisation des sols visant à organiser l’existence sociale de communautés humaines, mais également comme un vecteur de maîtrise de la transformation de l’environnement dans lequel celles-ci vivent.
    En effet, les problématiques liées à l’aménagement du territoire et à l’urbanisme sont de plus en plus couramment reliées aux problématiques environnementales telles que la qualité de l’air, l’exposition aux nuisances, l’accès aux espaces verts ou la proximité des installations industrielles, qui sont des sujets récurrents au sein du débat public. Le plan local d’urbanisme (PLU(i)) est un document réglementaire qui structure les politiques publiques d’urbanisme et participe donc directement aux politiques de protection de l’environnement.

    Nous avons tenu à développer l’idée du PLU(i) de demain, afin de rendre aux habitant·e·s les rênes des documents structurant leur environnement proche. Notre but est donc de redéfinir l’habiter au service des citoyen·ne·s et de leur qualité de vie à travers les thématiques de la résilience du territoire, du désaménagement, et de la justice sociale.
  • Vers une censure de l’intérêt à agir des associations de protection de l’environnement dans le contentieux administratif ?

    Article Rédigé par Ambre NICOLAS, Marie PAUNER, Céline LE-PHAT-VINH, avec la participation de Edgar PRIOUR, Alexandra GALLON, membres de l’association Notre Affaire A Tous

    Les fondamentaux de l’intérêt à agir des associations de protection de l’environnement et de la nature (APNE) dans le contentieux administratif

    Le droit à un recours effectif est garanti par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui dispose que « toute personne dont les droits et libertés reconnus (…) dans la convention ont été violés a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale ». Sur ce fondement, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) exige des États membres qu’ils prévoient l’existence d’un recours interne permettant « [d’]examiner le contenu d’un grief défendable fondé sur la convention et à offrir le redressement approprié » (CEDH, 26 octobre 2000, Kudia c/ Pologne), et que ce recours soit « effectif en fait comme en droit » (CEDH, 27 juin 2000, Ihlan c/ Turquie). Le Conseil constitutionnel (Cons. Const. 9 avril 1996, n°96-373 DC) et le Conseil d’État (CE, 29 juillet 1998, Syndicat des avocats de France) ont en ce sens consacré le droit au recours comme un principe à valeur constitutionnelle. 

    Ce droit fondamental est toutefois soumis à des règles procédurales internes, au premier rang desquelles figure l’intérêt à agir.

    En matière contentieuse, l’intérêt à agir est une notion centrale, en ce qu’il conditionne la recevabilité d’un recours. Le∙a requérant∙e doit donc prouver l’existence d’un intérêt à agir né, actuel, direct, personnel et légitime afin d’accéder au tribunal. 

    Si la juridiction conclut à l’absence d’intérêt à agir, elle n’examinera pas le fond de l’affaire. En contentieux administratif, cela aura pour effet de maintenir dans l’ordonnancement juridique des actes administratifs potentiellement illégaux, entraînant par ricochet l’illégalité des actes pris sur leur fondement. Tel est le cas des décisions administratives individuelles qui sont prises sur le fondement d’actes administratifs réglementaires, par exemple. 

    Le Conseil d’État, dans son célèbre arrêt du 28 décembre 1906 Syndicat des patrons-coiffeurs de Limoges, pose pour la première fois le principe selon lequel l’intérêt à agir peut être individuel ou collectif. Cette décision a pour effet de reconnaître aux associations – comme aux syndicats – un intérêt à agir en justice.    

    Concernant les associations, il est nécessaire d’établir que les mesures contestées froissent les intérêts collectifs (matériels comme moraux) de l’ensemble des membres des associations, tels qu’ils résultent de leur champ d’intervention fixé par leurs statuts ou les textes les régissant. En matière d’environnement, les associations peuvent rechercher l’annulation de décisions individuelles (par exemple, des décisions portant autorisations en matière d’urbanisme, d’installations classées, de police des eaux…), de décisions règlementaires ou encore d’actes litigieux ayant des conséquences sur l’environnement. 

