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  • Loi PFAS : Victoire importante à l’Assemblée Nationale sur les polluants éternels

    Communiqué de presse de Notre Affaire à Tous, 04 avril 2024 – Depuis bientôt deux ans, le sujet des polluants éternels (PFAS) s’impose dans le débat public et politique comme un sujet de santé publique et environnementale majeur, avec plus de vingt ans de retard sur les États-Unis. Citoyen.ne.s, médias, personnalités politiques et collectivités de tous bords se sont emparés du problème pour tenter d’y apporter des réponses. Une proposition de loi vient d’être votée ce jeudi 4 avril, en dépit des amendements promus par lobbies industriels et repris par la majorité et l’extrême-droite.

    Il était impératif que la production et l’utilisation des PFAS fassent au plus vite l’objet d’un premier encadrement législatif protecteur de la santé et de l’environnement. La proposition de loi adoptée prévoit l’interdiction de fabrication, importation, exportation et mise sur le marché pour certains produits non essentiels dès 2026 (cosmétiques, fart, certains textiles) et tous les produits textiles à partir de 2030. Elle propose un contrôle sanitaire des eaux potables avant 2026 et pour davantage de molécules que celles prévues par les dispositions européennes. Enfin, cette proposition suggère la mise en place d’une redevance financière versée aux agences de l’eau pour que les pollueurs participent au traitement et à la surveillance des eaux, de l’air et des sols. Notre Affaire à Tous déplore que les ustensiles de cuisine aient été sortis du périmètre de la proposition de loi, alors même qu’ils ne font pas partie des usages essentiels et que des alternatives existent. Il s’agit d’une nouvelle victoire des lobbies, Tefal en tête, appuyés par les députés de la majorité, de la droite et de l’extrême-droite.

    Pour rappel, les PFAS, substances chimiques toxiques utilisées pour la fabrication de nombreux produits du quotidien, sont à l’origine d’une contamination sans précédent de l’eau, des sols, de l’air, et se retrouvent dans de nombreux aliments et jusqu’au lait maternel. Au total, ils se retrouvent dans près de 100% du sang des Français.e.s. Les coûts induits par ces substances chimiques, des frais de santé aux coûts potentiels de dépollution, sont estimés à 16 000 000 000 000 d’euros par an au niveau mondial (1). Pour la France on estime ce coût potentiel à 2 274 milliard d’euros par an (2).

    Les PFAS constituent ainsi un enjeu de santé environnementale publique majeur, sur lequel Notre Affaire à Tous agit depuis près de deux ans, à travers l’engagement de son groupe local lyonnais. L’association s’est investie depuis 2022 sur le territoire en organisant plusieurs ateliers écocitoyens afin de remettre les citoyen.ne.s au cœur de la connaissance et de la gouvernance des pollutions industrielles. Parallèlement, Notre Affaire à Tous – Lyon s’est engagée dans une démarche judiciaire en portant un référé collectif porté dans la Vallée de la chimie contre Arkema, une des principales entreprises productrices de PFAS. A travers ce recours, Notre Affaire à Tous et les 56 co-requérants du référé (agriculteurs locaux, syndicats, mères de famille et victimes malades de la pollution, associations de riverains…) souhaitent faire appliquer le principe pollueur-payeur et établir les preuves de la contamination dans le plus grand hotspot français, aux frais de l’entreprise.

    Si les industries émettrices sont les premières responsables de la production et de la pollution aux PFAS, elles continuent à bénéficier d’un “droit à polluer” face à l’absence de volonté de l’Etat d’adopter un encadrement à la hauteur des enjeux. Aussi, Notre Affaire à Tous reste inquiète de la réticence de l’État et des député.e.s de la majorité de soutenir des mesures de protection et de réglementation réellement ambitieuses contre les PFAS, qui s’annoncent comme le nouveau scandale sanitaire et environnemental, après le chlordécone ou l’amiante. 

    Pour Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous : “c’est un premier pas important, mais encore une fois les lobbies industriels ont réussi à convaincre le gouvernement avec des mensonges et du chantage à l’emploi. Les alternatives existent, ce qu’il manque aux industriels français c’est une volonté sincère d’adapter leurs modèles de production aux enjeux sanitaires et environnementaux. L’État a l’obligation de protéger ses citoyen.ne.s : il engage sa responsabilité en refusant de le faire pleinement”. 

    Le vote de ce jeudi 4 avril était une étape essentielle mais reste pour l’instant une victoire en demi-teinte pour le principe de précaution et la protection de la santé et de l’environnement. Sans une volonté politique affirmée de l’État de lutter contre ces polluants éternels, il est à craindre que le texte ne soit encore amoindri voire mis en danger dans la suite du processus législatif puis dans sa mise en œuvre effective par le gouvernement. Notre Affaire à Tous et les acteurs de la société civile resteront mobilisés et particulièrement attentifs à l’attitude de la France lors des négociations européennes à venir sur la régulation des PFAS. 

    Notes

    (1) T. Perkins. « Societal cost of ‘forever chemicals’ about $17.5tn across global economy – report », The Guardian, 12 mai 2023.
    URL : https://www.theguardian.com/environment/2023/may/12/pfas-forever-chemicals-societal-cost-new-report

    (2) G. Goldenman et al. « The cost of inaction. A socioeconomic analysis of environmental and health impacts linked to exposure to PFAS », Conseil Nordique des Ministres, 17 mars 2019. 

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    Emma Feyeux, Présidente de Notre Affaire à Tous – Lyon : emma.feyeux@notreaffaireatous.org

  • Zéro artificialisation nette des sols : L’Etat porte un nouveau coup au ZAN, Notre Affaire à Tous attaque la circulaire du 31 janvier 2024 devant le Conseil d’État

    Communiqué de presse, Paris, le 4 avril 2024 – Mesure plébiscitée par la Convention Citoyenne pour le Climat, la limitation de l’artificialisation des terres est un enjeu environnemental identifié par les pouvoirs publics depuis des décennies. Logements sociaux, terres agricoles, centres commerciaux, étalement urbain, parkings géants, reforestation : les discussions autour du ZAN incarnent les grands choix d’organisation du territoire que nous ferons dans les années à venir, face à des enjeux environnementaux et climatiques historiques.

    Afin d’y répondre, le législateur a inscrit l’objet de zéro artificialisation nette des sols (ZAN) (1) en 2050 dans la loi Climat et résilience (2). Dans le but d’accompagner la réalisation progressive de cet objectif, la loi prévoit également d’atteindre, d’ici 2031, une réduction de moitié du rythme d’artificialisation des espaces naturels, agricoles et forestiers à l’échelle nationale par rapport aux dix années précédentes (comparaison des périodes 2011-2021 et 2021-2031).

