Catégorie : A la Une

  • A69 : Décision majeure pour l’environnement !

    Article rédigé par Adeline Paradeise, juriste droit de l’environnement de Notre Affaire à Tous

    Les jugements ont été rendus suite à une analyse approfondie des impacts socio-économiques des deux projets autoroutiers. De nombreux moyens d’illégalité ont été soulevés par les associations. Le tribunal a choisi de se concentrer sur l’analyse des conséquences socio-économiques positives du projet, dont la faiblesse a suffi à annuler l’ensemble du projet sans nécessiter l’analyse des autres moyens.

    Le tribunal a rappelé qu’un projet affectant des espèces protégées ne peut bénéficier d’une dérogation à leur protection que s’il remplit trois conditions cumulatives prévues à l’article L.411-2 du code de l’environnement :

    • Le projet « répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur »,
    • Il n’existe pas d’autre solution satisfaisante,
    • « Cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. »

    Les magistrats ont vérifié si la première condition était remplie, rappelant de façon pédagogique que l’intérêt public en question doit être « d’une importance telle qu’il puisse être mis en balance avec l’objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage ». Les préfets justifiaient la dérogation par une amélioration supposée de la sécurité publique et de la situation socio-économique des territoires desservis. Le tribunal a analysé en profondeur ces motifs.

    Concernant les motifs sociaux, la juridiction qui a analysé des chiffres plus récents que ceux, très anciens, fournis par les préfectures, note que le bassin de Castres-Mazamet n’est pas en situation de décrochage démographique, bénéficie de nombreux services et équipements de qualité (centre hospitalier, formations universitaires…). La juridiction relève également que beaucoup d’actifs travaillant dans le bassin de vie de Castres y résident. Elle relève également que les hypothèses de fréquentation du tronçon qui serait le plus utilisé, alors même qu’elles ont été qualifiées d’optimistes par l’autorité de régulation des transports, sont « très en deçà des seuils justifiant la construction d’une autoroute 2×2 voies ». De plus, le prix élevé du péage autoroutier « est de nature à relativiser les estimations de fréquentation issues de l’étude de trafic ».

    Concernant les motifs économiques, le tribunal a relevé que le taux d’activité des zones desservies n’est pas significativement différent des autres bassins d’activité comparables. Selon lui, une liaison autoroutière peut participer au confortement du développement économique et à l’attractivité d’un territoire, mais ici cela doit être relativisé car d’une part « une telle liaison ne constitue pas un facteur suffisant de développement économique, et, d’autre part, […] le coût élevé du péage de la future liaison autoroutière sera de nature à en minorer significativement l’intérêt pour les opérateurs économiques. »

    Concernant la sécurité publique, le tribunal a jugé que l’accidentalité sur la RN 126, qui établit actuellement la liaison qui fait l’objet du projet autoroutier, n’est pas plus importante que sur d’autres routes comparables. De plus, le projet risque même d’augmenter l’accidentalité sur l’actuelle RN 126 qui serait modifiée.

    Pour ces raisons, le tribunal a jugé qu’il n’existe pas de raison impérative d’intérêt public majeur, annulant ainsi les autorisations environnementales des projets.

    Impact immédiat : Les travaux sont illégaux et doivent être arrêtés.

    Et la suite ? L’État a annoncé faire appel, la Cour administrative d’appel de Toulouse sera saisie du dossier.

    Si ces décisions sont confirmées, les associations pourront demander la remise en état des lieux. Bien que certaines atteintes à l’environnement mettront du temps à être réparées, d’autres pourront l’être plus rapidement et beaucoup sont évités par l’arrêt des travaux.

    Cette situation doit nous interroger sur les carences du référé suspension, qui n’a pas permis de suspendre de tels travaux alors même qu’un doute sérieux sur leur légalité existe. Rappelons qu’il n’est normalement pas nécessaire de prouver l’illégalité de l’acte administratif attaqué, mais “seulement” l’existence d’un doute sérieux sur sa légalité.

    Les annulations prononcées sont protectrices de l’environnement et des terres arables. La politique du fait accompli, qui met en danger les finances des entreprises et de l’État en plus d’atteindre à l’environnement, doit cesser. Atosca connaissait très bien les risques juridiques qui étaient liés à ces autorisations et a choisi de commencer les travaux malgré tout. Cette entreprise doit donc supporter les conséquences financières des risques qu’elle a pris dans l’espoir d’augmenter ses profits voir peut-être, et ce serait plus inquiétant encore, que les juges hésiteraient plus à dire le droit face à des travaux déjà bien avancés.

  • Directive Omnibus : vers un affaiblissement historique des normes environnementales et sociales en Europe

    Communiqué de presse, 26 février 2025 – La Commission européenne a rendu publique ce jour une proposition législative revenant de manière brutale sur des avancées pourtant cruciales pour la protection des droits humains, de l’environnement et du climat. Sous couvert de « simplifier » la vie des entreprises, la directive « Omnibus » de la Commission propose de démanteler nombre d’obligations en matière de durabilité et de protection des droits humains.

    La proposition de directive Omnibus de la Commission européenne n’a de « simplification » que le nom. En réalité, il s’agit d’une dérégulation massive et sans précédent, qui rappelle la politique de déréglementation en cours aux États-Unis. Présentée dans l’urgence et sans respecter pleinement les procédures démocratiques, elle s’attaque à des normes d’intérêt public. Ces dernières visent à prévenir et réparer les atteintes aux droits humains et à l’environnement causées par les entreprises, tout en permettant aux acteurs économiques et financiers de s’aligner sur les objectifs climatiques européens.

    Vers un affaiblissement notoire de la CSDDD…

    Concernant la Directive sur le devoir de vigilance en matière de durabilité des entreprises (CSDDD), la proposition réduit drastiquement son champ d’application (exclusion des relations commerciales indirectes, au niveau desquelles ont lieu nombre d’atteintes graves), vide de leur substance certaines mesures correctives ainsi que les plans de transition climatique attendus des entreprises, et s’attaque aux mécanismes permettant de contrôler, sanctionner et tenir pour responsables sur le plan civil les entreprises en cas de faute.