    Pour décider si une association de défense de l’environnement a un intérêt à agir en justice, le juge administratif va rechercher dans quelle mesure l’acte soumis à son contrôle porte atteinte aux intérêts collectifs correspondant à son objet social. 

    Cependant, le régime de l’intérêt à agir reste dominé par le refus d’admettre l’action populaire (ou actio popularis), qui « permettrait à tout justiciable de saisir le juge administratif de recours contre tout acte administratif » [1]. Ainsi, le Conseil d’Etat a jugé que « l’article 2 de la Charte de l’environnement aux termes de laquelle « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement » ne saurait par lui-même, conférer à toute personne qui l’invoque intérêt pour former un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de toute décision administrative qu’elle entend contester » (CE, 3 août 2011, Mme Buguet).

    En outre, nous verrons au fil de l’article qu’un mouvement contemporain de limitation du droit au recours se développe, au regard d’un double objectif : limiter l’engorgement des juridictions administratives et assurer la protection des droits nés d’une décision administrative.

    La reconnaissance croissante du rôle des APNE

    « C’est une nouvelle transformation des recours contentieux qui se prépare. Jusqu’ici individuels, ils seront de plus en plus collectifs par l’intermédiaire d’associations (…) [qui] montreront plus de hardiesse et (…) d’esprit de suite dans les réclamations contentieuses (…) [et] feront juger des questions qui ne l’ont jamais été (…). C’est une nouvelle ère qui commence » [2].

    Comme le pressentait le doyen Hauriou, la montée en puissance, depuis les années 1970, des phénomènes sociaux que sont les questions environnementales et le rôle du droit et du juge dans les rapports entre l’Etat et les citoyen·ne·s, a conduit au développement du contentieux administratif mêlant protection de l’environnement et droit de l’urbanisme [3]. L’action des associations devient alors nécessaire, afin de contrôler l’administration publique désormais garante de la préservation de l’environnement [4]. Ce développement s’est donc accompagné d’une multiplication de dispositions offrant un large accès à la justice aux associations ー notamment de protection de l’environnement ー, les investissant ainsi d’un rôle de « chien de garde » [5] dans la société démocratique et l’Etat de droit [6].  

    Conscient qu’une grande partie des recours contre les autorisations d’urbanisme sont le fait d’associations de défense et reconnaissant ainsi la pertinence de la question de l’intérêt collectif, le juge administratif avait, dès 1951, admis leur recevabilité à contester un permis de construire [7]. Poursuivant le libéralisme du juge qui entendait largement l’intérêt à agir des associations [8], leur rôle a été pour la première fois consacré par la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, dont l’article 40 conférait à toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement la possibilité « [d’]engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celui-ci ». Cet article permettait également aux associations « régulièrement déclarées et exerçant, depuis au moins trois ans, leurs activités statutaires dans [ce] domaine », de faire l’objet d’un agrément. Dans une logique d’extension de cette disposition, la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement (dite loi Barnier) a élargi le domaine d’activités statutaires et l’objet social des associations, qui regroupent désormais la protection de la nature, l’amélioration du cadre de vie, la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et des paysages, de l’urbanisme, ainsi que la lutte contre les pollutions et les nuisances [9]. Cette loi a par ailleurs inséré à l’ancien article L.252-4 du Code rural et de la pêche maritime, au profit de toute association agréée, une présomption d’intérêt agir « contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec son objet et ses activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l’agrément ». Ces dispositions ont été transférées aux articles L.142-1 et L.142-2 du Code de l’environnement par l’ordonnance du 18 septembre 2000 relative à la partie législative dudit code. 

    Cette codification a été suivie par l’entrée en vigueur, le 30 octobre 2001, de la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Ses articles 2 et 4 disposent que le terme « public » englobe les associations, et contraignent les Etats à rendre leur système juridique national compatible avec l’obligation d’accorder reconnaissance et appui à celles ayant pour objectif la protection de l’environnement. Ainsi, son article 9 prévoit la possibilité, pour toute personne ayant un intérêt suffisant pour agir ou faisant valoir une atteinte à un droit, de former un recours devant une instance juridictionnelle dans une série d’hypothèses correspondant à une violation des dispositions du droit national de l’environnement [10]. La CJUE a eu l’occasion de juger que cet article, « lu conjointement » avec l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux garantissant le droit à un recours effectif, « doit être interprété en ce sens qu’une organisation de défense de l’environnement dûment constituée et fonctionnant conformément aux exigences prévues  par le droit national doit pouvoir contester devant une juridiction une décision d’autorisation d’un projet susceptible d’être contraire » à la législation européenne en matière de protection de l’environnement [11].  