    Cependant, malgré cet objectif affiché et en réponse aux oppositions, notamment des acteurs locaux, le gouvernement s’est par la suite attelé à diminuer drastiquement l’effectivité juridique de cet objectif, en réduisant notamment la force contraignante des outils juridiques visant à ce qu’il soit atteint.

    C’est dans ce contexte que le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a signé, le 31 janvier 2024, une circulaire relative à la mise en oeuvre du ZAN. Ce texte prévoit notamment que les préfets peuvent permettre aux collectivités territoriales de dépasser de 20 % les objectifs de réduction de l’artificialisation prévus dans le document d’urbanisme directement supérieur.

    Dès lors, cette circulaire marque de nouveau un renoncement des services de l’État à s’assurer de l’effectivité juridique de l’objectif de zéro artificialisation nette des sols.

    C’est la raison pour laquelle Notre Affaire à Tous a décidé de contester la légalité de cette circulaire devant le Conseil d’État.

    Notre action vise à obtenir l’annulation de la marge des 20 % prévue par cette circulaire, afin de contraindre les collectivités territoriales à s’inscrire dans le cadre fixé par la loi et dès lors de rendre effectifs les outils juridiques de lutte contre cette artificialisation.

    Le guide juridique de Notre Affaire à Tous sur la lutte contre l’artificialisation des sols est toujours consultable ici.

    Notes

    (1) L’artificialisation nette désigne le solde entre l’artificialisation et la renaturation.

    (2)  Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

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    Adeline Paradeise, juriste en droit de l’environnement : adeline.paradeise@notreaffaireatous.org 

  • Plainte de la Métrople de Lyon contre Arkema et Daikin : Notre Affaire A Tous salue un nouveau front dans la lutte contre les polluants éternels (PFAS)

    Communiqué de presse, le 20 mars 2024 – Nous saluons la décision de la Métropole de Lyon d’assigner Arkema et Daikin devant le tribunal judiciaire afin d’identifier la responsabilité éventuelle des deux industriels dans la pollution aux PFAS. Dans la vallée lyonnaise, ce sont plus de 250 000 personnes qui seraient concernées par ce scandale sanitaire et environnemental, tandis que les PFAS se retrouvent dans 100% du sang des Français.e.s. La Vallée de la chimie constitue au niveau mondial l’un des sites les plus extrêmes en matière de pollution aux PFAS. Nous espérons que cette procédure civile permettra d’établir la source, la durée et l’ampleur de la contamination aux polluants éternels, engendrée par leur activité industrielle dans la Vallée de la Chimie. Le recours à une procédure d’urgence, le référé, démontre l’importance de prendre des mesures au plus vite, au regard de l’ampleur des enjeux sanitaires et environnementaux que représente la production chimique de PFAS dans le sud de la Métropole de Lyon.

    Ce recours intervient alors que, le 25 mai 2023, après un an de mobilisation des riverains et associations, Notre Affaire à Tous, ainsi que 9 associations et syndicats et 37 victimes avaient déposé un référé pour demander la limitation des rejets de PFAS dans l’eau par ARKEMA FRANCE et une étude des risques sanitaires visant à évaluer l’ampleur de la contamination. Le 15 janvier 2024, la Cour d’appel de Lyon a rejeté la requête sans se pencher sur le fond de l’affaire, en considérant que les victimes n’avaient pas le droit de faire appel, niant leur droit à un recours effectif. Alors que le ministère public avait rendu des conclusions partiellement favorables, cette décision envoyait un signal très négatif à toutes les victimes des PFAS. La Cour de Cassation a donc été saisie. Nous espérons que cette nouvelle requête initiée par la Métropole de Lyon poussera l’institution judiciaire à mieux garantir l’effectivité du droit de l’environnement et la protection de la santé publique.

    Dans la lignée des enquêtes journalistiques, des mobilisations citoyennes et des contentieux déjà en cours, cette démarche juridique initiée par la Métropole de Lyon répond à des objectifs politiques que nous soutenons, tels que l’application du principe pollueur-payeur. A l’issue de nos travaux avec les citoyens mais aussi avec des scientifiques et experts, nous appelons également à compléter ces actions par la création d’un Institut Eco-citoyen dans la région lyonnaise. Pour appréhender ces risques industriels et ces enjeux environnementaux et de santé il est impératif de créer un cadre de dialogue régulier avec l’ensemble des acteurs : collectivités, scientifiques, associations, industriels.  A cet égard, nous saluons très positivement l’essor de nombreux Instituts Eco-Citoyens en France, à l’image de l’institut de Fos sur Mer, et espérons qu’un réseau de vigilance des risques industriels similaire pourra réunir prochainement les acteurs du territoires lyonnais souhaitant mettre un terme à la catastrophe sanitaire et environnementale en cours.

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    Emma Feyeux, emma.feyeux@notreaffaireatous.org

  • Mobilisation devant une enseigne Naturalia à Paris pour dénoncer les pratiques liées à la déforestation du groupe Casino en Amérique du Sud

    Mobilisation devant une enseigne Naturalia à Paris pour dénoncer les pratiques liées à la déforestation du groupe Casino en Amérique du Sud

    Communiqué de presse, Paris, le 18 mars 2024 – Ce samedi 16 mars, une mobilisation citoyenne a eu lieu entre 11h et 12h devant un magasin Naturalia à Paris, une enseigne du groupe Casino. Les représentant·e·s de peuples autochtones brésiliens Dinamam Tuxá, avocat et coordinateur exécutif de l’APIB et Eliane Bakairi, présidente de la FEPOIMT, ont pu dénoncer la déforestation et l’accaparement des terres en Amérique du Sud. Cette action a été organisée par les associations Envol Vert, Mighty Earth et Notre Affaire à Tous.

    Le 3 mars 2021, une coalition d’organisations représentatives des peuples autochtones brésiliennes et colombiennes (COIAB, FEFIPA, FEPOIMT et OPIAC) et d’associations internationales (Canopée, CPT, Envol Vert, FNE, Mighty Earth, Notre Affaire à Tous et Sherpa) ont assigné Casino en justice pour manquement à son devoir de vigilance. Elles reprochent à la chaîne de supermarchés de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour exclure la viande bovine liée à la déforestation et à l’accaparement de territoires autochtones de sa chaîne d’approvisionnement au Brésil et en Colombie.

    Casino, Naturalia et la déforestation

    Le groupe Casino possède en France les magasins Naturalia, enseigne de distribution spécialisée dans les produits issus de l’agriculture biologique et du commerce équitable. Leur objectif est de séduire une clientèle sensible aux enjeux environnementaux et soucieux d’avoir une consommation responsable. Des valeurs pourtant bien éloignées des activités reprochées au groupe Casino en Amérique du Sud dans de nombreux rapports. Le dernier en date, réalisé par InfoAmazonia, estime que la chaîne d’approvisionnement du groupe français a causé des dommages matériels estimés à 54,3 millions d’euros sur le seul territoire autochtone Uru-Eu-Wau-Wau. Un résultat qui ne refléterait qu’une infime partie de l’impact du groupe Casino et de ses chaînes d’approvisionnement dans ses activités passées.

