Catégorie : Actualités

  • CP / Affaire du Siècle : la rapporteure publique recommande la réparation rapide du préjudice écologique

    Communiqué de presse – 30 septembre 2021

    Lors de la deuxième audience de l’Affaire du Siècle aujourd’hui, la rapporteure publique du tribunal administratif de Paris a conclu que l’État doit réparer, par des actions concrètes et très rapides de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les graves dommages causés à l’environnement par son inaction climatique. 

    Cette audience intervient huit mois après une première victoire historique remportée par les quatre organisations à l’origine du recours : les juges avaient alors déclaré illégale l’inaction climatique de l’État, et affirmé la responsabilité de celui-ci dans la crise climatique. Le tribunal avait ensuite rouvert l’instruction, pour “déterminer les mesures qui doivent être ordonnées à l’État” pour réparer le préjudice écologique causé par les surplus d’émissions entre 2015 et 2018.

    L’Affaire du Siècle touche au but : obliger l’État à agir pour le climat

    Nous nous félicitons des conclusions de la rapporteure publique, pour qui l’État, au 31 décembre 2022, aura dû réparer, par des mesures concrètes et effectives, les conséquences de son inaction climatique. C’est dans ce but, et pour créer un précédent historique, que nous avons lancé l’Affaire du siècle il y a 3 ans, et que tant de personnes nous ont rejoint, déclarent les organisations de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France). 

    Nous sommes confiantes sur nos chances d’obtenir une décision avec laquelle la justice dirait à l’État : sur la trajectoire climatique, chaque sortie de route constitue une faute qui doit être réparée. Nous regrettons cependant le raisonnement retenu par la magistrate qui considère qu’une réparation partielle du préjudice a déjà eu lieu compte-tenu des baisses d’émissions de gaz à effet de serre induites par la crise sanitaire du Covid-19 : ce qui relève d’une logique arithmétique et conjoncturelle, alors qu’il est indispensable que la France mette en place sans délai des politiques structurelles de transition écologique. Nous espérons que la décision du tribunal, qui devrait être rendue dans deux à trois semaines, soit plus ambitieuse.”

    La décision à venir s’inscrit dans la droite ligne du jugement de l’Affaire du Siècle en février dernier et la solution retenue par le Conseil d’État dans l’affaire Grande-Synthe en juillet. Toutes resserrent l’étau autour de la procrastination climatique des dirigeantes et dirigeants successifs. C’est un message clair qui sera adressé aux futurs gouvernements : c’est désormais sous la stricte vigilance de la justice que la France devra suivre sa trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et réparer tout manquement à ses engagements.

    Contacts presse

    • Notre Affaire à Tous, Cécilia Rinaudo, cecilia.rinaudo@notreaffaireatous.org, 06 86 41 71 81
    • Fondation Nicolas Hulot, Paula Torrente, p.torrente@fnh.org, 07 87 50 74 90
    • Greenpeace France, Kim Dallet, kim.dallet@greenpeace.org, 06 33 58 39 46
    • Oxfam France, Elise Naccarato, enaccarato@oxfamfrance.org, 06 17 34 85 68
  • Ecocide : l’occasion manquée

    Article écrit par Julia Thibord, avocate au Barreau de Paris et membre de Notre Affaire à Tous

    « Le temps est dépassé où la recherche d’un équilibre entre la croissance économique et la défense écologique posait problème : les populations ont pris conscience qu’il est indispensable, pour la survie des espèces, de ménager l’espace et les matières premières essentielles c’est-à-dire le sol, l’eau, l’air. (…) La législation existante doit être complétée afin que le non-respect des règles protectrices de l’environnement soit considéré comme un comportement social dangereux. Du point de vue pénal, nous avons une mosaïque de textes hétéroclites dont la mise en œuvre est relativement complexe. Il importe donc de dégager un texte de portée générale – à insérer dans le Code pénal – qui protège l’équilibre du milieu naturel, la santé de l’homme, des animaux et des plantes contre les actes directs et indirects de pollution, quels qu’en soient les motifs et les moyens. De même que le droit pénal, en punissant le meurtre ou le vol, affirme le droit à la vie ou à la propriété, de même il doit proclamer la valeur du milieu naturel, en punissant toutes les pollutions » (1).

    Ces propos, d’une brûlante actualité, ont été prononcés au Sénat il y a plus de 40 ans. Le constat, aujourd’hui, reste le même : le droit pénal de l’environnement, morcelé, inappliqué, n’est pas dissuasif. Plus que jamais, il importe de repenser ce droit, alors qu’il est crucial et urgent de préserver notre environnement et la sûreté de la planète. Dans cette perspective, la reconnaissance du crime d’écocide, au plan national comme au plan international, permettrait de « s’engager sur une voie responsable pour protéger les grands écosystèmes de la planète » (2) et d’envoyer un signal fort à tous ceux qui, le plus souvent pour des raisons économiques, obèrent notre avenir et celui de de la Terre dans une quasi-impunité.

    Au niveau international, la réflexion sur l’écocide est née lors de la guerre du Vietnam, en lien avec l’utilisation délibérée et massive par l’armée américaine de défoliants extrêmement toxiques, dont le tristement célèbre « agent orange », en vue de détruire la végétation et neutraliser les groupes armés du Vietcong (3). La criminalisation des atteintes graves à l’environnement fut un temps envisagée puis finalement écartée, pour des raisons politiques, lors de la création de la Cour pénale internationale (4). Seules les atteintes à l’environnement commises en tant que crime de guerre (et seulement lorsqu’il s’agit d’un conflit armé international) y figurent (5). 

    Lors de la dix-huitième session de l’Assemblée des États parties au Statut de Rome, en 2019, les Maldives et le Vanuatu – dont la survie est directement menacée par le réchauffement climatique – ont plaidé pour l’insertion du crime d’écocide dans le statut de la Cour, estimant que la justice pénale internationale a un rôle à jouer pour prévenir la catastrophe environnementale qui nous attend (6). Cette demande a été rejointe par la Belgique en décembre 2020 (7). Cette année, le Parlement européen a voté divers textes appelant à la reconnaissance du crime d’écocide dans le Statut de la Cour pénale internationale (8). 

