Auteur/autrice : Notre affaire à tous

  • CP / Climat : BNP fait un petit pas mais ne répond toujours pas au consensus scientifique

    Paris, le 11 mai 2023. En amont de son Assemblée générale le 16 mai, BNP Paribas annonce de nouveaux engagements climatiques (1). La banque mise sous pression par la société civile et la communauté scientifique, semble reconnaître que les nouveaux projets pétroliers et gaziers n’ont plus lieu d’être, mais se contente encore une fois de mesures trop faibles pour véritablement répondre à une exigence scientifique claire : renoncer à tout soutien, direct et indirect, à l’expansion de toutes les énergies fossiles. Les ONG de « L’Affaire BNP » appellent la banque à prendre la mesure de l’urgence climatique et seront pour cela présentes, aux côtés des scientifiques, à son Assemblée générale la semaine prochaine.

    BNP Paribas a communiqué ce matin sur l’arrêt “de financements dédiés au développement de nouveaux champs pétroliers ou gaziers”. Elle précise aussi “l’arrêt programmé des financements consentis aux acteurs non diversifiés de l’exploration-production pétrolière (les indépendants pétroliers) et destinés à soutenir la production pétrolière”. Traduction : BNP Paribas esquisse un pas dans la bonne direction en ce qui concerne ses financements de projets mais elle échoue malheureusement à répondre à une demande élémentaire et urgente de la communauté scientifique, reprise par l’Agence internationale de l’énergie et le Groupe d’experts de haut niveau des Nations Unies (6) : ne plus soutenir le développement du moindre nouveau champ pétrolier et gazier. Car derrière ces mesures multiples et détails techniques, BNP Paribas pourra continuer à accorder de nouveaux services financiers aux entreprises les plus agressives dans le développement des énergies fossiles. 

    Dans le rapport Banking On Climate Chaos publié en avril 2023 (7), BNP Paribas apparaît en effet comme le 4ème financeur mondial du développement des énergies fossiles entre 2016 et 2022. Elle est notamment le 1er financeur mondial des 9 majors européennes et américaines (8), leur ayant accordé 45,4 milliards de dollars depuis 2016. 

    Lorette Philippot, chargée de campagne aux Amis de la Terre France, réagit : « BNP fait mine de s’atteler au pressant enjeu de l’expansion des pétrole et gaz, mais elle pose seulement le pied sur la première marche d’un long escalier. Derrière l’arbre de la fin de ses financements de projets au développement de nouveaux champs pétroliers ou gaziers, la forêt de ses financements d’entreprises reste dense. L’engagement d’aujourd’hui n’aurait pas empêché BNP Paribas de participer à ses financements récents et de plusieurs milliards pour les géants BP et Saudi Aramco (9). Ça ne l’empêchera pas de participer à de nouvelles transactions toxiques dans un futur proche, comme elle n’a cessé de le faire par le passé. »

    Derrière les effets d’annonce, la politique de BNP Paribas reste lacunaire sur plusieurs points principaux :

    • Une exclusion des projets mais pas des entreprises qui portent ces projets : les mesures prises sur les projets ne couvrent que les financements “directs” ou “dédiés”, qui ne représentent qu’un outil dans la palette des instruments financiers dont disposent les banques pour financer les entreprises. Ainsi, BNP Paribas pourrait continuer à faire des prêts ou émissions de nouvelles obligations à des entreprises comme Total, qui développent de nouveaux champs d’énergies fossiles.  
    • Lorsque BNP annonce l’arrêt programmé des “financements consentis aux acteurs non diversifiés de l’exploration-production pétrolière”, non seulement ce n’est pas une exclusion immédiate, mais ce n’est pas une exclusion ferme (d’un groupe d’entreprises qui devra d’ailleurs être précisé). Les mesures prises sur les entreprises évitent donc soigneusement une exclusion ferme des majors pétro-gazières diversifiées, comme Total. 
    • Une politique qui épargne largement le gaz : BNP Paribas ne revoit pas ses engagements concernant ses soutiens aux entreprises actives dans le gaz. Comme déjà souligné lors de ses annonces de janvier (voir note 3), en créant une politique à deux vitesses entre pétrole et gaz, et en explicitant sa volonté de soutenir de nouveaux projets gaziers de transport (GNL) et de production d’électricité notamment “aux centrales thermiques de nouvelle génération à bas taux d’émission ainsi qu’à la sécurité d’approvisionnement, terminaux gaziers et flotte de transport de gaz”, BNP affiche ne pas en avoir fini avec le développement de cette énergie fossile, aux impacts climatiques mainte fois pointés du doigt par la science.
    • Des activités financières non-couvertes : des services financiers clés comme les émissions obligataires échappent totalement à la politique de BNP Paribas. Entre 2016 et 2022, 37 % des financements de la banque à l’industrie des énergies fossiles étaient liés à des émissions d’obligations, et non à des prêts (10). C’est notamment un levier de financement massif pour les majors du secteur, clientes importantes de BNP Paribas. 

    Pour Alexandre Poidatz, responsable plaidoyer chez Oxfam France : “C’est un grand pas selon la BNP, mais un petit pas pour l’humanité. Il suffisait que la banque renonce à prêter aux entreprises qui ouvrent de nouveaux projets de pétrole et gaz, comme l’a déjà fait la Banque Postale, mais elle s’y refuse encore une fois”. 

    Pour Justine Ripoll, responsable de campagnes pour Notre Affaire à Tous : “Les annonces de BNP illustrent les limites des engagements volontaires pris par les banques pour respecter l’Accord de Paris. Elles peuvent ignorer les standards internationaux en matière de vigilance et ne consentir qu’à de maigres avancées de façade. Notre action en justice apparaît indispensable : le tribunal judiciaire doit contraindre la BNP à aligner ses engagements avec le consensus scientifique.”

    Plusieurs questions ont été soumises à l’écrit hier à l’Assemblée générale de BNP Paribas, au nom des 600 scientifiques ayant signé la lettre ouverte adressée en février 2023 au Conseil d’administration de la banque (4), dont dix co-auteurs de rapports du GIEC — parmi lesquels Jean Jouzel, Christophe Cassou ou Céline Guivarch (11). Des représentants de la communauté scientifique et des ONG seront également présents à l’Assemblée générale de BNP Paribas ce mardi 16 mai pour lui rappeler ses obligations climatiques.

    Contacts presse

    • Lorette Philippot : Les Amis de la Terre France, lorette.philippot@amisdelaterre.org
    • Justine Ripoll : Notre Affaire à Tous, justine.ripoll@notreaffaireatous.org
    • Alexandre Poidatz : Oxfam France, apoidatz@oxfamfrance.org

    Notes

    1. https://group.bnpparibas/communique-de-presse/bnp-paribas-precise-et-renforce-ses-ambitions-en-matiere-de-transition-energetique 
    2. https://affaire-bnp.fr/laffaire-bnp-revient-nous-attaquons-officiellement-bnp-en-justice/ 
    3. https://affaire-bnp.fr/laffaire-bnp-menacee-dune-action-en-justice-bnp-paribas-communique-mais-ne-repond-pas-aux-demandes-des-ong/ 
    4. https://www.nouvelobs.com/opinions/20230224.OBS69984/la-lettre-ouverte-de-600-scientifiques-au-conseil-d-administration-de-bnp-paribas-vous-devez-cesser-de-soutenir-de-nouveaux-projets-petroliers-et-gaziers.html 
    5. https://reporterre.net/Desobeissance-civile-des-scientifiques-s-attaquent-a-la-BNP 
    6. Dans son World Energy Outlook 2021, l’AIE a conclu qu’“aucun nouveau gisement de pétrole et de gaz n’est nécessaire en dehors de ceux dont l’exploitation a déjà été approuvée” pour limiter le réchauffement global à 1,5 °C. Son World Energy Outlook 2022 continue de mettre en avant ce constat. Au contraire, l’AIE souligne que « personne ne devrait imaginer que l’invasion de la Russie peut justifier une vague de nouvelles infrastructures pétrolières et gazières dans un monde qui veut atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ». De même, le groupe d’experts de haut niveau des Nations Unies (HLEG) a souligné dans son rapport de novembre 2022 qu’“il n’y a pas de place pour de nouveaux investissements dans l’approvisionnement en énergies fossiles
    7. https://www.bankingonclimatechaos.org/ 
    8. BP, Chevron, ConocoPhillips, Equinor, Eni, Exxon, Repsol, Shell et Total.
    9. L’ONG Reclaim Finance a identifié ces deux transactions. BNP Paribas a aidé BP à émettre une obligation d’une valeur de 2,5 milliards de dollars le 9 février. Cette transaction a eu lieu alors la major a récemment revu à la baisse ses objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre et de sa production de pétrole et gaz. BNP a également participé à l’émission d’un ensemble d’obligations d’une valeur totale de 4,5 milliards de dollars le 23 février pour Saudi Aramco, l’entreprise développant le plus de nouveaux projets pétro-gaziers au monde.
    10. https://www.amisdelaterre.org/nouveaux-chiffres-bnp-meilleure-amie-energies-fossiles/ 
    11. https://blogs.mediapart.fr/scientifiques-en-rebellion/blog/090523/bnp-et-energies-fossiles-lag-les-scientifiques-posent-les-questions-qui-fachent 
  • CP / Grande-Synthe : la justice place l’État sous surveillance renforcée

    Paris, le 10 mai 2023

    Ce mercredi 10 mai 2023, le Conseil d’État a rendu sa décision dans le cadre de l’affaire Grande-Synthe, portée par la commune de Grande-Synthe et les organisations de l’Affaire du Siècle. Suivant les recommandations du Rapporteur public, le Conseil d’État rejette le bilan du gouvernement, le jugeant non conforme avec l’objectif climatique inscrit dans la Stratégie nationale bas carbone à l’horizon 2030. 