    Concrètement, ces changements priveraient le devoir de vigilance européen de tout effet utile. Les violations les plus graves resteraient en dehors de son périmètre, les entreprises fautives pourraient se dédouaner au moyen de mesures cosmétiques inadaptées, et elles pourraient échapper à l’obligation pourtant fondamentale de réparer les dommages causés par leurs activités. Dans les faits, les multinationales pourront continuer à vendre des vêtements fabriqués par des travailleur·euse·s dans des conditions inhumaines, à déforester, et à mettre en danger la biodiversité en toute impunité. En supprimant ces dispositions clefs, la Commission européenne transforme le devoir de vigilance en déclaration d’intentions.

    …et de la CSRD

    Concernant la Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises (CSRD), la proposition réduit le nombre d’entreprises couvertes de 80 à 85 % et supprime les normes sectorielles, qui permettent de cibler en priorité les secteurs les plus polluants tels que le secteur extractif. Cela signifie que certaines informations essentielles pour orienter les financements vers la transition climatique juste seront perdues.

    Influence des lobbys et soutien des mouvements ultra-conservateurs

    Cette proposition législative n’est pas uniquement un désastre pour la transition climatique et la protection des droits humains et de l’environnement. En effet, les politiques et prises de position de l’extrême droite progressent dans les États membres et au sein du Parlement européen, où certains député.e.s se réjouissent ouvertement de cette initiative de dérégulation. Cette révision constituerait d’ailleurs un précédent dangereux permettant de démanteler à l’avenir bien d’autres protections du Pacte Vert.

    Par ailleurs, cette initiative est un signe supplémentaire de l’affaiblissement démocratique à l’œuvre dans l’Union européenne. Alors que nombre de voix politiques et économiques se sont élevées pour protéger ces textes, la Commission a préféré capituler face aux lobbys des grandes entreprises, comme le MEDEF ou la FBF. Ces derniers profitent d’un moment de fébrilité politique pour dérouler leur agenda de dérégulation et faire primer leurs intérêts propres et les profits sur les droits de millions de personnes et le futur de notre planète. 

    Alors que se profilent des discussions cruciales au sein du Conseil de l’Union européenne au sujet de cette proposition, nos organisations de la société civile française appellent le gouvernement français à ne pas trahir les victimes des abus des entreprises à travers le monde et à défendre l’ambition initiale de ces textes. Il est encore temps d’éviter ce recul historique.

    Contacts presse :

    ActionAid France, Chloé Rousset, Chargée de campagne dignité au travail et régulation des multinationales, chloe.rousset@actionaid.fr

    Amis de la Terre France, Marcellin Jehl, Chargé de contentieux et plaidoyer, marcellin.jehl@amisdelaterre.org

    CCFD-Terre Solidaire, Clara Alibert, Chargée de plaidoyer Acteurs économiques, c.alibert@ccfd-terresolidaire.org ; Sophie Rebours, Responsable Presse s.rebours@ccfd-terresolidaire.org

    Oxfam France, Stanislas Hannoun, Responsable de campagne, shannoun@oxfamfrance.org

    Notre Affaire à Tous, Justine Ripoll, Responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Reclaim Finance, Olivier Guérin, Chargé de plaidoyer réglementation, olivier@reclaimfinance.org

    Sherpa, Responsable de contentieux et de plaidoyer, Lucie Chatelain, lucie.chatelain@asso-sherpa.org

    CGT, Mélanie Vasselin, relations presse, m.vasselin@cgt.fr

    Notes aux rédactions

    Pour référence, les textes présentés aujourd’hui par la Commission peuvent être consultés ici (anglais) : https://commission.europa.eu/publications/omnibus-i_en.

    Principaux changements apportés par l’Omnibus à la Directive sur le devoir de vigilance (CSDDD)

    • « Stop the clock » : allongement du délai de transposition d’un an pour les Etats-membres.
    • La « chaîne d’activité » couverte par le devoir de vigilance est désormais limitée aux seuls partenaires directs (« tier 1 ») de l’entreprise, sauf exceptions.
    • Harmonisation maximale pour un plus grand nombre d’articles (en particulier procédures de plaintes et autres articles relatifs aux obligations de vigilance)
    • « Bouclier PME » : plusieurs limites sont posées aux informations pouvant être demandées aux PME par les entreprises assujetties au devoir de vigilance.
    • L’évaluation régulière de sa situation par l’entreprise, qui devait être effectuée tous les ans, passe à 5 ans.
    • Suppression de l’obligation de « mettre en œuvre » les plans de transition climatique
    • Suppression de la clause de revoyure permettant à terme d’inclure les services financiers.
    • Responsabilité civile : suppression de l’obligation faite aux Etats-membres de permettre aux victimes d’obtenir réparation et aux ONG de les représenter.
    • Simplification de la notion de « partie prenante » et limitation de l’obligation de les consulter.
    • La rupture de relations contractuelles avec un partenaire commercial impliqué dans une violation n’est plus une mesure pouvant être exigée des entreprises.
    • Aménagement des sanctions pour les entreprises (non plus exprimées en un pourcentage du chiffre d’affaires).
    • Plusieurs lignes directrices (communications) devant être adoptées par la Commission le seront dans un délai plus court qu’initialement prévu.

    Principaux changements apportés par l’omnibus à la Directive sur le reporting sur la durabilité des entreprises (CSRD)

    • Stop the clock : report de deux ans l’entrée en application des obligations de reporting pour la deuxième vague d’entreprises concernées par la directive.
    • Réduction du nombre d’entreprises concernées de plus de 80 % en limitant aux entreprises de plus de 1000 employé·e·s et 50 millions de chiffre d’affaires.
    • Suppression des standards de reporting sectoriels.

