Depuis plusieurs mois de nombreux.ses acteur.ices se mobilisent pour demander une révision du règlement européen (REACH) qui encadre les substances chimiques les plus dangereuses. Prévue par la Commission elle-même dans une feuille de route publiée il y a déjà un an, cette révision est sans cesse repoussée sous la pression des lobbies. Cette révision permettrait notamment de prendre en compte les dernières études et actualités concernant les PFAS, ces « polluants éternels », particulièrement présents dans la vallée du Rhône. L’exposition à ces substances est associée à de nombreuses pathologies telles que des cancers, des troubles du système immunitaire ou du métabolisme comme l’obésité.
Avec une coalition d’acteurs, Notre Affaire à Tous interpelle la Première Ministre sur l’importance d’une mobilisation de la France pour permettre de lever rapidement ce blocage très inquiétant et s’alarme de la position du commissaire au marché intérieur Thierry Breton sur ce sujet.
Le 18 avril 2023,
Objet : 38 organisations vous interpellent pour une publication de la révision de REACH sans plus de retard
Madame la Première ministre,
Nos organisations s’inquiètent fortement du retard de la révision du règlement européen sur les produits chimiques, REACH, et de la position du commissaire au marché intérieur Thierry Breton sur ce sujet.
Le gouvernement français a exprimé son soutien en faveur d’une révision rapide du règlement REACH par les voix de Madame la Secrétaire d’Etat Bérangère Couillard [1] et de Monsieur le Ministre délégué Gabriel Attal [2], ainsi que dans une lettre adressée à la Commission Européenne [3]. Des commissaires européens [4][5] et des eurodéputés de la gauche à la droite sont engagés en faveur d’une révision rapide [5].
Cependant, au regard d’informations récentes [6], nous sommes inquiets de voir que le commissaire Breton semble déterminé à retarder, voire à supprimer la révision.
Si elle était confirmée, la position du commissaire français serait alors en rupture avec la position de votre gouvernement, ce qui nous interroge. Un tel blocage serait totalement incohérent avec d’une part l’ambition française pour l’Europe de développer une économie innovante et verte, soutenant les industries pionnières et progressives, d’autre part avec le plan industrie verte récemment initié par le Ministère de l’Economie.
Il y a pourtant urgence sanitaire et environnementale : 90% des citoyens français s’inquiètent de l’impact des produits chimiques sur leur santé et l’environnement [7], à raison. La pollution du territoire français aux « polluants chimiques éternels » (PFAS) a atteint un niveau sans précédent [8]. Chaque nouveau rapport démontre la présence de substances nocives dans nos produits de consommation quotidiens [9] telles que des perturbateurs endocriniens [10], des nanoparticules [11] et autres substances toxiques pour la reproduction [12]. Vous le savez, l’exposition à ces substances est associée à de nombreuses pathologies telles que des cancers, des troubles du système immunitaire ou du métabolisme comme l’obésité [13]. Le tout engendre des coûts de santé publique considérables [14]. Ces substances contaminent nos sols, notre eau, notre air et notre nourriture [15]. Cette pollution s’est développée alors que REACH était en place.
Les entreprises appellent de leurs vœux cette réforme, notamment les représentants de l’industrie chimique européenne (Cefic), afin d’assurer davantage de prédictibilité [16] et de garantir des investissements sûrs à long terme. Des marques européennes phares (IKEA, Décathlon, Adidas, etc.) [17], des mutuelles françaises [14] et 200 médecins et chercheurs en toxicologie français [18] appellent à présenter la révision sans délai. Des investisseurs [19] demandent aux entreprises chimiques d’éviter des investissements risqués, par exemple dans les polluants chimiques éternels. Cela démontre que le secteur privé aspire à une production chimique sûre et durable pour rester compétitif sur le long terme. Les entreprises ont besoin d’un cadre juridique clair : elles doivent savoir aujourd’hui dans quelle direction s’engager pour la décennie.
Si la révision de REACH n’est pas présentée avant l’été, cela entraînera un retard important en raison du calendrier institutionnel européen. Chaque semaine de délai alimente des niveaux toujours plus élevés de pollution toxique et alourdit les coûts de santé et ceux liés à la contamination de notre environnement. Si vous n’agissez pas en faveur d’une révision rapide, la France portera sa part de responsabilité.
C’est pourquoi nous vous demandons, Madame la Première Ministre, de faire valoir une position française claire, forte et ambitieuse auprès de la Commission européenne, et notamment auprès du commissaire Thierry Breton, afin de finaliser au plus vite cette réforme.
Dans l’attente de l’intervention de votre gouvernement sur ce dossier urgent, nous sommes à votre disposition pour échanger avec vous au plus tôt et vous prions d’agréer, madame la Première Ministre, l’expression de notre très haute considération.
[1] Conseil des Ministres de l’Environnement, 20 décembre 2022, intervention de la France
[2] Lettre du Ministre délégué Gabriel Attal sur la révision de REACH, 27 mars 2023
[3] Lettre de huit États-membres européens y compris la France, demandant une révision rapide du règlement REACH, 4 octobre 2022
[4] Événement du groupe Renew au Parlement européen, 9 mars 2023, Séminaire sur l’innovation verte dans la chimie à travers REACH, intervention du Commissaire Sinkevičius et d’eurodéputés
[5] Le Monde, 25 novembre 2022, interview avec le vice-président de la Commission Timmermans
[6] Contexte, 21 octobre 2022, Qui a tiré sur Reach ? ; Mediapart, 5 avril 2023, Produits chimiques : Thierry Breton a tenté de torpiller le nouveau règlement européen ; Le Monde, 19 octobre 2022, « Les lobbys de l’industrie chimique ont gagné » : la Commission européenne enterre le plan d’interdiction des substances toxiques pour la santé et l’environnement
[7] Eurostat, mars 2020, Eurobaromètre
[8] Le Monde, 23 février 2023, « Polluants éternels » : explorez la carte d’Europe de la contamination par les PFAS
[9] BEUC, 13 mars 2023, Worrying number of dangerous products reaching consumers highlights need for greater action by authorities
[10] Endocrine Society, Common EDCs and Where They Are Found
[11] AVICENN, décembre 2022, En quête de nanos dans les produits du quotidien
[12] The Guardian, 28 mars 2021, Shanna Swan: ‘Most couples may have to use assisted reproduction by 2045’
[13] Agence européenne pour l’environnement, mars 2023, Chemicals and health
[14] Le Monde, 8 avril 2023, Pollution : « La réglementation européenne sur les substances chimiques doit être révisée d’urgence »
[15] The Guardian, 18 janvier 2022, Chemical pollution has passed safe limit for humanity, say scientists ; Générations futures, 12 janvier 2023, État des lieux de la présence de composés perfluorés dans les eaux de surface en France ; CHEM Trust, décembre 2022, Les substances chimiques nocives dans les matériaux entrant en contact avec les aliments en France
[16] CHEM Trust et EEB, 15 mars 2023, Waiting for REACH, p. 4, citation du Cefic
[17] ChemSec, 15 décembre 2022, A company request for an ambitious revision of REACH
[18] Le Monde, 6 décembre 2022, tribune, « Le report du plan européen d’interdiction des substances toxiques traduit la pression des lobbys industriels»
[19] ChemSec, 29 novembre 2022, Investors with $8 trillion call for phase-out of dangerous “forever chemicals”
Le tribunal administratif de Montreuil a annulé les 4 permis de construire de l’extension du centre commercial Westfield Rosny 2, reconnaissant leur caractère illégal et leur impact environnemental insuffisamment évalué. Cette décision est le fruit d’une mobilisation citoyenne exceptionnelle et de la détermination des associations Alternatiba Rosny et MNLE 93, épaulées par les juristes de l’association Notre Affaire à Tous, qui ont contesté ces permis, informé le grand public et protégé le cadre de vie des habitants.
En Décembre 2021, après un recours porté par les associations, le tribunal administratif de Montreuil avait suspendu les 4 permis de construire de l’extension du centre commercial Westfield Rosny 2 confirmant les vices invoqués par les associations. Le juge avait donné douze mois au promoteur Unibail-Rodamco-Westfield et à la commune de Rosny-sous-Bois pour évaluer concrètement les impacts induits par l’extension du centre commercial sur la qualité de l’air et les îlots de chaleur et de prévoir des mesures adaptées pour contrebalancer ces impacts.
Après un an et plusieurs annonces publiques promettant un projet différent et plus écologique, le promoteur et la commune décident de soumettre exactement le même projet d’extension sans aucune modification d’amélioration, à enquête publique en décembre 2022. La nouvelle étude d’impact est encore plus alarmante, et semble même ignorer les demandes du juge.
Malgré les demandes d’Alternatiba Rosny, la mairie a souhaité s’en tenir aux obligations légales, et n’a pas souhaité promouvoir l’enquête ni proposer de réunion publique de présentation du projet. Les associations ont pris les devants et sont allées à la rencontre des habitants en organisant une réunion pour informer les habitants, et en informant lors de nombreuses séances de tractage.
Accompagnée par les associations, la mobilisation citoyenne active a permis une participation record à l’enquête publique avec plus de 585 avis dont 95% en opposition au projet. Les observations des citoyens ont mis en avant les incidences du projet sur le trafic routier et la qualité de l’air, l’artificialisation des sols, le manque de végétalisation créant des phénomènes d’îlots de chaleur urbain, mais aussi les effets négatifs sur les commerces locaux. Les conclusions de l’enquête sont sans appel, et l’avis défavorable.
Suite à cette enquête publique, aucune pièce modificative n’est présentée devant le tribunal administratif. Fin Mars, les promoteurs et la mairie renoncent finalement à déposer des permis de construire de régularisation. Le 6 avril, les conclusions du tribunal mettent donc fin à ce projet nuisible pour l’environnement en reconnaissant que ces permis étaient illégaux, notamment en ce qui concerne l’évaluation de leur impact environnemental.
Les points soulevés par les associations et retenus par le tribunal sont les suivants: l’étude d’impact était insuffisante en ce qui concerne la présentation de la mesure des particules en suspension PM 10 et PM 2,5, la description des incidences du projet sur la qualité de l’air due notamment à l’augmentation du transport routier et le phénomène d’îlot de chaleur urbain, l’analyse insuffisante du cumul des effets du projet avec ceux d’autres opérations situées à proximité, et la description de mesures suffisantes prévues pour éviter, réduire ou compenser les incidences du projet en matière de pollution atmosphérique.