    C’est un désaveu pour le gouvernement : le Conseil d’État constate de nouveau l’insuffisance des politiques climatiques mises en place par l’État depuis sa condamnation en juillet 2021. Le Conseil d’État estime qu’il « n’est toujours pas garanti de façon suffisamment crédible que la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre puisse être effectivement respectée ».

    Pour ce faire, la plus haute juridiction administrative s’appuie sur plusieurs points :

    • Il n’est pas possible de considérer que les baisses récentes d’émissions sont structurelles. Contrairement à ce qu’a déclaré le gouvernement, la baisse des émissions constatée pour l’année 2022 n’est pas le résultat de mesures spécifiques et structurelles qu’il aurait mises en place mais d’une combinaison de circonstances exogènes (pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine, hiver doux notamment).
    • L’État laisse planer le doute sur le respect de ses engagements climatiques. Puisque l’État ne se dote pas volontairement d’outils de suivi pour mesurer son action en vue de ses objectifs à l’horizon 2030, les juges considèrent que les résultats des modélisations de l’État ne sont pas suffisamment fiables et qu’il existe un doute quant à l’impact de sa politique climatique : ils exigent aujourd’hui des ministères chargés de la transition écologique de meilleurs outils de suivi et d’évaluation de l’action climatique de la France avant juin 2024. 
    • Le choix d’une surveillance démocratique renforcée et d’une pression accrue pour obtenir de nouvelles mesures à la hauteur des enjeux. Le Conseil d’État enjoint au gouvernement de prendre des mesures supplémentaires avant juin 2024 et annonce d’ores et déjà une surveillance renforcée de la trajectoire climatique par les tribunaux en fixant des échéances jusqu’en 2030. Un décrochage de trajectoire dans les années futures, prédit par tous les experts dont le Haut Conseil pour le Climat, pourrait donner lieu à de nouvelles injonctions voire à une astreinte financière. 


    Pour les organisations de l’Affaire du Siècle « avec cette décision, le Conseil d’État entérine la défaillance du gouvernement et l’esbroufe qu’il organise autour de son (in)action climatique. À un moment où la France traverse un épisode de sécheresse inédit, après un été 2022 marqué par des incendies catastrophiques, le gouvernement a le devoir de réagir, et vite ».


    La décision rendue par le Conseil d’État vient ainsi renforcer cette autre action en justice menée contre l’État français, l’Affaire du Siècle, dans laquelle il pourrait être condamné à payer de lourdes pénalités financières, ainsi que les organisations le demanderont très prochainement devant le tribunal administratif de Paris.

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    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • CP / Justice pour le vivant : Audience historique le 1e juin 2023 contre l’effondrement de la biodiversité

    Paris, le 2 mai 2023

    L’audience du procès Justice pour le Vivant aura lieu le 1er juin 2023 à 14h au Tribunal administratif de Paris. Ce recours, mené par 5 ONG contre l’Etat pour son inaction face à l’effondrement de la biodiversité, a été marqué par la stratégie d’évitement de l’Etat qui tente de se dédouaner de ses responsabilités, et par la demande d’intervention de Phyteis, le lobby de l’agrochimie en France, dont l’argumentation s’inscrit dans une véritable fabrique du doute.

    Les ONG environnementales POLLINIS, Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds, ANPER-TOS et l’ASPAS mobilisées dans le cadre du procès Justice pour le Vivant ont déposé leurs derniers mémoires le 13 avril dernier. Lundi 1er mai, une date d’audience a été fixée au 1er juin 2023 à 14h par le Tribunal administratif de Paris. 

    Les 5 ONG ont déposé un recours en carence fautive contre l’Etat en janvier 2022, pour son inaction face à l’effondrement de la biodiversité. Elles dénoncent en particulier sa défaillance dans la mise en place de procédures d’évaluation des risques et d’autorisations de mise sur le marché des pesticides réellement protectrices du Vivant.

    Dans ses deux mémoires, l’Etat a minimisé l’impact des pesticides sur l’effondrement de la biodiversité, et s’est retranché derrière les limitations supposées du droit européen, qui ne laisserait pas suffisamment de marge de manœuvre aux Etats membres pour agir davantage. Cet argumentaire fragile a fait l’objet de réponses précises des ONG.

    En cours d’instruction, l’Etat a reçu le soutien de Phyteis, le syndicat représentant en France les principales entreprises de l’agrochimie (Bayer, BASF, Syngenta, …), qui a déposé une demande d’intervention ainsi que plusieurs mémoires. Son argumentaire, quantitativement plus important que celui de l’Etat, s’appuie sur des pratiques dilatoires visant à semer le doute sans répondre aux multiples preuves scientifiques apportées par les 5 ONG de la corrélation entre l’usage immodéré de pesticides toxiques et l’effondrement de la biodiversité. Ainsi : 

    • Niant le consensus scientifique, Phyteis minore la responsabilité des pesticides dans l’effondrement de la biodiversité, en soulignant l’aspect « multifactoriel » de cette catastrophe. Il dénigre également l’ensemble du système de publication à comité de lecture, la littérature scientifique, en insinuant que celle-ci privilégierait la publication des études scientifiques montrant des effets néfastes des pesticides plutôt que celles concluant à une absence d’effets, et serait donc affectée par un prétendu « biais de publication », une affirmation sans aucun fondement.
    • Le lobby utilise des données non pertinentes qui visent à détourner l’attention du cœur du problème, en soulignant par exemple une baisse des ventes des tonnages des pesticides en France et la « disparition » de nombre de substances depuis les années 90, alors que le poids des produits, toujours plus efficaces, n’est plus une donnée fiable et que de nouvelles substances, parfois plus toxiques, ont remplacé celles qui ont disparu. 
    • Pour renforcer son argumentation, le syndicat cite des études produites par l’industrie dont les conclusions ont été considérées comme inappropriées par les scientifiques de l’EFSA.
    • Phyteis dépeint dans l’ensemble une vision idéalisée des procédures d’évaluation des risques en Europe et en France, qui seraient alignées avec les connaissances scientifiques récentes et qui garantiraient un niveau de présence « acceptable » des pesticides dans l’environnement.

    En s’appuyant sur de nombreuses études et sur les constats et analyses des pouvoirs publics nationaux et européens, les ONG réunies dans « Justice pour le Vivant » démontrent bien les lacunes de ces procédures d’évaluation des risques et pointent par exemple l’omission de nombreux effets potentiels des pesticides tels que les effets cocktails ou les effets sublétaux, ainsi que l’absence d’évaluation pour nombre d’espèces ayant pourtant un rôle important dans les écosystèmes, comme les abeilles sauvages. 

    Ces 30 dernières années en Europe, les populations d’insectes volants ont diminué de 75% et les populations d’oiseaux des champs ont chuté de 30% en France. La responsabilité des pesticides dans cet effondrement de la biodiversité est décrite par les études et analyses citées par les ONG et est reconnue par les pouvoirs publics français et européens, et encore récemment par la Commission européenne et l’Agence européenne pour l’environnement. L’urgence de la situation nécessite une restructuration rapide des procédures d’autorisation de mise sur le marché des pesticides. En l’état, elles ne permettront pas d’enrayer le déclin des espèces pourtant indispensables à notre souveraineté alimentaire. 
    « L’État, inactif face à l’effondrement de la biodiversité, laisse les multinationales de l’agrochimie le défendre en déployant une stratégie du doute, avec une méthode argumentaire pourtant aujourd’hui largement connue et dénoncée. Les preuves de l’impact des pesticides sur l’effondrement de la biodiversité sont suffisantes et il faut immédiatement revoir les procédures d’autorisations de mise sur le marché. Lors de l’audience du 1er juin, nous espérons que la justice saura entendre le consensus scientifique sur le sujet et obligera l’Etat à agir à la hauteur de l’enjeu » expliquent les associations.

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    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Notes

    1. Hallmann et al., 2017 : Hallmann, C. A., Sorg, M., Jongejans, E., Siepel, H., Hofland, N., Schwan, H., Stenmans, W., Müller, A., Sumser, H., Hörren, T., Goulson, D., & de Kroon, H. (2017). More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas. PLOS ONE, 12(10), e0185809. https://doi.org/10.1371/JOURNAL.PONE.0185809
    2. OFB, Vigie Nature, MNHN, Ministère de la transition écologique, Fontaine et al., Suivi des oiseaux communs en France. Résultats 2019 des programmes participatifs de suivi des oiseaux communs, 2020.
    3. Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions. Révision de l’initiative européenne sur les pollinisateurs. Un nouveau pacte en faveur des pollinisateurs.
    4. https://www.eea.europa.eu/publications/how-pesticides-impact-human-health

    Ressources complémentaires

  • HORS SERIE IMPACTS – Retraites, climat, même combat ?

    HORS SERIE IMPACTS – Retraites, climat, même combat ?

    A l’occasion du 1er mai, NAAT met en lumière les liens entre les enjeux climatiques et la défense d’un système de retraites plus juste. 

    “Pas de retraités sur une planète brûlée”. Ce slogan a résonné ces derniers mois lors des manifestations contre la réforme des retraites. Le sujet est porté par différentes associations environnementales et par des militant·e·s écologistes. Ils et elles mettent en avant que l’urgence n’est pas de réformer les retraites mais d’agir pour limiter le changement climatique. Car pour celles et ceux qui auront 60 ans dans 30, 40 ou 50 ans, la problématique risque de ne pas être celle de partir à la retraite mais celle de survivre dans un monde invivable. Il s’agit avant tout d’une question de priorisation : si on ne se préoccupe pas de la question climatique, il risque de ne pas y avoir de retraite du tout. Mais au-delà de l’argument de l’urgence, d’autres éléments lient la question des retraites à celle du climat et de l’environnement. Les deux sujets qui pourraient sembler d’un premier abord sans rapport sont en fait connectés. 

    En ce 1er mai 2023 qui n’est pas seulement la fête du travail mais une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites porté par Emmanuel Macron, nous revenons sur les principaux enjeux autour des retraites et du climat.