    Pour rappel, nos organisations ont tenté de rencontrer le gouvernement français et le commissaire européen Stéphane Séjourné sans succès : 

    Pour rappel, contrairement aux représentations erronées de certaines organisations patronales, la CSDDD et la CSRD rencontrent un soutien massif dans les milieux économiques et dans la société civile

    Enfin, l’influence des lobbys sur ce mouvement de dérégulation est significative. Leur influence néfaste aurait pu être évitée si de réelles consultations avaient été conduites par la Commission, au lieu de recevoir 31 entreprises et 23 fédérations professionnelles, contre 10 ONG. De plus, de nombreuses voix d’entreprises ont soutenu les textes initiaux. 

    Pourtant, ce sont les positions des lobbys patronaux hostiles à la CSDDD et CSRD qui ont gain de cause puisque nombreuses de leurs propositions se sont retrouvées dans le texte final proposé aujourd’hui par la Commission européenne : 

  • Lettre ouverte à M. Séjourné : Alerte des organisations de la société civile française sur la proposition de législation dite « Omnibus »

    Monsieur le Vice-président exécutif,

    Nos organisations et associations de défense de l’environnement et des droits humains, ont eu connaissance dans les médias de la proposition de législation dite « Omnibus » que la Commission européenne compte présenter ce mercredi 26 février 2025. Cette législation entend simplifier la directive sur le devoir de vigilance, la directive sur le reporting de durabilité, la taxonomie européenne et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

    La directive sur le devoir de vigilance a été adoptée il y a à peine un an, à l’issue de plusieurs années d’évaluation, de consultations publiques, de débats parlementaires et de négociations interinstitutionnelles. Nos organisations ont publiquement soutenu l’adoption de cette directive, malgré la dilution de son ambition au cours des négociations.

    Or, la proposition Omnibus que la Commission européenne s’apprête à présenter a été rédigée d’une façon extrêmement précipitée et opaque. Sous prétexte de simplification, elle s’attaque à des piliers de la directive : elle limiterait le devoir de vigilance aux partenaires directs de l’entreprise concernée ; elle supprimerait l’obligation de mise en œuvre des plans de transition climatique, ou encore reviendrait sur l’obligation d’introduire un régime de responsabilité civile en cas de manquement.

    Le rapport Draghi rappelle que pour financer la transition de notre économie, la mobilisation du secteur privé sera capitale. Il indique ainsi que 80 % des fonds nécessaires à la transition doivent venir du secteur privé. Cela ne peut se faire qu’en gardant le cadre réglementaire actuel qui permet d’orienter les investissements et d’assurer que l’ensemble de l’économie européenne, à travers la mise en place des plans de transition, soit alignée sur un objectif de neutralité carbone.

    La France se targue de s’être mobilisée pour obtenir de la Commission européenne des avancées sur la durabilité des entreprises. Vous-même, alors député, vous étiez positionné en faveur de la directive sur le devoir de vigilance des entreprises. Avec le groupe Renew, vous aviez en effet voté en faveur d’amendements qui prévoyaient la mise en œuvre obligatoire des plans de transition, la responsabilité civile des entreprises en cas de manquement, ou encore l’inclusion des services financiers.

    Aujourd’hui, les échos parus dans la presse signalent un grave retour en arrière. Pour réussir à atteindre nos objectifs climatiques et garder la trajectoire concernant nos objectifs sociaux et démocratiques, il est impératif de maintenir les ambitions sur le climat, l’environnement, la biodiversité et les droits humains définies en 2023.

    Monsieur le Vice-président exécutif, nous, organisations de la société civile française, exprimons notre plus vive inquiétude quant à la proposition d’Omnibus que vous vous apprêtez à présenter. Nous vous appelons à revenir sur ce projet et à maintenir, à tout le moins, l’ambition relative aux droits humains et au climat que vous portiez lorsque vous étiez député européen.

  • Guide d’information citoyen

    Toutes et tous impacté·es par les PFAS : ensemble pour obtenir réparation de nos préjudices

    En février 2025, Notre Affaire à Tous, le cabinet Kaizen Avocat, et le collectif PFAS contre Terre ont publié un guide d’information citoyen pour informer les citoyen·nes du sud de Lyon sur les façons de faire valoir leurs droits face aux responsables de la contamination de leur territoire aux PFAS. Nous sommes convaincu.e.s que nous devons être plus fort·es ensemble pour faire condamner cette contamination de nos quotidiens. Ce guide a pour objectif d’apporter des pistes de réponses pour construire ce pouvoir collectif.

    S’y trouvent de nombreuses informations afin de faire un choix éclairé : des éléments de réponse sur les paramètres (géographiques, matériels, sanitaires…) qui vous font entrer dans le champ potentiel des victimes de la contamination, des exemples de dommages dont vous pouvez demander la réparation au juge, des informations pratiques sur les procédures à votre disposition, ainsi que des conseils sur les délais d’action ou les façons de trouver de l’aide.

    Si ce guide s’adresse d’abord aux riverain·es du sud lyonnais, il peut également apporter de précieuses informations aux victimes des PFAS ailleurs en France, et plus largement à toutes les victimes de pollution.

    Pour rappel

    Le 12 mai 2022, le reportage « Polluants éternels », résultat d’une enquête d’investigation par Vert de Rage, a dévoilé le scandale des PFAS au Sud de Lyon, dans la Vallée de la chimie. Les PFAS, substances chimiques toxiques fluorées utilisées pour la fabrication de nombreux produits du quotidien, sont à l’origine d’une contamination sans précédent au Sud de Lyon. 

    Ces polluants sont qualifiés « d’éternels » au regard de leur très forte résistance à la dégradation, de leur persistance et de leur mobilité dans l’environnement. C’est pourquoi cette pollution se retrouve dans l’eau, les sols, l’air, dans de nombreux aliments et même dans le lait maternel ! Pour la journaliste au Monde Stéphane Horel, spécialiste du sujet, c’est « l’une des plus graves contaminations auxquelles le monde est aujourd’hui confronté ».

    Pour le professeur en chimie environnementale à l’Université de Montréal Sébastien Sauvé, la Vallée de la chimie ayant des usines et une production historique importante de PFAS, il s’agit d’un cas d’exposition extrême, comme il en existe peu dans le monde : « un aperçu du pire – ou de l’un des pires – scénario que l’on peut avoir en termes de contamination ». Or, l’accumulation de PFAS dans le corps humain et l’environnement présente des risques qu’aucun.e des riverain·es et salarié·es de la plateforme de Pierre-Bénite n’a jamais accepté de prendre. 

