Auteur/autrice : Notre Affaire à Tous

  • Censure de la loi d’orientation agricole : le Conseil constitutionnel permet d’éviter le pire

    Article rédigé par Alice Renaud.

    Contexte

    La loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et le renouvellement des générations en agriculture, qui remet en cause un grand nombre de garanties environnementales, a été adoptée rapidement par le Parlement avant le début du salon de l’agriculture. Le Conseil constitutionnel a été saisi avant sa promulgation par les députés écologistes et insoumis. Notre affaire à tous a déposé une contribution extérieure pour appuyer et compléter leurs arguments. 

    Décision

    Par une décision n° 2025-876 DC du 20 mars 2025, le Conseil constitutionnel a censuré 18 articles soit près d’un tiers de la loi. 

    • 11 articles ont été considérés comme des cavaliers législatifs ou ont méconnu la règle de l’entonnoir ;
    • 7 articles étaient contraires, pour des motifs de fond, à la Constitution.

    Précisions

    Si le projet de loi d’orientation agricole avait été pensé pour répondre aux demandes des agriculteurs en crise, une partie de la loi qui est sortie des couloirs du Parlement visait à affaiblir les protections environnementales relatives à l’agriculture et à la biodiversité. Le juge constitutionnel a heureusement permis de limiter une telle dérive sur un certain nombre de points.

    Les articles censurés sur le fond

    Il a notamment censuré, au sein de l’article 1er, l’alinéa qui empêchait le pouvoir réglementaire d’aller au-delà des règles européennes dans le domaine de l’agriculture. Le Conseil constitutionnel considère, qu’en vertu de l’article 37 de la Constitution, le gouvernement dispose de compétences propres dont il ne peut être privées, par le pouvoir législatif, au profit de l’Union européenne. Cette interprétation inédite du principe de séparation des pouvoirs permet de censurer cet alinéa et de laisser une liberté au pouvoir réglementaire afin de protéger plus fortement certains intérêts. 

    L’article 2, qui introduisait le principe de non-régression de la souveraineté alimentaire, est censuré en ce qu’il méconnaît l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi et le principe de séparation des pouvoirs. Cette censure est bienvenue puisque ce principe aurait pu être opposé au principe de non-régression de la protection de l’environnement dès lors qu’il était défini comme la protection du potentiel agricole de la Nation ne pouvant faire l’objet que d’une amélioration constante. Le Conseil constitutionnel décide que cet article est susceptible de faire obstacle à l’exercice du pouvoir réglementaire en ce qu’une évaluation systématique des textes qui pourraient avoir une incidence, même lointaine, sur l’agriculture ou la pêche aurait dû être effectuée. 

    Le juge constitutionnel a également censuré l’article 31 qui instaurait une présomption de non-intentionnalité, lorsque l’exploitant exécute une obligation légale, réglementaire ou administrative, concernant l’atteinte aux espèces protégées et à leurs habitats naturels rendant beaucoup plus simple de ne pas être condamné pour ce délit. Cet article est contraire au principe de légalité des délits et des peines dès lors qu’il faisait dépendre le champ d’application de la loi pénale d’une décision administrative. 

    L’article 35, qui introduisait une présomption de bonne foi de l’exploitant, obligeait à prioriser les procédures alternatives aux poursuites pénales et permettait à l’exploitant de ne pas être sanctionné si le manquement reposait sur une norme en contradiction avec une autre norme, a aussi été déclaré contraire à la Constitution. Pour les juges, cet article était, en partie, dépourvu de portée normative et inintelligible. 

    Enfin, l’article 48, qui excluait les piscicultures, c’est-à-dire l’élevage de poissons en bassin artificiel, du régime de protection IOTA, méconnaît les articles 1 et 3 de la Charte de l’environnement. Cette nomenclature permet, selon le Conseil constitutionnel, d’empêcher certaines atteintes à l’environnement et sa suppression pour ce type d’activités n’est pas remplacée par un autre moyen de protéger l’eau et les milieux aquatiques ce qui met en péril l’environnement. 

    Les cavaliers législatifs

    La censure de certains articles de la loi d’orientation agricole, sur le fondement de l’article 45 de la Constitution, permet d’empêcher des atteintes graves à l’environnement. 

    En effet, l’article 33 déclarait les travaux forestiers, notamment les travaux d’exploitation incluant la récolte des bois destinés aux filières industrielles et énergétiques, comme d’une part, indispensable à la préservation des écosystèmes et, d’autre part, des activités d’intérêt général sécurisées juridiquement tout au long de l’année. Le Conseil constitutionnel a expliqué qu’il ne présentait aucun lien avec le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. 

    Un autre cavalier législatif important à relever est l’article 42 de la loi qui excluait du décompte du zéro artificialisation nette les bâtiments agricoles et vidait en partie de sa substance cet objectif important pour l’atténuation au changement climatique et l’adaptation à celui-ci. 

    La non-censure de certaines menaces

    Bien que la décision du Conseil constitutionnel a permis de protéger certaines garanties environnementales que le Parlement essayait de supprimer, certains articles déclarés conformes à la Constitution demeurent des menaces pour la préservation de l’environnement. 

    Le juge constitutionnel n’a censuré que partiellement l’article 1er de la loi. Il n’a pas déclaré contraire à la Constitution le fait que la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche étaient d’intérêt général majeur et constituaient des intérêts fondamentaux de la Nation. D’après lui, cette partie de l’article 1er constitue une loi de programmation qui détermine les objectifs de l’action de l’Etat. Il ne peut donc pas se substituer au pouvoir du Parlement et se prononcer sur l’opportunité des objectifs que le législateur assigne à l’action de l’Etat. Toutefois, cet article pourrait avoir des conséquences réelles sur l’environnement si l’interprétation qui lui est donnée inclut toute la chaîne de valeur des produits agricoles comme l’installation d’usines agroalimentaires.

    Le Conseil constitutionnel valide également le principe “pas d’interdiction sans solution” institué par l’alinéa 14 du 1er article de la loi qui empêche les autorités d’interdire des produits phytosanitaires autorisés par l’Union européenne s’il n’existe pas de solution pour les remplacer. Aussi, même si des études scientifiques établissent la dangerosité d’un ces produits, les autorités françaises ne pourront en prendre acte et devront attendre que l’Union européenne l’interdise. D’après le Conseil constitutionnel, cette disposition est programmatique et n’est pas contraire au droit de vivre dans un environnement sain. Il est cependant possible d’espérer une déclaration d’inconventionnalité de cet article dès lors que l’article 71 du règlement n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 oblige chaque Etat-membre à tirer les conséquences de la dangerosité avérée d’une substance active en l’interdisant dans l’attente d’une action à l’échelle européenne. 

    La différence de traitement permise par l’article 32 est justifiée, selon les juges, au regard de la nature de l’activité d’élevage et des variations qu’elle peut connaître. Les exploitants d’élevage sont donc davantage susceptibles de franchir les seuils d’application du régime de déclaration ou d’enregistrement des ICPE. Ainsi, le fait que l’amende soit 100 fois moins élevée (450 euros à la place de 45 000 euros) que pour les autres industriels lors d’un dépassement des seuils de maximum 15%, ne viole pas le principe d’égalité. Le Conseil constitutionnel explique qu’il ne voit pas le lien entre le montant très faible de l’amende et un manquement à l’article 1er ou 3 de la Charte de l’environnement. Pourtant, il paraît évident qu’une amende très faible n’est pas dissuasive pour les exploitants d’élevage ce qui affaiblit le régime protecteur qui découle de la nomenclature des ICPE. 

    Enfin, le Conseil constitutionnel valide la facilitation de la modification du régime de déclaration ou d’autorisation des retenues collinaires ce qui rendrait, à terme, la mise en place de méga-bassines plus simple. 

    Aussi, si la décision du Conseil constitutionnel permet d’éviter une grande partie des dangers initiaux de la loi d’orientation agricole, il faudra rester vigilant sur les conséquences de certains des articles validés rue de Montpensier. 

  • Commentaire de l’arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2025 : Victimes et référé pénal environnemental

    Article rédigé par Manolo Cléarc’h-Chalony.

    Les riverains des installations industrielles et les associations de protection de l’environnement sont-elles des personnes concernées par la procédure de référé pénal environnemental ?  La Cour de cassation apporte une réponse négative dans son arrêt du 18 mars 2025 (pourvoi n° 24-81.339). 