    I. L’impact du dérèglement climatique sur le travail : la question des conditions de travail et de la pénibilité

    Le dérèglement climatique a un impact sur tous les aspects de notre vie, y compris sur le travail. Les conséquences du réchauffement climatique modifient grandement nos conditions de travail et la pénibilité de certains métiers. L’exemple le plus étudié est celui des vagues de chaleur. Leur conséquences pour les travailleur·euse·s ont fait l’objet d’un rapport de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) en 2019. Selon ce rapport, la chaleur diminue la productivité dès que la température atteint les 24-26°C. Lorsqu’il fait 33-34°C, un·e travailleur·euse opérant à une intensité physique moyenne perd 50% de sa capacité de travail. 

    Mais c’est surtout la santé et la sécurité des personnes qui sont en jeu. L’exposition à la chaleur peut entraîner pour les travailleur·euse·s des crampes et des malaises, des coups de chaleur et des déshydratations pouvant aller jusqu’à provoquer la mort de la personne. La chaleur et le déficit de récupération lié aux températures élevées la nuit amènent une diminution de l’attention et de la vigilance et un risque plus important d’accidents. Ils aggravent également les tensions au travail, jouent sur l’humeur des personnes, sur leur tolérance vis-à-vis de collègues ou du public. Si les horaires de travail sont décalés pour s’adapter aux fortes chaleurs, cela peut interférer avec la vie privée des personnes et leurs obligations personnelles (garde d’enfant, rendez-vous, etc), ce qui ajoute à la fatigue mentale. Tous les travailleur·euse·s sont concerné·e·s (notamment du fait de la chaleur dans certains bureaux ou d’usines et de l’absence de récupération durant la nuit). D’autres éléments sont également à prendre en compte comme la plus forte volatilité de substances chimiques du fait de la chaleur (pouvant créer des risques d’inflammabilité ou d’inhalation par les personnes), ou comme le port de vêtements de protection empêchant l’évaporation de la sueur. Les personnes travaillant en extérieur dans des métiers physiques comme le BTP, les transports et l’agriculture sont particulièrement concernées. En France au cours de l’été 2022, au moins 7 personnes sont décédées dans des accidents du travail directement imputable à la chaleur, la majorité d’entre elles travaillant dans le BTP et l’agriculture. 

    Les vagues de chaleur ont également un impact par ricochet sur d’autres secteurs comme ceux de la santé et de l’aide à la personne. En plus de subir les conditions décrites précédemment, les travailleur·euse·s dont le métier est de soigner et d’accompagner les malades et vulnérables (enfants, personnes âgées, personnes en situation de handicap, etc) se retrouvent en première ligne face aux impacts de la chaleur. Leur charge de travail augmente.

    Au-delà des vagues de chaleur, de nombreuses autres problématiques émergent. Par exemple, l’augmentation des températures moyennes amènent l’arrivée de nouvelles espèces animales et végétales sur le territoire français. Cela entraîne des risques en matière de zoonoses pour les personnes travaillant avec les animaux (vivants ou morts), en matière d’introduction de nouveaux allergènes (en particulier via les pollens) et de nouveaux agents biologiques pour les métiers de l’environnement, de l’agriculture, du transport mais aussi de la gestion des déchets. Un autre exemple réside dans la modification de la fréquence et de l’intensité des aléas climatiques. Au-delà de l’annulation d’événements et de la diminution du tourisme dans certaines zones, ces aléas créent des risques et des conditions de travail plus difficiles pour les secours et les professionnels de la remise en état des réseaux (électricité, infrastructures routières, etc).  Dans un rapport publié en 2018, l’ANSES indique qu’ “à l’exception des risques liés au bruit et aux rayonnements artificiels, tous les risques professionnels sont et seront affectés par le changement climatique et les modifications environnementales”. Tout cela est clairement perçu par les travailleur·euse·s puisque 70% des répondants à une une enquête du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) publiée le 14 février 2023 considèrent que le dérèglement climatique et plus généralement la dégradation de l’environnement peut affecter la santé des salarié·e·s et des agent·e·s.

    Ces conditions de travail rendues plus difficiles et pénibles détériorent la santé des personnes. Si tous et toutes sont impacté·e·s, les actifs et actives seniors le sont plus particulièrement. L’avancée en âge augmente les problèmes de santé (maladies chroniques, usures liées aux activités professionnelles répétées au fil des années, etc). Actuellement, selon l’Observatoire de la mutualité française, dans un rapport sur la santé au travail publié en février 2023, “le vieillissement de la population des salariés et le développement des pathologies chroniques qui l’accompagne se traduisent par une augmentation de la morbidité et de la durée des arrêts de travail avec l’âge. En 2017 (dernière donnée disponible), l’accentuation est très nette chez les plus de 60 ans (+ 24 jours d’arrêt maladie en moyenne, par rapport à la classe d’âge inférieure)”. Les travailleur·euse·s seniors ne seront plus toujours en capacité de continuer à exercer leur activité professionnelle dans un environnement aux risques et à la pénibilité augmentés par le réchauffement climatique. Dans son rapport de 2019 concernant les vagues de chaleur, l’OIT insiste sur le fait que les travailleur·euse·s âgé·e·s ont une résistance physiologique plus faible à des niveaux élevés de chaleur” et explique que “pour les femmes comme pour les hommes, le vieillissement entraîne des changements dans la régulation de la température corporelle. De plus, les personnes de plus de 50 ans risquent davantage de souffrir de maladies cardio-vasculaires.” Pour l’OIT, “ces facteurs doivent être pris en compte dans la conception des mesures d’adaptation.

    Enfin, soulignons que les personnes les plus concernées par les effets négatifs de la réforme des retraites sont aussi celles qui sont le plus touchées par les conséquences du dérèglement climatique. Il s’agit des personnes exerçant les métiers les plus précaires, les métiers les plus difficiles physiquement et souvent les moins bien payés. On peut penser par exemple aux livreurs à vélo, aux plongeurs dans les cuisines, aux saisonniers agricoles, etc. Or, du fait de leur situation économique, ces personnes n’ont bien souvent pas d’autre choix que d’aller travailler malgré les conditions pouvant être dangereuses pour leur santé. Par ailleurs, cette réforme des retraites accroît les inégalités de genre. Actuellement, les femmes ont, selon la DREES, une pension de retraite de droit direct inférieure de 40% à celle des hommes. Cela est lié à des carrières souvent plus hachées car elles ont généralement la tâche de s’occuper des enfants et occupent des métiers moins rémunérateurs. Elles sont pourtant concernées par la dégradation des conditions de travail et l’augmentation de la pénibilité liées au changement climatique, du fait des vagues de chaleur mais aussi de leur surreprésentation dans certains secteurs comme les “métiers du care”. Ces actifs et actives font donc face à un véritable cumul des vulnérabilités et des risques, créant un cocktail qui impacte fortement leur fin de carrière ainsi que leur retraite. 

    II. La question du financement des retraites : un enjeu pour la transition écologique

    En parallèle, la réforme des retraites portée par Emmanuel Macron et le gouvernement d’Elisabeth Borne favorise la financiarisation des retraites. Actuellement, en plus de recevoir une pension de retraite via le financement par répartition, les personnes peuvent – si elles le souhaitent – augmenter les sommes perçues à leur retraite par des dispositifs complémentaires correspondant à une épargne par capitalisation constituée auprès d’investisseurs et d’assureurs. Par le recul de l’âge de départ et la possible diminution des pensions, la réforme pousse les personnes à épargner pour assurer un complément à leur retraite ou pouvoir partir de façon anticipée, malgré une décote. En France, plus de 6 millions de personnes possédaient un plan épargne retraite en 2022. Cependant, là encore, la question des inégalités émerge. Ce type d’épargne n’est pas accessible à tous. Les personnes les plus pauvres n’ont pas forcément les moyens d’épargner ou préfèrent opter pour des produits financiers leur permettant de retirer l’argent immédiatement en cas de besoin. 

    De surcroît, la financiarisation rend les montants des retraites dépendant des marchés financiers. Or ceux-ci sont particulièrement vulnérables face au dérèglement climatique et à ses conséquences. Les aléas climatiques extrêmes peuvent avoir des impacts sur les cours boursiers et les assurances du jour au lendemain. En 2018, le think tank Asset Owners Disclosure Project estimait qu’il y avait “près de 10 mille milliards de dollars d’actifs non protégés contre les crises économiques qui seront causées par le réchauffement climatique”. Compter sur la retraite par capitalisation, c’est donc mettre en danger les pensions de millions de personnes et prendre le risque d’une paupérisation des retraités. Ce même think tank s’inquiétait de l’absence de prise en compte du changement climatique par les grands fonds de pension pourtant censés agir sur le long terme en gérant l’épargne salariale sur plusieurs dizaines d’années avant que les personnes prennent leur retraite. Devant cette absence de préparation et de mesures concrètes d’adaptation, le Forum Économique Mondial, dans son rapport “Global Risk Report 2020”, souligne : “les fonds de pension risquent d’être confrontés à des déficits catastrophiques en raison de la consolidation et de la transition des industries”.

    La capitalisation est également problématique si elle permet de continuer de financer des projets et activités particulièrement émetteurs en gaz à effet de serre, ce qui est actuellement le cas. Nombre d’acteurs financiers continuent d’investir dans les énergies fossiles avec l’argent déposé par les épargnants. Certains acteurs majeurs dans l’épargne des retraites, français et européens comme Swiss Life ou mondiaux comme Blackrock, n’ont d’ailleurs pris aucun engagement concernant la sortie du charbon ou du pétrole, voire sont même accusés de faire obstacle à la transition écologique. Ils participent de ce fait à la crise climatique et environnementale.