Cette victoire est le fruit d’une mobilisation citoyenne exemplaire et déterminée qui a permis de faire entendre les voix de celles et ceux qui refusent de sacrifier l’environnement sur l’autel de la croissance économique. Les associations remercient chaleureusement tous les citoyens et les bénévoles pour leur soutien et leur engagement tout au long de cette bataille. Grâce à eux, les associations Alternatiba Rosny, MNLE 93, et Notre Affaire à Tous ont pu faire valoir l’intérêt général et protéger l’environnement.
Nous espérons que cette décision fera date et encouragera les acteurs économiques et les autorités à repenser leurs choix d’investissement en fonction de leurs impacts socio-environnemental, et à prendre en compte l’avis des citoyens dans les projets d’aménagement futurs. Nous resterons vigilants et déterminés pour faire respecter la loi et protéger notre environnement.
Pour Céline Le phat vinh, de Notre Affaire à Tous
“Il est temps aujourd’hui de regarder vers “l’après” et de se reconnecter aux vrais besoins du territoire au lieu d’insister avec un projet de centre commercial non désiré par le public, dans le département champion de France des centres commerciaux. De nombreuses alternatives sont possibles ! Revitaliser les petits commerces, assurer des services publics et améliorer la qualité de vie à Rosny tout en impulsant un avenir en cohérence avec les enjeux écologiques et sociaux, voilà des projets porteurs pour les habitant.e.s.”
Pour Nicolas Perguet, d’Alternatiba Rosny
“Cette victoire c’est celle des habitant.e.s qui se sont mobilisé.e.s pendant 3 ans pour répondre à la dernière enquête publique ! Ce sont des milliers d’heures de lecture, d’analyse, de plaidoyer, d’interpellation, de rencontre et de discussion réalisées par des bénévoles. Nous espérons que les pouvoirs publics reconnaîtront enfin la légitimité des habitant.e.s à prendre part aux décisions d’aménagement du territoire, et garantir un cadre de vie enviable pour les générations présentes et futures.
Nous sommes satisfait de la décision du tribunal mais nous déplorons l’absence d’obligation de présenter une étude d’impact socio-économique. L’argument du bénéfice économique est systématiquement avancé, y compris par le maire. Pourtant de nombreuses études ont montré l’impact désastreux de ces grands centres commerciaux pour l’emploi à moyen terme. Nous espérons que cette demande sera bien à l’étude si un nouveau projet co-construit entre le promoteur, la mairie et les habitants est proposé.”
Le 12 avril 2023 – A deux semaines d’un vote crucial au Parlement européen sur le projet de directive relatif au devoir de vigilance des multinationales, un nouveau sondage révèle que la grande majorité des Européen·nes souhaite que les entreprises opérant dans l’Union européenne soient légalement tenues de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Cette demande est soutenue par un appel de plus de 200 organisations de la société civile et militant·es écologistes, et une tribune de nombreux experts internationaux. Cet appel citoyen sans équivoque intervient au moment même où les eurodéputé·es conservateur·ices font pression dans les négociations pour affaiblir les obligations des entreprises, notamment en matière environnementale et climatique.
Un nouveau sondage, réalisé dans 10 pays de l’Union européenne dont la France [1], révèle que les citoyen·nes européen·nes sont très favorables à une législation européenne ambitieuse sur le devoir de vigilance, qui, si elle était adoptée, obligerait les entreprises opérant dans l’UE à prendre des mesures réelles et effectives pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
A l’instar de la loi française adoptée en 2017, le projet de directive, actuellement débattu au Parlement européen, vise à obliger les entreprises opérant dans l’UE à prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement dans leurs chaînes de valeur mondiales, et à engager leur responsabilité civile en cas de dommage.
En mars dernier, la commission environnement (ENVI) du Parlement européen a voté son avis sur le texte, apportant des avancées notables sur des points clés tels que la définition des atteintes à l’environnement et les obligations des entreprises quant à l’impact de leurs activités sur le climat. Le texte est désormais examiné en commission des affaires juridiques (JURI) où les député·es conservateur·ices continuent de s’opposer à ces avancées. Ces dernier.es font également obstacle à l’inclusion de dispositions visant à faciliter l’accès à la justice des personnes affectées, telles que le renversement de la charge de la preuve.
Lundi 17 avril, une dernière réunion de négociation doit permettre de trancher sur le texte qui sera soumis au vote de la commission JURI la semaine suivante. Ce vote est capital puisqu’il déterminera le texte qui sera débattu en plénière au Parlement européen.
Trois quarts (74 %) des Européen·nes sont favorables à une législation européenne qui obligerait toutes les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C [3].
Deux tiers (64 %) pensent que les banques doivent également être tenues légalement responsables des actions des entreprises dans lesquelles elles investissent ou auxquelles elles prêtent de l’argent [4].
Parallèlement au sondage, plus de 200 personnalités et organisations de la société civile ont signé une déclaration réclamant « une législation européenne forte, adaptée à la lutte contre la crise climatique et à la justice climatique« . Face au greenwashing et engagements purement volontaires des entreprises en matière de transition énergétique, des avocat·es, économistes et scientifiques de toute l’Europe ont également publié récemment une tribune [5] appelant à une réglementation véritablement contraignante.
Dans un contexte d’urgence climatique et écologique, nos organisations considèrent que le projet de directive, dans sa forme actuelle, doit être renforcé pour que les entreprises soient contraintes de prendre en compte l’ensemble des risques qu’elles font peser sur l’environnement et le climat et de réduire effectivement leurs émissions de gaz à effet de serre.
Nos organisations appellent les eurodéputé·es à écouter les citoyen·nes européen·nes plutôt que les lobbies, et à privilégier la protection des populations et du climat face aux intérêts privés des grandes entreprises.
[1] Le sondage a été réalisé dans les pays suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Pays-Bas, Pologne et Slovénie.
[2] Tous les chiffres, sauf indication contraire, proviennent de YouGov Plc. Les chiffres relèvent d’un sondage réalisé auprès d’un échantillon national et politiquement représentatif d’adultes en Allemagne (n=2000) et en France (n=1000). L’enquête d’opinion a également été menée auprès d’un échantillon national représentatif d’adultes en Irlande (n=1000), en Belgique (n=1000), en Finlande (n=1000), en Autriche (n=1000), en Pologne (n=1000), en Slovénie (n=500), en Espagne (n=1000) et aux Pays-Bas (n=1000). Le travail sur le terrain a été entrepris entre le 3 et le 16 février 2023. L’enquête a été réalisée en ligne. Les chiffres au niveau européen sont des moyennes de la proportion de personnes ayant sélectionné chaque réponse dans l’ensemble des pays interrogés.
[3] Le sondage révèle également que 65 % des répondants demandent que les entreprises réduisent leurs émissions même en cas de crise énergétique.
[4] Depuis la présentation du projet de directive au Parlement européen, les lobbies de la finance ont dépensé au moins 100 millions d’euros pour faire pression sur les décideurs européens. Au Conseil de l’UE, des pays comme la France ont poussé pour que le secteur financier soit exclu du champ d’application de la nouvelle directive.
[5] Cette tribune a été publiée le 3 avril dans les Echos, et est également disponible en accès libre ici, avec la liste de tous les signataires. Parmi eux, plusieurs Français·es, tels que Valérie Masson-Delmotte, Gaël Giraud, Laurence Tubiana et Arié Alimi.
Communiqué de presse des associations requérantes – Lyon, 07 avril 2023.
A l’occasion de la Journée Mondiale de la Santé, plusieurs associations et des parents d’élèves rassemblent leurs forces pour demander au Tribunal Administratif de Lyon l’annulation du 3ème Plan de Protection de l’Atmosphère (PPA) de l’agglomération lyonnaise, insuffisant au regard des enjeux soulevés, pour en obtenir une version plus ambitieuse. Ce plan lyonnais n’est pas une exception : il est symptomatique de l’inaction systémique et persistante de l’État en matière de lutte contre la pollution de l’air, et pour laquelle il a plusieurs fois été condamné par le Conseil d’État.
Le recours lyonnais est le 4e recours demandant l’annulation d’un plan local sur la pollution de l’air en moins d’un an, après Marseille, Nice et Grenoble : il montre la faiblesse des plans locaux de l’Etat sur la qualité de l’air. A Lyon et partout en France, les PPA sont insuffisants, alors qu’ils constituent l’outil principal de l’Etat pour agir : manque d’objectifs chiffrés, calendriers peu ambitieux, manque de moyens alloués aux mesures annoncées…
Cette inaction est à mettre en regard des enjeux sanitaires et sociaux soulevés par la pollution de l’air. En France, la pollution de l’air est responsable de plus de 40 000 décès prématurés par an, dont plus de 4 300 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes (Santé Publique France). En plus des décès, les études se multiplient pour montrer le lien entre la pollution de l’air et différentes maladies : asthme, maladies cardiovasculaires et pulmonaires, cancers, maladies du foie, ou d’autres maladies du type Alzheimer ou Parkinson. La pollution de l’air est ainsi avant tout une question de santé publique. Elle est également symptomatique des inégalités sociales. De fait, les personnes les plus vulnérables sont celles qui sont le plus exposées aux pollutions. Dans l’agglomération lyonnaise par exemple, les personnes vivant à proximité des grands axes routiers ou autour de la Vallée de la chimie, dont les revenus sont en moyenne plus faibles (Insee), sont aussi celles qui souffrent le plus de la pollution de l’air.
Ainsi, le décalage entre ces états de fait et les mesures pour le moins insuffisantes engagées par l’État et ses services est inquiétant, et a déjà été condamné par la justice. En août 2022, le Conseil d’État condamnait à nouveau l’État pour son inaction en matière de pollution de l’air, et plus précisément pour son non-respect des normes européennes, notamment dans l’agglomération lyonnaise. L’État ne fait toujours pas assez pour protéger ses citoyen·ne·s et leur offrir un air sain, conformément à l’obligation édictée par la loi sur l’air de 1996. En septembre 2022, le Conseil d’État reconnaissait aussi le droit de tou·te·s à vivre dans un environnement sain comme liberté fondamentale.
Une action inclusive contre la pollution de l’air est possible, et de nombreuses études le montrent. Une publication scientifique a par exemple étudié en 2022 les actions qui permettraient de réduire de deux tiers les émissions à l’origine de la pollution de l’air (ici, de chercheur.se.s de l’Inserm, de l’Inrae et des Universités de Grenoble et Lille). Il s’agit de faire le choix politique de mettre les moyens pour protéger le droit de chacun.e de vivre dans un environnement sain et en bonne santé.