    Est ainsi reconnu le rôle important que jouent des entités telles que les associations environnementales, en leur accordant une forme de qualité pour agir de lege conditionnée aux critères pertinents prévus par le droit interne [12]. 

    Une limitation progressive de l’accès à la justice des APNE

    Cependant, alors que les recours des associations confèrent une effectivité au droit de l’environnement ー en veillant à son respect et en mettant en évidence ses lacunes ー et légitiment la volonté du peuple inscrite à l’article 7 de la Charte de l’environnement consacrant la participation à l’élaboration des décisions publiques environnementales, leur accès au juge tend, notamment dans le contentieux de l’urbanisme, à être remis en cause [14]. 

    Ce mouvement de restriction a été entamé par la loi du 13 juillet 2006, qui a introduit l’article L.600-1-1 dans le Code de l’urbanisme. Cet article disposait alors que : « Une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ». Si cette disposition avait pour fondement la limitation du risque d’insécurité juridique des porteurs de projets en paralysant les recours dits abusifs, et a donc été déclarée conforme à la Constitution [15], sa modification par la loi ELAN du 23 novembre 2018 tend toutefois à sérieusement remettre en cause le droit au recours des associations. L’article impose désormais que le dépôt des statuts soit intervenu « au moins un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire », et apparaît donc disproportionné au regard des enjeux environnementaux dont les associations assurent la préservation devant le juge administratif de la légalité des autorisations d’urbanisme.

    Par ailleurs, en affaiblissant grandement la teneur de la participation du public, la loi ASAP du 7 décembre 2020 s’inscrit dans cette lignée. En son article 44, elle prévoit notamment la réduction du délai d’exercice des demandes de concertation préalable des associations agréées, afin de débattre des impacts significatifs sur l’environnement et l’aménagement du territoire des projets, plans ou programmes concernés, de quatre à deux mois [16]. 

    Ainsi, en dépit d’un essor de l’intérêt à agir des associations de protection de l’environnement dans le contentieux de l’urbanisme dans les années soixante-dix, force est de constater son déclin depuis quelques années, « dont l’objet inavoué n’est rien d’autre que d’empêcher l’expression d’une liberté fondamentale : le droit au juge » [17].  L’heure ne semble plus à la garantie du rôle de « chien de garde » des associations […], mais « à la limitation de la capacité de recours […] par le jeu des délais ou des conditions d’intérêt à agir » [18]. En l’état actuel de la législation urbanistique, « les intérêts économiques auront [donc] eu raison de la démocratie environnementale » [19].

    Par ailleurs, la loi de modernisation de la justice de 2016 avait créé la possibilité pour les APNE agréées ou déclarées depuis 5 ans ayant un objet statutaire approprié, d’avoir recours à l’action de groupe environnementale. Cette innovation procédurale s’est toutefois soldée par un échec du fait de la lourdeur des conditions d’accès à ce type de recours [20].

    En outre, la protection de l’environnement commence par la possibilité de dénoncer et révéler les illégalités commises au regard du droit de l’environnement interne. Or, les multiples conditions que les APNE doivent satisfaire pour ne pas risquer de voir leur recours jugé irrecevable pour défaut d’intérêt à agir freinent celles-ci dans leurs actions, lorsqu’elles ne sont pas en possession de l’agrément prévu au titre de l’article L. 141-1 du Code de l’environnement. Les associations agrées ne suffisent pourtant pas à couvrir l’ensemble du territoire français et ainsi à réaliser cette mission de « chien de garde » de l’environnement reconnu par le juge jadis. De plus, ces freins se cumulent aux pressions conjoncturelles et structurelles que subit le monde associatif (baisse des subventions, suppression des emplois aidés, procès baillons…), ce qui empêche d’autant plus ces acteurs de réaliser leur mission.