    Enfin, le 22 juin dernier, un panel international d’experts institué par la Fondation Stop Ecocide, composé de douze juristes de différents pays, reconnus pour leur expertise en droit pénal, en droit de l’environnement et/ou en droit international, a rendu publique une proposition d’amendement au Statut de la Cour pénale internationale pour y intégrer le crime d’écocide (9). Cette proposition, qui fait suite à six mois de travaux, montre qu’une définition de l’écocide à la fois réaliste, ambitieuse et juridiquement solide est possible.

    Au niveau national, une résolution adoptée par l’Union Interparlementaire au mois de mai invite les parlements nationaux à « renforcer le droit pénal pour prévenir et punir les dommages étendus, durables et graves causés à l’environnement » et à « examiner la possibilité de reconnaître le crime d’écocide afin de prévenir les menaces et les conflits résultant des catastrophes liées au climat et à leurs conséquences » (10).

    En France, deux propositions de loi portant reconnaissance du crime d’écocide ont été successivement examinées et rejetées par le Sénat puis l’Assemblée nationale en 2019 (11). Parmi les 149 propositions figurant dans son rapport, la convention citoyenne pour le climat appelait à l’adoption d’une loi qui pénalise le crime d’écocide, afin de « sauvegarder les écosystèmes » (12).

    La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (ci-après la « loi climat »), censée traduire dans l’ordre juridique les propositions de la convention citoyenne pour le climat, aurait pu être l’occasion d’une réflexion ambitieuse sur la notion d’écocide et d’un premier pas, au sein de l’Union européenne, pour la reconnaissance de ce crime. 

    Malheureusement, le nouvel article L. 231-3 du code de l’environnement consacrant un délit d’écocide n’est pas, de loin, à la hauteur des attentes. 

    En faisant de l’écocide un simple délit, la France a manqué l’occasion de montrer la voie en Europe et à l’international et contribue à une banalisation dangereuse de l’écocide (1). De plus, le délit d’écocide est défini par renvoi à d’autres infractions, ce qui nuit à sa clarté et à sa lisibilité, ajoutant à la complexité du droit pénal de l’environnement (2). Enfin, le législateur a manqué d’ambition en retenant une définition restrictive et inadaptée de l’écocide, qui devrait limiter fortement son application (3).  

    1. L’occasion manquée de l’exemplarité : le refus de faire de l’écocide un crime

    Alors que la convention citoyenne demandait la création d’un crime d’écocide, la loi climat n’institue qu’un simple délit. Aucun des arguments invoqués, à savoir privilégier une telle reconnaissance au niveau international (13), ou le respect du principe de proportionnalité (14), ne justifie ce refus. 

    1.1. L’absence de reconnaissance du crime d’écocide en droit international n’exclut pas et au contraire justifie sa reconnaissance en droit national

    Il est vrai que, dans la littérature juridique, l’écocide renvoie plutôt à un crime reconnu à l’échelle internationale (15). Comme le souligne la juriste Valérie Cabanes (16), dès lors qu’il s’agit de protéger des communs naturels dont nous dépendons tous, comme l’Amazonie, les océans, le climat, le droit international pénal paraît la meilleure manière de reconnaître le crime d’écocide – voire même la seule efficace. Les difficultés rencontrées, malgré des décennies de procès, pour engager la responsabilité du géant pétrolier Chevron Texaco dans la destruction de l’environnement et l’empoisonnement consécutif de dizaines de milliers de personnes en Equateur (17), ou la fin de non-recevoir opposée à la plainte déposée contre 26 laboratoires pharmaceutiques américains pour leur rôle dans l’utilisation de l’agent orange pendant la guerre du Vietnam (18) l’illustrent : sans règles à l’échelle internationale, de tels crimes ne pourront pas être jugés comme il se doit. 

    Pour autant, la reconnaissance de l’écocide en droit international n’est pas exclusive de sa reconnaissance dans le droit national ; au contraire, l’un et l’autre sont complémentaires. Rien n’empêche le droit interne – et la France en particulier – de prendre les devants. 

    Tout d’abord, si l’écocide en tant que crime de droit international doit être réservé aux atteintes environnementales les plus graves, portées aux communs naturels ou mettant en péril les conditions d’existence de populations entières, la reconnaissance du crime d’écocide au niveau national permettrait de poursuivre les atteintes particulièrement graves à l’environnement mais qui n’ont pas forcément de portée trans- ou internationale. Cela pourrait d’ailleurs justifier une définition de l’écocide potentiellement plus large qu’au niveau international. 

    Une telle reconnaissance dans notre droit pénal est d’autant plus justifiée que la France n’est pas à l’abri d’un écocide. Marées noires, exposition à l’amiante, pollution de l’air, des sols, de l’eau, accidents industriels, déchets radioactifs, réchauffement climatique : les exemples et risques d’atteintes graves portées à l’environnement ou à la santé humaine, en conséquence du non-respect de la réglementation environnementale, de négligences et/ou de prises de risques inconsidérées ne manquent pas. Sans compter les dommages causés par des sociétés françaises et leurs filiales à l’étranger. La juste reconnaissance de l’écocide en droit interne permettrait de punir à la hauteur de leur gravité les atteintes les plus graves susceptibles d’être portées, en connaissance de cause, à l’environnement sur le territoire français et/ou par des dirigeants et entreprises français (et de dissuader la commission de telles atteintes). 

    Ensuite, le droit international se crée grâce aux précédents du droit interne. Certains États, d’ailleurs, comme le Vietnam ou des pays de l’ancien bloc soviétique ont déjà incriminé l’écocide dans leur droit pénal (19). Aucune initiative à l’échelon européen ou international n’ayant, à ce jour, abouti, ce sont précisément « aux États les plus diligents de prendre le relais à l’échelon national » (20) et de montrer l’exemple. « La multiplication des incriminations de l’écocide au niveau national, en particulier parmi les États membres de l’Union européenne, constituerait en effet la voie la plus rapide pour la construction d’un consensus ou, a minima, d’une tendance notable qui, à terme, s’imposera d’autant plus facilement en droit international et européen » (21).

    En reconnaissant le crime d’écocide, la France aurait pu participer de ce mouvement et se positionner en pionnière sur le sujet, entraînant dans son sillage le reste de l’Europe et de la communauté internationale (22).