    Selon la haute juridiction judiciaire, les riverains affectés par les émissions de PFAS et les associations qui les soutiennent ne sauraient être qualifiées de “personne concernée” au sens de l’alinéa 5 de l’article L. 216-13 du Code de l’environnement. Par conséquent, elles ne peuvent pas interjeter appel de l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention (JLD) refusant de prononcer des mesures pour mettre un terme aux infractions à la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). La procédure de référé pénal environnemental est donc la chose du Ministère public et du mis en cause, au détriment des victimes, personnes réellement concernées. 

    Celles-ci sont pourtant à l’origine de l’ouverture de la procédure. 

    En l’espèce, aux mois de mai et juillet 2023, quarante-sept riverain.e.s, soutenu.e.s par onze associations, représentés par le cabinet Kaizen Avocat, ont demandé au Procureur de la République de Lyon d’adresser une requête au JLD. Leur objectif était alors d’obtenir “toute mesure utile” (1) de nature à faire cesser les infractions aux obligations de l’industriel en matière d’installations classées. Il était notamment reproché à l’exploitant de ne pas limiter la quantité de PFAS rejetés dans ses effluents aqueux. Au mois d’octobre 2023, le Procureur a accédé à cette demande et a saisi le JLD, comme le prévoit le Code de l’environnement. 

    Après avoir écarté les questions prioritaires de constitutionnalité (2) soulevées par l’industriel, le JLD a, par ordonnance du 16 novembre 2023, rejeté les demandes du Procureur. Les motifs de la décision indiquent que “les mesures utiles permettant de mettre un terme à la pollution, et à tout le moins d’en limiter les effets” ont été “prises par le préfet dans” plusieurs arrêtés publiés en 2022 et 2023. Partant, le JLD conclut que “le non-respect des prescriptions relatives” aux installations classées “n’était donc pas ou plus caractérisé” au jour de la requête du Procureur. 

    En application de l’alinéa 5 de l’article précité, le collectif de victimes et d’associations à l’origine de la procédure a interjeté appel. L’article en question dispose que “la personne concernée ou le Procureur de la République peut faire appel de la décision du juge des libertés et de la détention dans les dix jours suivant la notification ou la signification de la décision.” 

    Le 11 janvier 2024, la chambre de l’instruction de la Cour d’Appel de Lyon a toutefois jugé l’appel des riverains et associations irrecevable. L’arrêt retient ainsi “qu’il est évident que les personnes physiques et les personnes morales concernées”, au sens de l’alinéa 5, sont “les personnes soupçonnées de ne pas respecter les prescriptions” relatives aux installations classées pour la protection de l’environnement. En d’autres termes, seul l’exploitant industriel serait à même de contester la décision du JLD, à l’exclusion des autres parties de la procédure. 

    Cette interprétation n’a toutefois rien d’évident. C’est pourquoi le collectif à l’initiative de la procédure, ainsi que l’Avocat général, se sont pourvus en cassation. 

    Les riverains et associations ont, en premier lieu, soutenu que la rédaction de l’article L. 216-13 du Code de l’environnement reflète la volonté du législateur de faciliter l’intervention des associations dans la procédure de référé pénal environnemental. 

    Depuis sa création en 1992, le référé pénal environnemental permet aux associations de protection de l’environnement de saisir le Procureur de la République des manquements des installations industrielles. Cette procédure a, par la suite, fait l’objet de réformes (3) qui ont étendu son champ d’application, sans que la participation des associations ne soit remise en cause. Et pour cause, la ratio legis de cette procédure est de permettre aux associations et aux victimes d’agir lorsque l’autorité compétente fait défaut. Les riverains et riveraines jouent tout autant ce rôle de sentinelle. Comme le note la doctrine, “les victimes d’atteintes à l’environnement ne manqueront ainsi pas dorénavant de solliciter du JLD – ou au juge d’instruction – la prise des mesures conservatoires que le préfet se serait abstenu ou aurait refusé de prendre” (4). 

    Si les associations et les personnes vivant à proximité des installations industrielles jouent un tel rôle dans le déclenchement de la procédure, pourquoi le législateur aurait-il souhaité les priver du droit d’appel ? L’économie de l’article L. 216-13 se trouverait alors bouleversée et il serait difficilement compréhensible que l’interprétation de ce texte retire d’une main ce que le législateur a donné de l’autre. 

    Le collectif à l’origine de la procédure soutient, d’ailleurs, que le législateur utilise des termes différents, à l’intérieur même de la rédaction de l’article L. 216-13 du code de l’environnement, pour désigner l’exploitant industriel et les autres parties. Ainsi l’alinéa 3 de l’article précité fait-il référence à la personne “intéressée”, et non pas “concernée”, pour désigner le responsable d’exploitation. Dans son réquisitoire devant la Cour d’appel, le Procureur Général de Lyon avait, d’ailleurs, souligné cette subtilité rédactionnelle pour conclure à la recevabilité de l’appel. 

    La Cour de cassation ne s’est toutefois pas adonnée à une analyse sémantique de l’article précité, ni à fournir une cohérence d’ensemble à l’article L. 216-13. Elle se contente de rejeter sèchement le pourvoi en rappelant que “pour déclarer irrecevable l’appel formé par les demandeurs, l’arrêt attaqué énonce que la personne concernée, titulaire du droit de relever appel de la décision du juge des libertés et de la détention en matière de référé environnemental, ne peut être que la personne soupçonnée de ne pas respecter les prescriptions imposées par les dispositions visées par l’article L. 216-13 du code de l’environnement”. 

    A l’instar de son arrêt en date du 14 janvier 2025 (5), la Cour de cassation restreint l’accès à la procédure aux riverains et associations en leur refusant la qualité de parties. Elle donne ainsi davantage de poids à l’aspect pénal de la procédure de référé, plutôt qu’à son caractère environnemental. Cet arbitrage du Quai de l’Horloge est regrettable à double titre. En premier lieu, en ce qu’il prive la procédure de sa visée préventive. En second lieu, en ce qu’il entretient un trouble sur la régime de la procédure de référé pénal environnement, à rebours des dernières avancées jurisprudentielles. 

    Le référé pénal environnemental vise avant tout à ce qu’il soit mis un terme rapidement aux manquements constatés, dans un objectif de prévention des atteintes à l’environnement ou de leur aggravation. Comme le souligne certains auteurs, l’intérêt principal de cette procédure réside dans “l’édiction rapide de mesures de nature à faire cesser l’atteinte en cours” (6). Dans ces conditions, “l’absence de droit d’initiative des victimes semble injustifiée” (7), l’objectif de cessation des atteintes à l’environnement semblant davantage relever des intérêts civils, de surcroît lorsqu’une association agréée de protection de l’environnement est à l’origine de la procédure. 

    En déniant la qualité de personne concernée aux acteurs à l’origine du référé pénal environnemental, la Cour de cassation vide de sa substance la visée préventive de l’article L. 216-13 du Code de l’environnement et amoindri le rôle de vigie conféré à la société civile dans cette procédure. L’inertie initiale des services préfectoraux en charge de la police de l’environnement ne sera, in fine, que transférée aux services des Parquets. Ces derniers manquent déjà de moyens et, souvent, de connaissances spécifiques en matière environnementale (8). Atteindre les objectifs de célérité et d’efficacité de la procédure de référé pénal environnemental semblent, dans ces conditions, relever davantage du vœu pieu que de la réalité économique des Tribunaux.

    Le récent arrêt de la Cour de cassation contribue, par ailleurs, à entretenir le trouble au sujet du régime procédural et des objectifs du référé pénal environnemental. Alors que plusieurs décisions avaient clairement distingué cette procédure des règles classiques de la procédure pénale, la Haute juridiction signe ici une décision contraire. 

    La procédure de référé pénal environnemental n’a pas pour objectif de rechercher la responsabilité pénale de l’auteur des manquements. En effet, la Cour de cassation elle-même a jugé que la procédure de référé pénal environnemental “ne subordonne pas à la caractérisation d’une faute de la personne concernée de nature à engager sa responsabilité pénale le prononcé par le JLD, lors d’une enquête pénale, de mesures conservatoires” (Crim, 28 janvier 2020, n°19-80.091). 

    Le Conseil Constitutionnel (9) a également pris soin de distinguer, d’une part, la procédure de référé pénal environnemental s’inscrivant dans une enquête pénale et, d’autre part, la procédure de référé pénal environnemental autonome de toute investigation pouvant mettre en cause la responsabilité du contrevenant. Ce n’est que dans le premier cas de figure que l’audition de la personne à l’origine des manquements constatés doit être avisée de son droit de garder le silence (10). Les principes directeurs du procès pénal n’ont donc, par principe, pas à s’appliquer à la procédure de référé pénal environnemental (11). 