  • Soirée publique d’information sur les PFAS : lancement d’une action de masse dans la Vallée de la chimie

    Communiqué de presse du cabinet Kaizen avocat, de l’association Notre Affaire à Tous et du collectif PFAS contre Terre, à Oullins-Pierre-Bénite (69).

    C’est sous la bannière « Toutes et tous impacté·es par les PFAS : ensemble pour obtenir réparation de nos préjudices » qu’est attendue une centaine de riverain·es du Sud de Lyon, ce lundi 03 février à Oullins-Pierre-Bénite, ville des usines productrices de PFAS Arkema et Daikin.

    Si elle va permettre d’informer sur les actions juridiques en cours contre les PFAS, et sur les voies d’action à disposition pour faire valoir leurs droits (un guide a été publié pour l’occasion), la soirée va surtout marquer le lancement d’une action de masse portée par le cabinet Kaizen avocat. L’objectif : construire la plus grande action contre les PFAS d’Europe, pour faire payer les pollueurs et obtenir la réparation des préjudices des riverain·es du plus gros hot spot français de la contamination.

    Les riverain·es déjà engagé·es vont témoigner, à l’image de Claudie Grizard, habitante d’Oullins-Pierre-Bénite et requérante de deux procédures contre les PFAS : « Mon engagement comme requérante m’a donné de la force, de la légitimité, et du sens collectif face à mon impuissance devant cette pollution écologique invisible et scandaleuse. »

    Cette procédure contre les deux industriels est accessible de façon simple et à coût réduit pour toutes les personnes impactées par la pollution de la Vallée de la chimie par les PFAS : pathologies, stress, préoccupation, perte de valeur des biens immobiliers, frais médicaux ou liés au matériel, impossibilité de consommer les œufs ou volailles…

    Pour Me Louise Tschanz, associée du cabinet lyonnais investie depuis le début du scandale : « Il est temps d’appliquer le principe pollueur-payeur : les entreprises qui ont rejeté des PFAS pendant des années doivent enfin en assumer les conséquences. L’union fait la force : en nous regroupant, nous formons un contrepoids citoyen capable de faire passer la santé et l’environnement au premier plan »

    Organisée par l’association Notre Affaire à Tous, le collectif citoyen PFAS contre Terre et le cabinet Kaizen Avocat, cette réunion publique d’information fera date dans la lutte contre la pollution aux PFAS qui contamine la Vallée de la chimie.

    Elle s’inscrit dans le cadre d’une semaine d’action européenne coordonnée, durant laquelle tous les collectifs citoyens impactés par les PFAS, en Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Belgique…, se mobilisent en réaction aux nombreuses révélations sur les PFAS et le coût de l’inaction sortie par enquête de presse en ce début 2025 (1).

    Contacts presse

    Me Louise Tschanz, Kaizen AvocatPour les informations sur l’action de masse : louise.tschanz@kaizen.avocat.fr

    Emma Feyeux, Notre Affaire à Tous Sur le sujet des PFAS de manière générale : emma.feyeux@notreaffaireatous.org

    Lucas Miguel, PFAS contre terre : co-pfascontreterre@riseup.net

    note

    (1) Enquêtes du Forever pollution project et du Forever lobbying project : https://foreverpollution.eu/, notamment sorties sur Le Monde.

  • Forages pétroliers à Nonville en sursis : les associations restent mobilisées

    Communiqué de presse, Paris, le 30 janvier 2025 – Le Tribunal Administratif a rendu un premier jugement concernant le recours en justice d’Eau de Paris contre les nouveaux forages pétroliers à Nonville, en Seine-et-Marne [1]. Il reconnaît l’illégalité de certains aspects de l’autorisation de travaux et accorde 10 mois à Bridge Énergies et au préfet de Seine-et-Marne pour régulariser le projet. Cette décision donne donc un répit bienvenu : les travaux sont suspendus. Cependant, selon les associations, le projet n’est pas régularisable. Leur combat continue pour que le juge parvienne à la même conclusion dans 10 mois.

    Le Tribunal Administratif de Melun accorde 10 mois de sursis à la société Bridge Énergies et au préfet de Seine et Marne pour régulariser le projet de nouveaux forages pétroliers à Nonville sur deux points : 

    • l’étude de l’impact du projet sur l’environnement, basée sur des inventaires datant de plus de dix ans, et jugée très insuffisante,
    • le montant des garanties financières, nécessaires par exemple en cas d’accident, qui n’a pas été fixé dans l’arrêté préfectoral. 

    Par ailleurs, le tribunal a obligé la société Bridge Energies à imperméabiliser le fossé périphérique de sa concession afin de mieux contenir les eaux de pluies polluées, reconnaissant ainsi les risques inhérents à l’exploitation de pétrole dans cet environnement fragile. 

    Face à ce jugement offrant un répit avant le début des travaux – qui auraient autrement commencé en mai – les associations intervenantes volontaires dans le recours en justice d’Eau de Paris [2] sont soulagées.

    Cependant, le jugement écarte de façon très sommaire de nombreux arguments juridiques soulevés par les requérants.

    Louis Cofflard, avocat représentant Les Amis de la Terre France, France Nature Environnement Ile-de-France, France Nature Environnement Seine-et-Marne, le Réseau Action Climat et Reclaim Finance déclare : “Ce jugement permet de contredire les affirmations du Ministre et de Bridge Énergies en reconnaissant l’illégalité, en l’état, de l’autorisation très controversée de créer les deux nouveaux puits de forage. Il ne permet pas en revanche de trancher tous les points du contentieux, loin s’en faut, et en particulier s’agissant de l’application de la réforme des titres miniers, et du nouveau Plan Local d’urbanisme de Nonville qui n’a pas entendu permettre l’installation de ces nouveaux puits de forage.”

    Les associations regrettent également que le Tribunal ait balayé les arguments climatiques contre ces forages.