    1.2. L’écocide, un crime disproportionné ?

    Le crime d’écocide souhaité par la Convention citoyenne n’a pas été retenu pour des raisons notamment de « proportionnalité [risquant] de rendre le processus inconstitutionnel », a justifié Barbara Pompili (23).

    On peine à comprendre une telle justification. L’écocide est, de par son étymologie – la destruction (caedere, tuer) de notre maison (oikos), nos écosystèmes, notre terre –, un crime d’une gravité extrême. D’une certaine manière, il est même le « crime premier » (24), le plus grave d’entre tous, puisqu’il met en péril les conditions de vie sur terre. 

    La catastrophe de Bhopal en 1984, qui a exposé des centaines de milliers de personnes à des produits chimiques toxiques à la suite de l’explosion de l’usine de fabrication de pesticides d’Union Carbide (aujourd’hui Dow Chemicals) a provoqué, officiellement, près de 7 500 décès (20 000 selon les associations de victimes) (25). Dans l’affaire du Probo Koala, les déchets hautement toxiques déchargés en toute illégalité dans le port d’Abidjan ont provoqué la mort de 17 personnes (plus selon les associations) et l’intoxication de dizaines de milliers de personnes, sans compter les impacts sur l’environnement (26). En Équateur, entre 1965 et 1992, les activités pétrolières de Chevron-Texaco ont dévasté les territoires indigènes et empoisonné plus de 30 000 de ses habitants, qui vivent désormais dans la zone au taux de cancer le plus élevé d’Amérique latine (27). L’explosion de la plate-forme pétrolière Deepwater Horizon, en 2010, a eu pour conséquence la mort de onze personnes et une marée noire exceptionnelle (780 millions de litres de pétrole), entraînant un désastre écologique sans précédent (28). Quant à Monsanto, « l’écocide persistant, réitéré » (29), l’avis consultatif rendu par le tribunal international citoyen Monsanto en 2016 a conclu que l’entreprise américaine avait causé, via notamment la production, l’utilisation et la commercialisation à l’échelle mondiale de produits hautement toxiques comme le Roundup, le PCB ou le 2,4,5 T (l’un des composants de l’agent orange), des « dommages importants et durables à la biodiversité et aux écosystèmes » et affecté la vie et la santé de populations humaines entières (30). En mars 2019, deux cyclones très rapprochés ont ravagé la côte de l’océan Indien d’Afrique australe, provoquant plus de 600 décès et des centaines de milliers de sans-abri et faisant de Beira, la deuxième ville du Mozambique, la « première ville au monde détruite par les changements climatiques » (31). Le dernier rapport du GIEC, rendu en août 2021, montre que les émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines ont élevé les  températures  d’environ  1,1 °C  depuis  la  période  1850-1900 (32). Or les quelques 25 multinationales des énergies fossiles qui ont, en toute connaissance de cause, poursuivi et développé leurs activités charbonnières, gazières et pétrolières, seraient à l’origine de 51 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1988 et 2015 (33). 

    Plus près de nous, en France, la pollution de l’air serait responsable de près de 100 000 décès par an (34). Lors du naufrage de l’Erika, 20 000 tonnes de fioul lourd se sont retrouvées dans l’océan, souillant les côtes françaises sur près de 400 km, tuant entre 150 000 et 300 000 oiseaux et rejetant près de 250 000 tonnes de déchets – sans compter un préjudice économique estimé à un milliard d’euros (35). La société Total, affréteur du navire n’a été condamnée, au pénal, qu’à une amende de 375 000 euros, dérisoire au regard à la fois de l’étendue du désastre et du chiffre d’affaires du groupe. Aux Antilles, le chlordécone, cet insecticide utilisé pendant plus de vingt ans dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique, a, selon certains experts, empoisonné les sols, les rivières et la mer pour des siècles, sans compter les conséquences sanitaires sur la population dont les scientifiques commencent peu à peu à mesurer la gravité, plus de 90 % des adultes en Martinique et en Guadeloupe étant contaminés (36). Malgré cela, la plainte déposée en 2006 pour empoisonnement et mise en danger de la vie d’autrui devrait déboucher sur un non-lieu pour des questions de prescription (37). En matière de réchauffement climatique, le tribunal administratif de Paris a récemment jugé, dans l’Affaire du siècle, qu’ « en  France,  l’augmentation  de  la température moyenne, qui s’élève pour la décennie 2000-2009, à 1,14°C par rapport à la période 1960-1990, provoque notamment l’accélération de la perte de masse des glaciers, en particulier depuis 2003, l’aggravation de l’érosion côtière, qui affecte un quart des côtes françaises, et des risques de submersion, fait peser de graves menaces sur la biodiversité des glaciers et du littoral, entraîne  l’augmentation  des  phénomènes  climatiques  extrêmes,  tels  que  les  canicules,  les sécheresses, les incendies de forêts, les précipitations extrêmes, les inondations et les ouragans, risques auxquels sont exposés de manière forte 62 % de la population française, et contribue à l’augmentation  de  la  pollution  à  l’ozone  et  à  l’expansion  des  insectes  vecteurs  d’agents infectieux tels que ceux de la dengue ou du chikungunya » (38).

    Si disproportion il y a, elle résulte de l’impunité qui règne en la matière et, quand il y a condamnation, de la faiblesse des peines prononcées.  

    La qualification de crime, au-delà de sa dimension symbolique et des peines qui s’y attachent, a aussi des conséquences procédurales non-négligeables, en termes de pouvoirs d’enquête, de prescription (vingt ans minimum pour les crimes vs six ans pour les délits), et de règles de compétence, de poursuites, d’instruction et de jugement, adaptées à la gravité de l’infraction. 

    La criminalisation de l’écocide apparaît, dès lors, nécessaire pour assurer le respect de droits fondamentaux comme le droit à la vie ou le droit à un environnement sain. La Cour européenne des droits de l’homme rappelle ainsi qu’incombe à l’État « le devoir primordial d’assurer le droit à la vie en mettant en place une législation pénale concrète dissuadant de commettre des atteintes contre la personne et s’appuyant sur un mécanisme d’application conçu pour en prévenir, réprimer et sanctionner les violations » (39). 