    En appliquant à la procédure de référé pénal environnemental les règles classiques de l’appel des jugements sur la culpabilité des personnes poursuivies pénalement, la Cour de cassation entretient le trouble sur le régime de cette action, en contradiction avec la visée préventive de la procédure prévue à l’article L. 213-16 du Code de l’environnement. 

    La seule œuvre de clarté offerte par la Cour est la démonstration, s’il en était encore besoin, de l’inadaptation de la procédure pénale pour répondre aux préoccupations et besoins des victimes de pollutions industrielles. Privées de recours devant la juridiction répressive, elles pourraient, à l’image de l’action de masse (12) en réparation des préjudices liés aux PFAS annoncée au mois de février, se tourner vers le juge civil pour obtenir d’urgence une mesure conservatoire ou de remise en état sur le fondement de l’article 835 du CPC.

    Désormais, seule une réécriture de l’article L 213-16 du Code de l’environnement semble à même de concrétiser les objectifs initiaux de la procédure de référé-pénal environnemental. En sus de l’inclusion de cet article au sein des dispositions communes du Code de l’environnement (13), des précisions doivent nécessairement être apportées pour que les victimes et associations soient reconnues comme parties intégrantes de la procédure. 

    En premier lieu, la réforme devra explicitement consacrer le droit d’appel de ces acteurs qui, comme il a été souligné, sont à l’origine de la procédure. En second lieu, l’inertie procédurale ne doit pas se transmettre des services préfectoraux au Parquet. A l’instar de la possibilité reconnue aux victimes de déposer plainte avec constitution de partie civile auprès du Juge d’instruction passé un certain délai après la saisine du Procureur (14), une réelle initiative procédurale doit être reconnue aux victimes et associations. Celles-ci, passé un délai nécessairement court en raison de l’urgence de la situation, doivent pouvoir saisir directement  le JLD de leurs demandes en cas d’absence d’action du Ministère public. 

    La Cour de cassation avait l’opportunité de reconnaître pleinement le rôle des associations et riverains dans la justice environnementale. Les mesures demandées étaient étudiées, scientifiquement validées et utiles à tout un territoire affecté par une pollution extrêmement grave aux polluants éternels. La Cour aura finalement préféré maintenir à distance la société civile. Les personnes concernées apprécieront.

    Notes

    (1) Article L216-13

    (2) Celles-ci portaient, notamment, sur les pouvoirs du JLD, le respect des droits de la défense et de la présomption d’innocence.

    (3) Notamment par la Loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, l’Ordonnance n°2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l’environnement, la Loi n°2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages,  l’Ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, la Loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

    (4) Benoît DENIS, Valérie SAINTAMAN, « La préservation de l’environnement opérée par le Juge des Libertés et de la détention au moyen de l’article L. 216-13 du Code de l’environnement », Energie – Environnement – Infrastructures n°5, Mai 2020, comm. 14.

    (5) Crim, 14 janvier 2025, n°23-85.490 : “les moyens doivent être écartés, le premier étant inopérant, faute pour l’association d’avoir la qualité de partie.”

    (6) Sébastien Bécue et Marc Pitti-Ferrandi, “Le référé pénal environnemental, une procédure juridique non identifiée ?”, Dalloz, AJ Pénal 2024, p.252.

    (7) Bécue et Pitti-Ferandi op cit.

    (8) Voir en ce sens le rapport de la Cour de cassation “Le traitement pénal du contentieux de l’environnement”, qui en 2022 soulignait déjà que: “le manque de temps et de moyens sont souvent avancés pour expliquer le faible investissement des magistrats, notamment du parquet, dans le traitement des contentieux de l’environnement. Il est permis de penser que le manque de connaissances en la matière est un facteur aggravant de cet état de fait” (page 19).

    (9) Cons.const., 15 novembre 2024,n° 2024-1111 QPC.

    (10) Pour une application par la jurisprudence, voir Crim, 28 janvier 2025, n°24-81.410.

    (11) Inès Souid, “Référé pénal environnemental : l’application des principes directeurs du procès pénal en question”, Dalloz actualité 18 février 2025.

    (12) https://kzn-avocatenvironnement.fr/action-juridique-pfas/

    (13) Bien que son champ d’application soit large, l’article L 213-16 du Code de l’environnement figure pour l’heure au sein du livre II relatif aux milieux physiques, et non pas au livre premier relatif aux dispositions communes. 

    (14) L’article 85 du Code de procédure pénale ouvre cette faculté aux victimes passé un délai de trois mois après la saisine du Procureur.

  • Loi TRACE : un permis de bétonner !

    Pourtant de nombreuses solutions existent pour concilier développement territorial et préservation des espaces naturels

    Communiqué de presse – Chaque année en France, l’équivalent de 2 fois la surface de Paris est bétonnée, menaçant notre biodiversité, notre souveraineté alimentaire et notre résilience climatique. Mais au lieu de renforcer la protection des sols, la loi TRACE qui sera votée le 18 mars au Sénat saborde l’objectif Zéro Artificialisation Nette (ZAN) à atteindre en 2050. La Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), France Nature Environnement (FNE), Notre Affaire à Tous (NAAT) et Terre de Liens appellent les sénateurs à rejeter ce texte destructeur !

    La loi TRACE : pourquoi est-ce un permis de bétonner ? 

    Adopté dans le cadre de la loi Climat et Résilience, l’atteinte de l’objectif ZAN en 2050 représente une avancée essentielle pour préserver les terres naturelles, agricoles et forestières. Pourtant, la proposition de loi TRACE (Trajectoire de Réduction de l’Artificialisation Concertée avec les Élus locaux) menace cet engagement en remettant en cause le principe même de réduction de l’artificialisation, en multipliant les dérogations et en affaiblissant les outils existants.

    En effet, le texte initial et ses amendements vont à l’encontre des enjeux de sobriété foncière. Ce texte prévoit notamment :

    • L’abandon de la définition écologique de l’artificialisation, au détriment de la protection des sols vivants, de la qualité de vie dans les villes et villages et de la lutte contre le changement climatique ;
    • La suppression de l’objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) d’ici 2031, qui fragilise la crédibilité de l’atteinte de l’objectif de 2050 ;
    • Le report des échéances pour intégrer les objectifs ZAN dans les documents d’urbanisme ce qui prolonge la période d’incertitude pour les acteurs des territoires ;
    • L’exclusion de nombreux projets (industries, logements sociaux, énergies renouvelables, services d’eau et d’assainissement, certains postes électriques) du calcul de l’artificialisation jusqu’en 2036 ce qui sous estime l’impact réel de l’urbanisation ;
    • L’affaiblissement du caractère contraignant de réduction de l’artificialisation des documents régionaux de planification, qui réduit l’efficacité des politiques territoriales de préservation des sols ;
    • La possibilité pour les communes de dépasser sans justification de 20% les objectifs de réduction de l’artificialisation qui leur ont été attribués, ce qui ouvre la porte à une artificialisation plus importante que prévue.
    • La mise en place d’un mécanisme permettant d’artificialiser des terres supplémentaires en contrepartie de la construction sur des friches (1 hectare de friche réhabilité ouvrant droit à 0,5 hectare supplémentaire d’artificialisation) ce qui risque de créer un effet d’aubaine et d’encourager à une artificialisation additionnelle.

    « Face à l’urgence climatique et écologique, la priorité doit être à la protection des terres vivantes, pas à leur destruction programmée« , déclare Thomas Uthayakumar, Directeur des programmes et du plaidoyer à la FNH. « Nous appelons les sénateurs à rejeter ce texte et à renforcer les outils du ZAN.” 

    Soutenons les collectivités engagées dans la sobriété foncière

    Nous appelons à un changement de cap en matière d’aménagement du territoire. Plutôt que de cautionner l’artificialisation croissante des sols, il est urgent d’accompagner et de soutenir les collectivités qui s’engagent activement dans la sobriété foncière.

    De nombreuses solutions existent pour concilier développement territorial et préservation des espaces naturels. La réhabilitation de friches industrielles, la densification raisonnée au sein des villes et villages, la lutte contre les logements vacants ou encore l’encadrement des meublés de tourisme sont autant de leviers permettant de répondre aux besoins en services publics, en transports, en logements et en activités économiques sans sacrifier les terres naturelles.