    L’APIB et FEPOIMT à Paris pour défendre leurs droits 

    Les représentant·e·s de peuples autochtones Dinamam Tuxá et Eliane Xunakalo se sont déplacé·e·s à Paris afin d’alerter sur les violations de leurs droits causées par des entreprises françaises. Parmi les nombreuses rencontres organisées avec des associations et responsables politiques au cours de ce voyage, notamment au Sénat et au ministère de l’Écologie, iels ont également souhaité s’exprimer directement aux citoyen·ne·s français·se·s lors de cette mobilisation. Ce samedi 16 mars, Eliane Xunakalo a pu décrire les effets de la déforestation sur les peuples autochtones en déclarant que « nous devons examiner et repenser le mode de production qui détruit nos vies ».

    Les prochaines étapes du procès

    Alors que le groupe Casino a été assigné en justice il y a trois ans, le procès se cantonne pour l’heure aux questions de procédure. Une prochaine audience dématérialisée est prévue le 21 mars 2024 au cours de laquelle la coalition espère obtenir une première date de plaidoirie afin de conclure cette première étape de l’assignation. Suite à cela, les questions de fond, notamment les demandes au groupe Casino et les revendications des peuples autochtones pourront enfin être entendues par la justice française.

    Contacts presse

    Envol Vert : Baptiste Vicard, chargé de plaidoyer – b.vicard@envol-vert.org

    Notre Affaire à Tous : Vincent Bezaguet, chargé de campagne – vincent.bezaguet@notreaffaireatous.org

  • Devoir de vigilance européen : les États membres adoptent un texte ressuscité grâce à la mobilisation, mais affaibli par les lobbies

    Devoir de vigilance européen : les États membres adoptent un texte ressuscité grâce à la mobilisation, mais affaibli par les lobbies

    Communiqué de presse, 15 mars 2024 – Les États membres de l’Union européenne ont finalement trouvé un accord pour établir un devoir de vigilance européen pour les entreprises. En dépit de concessions importantes aux lobbies, cet accord politique ouvre la voie à l’adoption d’une législation européenne protégeant les droits humains, l’environnement et le climat.

    En décembre 2023, les États membres et le Parlement européen avaient trouvé un accord sur le devoir de vigilance des entreprises et la directive était prête à être adoptée. Las, l’Allemagne trahissait ensuite son engagement et annonçait son abstention sur le texte, avant que l’Italie et la France, par diverses manœuvres, ne viennent davantage menacer l’adoption du texte au Conseil de l’Union européenne.

    Alors que la France s’était engagée à soutenir cette Directive, elle avait finalement demandé de remonter significativement les seuils d’application, au dernier instant et en prenant de court tous ses interlocuteurs. Loin d’explorer des « voies de compromis » entre États membres, le décalage entre les déclarations publiques du gouvernement et sa position dans les négociations mettait en danger l’adoption du texte.

    Si l’accord trouvé aujourd’hui doit être salué, plusieurs modifications opérées au dernier instant pour satisfaire les Etats-membres récalcitrants sont néanmoins à déplorer.

    Par exemple, la directive prévoyait initialement d’assujettir les entreprises de plus de 500 salariés et disposant d’un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros au devoir de vigilance. Désormais, le champ d’application est plus restreint : seront seules concernées les entreprises de plus de 1 000 salariés et comptant un chiffre d’affaires de 450 millions d’euros, soit une réduction des deux tiers du nombre d’entreprises couvertes. 

    Un tel remaniement du texte pour satisfaire les exigences de quelques États membres (dont la France) après l’aboutissement des trilogues, est un coup dur porté aux institutions européennes, à la veille des élections de juin prochain.

    Ce vote, qui n’est qu’un premier pas dans la bonne direction, démontre que rien n’est jamais acquis en matière de protection des droits humains et de l’environnement.

    Le texte validé aujourd’hui par les États membres au Conseil doit encore être voté au Parlement européen avant son adoption finale.

    Signataires

    Contacts presse

    Sherpa : Lucie Chatelain – Responsable contentieux et plaidoyer, lucie.chatelain@asso-sherpa.org

    Amis de la Terre France : Marcellin Jehl – Chargé de contentieux et plaidoyer, marcellin.jehl@amisdelaterre.org

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll – Responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    CCFD-Terre Solidaire : Sophie Rebours – Responsable relations médias, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org

  • Appel à l’adoption d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un environnement propre, sain et durable

    Aux Ministres des Affaires étrangères et aux Représentants permanents des Etats membres du Conseil de l’Europe

    Nous, organisations de la société civile, mouvements sociaux, [et organisations de peuples autochtones] signataires de cette lettre, appelons à la reconnaissance rapide du droit humain à un environnement propre, sain et durable par le biais d’un protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette demande représente une priorité fondamentale pour les enfants, les jeunes et de nombreux autres parties prenantes à travers le continent et elle est soutenue par une large coalition d’organisations [œuvrant pour les droits de l’homme, la protection de l’environnement, l’égalité des sexes, l’inclusion sociale, ainsi que des syndicats et des organisations religieuses].

    Les effets néfastes de la triple crise planétaire – changement climatique, pollution et  perte de la biodiversité – affectent l’ensemble des habitants des États membres du Conseil de l’Europe. À l’échelle du continent, la pollution atmosphérique est responsable de la mort prématurée de plus de 300 000 personnes chaque année. L’accélération de la crise climatique alimente des vagues de chaleur sans précédent, des sécheresses prolongées, des inondations répétées, l’élévation du niveau de la mer et des incendies de forêt ayant des conséquences dévastatrices sur  les communautés et les écosystèmes. De la mer Méditerranée jusqu’au cercle polaire, des écosystèmes entiers s’effondrent et de nombreuses communautés souffrent des conséquences de la perte irréversible de la biodiversité, qui affecte l’approvisionnement en eau potable, contribue à la détérioration de la qualité de l’air, met en péril la sécurité alimentaire, affaiblit la résilience des communautés et menace la pérennité des traditions culturelles. En conséquence, les jeunes générations grandissent désormais en étant confrontées à de nouvelles formes d’anxiété. Ces crises exacerbent les inégalités existantes et portent gravement atteinte  aux droits de l’homme des individus déjà en situation de marginalisation. 