    A tous ces égards, la reconnaissance d’un simple « délit d’écocide » est un contresens, une expression « théoriquement contradictoire et pratiquement inappropriée » (40). En réalité, comme l’a relevé à juste titre la commission des lois du Sénat, « l’écocide sembl[e] avoir été mentionné uniquement à des fins politiques, pour donner l’impression que le projet de loi répondait à la demande formulée par la Convention citoyenne à ce sujet » (41). 

    Une nécessaire hiérarchie

    Il ne fait pas de doute, en revanche, et en vertu notamment du principe de proportionnalité, que le crime d’écocide doit être réservé aux infractions les plus graves. Mais c’est précisément la définition des éléments de l’écocide, et notamment la délimitation du seuil de gravité permettant de distinguer un délit de pollution d’un écocide, qui doit assurer cela.  

    Une hiérarchie est nécessaire, une échelle de gravité entre les différentes infractions environnementales. La juriste Coralie Courtaigne-Deslandes identifiait en 2015 trois échelons dans la commission des atteintes à l’environnement : la « délinquance occasionnelle et opportuniste » (délits de chasse, abandons de déchets ou petites pollutions agricoles) ; la « stratégie d’entreprise », « planifiée et récurrente », s’inscrivant dans le cadre d’activités autorisées ; et la criminalité organisée, souvent transfrontalière, liée au trafic de déchets ou d’espèces protégées (42). A l’évidence, seuls les deux derniers échelons devraient être (potentiellement) concernés par l’écocide. Le but de l’écocide est de « viser les personnes ayant du pouvoir, une influence sur le cours des événements telles que les multinationales qui agissent en connaissance des conséquences de leurs activités, décisions et choix d’investissements » (43). Le rapport remis à la garde des sceaux le 11 février 2015 proposait, quant à lui, une classification des infractions environnementales, en distinguant les infractions administratives, les « écocrimes » et l’écocide (44), en fonction notamment de la gravité de l’atteinte, des valeurs protégées et du type de faute. 

    Les nouvelles incriminations ne permettent pas une telle rationalisation. Au contraire, en refusant de faire de l’écocide un crime, la loi climat crée une confusion dangereuse, qui tend à mettre l’écocide au même rang que la délinquance environnementale et à banaliser celui-ci. Confusion renforcée par la présentation qui en a été faite par le gouvernement dans la presse, insistant sur le « banditisme » environnemental, affirmant que le délit d’écocide viserait tout le monde y compris les particuliers, et passant complètement sous silence, en revanche, la question du dérèglement climatique (45). 

    ***

    En refusant de reconnaître l’écocide, le législateur français a manqué l’occasion de donner l’exemple et d’ouvrir la voie vers une reconnaissance universelle de ce crime. Relégué au rang de simple délit, banalisé, l’écocide est, de surcroît, fragilisé par une définition complexe, inadaptée et indûment restrictive.

    2. L’occasion manquée de la clarté : une incrimination de l’écocide par renvoi à d’autres textes, qui nuit à sa lisibilité

    Les propositions de loi de 2019 ainsi que la proposition de la convention citoyenne pour le climat relatives au crime d’écocide, ont été écartées au motif principalement de l’imprécision des définitions proposées et du risque de contrariété au principe de légalité des crimes et des délits (46). Ce principe, qui a valeur législative, conventionnelle et constitutionnelle (47), impose au législateur de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de « définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire » (48). 

    A cet égard, la définition du délit d’écocide, technique, complexe, renvoyant successivement à de nombreux textes, paraît contestable. Pour bien comprendre le délit d’écocide, il convient de revenir à la fois sur le droit existant et sur les nouveaux délits de pollution prévus par la loi climat (2.1), le délit d’écocide n’étant qu’une forme aggravée de ces derniers, définie par renvois successifs à différents textes (2.2).

    2.1. Le contexte : les infractions existantes et les nouveaux délits de pollution créés par la loi climat

    Le droit existant

    Le droit pénal de l’environnement – entendu comme l’ensemble des infractions relatives à la protection de la nature, des ressources naturelles, des sites et paysages ainsi que celles relatives à la lutte contre les pollutions et les nuisances –, se compose de quelques 2000 infractions en vigueur, disséminées au travers de dispositions éparses du code pénal, du code de l’environnement, du code rural et de la pêche maritime, du code forestier et du code minier (49). Cet éclatement du droit pénal de l’environnement et le recours fréquent à l’incrimination par renvoi participent de l’« inefficacité chronique » (50) du droit pénal de l’environnement, régulièrement décriée (51). 

    Parmi les infractions existantes, on trouve notamment : 

    • un délit général de pollution des eaux, puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende (52) ; 
    • des délits de pollution maritime (53), dont un certain nombre sont définis par renvoi à des conventions internationales. Parmi les plus graves, on trouve le rejet volontaire d’hydrocarbures par les pétroliers (dix ans d’emprisonnement et 15 millions d’euros) (54) et le rejet de substances chimiques en colis (sept ans d’emprisonnement et 1 million d’euros) (55) ; 
    • des dispositions sanctionnant l’exploitation, sans l’autorisation requise ou en violation des prescriptions applicables, d’une activité réglementée (ex : installations classées pour la protection de l’environnement, activités à l’intérieur de réserves naturelles, dérogations en matière d’atteintes aux espèces protégées). Ces infractions sont punies d’un à deux ans d’emprisonnement et de 15 000 € à 100 000 € d’amende en fonction des activités et faits en cause (56). En cas d’atteinte grave à la santé ou la sécurité ou de dégradation substantielle de la faune et de la flore ou de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau, les peines encourues peuvent aller jusqu’à trois ans de prison et 150 000 € d’amende et, pour certaines activités, jusqu’à cinq ans et 300 000 € d’amende (57) ;
    • le non-respect, après cessation d’activité d’une installation, des obligations de remise en état, puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende (58) ; 
    • Le non-respect de la réglementation applicable aux déchets, puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende (59) ;
    • en matière d’émissions atmosphériques, le non-respect des prescriptions du règlement CE n° 1005/2009 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, ainsi que le non-respect d’une mise en demeure en matière d’émissions polluantes, sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende (60). 

    On mentionnera, enfin, puisque c’est l’infraction environnementale la plus grave du droit français – et la seule élevée au rang de crime –, le terrorisme écologique, puni de vingt ans de réclusion et de 350 000 € d’amende (61). 