    Toutefois, ces politiques nécessitent un renforcement des moyens des collectivités, tant en ingénierie territoriale qu’en financements. Aujourd’hui, le modèle économique de l’aménagement encourage encore trop souvent l’artificialisation des sols alors qu’il devrait mieux pénaliser les comportements allant à l’encontre de la lutte contre l’artificialisation des sols. En plus d’une augmentation des dotations de l’État, un changement des critères de répartition permettrait aux collectivités de bénéficier de ressources dynamiques, non incitatives à l’artificialisation et mieux alignées avec les besoins des territoires. Ces critères pourraient inclure la superficie d’espaces naturels préservés, la sous-densité, ainsi que le nombre de logements vacants et de friches, en tenant compte des spécificités de chaque territoire. Par ailleurs, des mesures comme la taxation des multipropriétaires de logements vacants ou des terrains nus devenus constructibles constitueraient des leviers supplémentaires pour encourager une gestion plus durable du foncier.

    Nous appelons les pouvoirs publics à agir sans attendre pour une gestion plus durable de nos sols. L’avenir de nos territoires et de notre biodiversité en dépend.

    Contacts presse

  • Santé, climat : trois associations attaquent l’aéroport de Beauvais en justice Beauvais, 11 mars 2025 

    Les associations Notre Affaire à Tous, Sauvez le Beauvaisis, ADERA engagent aujourd’hui un  recours auprès du tribunal administratif d’Amiens pour empêcher l’expansion du trafic aérien à  l’aéroport de Beauvais, hub de la compagnie low-cost Ryanair. L’action en justice qu’elles  lancent est la première, en France, à articuler les volets santé (nuisances sonores, pollution aux  particules fines) et climat (émissions de gaz à effet de serre) pour exiger l’annulation ou la renégociation d’un contrat de concession aéroportuaire. 

    Dix ans après la signature de l’Accord de Paris, le compte n’y est pas. L’État, qui s’est engagé à une  réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, ne parvient pas à tenir la  trajectoire qu’il s’est fixée. Depuis la fin de la pandémie de Covid-19, la validation des projets d’extension d’aéroports régionaux (à Beauvais, Lille, Nice, Montpellier, etc.) et la croissance spectaculaire des compagnies low-cost (Ryanair, WizzAir, EasyJet, etc.)1 font apparaître une  déconnexion croissante entre les ambitions climatiques nationales et le business as usual des  politiques locales. Il est urgent de rompre aujourd’hui avec cette logique et d’exiger une plus grande cohérence dans l’action publique. Alors que les événements climatiques se multiplient tout autour de la planète (inondations à Valence, cyclone à Mayotte, mégafeux à Los Angeles), est-il vraiment acceptable de continuer à faire la promotion de vols à prix cassés pour aller faire les soldes à Barcelone le temps d’un week-end ? 

    Certains n’hésitent pas à répondre par l’affirmative. Le 17 juillet 2024, le Syndicat mixte de l’aéroport de Beauvais Tillé (SMABT), établissement public de coopération entre collectivités (agglomération du  Beauvaisis, département de l’Oise et région Hauts-de-France), a ainsi confié à la société Bellova (consortium Bouygues-Egis) la gestion et l’exploitation de la plateforme aéroportuaire pour une durée de 30 ans. Négocié dans la plus grande opacité, le contrat de concession table sur une très forte hausse du trafic aérien : de 3,9 millions de passagers en 2019, celui-ci devrait atteindre 7,2 millions de  passagers en 2030 (+85%), avant de se hisser à 9,4 millions de passagers au terme de la concession (+141%)2. Pour y satisfaire, les terminaux de l’aéroport devront être rénovés et agrandis. 

    “La croissance du trafic prévue pour l’aéroport de Beauvais excède nettement les objectifs visés par la France : la hausse de +85% du nombre de passagers d’ici à 2030 excède de 67 points le seuil défini par le projet de Stratégie Nationale Bas Carbone 3 (+18%) – lequel envisage une diminution très rapide des émissions au-delà de cette date3”, alertent les associations. 

    Cette croissance de l’activité bénéficiera très largement à Ryanair, entreprise entrée récemment dans le top 10 des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre de l’Union européenne4. L’hostilité de la compagnie irlandaise à l’égard des réglementations sociales et environnementales est au moins aussi connue que sa capacité à faire pression sur les collectivités locales pour capter des subventions publiques5

    Malgré tous leurs efforts pour susciter un véritable débat démocratique dans le Beauvaisis, et malgré un positionnement entendable (maintenir le trafic à l’état actuel), les associations locales se sont heurtées à un mur de mépris et d’indifférence. Dans les zones survolées, pourtant, les riverains sont toujours plus nombreux à se mobiliser, inquiets des effets néfastes pour leur santé d’un développement accéléré de l’aéroport. 

    La croissance du trafic aérien a, de fait, déjà entraîné une hausse significative des émissions de  particules ultrafines. Les données récoltées par les stations de mesure à proximité directe de l’aéroport et publiées chaque trimestre par l’exploitant6 montrent que les concentrations de polluants dépassent  fréquemment les seuils recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé7, et qu’elles font courir des risques sanitaires graves (cancers, maladies respiratoires) aux populations des zones survolées. Rappelons que la pollution de l’air est responsable de 48 000 décès chaque année en France, et qu’il est établi que l’impact des aéroports en la matière a été très longtemps sous-estimé8

    Le plan de développement visé par le contrat exposerait également les riverains à une hausse significative des nuisances sonores et aux risques sanitaires associés (troubles du système auditif,  mais aussi perturbations du sommeil, maladies cardiovasculaires, baisse des capacités  d’apprentissage, etc.), alors même que – de nouveau – le bruit enregistré par les cinq stations d’écoute  situées à proximité de l’aéroport excède déjà les seuils recommandés par l’Organisation Mondiale de  la Santé9. En cas de hausse du trafic, l’intensification des vols de nuit observée depuis une dizaine  d’années10 devrait se poursuivre, alors même que les effets nocifs de la pollution sonore sont accrus  en période nocturne. 

    Alarmées par l’absence de réelle prise en compte de ces enjeux sanitaires et climatiques sur le territoire, ces associations locales s’allient aujourd’hui à Notre Affaire à Tous pour ouvrir un nouveau  chapitre dans la mobilisation. 

    L’arrêt récent de la Cour européenne des droits de l’homme (30 janvier 2025) jugeant que l’État italien avait violé le droit des habitants de la province de Campanie à vivre dans un environnement sain, et, moins d’un mois plus tard, la décision historique du juge administratif (27 février 2025) d’annuler les travaux sur l’A69 ont confirmé la légitimité des mouvements citoyens mobilisés sur les territoires pour y défendre l’intérêt général.  

    Pour les associations requérantes : “L’extension de l’aéroport de Beauvais est bien plus qu’un problème local : c’est le révélateur d’un échec persistant dans la lutte contre le réchauffement climatique, et d’un déni des impacts délétères du transport aérien sur la santé des riverains d’aéroport. Tant que les  collectivités continueront à soutenir des projets ultra-émetteurs en contradiction avec les engagements nationaux et internationaux, nous irons collectivement dans le mur. Mais ce n’est pas une fatalité. La hausse du trafic aérien peut être empêchée : d’autres avenirs sont possibles.”

    Contacts presse :

    Notre Affaire à Tous – Justine Ripoll, Responsable de campagnes :  

    justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Sauvez le Beauvaisis – Hélène Vivier, Secrétaire de l’association : 

    sauvezlebeauvaisis@gmail.com

    ADERA – Dominique Lazarski, Présidente de l’association : 

    dlazarski.adera@gmail.com

    Notes :

    1 “Émissions de l’aviation en 2023 : l’inquiétant rebond des compagnies low-cost”, étude publiée par Transport & Environnement, avril 2024

    2 Rapport d’analyse des offres remis au SMABT en avril 2024.

    3 Cf. les hypothèses de calcul pour le transport aérien international – et, plus largement, la feuille de route établie pour le secteur par le Ministère de l’écologie.

    4 “‘Ryanair is the new coal’: airline enters EU’s top 10 emitters”, The Guardian, avril 2019

    5 Deux rapports de la Cour des comptes régionale publiés en 2008 et en 2017 ont épinglé la mauvaise gestion de l’aéroport de Beauvais, pointant les largesses concédées à la compagnie irlandaise.

    6 Les données de 2015 à 2024 sont disponibles au téléchargement sur le site de l’aéroport.

    7 Déclinés dans la Directive (UE) 2024/2881 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2024 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe.