    Dans quarante-deux États parmi les quarante-six États membres du Conseil de l’Europe, le droit à un environnement propre, sain et durable est déjà protégé par les constitutions, les législations, les décisions de justice de chaque pays ou parce que ces États sont parties à la convention d’Aarhus. L’ampleur des préjudices subis par les populations en Europe ainsi que la nécessité  d’une approche unifiée dans l’interprétation et la mise en œuvre du droit à un environnement propre, sain et durable rendent impératif pour le Conseil de l’Europe de prendre sans tarder des mesures décisives en vue de l’adoption d’un cadre juridique contraignant qui reconnaisse et protège le droit à un environnement propre, sain et durable.

    L’adoption d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme serait la réponse la plus forte et la plus efficace, fondée sur les droits de l’homme, à la crise environnementale, comblant ainsi une lacune dans la protection des droits de l’homme, clarifiant les mesures politiques requises et en incitant  une responsabilité accrue, ce qui est indispensable pour la protection des générations actuelles et futures. Elle renforcerait et consoliderait la protection juridique du droit à un environnement propre, sain et durable dans toute l’Europe, garantissant ainsi la jouissance de tous les droits de l’homme. Cela conférerait également aux gouvernements du continent de normes juridiques additionnelles afin de défendre leurs politiques contre les violations et les procédures judiciaires abusives initiées par les entreprises.

    Le droit à un environnement propre, sain et durable a été reconnu par des organismes internationaux et régionaux. Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a reconnu ce droit par une résolution en octobre 2021, et l’Assemblée générale des Nations unies a fait de même en juillet 2022. De manière notable, tous les États membres du Conseil de l’Europe ont voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies. Lors du Sommet de Reykjavik du Conseil de l’Europe, tous les chefs d’État et de gouvernement des quarante-six membres du Conseil se sont engagés à « renforcer [leur] travail au Conseil de l’Europe sur les aspects de l’environnement liés aux droits de l’homme, sur la base de la reconnaissance politique du droit à un environnement propre, sain et durable en tant que droit de l’homme ». Ce droit de l’homme est reconnu dans les principaux traités relatifs aux droits de l’homme dans d’autres régions du monde, notamment dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et dans le Protocole additionnel de 1988 à la Convention américaine relative aux droits de l’homme.

    À la lumière de la reconnaissance régionale et mondiale croissante de ce droit, nous sommes convaincus qu’un protocole additionnel renforcerait les obligations existantes en matière de respect, de protection et de mise en œuvre du droit de l’homme à un environnement propre, sain et durable. Le protocole inspirerait également d’autres normes législatives et politiques plus progressistes . Il encouragerait les États membres du Conseil de l’Europe qui n’ont pas encore reconnu juridiquement ce droit à le faire, promouvant ainsi une responsabilité équitable et partagée entre les États dans la protection d’un environnement sain.

    La triple crise planétaire et l’impact croissant de la dégradation de l’environnement sur les droits de l’homme ont entraîné une augmentation du nombre d’affaires connexes devant la Cour européenne des droits de l’homme, une tendance qui devrait se poursuivre. Alors que la Cour a déjà affirmé l’obligation des États de protéger les droits de l’homme existants – tels que le droit à la vie (article 2) et le droit à la vie privée et familiale (article 8) – contre les risques environnementaux, créant ainsi un corpus croissant de jurisprudence en matière de droits de l’homme environnementaux, un protocole additionnel consoliderait la jurisprudence de la Cour et la rendrait plus cohérente, contribuant ainsi à une plus grande sécurité juridique.

    La protection explicite du droit à un environnement propre, sain et durable dans le cadre de la Convention européenne des droits de l’homme clarifierait les obligations positives des États en matière de mise en place de mesures et de politiques de protection. Cela contribuerait à éviter les atteintes aux droits de l’homme qui affectent la jouissance d’autres droits tels que ceux contenus dans la Convention, notamment le droit à la vie, à la vie privée et familiale, et l’interdiction des traitements cruels, inhumains et dégradants, ainsi que d’autres droits tels que la santé, l’alimentation, l’eau et la culture. La protection de ce droit est particulièrement essentielle pour les personnes les plus exposées aux atteintes à l’environnement, comme les enfants, les jeunes, les femmes, les peuples autochtones, les minorités dans chaque pays, les personnes en situation de pauvreté, les personnes handicapées, les personnes âgées, les réfugiés et les migrants, les personnes déplacées et tout autre groupe touché de manière disproportionnée.

    La reconnaissance de ce droit essentiel compléterait et renforcerait le cadre juridique existant, en affirmant l’importance fondamentale d’un environnement propre, sain et durable pour tous les aspects de la dignité humaine, de l’égalité et de la liberté. Conformément à la nature subsidiaire du système de protection de la Convention, cela permettrait à la Cour de maintenir sa jurisprudence actuelle en matière d’environnement tout en fournissant une base juridique supplémentaire dans les affaires impliquant des États qui ratifieront le protocole additionnel.

    Sous l’égide d’un protocole juridiquement contraignant, la protection du droit à un environnement propre, sain et durable enverrait un message fort tant au niveau national qu’international, démontrant et réaffirmant l’engagement des États membres à faire face à la triple crise planétaire. Elle enverrait également un message de solidarité sans équivoque aux défenseurs de l’environnement et des droits de l’homme qui paient actuellement un lourd tribut pour leurs activités de plaidoyer.

    Face à des crises sans précédent, le temps est venu pour le Conseil de l’Europe de remplir et de réaffirmer son mandat de promotion de la démocratie, de la primauté du droit et des droits de l’homme dans tous les États membres en reconnaissant et en protégeant le droit à un environnement propre, sain et durable par l’adoption d’un protocole à la Convention européenne des droits de l’homme.

  • Devoir de vigilance européen : l’heure de vérité pour la France !

    Communiqué de presse, Paris, 11 mars 2024 – En fin d’année dernière, les institutions européennes parvenaient à un accord historique pour établir un devoir de vigilance pour les entreprises en matière de droits humains, d’environnement et de climat. Aujourd’hui, l’adoption de cette directive par le Conseil de l’Union européenne est entravée par la volte-face de plusieurs États membres et l’absence de soutien clair de la France en ce moment pourtant décisif.

    Plusieurs années de négociations, un soutien massif des citoyennes et citoyens et un compromis finalement trouvé en décembre dernier entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen : tout cela pourrait n’avoir servi à rien, et la directive sur le devoir de vigilance des entreprises ne jamais voir le jour.

    Plusieurs États membres, dont l’Allemagne et l’Italie, ont en effet torpillé le processus, en retirant leur soutien après l’accord trouvé en trilogues.

    Ajoutant à la confusion, la France entretient un double discours inacceptable, affirmant approuver le texte ou « chercher des voies de compromis » à qui veut l’entendre, mais s’abstenant de le soutenir au Conseil, alors que chaque vote compte et peut faire basculer la position d’autres États hésitants.