    Les nouveaux délits de la loi climat en matière de pollution

    La loi climat créé deux nouveaux délits de pollution : 

    • un délit de pollution de l’air et de l’eau, défini comme « le fait, en violation manifestement délibérée d’une obligation  particulière  de  prudence  ou  de  sécurité prévue par la loi ou le règlement, d’émettre dans l’air, de jeter, de déverser ou de laisser s’écouler dans les eaux superficielles ou souterraines ou dans les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou plusieurs substances  dont  l’action  ou  les réactions  entraînent  des  effets  nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune […] ou des modifications graves du régime normal d’alimentation en eau » (nouvel article L. 231-1 du code de l’environnement). L’alinéa 2 précise que cette définition ne s’applique, s’agissant des émissions ou rejets autorisés, qu’en cas de dépassement des valeurs limites d’émission ou de non-respect des prescriptions fixées par l’autorité administrative compétente. Ce nouveau délit est puni de 5 ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende.
    • un délit de pollution liée au non-respect de la réglementation sur les déchets, défini comme « le fait d’abandonner, de déposer ou de faire déposer des déchets, dans  des  conditions contraires  au  chapitre Ier du  titre IV du livre V, et le fait de gérer des déchets, au sens de l’article L. 541-1-1, sans satisfaire aux prescriptions concernant les caractéristiques, les quantités, les conditions techniques de  prise  en  charge  des  déchets  et  les  procédés  de traitement mis  en  œuvre fixées en application des articles L. 541-2, L. 541-2-1, L. 541-7-2, L. 541-21-1 et L. 541-22, lorsqu’ils provoquent une dégradation substantielle de la faune et de la flore ou de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau » (nouvel article L. 231-2 du code de l’environnement). Ce nouveau délit est puni de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende.

    L’écocide

    L’écocide est prévu par le nouvel article L. 231-3 du code de l’environnement. En vertu de ces dispositions, constituent un écocide : 

    • l’infraction prévue à l’article L. 231-1 lorsque les faits sont commis de manière intentionnelle ;
    • les infractions prévues à l’article L. 231-2, « commises de façon intentionnelle, lorsqu’elles entraînent des atteintes graves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau ».

    L’écocide est puni de dix ans d’emprisonnement et de 4,5 millions d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

    2.2. Une infraction définie par renvois successifs 

    Sous le terme d’écocide, la loi climat institue non pas un délit autonome mais plutôt une forme aggravée des délits de pollution prévus par les nouveaux articles L. 231-1 et L. 231-2 du code de l’environnement. L’écocide est défini par renvoi à ces délits, qui sont eux-mêmes définis par renvoi à d’autres dispositions. 

    Pour ce qui est du délit de l’article L.231-1, celui-ci est caractérisé par (notamment) la violation d’une obligation particulière de  prudence ou de sécurité prévue  par  la  loi  ou  le règlement. Cela  suppose (i) d’identifier le texte légal ou réglementaire source de l’obligation particulière de prudence ou de sécurité et (ii) d’établir que cette obligation présente un caractère particulier et non général, ce qui dépend du contenu précis du texte qui l’édicte (62).

    Par ailleurs, l’article L.231-1 exclut expressément les pollutions « autorisées », c’est à dire les émissions ou rejets réalisés dans le respect des prescriptions et seuils fixés par l’autorité administrative compétente (63). La caractérisation de l’infraction dépendra donc des seuils et normes fixés par l’autorité administrative, ce qui revient à conférer aux prescriptions préfectorales un rôle central dans la caractérisation de l’élément légal de l’infraction (64). 

    Enfin, l’article L.231-1 exclut de son application les « dommages mentionnés aux articles L. 218-73 et L. 432-2 », réprimant respectivement le rejet dans les eaux salées, de substances ou organismes nuisibles pour la faune ou la flore marine (puni de 22 500 € d’amende), et les pollutions qui affectent les poissons en eaux douces (deux ans de prison et 18 000 € d’amende ). Cette exclusion, directement inspirée de l’article L.216-6 réprimant la pollution des eaux, crée une confusion inopportune. En effet, si les dommages visés remplissent les conditions propres à l’article L.231-1 (ou au délit d’écocide), en termes de gravité notamment, rien ne justifie de les exclure des nouvelles incriminations (65).

    Quant au délit prévu à l’article L.231-2, celui-ci nécessite une méconnaissance des dispositions applicables en matière de déchets et plus précisément : 

    • un manquement aux dispositions relatives à l’abandon ou au dépôt de déchets prévues « au chapitre I du titre IV du livre V du code de l’environnement » soit plus de 130 articles (sans compter le renvoi à des dispositions réglementaires), aux contenus divers, en lien ou pas avec l’abandon ou le dépôt de déchets, et à la rédaction plus ou moins précise ;
    • des faits de gestion de déchets (tels que définis à l’article L.541-1-1 du code de l’environnement) en méconnaissance des « prescriptions concernant les caractéristiques, les quantités, les conditions techniques de  prise  en  charge  des  déchets  et  les  procédés de traitement mis  en  œuvre fixées en application des articles L. 541-2, L. 541-2-1, L. 541-7-2, L. 541-21-1 et L. 541-22 » du code de l’environnement. 

    Le renvoi à ces multiples dispositions du code de l’environnement brouille d’autant plus la lisibilité que celles-ci peuvent être modifiées, supprimées ou complétées au fil du temps et des évolutions législatives et réglementaires. 

    Outre une « dépossession par le législateur de sa propre compétence au moyen d’un transfert plus ou moins maîtrisé du pouvoir d’écriture pénale à d’autres autorités » (66), l’incrimination de l’écocide ressort fragilisée de ces renvois successifs. Il faut consulter plusieurs textes pour comprendre le contenu du délit, et la rédaction même de ces différents textes ne permet pas toujours de satisfaire à l’exigence de clarté et de précision attendue de la norme pénale. Tout cela nuit à la lisibilité et à l’accessibilité du délit d’écocide. 

    ***

    « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » (Montesquieu). La reconnaissance de l’écocide aurait pu être l’occasion d’une simplification et d’une clarification du droit pénal de l’environnement, à travers notamment la création tant attendue d’infractions claires, génériques et autonomes. Au lieu de cela, la loi climat superpose aux multiples infractions existantes de nouveaux délits, eux-mêmes définis par renvois successifs à d’autres textes de rang variable dans la hiérarchie des normes. 