    8 “Les particules ultrafines des avions font peser un risque sur la santé de 11 millions de Français”, étude publiée par Transport & Environnement, avril 2024

    9 Déclinés dans la Directive du Parlement européen et du Conseil du 25 juin 2002 relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement.

    10 Ceux-ci ont augmenté de 118% entre 2015 et 2023, alors que le nombre de mouvements n’a augmenté que de 48% sur la même période.

  • Vigilance climatique des multinationales : Un nouveau rapport de Notre Affaire à Tous démontre le besoin de maintenir les règlementations européennes

    Notre Affaire à Tous publie sa cinquième édition du Benchmark de la vigilance climatique des multinationales qui passe au crible les mesures de vigilance climatique de 26 grandes entreprises françaises (1) emblématiques issues de secteurs d’activités fortement émetteurs. Les objectifs visés par ces entreprises ne permettraient de réduire leurs émissions que de 12% en 2030, loin des 50% requis par l’Accord de Paris. L’association souligne l’extrême importance de maintenir les obligations prévues dans la CSRD et CSDDD telles que votées par la précédente mandature et exhorte le Parlement européen et les Etats membres à rejeter massivement les propositions catastrophiques de la loi Omnibus présentée le 26 février par la Commission Européenne.

    Alors que la Commission Européenne a dévoilé son projet de loi Omnibus le 26 février, actant un recul historique concernant les normes environnementales et sociales en Europe qui vise à faire respecter par les multinationales les droits humains et prévenir les atteintes à l’environnement  (CSRD, CSDDD, taxonomie), l’édition 2025 du rapport de Notre Affaire à Tous dresse un constat clair : l’autorégulation est un échec et sans normes contraignantes dont l’application est contrôlée, les entreprises ne seront pas au rendez-vous de la transition. 

    En France la loi sur le devoir de vigilance oblige les entreprises à identifier les risques d’atteinte aux droits humains et à l’environnement et à prendre des mesures propres à éviter la survenance de ces risques. Néanmoins, faute d’autorité de contrôle et de volonté politique des gouvernements successifs d’Emmanuel Macron, la loi n’est toujours pas réellement mise en œuvre, notamment en matière climatique, alors que son respect repose exclusivement sur la mobilisation des ONG et de la société civile. 

    Pourtant, les émissions des scopes 1, 2 et 3 des 26 entreprises multinationales françaises étudiées s’élèvent à 2 577 MtCO2eq, ce qui signifie qu’elles ont le pouvoir – à elles seules – d’agir sur 4,51 % des émissions mondiales de GES (2). Ces chiffres démontrent la pertinence ainsi que la nécessité de réglementer les multinationales en matière climatique. 

    Cette cinquième édition du Benchmark montre que les entreprises ne s’estiment pas tenues de faire leur part pour limiter le réchauffement à 1,5°C. Les objectifs climatiques affichés par les entreprises analysées permettraient de réduire leurs émissions d’à peine plus de 12% d’ici 2030. La réalisation de ces objectifs n’est ni conforme au 50% (3) requis, ni garantie à ce stade par des mesures concrètes correspondantes. 

    Et pour cause, si pratiquement toutes les entreprises intègrent l’enjeu climatique à leur plan de vigilance (à l’exception de Veolia et Casino), beaucoup d’entre elles tentent encore de limiter leur responsabilité individuelle

    • en renvoyant à la responsabilité collective et au caractère global du réchauffement climatique. C’est le cas de TotalEnergies qui identifie le changement climatique comme « un risque global pour la planète qui est le résultat d’actions humaines diverses dont la consommation d’énergie », sans reconnaître qu’il revient à l’entreprise de cesser le développement de nouveaux projets pétroliers et gaziers et d’effectuer urgemment une transition énergétique vers le bas carbone, y compris pour changer l’offre en énergies, influencer la demande et faire baisser ses propres émissions indirectes.
    • en refusant d’adopter des mesures de vigilance qui s’imposent sur les émissions de scope 3 alors qu’elles sont prépondérantes pour la plupart des entreprises. C’est le cas de Renault qui ne reconnaît pas, au sein de son plan de vigilance, que ses émissions de scope 3 (liées à l’utilisation de ses véhicules) contribuent à l’aggravation du réchauffement climatique et ne met toujours pas en place de mesures de décarbonation alignées avec l’objectif 1,5 °C de l’Accord de Paris.
    • en prétextant un besoin de subventions publiques pour effectuer la transition alors que certaines entreprises réalisent des profits colossaux, comme l’a démontré un récent rapport (4). C’est le cas d’ArcelorMittal dont le plan de décarbonation repose sur des mesures encore incertaines techniquement et trop dépendantes de subventions publiques, alors que l’entreprise réalise chaque année des profits importants. Un argument qui semble fallacieux si l’on considère que, malgré des aides publiques, ArcelorMittal a annoncé fin novembre 2024 suspendre le projet de décarbonation de son site de Dunkerque, à l’origine de 3% des émissions de CO2 en France (5). 
    • ou encore en laissant entendre dans leurs plans de vigilance que de meilleures réglementations étatiques sont nécessaires, alors qu’elles engrangent des profits importants, disposent de la capacité d’agir plus fortement dès aujourd’hui … et s’opposent dès qu’elles en ont l’occasion aux réglementations, telles que la CSRD ou la CSDDD. 

    L’ensemble de ces exemples démontre l’absolue nécessité d’imposer au plus vite des règles claires aux entreprises pour les contraindre à intégrer les enjeux climatiques dans leurs stratégies. Sans un changement de cap fort et immédiat des entreprises, elles continueront à aggraver la crise climatique au lieu de contribuer à la résoudre.

    Pour en savoir plus, nous vous invitons à un webinaire de présentation le mercredi 12 mars à 19h : lien d’inscription

    Contacts presse

    Justine Ripoll, Responsable des campagnes : justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Anne Stevignon, Juriste Multinationales : anne.stevignon@notreaffaireatous.org

    Brice Laniyan, Juriste Multinationales : brice.laniyan@notreaffaireatous.org

    Notes

    (1) EDF, ENGIE, TotalEnergies, AXA, BNP Paribas, Crédit Agricole, Natixis, Société Générale, Air Liquide, ArcelorMittal, Bolloré, Schneider Electric, Veolia, Aéroports de Paris, Airbus, Air France – KLM, Michelin, Renault, Stellantis-PSA, Bouygues, Eiffage, Vinci, Auchan, Carrefour, Casino, Danone.

    (2) PNUE, Emissions Gap Report 2024, 15e éd. Avec une marge d’incertitude due à l’absence de transparence de certaines entreprises, en particulier les acteurs financiers – voir le graphique page 14

    (3) Constitue la valeur minimale à atteindre pour être aligné sur 1,5°C selon le groupe d’experts de l’ONU « HLEG » sur les engagements climatiques des entreprises.

    (4) “Les actionnaires plutôt que les solutions  – Comment les grandes entreprises privilégient les rémunérations au détriment de la transition énergétique”, SOMO et Amis de la Terre Europe, 2025 : le coût financier de la mise en conformité avec la CSDDD – tel qu’estimé par la Commission européenne – ne représenterait que 0,13 % de la moyenne des paiements aux actionnaires effectués en 2023.

    (5) https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-brief-eco/malgre-l-aide-publique-arcelormittal-suspend-son-projet-a-deux-milliards-d-euros-pour-decarboner-son-acier-a-dunkerque_6889793.html

    Ressources

    Les ressources utiles à trouver dans le Benchmark de la vigilance climatique : 

    • Des graphiques résumant les étapes fondamentales de la transition de chaque secteur. Un exemple ici avec le secteur de l’énergie :
    • Des outils pour tout comprendre de notre méthodologie. 
    • Un outil pour comprendre les scope 1, 2 et 3. 
    • Les analyses détaillées par entreprise. 
    • Un podium des mauvais élèves en matière de vigilance climatique, ainsi que le classement général des 26 entreprises analysées. 
  • Multinationals’ Climate Vigilance: A new report by Notre Affaire à Tous demonstrates the need to maintain European regulations

    Notre Affaire à Tous has released the fifth edition of its Multinationals’ Climate Vigilance Benchmark, assessing the climate vigilance measures of 26 major French companies operating in high-emission sectors (1). The findings are alarming: the targets set by these corporations would only lead to a  12% reduction in emissions by 2030, a far cry from the 50% reduction required by the Paris Agreement. In this context, the association underscores the critical importance of maintaining the obligations set out in the CSRD and CSDDD (2) as adopted under the previous European Parliament mandate and calls on MEPs and Member States to massively reject the disastrous Omnibus law proposals, introduced by the European Commission on 26 February, which represent a major rollback of environmental and social standards.