    III. Emploi, âge de la retraite, nombre de trimestres cotisés… Travailler moins et mieux pour limiter les émissions de gaz à effet de serre

    Le consensus scientifique est clair : les changements climatiques en cours sont d’origine anthropique. Les activités humaines et les émissions de gaz à effet de serre qui en découlent sont la cause principale du réchauffement climatique par rapport à l’ère pré-industrielle et des importantes dégradations de l’environnement, y compris l’effondrement de la biodiversité. La solution mise en avant par les scientifiques, en accord avec les gouvernements qui participent à l’élaboration des rapports à destination des gouvernants, est la transformation systémique de notre société. Cela passe par repenser nos modes de production et de travail – et donc aussi nos retraites. 

    La première problématique est celle liée à l’absence actuelle de mesures concrètes suffisantes concernant la limitation du réchauffement climatique et une transition écologique juste. De nombreuses organisations alertent : en l’absence d’adaptation au changement climatique, de très nombreux emplois seront purement et simplement supprimés. Or, sans emploi, les personnes auront des difficultés à cotiser le nombre de trimestres nécessaires pour partir à la retraite à taux plein ou n’auront pas eu suffisamment de revenus au cours de leur carrière pour assurer une pension de retraite suffisante pour vivre dignement. 

    A l’inverse, s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique et une transition juste permettra la création d’emplois, notamment d’emplois dits “verts”, et de limiter la perte d’emplois. Cela correspond aussi aux aspirations des salarié·e·s puisqu’une récente étude de l’Unédic montre que 8 actifs sur 10 souhaitent que leur travail soit en adéquation avec la lutte contre le changement climatique.

    Au-delà de faire évoluer nos modes de production et le travail qui les accompagne vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement et du climat – et donc de travailler mieux, il s’agit aussi de diminuer nos activités et notre temps de travail – travailler moins pour produire moins. Les recherches sont encore peu nombreuses sur ce sujet mais celles qui existent concluent majoritairement à une baisse de l’empreinte écologique et des émissions de gaz à effet de serre lorsque le temps de travail diminue. Plusieurs facteurs sont mis en avant : la diminution du temps de travail permettrait de diminuer la consommation d’électricité, de limiter les déplacements (trajets domicile – travail), de changer les manières de consommer (cuisiner plutôt que consommer des plats ultra-transformés par exemple), d’améliorer la santé, etc. Si cela s’applique au temps de travail hebdomadaire, cela est également valable à l’échelle d’une carrière. Dans un rapport publié en décembre dernier, l’OIT présentait la retraite anticipée comme l’une des solutions pour une transition juste. 

    Climat et travail, un lien encore sous-estimé

    La question climatique apparaît comme un véritable angle mort de la réforme des retraites. Il est pourtant essentiel de repenser le travail et la retraite dans une optique de limitation du dérèglement climatique et d’adaptation aux impacts de ces changements. La question des retraites qui est par essence un enjeu de long terme ne peut plus aujourd’hui être pensée en dehors des problématiques climatiques et environnementales. Au contraire, elle doit non seulement les prendre en compte mais faire partie des stratégies étudiées pour lutter contre le réchauffement climatique, assurer une transition écologique juste et renforcer l’adaptabilité de notre société. 

    Pour aller plus loin !

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    (Re)lisez le n°16 de notre revue IMPACT sur le travail et le changement climatique !

  • CP / Devoir de vigilance : les eurodéputé.e.s déçoivent sur l’accès à la justice

    CP / Devoir de vigilance : les eurodéputé.e.s déçoivent sur l’accès à la justice

    Communiqué de presse – 25 avril 2023

    Après plusieurs mois de négociations au Parlement européen, la commission des affaires juridiques vient de rendre son avis sur le projet de Directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises. Nos organisations, membres du Forum Citoyen sur la RSE, saluent certaines avancées mais déplorent de grandes lacunes qui pourraient permettre aux entreprises de se soustraire à leurs obligations et rendre l’accès à la justice difficile pour les personnes affectées.

    Depuis plusieurs mois, les différentes commissions du Parlement européen débattent du  projet de Directive sur le devoir de vigilance des entreprises, qui permettra d’encadrer les activités des entreprises européennes ou actives sur le marché européen, quant à leurs impacts sur les droits humains et l’environnement.

    Un accord politique a finalement été trouvé ce matin au sein de la commission des affaires juridiques (JURI) du Parlement, ultime et principale commission saisie du texte. Ce dernier, qui doit désormais être adopté par l’ensemble du Parlement réuni en plénière fin mai, contient plusieurs avancées par rapport au texte initialement proposé par la Commission européenne, et à la position ensuite adoptée par le Conseil de l’Union européenne.

    Mais la recherche du compromis a pâti d’une offensive des député.e.s conservateurs qui ont fortement affaibli le texte.

    Le texte passe à côté de l’objectif, pourtant central, de faciliter l’accès à la justice des personnes et communautés affectées. Ainsi, la charge de la preuve n’a pas été renversée alors que cette mesure est essentielle pour rééquilibrer le rapport de forces entre multinationales et personnes impactées. 

    De plus, le texte voté ne rend pas les sociétés mères automatiquement responsables en cas de manquement au niveau d’une filiale. L’engagement de la responsabilité des entreprises est aussi rendu plus difficile par la possibilité offerte de recourir à des tiers auditeurs et à des initiatives sectorielles pour justifier de la conformité de leur conduite. La possibilité laissée aux entreprises de prioriser le traitement des atteintes à l’environnement et aux droits humains pose les mêmes difficultés.

    Par ailleurs, si le secteur financier n’est pas exclu, le texte de la commission affaires juridiques, tout comme celui du Conseil et de la Commission européenne, comporte d’importantes restrictions et lacunes, et le texte est en-deçà de celui qui avait été voté en commission Affaires économiques (ECON) [1]. 

    La définition des atteintes à l’environnement demeure problématique, les eurodéputé·e·s n’ayant pas suivi l’avis de la Commission Environnement (ENVI) qui comportait des améliorations notables sur ce point [2].

    D’ici à la plénière, les eurodéputé·e·s ont encore l’opportunité de proposer des amendements au texte de la Commission Affaires juridiques. Fin mai, la position du Parlement européen devrait être adoptée. Elle devra être suffisamment forte en vue des trilogues à venir, pour faire le poids face aux positions moins ambitieuses défendues par la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne. Nous appelons une nouvelle fois les eurodéputé·e·s à réaffirmer leur engagement en faveur des droits humains et de l’environnement à travers ce texte essentiel. 

    Contacts presse:

    CCFD-Terre Solidaire : Sophie Rebours, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org

    Clara Alibert, c.alibert@ccfd-terresolidaire.org 

    Amis de la Terre France : Juliette Renaud, juliette.renaud@amisdelaterre.org

    Notre Affaire à Tous : Brice Laniyan, brice.laniyan@notreaffaireatous.org

    ActionAid France : Maelys Orellana, maelys.orellana@actionaid.org

    Oxfam France : Stanislas Hannoun shannoun@oxfamfrance.org

    Sherpa : Lucie Chatelain lucie.chatelain@asso-sherpa.org

    Collectif Ethique sur l’étiquette : Nayla Ajaltouni, n.ajaltouni@ethique-sur-etiquette.org

    Notes

    [1] Certains types d’acteurs financiers seront exclus, et surtout, les obligations de vigilance ne devront s’exercer que concernant les clients directs qui bénéficient des services financiers, et leurs filiales. Cela exclut donc les activités des sous-traitants qui seront pourtant financées indirectement par ces services financiers, alors que dans de nombreux secteurs à risque, tels que le secteur pétrolier ou textile, l’essentiel des violations survient en lien avec la sous-traitance, comme nous le rappelle le triste anniversaire de l’effondrement du Rana Plaza.

    [2] La commission ENVI recommandait d’ajouter à l’article 3(b) une définition générale des atteintes à l’environnement (incluant le changement climatique, les atteintes aux sols, aux eaux, à la biodiversité et aux écosystèmes etc.). Cette proposition permettait de pallier, en partie, l’approche restrictive de la proposition de la Commission qui renvoyait à une liste de conventions internationales de nature sectorielle en Annexe. La commission JURI revient sur cette proposition en supprimant la définition générale de l’article 3(b) et en la reléguant en Annexe, ce qui constitue un signal négatif pour la suite des négociations.

  • IMPACTS HORS SÉRIE – La relance du nucléaire en France se fait-elle dans le respect de la démocratie environnementale ?

    Sur demande du gouvernement en 2019, le Réseau de Transport d’électricité (RTE) a publié fin 2021 plusieurs scénarios de mix de production permettant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, « Futurs énergétiques 2050 »[1]. Six scénarios de mix de production ont été proposés dont trois sans relance du nucléaire et trois avec.

    Lors d’un discours à Belfort le 10 février 2022[2], le président de la République Emmanuel Macron a annoncé la trajectoire souhaitée pour la France : l’accélération du développement des énergies renouvelables, mais aussi la construction de six nouveaux réacteurs de type EPR2[3] et l’étude de huits EPR2 additionnels. Les annonces du président rappellent deux scénarios de référence présentés dans « Futurs énergétiques 2050 » : l’un dit « N2 » impliquant la construction de nouveaux réacteurs, l’autre dit N03 prévoyant en plus le prolongement de l’utilisation des centrales nucléaires existantes. Ont donc été mises en avant les hypothèses maximalistes de réindustrialisation.

    Cette relance du nucléaire annoncée par le président a commencé à se matérialiser par un projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes présenté (« Projet de loi d’accélération du nucléaire ») en conseil des ministres le 2 novembre 2022, votée par le Sénat le 24 janvier 2023 et par l’Assemblée nationale le 21 mars 2023.

    En parallèle, la loi d’accélération des énergies renouvelables a été promulguée le 10 mars 2023.

    Il est à noter qu’une loi de programmation énergie et climat doit être votée cette année. Elle doit fixer les priorités d’action de la politique climatique et énergétique nationale en tenant compte de l’objectif européen de réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre de -55% d’ici 2030[4].