    A cela s’ajoute une définition restrictive, inadaptée et lacunaire de l’écocide, qui ne rend pas compte de la spécificité de celui-ci et qui rend son application peu probable. 

    3. L’occasion manquée de l’effectivité : une définition inadaptée et restrictive de l’écocide, qui limite fortement son application

    « L’objectif du crime d’écocide doit être de répondre à la crise écologique et climatique en cours en permettant de poser un cadre normatif de ce qui est tolérable pour préserver un écosystème terrestre habitable pour le plus grand nombre » (67). Force est de constater que la définition retenue par le législateur ne répond pas à ces enjeux. 

    3.1. Une définition inadaptée et restrictive 

    Une définition parcellaire et lacunaire

    Tout d’abord, la définition par renvoi à d’autres infractions (elles-mêmes inspirées d’infractions anciennes), en faisant de l’écocide une forme aggravée d’autres délits « communs » de pollution, contribue à sa banalisation. 

    Ensuite, cette définition reste parcellaire, segmentée, aussi bien quant à la réglementation dont il faut prouver la violation (obligation particulière de prudence ou de sécurité ou règle issue de certaines dispositions du code de l’environnement relatives aux déchets) que quant à la liste des éléments protégés (santé, flore, faune et alimentation en eau pour l’écocide au titre de l’article L.231-1 ; flore, faune et qualité de l’air, du sol ou de l’eau pour l’écocide au titre de l’article L.231-2). 

    De fait, toutes les atteintes graves et durables à l’environnement ne sont pas couvertes par le délit d’écocide. Sont notamment exclues les pollutions des sols autres que celles résultant d’une violation du droit des déchets. Cela est d’autant plus regrettable que, depuis la transposition de la directive cadre sur les déchets, les sols non excavés ne sont plus considérés comme des déchets (68). 

    Plus généralement, cette manière de procéder, et la terminologie utilisée, échouent à rendre compte de la spécificité et de la gravité de l’écocide. Il manque une « approche écosystémique » (69), similaire à celle qu’on retrouve dans la formulation du préjudice écologique de l’article 1247 du code civil. On peut déplorer, notamment, l’absence de référence aux écosystèmes ou au climat. Sur ce point, le législateur aurait gagné à s’inspirer de la définition adoptée par le groupe d’experts international qui réprime les atteintes à l’environnement entendu comme « la Terre, sa biosphère, sa cryosphère, sa lithosphère, son hydrosphère et son atmosphère [et] l’espace extra-atmosphérique ».

    La condition de l’illicéité, critère indispensable ?

    Le délit d’écocide est caractérisé par un manquement à la loi ou à la réglementation, donc une pollution illicite. 

    Ce critère, en soi, n’apparaît pas déraisonnable. La création d’une infraction autonome, protégeant l’environnement pour lui-même, sans référence au respect de la réglementation, pourrait faire « peser sur les acteurs économiques un risque pénal pour une activité qui était autorisée au moment des faits » (70). C’était d’ailleurs l’une des critiques adressées à la définition de l’écocide proposée par la convention citoyenne. 

    Pour autant, la condition de l’illicéité perd de son sens dès lors que sont en jeu les atteintes les plus graves à l’environnement, voire à la sûreté de la planète elle-même. Ce d’autant plus que les entreprises (et leurs dirigeants) dont les activités sont susceptibles de provoquer des pollutions graves sont le plus souvent bien entourées et bien conseillées ; elles savent les risques qu’elles prennent (quand elles ne cherchent pas délibérément à profiter des zones grises ou des failles de la réglementation applicable, ou du « dumping » environnemental). Elles font délibérément le choix de privilégier la recherche du profit sur la préservation de l’environnement et de la santé. C’est précisément ce mépris pour l’environnement et la vie humaine que l’écocide devrait pouvoir sanctionner. C’est pourquoi certains auteurs plaident pour « un abandon de l’exigence d’illicéité en cas d’atteinte à la santé humaine ou à la sûreté de la planète » (71).

    Le groupe d’experts international a choisi de conserver ce critère de l’illicéité, mais en l’atténuant quelque peu puisque sont exigés des actes « illicites ou arbitraires », soit une définition sensiblement plus ouverte à cet égard. Le terme « arbitraire » est entendu comme « de manière imprudente et sans faire cas des dommages qui seraient manifestement excessifs par rapport aux avantages sociaux et économiques attendus ». 

    Au demeurant, la référence, plus générale, dans la définition proposée, à toute atteinte « illicite » permet de couvrir tout manquement à la législation ou à la réglementation, notamment environnementale. Ce qui n’est pas le cas de la définition française, qui exige spécifiquement la violation soit d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement soit de la réglementation déchets. 

    L’exigence d’atteintes graves à l’environnement susceptibles de durer au moins sept ans, un critère indûment restrictif

    Pour caractériser l’écocide, les atteintes à l’environnement doivent être à la fois graves et durables. Cette double exigence n’apparaît pas, en soi, déraisonnable. On retrouve d’ailleurs les mêmes critères, sous des formulations plus ou moins similaires, dans la plupart des définitions proposées, au plan international ou national (72). La définition retenue par le groupe d’experts international, quant à elle, requiert des dommages  « graves qui soient étendus ou durables » (soit un double critère un peu moins exigeant, puisque l’atteinte doit être grave et durable ou grave et étendue) (73). 

    Là où la loi française s’avère indûment restrictive, c’est qu’elle définit comme « durables » les effets nuisibles « susceptibles de durer au moins sept ans ». 

    Fixé à dix ans dans la version initiale du projet de loi, ce seuil a été abaissé à sept ans par le Sénat, prenant acte de « la complexité de démontrer, y compris au terme d’une expertise poussée, que la prise d’un risque peut potentiellement causer des atteintes susceptibles de durer sur une telle période » (74). 

    Même abaissée à sept ans, il sera difficile de caractériser une atteinte grave et durable à l’environnement sur une telle durée. L’évolution des connaissances scientifiques sur le fonctionnement des écosystèmes, le caractère plus ou moins sensible du milieu récepteur, les différences de réaction des diverses composantes d’un même milieu, la conjonction des risques pour l’environnement et pour la santé rendent une telle démonstration – et son appréciation par le juge – particulièrement complexe (75). Cette exigence, disproportionnée, fait peser sur les autorités de poursuite (et sur les associations de protection de l’environnement) une preuve qui pourrait s’avérer impossible (76). Et risque de rendre inapplicable le délit d’écocide. 