    Alors que plusieurs États membres, dont l’Espagne et les Pays-Bas, prennent régulièrement position en faveur du texte et tentent de rallier leurs partenaires, la France reste obstinément muette et choisit l’ambiguïté, comme le 28 février 2024, quand la majorité qualifiée nécessaire à l’adoption de la directive n’a pas été atteinte.

    Pire, la France a profité de la situation pour imposer la remontée des seuils d’application (réduisant drastiquement le nombre d’entreprises couvertes), forçant la Présidence belge du Conseil à rouvrir des négociations sur un texte déjà considérablement affaibli par l’influence des lobbys. La stratégie française fragilise l’équilibre général du texte, met en péril son adoption, et compromet le processus démocratique et législatif européen.

    Le Président de la République, Emmanuel Macron, avait pourtant appelé cette directive de ses vœux lors de la Présidence française du Conseil, et l’accord trouvé en décembre avait été salué par la majorité présidentielle.

    Alors que les États doivent se prononcer sur ce texte cette semaine lors d’une réunion du Conseil, nos organisations appellent fermement la France à dire publiquement et sans équivoque qu’elle est en faveur de cette directive. Nous exhortons aussi le gouvernement français à engager l’ensemble de ses partenaires européens, dont l’Italie, à faire de même.

    L’heure est venue pour la France de se montrer à la hauteur de ses engagements européens, d’être cohérente avec son propre engagement en faveur du devoir de vigilance, initié par la loi française de 2017, et de ne pas manquer cette occasion historique pour la protection des droits humains, de l’environnement et du climat.

    Signataires

    Contacts presse

    Sherpa : Lucie Chatelain – Responsable contentieux et plaidoyer, lucie.chatelain@asso-sherpa.org

    Amis de la Terre France : Juliette Renaud – Coordinatrice, juliette.renaud@amisdelaterre.org

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll – Responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    FIDH (Fédération internationale pour les droits humains) : Gaelle Dusepulchre – Deputy Director – Business, Human Rights and Environment, gdusepulchre@fidh.org

    Oxfam France : Stanislas Hannoun – Responsable campagnes Inégalité, shannoun@oxfamfrance.org

    CCFD-Terre Solidaire : Sophie Rebours – Responsable relations médias, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org

  • Justice Pour Le Vivant : le jugement en première instance et les sujets d’actualité sur les pesticides

    Le gouvernement s’enfonce dans l’inaction

    Rappel du jugement

    Le tribunal administratif a reconnu pour la première fois l’existence d’un préjudice écologique résultant, notamment, d’une contamination généralisée, chronique et durable des eaux et des sols par les pesticides et du déclin de la biodiversité, en particulier des insectes. Il reconnaît également des carences importantes de l’Etat dans les procédures d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des pesticides. Le tribunal n’a toutefois pas condamné le gouvernement à agir sur ce dernier point.

    Injonction prononcée par le tribunal administratif de Paris : « Il est enjoint à la Première ministre et aux ministres compétents : 

    1. de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et prévenir l’aggravation des dommages en rétablissant la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires avec la trajectoire prévue par les plans Ecophyto
    2. et en prenant toutes mesures utiles en vue de restaurer et protéger les eaux souterraines contre les incidences des produits phytopharmaceutiques et en particulier contre les risques de pollution. 

    La réparation du préjudice devra être effective au 30 juin 2024, au plus tard. »

    Ce jugement est exécutoire, c’est-à-dire qu’il doit être respecté même si les parties ont fait appel, et sans attendre la décision en appel.

    Ressources : communiqué du tribunal ; jugement complet et communiqué de presse de la coalition suite au jugement en première instance.

    Sommaire

    • Nouveau plan Ecophyto 2030
    • La Stratégie Nationale Biodiversité
    • Commission d’enquête parlementaire sur l’échec des politiques de réduction des pesticides
    • Glyphosate
    • SDHI
    • Pollution des eaux par les pesticides

    Nouveau plan Ecophyto 2030

    Rappel du contexte
    Le gouvernement annonçait fin 2023 les contours de son plan Ecophyto 2030 visant une « réduction de 50% des usages et des risques à l’horizon 2030 », en alignement avec feu le règlement SUR (règlement européen sur l’usage durable des pesticides). 
    Cependant, dans un contexte de forte mobilisation des agriculteurs, le gouvernement a déclaré début février 2024 mettre en pause le plan Ecophyto jusqu’au Salon de l’agriculture avant d’annoncer des modifications, notamment un changement d’indicateur pour mesurer la réduction de l’usage et de la toxicité des pesticides. Le passage de l’indicateur NoDU à l’indicateur européen HRI 1 marque un abandon des ambitions initiales du plan Ecophyto 2030.

    Comment le jugement de Justice pour le Vivant en première instance éclaire la situation : un gouvernement qui refuse de respecter sa condamnation. 

    Le jugement aurait dû servir de catalyseur à une action rapide et à la hauteur des enjeux de la part du gouvernement. D’ores et déjà, le nouveau plan Ecophyto fixant cet objectif à 2030 ne permettra pas de répondre à l’injonction du juge

    Dans le cadre du recours, l’Etat a en effet été condamné à renouer avec les objectifs des précédents plans, c’est à dire l’objectif du plan Ecophyto qui était de réduire de 50% l’usage des pesticides d’ici 2018, puis celui d’Ecophyto II qui était de le réduire de 25% d’ici 2020 et de 50% d’ici 2025, repris par le plan Ecophyto II+. Le gouvernement est donc censé tout mettre en œuvre avant le 30 juin 2024, pour réduire l’usage de 50% d’ici 2025.

    Dans un contexte de mobilisation des agriculteurs, l’Etat a choisi de substituer l’indicateur de risques NoDU pour un indicateur moins protecteur : le HRI 1. Cet indicateur de risque a été critiqué par des chercheurs du Comité Scientifique et Technique du plan Ecophyto qui affirment qu’il est problématique pour plusieurs raisons : 

    • Il se fonde sur les masses de pesticides et non les doses d’usage (or la toxicité des produits varie fortement selon les doses) ; 
    • Le classement des substances en différentes catégories de risques est très peu discriminant : l’indicateur classe les substances en seulement 4 catégories (substances à faible risque, substances autorisées, substances dont l’interdiction est envisagée et substances interdites) et à ce jour, 80% des substances vendues sont classées par défaut dans la catégorie 2 ; 
    • enfin, les valeurs de pondération utilisées pour le calcul de ces indicateurs sont arbitraires (x1, x8, x16 et x64) et ne sont étayées par aucun résultat scientifique. 