    Dans un tel contexte, quel(s) rôle(s) ont les citoyen-ne-s et quels sont leurs droits ?

    La charte de l’environnement donne valeur constitutionnelle au principe de la participation du public et au droit à l’information depuis 2005[5]. Cela s’est traduit par la mise en place de deux procédures dans le code de l’environnement :

    • En amont des plans ou projets : création des procédures de débat public ou de concertation préalable[7] afin d’associer le public à l’élaboration des projets, à un stade où toutes les options sont encore ouvertes, permettant ainsi de questionner l’opportunité du projet.
      • Les procédures de débat public et de concertation préalables sont encadrées par la Commission nationale du débat public[8] (CNDP) qui à l’obligation d’être saisie pour certains projets, ou la faculté de l’être pour d’autres projets.
    • en aval, au stade de l’approbation du plan ou de l’autorisation du projet ont été mises en place des procédures d’enquête publique[9], de participation du public par voie électronique[10] ainsi qu’un dispositif de participation du public hors procédures particulières[11]. Cette consultation porte sur un dossier finalisé, juste avant la délivrance d’une autorisation ou approbation. La procédure appliquée dépend de la nature et de la taille du projet.

    C’est dans ce cadre que le gouvernement a lancé le 20 octobre 2022 une concertation nationale sur le « Système énergétique de demain ». En parallèle, EDF et RTE ont saisi la CNDP afin d’organiser un débat sur les nouveaux réacteurs nucléaires et notamment le projet Penly, visant à agrandir ce site nucléaire en Normandie. Ce débat a eu lieu entre le 27 octobre 2022 et le 27 février 2023.

    Au cœur de ce grand chantier controversé, autant les conditions dans lesquelles la loi est élaborée (I) que les dispositions qu’elle prévoit (II), interrogent quant à la place donnée aux droits garantis par la Constitution, que sont le droit à l’information et le principe de participation du public.

    I. L’élaboration de la loi au regard de la démocratie environnementale

    Outre le contenu du projet de loi d’accélération du nucléaire qui va directement impacter l’information et la participation du public, les modalités d’élaboration de la loi sont critiquables à plusieurs égards :

    • Le rapport législatif de la commission des affaires économiques[12] constate que le gouvernement a légiféré dans le désordre. Afin de prendre en compte les retours des débats publics sur le Système énergétique de demain et le nucléaire, il aurait fallu soumettre en premier au Parlement le projet de loi de programmation énergie et climat, puis le projet de loi d’accélération du nucléaire et le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables.
    • Le rapport reconnaît que le gouvernement a légiféré dans la précipitation. Le Sénat a été informé mi-décembre de l’examen du projet de loi nucléaire pour début janvier et de la tenue de la commission mixte paritaire sur le projet de loi des énergies renouvelables pour fin janvier.
    • Le même rapport indique que le gouvernement a omis les consultations en cours : le projet de loi a été discuté au Parlement quand bien même les débats organisés par la CNDP sur ces sujets n’étaient pas clos. La CNDP déplore elle-même cette précipitation, le rapport la cite : « l’existence même de ce projet de loi nucléaire et la publicité qui lui est donnée, alors que son utilité directe paraît faible, laisse à penser que de toute façon les consultations ne servent à rien, ce qui n’est pas un très bon signal donné pour les consultations à venir. »
    • Enfin, le projet de loi omet des questions cruciales telles que l’actualisation de la  planification énergétique et celle relative aux moyens financiers et humains nécessaires. Les retards cumulés sur l’EPR de Flamanville tiendraient plus aux difficultés d’ingénierie et de conception qu’aux procédures d’autorisations administratives. Le rapport précité cite la CNDP sur le projet : « Il [le projet de loi] paraît surtout très peu utile : le retour d’expérience de Flamanville ne fait apparaître à aucun moment les procédures comme élément déterminant du délai de réalisation du projet. La réalisation des études d’ingénierie est beaucoup plus déterminante, et les procédures sont menées en parallèle à la conduite de ces études, de fait en temps masqué. » Cette remarque a été soulevée avant même que soient  dernièrement détectées de nouvelles fissures[13] sur des conduites du système d’injection de sécurité.

    II. Les simplifications administratives prévues dans la loi et les conséquences sur la participation et l’information du public.

    L’un des éléments clés du projet de loi est la suppression de l’objectif de réduire à 50 % la part de l’énergie nucléaire dans le mix électrique à horizon 2035, ainsi que le plafond de 63,2 gigawatts de capacité totale de production nucléaire autorisée. La ministre de la transition énergétique a expliqué qu’elle ne veut «ni plafond ni plancher» sur le sujet.

    Le projet de loi prévoit une simplification des démarches administratives pour la délivrance des autorisations. Les dispositions votées concernant donc principalement les collectivités et les riverains des projets : les procédures d’urbanisme, d’autorisation environnementale et par conséquent la participation du public sont directement impactées. C’est pourquoi l’absence de prise en compte du débat public -qui s’est terminée le 27 février alors que la loi était déjà débattue dès début janvier- est inquiétante au regard de la démocratie environnementale. Le projet de loi prévoit notamment les dispositions suivantes.

    Simplification des documents d’urbanisme aux mains de l’État.

    Le projet simplifie la mise en compatibilité des documents d’urbanisme. La qualification de projet d’intérêt général devra être prononcée par décret en Conseil d’État, à la place d’un arrêté préfectoral ou d’un décret dans le droit existant. L’État pourra engager directement, et sans délai, la modification du document d’urbanisme local. Un examen conjoint étant prévu entre l’État et les collectivités, le rapporteur a souhaité renforcer la participation des collectivités en proposant un amendement leur donnant la possibilité de faire parvenir des observations à l’État. Cette étape aurait permis de mieux identifier dès l’amont les éventuels problèmes et suggestions relevés par les acteurs de terrain, mais l’amendement a été supprimé.

    Dispense d’autorisation au titre du code de l’urbanisme

    Afin de faire émerger de nouveaux réacteurs nucléaires, plusieurs autorisations doivent être délivrées par l’administration : 

    • l’autorisation de création d’une installation nucléaire de base;
    • l’autorisation environnementale qui assure la prévention des dangers et des risques pour l’environnement (eaux, milieux et habitats, sols, arbres), délivrée par décret du ministre chargé de l’environnement;
    • l’autorisation d’urbanisme comprenant le permis de construire, le permis d’aménager ou la déclaration préalable selon les éléments à construire du projet;
    • la déclaration d’utilité publique afin de justifier l’utilité publique d’un projet pour pouvoir conduire des expropriations et pour que des procédures dérogatoires puissent être mises en œuvre (notamment la mise en compatibilité des documents d’urbanisme locaux).

    Le projet de loi vise à dispenser le projet de l’autorisation d’urbanisme. Il prévoit d’unifier les procédures existantes à cet effet au sein de la procédure d’autorisation environnementale. La conformité de ces projets aux règles d’urbanisme sera vérifiée à l’occasion de la demande d’autorisation environnementale ou de la demande d’autorisation de création du réacteur. Cette dispense correspond à une dispense de permis de construire et de permis de démolir. 

    Par conséquent, cette mesure entraînerait une réduction des interlocuteurs et personnes habilitées à accéder aux éléments précis des dossiers[14] et donc limiterait les risques de fuites d’informations sensibles. Cette mesure permettrait une évolution du projet au fil de l’eau sans avoir à solliciter à chaque étape un permis modificatif. Cela permettrait également de réduire l’aléa contentieux puisque les recours devant le Conseil d’État seraient possibles uniquement sur l’autorisation environnementale et l’autorisation de création. Enfin, l’objectif principal (et objet de la loi) est un gain de temps. Celui-ci est relativiser : comme l’a noté le Conseil d’État[15], même en l’absence de permis de construire, les autres autorisations devront être recueillies: ce gain de temps ne pourrait être atteint qu’après un renforcement de l’action des administrations centrales et des services déconcentrés intervenant dans le cadre de l’autorisation environnementale[16]. 

    Dérogations : loi littoral et concession d’utilisation du domaine public maritime

    Les projets nucléaires pourront s’affranchir des restrictions de construction liées à la loi littoral. De plus, par dérogation aux dispositions de l’article L. 2124-2 du code général de la propriété des personnes publiques, les concessions d’utilisation du domaine public maritime demandées pour la construction et l’exploitation de nouveaux réacteurs implantés en façade maritime pourront être octroyées à l’issue d’une enquête publique mais sans obtention préalable d’une déclaration d’utilité publique. Il sera possible de porter atteinte à l’état naturel du rivage de la mer, notamment par endiguement, assèchement, enrochement ou remblaiement, pour la construction de nouveaux réacteurs nucléaires à proximité ou à l’intérieur du périmètre des installations existantes.

    Le projet de loi permet d’appliquer la procédure d’expropriation avec prise de possession immédiate prévue par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

    En outre, et sans avoir attendu la fin du débat public, un « Conseil de politique nucléaire » réuni par Emmanuel Macron avait, le 3 février dernier, acté la fusion de l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN), chargé de surveillance de la radioactivité dans l’environnement et appui technique des pouvoirs publics en matière de risque nucléaire et radiologique, avec de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le gendarme des centrales. Cette décision a aussitôt suscité l’opposition des personnels, de parlementaires et de spécialistes qui y voient une perte d’indépendance, de compétence et de capacité d’expression des experts[17]. Le 15 mars, l’Assemblée nationale a alors rejeté en première lecture cette réforme en votant pour préserver « l’organisation duale » actuelle. Le sujet reste néanmoins d’actualité et il ne peut encore être écarté une future fusion de ces deux autorités.

    Le Sénat a voté en faveur du projet de loi d’accélération du nucléaire le 24 janvier, tandis que l’Assemblée nationale a voté en faveur le 21 mars. Le texte doit encore être amendé en commission mixte paritaire le 4 mai prochain, puis soumis à un second vote parlementaire. 