    A titre de comparaison, la proposition d’amendement du groupe d’experts international définit comme « durables » les dommages « irréversibles » ou qui « ne peuvent être corrigés par régénération naturelle dans un délai raisonnable ». La définition proposée au niveau international paraît donc, à cet égard également, sensiblement moins rigide que la définition française, laissant le soin aux juges d’apprécier, en fonction des circonstances de l’espèce, ce qui constitue une atteinte durable. 

    3.2. Des incertitudes quant à l’intention exigée

    L’élément moral en droit pénal de l’environnement

    « [L]e droit pénal de l’environnement est le siège de la réflexion juridique la plus poussée et de la jurisprudence la plus compliquée qui soient sur l’élément moral de l’infraction » (77). Depuis la réforme du code pénal de 1994, les crimes et délits sont, par principe, intentionnels. Aux termes de l’article 121-3 du code pénal, il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, « en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». 

    En droit pénal de l’environnement, toutefois, la distinction entre délit intentionnel et délit non-intentionnel n’est pas toujours évidente en pratique. Certains délits environnementaux, comme celui de pollution de l’eau (article L.216-6 du code de l’environnement) ou celui de rejets polluants en mer (article L. 218-19) sont des infractions d’imprudence. Pour le reste, la plupart sont des délits intentionnels. Or la chambre criminelle de la Cour de cassation recourt fréquemment, pour déterminer l’intention, à la formule selon laquelle « la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’article 121-3, alinéa 1er, du Code pénal » (78). Avec la conséquence qu’il peut s’avérer plus aisé de caractériser l’intention, celle-ci étant déduite du constat de la violation de la règle en cause et de la qualité de professionnel du prévenu, que l’imprudence ou la négligence, qui oblige à décrire le comportement du prévenu, à le comparer à ce qu’aurait fait un homme normalement prudent et avisé et à démontrer que cette imprudence ou négligence a causé la situation délictuelle (79). 

    L’écocide, un délit intentionnel

    Le caractère intentionnel du délit d’écocide est expressément précisé dans le texte de l’article L. 231-3 (à deux reprises, y compris pour l’écocide défini en référence à l’article L. 231-2, qui est pourtant déjà une infraction intentionnelle).   

    En soi, l’exigence d’une intention n’apparaît pas excessive et semble faire consensus (80). Tout dépendra de l’intention (et de sa preuve) qui sera exigée. L’élément matériel de l’écocide étant  défini à la fois par des faits (des rejets ou émissions en méconnaissance des prescriptions applicables) et par un résultat (une atteinte grave et durable à l’environnement), l’intention devrait porter à la fois sur les actes et sur le résultat.  Cela ne signifie pas pour autant une intention de nuire, mais plutôt la commission desdits faits en connaissance de cause, c’est à dire en ayant conscience de violer la réglementation mais aussi du risque d’atteinte grave et durable à l’environnement (81). 

    L’intention ainsi entendue rejoint la définition proposée par la convention citoyenne pour le climat (« en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées ») (82). Dans le même sens, l’amendement au statut de la CPI proposé par le groupe d’experts international précise que les actes d’écocide doivent être commis « en connaissance de la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables ». 

    Néanmoins, la définition restrictive du terme durable pourrait rejaillir sur l’intention exigée – s’il devait être prouvé plus spécifiquement que l’auteur des faits avait conscience que l’atteinte à l’environnement était susceptible de durer plus de sept ans.  

    Par ailleurs, le délit d’écocide étant défini, au titre du premier alinéa de l’article L. 231-3, en tant que forme aggravée du délit « non-intentionnel » de pollution de l’article L.231-1, l’articulation entre les deux délits n’est pas sans soulever certaines interrogations quant à l’intention exigée. 

    Intention vs violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité

    La notion de « violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » se situe à mi-chemin entre l’intention et l’imprudence. Elle requiert, une violation « manifestement délibérée » de l’obligation en cause, c’est-à-dire commise volontairement, avec la conscience de méconnaître la règle en cause. « L’infraction reste cependant non intentionnelle parce que le résultat consécutif aux actes de l’agent n’est pas voulu ni même envisagé et parce que l’attitude de l’agent se limite à la violation en connaissance de cause d’une règle de sécurité ou de prudence sans qu’existe chez lui une véritable conscience de commettre une infraction » (83). 

    Cette notion est notamment utilisée pour caractériser le délit de mise en danger d’autrui ou ceux d’atteintes involontaires à l’intégrité ou la vie humaine (84) . Il existe des précédents dans lesquels une telle violation a été reconnue du fait du non-respect de la réglementation ICPE (85). 

    On peut néanmoins douter de l’opportunité d’utiliser cette notion en matière environnementale. En effet, compte tenu de la finalité de la réglementation environnementale, toute méconnaissance emporte, par voie de conséquence, un risque pour l’environnement. Et comme sont généralement en cause des professionnels, censés connaître – et respecter – la réglementation applicable, le non-respect de celle-ci est généralement fait en connaissance de cause du risque pour l’environnement.  Finalement, « la preuve d’une faute délibérée est rendue plus facile dans un domaine technique comme le droit de l’environnement en raison de l’abondance des réglementations techniques très précises que le professionnel est présumé connaître » (86). Et la frontière avec l’intention paraît alors bien mince.  

    Selon le rapport de la commission de l’aménagement du territoire du Sénat sur le projet de loi, « [u]ne atteinte est considérée comme intentionnelle si elle résulte de la violation d’une réglementation environnementale. Elle est non-intentionnelle si elle résulte par exemple du non-respect de règles générales de sécurité aboutissant à des rejets dans l’environnement » (87). Une telle distinction, toutefois, qui fait dépendre l’intention de l’objet de la règle méconnue, paraît artificielle et ne permet pas d’expliquer la différence de peines entre les deux délits. 

    On peine, dès lors, à discerner ce qui permettra de différencier, concrètement, le délit non-intentionnel de l’article L. 231-1 de l’écocide. 