    Mis en pratique, le HRI 1 permettrait de faire apparaître rétroactivement une réduction trompeuse de l’utilisation de pesticides lorsqu’un produit devient interdit : les chiffres des années précédentes seraient « gonflés » car le facteur de risque du produit désormais interdit est augmenté (passant de x16 à x64) et appliqué rétroactivement sur les années précédentes. Ainsi, si le NoDU ne présente pas de baisse, en raison de la substitution de l’utilisation de ce produit interdit vers d’autres produits, le HRI 1 ferait quant à lui apparaître une forte réduction

    Ce changement d’indicateur n’a pas d’incidence sur les engagements passés de l’Etat, objet de sa condamnation, et toute baisse induite par cette modification ne saurait prouver/être regardée comme une (quelconque) baisse effective de l’usage des pesticides. 

    Le plan Ecophyto 2030 n’inclut par ailleurs que partiellement la question des procédures d’évaluation des risques des pesticides, dont les failles ont été reconnues par le jugement du tribunal administratif. Cet aspect pourtant central pour toute réduction de l’usage et des risques, en particulier en cas de catégorisation des substances selon leurs risques, n’est évoqué qu’au niveau européen à travers certaines mesures que la France pousserait à cet échelon. Le jugement reconnaît pourtant la capacité de l’Etat à agir au niveau national en dépassant le cadre européen. Le gouvernement ne devrait pas attendre pour mener au niveau national certaines des mesures qu’il propose au niveau européen, comme l’application du nouveau document guide d’évaluation des risques des pesticides sur les pollinisateurs publié par l’EFSA en 2023 et une meilleure prise en compte des études académiques dans le cadre de la procédure d’évaluation. 

    Afin d’obtenir une condamnation ferme et d’obliger le gouvernement à renforcer les protocoles d’évaluation des risques, les associations ont décidé de faire appel du jugement en première instance qui n’inclut pas d’injonction sur ce point. 

    La Stratégie Nationale Biodiversité

    Rappel du contexte
    Fin 2023, Elisabeth Borne, alors première ministre, présentait la Stratégie nationale biodiversité. « Bien loin d’être une question de scientifiques, l’effondrement de la biodiversité menace notre capacité à nous nourrir, notre économie ou encore notre santé. C’est toute notre qualité de vie qui est en jeu » déclarait-elle alors.
    La stratégie prévoit 4 axes regroupant 40 actions, parmi lesquelles la mise en place du plan Ecophyto 2030 pour réduire de moitié l’utilisation des pesticides à l’horizon 2030. 

    Comment le jugement de Justice pour le Vivant en première instance éclaire la situation :

    La perte de biodiversité est en effet une menace majeure. Le tribunal a reconnu que l’usage de pesticides constitue une des causes principales de l’effondrement de la biodiversité en France. L’inclusion de la réduction de l’usage des pesticides parmi les actions de la Stratégie nationale biodiversité est une nécessité.

    Sur la question des pesticides, cette stratégie renvoie au futur plan Ecophyto 2030, en cours de dé-construction et comporte donc les mêmes limites que celles évoquées dans la partie de ce document correspondante, en particulier des lacunes sur l’indispensable renforcement des méthodes d’évaluation des risques des pesticides. 

    La condamnation de l’Etat à réduire l’usage des pesticides ne permettra pas à elle seule d’enrayer l’effondrement en cours de la biodiversité. Pour être efficace, elle doit être accompagnée d’une révision concomitante de l’évaluation des risques afin d’éviter que ne soient mis sur le marché de nouveaux produits nocifs.

    Commission d’enquête parlementaire sur l’échec des politiques de réduction des pesticides

    Rappel du contexte
    Le 1er juin 2023, le même jour que l’audience du procès Justice pour le Vivant, une Commission d’enquête parlementaire était créée, visant à « identifier les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire ». Elle a publié son rapport le 15 décembre. Plusieurs éléments font écho au jugement rendu en première instance. 

    Comment le jugement de Justice pour le Vivant en première instance éclaire la situation ? Un rapport parlementaire faisant écho à l’injonction du tribunal. 

    Le rapport rendu par la Commission d’enquête parlementaire fait écho au jugement de première instance, en reconnaissant l’impact des pesticides sur la biodiversité, la pollution généralisée des eaux, l’existence de failles dans les processus d’évaluation de leurs risques et l’échec des politiques de réduction de l’usage des pesticides. Il émet des propositions d’actions concrètes dont certaines pourraient être saisies par le gouvernement pour se conformer au jugement.

    Dans la synthèse de son rapport, publiée le 15 décembre, la Commission constate que « tous les compartiments de l’environnement sont contaminés » par les pesticides ; que ceux-ci « constituent une menace majeure pour la ressource en eau potable » et que « la pollution chimique est le troisième facteur responsable du déclin de la biodiversité animale et végétale, au même niveau que le changement climatique ». 

    Le rapport fait également 27 recommandations dont plusieurs pourraient être appliquées par l’Etat. Pour améliorer les procédures d’évaluation, la Commission propose (recommandation n°8) : 

    • d’intégrer plus rapidement les études académiques récentes dans la base documentaire des évaluations ;
    • de prévoir une adaptation continue des lignes directrices encadrant ces évaluations ;
    • de développer et intégrer dans les évaluations de risque des substances actives phytopharmaceutiques et de leurs coformulants des approches combinées, portant sur les mélanges.

    L’application de cette recommandation constituerait une première étape pour corriger les failles des procédures d’évaluation des risques, constatées dans le cadre du jugement. 

    Sur les plans Ecophyto (6ème partie du rapport), la Commission d’enquête constate l’échec des plans successifs et formule un ensemble de recommandations dont le gouvernement pourrait s’inspirer pour exécuter le jugement le condamnant à réduire l’usage des pesticides sur son territoire d’ici fin juin 2024.

    Sur la pollution des eaux, le rapport soulève un point d’alerte sur la dégradation de la qualité des eaux superficielles et des nappes phréatiques (p. 55 et suivantes) et sur l’urgence à agir pour sanctuariser les captages pour l’alimentation en eau potable (p. 277 et suivantes). La Commission propose notamment de “compléter et affermir l’arsenal réglementaire visant à prévenir les pollutions diffuses dans les aires d’alimentation des captages pour l’eau potable” (recommandation n°26). Une proposition rappelant la condamnation de l’Etat à “pren[dre] toutes mesures utiles en vue de restaurer et protéger les eaux souterraines contre les incidences des produits phytopharmaceutiques et en particulier contre les risques de pollution”. 

    Glyphosate

    Rappel du contexte
    En novembre 2023, le glyphosate – une substance herbicide – a été réautorisé pour 10 ans dans l’Union européenne malgré des controverses sur sa toxicité pour la santé humaine et pour l’environnement. La France s’est abstenue lors du vote sur la réautorisation de la substance.

    Comment le jugement de Justice pour le Vivant en première instance éclaire la situation : 

    Le jugement a notamment reconnu des carences de l’Etat dans les procédures d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des pesticides, et a souligné la capacité des Etats à agir au-delà du cadre européen. 