    Notes

    [1] Voir ici : https://rte-futursenergetiques2050.com/ 

    [2] Voir ici : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2022/02/10/reprendre-en-main-notre-destin-energetique 

    [3] European Pressurized Reactor = Réacteur pressurisé européen, devenu Evolutionary Power Reactor. Il s’agit d’un réacteur de “génération III+” d’une puissance électrique d’environ 1670 MW.

    [4] Introduite par la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, il s’agit d’une loi de programmation quinquennale devant être actualisée tous les 5 ans. Ses grands axes seront déclinés à travers la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). La LPEC, la SNBC et laPPE émanent de la stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC)

    [5] Article 7 de la Charte de l’environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. »

    [6]Articles L.121-8 et suivants du code de l’environnement

    [7] Articles L.121-15-1 et suivants du code de l’environnement

    [8] Créée en 1995 par la loi Barnier relative au renforcement de la protection de l’environnement. Il s’agit d’une autorité administrative indépendante.

    [9] Articles L.123-2 et suivants du code de l’environnement

    [10] Article L.123-19 du code de l’environnement

    [11] Articles L.123-19-1 et suivants du code de l’environnement

    [12]  Rapport n° 236 (2022-2023) de M. Daniel GREMILLET, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 11 janvier 2023, https://www.senat.fr/rap/l22-236/l22-236.html

    [13] Des contrôles « ont permis de détecter la présence de fissures de fatigue thermique », sur des conduites d’urgence « considérées comme sensibles à la corrosion sous contrainte » dans le réacteur 2 de la centrale nucléaire de Penly (Seine-Maritime) et le réacteur 3 de la centrale de Cattenom (Moselle), selon une note de l’ASN. En outre, l’ASN a jugé que “ Cet événement n’a pas eu de conséquence sur le personnel ni sur l’environnement. Néanmoins, il affecte la fonction de sûreté liée au refroidissement du réacteur. En raison de ses conséquences potentielles et de l’augmentation de probabilité d’une rupture, l’ASN le classe au niveau 2 de l’échelle INES en ce qui concerne le réacteur 1 de la centrale nucléaire de Penly et au niveau 1 pour les autres réacteurs concernés.”

    [14] L’article L.421-5 du code de l’urbanisme prévoit déjà une dispense de formalités pour certains projets “du fait qu’ils nécessitent le secret pour des raisons de sûreté ou que la préservation de leur confidentialité est nécessaire pour la sauvegarde des intérêts de la défense nationale.”

    [15] Avis du Conseil d’Etat sur un projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants, 2 novembre 2022

    [16]  La Cour des comptes a souligné dans un rapport que les services déconcentrés de l’urbanisme ont porté la majorité des suppressions de poste au cours des dernières décennies (voir « Les effectifs de l’administration territoriale de l’État », Cour des comptes, 31 mai 2022)

    [17]  Voir https://www.irsn.fr/actualites/motion-cor-lirsn-contre-demantelement-programme-linstitut ; https://www.irsn.fr/savoir-comprendre/environnement/quel-est-role-lirsn

  • Retour sur l’intervention du 10 mars 2023 à Ambérieu-en-Bugey :  L’Affaire  “Petrol X”,  ou  comment  apprendre à préserver le vivant par le droit au lycée ?  

    En cette chaude après-midi ensoleillée du 10 mars 2023, la cloche retentit dans le lycée de la Plaine de l’Ain à Ambérieu-en-Bugey. Aujourd’hui, un procès fictif environnemental est au programme pour les terminales du cours de philosophie. 

    Après une courte présentation de l’association Notre Affaire À Tous-Lyon et de ses missions de sensibilisation à la justice climatique, les consignes sont données. 

    Du pétrole a été découvert  en plein milieu du lac de Miribielle  et une multinationale pétrolière, nommée “PetrolX”, vient tout juste de décrocher son permis d’exploiter le gisement auprès de la mairie de la commune ! Mais le projet n’est pas sans faire de remous parmi les citoyen.ne.s. Les associations “Vert de Lion” et “ Vivre à Miribielle” ont pris leur décision : cette fois, pas question de se laisser faire,  ils saisiront les juges.

    Distribution d’un rôle par élève et d’un petit tas de cartes ressources en lien avec le sujet  pour chaque pôle puis le chronomètre se déclenche : une demi-heure seulement pour préparer sa plaidoirie en groupe ! Dans le pôle d’expertise et de jugement, la concentration est à son comble. Que peut bien signifier cette carte sur laquelle figure la hiérarchie des normes ? Comment un juge doit-il prendre sa décision ?  Et que fait un.e  expert.e scientifique rattaché.e au tribunal ? Trois mots sont maîtres pour dans ces deux professions :  impartialité, indépendance et justice. Côté pôle de quartier et pôle environnemental, les riverain.e.s et les militant.e.s sollicitent leurs avocat.e.s pour obtenir les meilleurs conseils. Comment réussir à préserver les systèmes vivants, humains et non-humains ?

    “Comment réussir à préserver les systèmes vivants, humains et non-humains ? “

    À l’autre bout de la salle, les politiques et les entreprises, locales ou multinationales se concertent. Le but est simple, trouver la faille de la partie adverse et anticiper leurs arguments pour défendre au mieux le projet de l’industrie “PetrolX”. 

    17h, le temps est  écoulé. Place maintenant au procès. En ligne l’une en face de l’autre, les parties se toisent en attendant l’arrivée des juges. Le silence se fait et soudain la sonnette tintinnabule : “La Cour ! Levez-vous !” proclame le professeur, qui pour cette heure incarnera l’huissier de justice. Sur invitation, l’un des avocat.e.s de l’association de protection de l’environnement se lance et prend la parole devant ses camarades : “Il y a déjà une pollution de notre lac et de nos terres, mais ce projet ne va faire qu’amplifier cette pollution !”.  Pris dans sa tirade, il aligne les arguments : “Cette pollution nous empêchera de cultiver !” avant que Madame la Juge lui demande de bien vouloir conclure. Pas facile effectivement de condenser la réflexion de tout son groupe en une minute trente seulement. 

    “Cette pollution nous empêchera de cultiver !“

    “Pourquoi nous priver de cette opportunité, nous pourrions subir un préjudice économique si cette entreprise ne voit jamais le jour” rétorque Charli, dans le camp des défenseur.euse.s du projet. “La pollution de l’air atteint chaque année 4000 personnes, victimes de maladies respiratoires dans le bassin Lionnet”, rappellent les scientifiques, attachés à la réalité des faits, dans leur grande blouse blanche du TP de physique de l’heure d’avant. Alexandre, au soutien de la major pétrolière, s’indigne  “Aujourd’hui, le pétrole est indispensable à notre société, notamment dans les transports !”. À sa suite, Avril se félicite des efforts entrepris par cette société, actrice de la transition énergétique, qui s’engage à inscrire son activité pétrolière dans les Accords de Paris. “C’est un beau projet pour l’avenir” clame t-elle. Mais Lina constate la carence de ses élu.e.s, qui n’ont pas pris la peine de rechercher si une diversification d’activités économiques moins polluantes n’aurait pas eu pour effet de créer le même nombre d’emplois.  “Nous sommes contre ce projet, il aurait fallu faire des votes avec les citoyens avant d’accorder ce permis pour lequel nous n’avons même pas été consulté.e.s” exige une autre citoyenne, au nom de son droit de participation à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Louis, entrepreneur,  termine en rappelant que “chaque projet se pense à long terme” avant que les juges ne passent à la deuxième étape du procès, celle des questions des magistrat.e.s aux parties. La définition  de l’intérêt général en tête, la juge Elisa s’interroge quant aux affirmations de l’entreprise PetrolX :  “Vous dites améliorer la qualité de vie des habitant.e.s, pourriez-vous préciser s’il vous plaît ?” 

    “Chaque projet se pense à long terme”

    Après les questions, s’ensuit un débat mouvementé entre les parties, qui, s’il ne respecte pas tout à fait le déroulé classique d’un procès, n’en reste pas moins crucial pour que chacun.e puisse tester la répartie de ses adversaires. Narquoise, l’écologiste Louna ironise lorsque l’un des représentant.e.s de PetrolX  lui parle de compensation carbone : “Les champs, c’est pas fait pour planter des arbres, alors où est-ce que vous allez les mettre vos arbres hein ?” La clochette tinte à nouveau et les juges quittent la salle d’audience pour délibérer. 

    “Les champs, c’est pas fait pour planter des arbres, alors où est-ce que vous allez les mettre vos arbres hein ?”

    Après quelques minutes de compte-rendu informel, à chaud, avec le reste de la classe, la porte s’entrebaille et l’huissier ramène l’ordre dans la salle. Le couverture de cuir rouge du Code de l’environnement brille sur le bureau, tout près des juges. La tension monte. La décision est prise : l’entreprise ne pourra s’installer qu’à la stricte condition de respecter le droit en matière de pollutions et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La décision détonne par rapport aux magistrat.e.s de la classe précédente. Ces dernier.e.s avaient préféré annuler le permis accordé par la mairie à PetrolX, par manque de preuve certaine de la dynamique économique sur la région qu’aurait engendré le projet.

    Myriam, marquée par ce procès vient me confier à la fin de l’intervention : “Ça m’aurait aidée d’être dans l’équipe adverse, j’aurais pu vraiment plus sortir de ma zone de confort. Mais ce qui est sûr, c’est que ça nous a forcé.e à parler pour nous faire entendre !”.  Secouant de droite à gauche ses cheveux noirs entremêlés de rose, elle ajoute :  “ Même dans la réalité, on brade la vie des espèces protégées et des humains travaillant dans ce genre d’entreprise,  simplement pour de l’essence moins chère !”.

    “ Même dans la réalité, on brade la vie des espèces protégées et des humains travaillant dans ce genre d’entreprise, simplement pour de l’essence moins chère !”