    Marine Yzquierdo, avocate représentant l’association Notre Affaire à Tous, déclare : “La décision du tribunal sur le volet climatique paraît anachronique. Les décisions rendues au Royaume-Uni [3] nous le rappellent : l’impact sur le climat des projets de forages pétroliers doit être pris en compte. Alors que nous battons des records de température mondiale depuis des années, il existe un consensus scientifique clair : tout nouveau forage pétrolier est incompatible avec une limitation du réchauffement climatique à 1,5°C.”

    Dans l’attente de la suite de la procédure judiciaire, les associations continueront à se mobiliser pour faire annuler ce projet. 

    Alors qu’au niveau international, tous les voyants climatiques sont au rouge depuis l’élection de Donald Trump, dix ans après la COP21, la France doit être exemplaire, en refusant d’exploiter de nouveaux gisements fossiles.

    contacts presse

    Notes

    [1] Il y a un an,  la préfecture de Seine-et-Marne autorisait l’entreprise pétrolière Bridge Énergies à forer deux nouveaux puits de pétrole à Nonville, en Seine-et-Marne. Les risques de pollution de sources d’eau stratégiques pour l’alimentation de Paris et des territoires avoisinants en eau potable ont alerté la régie Eau de Paris, qui a saisi le Tribunal administratif de Melun pour faire annuler l’arrêté préfectoral autorisant les travaux miniers. Le recours d’Eau de Paris souligne les graves insuffisances de l’étude d’impact environnemental, notamment sur la ressource en eau et la biodiversité.

    [2] En octobre dernier, six associations (Les Amis de la Terre France, FNE Ile-de-France, FNE Seine-et-Marne, Notre Affaire à Tous, le Réseau Action Climat et Reclaim Finance) sont intervenues pour soutenir le recours en justice d’Eau de Paris via des arguments complémentaires. Ces associations pointent notamment la non compatibilité de ces forages avec le respect des engagements de la France à sortir des énergies fossiles.

    [3] Il s’agit de la décision de la décision du 29 janvier 2025 de la Court of Session d’Edimbourg et de la décision du 20 juin 2024 de la Cour suprême du Royaume-Uni. Sur la première, voir notamment l’article du Monde de ce jour : https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/01/30/au-royaume-uni-la-justice-annule-l-autorisation-de-deux-champs-petrolier-et-gazier-en-mer-du-nord_6523365_3244.html 

  • Numéro 21 de la newsletter des affaires climatiques et environnementales – Encadrement juridique des impacts environnementaux de l’élevage

    Chères lectrices, chers lecteurs,

    Pour cette vingt-et-unième newsletter des affaires climatiques et environnementales, vous trouverez en focus un article sur l’encadrement juridique des impacts de l’élevage sur l’eau.  

    Ensuite, vous retrouverez les chroniques de deux décisions récentes en matière de contentieux climatique : le contentieux du refus du gouvernement français d’octroyer un permis de recherches d’hydrocarbures pour des raisons climatiques et la première victoire d’un recours climat en Asie.

    Concernant les affaires environnementales, deux contentieux intéressants sont commentés : la confirmation d’un refus permis de construire au regard de la gestion de la ressource en eau en France et une transaction modèle conclue entre des associations et le gouvernement de Michigan concernant les injustices environnementales liés aux infrastructures de gestion des déchets.

    Enfin, un article détaille les enjeux et les accords trouvés à la “COP 16 biodiversité” qui s’est déroulée en novembre en Colombie.

    Très bonne lecture et merci d’être toujours aussi nombreux et nombreuses à lire ce courrier ! Et si vous souhaitez, vous aussi, vous investir dans la rédaction des prochains numéros, c’est par ici.

    Clarisse Macé, co-référente du groupe de travail veille-international

    Focus : Encadrement juridique des impacts environnementaux de l’élevage

    En France, l’agriculture utilise 58 % de l’eau douce consommée annuellement. Cette eau sert principalement à l’abreuvage des animaux et à l’irrigation des cultures (6,8% des surfaces agricoles étaient irriguées en 2020). Cette eau vient principalement de la pluie, les prélèvements dans les milieux naturels sont minoritaires et principalement utilisés pour l’irrigation des cultures (à 80 %).

    Si l’agriculture ne peut se faire sans eau, les quantités consommées varient grandement selon le système d’agriculture et la nourriture produite. D’une part, certaines cultures nécessitent de grandes quantités d’eau, notamment le maïs fourrager. D’autre part, la production de viande et de produits laitiers nécessite de nourrir et d’abreuver des animaux pendant un certain temps, ce qui fait augmenter la quantité d’eau nécessaire à la production de calories ou de grammes de nourriture.

    Un autre enjeux de l’agriculture est la pollution de l’eau, qu’elle soit prévue ou prévisible (produits phytosanitaires, nitrates et algues vertes…) ou accidentelle (déversement de fumier dans des cours d’eau, fuites des stations d’épuration des usines agro-industrielles…).

    En l’absence de volonté politique, des contentieux nationaux et locaux traditionnels mais également des contentieux innovants sont envisageables.

    Affaires climatiques

    Le Conseil d’État consacre le droit de refuser la délivrance d’un permis exclusif de recherches d’hydrocarbures pour le motif d’intérêt général de la limitation du réchauffement climatique.

    Suite au refus du permis exclusif de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux par le ministre de la transition écologique et solidaire et le ministre de l’économie et des finances, la société EG Lorraine SAS a obtenu l’annulation de ladite décision par le tribunal administratif de Strasbourg pour excès de pouvoir. L’appel par la ministre de la transition écologique contre ce jugement ayant été rejeté, cette dernière s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État.

    Par une décision rendue le 24 juillet 2024, le Conseil d’État a jugé que l’administration était en droit de refuser la délivrance d’un permis exclusif de recherches d’hydrocarbures pour le motif  d’intérêt général de limitation du réchauffement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation des énergies fossiles.

    Première victoire dans un recours climat asiatique : la loi climat de la Corée du Sud est jugée inconstitutionnelle.