A travers ce recours lyonnais, nous souhaitons rappeler que l’État a le devoir de se donner des moyens ambitieux pour lutter, enfin, contre la pollution de l’air. Dans les prochains mois, nous serons prêt.e.s à accompagner, juridiquement s’il le faut, d’autres collectifs et collectivités pour obtenir des PPA à la hauteur des enjeux.
Pour plus d’informations : voir notre dossier presse ci-dessous.
Liste des organisations de la campagne “Pour un droit à respirer” : Notre Affaire à Tous, Notre Affaire à Tous – Lyon, Respire, La Rue est à Nous – Lyon, Générations Futures, FNE Rhône.
Nous lançons à Lyon le quatrième recours demandant l’annulation d’un plan local sur la pollution de l’air en moins d’un an, et il n’est pas une exception : la faiblesse des plans locaux de l’État sur la qualité de l’air est systémique et persistante. Cette tribune nationale, publiée sur Le Monde à l’occasion de la Journée Mondiale de la Santé, unit des voix qui exigent de l’État qu’il se donne enfin les moyens de protéger la santé de ses citoyen.ne.s tout en intégrant réellement le paramètre de la justice sociale.
La pollution de l’air : un danger mortel invisible…
En France, la pollution de l’air est responsable de plus de 40 000 décès prématurés par an, dont plus de 4 300 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes (Santé Publique France). En 2021, une étude coordonnée par l’université Harvard a même réévalué le nombre de décès prématurés en France à près de 100 000. Au-delà de cet état de fait, les études se multiplient pour montrer le lien entre la pollution de l’air et différentes maladies : asthme, maladies cardiovasculaires et pulmonaires, cancers, maladies du foie, ou d’autres maladies du type Alzheimer ou Parkinson. La pollution de l’air est ainsi avant tout une question de santé publique.
C’est également un enjeu de justice sociale. De fait, les personnes les plus vulnérables sont celles qui sont le plus exposées aux pollutions. Dans l’agglomération lyonnaise par exemple, les personnes vivant à proximité des grands axes routiers ou autour de la Vallée de la chimie, dont les revenus sont en moyenne plus faibles (Insee), sont aussi celles qui souffrent le plus de la pollution de l’air.Ces impacts ont un coût, sanitaire et socio-économique, estimé à près de 100 milliards d’euros par an en France (Sénat).
…En décalage avec l’inaction de l’Etat
Ce constat est alarmant, mais le plus inquiétant est le décalage entre les enjeux soulevés par la pollution de l’air et les mesures pour le moins insuffisantes engagées par l’Etat et ses services.
En octobre 2022, le Conseil d’Etat condamnait à nouveau l’Etat pour son inaction en matière de pollution de l’air, et plus précisément pour son non-respect des normes européennes, notamment dans l’agglomération lyonnaise. L’Etat ne fait toujours pas assez pour protéger ses citoyen·ne·s et leur offrir un air sain, conformément à l’obligation édictée par la loi sur l’air de 1996. En septembre 2022, le Conseil d’Etat reconnaissait aussi le droit de tou·te·s à vivre dans un environnement sain comme liberté fondamentale.
Pourtant, l’Etat possède plusieurs leviers d’action pour limiter la pollution de l’air, dont les Plans de Protection de l’Atmosphère (PPA), mis en place par les préfectures pour les agglomérations de plus de 250 000 habitants. A Lyon, la deuxième version du PPA (PPA-2) avait été reconnue en 2019 comme insuffisante par le tribunal administratif. En novembre 2022, la nouvelle version du PPA (PPA-3) a été adoptée. Ce nouveau plan aurait pu être l’occasion pour l’Etat de réhausser ses ambitions contre la pollution de l’air, mais il demeure insuffisant et incohérent. En effet, peu d’objectifs sont chiffrés, les calendriers de mise en œuvre des mesures sont trop peu ambitieux et rarement précisés, et il est déjà certain que les moyens alloués par l’Etat seront insuffisants pour mettre en œuvre la totalité des mesures du PPA…
Pour toutes ces raisons, et parce que protéger la santé de tou·te·s ainsi que l’environnement devrait être la priorité de l’Etat, plusieurs associations et habitant·e·s de l’agglomération lyonnaise ont décidé de demander l’annulation du PPA-3 lyonnais, afin de faire reconnaître son insuffisance et d’en obtenir une version plus ambitieuse.
Cette problématique du PPA lyonnais n’est pas spécifique à l’agglomération : la faiblesse des plans locaux de qualité de l’air est systémique et persistante, et doit être dénoncée partout. Depuis plusieurs mois, d’autres PPA sont remis en question ailleurs : par les Amis de la Terre Marseille pour l’agglomération marseillaise, par le Collectif Citoyen 06 pour l’agglomération niçoise, par la Mairie de Grenoble pour l’agglomération grenobloise.
Nous, scientifiques, représentant·e·s de la société civile, avocat·e·s, politiques, citoyen·ne·s, appelons à des plans locaux de lutte contre la pollution de l’air réellement protecteurs. Nous demandons à ce que la pollution de l’air soit désormais considérée comme un enjeu prioritaire de santé publique et de lutte contre les inégalités sociales et environnementales. Nous exigeons un droit à respirer !
#pourundroitarespirer
Premiers signataires
Clément Drognat, Coordinateur de La Rue est à Nous – Lyon
Emma Feyeux, Présidente de Notre Affaire à Tous – Lyon
Florian Brunet, Directeur de France Nature Environnement – Rhône
Jérémie Suissa, Directeur Général de Notre Affaire à Tous
Nadine Lauverjat, Directrice Générale de Générations Futures
Tony Renucci, Directeur Général de Respire
Soutenue par :
Adrian Saint-Pol, Porte-parole de Greenpeace Lyon
Airy Chrétien, Fondateur du Collectif Citoyen 06 – Nice
Alicia Pillot, Fondatrice de PEPS’L
Anne Souyris, Maire adjointe deParis sur la santé publique et environnementale, la lutte contre les pollutions, et la réduction des risques
Charles de Lacombe, Porte-parole d’Alternatiba ANV Rhône
Claire Dulière, Coordinatrice plaidoyer de Zéro Déchet Lyon
Dan Lert, Maire adjoint de Paris en charge de la transition écologique, de l’eau et de l’énergie
David Belliard, Maire adjoint à Paris en charge de la transformation de l’espace public, des transports, des mobilités, du code de la rue et de la voirie
Éric Piolle, Maire de Grenoble
Frédérique Bienvenue, Co-présidente de La Ville à Vélo – Lyon Métropole
Gabriel Amard, Député de la sixième circonscription du Rhône
Hélène Leleu, Avocate au Barreau de Lyon
Isabelle Michallet, Maîtresse de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3
Louise Tschanz, Avocate au Barreau de Lyon
Marie Pochon, Députée de la troisième circonscription de la Drôme
Marie-Charlotte Garin, Députée de la troisième circonscription du Rhône
Sandrine Berterreix, Anthony Delcambre, Marie Guirguis et Orianne Moulinier, Alliance Santé Planétaire
Sylvain Delavergne, Coordinateur de Clean Cities Campaign France
Thomas Bourdrel, Coordinateur de Strasbourg Respire
Il s’agit d’une première victoire pour les militant.e.s et associations qui se battent depuis plus de 50 ans pour reconnaître le crime d’écocide au niveau international. La position du Parlement européen est claire et adoptée à l’unanimité : les Etats membres doivent inscrire l’écocide dans leur système juridique.
Notre Affaire à Tous, qui milite depuis sa création pour la reconnaissance du crime d’écocide à l’échelle internationale et nationale, se réjouit de cette avancée au niveau européen. Une avancée rendue possible grâce notamment à l’eurodéputée Marie Toussaint, co-fondatrice de Notre Affaire à Tous, qui coordonne l’Ecocide Alliance, une alliance internationale de parlementaires pour la reconnaissance de l’écocide.
Le préambule du rapport dispose ainsi que “lorsqu’un délit environnemental cause des dommages graves et étendus ou durables ou irréversibles à la qualité de l’air, à la qualité du sol ou à la qualité de l’eau, ou à la biodiversité, aux services et fonctions des écosystèmes, aux animaux ou aux plantes, il devrait être considéré comme un crime d’une gravité particulière, et sanctionné comme tel conformément aux systèmes juridiques des États membres, couvrant l’écocide, pour lequel les Nations unies travaillent actuellement à l’élaboration d’une définition internationale officielle.”
Cette définition reprend celle du panel d’experts international mis en place en 2021 sous l’égide de la fondation Stop Ecocide, qui avait proposé une définition similaire de l’écocide afin de modifier le Statut de Rome. L’écocide est ainsi entendu comme un crime environnemental “grave” et “étendu ou durable ou irréversible”.
Alors que la criminalité environnementale est devenue la troisième activité la plus lucrative derrière le trafic de stupéfiants et la contrefaçon, et que des centaines de défenseurs de l’environnement sont assassinés dans le monde chaque année, les crimes les plus graves commis contre l’environnement restent impunis. On peut citer notamment les catastrophes de Bhopal et du Deepwater Horizon, ou encore le scandale sanitaire et environnemental du Chlordécone aux Antilles.
“C’est un grand pas que vient de franchir le Parlement européen en vue de la reconnaissance des crimes les plus graves contre l’environnement. L’environnement est en train de devenir une nouvelle valeur fondamentale digne d’être protégée par le droit pénal .” indique Marine Yzquierdo, avocate et administratrice de Notre Affaire À Tous.
“Avec l’extension de la liste des crimes environnementaux, dont la référence à l’écocide, le renforcement des peines et l’amélioration de la coopération transfrontalière, la proposition du Parlement européen permet de s’attaquer sérieusement à la “dépénalisation de fait” de la protection de l’environnement.”, ajoute Théophile Keïta, également avocat et administrateur de Notre Affaire à Tous.
Il reste néanmoins à franchir une dernière étape, le “Trilogue” : cette phase de négociation entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil européen (réunissant les représentants des gouvernements) doit permettre de trouver un accord sur un texte final.
L’avis du gouvernement français, qui avait refusé de reconnaître le crime d’écocide comme le préconisait la Convention Citoyenne pour le Climat (pour le réduire à un simple “délit d’écocide” vidé de sa substance), aura un poids important dans ces négociations institutionnelles. D’ailleurs, conformément à la loi climat et résilience issue des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, la France s’est engagée à mettre en place les actions nécessaires pour reconnaître le crime d’écocide au niveau international.