    Se pose alors la question de la compatibilité de telles régressions et insuffisances avec la jurisprudence de la CJUE, qui considère que les règles nationales « doivent […] assurer un large accès à la justice » [21], et ne peuvent être aménagées de manière à rendre impossible pour les associations d’exercer leur droit d’ester en justice pour défendre l’intérêt général [22]. 

    Etant donné les faibles moyens pour garantir le respect de la législation interne, et la prééminence des actions citoyennes, il est donc primordial de rechercher des solutions d’ordre processuel pour permettre au plus grand nombre de défendre l’environnement et la nature. Ainsi, afin d’atteindre une meilleure protection de l’environnement : « L’enjeu est toujours le même : plus les conditions d’accès au juge sont souples, plus le droit de l’environnement a des chances de s’appliquer » [23].

    Par conséquent, l’association Notre Affaire A Tous propose plusieurs pistes de réflexion pour ouvrir l’accès à la justice à l’ensemble des usager∙e∙s de la justice environnementale.

    Propositions pour une levée des freins d’ordre processuels et une extension de l’accès à la justice environnementale

    1. Supprimer la condition d’ancienneté des APNE en contentieux de l’urbanisme

    L’agrément « environnement » sert en réalité à scinder les APNE en deux catégories, et l’une serait plus légitime que l’autre à accéder au juge pour demander le respect du droit.

    « L’agrément différencie les associations ayant un intérêt focalisé, un intérêt local diversifié, un intérêt pluridimensionnel à qui l’agrément peut être conféré, des associations ayant un intérêt local ponctuel et des associations para-administratives » [24].

    Désormais, cette analyse séparatiste s’est complexifiée, enterrant le « succès de l’acronyme NIMBY (Not In My Backyard), significativement présenté comme un « syndrome » par les élus et les professionnels de l’urbanisme et de l’aménagement » [25]. Les conflits localisés ne sont en réalité que la conséquence de l’échec de l’adhésion du public à un projet qui impacte leurs droits fondamentaux, dont le droit à un environnement sain. Un projet irrespectueux de l’environnement doit donc pouvoir être contesté par les personnes désireuses de représenter l’intérêt de la protection de l’environnement.

    C’est pourquoi Notre Affaire demande que soit supprimée la condition d’ancienneté de l’association requérante d’un an avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, fixée à l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme, alors que le droit européen et le droit international prévoient un large accès à la justice en matière environnementale.

    2. Élargir l’accès au juge aux citoyen·ne·s et particulièrement aux victimes climatiques

    La reconnaissance de l’actio popularis permettrait à tou·te·s citoyen·ne·s de demander la réparation des dommages causés, en leur ouvrant le droit de défendre les intérêts collectifs et les droits de la nature.

    Il est possible d’encadrer l’actio popularis pour ne la permettre qu’à certaines conditions : en démontrant sa compétence spéciale dans le domaine concerné [26], en limitant cette action à celles et ceux dont les intérêts personnels ont été atteints, « ou encore en s’inspirant du droit chilien, [en admettant] que toute personne vivant dans le voisinage du lieu de pollution peut agir en défense des intérêts collectifs environnementaux » [27], par exemple.

    Notre Affaire A Tous, constatant l’impact disproportionné du dérèglement climatique et la violation des droits fondamentaux subis par les personnes les plus fragiles [28], souhaite plus particulièrement que cette actio popularis soit ouverte aux victimes climatiques, notamment par le biais du droit à un environnement sain

    Le droit à un environnement sain tend progressivement à être reconnu aux niveaux international (droit humain essentiel pour l’exercice des autres droits selon une résolution récente du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies [29]), européen (en tant que principe d’interprétation et de source de règles procédurales [30]), et interne (par déduction des articles 2 et 3 de la Charte de l’environnement, malgré la réticence du Conseil d’Etat [31]).