    Le 28 août 2024, la Cour constitutionnelle de Corée du Sud a rendu une décision qui déclare inconstitutionnel l’article 8.1 de la loi climat sud-coréenne (« Carbon Neutrality Act ») qui pose une réduction minimale obligatoire des émissions de gaz à effet de serre, estimant que celui-ci viole les droits fondamentaux des demandeurs à l’action.

    Affaire environnementale

    Accord innovant au Michigan pour la justice environnementale autour des sites de stockage de déchets dangereux.

    Un accord a été conclu entre le ministère de l’environnement, des grands lacs et de l’énergie de l’état du Michigan (États-Unis d’Amérique) et des associations environnementales ainsi que des habitants locaux afin de limiter les pratiques discriminatoires en matière d’autorisations d’installations de stockage et de traitement des déchets dangereux. L’accord innove notamment en mettant en place des dispositifs renforcés de traduction pour rendre accessibles les débats publics et documents majeurs des dossiers déposés ainsi qu’en obligeant les entreprises candidates à compléter leur dossier par une analyse de justice environnementale.

    Bonus : De l’accord de Paris, ville lumière, à l’accord de Cali, la succursale du Ciel ?

    La COP 16 a suscité beaucoup d’intérêt, notamment par le fait que le secteur privé commence à s’intéresser aux questions de protection de la biodiversité. La Colombie devait organiser la COP 16 et après une hésitation entre Bogotá (la capitale) et Cali, il a été décidé que la COP 16 devait se tenir à Cali. Cette décision doit être saluée. Cette décision permet de sortir du centralisme, qui imprègne les institutions en Colombie.

    La COP 16 à Cali devait être un moment de renaissance pour la ville après des années de tension. Sur le plan international, la COP 16 avait l’objectif d’une part de transmettre un message de paix, dans une période marquée par des conflits et des guerres dans le monde entier, et d’autre part contribuer à la formulation d’un modèle économique respectueux, en paix avec la nature et qui tienne compte de l’importance de conserver et utiliser durablement les ressources biologiques.

    S’agissant du droit international de l’environnement, la COP 16 était très attendue car plusieurs acteurs militaient pour un accord marquant une nouvelle ère dans la protection de la biodiversité à l’échelle mondiale. Finalement, la COP 16 a été marquée par certaines avancées en matière de protection de la biodiversité mais les résultats des négociations sont en deçà des attentes.

  • Devoir de vigilance européen : la France prône un report indéfini, au détriment de la justice sociale et environnementale

    Devoir de vigilance européen : la France prône un report indéfini, au détriment de la justice sociale et environnementale

    Communiqué de presse – Selon un document rendu public par Politico et Mediapart, le gouvernement français, via le Ministre de l’Economie Eric Lombard, entend porter à Bruxelles un agenda de dérégulation tous azimuts qui, en plus de suspendre l’application du texte « sine die », remettrait en question des pans entiers de la directive sur le devoir de vigilance des multinationales. Cette prise de position, irresponsable, risque de précipiter le détricotage d’un texte nécessaire face à la crise climatique et sociale, texte que la France déclare pourtant avoir soutenu.

    Appelé à se prononcer sur l’agenda européen de simplification réglementaire, le gouvernement français entend en profiter pour attaquer non seulement la directive européenne sur le devoir de vigilance adoptée l’année dernière, mais aussi de nombreuses dispositions du texte sur le reporting extra-financier, pourtant déjà entré en vigueur. L’instrumentalisation de la loi de simplification pour affaiblir une directive est dangereuse et inacceptable pour la démocratie européenne.

    Selon le document publié ce matin dans la presse, la France demanderait un report indéfini de l’application de cette directive, une hausse significative des seuils d’application, ou encore la suppression de la clause qui permettrait à l’avenir de réguler spécifiquement les activités des acteurs financiers. Ces nombreuses modifications entraîneraient une exclusion de près de 70 % des entreprises concernées, alors même que seules 3 400 des 32 millions d’entreprises européennes (soit moins de 0,1%) étaient couvertes sous les seuils précédents selon l’ONG SOMO (1). 

    En réalité, comme au cours de la négociation du texte, la France ne fait que reprendre à son compte les demandes formulées par plusieurs organisations patronales hostiles au devoir de vigilance, dont l’AFEP et Business Europe. Ce faisant, la France contribue activement à défaire les avancées obtenues par les citoyen·ne·s ces dernières années.

    Pour nos organisations, associations de défense des droits humains et de l’environnement et syndicats, la position exprimée par la France est irresponsable et incompréhensible. La semaine dernière, plus de 160 associations et syndicats européens ont répété leur opposition à une remise en question du devoir de vigilance européen. 

    Nous appelons le Président de la République Emmanuel Macron et le Gouvernement Bayrou à revenir sur cette position au plus vite et à rappeler le soutien de la France au devoir de vigilance européen, aux autres textes du Pacte Vert vitaux pour les peuples, le climat et la biodiversité, et au respect de leurs calendriers de mise en œuvre.

    Note

    (1) CSDDD Datahub reveals law covers fewer than 3,400 EU-based corporate groups – SOMO 

    Contact presse

    Notre Affaire à Tous, Justine Ripoll, Responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • Loi Industrie Verte : Notre Affaire à Tous et Zero Waste France demandent au Conseil d’Etat l’annulation des décrets d’application 

    Loi Industrie Verte : Notre Affaire à Tous et Zero Waste France demandent au Conseil d’Etat l’annulation des décrets d’application 

    Communiqué de presse, Paris, le 9 janvier 2025 Notre Affaire à Tous et Zero Waste France contestent devant la justice la légalité de trois décrets d’application de la loi Industrie Verte. Pris dans l’entre deux tours des élections législatives de juin 2024, ils opèrent un détricotage massif du droit de l’environnement industriel, et plus généralement des principes de la démocratie environnementale.

    S’attaquant notamment au principe fondamental du pollueur-payeur, ces textes augmentent les risques industriels en France. Ils assouplissent aussi les possibilités pour les entreprises responsables d’accidents industriels et de pollutions de s’exonérer de leur responsabilité, et donc les risques de voir les coûts de dépollution à la charge exclusive de l’État et des collectivités. Ou pire encore, que les entreprises abandonnent leurs sites pollués sans prendre en charge la dépollution. 