Si la position du Parlement européen était retenue en Trilogue, cela pourrait faciliter ensuite la reconnaissance de l’écocide au niveau international, les Etats de l’Union européenne représentant 40% des Etats parties à la Cour pénale internationale.
En début d’année, la France métropolitaine a battu son record de nombre de jours sans pluie : 32 jours, du jamais vu depuis le début des enregistrements en 1959. Si quelques gouttes ont pu tomber ici ou là, le cumul quotidien des précipitations a été inférieur à 1 mm, et ce en plein hiver – période essentielle où les nappes phréatiques se remplissent et où la neige s’accumule en montagne. Le mois de février 2023 a été le mois le plus sec jamais enregistré avec un déficit de précipitation d’environ 50%. La situation est également préoccupante dans les territoires ultra-marins, par exemple en Guadeloupe où le déficit de précipitations est de -30% depuis décembre 2022. Les prévisions pour l’été 2023 concernant la sécheresse sont inquiétantes. Les réserves en eau qui avaient permis aux territoires français de traverser la sécheresse de 2022 ne sont pas constituées pour faire face à un été chaud et sec.
Pourquoi une telle sécheresse ? Est-ce dû au réchauffement climatique ? Quelles conséquences actuelles et à venir ?
Pour le 22 mars, journée mondiale de l’eau, nous vous proposons quelques éléments de réponse dans ce nouvel hors-série de notre revue IMPACT.
Quelle sécheresse en France actuellement ?
La sécheresse est un épisode de manque d’eau créant un déséquilibre hydrologique. La France est actuellement touchée par trois types de sécheresse :
la sécheresse météorologique qui provient d’un déficit de précipitations sur une période donnée ;
la sécheresse agricole lorsque le déficit de précipitations créé un déficit hydrique des sols mesuré par le taux d’humidité à 1 mètre de profondeur ;
la sécheresse hydrologique qui est atteinte quand les niveaux des nappes phréatiques et des cours d’eau sont trop bas.
Au 16 mars 2023, sept départements français (Ain, Alpes-Maritime, Ardèche, Bouches-du-Rhône, Drôme, Guadeloupe, Isère, Pyrénées-Orientales, Var) en alerte sécheresse ont déjà pris des mesures de restriction d’eau.
Cette situation est due à une année 2022 et un début 2023 particulièrement chauds et secs selon MétéoFrance
Près de -25% de précipitations sur l’ensemble de la France métropolitaine en 2022, l’année dernière a été la plus chaude jamais enregistrée. La sécheresse de 2022 avait déjà coûté 2 à 3 milliards d’euros aux assureurs et 76 millions d’euros à l’État au titre des indemnisations agricoles. L’année 2022 faisait elle-même suite à d’autres étés très secs successifs depuis 2018.
Ces phénomènes de sécheresses à répétition et sévères sont une conséquence du changement climatique comme expliqué par le GIEC dans le résumé final de son sixième rapport en trois volets sorti ce lundi 20 mars 2023.En effet, le changement climatique entraîne un changement des saisons, une réduction de la période hivernale avec un réchauffement important des étés. Or, la chaleur renforce l’évaporation de l’eau. Des chercheurs du CNRS ont prouvé pour l’été 2022 l’impact du changement climatique d’origine humaine sur la circulation atmosphérique et sur la sécheresse. Mais d’autres facteurs aggravent la sécheresse. Avec la bétonisation, l’urbanisation et l’agriculture conventionnelle qui a fortement dégradé les sols, l’eau s’infiltre beaucoup moins dans les sols, ce qui a tendance à empêcher le rechargement des nappes phréatiques.
Les conséquences de la sécheresse sont importantes. Nous en avions déjà décrit certains dans un précédent hors-série consacré au bilan de l’été 2022.
L’accès à l’eau des personnes : un enjeu majeur
Sans eau, l’humain meurt. Le droit à l’eau – sans être consacré par la constitution française – est reconnu par l’article L210-1 du Code de l’environnement.Or,la sécheresse a des conséquences importantes sur l’accès à l’eau des personnes. Elle impacte tant la quantité d’eau disponible que sa qualité (développement de bactéries, concentration de composés, etc).
L’accès à l’eau est révélateur d’importantes inégalités :
inégalités territoriales, entre les territoires qui ont suffisamment d’eau et ceux qui en manquent
inégalités sociales, entre les ménages aisés qui ont plus facilement accès à la ressource et les ménages les plus pauvres. (Outre le revenu, d’autres facteurs renforcent ces inégalités, notamment le manque de représentativité politique, les limites de l’accès à l’information et de la participation à la décision publique).
La sécheresse a des conséquences pour les végétaux et les animaux
L’eau est indispensable à la survie de nombreux végétaux sur le territoire français qui ne sont pas adaptés à des milieux très secs. Pour les plantes, la sécheresse entraîne un manque d’eau qui a un impact sur leur croissance et peut entraîner leur mort. La période de récupération des végétaux suite à une sécheresse peut être très longue, elle est en moyenne de 6 mois au niveau mondial. Les conséquences pour la flore sont donc durables dans le temps.
Pour le monde animal, la sécheresse a également des conséquences importantes. Les animaux aquatiques sont particulièrement touchés par les bas niveaux des cours d’eau qui fragmentent leur milieu voire amènent son assèchement complet, ce qui entraîne la mort de nombreux individus. Mais toute la faune est concernée avec des difficultés pour boire et s’hydrater, mais aussi une transformation de leur habitat (diminution de la transpiration des arbres en forêt, baisse de la qualité de l’eau, diminution des végétaux disponibles pour l’alimentation, incendies, etc) qui créent une surmortalité importante. Prenons l’exemple des oiseaux qui sont en pleine période de nidification et particulièrement vulnérables à la déshydratation.
Bien sûr, totalement dépendant de son environnement pour sa survie, l’humain souffre par effet de rétroaction des impacts de la sécheresse sur la faune et la flore.
La sécheresse a un impact direct sur les activités agricoles, cultures et élevages.
En 2022, la sécheresse avait fait chuter de 54% les rendements de maïs non irrigués et cette année 2023 pourrait être encore pire. Les arbres fruitiers souffrent déjà de la sécheresse hivernale en ce début 2023 et ils ne vont pas pouvoir mobiliser suffisamment d’eau pour leur croissance et la production de fruits. La vigne est également impactée par la sécheresse des sols dans de nombreux départements, par exemple en Côte d’Or. Les conséquences se font aussi sentir pour l’élevage en jouant sur la disponibilité du fourrage et l’hydratation des animaux. Si la sécheresse actuelle se poursuit en mars et avril, il risque de ne pas y avoir assez de fourrage pour nourrir les animaux. Cet épisode précoce de sécheresse est d’autant plus inquiétant qu’il fait suite à un été 2022 qui avait fortement impacté le secteur agricole (manque d’herbe, récoltes détruites, trésorerie dégradée, baisses de revenus, licenciements dans un secteur soumis déjà à de fortes disparités sociales).
Les ressources agricoles constituent notre alimentation. Les difficultés de production alimentaire à cause de la sécheresse vont réduire les stocks disponibles mais risquent également de faire augmenter les prix de certains produits alimentaires.
De multiples impacts sur la santé
La santé des personnes est également à risque face à la sécheresse. Il y a les conséquences immédiates les plus évidentes : déshydratation, problème d’hygiène lié au manque d’eau ou encore risques de dénutrition et malnutrition induits par les conséquences de la sécheresse sur l’alimentation. Mais d’autres conséquences moins connues existent sur notre santé. Peu d’études ont été faites en France, mais dans d’autres pays des chercheurs ont démontré que la sécheresse pouvait :
causer ou aggraver des maladies respiratoires (concentration en poussières et en particules fines dans l’air),
amener le développement de certains pathogènes (notamment les norovirus), favoriser les maladies vectorielles en particulier celles diffusées par les moustiques,
augmenter les risques d’exposition à des contaminants (concentration de composés dans l’eau, mais aussi application de pesticides qui par temps sec ont plus de chance de se répandre dans une zone non ciblée et de s’accumuler),
ou encore favoriser les problèmes de santé mentale et le stress face au manque d’eau.
Des conséquences aussi sur le logement
Au-delà des limitations des permis de construire pour des maisons neuves du fait du manque d’eau dans certaines communes, la sécheresse joue également sur le phénomène de retrait et gonflement des argiles qui vient fragiliser les bâtiments. Le manque d’eau amène une perte de volume des argiles entraînant leur retrait et l’affaissement des sols où se trouvent les fondations et les dallages des bâtiments. Les sinistres liés à l’impact de la sécheresse sur les bâtiments ont été multipliés par quatre en 5 ans et touchent désormais des régions jusque-là épargnées comme l’Est de la France. Selon un rapport du ministère de la Transition Écologique publié en 2021, plus de 10 millions de maisons individuelles sont menacées et le phénomène pourrait s’aggraver jusqu’à concerner une maison sur deux en France métropolitaine.
Quelles solutions ?
Un Plan national sur l’eau devrait être annoncé dans les jours qui viennent dans le même format que le plan de sobriété énergétique de cet hiver. Selon les premières informations, ce plan, auquel on peut reprocher sa verticalité et l’absence d’adaptation à chaque territoire, insisterait sur la remise aux normes du réseau soumis à d’importantes fuites et sur l’effort des citoyen·ne·s pour une sobriété hydrique.
Face à l’annonce de ce plan, deux enjeux méritent notre attention :
Face aux sécheresses, attention aux bonnes solutions. Les politiques publiques trop souvent encore financent des maladaptations au détriment de solutions d’intérêt général. Par exemple, de nombreux agriculteurs se tournent vers la création de retenues d’eaux immenses pouvant aller jusqu’à couvrir la surface de 250 piscines olympiques. Ces retenues représentent des chantiers d’aménagement coûteux de plusieurs millions d’euros à 70% financés par l’État, mais celles-ci vont puiser encore plus dans les nappes phréatiques, captent dans le bassin versant déjà soumis à de fortes baisses de débit de l’eau et amènent d’importantes pertes du fait de l’évaporation.
Nous ne sommes pas tou·te·s égaux face à la ressource en eau. Une réflexion collective est nécessaire pour réduire de façon intelligente et solidaire notre consommation d’eau en priorisant les usages de façon juste et équitable. L’eau est l’affaire de tou·te·s ! À cet égard, consacrer notre droit d’accès à une eau potable dans la Constitution pourrait être un bouclier juridique pour les citoyen·ne·s des générations présentes et futures.
La Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) estime qu’environ 1 million d’espèces sont aujourd’hui menacées d’extinction. Dans un tel contexte, il est impératif d’assurer la sauvegarde de la richesse écosystémique de notre territoire. En moyenne 27 000 hectares sont artificialisés annuellement en France, avec comme principaux responsables la construction de logements neufs et l’industrie(1). Face à ce constat, la loi Climat et Résilience de 2021 a imposé l’atteinte d’un taux d’artificialisation nette des sols d’ici 2050(2).
Concrètement, la loi impose , d’ici à 2031, une réduction de moitié du rythme d’artificialisation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) observé au cours des dix années précédant le 24 août 2021. Pour assurer une mise en œuvre adaptée et effective de cet objectif, la loi a désigné l’échelon régional comme étant au cœur de sa déclinaison. Ce sont les outils d’urbanisme infrarégionaux et locaux qui devront assurer la coordination de l’objectif ZAN au niveau régional.
Les ONG environnementalistes, dont Notre Affaire À Tous, considèrent que ce dispositif est indispensable pour limiter la destruction de la biodiversité en France et de tous les services qu’elle rend, et soutiennent une mise en œuvre rationnelle . Il ne s’agit pas de s’opposer au développement territorial, mais de mettre en place un développement équilibré qui prenne également en compte la protection de l’environnement, et la nécessité de construire des territoires résilients qui permettront d’atténuer les effets de la chute de la biodiversité.
Les collectivités territoriales, de leur côté, sont soumises à de nombreuses contraintes d’ordre économique et social, outre les enjeux environnementaux. L’objectif ZAN, tel que défini par la loi et précisé par deux décrets d’application du 29 avril 2022, a suscité de nombreuses inquiétudes pour les élu.e.s. Ils.elles dénoncent notamment une recentralisation rigide en matière d’aménagements, tant en faveur de la protection de l’environnement que pour la réindustrialisation du pays.
Les collectivités territoriales sont au cœur de l’atteinte de l’objectif ZAN, puisque ce sont elles qui devront effectuer un compromis sociétal entre développement économique, atteinte des objectifs de logements sociaux, maintien d’espaces naturels, agricoles et forestiers. Face à la nécessité de préciser l’articulation entre l’atteinte de l’objectif ZAN et la prise en compte de ces enjeux, le Sénat a introduit une proposition de loi, le 14 décembre 2022, visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs ZAN au cœur des territoires. L’examen en séance entamé depuis le 14 mars ne présage rien de rassurant quant aux amendements du texte actuellement discutés.
Une proposition de loi mettant en péril l’objectif ZAN
La territorialisation nécessaire de l’objectif ZAN
Les dispositifs législatifs des vingt dernières années n’ont pas abouti à mettre en œuvre une réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles, et forestiers. En effet, ceux-ci fixaient des objectifs qui étaient insuffisamment opposables au niveau local. Ainsi les dispositifs sont devenus des objectifs généraux qui ne se sont pas appliqués sur le terrain, et l’artificialisation des sols a pu s’intensifier.
Par conséquent, il est indispensable que l’objectif ZAN soit le plus opposable possible, et soit territorialisé à petite échelle.
La loi Climat et résilience prévoit ainsi d’accorder à la région, et notamment à travers le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), d’importantes prérogatives en matière d’orientations d’aménagement pour une gestion économe des sols. Pour en assurer l’effectivité, elle impose un rapport de compatibilité avec les autres documents de planification tels que les Schémas de cohérence territorial (SCOT) ou Plans locaux d’urbanisme (PLU) non soumis à un SCOT, vis-à-vis des objectifs fixés par le SRADDET. Désormais, ces documents locaux d’urbanisme ne pourront contredire ces objectifs.
Toutefois, la proposition de loi sénatoriale prévoit de revenir sur cette évolution et d’imposer à la place un simple rapport de prise en compte, qui signifie que les documents d’urbanisme locaux ne doivent pas s’éloigner des orientations fondamentales de la norme supérieure, le SRADDET, mais pourront y déroger en justifiant de l’intérêt d’une opération particulière. Cette évolution correspondrait finalement à transformer une obligation en en simple recommandation, ce qui, en somme, reviendrait à un abandon de l’objectif ZAN.
Cette dérogation s’inscrit dans une série de dérogations envisagées par le législateur afin d’alléger le poids des contraintes pesant sur les collectivités territoriales pour atteindre l’objectif ZAN.
Une série de dérogations excessives conduisant à une dénaturation du dispositif Zéro Artificialisation Nette
La proposition des sénateurs souhaite approfondir la prise en compte des spécificités des territoires dans la mise en œuvre de l’objectif ZAN. Cette opération est délicate puisqu’elle induit le risque de rendre inopérant cet objectif à travers des dérogations qui, cumulées, annihilerait l’effort de réduction de l’artificialisation. Plusieurs points suscitent l’inquiétude des associations environnementales :
1/ Au vu des inquiétudes soulevées par les collectivités territoriales rurales, les sénateurs ont inclu une garantie rurale offrant la possibilité aux communes et EPCI de prévoir une “surface minimale de développement communal” de 1 hectare.
Ce plancher minimum de 1 hectare est trop élevé compte tenu du nombre de communes rurales concernées par cette garantie, comme l’a relevé la vice Présidente de la région Nouvelle Aquitaine l’a évoqué lors de son audition du 14 février 2023 au Sénat. Il s’agirait plutôt de mettre en place une garantie rurale évaluée, adaptée et plus restrictive afin d’encourager et de faciliter la continuité de l’effort de sobriété foncière.(3).
2/ Les sénateurs souhaitent aussi répondre aux difficultés subies par les communes et EPCI littoraux face aux recul du trait de côte rendant de nombreuses parcelles inutilisables. Le texte prévoit également que, dans les communes littorales, “les surfaces artificialisées rendues impropre à l’usage en raison de l’érosion côtière [soient] considérées comme ayant fait l’objet d’une renaturation”. De surcroît, les opérations de relocalisation ne seraient pas comptabilisées comme de l’artificialisation. Néanmoins un amendement propose que les terres délaissées fassent l’objet d’une réelle renaturation afin de garder la cohérence de stratégie de lutte contre l’artificialisation des sols, nous attendons donc beaucoup du vote à venir sur cet amendement.
Il est indéniable que les collectivités territoriales subissant la réduction progressive de leur territoire à cause du phénomène d’érosion côtière doivent absolument être accompagnées, notamment au regard de l’atteinte de l’objectif ZAN. La réalisation de cet objectif est, nous le rappelons, indispensable pour enrayer la perte dramatique de la biodiversité et faire face aux effets déjà ressentis du changement climatique.
Ainsi, l’enjeu est double : soutenir financièrement les travaux de renaturation et désimperméabilisation des terres perdues, et repenser l’aménagement des territoires dans le cadre de la relocalisation. La proposition de loi doit prendre en compte ces enjeux, sous peine d’accélérer le rythme d’artificialisation sur le littoral et faillir à l’objectif ZAN.
3/ La territorialisation de l’objectif ZAN soulève la problématique de la prise en compte des projets d’ampleur ou d’intérêt national. Dans un souci d’équité entre les territoires, la proposition de loi prévoit que les projets d’intérêt national majeur ne soient pas intégrés et fassent l’objet d’une comptabilisation séparée afin de ne pas pénaliser les seuls territoires qui les accueillent.
Cette justification est compréhensible, mais il est impératif que ces projets soient limitativement énumérés, et non présumés comme étant d’intérêt national majeur comme le prévoit le texte. Or, l’enveloppe nationale prévue est beaucoup trop large car y inclut beaucoup de types de projets, qui se revendiqueront tous d’intérêt national majeur pour échapper à la comptabilisation régionale, À plus forte raison, les amendements votés élargissent d’autant plus le périmètre de cette enveloppe nationale, par exemple avec les projets industriels « représentant un intérêt pour la souveraineté économique nationale ou européenne », ou les projets internationaux, nationaux, interrégionaux. En somme, l’intérêt économique prend encore plus de place dans la mise en concurrence entre développement économique et protection de l’environnement, et relève désormais d’un intérêt national majeur (nouvelle notion juridique) alors que l’effondrement de la biodiversité est déjà alarmant.
En outre, la comptabilisation de cette enveloppe isolée est très floue, et l’on se demande comment l’objectif ZAN va être respecté en instaurant une trajectoire parallèle aux régions, qui comprend autant de projets structurants et consommateurs de terres. Cela est à mettre en relation avec la garantie rurale, qui aurait en soi pu être souhaitable si les projets d’ampleur étaient comptabilisés strictement.
En somme, cette proposition de loi souhaite introduire un ensemble de régimes dérogatoires, qui certes prennent en compte les spécificités des territoires, mais pour autant complexifient et mettent grandement à mal la mise en œuvre du ZAN. L’accentuation de la territorialisation de cet objectif doit se faire sans pour autant dénaturer le dispositif prévu par la loi Climat et Résilience.
La complexification de la notion même d’artificialisation
Outre des critères excessifs incompatibles avec l’objectif ZAN, la proposition de loi appauvrit également la notion de zones non-artificialisée. Elle propose de considérer comme non artificialisées les surfaces végétalisées à usage résidentiel, secondaire ou tertiaire (tels que les parcs urbains, les jardins privés etc…). Dans le cas où elles seraient finalement artificialisées, au sens de recouverte par du bâti ou une couche minérale, cette artificialisation ne serait pas comptabilisée dans l’objectif ZAN.
La définition des surfaces non-artificialisées est déterminante dans l’atteinte de l’objectif ZAN, et cette disposition en est l’illustration. Si aujourd’hui les surfaces végétalisées à usage résidentiel, secondaire ou tertiaire participent au maintien du cadre de vie, notamment au sein des îlots de chaleur, elles n’ont cependant pas de comparaison avec d’autres types de surface qui sont plus fournies écologiquement et ont des fonctionnalités plus riches pour la biodiversité.
Reconnaître ce type de surface comme étant non-artificialisé, c’est ouvrir la porte à des opérations de renaturation considérées comme suffisantes (4), malgré la faible valeur écologique d’une pelouse, à titre d’exemple. La notion de renaturation devient alors dénuée de sens, et le concept même d’artificialisation nette se retrouve vidé de sa substance.
Quand bien même cette disposition ait pour objectif de conserver ces espaces naturels au sein des villes dans le contexte de la densification, le code de l’urbanisme (5) garantit d’ores et déjà que tout ouverture à l’urbanisation d’ENAF (espaces naturels, agricoles, et forestiers) a soit justifiée par une étude de densification des zones déjà urbanisées. Le zonage PLU, le contrat ORE, sont des outils permettant également une protection de ces espaces.