    Bien qu’encore insuffisamment encadré, la reconnaissance progressive du droit à un environnement sain permettrait de soutenir les actions citoyennes provenant des victimes climatiques, qui sont nombreuses en France : une première action juridique a été intentée en ce sens. 43 parents ont en effet demandé au préfet de la Drôme qu’il se saisisse de ses compétences pour assurer la santé alimentaire de leurs enfants, et demandent ainsi à ce que soit appliqué le droit de l’environnement au sein de leur territoire [32].

    Notre Affaire A Tous estime que les victimes climatiques, atteintes dans leur droits fondamentaux, doivent pouvoir accéder aux juges pour demander réparation de leur préjudice, tout en représentant les intérêts de la nature.

    3. Prévoir des espaces de démocratie locale dédiés à l’environnement

    En premier lieu, dans le but d’instaurer un dialogue environnemental dirigé au niveau local impliquant les collectivités territoriales, Notre Affaire A Tous souhaite que soient créées des Maison de l’accès à la justice écologique (MAJE) [33]. Cette proposition avait été développée par les élu.e.s du Groupe Ecologiste de Paris 20e et groupe Génération.s 20e [34]. La MAJE permettrait ainsi non seulement de mettre à disposition des ressources pour les usager∙e∙s de la justice environnementale, mais serait également un espace de médiation environnementale. En sus, elle permettrait de déployer toutes les procédures de participation et d’information du public dans un même lieu.

    Le bureau de l’accès aux ressources en justice écologique est le point central, la première ligne de la MAJE : les citoyennes et citoyens qui s’estiment en prise avec un différend écologique viennent y exposer, en confidentialité, leur problème à un membre de l’équipe technique qui les oriente vers la seconde ligne, plus spécialisée. La MAJE est un incubateur de médiations environnementales : s’y forment des médiateur·trice·s aux processus nécessaires dans un milieu visant à les développer, en amont de contentieux ou dans l’exécution de décisions. 

    Par des échanges d’expériences, par des rencontres, les initiatives ainsi conduites permettraient de donner un corps pratique aux dispositions de la Convention d’Aarhus, et de rendre visible et lisible aux citoyen·ne·s l’accès à l’information et à la justice. Cette mutualisation dès l’origine serait extrêmement porteuse de potentialités. Des premières approches sont conduites dans quelques territoires, qu’il conviendrait de concrétiser. Notre Affaire A Tous souhaite que de telles initiatives soient approfondies et mises en place.

    En deuxième lieu, Notre Affaire A Tous souhaite que soit créé un poste de Défenseur·e de l’environnement sur le modèle de celui de Défenseur∙e des droits, tel que proposé par la Convention Citoyenne pour le Climat. 

    Sur mission du Premier ministre, la députée LREM Cécile Muschotti a ainsi rendu un rapport « création d’un défenseur de l’environnement et des générations futures » le 16 juillet 2021, dans lequel sont étudiées les conditions de sa faisabilité. Le·a Défenseur·e de l’environnement serait ainsi à la fois garant·e des règles et médiateur·trice entre les acteurs.trices − notamment entre l’administration et les administré·e·s −, ce qui répondrait au manque de confiance ressenti par les citoyen·ne·s.

    L’augmentation de la médiation environnementale permettrait d’une part une résolution des conflits plus diverse, et d’autre part aux jeunes associations qui ne possèdent pas l’agrément et aux citoyen·ne·s impactées par la crise environnementale, d’exercer leur mission de « chien de garde » auprès de l’Etat, et d’accéder à une résolution des conflits.

    Il n’existe pas encore aujourd’hui d’entité publique incarnant clairement et seulement la protection de l’environnement qui servirait d’interlocuteur∙trice et d’intermédiaire entre les pouvoirs publics et les administré∙e.s.

    Notre Affaire à Tous demande que cette proposition de création du poste de Défenseur·e de l’environnement soit reçue positivement et mise en place. Néanmoins, il sera préférable de déterminer précisément les moyens donnés à ce poste en termes de pouvoirs d’investigation et de sanction. Les contours de sa mission seront donc à définir pour que ce poste apporte une réelle plus-value au manque de dialogue environnemental et au manque de ressources en justice environnementale.