    While the Omnibus bill, unveiled by the European Commission on 26 February, threatens key regulations designed to hold multinationals accountable for human rights and environmental harm—including the CSRD, CSDDD, and the EU taxonomy , the 2025 edition of the Multinationals’ Climate Vigilance Benchmark  makes one thing clear: self-regulation is a failure, and without binding regulations and effective enforcement mechanisms, companies will not transition towards sustainability at the required pace.

    In France, the Duty of Vigilance Act legally requires companies to identify, prevent and mitigate risks related to human rights violations and environmental damage. However, due to the absence of a dedicated supervisory authority and the lack of political will from successive Macron governments, the law remains largely under-enforced—especially regarding climate-related obligations, while compliance with it relies entirely on the mobilisation of NGOs and civil society.

    However, the emissions from scopes 1, 2 and 3 of the 26 French multinationals analyzed in the report amount to 2,577 MtCO2eq, which means that they alone have the power to influence 4.51% of global GHG emissions (3). These figures highlight the relevance and urgent need for robust  climate regulations targeting multinational corporations.

    Yet, despite this significant responsibility, the fifth edition of the Benchmark reveals that companies still do not feel compelled to do their bit to limit global warming to 1.5°C. The climate targets set by the companies analysed would result in just a 12% reduction in emissions by 2030. Achieving these targets is neither in line with the 50% (4) cut required, nor backed at this stage by sufficient concrete measures.

    And for good reason: while almost all companies now include climate issues in their vigilance plans – with the exception of Veolia and Casino – many still seek to limit their individual liability, by using evasive arguments, including:

    • Referring to collective responsibility and the global nature of climate change. This is the case with TotalEnergies, which describes climate change as “a global risk for the planet resulting from various human actions, including energy consumption.” However, the company fails to acknowledge its ability to halt the development of new oil and gas projects and making an urgent transition to low-carbon energy, notably by transforming its supply, influencing demand, and reducing its own indirect emissions.
    • Refusing to adopt the vigilance measures that are required for scope 3 emissions, despite their dominant role in most corporate carbon footprints. Renault exemplifies this strategy: its vigilance plan fails to acknowledge that emissions linked to the use of its vehicles significantly contribute to global warming. Consequently, the company is still not implementing decarbonization measures aligned with the 1.5°C goal of the Paris Agreement.
    • Claiming that public subsidies are a prerequisite for transition, even when making record profits as a recent report has shown (5). This is the case with ArcelorMittal, whose decarbonisation strategy remains technically uncertain and heavily dependent on public subsidies, despite generating substantial profits each year. This claim appears disingenuous, particularly given that, even with public support, the company announced in November 2024 the suspension of its decarbonization project at its Dunkirk site – a site responsible for 3% of France’s total CO₂ emissions (6).
    • Advocating for stronger state regulation while opposing it in practice. Some corporations insist in their vigilance plans that regulatory intervention is necessary, yet they have the financial means to act immediately… and systematically oppose regulations such as the CSRD and CSDDD whenever possible.

    These examples highlight the urgent need to impose clear, binding rules on companies to ensure they genuinely integrate climate issues into their strategies. Without immediate and decisive change of direction, corporations will continue to worsen the climate crisis rather than help solve it.

    Invitation to the presentation webinar: register link.

    Press contacts

    Justine Ripoll, Responsable des campagnes : justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Anne Stevignon, Juriste Multinationales : anne.stevignon@notreaffaireatous.org

    Brice Laniyan, Juriste Multinationales : brice.laniyan@notreaffaireatous.org

    Notes

    (1) EDF, ENGIE, TotalEnergies, AXA, BNP Paribas, Crédit Agricole, Natixis, Société Générale, Air Liquide, ArcelorMittal, Bolloré, Schneider Electric, Veolia, Aéroports de Paris, Airbus, Air France – KLM, Michelin, Renault, Stellantis-PSA, Bouygues, Eiffage, Vinci, Auchan, Carrefour, Casino, Danone.

    (2) Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) and Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDDD)

    (3) UNEP, Emissions Gap Report 2024, 15th ed. With a margin of uncertainty due to the lack of transparency on the part of certain companies, particularly financial players – see graph on page 14.

    (4) This is the minimum value to be reached to be in line with 1.5°C according to the UN HLEG on corporate climate commitments

    (5) ‘Shareholders over than solutions – How large companies prioritise remuneration over the energy transition’, SOMO and Friends of the Earth Europe, 2025: the financial cost of complying with the CSDD – as estimated by the European Commission – would represent only 0.13% of average payments to shareholders in 2023.

    (6) https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-brief-eco/malgre-l-aide-publique-arcelormittal-suspend-son-projet-a-deux-milliards-d-euros-pour-decarboner-son-acier-a-dunkerque_6889793.html

    Ressources

    Useful resources included in the Climate Vigilance Benchmark:

    • Graphs illustrating the key stages of transition for each sector. Example: The energy sector transition roadmap:
    • Tools to help you understand our methodology.
    • A tool for understanding scope 1, 2 and 3.
    • Detailed analyses by company.
    • A podium of the worst performers in terms of climate vigilance, as well as the overall ranking of the 26 companies analysed.
  • A69 : Décision majeure pour l’environnement !

    Article rédigé par Adeline Paradeise, juriste droit de l’environnement de Notre Affaire à Tous

    Les jugements ont été rendus suite à une analyse approfondie des impacts socio-économiques des deux projets autoroutiers. De nombreux moyens d’illégalité ont été soulevés par les associations. Le tribunal a choisi de se concentrer sur l’analyse des conséquences socio-économiques positives du projet, dont la faiblesse a suffi à annuler l’ensemble du projet sans nécessiter l’analyse des autres moyens.

    Le tribunal a rappelé qu’un projet affectant des espèces protégées ne peut bénéficier d’une dérogation à leur protection que s’il remplit trois conditions cumulatives prévues à l’article L.411-2 du code de l’environnement :

    • Le projet « répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur »,
    • Il n’existe pas d’autre solution satisfaisante,
    • « Cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. »

    Les magistrats ont vérifié si la première condition était remplie, rappelant de façon pédagogique que l’intérêt public en question doit être « d’une importance telle qu’il puisse être mis en balance avec l’objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage ». Les préfets justifiaient la dérogation par une amélioration supposée de la sécurité publique et de la situation socio-économique des territoires desservis. Le tribunal a analysé en profondeur ces motifs.

    Concernant les motifs sociaux, la juridiction qui a analysé des chiffres plus récents que ceux, très anciens, fournis par les préfectures, note que le bassin de Castres-Mazamet n’est pas en situation de décrochage démographique, bénéficie de nombreux services et équipements de qualité (centre hospitalier, formations universitaires…). La juridiction relève également que beaucoup d’actifs travaillant dans le bassin de vie de Castres y résident. Elle relève également que les hypothèses de fréquentation du tronçon qui serait le plus utilisé, alors même qu’elles ont été qualifiées d’optimistes par l’autorité de régulation des transports, sont « très en deçà des seuils justifiant la construction d’une autoroute 2×2 voies ». De plus, le prix élevé du péage autoroutier « est de nature à relativiser les estimations de fréquentation issues de l’étude de trafic ».

    Concernant les motifs économiques, le tribunal a relevé que le taux d’activité des zones desservies n’est pas significativement différent des autres bassins d’activité comparables. Selon lui, une liaison autoroutière peut participer au confortement du développement économique et à l’attractivité d’un territoire, mais ici cela doit être relativisé car d’une part « une telle liaison ne constitue pas un facteur suffisant de développement économique, et, d’autre part, […] le coût élevé du péage de la future liaison autoroutière sera de nature à en minorer significativement l’intérêt pour les opérateurs économiques. »

    Concernant la sécurité publique, le tribunal a jugé que l’accidentalité sur la RN 126, qui établit actuellement la liaison qui fait l’objet du projet autoroutier, n’est pas plus importante que sur d’autres routes comparables. De plus, le projet risque même d’augmenter l’accidentalité sur l’actuelle RN 126 qui serait modifiée.

    Pour ces raisons, le tribunal a jugé qu’il n’existe pas de raison impérative d’intérêt public majeur, annulant ainsi les autorisations environnementales des projets.

    Impact immédiat : Les travaux sont illégaux et doivent être arrêtés.

    Et la suite ? L’État a annoncé faire appel, la Cour administrative d’appel de Toulouse sera saisie du dossier.