    La sonnerie marque la fin du cours et Alessio, Lina, Myriam, Oscar, Mathis,Elisa et tous.tes les autres  retrouvent leur peau d’élève. Sac à l’épaule, livret de solutions à la main, ils et elles s’en vont profiter de ce week-end mérité en cette période de révision du baccalauréat. Et qui sait, peut-être que plus tard, quelques juristes-en-herbe devenu.e.s grandes plantes, iront défendre les intérêts du vivant au moyen du droit… 

    Les bénévoles du groupe Education Sensibilisation à Notre Affaire À Tous – Lyon

    10 mars 2023, Lycée de la Plaine de l’Ain,  Ambérieu-en-Bugey

  • CP / Face aux blocages de la commission européenne sur la révision du règlement sur les produits toxiques, 37 organisations interpellent Elisabeth Borne

    Depuis plusieurs mois de nombreux.ses acteur.ices se mobilisent pour demander une révision du règlement européen (REACH) qui encadre les substances chimiques les plus dangereuses. Prévue par la Commission elle-même dans une feuille de route publiée il y a déjà un an, cette révision est sans cesse repoussée sous la pression des lobbies. Cette révision permettrait notamment de prendre en compte les dernières études et actualités concernant les PFAS, ces « polluants éternels », particulièrement présents dans la vallée du Rhône. L’exposition à ces substances est associée à de nombreuses pathologies telles que des cancers, des troubles du système immunitaire ou du métabolisme comme l’obésité. 

    Avec une coalition d’acteurs, Notre Affaire à Tous interpelle la Première Ministre sur l’importance d’une mobilisation de la France pour permettre de lever rapidement ce blocage très inquiétant et s’alarme de la position du commissaire au marché intérieur Thierry Breton sur ce sujet. 

    Le 18 avril 2023, 

    Objet : 38 organisations vous interpellent pour une publication de la révision de REACH sans plus de retard

    Madame la Première ministre,


    Nos organisations s’inquiètent fortement du retard de la révision du règlement européen sur les produits chimiques, REACH, et de la position du commissaire au marché intérieur Thierry Breton sur ce sujet.


    Le gouvernement français a exprimé son soutien en faveur d’une révision rapide du règlement REACH par les voix de Madame la Secrétaire d’Etat Bérangère Couillard [1] et de Monsieur le Ministre délégué Gabriel Attal [2], ainsi que dans une lettre adressée à la Commission Européenne [3]. Des commissaires européens [4][5] et des eurodéputés de la gauche à la droite sont engagés en faveur d’une révision rapide [5].


    Cependant, au regard d’informations récentes [6], nous sommes inquiets de voir que le commissaire Breton semble déterminé à retarder, voire à supprimer la révision.


    Si elle était confirmée, la position du commissaire français serait alors en rupture avec la position de votre gouvernement, ce qui nous interroge. Un tel blocage serait totalement incohérent avec d’une part l’ambition française pour l’Europe de développer une économie innovante et verte, soutenant les industries pionnières et progressives, d’autre part avec le plan industrie verte récemment initié par le Ministère de l’Economie.


    Il y a pourtant urgence sanitaire et environnementale : 90% des citoyens français s’inquiètent de l’impact des produits chimiques sur leur santé et l’environnement [7], à raison. La pollution du territoire français aux « polluants chimiques éternels » (PFAS) a atteint un niveau sans précédent [8]. Chaque nouveau rapport démontre la présence de substances nocives dans nos produits de consommation quotidiens [9] telles que des perturbateurs endocriniens [10], des nanoparticules [11] et autres substances toxiques pour la reproduction [12]. Vous le savez, l’exposition à ces substances est associée à de nombreuses pathologies telles que des cancers, des troubles du système immunitaire ou du métabolisme comme l’obésité [13]. Le tout engendre des coûts de santé publique considérables [14]. Ces substances contaminent nos sols, notre eau, notre air et notre nourriture [15]. Cette pollution s’est développée alors que REACH était en place.


    Les entreprises appellent de leurs vœux cette réforme, notamment les représentants de l’industrie chimique européenne (Cefic), afin d’assurer davantage de prédictibilité [16] et de garantir des investissements sûrs à long terme. Des marques européennes phares (IKEA, Décathlon, Adidas, etc.) [17], des mutuelles françaises [14] et 200 médecins et chercheurs en toxicologie français [18] appellent à présenter la révision sans délai. Des investisseurs [19] demandent aux entreprises chimiques d’éviter des investissements risqués, par exemple dans les polluants chimiques éternels. Cela démontre que le secteur privé aspire à une production chimique sûre et durable pour rester compétitif sur le long terme. Les entreprises ont besoin d’un cadre juridique clair : elles doivent savoir aujourd’hui dans quelle direction s’engager pour la décennie.


    Si la révision de REACH n’est pas présentée avant l’été, cela entraînera un retard important en raison du calendrier institutionnel européen. Chaque semaine de délai alimente des niveaux toujours plus élevés de pollution toxique et alourdit les coûts de santé et ceux liés à la contamination de notre environnement. Si vous n’agissez pas en faveur d’une révision rapide, la France portera sa part de responsabilité.


    C’est pourquoi nous vous demandons, Madame la Première Ministre, de faire valoir une position française claire, forte et ambitieuse auprès de la Commission européenne, et notamment auprès du commissaire Thierry Breton, afin de finaliser au plus vite cette réforme.


    Dans l’attente de l’intervention de votre gouvernement sur ce dossier urgent, nous sommes à votre disposition pour échanger avec vous au plus tôt et vous prions d’agréer, madame la Première Ministre, l’expression de notre très haute considération.

    Références:

    [1] Conseil des Ministres de l’Environnement, 20 décembre 2022, intervention de la France


    [2] Lettre du Ministre délégué Gabriel Attal sur la révision de REACH, 27 mars 2023


    [3] Lettre de huit États-membres européens y compris la France, demandant une révision rapide du règlement REACH, 4 octobre 2022


    [4] Événement du groupe Renew au Parlement européen, 9 mars 2023, Séminaire sur l’innovation verte dans la chimie à travers REACH, intervention du Commissaire Sinkevičius et d’eurodéputés


    [5] Le Monde, 25 novembre 2022, interview avec le vice-président de la Commission Timmermans


    [6] Contexte, 21 octobre 2022, Qui a tiré sur Reach ? ; Mediapart, 5 avril 2023, Produits chimiques : Thierry Breton a tenté de torpiller le nouveau règlement européen ; Le Monde, 19 octobre 2022, « Les lobbys de l’industrie chimique ont gagné » : la Commission européenne enterre le plan d’interdiction des substances toxiques pour la santé et l’environnement


    [7] Eurostat, mars 2020, Eurobaromètre


    [8] Le Monde, 23 février 2023, « Polluants éternels » : explorez la carte d’Europe de la contamination par les PFAS


    [9] BEUC, 13 mars 2023, Worrying number of dangerous products reaching consumers highlights need for greater action by authorities


    [10] Endocrine Society, Common EDCs and Where They Are Found


    [11] AVICENN, décembre 2022, En quête de nanos dans les produits du quotidien


    [12] The Guardian, 28 mars 2021, Shanna Swan: ‘Most couples may have to use assisted reproduction by 2045’


    [13] Agence européenne pour l’environnement, mars 2023, Chemicals and health


    [14] Le Monde, 8 avril 2023, Pollution : « La réglementation européenne sur les substances chimiques doit être révisée d’urgence »


    [15] The Guardian, 18 janvier 2022, Chemical pollution has passed safe limit for humanity, say scientists ; Générations futures, 12 janvier 2023, État des lieux de la présence de composés perfluorés dans les eaux de surface en France ; CHEM Trust, décembre 2022, Les substances chimiques nocives dans les matériaux entrant en contact avec les aliments en France


    [16] CHEM Trust et EEB, 15 mars 2023, Waiting for REACH, p. 4, citation du Cefic


    [17] ChemSec, 15 décembre 2022, A company request for an ambitious revision of REACH


    [18] Le Monde, 6 décembre 2022, tribune, « Le report du plan européen d’interdiction des substances toxiques traduit la pression des lobbys industriels»


    [19] ChemSec, 29 novembre 2022, Investors with $8 trillion call for phase-out of dangerous “forever chemicals”

  • CP / Luttes locales : Le tribunal enterre définitivement l’extension du centre commercial Westfield Rosny 2 et donne raison aux associations.

    CP / Luttes locales : Le tribunal enterre définitivement l’extension du centre commercial Westfield Rosny 2 et donne raison aux associations.

    Communiqué de presse du 14 avril 2023

    Le tribunal administratif de Montreuil a annulé les 4 permis de construire de l’extension du centre commercial Westfield Rosny 2, reconnaissant leur caractère illégal et leur impact environnemental insuffisamment évalué. Cette décision est le fruit d’une mobilisation citoyenne exceptionnelle et de la détermination des associations Alternatiba Rosny et MNLE 93, épaulées par les juristes de l’association Notre Affaire à Tous, qui ont contesté ces permis, informé le grand public et protégé le cadre de vie des habitants.

    En Décembre 2021, après un recours porté par les associations, le tribunal administratif de Montreuil avait suspendu les 4 permis de construire de l’extension du centre commercial Westfield Rosny 2 confirmant les vices invoqués par les associations. Le juge avait donné douze mois au promoteur Unibail-Rodamco-Westfield et à la commune de Rosny-sous-Bois pour évaluer concrètement les impacts induits par l’extension du centre commercial sur la qualité de l’air et les îlots de chaleur et de prévoir des mesures adaptées pour contrebalancer ces impacts.

    Après un an et plusieurs annonces publiques promettant un projet différent et plus écologique, le promoteur et la commune décident de soumettre exactement le même projet d’extension sans aucune modification d’amélioration, à enquête publique en décembre 2022. La nouvelle étude d’impact est encore plus alarmante, et semble même ignorer les demandes du juge. 