    Retrouvez ici notre conférence de presse qui s’est tenue le 9 janvier 2025, en présence de : 
    Adeline Paradeise et Justine Ripoll de Notre Affaire à Tous
    Bénédicte Kjaer Kahlat de Zéro Waste France
    Paul Poulain, expert indépendant et auteur de “Tout peut exploser”
    Christophe Holleville, Porte-parole de l’Union des Victimes de Lubrizol
    Stéphanie Escoffier, habitante de la Vallée de la Chimie

    Devant le refus du gouvernement de modifier les décrets d’application de la loi, les deux associations portent aujourd’hui l’affaire devant le Conseil d’Etat qui devra se prononcer sur la légalité de ces décrets. 

    Un allègement des procédures périlleux pour les écosystèmes et la santé humaine

    Ces textes sont une attaque frontale du droit de l’environnement industriel et plus généralement de la démocratie environnementale. Méconnaissant le principe de non-régression en matière environnementale, ils allègent les procédures et permettent de nombreuses dérogations en matière de gestion des pollutions industrielles (1).

    Le gouvernement souhaite attirer les investisseurs et les nouveaux exploitants par l’allègement de nombreuses mesures et procédures”, analyse Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous. “Mais cela se fait aujourd’hui au détriment de la protection des populations et des écosystèmes. A l’heure du consensus émergent autour du scandale et du danger des polluants éternels, après les innombrables catastrophes industrielles en France et ailleurs, le gouvernement démontre une nouvelle fois son irresponsabilité en la matière.”  

    « Le projet d’usine de recyclage chimique Eastman en Normandie est par exemple un cas d’école, qui illustre bien les dérives permises par la Loi Industrie Verte », alerte Bénédicte Kjaer Kahlat, responsable juridique de Zero Waste France. « Alors que cette technologie coûteuse n’a jamais fait la preuve ni de son efficacité, ni de son innocuité, la qualification de projet d’intérêt national majeur – qui découle de la loi – simplifie d’un côté les procédures pour les industriels, au risque de graves atteintes pour la biodiversité. De l’autre, elle met des bâtons dans les roues des associations de protection de l’environnement, en les obligeant à multiplier les recours. »

    Une remise en cause du principe pollueur-payeur lourde de conséquences

    Surtout, les décrets attaquent et fragilisent le principe pollueur-payeur, principe fondamental du droit de l’environnement. Et ceà l’encontre même des préconisations des instances nationales et européennes (2). Après l’explosion de l’usine AZF (3) en 2001, les règles  applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) avait été étendues afin de contraindre les entreprises à prendre en charge les frais de dépollution résultant de catastrophes industrielles (4). Or, le gouvernement a décidé de supprimer les garanties financières pour ces ICPE dangereuses, à l’exception des installations Seveso seuil haut (5).

    En supprimant ces garanties, le gouvernement accroît le risque qu’en cas de pollution ou de catastrophe industrielle, les frais pour couvrir la dépollution incombent exclusivement à l’Etat, ou pire, que celle-ci ne soit pas réalisée faute de moyens”, alerte Adeline Paradeise, juriste de Notre Affaire à Tous.

    Concrètement l’entreprise responsable n’aurait qu’à se déclarer en faillite pour ne pas avoir à payer les frais de dépollution, qui se chiffrent rapidement en millions d’euros. Frais qui  retomberaient alors à la charge de l’Etat et des collectivités, donc des citoyens. 

    Loin d’être une possibilité simplement théorique, c’est exactement ce qu’il s’est passé dans le scandale Metaleurop Nord (6) (voir encadré ci-dessous). 

    Qui devra payer demain ?

    Ces décrets augmentent le risque de voir des scandales similaires à celui de Metaleurop Nord se répéter à l’avenir. Si les accidents industriels que nous avons connus ces dernières années devaient se produire aujourd’hui, les entreprises responsables pourraient passer entre les mailles du filet et échapper à leur responsabilité” – Paul Poulain, expert indépendant

    Qui devra alors payer pour un nouvel incendie « Bolloré Logistics », qui en 2023 dans la banlieue de Rouen, a vu brûler 900 tonnes de batteries au lithium, stockées à l’insu de toutes prérogatives, faute de réglementations actuelles, entraînant la contamination des eaux souterraines ?  Qui devra payer pour un nouvel incendie de l’usine SNAM à Viviez dans l’Aveyron (7) ? Enfin, qui devra payer pour un nouveau Lubrizol ? Cette usine de Rouen dont l’incendie en 2019 a brûlé 10 000 tonnes de produits chimiques et provoqué la présence d’une trentaine de “molécules marqueurs de l’incendie” dans l’air, l’eau et les sols, ainsi que la concentration de PFAS la plus importante de France (8).

    Au-delà du coût de ces catastrophes, c’est bien sûr le risque pour les populations et les écosystèmes qui inquiète les associations. Comme le souligne Christophe Holleville, porte-parole de l’Union des Victimes de Lubrizol : “Obtenir justice et réparation est déjà à l’heure actuelle un parcours du combattant. Cinq ans après, nous bataillons toujours dans le dossier Lubrizol.  Pourtant, plutôt que de renforcer la protection des populations et de l’environnement, ces décrets d’application de la loi Industrie Verte vont permettre aux entreprises de se déresponsabiliser toujours davantage. Concrètement demain, ce seront potentiellement les victimes des accidents elles-mêmes qui devront payer pour la dépollution” .

    Une inquiétude partagée par Stéphanie Escoffier, habitante de Oullins-Pierre-Bénite (Vallée de la Chimie, Rhône) et militante du collectif PFAS Contre terre : “La reconnaissance des pollutions chroniques est le parent pauvre du code de l’environnement, alors que ces pollutions impactent insidieusement notre santé, au quotidien. L’allègement du code de l’environnement rendra ces questions encore moins prioritaires alors que nous connaîtrons les conséquences de ces pollutions à long terme.”