    Si ces décisions sont confirmées, les associations pourront demander la remise en état des lieux. Bien que certaines atteintes à l’environnement mettront du temps à être réparées, d’autres pourront l’être plus rapidement et beaucoup sont évités par l’arrêt des travaux.

    Cette situation doit nous interroger sur les carences du référé suspension, qui n’a pas permis de suspendre de tels travaux alors même qu’un doute sérieux sur leur légalité existe. Rappelons qu’il n’est normalement pas nécessaire de prouver l’illégalité de l’acte administratif attaqué, mais “seulement” l’existence d’un doute sérieux sur sa légalité.

    Les annulations prononcées sont protectrices de l’environnement et des terres arables. La politique du fait accompli, qui met en danger les finances des entreprises et de l’État en plus d’atteindre à l’environnement, doit cesser. Atosca connaissait très bien les risques juridiques qui étaient liés à ces autorisations et a choisi de commencer les travaux malgré tout. Cette entreprise doit donc supporter les conséquences financières des risques qu’elle a pris dans l’espoir d’augmenter ses profits voir peut-être, et ce serait plus inquiétant encore, que les juges hésiteraient plus à dire le droit face à des travaux déjà bien avancés.

  • UNE DÉCISION HISTORIQUE : Le projet A69 est illégal, l’A69 s’arrête !

    Communiqué de presse, Paris, le 27 février 2025La justice vient d’annuler l’autorisation environnementale nécessaire à la construction de l’A69. Le Tribunal Administratif de Toulouse reprend nos arguments, persiste et signe : ce projet ne répond à AUCUNE Raison Impérative d’Intérêt Public Majeur et ne sera pas régularisable ! C’est une décision historique qui porte un coup d’arrêt définitif à un projet inutile, destructeur et irresponsable, que nous dénonçons avec force depuis plusieurs années. C’est un grand jour pour le droit environnemental.

    Nous saluons cette décision du TA de Toulouse qui a su juger en toute indépendance malgré les pressions exercées par les pouvoirs publics et économiques, et par une certaine presse locale. Elle renvoie les porteurs du projet à la réalité du Droit. Elle dénonce l’irresponsabilité de l’État et du concessionnaire pour avoir engagé les travaux sans attendre. Ce passage en force, dopé au déni institutionnel, vient d’être stoppé net. Cette décision permet de tourner la page et d’éviter le pire, pour l’environnement et les terres fertiles, pour l’accès de tous à des modes de transport sécurisés et gratuits, mais aussi pour éviter le fiasco financier qui aurait pesé sur les finances publiques dans les prochaines décennies.

    L’engagement populaire a été décisif – MERCI !

    La décision du TA de Toulouse n’aurait pu aboutir sans un engagement populaire fort. C’est l’engagement et la ténacité de nombreux habitants du territoire Castres-Toulouse qui ont initié et porté cette lutte, rejoints par des milliers de personnes et de nombreuses organisations. En contribuant à l’enquête publique, en signant des pétitions et en participant aux manifestations, ils et elles ont construit et nourri les arguments juridiques. 

    Merci à toutes et tous !

    Un tournant décisif pour l’autorisation des projets routiers.

    Depuis quelques mois, des projets insensés sont arrêtés dans le Vallespir, le Val d’Oise, les Pyrénées orientales, l’Ardèche, et la Manche. En Haute-Loire, un rapporteur public a remis en cause des mesures compensatoires jugées insuffisantes sur la RN88. Cette décision sur l’A69 fera jurisprudence ! Les projets routiers et autoroutiers ne sont plus en roue libre. Le retentissement de cette victoire sera national et remettra l’intérêt général au centre du jeu. Ce jugement appelle un tournant historique dans le processus de décision administratif d’aménagement du territoire.

    Une victoire !

    Le chantier s’arrête, évitant les dégâts irréversibles qu’il aurait infligés au territoire ces prochains mois. Mais nous pensons aujourd’hui aux dizaines de vies brisées des propriétaires expulsés, à la fracture de notre territoire, aux centaines d’hectares de terres nourricières saccagées, à nos ruisseaux, nappes et rivières polluées, aux milliers d’arbres abattus, au vivant sacrifié, à notre paysage défiguré, à la route nationale déjà dégradée par un chantier rempli d’irrégularités… Nous pensons à Alexandra qui a résisté jusqu’au bout au Verger. Nous pensons à tous les habitants qui portent cette lutte depuis 18 ans, aux écureuils, aux militants et aux zadistes. A toutes celles et tous ceux qui ont bravé les pressions policières et judiciaires et continuent de les subir, et certain.e.s au prix de blessures morales et physiques indélébiles. Nous saluons leur courage et leur engagement sans faille. Nous restons à leur côté.

    Le tribunal a reconnu la justesse de la cause défendue par les opposants. Nous appelons à l’arrêt des poursuites et à une amnistie générale de celles et ceux qui ont été traités d’éco-terroristes et de djihadistes verts pour avoir défendu nos communs…

    Rien n’est irréversible – Il est temps de se tourner vers l’avenir.

    Nous appelons le gouvernement à faire preuve de responsabilité et à ne pas faire appel. Un appel plongerait le territoire dans l’immobilisme. Le temps presse et l’État a le devoir de tourner la page pour répondre aux vrais besoins des habitants du territoire. Nous demandons la mise en place immédiate d’une instance de dialogue afin d’identifier les besoins réels de mobilité, de modèle agricole, social et économique souhaité par les habitants et permettant de construire un projet de territoire global respectant l’intérêt général et en phase avec les enjeux d’aujourd’hui. Les pouvoirs publics et les forces économiques doivent tourner la page et se remettre au service du territoire.

    Les habitants du Sud Tarn aspirent tous à l’apaisement et méritent un avenir viable et désirable.

    Sortons de cette épreuve unis, relevons la tête et construisons ensemble des aménagements viables et justes pour habiter ce territoire ! Trouvons un chemin commun vers Une Autre Voie…

    No Macadam !

    Contact presse :

    Adeline Paradeise – Juriste droit de l’environnement de Notre Affaire à Tous : adeline.paradeise@notreaffaireatous.org

  • Directive Omnibus : vers un affaiblissement historique des normes environnementales et sociales en Europe

    Communiqué de presse, 26 février 2025 – La Commission européenne a rendu publique ce jour une proposition législative revenant de manière brutale sur des avancées pourtant cruciales pour la protection des droits humains, de l’environnement et du climat. Sous couvert de « simplifier » la vie des entreprises, la directive « Omnibus » de la Commission propose de démanteler nombre d’obligations en matière de durabilité et de protection des droits humains.

    La proposition de directive Omnibus de la Commission européenne n’a de « simplification » que le nom. En réalité, il s’agit d’une dérégulation massive et sans précédent, qui rappelle la politique de déréglementation en cours aux États-Unis. Présentée dans l’urgence et sans respecter pleinement les procédures démocratiques, elle s’attaque à des normes d’intérêt public. Ces dernières visent à prévenir et réparer les atteintes aux droits humains et à l’environnement causées par les entreprises, tout en permettant aux acteurs économiques et financiers de s’aligner sur les objectifs climatiques européens.

    Vers un affaiblissement notoire de la CSDDD…

    Concernant la Directive sur le devoir de vigilance en matière de durabilité des entreprises (CSDDD), la proposition réduit drastiquement son champ d’application (exclusion des relations commerciales indirectes, au niveau desquelles ont lieu nombre d’atteintes graves), vide de leur substance certaines mesures correctives ainsi que les plans de transition climatique attendus des entreprises, et s’attaque aux mécanismes permettant de contrôler, sanctionner et tenir pour responsables sur le plan civil les entreprises en cas de faute.

    Concrètement, ces changements priveraient le devoir de vigilance européen de tout effet utile. Les violations les plus graves resteraient en dehors de son périmètre, les entreprises fautives pourraient se dédouaner au moyen de mesures cosmétiques inadaptées, et elles pourraient échapper à l’obligation pourtant fondamentale de réparer les dommages causés par leurs activités. Dans les faits, les multinationales pourront continuer à vendre des vêtements fabriqués par des travailleur·euse·s dans des conditions inhumaines, à déforester, et à mettre en danger la biodiversité en toute impunité. En supprimant ces dispositions clefs, la Commission européenne transforme le devoir de vigilance en déclaration d’intentions.

    …et de la CSRD

    Concernant la Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises (CSRD), la proposition réduit le nombre d’entreprises couvertes de 80 à 85 % et supprime les normes sectorielles, qui permettent de cibler en priorité les secteurs les plus polluants tels que le secteur extractif. Cela signifie que certaines informations essentielles pour orienter les financements vers la transition climatique juste seront perdues.