    Malgré les demandes d’Alternatiba Rosny, la mairie a souhaité s’en tenir aux obligations légales, et n’a pas souhaité promouvoir l’enquête ni proposer de réunion publique de présentation du projet. Les associations ont pris les devants et sont allées à la rencontre des habitants en organisant une réunion pour informer les habitants, et en informant lors de nombreuses séances de tractage.

    Accompagnée par les associations, la mobilisation citoyenne active a permis une participation record à l’enquête publique avec plus de 585 avis dont 95% en opposition au projet. Les observations des citoyens ont mis en avant les incidences du projet sur le trafic routier et la qualité de l’air, l’artificialisation des sols, le manque de végétalisation créant des phénomènes d’îlots de chaleur urbain, mais aussi les effets négatifs sur les commerces locaux. Les conclusions de l’enquête sont sans appel, et l’avis défavorable.

    Suite à cette enquête publique, aucune pièce modificative n’est présentée devant le tribunal administratif. Fin Mars, les promoteurs et la mairie renoncent finalement à déposer des permis de construire de régularisation. Le 6 avril, les conclusions du tribunal mettent donc fin à ce projet nuisible pour l’environnement en reconnaissant que ces permis étaient illégaux, notamment en ce qui concerne l’évaluation de leur impact environnemental. 

    Les points soulevés par les associations et retenus par le tribunal sont les suivants: l’étude d’impact était insuffisante en ce qui concerne la présentation de la mesure des particules en suspension PM 10 et PM 2,5, la description des incidences du projet sur la qualité de l’air due notamment à l’augmentation du transport routier et le phénomène d’îlot de chaleur urbain, l’analyse insuffisante du cumul des effets du projet avec ceux d’autres opérations situées à proximité, et la description de mesures suffisantes prévues pour éviter, réduire ou compenser les incidences du projet en matière de pollution atmosphérique.

    Cette victoire est le fruit d’une mobilisation citoyenne exemplaire et déterminée qui a permis de faire entendre les voix de celles et ceux qui refusent de sacrifier l’environnement sur l’autel de la croissance économique. Les associations remercient chaleureusement tous les citoyens et les bénévoles pour leur soutien et leur engagement tout au long de cette bataille. Grâce à eux, les associations Alternatiba Rosny, MNLE 93, et Notre Affaire à Tous ont pu faire valoir l’intérêt général et protéger l’environnement.

    Nous espérons que cette décision fera date et encouragera les acteurs économiques et les autorités à repenser leurs choix d’investissement en fonction de leurs impacts socio-environnemental, et à prendre en compte l’avis des citoyens dans les projets d’aménagement futurs. Nous resterons vigilants et déterminés pour faire respecter la loi et protéger notre environnement.

    Pour Céline Le phat vinh, de Notre Affaire à Tous 

    “Il est temps aujourd’hui de regarder vers “l’après” et de se reconnecter aux vrais besoins du territoire au lieu d’insister avec un projet de centre commercial non désiré par le public, dans le département champion de France des centres commerciaux. De nombreuses alternatives sont possibles ! Revitaliser les petits commerces, assurer des services publics et améliorer la qualité de vie à Rosny tout en impulsant un avenir en cohérence avec les enjeux écologiques et sociaux, voilà des projets porteurs pour les habitant.e.s.”

    Pour Nicolas Perguet, d’Alternatiba Rosny

    “Cette victoire c’est celle des habitant.e.s qui se sont mobilisé.e.s pendant 3 ans pour répondre à la dernière enquête publique ! Ce sont des milliers d’heures de lecture,  d’analyse, de plaidoyer, d’interpellation, de rencontre et de discussion réalisées par des bénévoles. Nous espérons que les pouvoirs publics reconnaîtront enfin la légitimité des habitant.e.s à prendre part aux décisions d’aménagement du territoire, et garantir un cadre de vie enviable pour les générations présentes et futures.


    Nous sommes satisfait de la décision du tribunal mais nous déplorons l’absence d’obligation de présenter une étude d’impact socio-économique. L’argument du bénéfice économique est systématiquement avancé, y compris par le maire. Pourtant de nombreuses études ont montré l’impact désastreux de ces grands centres commerciaux pour l’emploi à moyen terme. Nous espérons que cette demande sera bien à l’étude si un nouveau projet co-construit entre le promoteur, la mairie et les habitants est proposé.”

    Lien vers des visuels

    https://drive.google.com/drive/folders/1EAPCZZgegU5YdJCzEHOp2jNvZ5Mf1iuJ?usp=sharing

    Contacts presse

    Olivier Patté, Alternatiba Rosny : 06 80 15 63 49

    Yves Chaumard, MNLE 93 : 06 18 88 56 62
    Céline Le Phat Vinh, Notre Affaire A Tous : 06 88 58 94 73

  • CP / Devoir de vigilance : les eurodéputé·es conservateur·ices à contre-courant des attentes des citoyen·nes

    Le 12 avril 2023 – A deux semaines d’un vote crucial au Parlement européen sur le projet de directive relatif au devoir de vigilance des multinationales, un nouveau sondage révèle que la grande majorité des Européen·nes souhaite que les entreprises opérant dans l’Union européenne soient légalement tenues de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Cette demande est soutenue par un appel de plus de 200 organisations de la société civile et militant·es écologistes, et une tribune de nombreux experts internationaux. Cet appel citoyen sans équivoque intervient au moment même où les eurodéputé·es conservateur·ices font pression dans les négociations pour affaiblir les obligations des entreprises, notamment en matière environnementale et climatique.

    Un nouveau sondage, réalisé dans 10 pays de l’Union européenne dont la France [1], révèle que les citoyen·nes européen·nes sont très favorables à une législation européenne ambitieuse sur le devoir de vigilance, qui, si elle était adoptée, obligerait les entreprises opérant dans l’UE à prendre des mesures réelles et effectives pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

    A l’instar de la loi française adoptée en 2017, le projet de directive, actuellement débattu au Parlement européen, vise à obliger les entreprises opérant dans l’UE à prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement dans leurs chaînes de valeur mondiales, et à engager leur responsabilité civile en cas de dommage. 

    En mars dernier, la commission environnement (ENVI) du Parlement européen a voté son avis sur le texte, apportant des avancées notables sur des points clés tels que la définition des atteintes à l’environnement et les obligations des entreprises quant à l’impact de leurs activités sur le climat. Le texte est désormais examiné en commission des affaires juridiques (JURI) où les député·es conservateur·ices continuent de s’opposer à ces avancées. Ces dernier.es font également obstacle à l’inclusion de dispositions visant à faciliter l’accès à la justice des personnes affectées, telles que le renversement de la charge de la preuve.

    Lundi 17 avril, une dernière réunion de négociation doit permettre de trancher sur le texte qui sera soumis au vote de la commission JURI la semaine suivante. Ce vote est capital puisqu’il déterminera le texte qui sera débattu en plénière au Parlement européen.

    La campagne européenne « Justice is everybody’s business », dont plusieurs de nos organisations font partie, a commandité un sondage dans dix pays de l’UE. Les résultats [2] sont sans équivoque :

    • Trois quarts (74 %) des Européen·nes sont favorables à une législation européenne qui obligerait toutes les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C [3]. 
    • Deux tiers (64 %) pensent que les banques doivent également être tenues légalement responsables des actions des entreprises dans lesquelles elles investissent ou auxquelles elles prêtent de l’argent [4].

    Parallèlement au sondage, plus de 200 personnalités et organisations de la société civile ont signé une déclaration réclamant « une législation européenne forte, adaptée à la lutte contre la crise climatique et à la justice climatique« . Face au greenwashing et engagements purement volontaires des entreprises en matière de transition énergétique, des avocat·es, économistes et scientifiques de toute l’Europe ont également publié récemment une tribune [5] appelant à une réglementation véritablement contraignante.

    Dans un contexte d’urgence climatique et écologique, nos organisations considèrent que le projet de directive, dans sa forme actuelle, doit être renforcé pour que les entreprises soient contraintes de prendre en compte l’ensemble des risques qu’elles font peser sur l’environnement et le climat  et de réduire effectivement leurs émissions de gaz à effet de serre. 

    Nos organisations appellent les eurodéputé·es à écouter les citoyen·nes européen·nes plutôt que les lobbies, et à privilégier la protection des populations et du climat face aux intérêts privés des grandes entreprises. 

    Contacts presse

    Notes

    [1] Le sondage a été réalisé dans les pays suivants :  Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Pays-Bas, Pologne et Slovénie.

    [2] Tous les chiffres, sauf indication contraire, proviennent de YouGov Plc. Les chiffres relèvent  d’un sondage réalisé auprès d’un échantillon national et politiquement représentatif d’adultes en Allemagne (n=2000) et en France (n=1000). L’enquête d’opinion a également été menée auprès d’un échantillon national représentatif d’adultes en Irlande (n=1000), en Belgique (n=1000), en Finlande (n=1000), en Autriche (n=1000), en Pologne (n=1000), en Slovénie (n=500), en Espagne (n=1000) et aux Pays-Bas (n=1000). Le travail sur le terrain a été entrepris entre le 3 et le 16 février 2023. L’enquête a été réalisée en ligne. Les chiffres au niveau européen sont des moyennes de la proportion de personnes ayant sélectionné chaque réponse dans l’ensemble des pays interrogés.

    [3] Le sondage révèle également que 65 % des répondants demandent que les entreprises réduisent leurs émissions même en cas de crise énergétique.

    [4] Depuis la présentation du projet de directive au Parlement européen, les lobbies de la finance ont dépensé au moins 100 millions d’euros pour faire pression sur les décideurs européens. Au Conseil de l’UE, des pays comme la France ont poussé pour que le secteur financier soit exclu du champ d’application de la nouvelle directive.

    [5] Cette tribune a été publiée le 3 avril dans les Echos, et est également disponible en accès libre ici, avec la liste de tous les signataires. Parmi eux, plusieurs Français·es, tels que Valérie Masson-Delmotte, Gaël Giraud, Laurence Tubiana et Arié Alimi.