    Zoom – Le scandale Metaleurope Nord : 

    En 2003, dirigeants et actionnaires décident de la fermeture de cette usine qui aura durant 100 ans rejeté du plomb et contaminé 650 hectares autour du site. Refusant de payer les frais de dépollution – et le plan social des 850 salariés licenciés – ils déclarent alors l’entreprise en faillite. Le tribunal de commerce prononcera la liquidation trois mois plus tard. Grâce à un tour de passe-passe financier, actionnaires et dirigeants n’assumeront donc jamais leur responsabilité dans ce scandale, qui 20 ans plus tard continue encore d’avoir des conséquences sociales, sanitaires et environnementales dramatiques sur les riverains et l’environnement. Laissant ainsi l’addition de plusieurs millions d’euros à l’État (9) et la collectivité.

    CONTACTS PRESSE

    Adeline Paradeise – Juriste de Notre Affaire à Tous : adeline.paradeise@notreaffaireatous.org

    Manon Richert – Responsable communication de Zero Waste France : manon.richert@zerowastefrance.org 

    Christophe Holleville – Porte-parole de l’Union des Victimes de Lubrizol : uniondesvictimesdelubrizol76@gmail.com 

    Stéphanie Escoffier : sescoffier@hotmail.com

    Paul Poulain – Expert indépendant et auteur de “Tout peut exploser” : paulpj.poulain@protonmail.com

    Notes

    (1) Articles 39 et 42 du Décret n° 2024-742 du 6 juillet 2024 portant diverses dispositions d’application de la loi industrie verte et de simplification en matière d’environnement.

    (2) Cour des comptes de l’UE (juillet 2021) ; Commission d’enquête sénatoriale sur les sols pollués (septembre 2020).

    (3) L’explosion en 2001 à Toulouse de cette usine de fabrication d’engrais, appartenant à une filiale du groupe Total-Fina-Elf, a causé le décès de 30 personnes et plus de 8 000 personnes ont été blessées.

    (4) Loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. 

    (5) Articles 57, 58, 62 et 64 du Décret n° 2024-742 du 6 juillet 2024 portant diverses dispositions d’application de la loi industrie verte et de simplification en matière d’environnement.

    (6) https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/affaires-sensibles/affaires-sensibles-du-jeudi-04-janvier-2024-2365807

    (7) https://reporterre.net/Un-incendie-detruit-900-tonnes-de-batteries-au-lithium-en-Aveyron

    (8) https://france3-regions.francetvinfo.fr/normandie/seine-maritime/rouen/cinq-ans-apres-l-incendie-de-lubrizol-voici-les-resultats-tres-attendus-de-l-etude-sur-les-consequences-sanitaires-3036704.html

    (9) https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/pas-calais/pollution-de-metaleurop-l-etat-francais-condamne-a-verser-1-2-million-d-euros-aux-victimes-2974520.html

  • L’Affaire du Siècle : feu vert du Conseil d’Etat pour faire appel

    L’Affaire du Siècle : feu vert du Conseil d’Etat pour faire appel

    Communiqué de presse, 13 décembre 2024 – Les organisations de l’Affaire du Siècle ont obtenu aujourd’hui une avancée importante : le Conseil d’État leur a donné son feu vert pour faire appel de la décision rendue en décembre 2023 par le Tribunal Administratif de Paris. Initialement limitées à un pourvoi en cassation, les organisations de l’Affaire du Siècle – Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Oxfam France – pourront ainsi se présenter devant la Cour administrative d’appel pour le réexamen de l’exécution de la condamnation de 2021. 

    Suite à la décision de Tribunal Administratif de Paris en décembre 2023, considérant que la condamnation de l’Etat de 2021 avait été respectée, les associations n’ont pas pu faire appel. En effet, l’indemnisation financière avait été fixée à 1€ symbolique, et les affaires aux conclusions indemnitaires de faible montant font partie des exceptions ne pouvant faire l’objet que d’un pourvoi en cassation. Cependant, ce n’est pas l’indemnisation monétaire qui était au cœur de la demande des associations mais bien la réparation en nature du préjudice écologique. C’est ainsi que, suivant la recommandation de la rapporteure publique, le Conseil d’Etat affirme aujourd’hui que la procédure d’appel est possible et renvoie l’affaire devant la Cour administrative d’appel. En prenant cette décision, il redonne de la valeur à la demande de réparation en nature du préjudice écologique, qui se traduit dans cette affaire par des actions proactives de l’Etat. Les associations se réjouissent de cette décision qui est importante pour la jurisprudence : elle permet dès à présent aux affaires demandant la réparation du préjudice écologique en nature de pouvoir faire l’objet d’un appel. 

    Ce passage en cour d’appel va directement permettre le réexamen de l’exécution et un nouveau jugement sur le respect de la condamnation de 2021. Ce sera l’occasion pour les associations de rappeler que l’Etat a le devoir de prendre des mesures structurelles dans le cadre de ses politiques climatiques, et ne devrait pas pouvoir se reposer sur des événements conjoncturels en espérant que ceux-ci lui soient bénéfiques. Par ailleurs, cette procédure d’appel pourrait coïncider avec l’ouverture d’une nouvelle phase contentieuse dans l’Affaire Grande Synthe. En effet, la dernière décision du Conseil d’Etat enjoignait le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour remplir ses objectifs de réduction d’émissions au 30 juin 2024, une injonction qui semble ne pas avoir été respectée au vu de la politique climatique du précédent gouvernement et de l’instabilité politique que la France connaît depuis plusieurs mois.

    C’est donc avec détermination que les organisations de l’Affaire du Siècle commencent cette nouvelle procédure. Elles espèrent que les juges saisiront cette opportunité pour réexaminer la demande d’exécution du jugement avec un œil nouveau et en gardant en tête l’objectif premier de l’Affaire du Siècle, à savoir une action politique à la hauteur des enjeux climatiques de notre société.

    Contacts presse

    Justine Ripoll, Notre Affaire à Tous : justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Marika Bekier, Oxfam France : mbekier@oxfamfrance.org