    Cela aurait pu encourager l’Etat français à demander une évaluation plus complète des risques du glyphosate au niveau européen, et à voter contre la réautorisation. Dans la même logique, le gouvernement pourrait maintenant faire appliquer en France des procédures d’évaluation des risques renforcées dans le cadre des processus d’autorisation ou de réautorisation des produits contenant du glyphosate, ce qui pourrait entraîner leur interdiction ou la modification de leurs conditions d’usage dans le pays.

    Si des carences dans l’évaluation des risques des pesticides ont bien été reconnues par le tribunal administratif, ce dernier n’a pas enjoint l’Etat à agir. Le collectif Justice pour le Vivant a fait appel pour obliger l’Etat à corriger ces failles. 

    SDHI

    Rappel du contexte
    Les inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI), des fongicides qui s’attaquent à la respiration cellulaire, sont déversés en Europe depuis les années 2000. Des scientifiques ont alerté sur leur dangerosité pour la biodiversité en 2018 et demandent une mise à jour des tests. Des études indépendantes montrent déjà des risques pour les vers de terre, les abeilles et les amphibiens entre autres. L’ANSES a monté un groupe de travail pour produire un rapport sur la toxicité des SDHI et a rendu son avis en décembre 2023. Malgré le ton rassurant de l’avis de l’autorité sanitaire, les conclusions du groupe de travail soulèvent plusieurs points inquiétants et il émet plusieurs recommandations allant dans le sens d’un renforcement de l’évaluation des risques de ces pesticides.

    Comment la décision de Justice pour le Vivant en première instance éclaire la situation :

    La décision Justice pour le Vivant en première instance reconnaît l’existence de carences dans l’évaluation des risques des pesticides. Le rapport du groupe de travail sur les SDHI mentionne lui-même des limites. Il précise que « les tests requis lors de l’évaluation des dossiers règlementaires de ces substances n’apparaissent ni adéquats, ni suffisants pour évaluer la toxicité spécifique des SDHI, au regard des données de la littérature ». 

    Le groupe de travail fait plusieurs recommandations et propose notamment de mettre en place une évaluation des risques spécifique sur la mitotoxicité (toxicité sur les cellules) et sur les effets des SDHI sur les écosystèmes et leur impact sur la biodiversité, qui n’ont pas été évalués jusqu’alors.

    A la lumière de la décision de Justice pour le Vivant, l’Etat devrait modifier la méthodologie d’évaluation des risques et adapter les protocoles notamment pour mieux prendre en compte les risques des SDHI sur l’environnement avant d’autoriser ou non leur mise sur le marché, notamment en augmentant la prise en compte d’études académiques indépendantes.

    Pollution des eaux par les pesticides

    Rappel du contexte
    Régulièrement, des relevés détectent la présence de pesticides dans les eaux françaises. En 2017, 57% des eaux souterraines sont contaminées par au moins un pesticide. Des communes doivent interdire la consommation d’eau du robinet à leurs habitants et 20% des Français consomment une eau dont les niveaux de contamination aux pesticides et leurs métabolites dépassent les seuils de conformité. Les effets de cette pollution sur la faune aquatique sont également bien documentés. 

    Comment le jugement de Justice pour le Vivant en première instance éclaire la situation :

    Le juge a reconnu l’existence d’un préjudice écologique lié à la contamination généralisée, diffuse et chronique des eaux. Il a reconnu une carence fautive de l’Etat dans la protection des eaux souterraines contre les effets des pesticides, et l’a condamné à agir en restaurant leur qualité et en les protégeant. 

    L’exécution du jugement suppose donc pour l’Etat, d’ici juin 2024 de prendre toutes les mesures utiles pour restaurer et protéger les eaux souterraines.

    Contacts presse

    POLLINIS : Clément Helary
    clementh@pollinis.org

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll
    justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    ASPAS : Richard Holding
    presse@aspas-nature.org

    Biodiversité sous nos pieds : Dorian Guinard
    biodiversitesousnospieds@gmail.com 

  • Procès climatique contre TotalEnergies : audience décisive devant la cour d’appel 

    Procès climatique contre TotalEnergies : audience décisive devant la cour d’appel 

    Communiqué de presse, Paris, le 4 mars Dans le contentieux climatique porté par 6 associations et 15 collectivités territoriales contre TotalEnergies, une audience cruciale se tiendra demain devant la cour d’appel de Paris. Alors que le tribunal judiciaire de Paris a jugé l’action irrecevable, l’affaire sera examinée conjointement aux dossiers EDF/Mexique et Suez/Chili, par une nouvelle chambre de la cour d’appel spécialement créée pour les contentieux relatifs au devoir de vigilance des multinationales. 

    En janvier 2020, une coalition d’associations et de collectivités (1) a assigné TotalEnergies en justice. Rejointe en septembre 2022 par trois villes supplémentaires et Amnesty International France, la coalition demande que la pétrolière soit contrainte de prendre les mesures nécessaires pour s’aligner avec l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris, conformément à la loi sur le devoir de vigilance (2).

    Une audience à forts enjeux pour le devoir de vigilance

    Le 6 juillet 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a déclaré l’action judiciaire irrecevable selon une interprétation contestée et inquiétante de la loi sur le devoir de vigilance. Déterminées à contraindre la major pétro-gazière française à respecter ses obligations en matière climatique, les associations et collectivités de la coalition ont interjeté appel de cette décision.

    L’affaire est appelée à l’audience du 5 mars devant la cour d’appel de Paris. Signe de l’importance des enjeux pour la juridiction, l’affaire sera examinée par une nouvelle chambre créée spécialement pour juger en appel des affaires relatives au devoir de vigilance et à la responsabilité environnementale des entreprises. L’audience portera également sur les affaires Suez/Chili et EDF/Mexique, elles aussi déclarées irrecevables pour des motifs procéduraux controversés. 

    Une coalition déterminée face à l’urgence climatique

    La cour d’appel doit se prononcer sur la recevabilité de l’action, préalable indispensable avant une décision sur le fond. Cette décision, très attendue compte tenu de l’urgence climatique, intervient après la condamnation de Shell aux Pays-Bas, une affaire historique qui avait déjà souligné l’importance des mécanismes judiciaires pour contraindre les multinationales à réduire leurs émissions de GES.

    Le tribunal judiciaire de Paris a considéré que TotalEnergies n’aurait pas été régulièrement mis en demeure, prétextant un manque de dialogue avec l’entreprise. La loi sur le devoir de vigilance n’impose pourtant aucune phase de « discussion » ou de « conciliation » obligatoire entre les entreprises et les associations, ou personnes affectées, avant la saisine de la justice. En outre, le premier juge n’a pas pris en compte les différents échanges préalables intervenus entre la coalition et les dirigeants de l’entreprise avant la mise en demeure. 