    NOTES

    [1] GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry, Lexique des termes juridiques 2021-2022

    [2] Conseil d’Etat, 21 décembre 1906, Syndicat des Propriétaires et Contribuables du Quartier Croix de Seguey Tivoli. Rec. 962. Concl. Romieu; S. 1907, 3, 33, note Hauriou; D. 1907, 3, 41, concl. Romieu, In : HOSTIOU René,  « Aménagement et environnement : le contentieux associatif devant les juridictions administratives », Droit et Ville, 1980, n° 9-10, p. 216

    [3]  BUSSON Benoist, « Le mauvais procès des recours des associations : faux arguments et vraies menaces » In: Revue Juridique de l’Environnement [en ligne], n°1, 2001. pp. 59-71, [consulté le 04/11/2021]

    [4] REHBINDER Eckard, « L’action en justice des associations et l’action populaire pour la protection de l’environnement » In: Revue Européenne de Droit de l’Environnement [en ligne], n°1, 1997. pp. 16-42 [consulté le 04/11/2021]

    [5] CEDH, 27 mai 2004, Vides Aizsardzibas Klubs c/ Lettonie

    [6] BUSSON Benoist, « Le mauvais procès des recours des associations : faux arguments et vraies menaces » In: Revue Juridique de l’Environnement [en ligne], n°1, 2001. pp. 59-71, [consulté le 04/11/2021]

    [7] Conseil d’Etat, 14 décembre 1951, Société pour l’esthétique générale de France, In : SOLER-COUTEAUX Pierre et CARPENTIER Elise, Droit de l’urbanisme (7e édition), HyperCours, Dalloz, 2019, 1128 p

    [8] HOSTIOU René,  « Aménagement et environnement : le contentieux associatif devant les juridictions administratives », Droit et Ville, 1980, n° 9-10

    [9] Ancien article L.252-1 du Code rural et de la pêche maritime

    [10] THIEFFRY Patrick, Traité de droit européen de l’environnement et du climat (4e édition), Bruxelles, Bruylant, 2020,1862 p.

    [11] CJUE, 20 décembre 2017, Protect Natur-, Arten und Landschaftsschutz Umweltorganisation c/ bezirkshauptmannschaft Gmünd, In : THIEFFRY Patrick, Traité de droit européen de l’environnement et du climat (4e édition), Bruxelles, Bruylant, 2020,1862 p.

    [12] Communication de la Commission européenne du 28 avril 2017 sur l’accès à la justice en matière d’environnement, C(2017), 2616 final

    [13] HOSTIOU René,  « Aménagement et environnement : le contentieux associatif devant les juridictions administratives », Droit et Ville, 1980, n° 9-10

    [14] BUSSON Benoist, « Le mauvais procès des recours des associations : faux arguments et vraies menaces » In: Revue Juridique de l’Environnement [en ligne], n°1, 2001. pp. 59-71, [consulté le 04/11/2021]

    [15] Conseil constitutionnel, Décision n° 2011-138 QPC du 17 juin 2011, Association Vivraviry [Recours des associations]

    [16] BOUSQUET Jérémy, « Le volet environnemental de la loi ASAP, une régression », AJ Collectivités territoriales [en ligne], 2021, p.74, [consulté le 14/11/2021]

    [17] BUSSON Benoist, « Le mauvais procès des recours des associations : faux arguments et vraies menaces » In: Revue Juridique de l’Environnement [en ligne], n°1, 2001. pp. 59-71, [consulté le 04/11/2021]

    [18]  BOUSQUET Jérémy, « Le volet environnemental de la loi ASAP, une régression », AJ Collectivités territoriales [en ligne], 2021, p.74, [consulté le 14/11/2021]

    [19] Ibid

    [20] RADISSON Laurent, “Pourquoi l’action de groupe environnementale ne fonctionne pas”, Actu-environnement, 19 juin 2020, disponible sur : <https://www.actu-environnement.com/ae/news/action-groupe-environnement-rapport-mission-assemblee-nationale-35684.php4 >