Ainsi cette disposition est injustifiée, mais permet de relever la faiblesse de la dualité de la définition de l’artificialisation dans la loi Climat et Résilience : tous les ENAF n’ont pas la même valeur écologique, et il conviendrait de les distinguer en fonction de ces données (une pelouse n’est pas aussi riche en biodiversité, qu’un bois).
Les lacunes de la proposition de loi s’agissant de la renaturation des sols
La renaturation est reléguée à la fin de la proposition de loi, dont les rédacteurs auraient dû saisir l’opportunité pour affiner la définition du processus de renaturation. Cette dernière constitue une solution de repli imparfaite en cas d’artificialisation, puisqu’il est difficile, voire illusoire, de considérer que renaturer un autre espace peut compenser la perte d’un sol aux fonctionnalités écologiques importantes et pérennisées.
L’enjeu est d’éviter que des mesures de renaturation soient considérées valides sans qu’il soit scientifiquement établi que ce processus permette une restauration équivalente à la biodiversité détruite par l’artificialisation entreprise.
Le bon état écologique des sols s’envisage sur le long terme, contrairement à la vision court-termiste du processus de renaturation en compensation de l’artificialisation. L’absence d’artificialisation d’un sol qui remplit des fonctionnalités écologiques est plus important pour la biodiversité et le climat que l’amélioration d’un sol, qui apportera moins à ces enjeux.
Des mesures provisoires permettant dès maintenant la poursuite de l’objectif ZAN
Malgré un certain nombre de dispositions risquant de porter atteinte à l’essence même de l’objectif ZAN, il est important de saluer une initiative permettant aux collectivités territoriales d’amorcer, dès à présent, la poursuite de cet objectif.
En effet, le texte propose d’instaurer un droit de préemption sur les biens et les droits immobiliers contribuant à la préservation de la nature en ville, ou présentant un potentiel fort en matière de renaturation ou de recyclage foncier.
Ce dispositif doterait les communes ou les EPCI de la possibilité de se substituer à l’acquéreur d’un bien ou d’un terrain au titre de la lutte contre l’artificialisation d’espaces naturels. L’application de ce droit de préemption est soumise au classement en zone de préemption de la zone concernée, ce au sein du document d’urbanisme en vigueur (SCOT, PLU ou carte communale).
En l’attente de l’intégration dans les documents d’urbanisme des dispositifs d’atteinte de l’objectif ZAN, la proposition de loi prévoit la possibilité pour les communes ou les EPCI de surseoir à statuer sur les demandes d’urbanisme qui sembleraient aller à l’encontre de la lutte contre l’artificialisation des sols.
Ces prérogatives permettraient de doter les collectivités territoriales de prérogatives permettant une meilleure prise en compte des enjeux de l’artificialisation à une échelle locale. Ces mesures ont pour avantage de pallier l’inquiétude des collectivités de perte de leurs prérogatives à cause du dispositif ZAN, sans pour autant dénaturer cet objectif.
Notes :
(1) : France Stratégie, “Objectif « Zéro artificialisation nette » : quels leviers pour protéger les sols ?”, Juillet 2019
(2) : L’artificialisation nette désigne le solde entre l’artificialisation et la renaturation
(4) : La loi climat et résilience définit elle-même la notion : « La renaturation d’un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé. » (article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme)
(5) : Art. L. 151-5, 2°, code de l’urbanisme : “Il ne peut prévoir l’ouverture à l’urbanisation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers que s’il est justifié, au moyen d’une étude de densification des zones déjà urbanisées, que la capacité d’aménager et de construire est déjà mobilisée dans les espaces urbanisés. Pour ce faire, il tient compte de la capacité à mobiliser effectivement les locaux vacants, les friches et les espaces déjà urbanisés pendant la durée comprise entre l’élaboration, la révision ou la modification du plan local d’urbanisme et l’analyse prévue à l’article L. 153-27.”
Paris, le 13 mars 2023. Les associations POLLINIS, Notre Affaire à Tous, ANPER TOS, ASPAS et Biodiversité sous nos pieds ont transmis au Tribunal administratif de Paris leur mémoire en réponse aux arguments du lobby de l’agrochimie qui cherche à maintenir le système actuel d’homologation des pesticides, responsable de l’effondrement sans précédent de la biodiversité.
Phyteis, le lobby représentant en France les plus grandes entreprises de l’agrochimie (Bayer, Syngenta, BASF…) a déposé le 10 février un mémoire en intervention dans le recours historique « Justice pour le Vivant ». Cette demande, soumise moins de deux heures avant la clôture programmée de l’instruction, est venue in extremis appuyer la défense de l’État, attaqué par 5 ONG environnementales pour son inaction face à l’effondrement de la biodiversité.
Alors que l’on constate un déclin de 76 % à 82 % des insectes volants au cours des 27 dernières années en Europe[1], une diminution de 57 % des oiseaux communs des milieux agricoles depuis 1980[2] ainsi qu’une contamination importante de l’eau et l’air par les pesticides[3], les arguments mobilisés par le lobby de l’agrochimie ignorent le consensus scientifique sur la responsabilité des pesticides dans cet effondrement.
Dans son mémoire d’une cinquantaine de pages, Phyteis tente également d’empêcher la tenue du procès Justice pour le Vivant en utilisant diverses techniques dilatoires. Le lobby consacre ainsi plus d’une dizaine de page à contester la recevabilité du recours, faisant valoir toute une série d’arguments infondés, parmi lesquels :
la remise en cause de la compétence du Tribunal administratif en matière de préjudice écologique, questionnant ce faisant la décision prise par ce même tribunal dans l’Affaire du Siècle.
La contestation en question de la participation au procès de 3 des associations requérantes: ANPER TOS, l’ASPAS et Biodiversité sous nos pieds.
Sur le volet scientifique, le lobby ignore la majorité des centaines d’études citées par les associations qui montrent les effets néfastes des pesticides sur la biodiversité, ainsi que les lacunes avérées du schéma d’évaluation des risques mises en évidence par les ONG dans leurs précédents mémoires, et largement reconnues par la littérature scientifique et par les autorités sanitaires française et européenne elles-mêmes[4].
Il écarte ainsi des pans entiers du rapport INRAE-IFREMER (2022), pourtant le résultat d’une expertise collective de plusieurs années des instituts de recherche publics les plus reconnus en agronomie et connaissance des océans sur l’impact des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques.
Tandis que le représentant des firmes de l’agrochimie accuse de « biais » certaines études scientifiques citées par les 5 ONG, il essaie d’orienter le tribunal vers des études «non-biaisées » selon eux, telle que celle de Tänzler et al. 2022, qui a en réalité été commissionnée et écrite par des scientifiques employés par Bayer (soit Bayer AG, Crop Science, Allemagne, soit Bayer CropScience, Etats-Unis).
Autre exemple, Phyteis affirme que l’ensemble de données disponibles dans la littérature scientifique des dix dernières années est d’ores et déjà mobilisée dans le cadre de l’évaluation des risques liés aux pesticides En réalité, la science indépendante est notoirement peu prise en compte, comme le souligne le rapport de l’INRAE-Ifremer: «Les fondements scientifiques mobilisés dans le cadre réglementaire ignorent en partie les connaissances scientifiques disponibles dans le champ académique ».
Certaines des procédures d’évaluation européennes actuelles datent de 2002 et n’ont pas fait l’objet depuis des mises à jour indispensables au regard des dernières connaissances scientifiques et des exigences de la réglementation. Ainsi, depuis l’adoption du règlement européen sur les pesticides de 2009, aucun nouveau document pour l’évaluation des risques pour les insectes auxiliaires et pour les abeilles n’a vu le jour. Les risques pour les amphibiens et les reptiles ne font toujours l’objet d’aucune évaluation.
«Il est inutile d’avoir l’une des règlementations les plus protectrices au monde en matière d’évaluation des pesticides si celle-ci n’est pas appliquée. C’est cette distorsion insupportable entre les objectifs législatifs et la réalité de protocoles sur la base desquels ont été autorisées les substances les plus toxiques pour l’environnement et la santé humaine (néonicotinoïdes, S-méthalochlore, etc.) qui nous a poussé à agir. L’intervention de Phyteis pour défendre l’inaction de l’Etat ne fait que renforcer nos convictions et notre détermination. », rappellent les 5 associations.
par Hilème KOMBILA (Avocate-Présidente de NAAT-Lyon)
Le One Forest Summit : un rendez-vous crucial pour le droit des forêts tropicales
Le One Forest Summit s’est achevé hier soir et le Président français Emmanuel Macron reprend l’avion pour continuer sa tournée en Afrique.
Les six chefs d’États présents à cette rencontre internationale sur la conservation des forêts tropicales, la protection du climat et la biodiversité ont adopté un document baptisé “Plan de Libreville” qui contient une mesure phare: la création d’un fonds doté d’une enveloppe de 100 millions d’euros “pour les pays qui souhaitent accélérer leur stratégie de protection des réserves vitales de carbone et de biodiversité dans le cadre des partenariats” dont 50 millions seront mis sur la table par la France, a déclaré Emmanuel Macron.
Le but affiché par le ministère de la Transition écologique français, était au départ de préserver les trois grands bassins forestiers tropicaux de la planète : la forêt amazonienne, le bassin du Congo et les forêts d’Asie du Sud-Est, qui jouent un rôle incontournable dans la régulation du climat et abritent une biodiversité inestimable. Selon le gouvernement, ce sommet avait pour but de concrétiser les orientations internationales relatives à l’urgence climatique et environnementale.
Autrement dit, il s’agit de mettre en œuvre les grandes ambitions de la dernière COP15 sur la biodiversité qui a eu lieu à Montréal en 2022. A l’époque, un accord prévoyant la mise sous protection de 30% des terres et 30% des mers de la planète d’ici 2030 avait été entériné. Le plan de Libreville s’inspire également des principales résolutions de la COP27. Les pays présents se sont engagés à stopper la déforestation comme solution efficace dans la lutte contre le changement climatique
Comme le souligne le militant écologiste gabonais Marc Ona Essangui, président de l’association Brainforest, on comprend que cette rencontre ne se distingue pas mais s’inscrit dans la droite ligne des COP. Il estime à ce titre que la question de la préservation des forêts tropicales pour le climat “est devenue un gros business et ce business climatique profite à certains lobbies”.
Nous pourrions dire beaucoup de choses sur ce rendez-vous politique, mais l’idée est aujourd’hui d’apporter un éclairage sur le droit de l’environnement et la justice climatique qui résulte de cet événement. Entre marchandage du bois et des fruits de la forêt et inclusion des populations et de leurs droits, quel est le bilan du premier One Forest Summit?