    Influence des lobbys et soutien des mouvements ultra-conservateurs

    Cette proposition législative n’est pas uniquement un désastre pour la transition climatique et la protection des droits humains et de l’environnement. En effet, les politiques et prises de position de l’extrême droite progressent dans les États membres et au sein du Parlement européen, où certains député.e.s se réjouissent ouvertement de cette initiative de dérégulation. Cette révision constituerait d’ailleurs un précédent dangereux permettant de démanteler à l’avenir bien d’autres protections du Pacte Vert.

    Par ailleurs, cette initiative est un signe supplémentaire de l’affaiblissement démocratique à l’œuvre dans l’Union européenne. Alors que nombre de voix politiques et économiques se sont élevées pour protéger ces textes, la Commission a préféré capituler face aux lobbys des grandes entreprises, comme le MEDEF ou la FBF. Ces derniers profitent d’un moment de fébrilité politique pour dérouler leur agenda de dérégulation et faire primer leurs intérêts propres et les profits sur les droits de millions de personnes et le futur de notre planète. 

    Alors que se profilent des discussions cruciales au sein du Conseil de l’Union européenne au sujet de cette proposition, nos organisations de la société civile française appellent le gouvernement français à ne pas trahir les victimes des abus des entreprises à travers le monde et à défendre l’ambition initiale de ces textes. Il est encore temps d’éviter ce recul historique.

    Contacts presse :

    ActionAid France, Chloé Rousset, Chargée de campagne dignité au travail et régulation des multinationales, chloe.rousset@actionaid.fr

    Amis de la Terre France, Marcellin Jehl, Chargé de contentieux et plaidoyer, marcellin.jehl@amisdelaterre.org

    CCFD-Terre Solidaire, Clara Alibert, Chargée de plaidoyer Acteurs économiques, c.alibert@ccfd-terresolidaire.org ; Sophie Rebours, Responsable Presse s.rebours@ccfd-terresolidaire.org

    Oxfam France, Stanislas Hannoun, Responsable de campagne, shannoun@oxfamfrance.org

    Notre Affaire à Tous, Justine Ripoll, Responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Reclaim Finance, Olivier Guérin, Chargé de plaidoyer réglementation, olivier@reclaimfinance.org

    Sherpa, Responsable de contentieux et de plaidoyer, Lucie Chatelain, lucie.chatelain@asso-sherpa.org

    CGT, Mélanie Vasselin, relations presse, m.vasselin@cgt.fr

    Notes aux rédactions

    Pour référence, les textes présentés aujourd’hui par la Commission peuvent être consultés ici (anglais) : https://commission.europa.eu/publications/omnibus-i_en.

    Principaux changements apportés par l’Omnibus à la Directive sur le devoir de vigilance (CSDDD)

    • « Stop the clock » : allongement du délai de transposition d’un an pour les Etats-membres.
    • La « chaîne d’activité » couverte par le devoir de vigilance est désormais limitée aux seuls partenaires directs (« tier 1 ») de l’entreprise, sauf exceptions.
    • Harmonisation maximale pour un plus grand nombre d’articles (en particulier procédures de plaintes et autres articles relatifs aux obligations de vigilance)
    • « Bouclier PME » : plusieurs limites sont posées aux informations pouvant être demandées aux PME par les entreprises assujetties au devoir de vigilance.
    • L’évaluation régulière de sa situation par l’entreprise, qui devait être effectuée tous les ans, passe à 5 ans.
    • Suppression de l’obligation de « mettre en œuvre » les plans de transition climatique
    • Suppression de la clause de revoyure permettant à terme d’inclure les services financiers.
    • Responsabilité civile : suppression de l’obligation faite aux Etats-membres de permettre aux victimes d’obtenir réparation et aux ONG de les représenter.
    • Simplification de la notion de « partie prenante » et limitation de l’obligation de les consulter.
    • La rupture de relations contractuelles avec un partenaire commercial impliqué dans une violation n’est plus une mesure pouvant être exigée des entreprises.
    • Aménagement des sanctions pour les entreprises (non plus exprimées en un pourcentage du chiffre d’affaires).
    • Plusieurs lignes directrices (communications) devant être adoptées par la Commission le seront dans un délai plus court qu’initialement prévu.

    Principaux changements apportés par l’omnibus à la Directive sur le reporting sur la durabilité des entreprises (CSRD)

    • Stop the clock : report de deux ans l’entrée en application des obligations de reporting pour la deuxième vague d’entreprises concernées par la directive.
    • Réduction du nombre d’entreprises concernées de plus de 80 % en limitant aux entreprises de plus de 1000 employé·e·s et 50 millions de chiffre d’affaires.
    • Suppression des standards de reporting sectoriels.

    Pour rappel, nos organisations ont tenté de rencontrer le gouvernement français et le commissaire européen Stéphane Séjourné sans succès : 

    Pour rappel, contrairement aux représentations erronées de certaines organisations patronales, la CSDDD et la CSRD rencontrent un soutien massif dans les milieux économiques et dans la société civile

    Enfin, l’influence des lobbys sur ce mouvement de dérégulation est significative. Leur influence néfaste aurait pu être évitée si de réelles consultations avaient été conduites par la Commission, au lieu de recevoir 31 entreprises et 23 fédérations professionnelles, contre 10 ONG. De plus, de nombreuses voix d’entreprises ont soutenu les textes initiaux. 

    Pourtant, ce sont les positions des lobbys patronaux hostiles à la CSDDD et CSRD qui ont gain de cause puisque nombreuses de leurs propositions se sont retrouvées dans le texte final proposé aujourd’hui par la Commission européenne : 

  • Lettre ouverte à M. Séjourné : Alerte des organisations de la société civile française sur la proposition de législation dite « Omnibus »

    Monsieur le Vice-président exécutif,

    Nos organisations et associations de défense de l’environnement et des droits humains, ont eu connaissance dans les médias de la proposition de législation dite « Omnibus » que la Commission européenne compte présenter ce mercredi 26 février 2025. Cette législation entend simplifier la directive sur le devoir de vigilance, la directive sur le reporting de durabilité, la taxonomie européenne et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

    La directive sur le devoir de vigilance a été adoptée il y a à peine un an, à l’issue de plusieurs années d’évaluation, de consultations publiques, de débats parlementaires et de négociations interinstitutionnelles. Nos organisations ont publiquement soutenu l’adoption de cette directive, malgré la dilution de son ambition au cours des négociations.

    Or, la proposition Omnibus que la Commission européenne s’apprête à présenter a été rédigée d’une façon extrêmement précipitée et opaque. Sous prétexte de simplification, elle s’attaque à des piliers de la directive : elle limiterait le devoir de vigilance aux partenaires directs de l’entreprise concernée ; elle supprimerait l’obligation de mise en œuvre des plans de transition climatique, ou encore reviendrait sur l’obligation d’introduire un régime de responsabilité civile en cas de manquement.

    Le rapport Draghi rappelle que pour financer la transition de notre économie, la mobilisation du secteur privé sera capitale. Il indique ainsi que 80 % des fonds nécessaires à la transition doivent venir du secteur privé. Cela ne peut se faire qu’en gardant le cadre réglementaire actuel qui permet d’orienter les investissements et d’assurer que l’ensemble de l’économie européenne, à travers la mise en place des plans de transition, soit alignée sur un objectif de neutralité carbone.

    La France se targue de s’être mobilisée pour obtenir de la Commission européenne des avancées sur la durabilité des entreprises. Vous-même, alors député, vous étiez positionné en faveur de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises. Avec le groupe Renew, vous aviez en effet voté en faveur d’amendements qui prévoyaient la mise en œuvre obligatoire des plans de transition, la responsabilité civile des entreprises en cas de manquement, ou encore l’inclusion des services financiers.

    Aujourd’hui, les échos parus dans la presse signalent un grave retour en arrière. Pour réussir à atteindre nos objectifs climatiques et garder la trajectoire concernant nos objectifs sociaux et démocratiques, il est impératif de maintenir les ambitions sur le climat, l’environnement, la biodiversité et les droits humains définies en 2023.

    Monsieur le Vice-président exécutif, nous, organisations de la société civile française, exprimons notre plus vive inquiétude quant à la proposition d’Omnibus que vous vous apprêtez à présenter. Nous vous appelons à revenir sur ce projet et à maintenir, à tout le moins, l’ambition relative aux droits humains et au climat que vous portiez lorsque vous étiez député européen.