    [21] CJUE, 15 octobre 2009, Djurgården-Lilla Värtans Miljöskyddsförening c/ Stockholms kommun genom dess marknämnd, C-263/08

    [22] Communication de la Commission européenne du 28 avril 2017 sur l’accès à la justice en matière d’environnement, C(2017), 2616 final

    [23] HAUTEREAU-BOUTONNET Mathilde, et TRUILHE Eve. « Des procès pour renforcer l’effectivité du droit de l’environnement », Les Cahiers de la Justice, vol. 3, no. 3, 2019, pp. 431-440

    [24] LEOST Raymond, « L’agrément des associations de protection de l’environnement », Revue juridique de l’environnement, 1995, n°2, pp. 265-285

    [25] DECHEZELLES Stéphanie et OLIVE Maurice, « Introduction », Norois [En ligne], 238-239 | 2016, mis en ligne le 17 octobre 2016, consulté le 02 décembre 2021. Disponible sur : < Http://journals.openedition.org/norois/5843> 

    [26] GIP Mission de recherche Droit et Justice (convention de recherche n° 216.09.28.12 du 29 septembre 2016), Le procès environnemental, Du procès sur l’environnement au procès pour l’environnement, sous la direction de Eve TRUILHE,  Mathilde HAUTEREAU-BOUTONNET, CERIC (CNRS- Aix-Marseille Université), Institut de Droit de l’Environnement (UMR5600 EVS) Université de Lyon 3, Recherche achevée en 2019-05-12, disponible sur :

    < http://www.gip-recherche-justice.fr/publication/le-proces-environnemental-du-proces-sur-lenvironnement-au-proces-pour-lenvironnement/>

    [27] Ibid.

    [28] BAUDOUIN Clothilde et ZALCMAN Julie, Un climat d’inégalités, Les impacts inégaux du dérèglement climatique en France, 2020, Notre Affaire A Tous, disponible sur : <https://preprod.notreaffaireatous.org/wp-content/uploads/2020/12/InegalitesClimatiques_rapport.pdf>

    [29] Conseil des droits de l’homme, Nations Unies, A/HRC/RES/48/13, 18 octobre 2021, disponible sur : <https://undocs.org/fr/A/HRC/RES/48/13 >

    [30] CORNE James, Le droit à un environnement sain en droit de l’UE, N°9 Newsletter des affaires climatique – Droit à un environnement sain, 18 novembre 2020, disponible sur : <https://preprod.notreaffaireatous.org/wpcontent/uploads/2021/03/CORNE_UE_Partie_2.docx.pdf?utm_source=sendinblue&utm_campaign=La_newsletter_des_affaires_climatiques_n10_!&utm_medium=email#:~:text=Page%204,Le%20droit%20%C3%A0%20un%20environnement%20sain%20en%20droit%20de%20l,substantiellement%20diff%C3%A9rente%E2%80%8B7%E2%80%8B.>

    [31] V. CE, 3 août 2011, n° 330566, B. et a. : Environnement et dév. Durable, 2011, comm. 124, note P. TROUILLY

    [32] KUSY Yannick (France 3 Auvergnes Rhône-Alpes), 43 parents drômois reprochent au préfet de ne pas suffisamment agir pour leur territoire, 15 avril 2021, disponible sur  : <https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/rhone/lyon/securite-environnementale-43-parents-dromois-reprochent-au-prefet-de-ne-pas-suffisamment-agir-pour-leur-territoire-2044219.html >

    [33] Les Verts/ ALE, Notre Affaire A tous, Marie TOUSSAINT, Guide à destination des collectivités territoriales, Pour les droits de la nature, revivifier la démocratie locale et l’aménagement du territoire, disponible sur : <https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/marietoussaint/pages/218/attachments/original/1627028835/MARIE_2021_livret_A4_20p_web.pdf?1627028835>

    [34] Conseil d’arrondissement du 29 mars 2021 Paris 20ème ,Vœu relatif à la création d’une Maison de l’accès à la Justice écologique (MAJE), Disponible sur  :

    <https://cdn.paris.fr/paris/2021/03/31/5bad228dbba54941679cfce85eb218d9.pdf