Photographie libre de droits.
La préservation des forêts tropicales comme objet d’échanges en droit des affaires
Lors de ce rendez-vous, l’objectif principal pour les États du Bassin du Congo comme le Gabon était de montrer au monde qu’ils étaient des terres fertiles à l’investissement économique et financier dit “vert”. Le développement des capacités d’investissement dont les pays forestiers du Sud ont besoin doit ainsi permettre de rétribuer, de manière juste et équitable, le « service » rendu à la planète par la préservation de la forêt.
Cet objectif, dont la réalisation passe notamment par la vente de crédits carbone, est soumis à une contrainte supplémentaire sur la production locale depuis que l’Union européenne (UE) a banni l’importation de produits issus de la déforestation.
En décembre dernier, les institutions européennes sont parvenues à un accord final pour interdire la vente sur le territoire de produits issus de la déforestation. Le texte s’attaque à la dégradation des forêts primaires, peu nombreuses en Europe, mais également des forêts naturelles. En revanche, le Parlement n’a pas obtenu l’extension aux terres boisées pour protéger d’autres zones naturelles. Le Cerrado brésilien attendra donc le réexamen du texte dans un an, et la les savanes africaines et autres terres humides, celui qui interviendra deux ans.
Ce contexte explique le fait que deux leviers ont été discutés lors du sommet pour assurer la préservation des forêts tropicales, au moyen du droit économique: la transaction des services et la traçabilité des produits.
Concernant la traçabilité des produits, l’UE a donc exclu l’importation de produits issus de la déforestation. La charge de la preuve revient à l’exportateur qui doit démontrer que des produits tels que le cacao, l’huile de palme, le soja, le café, le bois, le caoutchouc et certains produits dérivés comme le chocolat ou les meubles ne sont pas issus de la déforestation. Sans cette preuve, ils seront bannis du marché européen.
La mise en place de ce mécanisme de traçabilité est louable car l’Europe est le deuxième importateur de déforestation au monde, juste derrière la Chine. Toutefois, on peut regretter que le maïs n’ait pas été inclus malgré la pression parlementaire. Il pourrait l’être dans le cadre d’une clause de révision d’ici à deux ans. La même réserve doit être émise pour le secteur financier qui est aussi exclu de l’accord.
Le Parlement avait pourtant plaidé pour que la règle s’applique aussi aux banques et institutions financières européennes. Le but était d’éviter une différence de traitement entre une entreprise qui ne peut pas acheter un produit issu de la déforestation et une banque qui peut financer des projets responsables de déforestation.
Malheureusement, aucun des Etats membres n’a soutenu cette proposition. Même si elle sera à nouveau examinée dans deux ans, il est dérangeant de constater que le secteur financier échappe à l’effort indispensable à la préservation des forêts tropicales.
Sur le papier, l’avancée est donc notable mais mitigée face à l’urgence climatique et environnementale. Greenpeace Europe a ainsi estimé nécessaire l’élargissement du champ d’action de l’Europe « dans les années à venir, pour protéger la nature dans son ensemble, pas seulement les forêts, et empêcher les entreprises qui détruisent la nature non seulement d’accéder au marché de l’UE, mais aussi d’obtenir des prêts des banques européennes « .
En pratique, les entreprises souhaitant faire entrer ces produits sur le marché vont devoir présenter un certificat au moment de franchir une frontière européenne. Ce certificat précise d’où vient la matière première qui a servi à la conception de leurs produits à l’aide des coordonnées GPS de l’exploitation incluses. Les candidats au marché européen devront par exemple indiquer la parcelle précise de terre où le cacao a été cultivé en fournissant des images satellitaires.
Cette géolocalisation des parcelles pose toutefois quelques difficultés. Par exemple, concernant le cacao justement, les plantations se trouvent souvent en dessous d’autres espèces d’arbres et une photographie satellite ne permet pas réellement d’attester de l’âge de la plantation. En effet, qu’elle soit ancienne ou récente, la plantation de cacao peut tout simplement ne pas apparaître sur une photo satellite quand elle se trouve dans la forêt primaire. A ce titre, le One Forest Summit a été l’occasion de passer en revue de nombreux outils issus des nouvelles technologies susceptibles d’aider au contrôle de la traçabilité ou au renforcement de la productivité.
En effet, s’il faut pouvoir garantir au consommateur européen des produits non-issus de la déforestation, il faut aussi permettre aux producteurs locaux d’obtenir une rémunération suffisante.
Pour rester sur l’exemple du cacao, si on demande à des producteurs, souvent âgés, de ne plus déforester, cela implique de renforcer les capacités de rendement et de productivité. Cela suppose de former et d’attirer les nouvelles générations tout en innovant pour augmenter le rendement des vieux cacaoyers. L’exigence européenne se traduit donc par une adaptation des pratiques agricoles, économiques et sociales.
L’idée devrait être d’accompagner cette transition. Le changement de paradigme implique parfois de modifier le comportement d’un cultivateur qui a toujours eu l’habitude de déforester et replanter dans une terre plus fertile pour avoir un rendement lui permettant de vivre dignement. Cela demande de l’investissement, de la sensibilisation, de la formation, des technologies, etc.
Mais de temps nous manquons… Le calendrier de la mise en application des normes européennes est donc contraint. Les entreprises ont un an après l’entrée en vigueur du règlement européen, prévue début 2024, pour prouver que leurs matières premières n’ont pas été cultivées sur des terres déboisées après 2020. Ce délai est de deux ans pour les plus petites entreprises. Le degré de vérification variera en fonction du risque « élevé, standard ou faible » du pays d’origine. La non-conformité peut entraîner des amendes allant jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires européen de l’entreprise concernée. Cette sanction sera harmonisée dans toute l’Europe.
En plus de l’adaptation économique et sociale des producteurs, les autorités de contrôle vont devoir sérieusement renforcer leurs effectifs et lutter contre la corruption parfois endémique dans certains États. On le voit, la préservation des forêts tropicales demande une action qui ne peut être homogène face à la pluralité et la complexité des enjeux.
Comme l’indique le CIRAD dans son engagement pour la préservation des forêts “L’aménagement des territoires forestiers nécessite de prendre en compte les particularités de chaque contexte et de comprendre l’articulation spécifique des différents enjeux et parties prenantes. Outre cette nécessaire contextualisation, chaque écosystème forestier s’analyse à plusieurs échelles, allant de l’arbre au territoire, dont chacun présente des caractéristiques et des finalités différentes. C’est donc bien une analyse contextuelle et multi-échelle qu’il est nécessaire de porter sur chacun des territoires forestiers afin d’en saisir les fonctionnements, et d’en organiser la gouvernance, entre États, territoires et communautés, entre acteurs publics et privés”.
Ainsi, en plus de la traçabilité des produits, il faut penser l’aménagement des forêts de façon contextualisée et multi-échelle. Cette idée se retrouve quand on se penche sur le deuxième levier du droit des affaires de la forêt tropicale: la tarification des services.
L’un des objectifs du One Forest Summit est d’avancer pour trouver des financements pérennes du service rendu par les pays qui préservent leur forêt tropicale.
L’une des principales pistes sur laquelle les experts financiers ont travaillé est l’instauration de « crédits carbone ou de biodiversité », qui permettent de rémunérer les pays pour les efforts entrepris pour protéger la forêt. Il s’agit d’un mécanisme qui permet à un État d’émettre ses propres crédits pour les vendre à des Etats ou à des entreprises qui cherchent à compenser une partie de leurs émissions de CO2. Par exemple, selon les autorités gabonaises, la forêt du Gabon capte environ 100 millions de tonnes de CO2 par an.
Certaines ONG comme Canopée, alertent sur le manque d’intégrité des marchés volontaires du carbone. Myrto Tilianaki, chargée de plaidoyer climat au CCFD-Terre Solidaire est également très critique sur ce marché car, selon lui, ces projets surestiment la quantité de carbone séquestrée. Récemment, une longue enquête du Guardian et Die Zeit a laissé entendre que la quasi-totalité des crédits carbone liés à des projets de reforestation certifiés n’avaient pas d’impact positif réel sur le climat.
Les acquéreurs volontaires de crédits carbone sont donc rares, comme le note Philippe Zaouati, rapporteur du groupe de travail « Finance » dans le cadre du sommet. Le marché carbone volontaire, sur lequel les entreprises achètent des crédits vendus par les Etats, est une plateforme très contestée. “Il manque de qualité et d’intégrité, il est très fragmenté, avec des standards nombreux, compliqués à comprendre”.
Si on entend que l’application de standards éthiques demande un effort au monde financier, il ajoute qu’il y a “des besoins financiers d’un côté, des investisseurs potentiels de l’autre, et au milieu un marché qui a du mal à s’organiser pour faire se connecter acheteurs et vendeurs”. Le problème n’est donc pas celui de l’existence potentielle d’un marché mais celui de la mise en place de standards véritablement éthiques qui supportent les échanges marchands. Le marché est potentiel car le produit financier n’est pas certifié conforme aux exigences de l’échange.
Pour faire face à ces critiques, des “crédits prémium” ont été imaginés, notamment par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM). Il s’agit de valoriser des crédits carbone de meilleure qualité et plus chers qui prendraient par exemple davantage en compte les questions de biodiversité et sociales. D’autres experts ont aussi plaidé pour des outils comme les « certificats de biodiversité » qui pourraient être utiles dans des pays où il est difficile de mesurer les quantités de carbone.
Finalement, le “Plan de Libreville” prévoit un mécanisme qui répond au « modèle défaillant » du marché carbone par la mise en place d’un fond. Ce fond financera un mécanisme de rémunération des pays exemplaires dans la conservation des forêts et la sauvegarde de leurs stocks de carbone et de biodiversité, via les fameux certificats biodiversité. Ces certificats pourront être échangés avec des États souverains ou avec le secteur privé « au titre de contribution à la protection de la nature », a précisé Emmanuel Macron.
Comme l’indique le directeur général de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), Sébastien Treyer, tout cela “ne pourra se faire sans des politiques publiques fortes de conservation” dans les États forestiers. (Source: https://lesechos-congobrazza.com)
La question reste en suspens des modalités d’évaluation du degré d’exemplarité environnementale… En attendant, ces outils du droit des affaires et les politiques de conservation qui les accompagnent ne seront pas efficaces si elles ne s’accompagnent pas de politiques de justice sociale.