    L’appel concerne également l’intérêt à agir des collectivités territoriales, dont l’action a été jugée irrecevable par le tribunal judiciaire, alors qu’elles sont aujourd’hui en première ligne face aux nombreux enjeux d’adaptation et d’atténuation des impacts du changement climatique.

    L’appel soulève également la question de l’impartialité de cette décision d’irrecevabilité, à la suite de la publication d’informations concernant de possibles liens familiaux entre le juge de la mise en état et un haut cadre de TotalEnergies.

    La coalition reste pleinement mobilisée afin que l’impact des activités de TotalEnergies sur le dérèglement climatique puisse enfin être jugé. La date de rendu de la décision devrait être annoncée à l’issue de de l’audience. 

    Notes

    (1) Sherpa, Amnesty International France, France Nature Environnement, Notre Affaire à Tous, ZEA, les Eco Maires et les villes de Paris, New York, Arcueil, Bayonne, Bègles, Bize-Minervois, Centre Val de Loire, Champneuville, Correns, Est-Ensemble Grand Paris, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran et Vitry-le-François.

    (2) Loi du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordres. L’action judiciaire se fonde également sur la prévention des dommages à l’environnement (art. 1252 Code civil).

    Signataires

    Sherpa, Notre Affaire à tous, Ville d’Arcueil, Vitry-le-François, Nanterre, Sevran, La Possession, Grenoble, Poitiers, Eco Maires, Amnesty International France, France Nature Environnement

    Contacts presse

    Sherpa – Théa Bounfour, chargée de contentieux et de plaidoyer, thea.bounfour@asso-sherpa.org
    Notre Affaire à Tous – Justine Ripoll, responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • La France frappe à nouveau pour couler la directive européenne sur le devoir de vigilance

    La France frappe à nouveau pour couler la directive européenne sur le devoir de vigilance

    Avant un vote crucial ce matin des ambassadeurs des pays de l’Union européenne, la France tente à nouveau de saboter l’adoption de la directive européenne sur le devoir de vigilance. A la dernière minute, la France pose aux négociateurs une exigence impossible à satisfaire qui remet en cause l’accord de compromis, résultat de plusieurs années de travail difficile par les Etats membres, le Parlement européen et la Commission. 

    Alors que les négociations en trilogue s’étaient terminées en décembre, ce compromis devait être ratifié par le Conseil mais le vote a déjà été reporté ces dernières semaines en raison du retrait du soutien de l’Allemagne.

    Las, lors d’un énième coup de théâtre le 27 février, la France met encore plus en péril l’adoption du texte en exigeant de modifier le périmètre de la directive et d’en exclure plus de 80% des entreprises concernées ; une demande d’abord introduite par Bruno Le Maire en personne, lors d’un voyage en catimini à Bruxelles. Le 20 février, il demandait en effet un entretien seul à seul avec le ministre de l’économie belge, dont le pays assure la présidence du Conseil, et formulait pour la première fois la demande de révision des seuils. Selon plusieurs sources, cette demande est devenue la position officielle de la France hier soir [1].

    Inspirée de la loi française de 2017, cette directive imposerait aux grandes entreprises opérant sur le marché européen de prévenir les violations des droits humains et la pollution de l’environnement dans leurs chaînes de valeur.

    Le texte de compromis prévoit une application aux entreprises de plus 500 salariés ; mais la France exigé à la dernière minute de remonter ce seuil au niveau de la loi française sur le devoir de vigilance, déjà en vigueur, fixé à 5 000 salariés, exemptant ainsi quelque 14 000 entreprises opérant sur le territoire européen. Le niveau des seuils en France a pourtant été considéré comme trop élevé par l’évaluation de cette loi commanditée par le gouvernement français en 2020, qui recommandait donc de les abaisser, ainsi que par un rapport d’information de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale et enfin un rapport d’information de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale co-rédigé par une députée de la majorité présidentielle [2].

    A noter également : ce volte-face français entre en contradiction totale avec toutes les demandes issues de la société civile, des syndicats, des associations, d’innombrables représentants d’entreprises et d’investisseurs, d’autorités financières, d’autorités religieuses et de nombreuses instances internationales.

    Les membres de la coalition européenne pour le devoir de vigilance demandent le maintien du seuil sur lequel les pays européens se sont accordés, et que la France s’est engagée encore récemment à appuyer politiquement lors de l’audition du ministre des Affaires étrangères, M. Stéphane Séjourné, à l’Assemblée Nationale le 14 février.

    Nous appelons le Président de la République, M. Emmanuel Macron, à défendre la position historique de la France dans ces négociations cruciales pour la protection des droits humains et de l’environnement, en assurant à ses partenaires européens le maintien d’une position française stable permettant l’adoption de cette directive.

    Notes

    [1] Ce n’est pas la première fois que la France demande des concessions substantielles dans ce dossier. C’est déjà elle qui a imposé l’exclusion des acteurs financiers du champ d’application de la directive sur les services financiers, contre les recommandations de nombreux représentants d’investisseurs et même contre l’avis de la Banque Centrale Européenne. Ces exigences ont été acceptées par les négociateurs afin de satisfaire le gouvernement français, parfois au détriment de la cohésion des négociations entre pays de l’Union européenne.

    [2] – La loi française retient un critère unique et des seuils particulièrement élevés (emploi direct ou indirect de 5 000 salariés pour les entreprises établies en France et de 10 000 salariés pour les entreprises étrangères ayant une activité en France). Le rapport sur l’évaluation de la loi française préconise d’« abaisser les seuils de salariés au-delà desquels une entreprise est assujettie au devoir de vigilance et [d’]introduire un nouveau critère d’assujettissement au devoir de vigilance lié au chiffre d’affaires, alternatif à celui du nombre de salariés ».

    – En 2022, les député.es Dominique Potier (Parti Socialiste, rapporteur de la loi sur le devoir de vigilance) et Coralie Dubost (LREM) ont conduit une mission d’information sur l’évaluation de la loi française, rapport adopté par la Commission des lois. Le rapport soulignait qu’« un abaissement des seuils est nécessaire », et que « les seuils trop élevés excluent de nombreuses entreprises dont l’activité présente des risques ».

    – En 2023, les députées Sophia CHIKIROU (la France Insoumise) et Mireille CLAPOT (Renaissance) ont présenté un rapport d’information à la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale. Le rapport souligne que les seuils de la loi française sur le devoir de vigilance sont trop élevés et que la proposition de directive de la Commission européenne, qui vise à s’appliquer aux entreprises basées ou opérant dans l’UE, employant plus de 500 personnes (contre 1 000 pour la loi française) et réalisant un chiffre d’affaires (CA) annuel net de 150 M€, va tout à fait dans le sens de la recommandation d’abaisser les seuils de salariés.