La préservation des forêts tropicales, comme sujet de politiques sociales inclusives
Pour le militant gabonais Marc Ona Essangui, ce sommet n’est pas assez « inclusif ». Il constate “que dans leur brochette d’invités, personne n’a osé préparer ce sommet avec toutes les composantes de la société gabonaise qui ont une expertise sur les questions forestières. Comme dans tous les autres sommets on fait venir des amis, des dirigeants, pour la communication et pour faire beau ». Il précise à juste titre qu’on “ne peut pas parler d’exploitation forestière sans intégrer le problème du conflit homme-faune par exemple. Pour plus d’inclusivité, j’aurais aimé que toutes ces personnes qui vivent ces phénomènes au quotidien montent à la tribune pour en parler. »
Ce militant de la cause environnementale est bien placé pour parler du défaut d’inclusion du sommet, car il est lui-même président d’une association, Brainforest, qui a mis en place différents projets d’inclusion des femmes dans le processus participatif de gouvernance de l’exploitation forestière. Comme Brainforest, de nombreuses initiatives de la société civile gabonaise se sont déjà emparées du sujet de la valorisation de l’action des femmes afin de préserver l’environnement (Gabon écologie, Réseau gabonais pour le développement durable).
Nous parlons de l’inclusion des femmes car lors de la 4ème Conférence Mondiale sur les Femmes qui a eu lieu à Beijing, il a été souligné que “Les politiques en faveur du développement durable qui ne font pas intervenir la femme au même titre que les hommes ne sauraient être couronnées de succès à long terme […]. Tant que la contribution des femmes à la gestion de l’environnement ne sera pas reconnue et encouragée, l’objectif du développement durable continuera de se dérober”.
Pour illustrer ce propos, prenons l’exemple des femmes gabonaises. Ancestralement, dans les villages, les femmes sont responsables de la production, la transformation et la commercialisation agricole et forestière. Leur contribution à la production vivrière est aujourd’hui estimée à plus de 60%.
Les femmes détiennent des connaissances, innovations et pratiques/techniques traditionnelles (CIPT) de conservation des semences. Leur expertise de la biodiversité recouvre les variétés sauvages aussi bien que les espèces domestiquées. Elles connaissent la valeur et l’utilisation des plantes au service de l’alimentation, la santé, l’économie et contribuent également à la conservation des ressources phyto-génétiques.
Toutefois, en milieu rural, cette activité peut dégrader l’environnement. Pour subvenir aux besoins de leurs familles, les femmes font de l’agriculture itinérante sur abattis-brûlis depuis les temps les plus anciens. Elles utilisent des combustibles, des engrais et pesticides, leurs maris abattent des arbres fruitiers pour la cueillette des produits forestiers non ligneux. Ces pratiques, plus modernes, contribuent à la déforestation qui touche presque la moitié des provinces du pays.
Ces effets nocifs sur la forêt et la vie des personnes ne sauraient faire des femmes des coupables. Ils découlent de leurs obligations productives et reproductives en matière de médecine traditionnelle, de culture vivrière, de collecte de produits forestiers, de bois et d’eau pour la nourriture, la boisson ou l’hygiène.
En raison de cette situation très pragmatique, comme l’indique dans un entretien au JDD, le directeur de l’Agence Français de Développement: « il est bon que les dynamiques en cours sur les biens communs globaux comme les forêts puissent continuer à être débattues par les premiers acteurs concernés », notamment les populations locales et en particulier les femmes [NDLR].
A ce titre, la position du CIRAD dans son engagement pour la préservation des forêts tropicales est éclairante: “La plupart des forêts tropicales font l’objet d’usages multiples, constituent des ressources économiques et sociales à fortes valeurs et sont au cœur d’enjeux de préservation de biens publics mondiaux. Outre qu’elles sont des hotspots de biodiversité et de stockage de carbone, elles représentent la moitié des forêts de la planète. Y cohabitent des processus naturels de long terme et des activités répondant à des besoins immédiats. Ainsi, la question de leur valorisation et d’un développement en faveur des populations locales est centrale et complexe. Face à des territoires finis, il est indispensable de penser un aménagement inclusif assurant la coexistence des populations, des activités et des usages”.
Cette idée d’inclusion des populations locales, notamment autochtones et féminines, se retrouve dans la “Feuille de route de Brazzaville : pour une foresterie participative plus efficace dans le contexte de l’agenda 2030 en Afrique centrale (FAO)” qui indique dans son préambule que:
“Les avantages sociaux, économiques et environnementaux pouvant dériver de la foresterie participative ne font l’objet d’aucun doute. Les populations autochtones et les communautés locales, lorsqu’elles ont des droits suffisants sur les ressources forestières locales, peuvent s’organiser de manière autonome et développer des institutions locales pour réguler l’utilisation des ressources naturelles et les gérer durablement. Ce mode de gestion forestière a des retombées directes sur la santé de la forêt et le bien-être des personnes qui en dépendent pour leur subsistance. Il est évident qu’il contribue ainsi aux objectifs de développement au niveau national, ainsi qu’aux objectifs globaux en matière de changement climatique et aux Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. En Afrique centrale, la foresterie participative ne parvient pas encore à atteindre ses objectifs”.
Cette gestion forestière inclusive et participative se met en place sur le terrain. Par exemple au Gabon: https://www.brainforest-gabon.org/actualites/?id=355. Sur le sujet de l’inclusion et de la participation, aucun engagement politique fort, c’est à dire concret et contraignant, n’est prévu dans le “Plan de Libreville”. A défaut d’exiger l’application effective en droit interne des règles internationales déjà existantes, ce Plan pose l’idée de conciliation entre protection exigeante de la forêt et intérêt économique direct, essentiellement tourné vers les populations locales qui vivent autour des forêts.
On aurait préféré une obligation de résultats en la matière. Sur la question du développement, les chefs d’entreprises, réunis dans un One Forest Business Forum ont lancé l’initiative de créer dix millions d’emplois dans les activités liées à la gestion durable des forêts d’ici 2030. Là encore, rien n’indique qu’il s’agisse d’autre chose qu’une annonce ou une simple obligation de moyens.
Si l’initiative est louable, on a du mal à savoir si les populations locales et autochtones vont bel et bien bénéficier économiquement du service rendu par la préservation de la forêt. Vont-ils aussi goûter à la manne issue des crédits carbone? L’avenir le dira.
Pour le moment, sur le terrain gabonais, on peut constater que les éléments fondamentaux de la protection de l’environnement tels que la gestion des déchets ne sont pas effectifs. En effet, en marge des grands hôtels de luxe et du palais présidentiel où avait lieu le sommet, des décharges à ciel ouvert se retrouvent à tous les coins de rue. Le manque de sensibilisation de la population et des autorités est ici symptomatique de l’effort à faire si on souhaite réellement protéger la forêt tropicale.
Pour Marc Ona Essangui, le Gabon n’est pas un modèle de conservation comme il le prétend, notamment concernant l’attribution des permis forestiers. “Quand on regarde le taux d’attribution de ces permis, on constate qu’il est très élevé et plus de 80% du territoire est attribué à l’exploitation forestière. Ajoutez à cela les permis miniers et pétroliers, il n’y a plus d’espace pour la préservation. ».
L’exemplarité du bilan carbone des États pose ici question. Si certains éléments institutionnels, tels que des autorités de contrôle indépendantes et impartiales, font défaut, comment évaluer le bilan carbone d’un Etat? Sans rentrer dans la démonstration de l’ineffectivité de la règle de droit en l’absence d’État de droit, rappelons simplement que le libéralisme économique n’existe que grâce à la garantie des libertés fondamentales les plus élémentaires.
L’éthique environnementale de l’économie ne peut exister sans une éthique sociale et humaniste. Dans la partie 2 de nos réflexions sur le One Forest Summit, nous avions ainsi vu que la question de la préservation de la forêt ne peut se passer d’une réflexion sur le système juridique et la place laissée aux peuples dans la gouvernance.
Comme l’indique le CIRAD dans son engagement pour la préservation des forêts tropicales “ Les forêts tropicales constituent à la fois des systèmes biologiques, des écosystèmes et des systèmes sociotechniques dans lesquels cohabitent des processus physiologiques et écologiques, des logiques économiques et des dynamiques sociales. La dégradation constatée de ces systèmes et l’accroissement des menaces qui pèsent sur eux révèle un défaut de gouvernance, et l’incapacité d’articuler ces différentes dynamiques et systèmes. Face aux défis posés par la préservation de biens publics globaux (climat, biodiversité, santé) pour laquelle les forêts tropicales jouent un rôle central, l’émergence de formes de gouvernance territorialisée, d’une gestion en biens communs est indispensable. À l’aune de normes globales, les États, les communautés concernées, le secteur privé et un ensemble d’acteurs des territoires doivent contribuer à mettre en place ces nouvelles formes de gouvernance, de façon intersectorielle et engagée. Cette piste de biens communs gouvernés, territorialisés, a été explorée et mise en œuvre de longue date dans d’autres domaines (la préservation et le partage des ressources en eau par exemple, avec l’avènement d’agences de bassin, de schémas d’aménagement, d’organisations locales d’usagers, d’arènes de négociation, etc.). La réflexion mérite d’être engagée par sous-bassin forestier, zone d’exploitation, bassin de collecte et d’usage, etc.”
La Déclaration universelle des droits de l’humanité indique que la nature est un patrimoine ayant une valeur intrinsèque et un objet essentiel pour les êtres humains qui doivent transmettre ce patrimoine. Concernant les forêts tropicales, le One Forest Summit illustre le fait que l’éthique environnementale entre dans le champ économique. Elle suggère que la répartition des ressources et leur accès sont indissociables des impacts environnementaux résultant de certains usages irréfléchis de ces ressources. Toutefois, la possibilité d’accéder ou non à certaines ressources (quantité et qualité) conditionne la dynamique de développement et donc influence le niveau de bien-être des générations présentes et futures. C’est pourquoi, cette éthique environnementale du droit des affaires doit, pour être légitime, s’accompagner d’une éthique humaniste visant nécessairement le renforcement et un renouvellement de l’Etat de droit.
Le Président français a émis l’idée que le One Forest Summit devienne une rencontre annuelle, dans un pays africain ou sur un autre continent afin d’évaluer l’application du Plan de Libreville.
La protection équitable de la forêt tropicale est illusoire sans garantie effective d’un droit national de l’environnement et sans une réflexion approfondie sur la reconnaissance de la forêt comme sujet de droits compatibles avec ceux des peuples. Espérons que le prochain One Forest Summit abordera ces sujets avec les populations concernées.
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