    Si ce qui les distingue est la conscience de l’atteinte grave et durable à l’environnement, le délit de l’article L.231-1 devrait viser les cas de violation d’une obligation de prudence ou de sécurité, quelle qu’elle soit, sans la conscience du risque pour l’environnement (par exemple quand l’auteur est un non-professionnel, ou quand le lien de causalité entre la règle ou l’obligation violée et le risque pour l’environnement n’est pas évident). 

    Le risque est que, pour mieux la distinguer de la violation manifestement délibérée, il soit exigé une intention particulière pour caractériser l’écocide, qui pourrait aboutir à restreindre encore davantage le champ d’application de celui-ci.   

    Au final, et de manière pour le moins surprenante, la définition française du délit d’écocide apparaît, à plus d’un égard, davantage restrictive que la définition du crime d’écocide que le groupe d’experts international propose d’insérer dans le statut de la Cour pénale internationale. Outre l’incohérence d’une telle situation, le risque est élevé que l’écocide soit, en raison d’une définition inadaptée et indûment restrictive, peu ou mal (voire pas du tout) appliqué. Et que, malgré des peines significatives, la création du délit d’écocide ne s’avère aucunement dissuasive. 

    ***

    « Le génocide et le crime contre l’humanité ont marqué le XXe siècle. L’écocide est le combat du XXIe siècle » (88). Le 29 juin 2020, le président de la République, recevant la Convention citoyenne pour le climat, s’est engagé à porter le combat, au nom de la France, pour inscrire le crime d’écocide dans le droit international (89). Les occasions ne devraient pas manquer dans les prochains mois : Assemblée générale des Nations-Unies en septembre dédiée notamment à la reconnaissance du droit universel à un environnement sain, Sommet mondial pour la biodiversité à Kunming en octobre, Sommet climat en novembre à Glasgow, Assemblée des États parties au statut de la Cour pénale internationale en décembre (90). 

    Le traitement réservé à l’écocide dans la loi climat permet, toutefois, de douter des intentions françaises. En refusant de reconnaître le crime d’écocide dans son droit pénal, la France a manqué l’occasion d’être force motrice d’un mouvement qui finira par s’imposer comme inéluctable. Pire, en réduisant l’écocide à un délit obscur et inadapté, elle crée un précédent qui pourrait niveler par le bas les futures discussions au sein de l’Union européenne et à l’international. 

    Face à l’urgence environnementale, l’indolence française rend d’autant plus indispensables et salutaires le rôle des organismes internationaux et de la société civile, ainsi que des initiatives telles que la proposition de résolution du groupe Ecolo-Groen, au Parlement belge, visant à inclure le crime d’écocide à la fois dans le droit pénal belge et dans le statut de la Cour pénale internationale (91). 

    En attendant, les nouveaux délits créés par la loi climat, pour décevants qu’ils soient, ont le mérite d’exister. Il importe, à la société civile notamment, de s’en emparer, de les éprouver, d’utiliser cette arme puissante qu’est le système judiciaire pour en explorer les failles et les limites, les exploiter, les faire évoluer. Au pire, cela permettra de gagner en expertise, de mieux identifier les obstacles et d’être à même de faire des propositions crédibles de transformation du droit. Au mieux, qui sait, grâce à une démonstration rigoureuse mais néanmoins ambitieuse, de premières condamnations pourraient être obtenues (92). 

    Julia Thibord

    Avocate au Barreau de Paris

    Cabinet Vigo


    Notes

    1. Proposition de loi instituant le délit de pollution, Sénat, n° 292, seconde session ordinaire de 1977-1978, annexe au procès verbal de la séance du 6 avril 1978, exposé des motifs, pp. 2-3.
    2. Valérie Cabanes, citée in Communiqué de Presse de la Fondation Stop Ecocide, 23 novembre 2020, « Le gouvernement français trahit les demandes de la Convention Citoyenne pour le Climat en utilisant faiblement le terme ‘écocide’ ».
    3. Cf. notamment sur le sujet le podcast de l’émission C’est pas du vent, « Agent orange au Vietnam: un écocide en quête de reconnaissance », France Inter, 28 janvier 2021. 
    4. Cf. les travaux de la commission du droit international et notamment les versions du Projet de Code des crimes contre  la paix  et la sécurité de l’humanité de 1986 et 1991 : Annuaires de la Commission du droit international 1986 (volume 2, première partie, doc. A/CN.4/398, p.61) et 1991 (volume 2, deuxième partie, doc. A/46/10, p.111). Cf. aussi A. Gauger, M.P. Rabatel-Fernel, L. Kulbicki, D. Short & Polly Higgins, « Ecocide is the fifth missing crime », Human Rights Consortium, Université de Londres, 2012 (mis à jour en 2013), §§8-12. 
    5. Article 8.2(b)(iv) du statut de la Cour pénale internationale. 
    6. https://asp.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP18/GD.MDV.3.12.pdf; https://asp.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP18/GD.VAN.2.12.pdf
    7. https://asp.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP19/GD.BEL.14.12.pdf
    8. Résolution du Parlement européen du 20 janvier 2021 sur les droits de l’homme et la démocratie dans le monde et la politique de l’Union européenne en la matière – rapport annuel 2019 (2020/2208(INI)) ; Résolution du Parlement européen du 19 mai 2021 sur les effets du changement climatique sur les droits de l’homme et le rôle des défenseurs de l’environnement en la matière (2020/2134(INI)) ; Recommandation du Parlement européen du 9 juin 2021 à l’intention du Conseil concernant les 75e et 76e sessions de l’Assemblée générale des Nations unies (2020/2128(INI)). 
    9. Stop Ecocide Foundation, Groupe d’experts indépendants pour la définition juridique de l’écocide, Commentaire de la définition, juin 2021, disponible sur le site Internet de la fondation : https://www.stopecocide.earth/legal-definition. Le crime d’écocide y est défini comme « des actes illicites ou arbitraires commis en connaissance de la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables ».
    10. « Stratégies parlementaires pour renforcer la paix et la sécurité face aux menaces et aux conflits résultant des catastrophes liées au climat et à leurs conséquences », Résolution adoptée le 27 mai 2021, disponible sur le site de l’UIP : https://www.ipu.org/fr/event/142e-assemblee-de-luip#event-sub-page-23958/
    11. Rapport fait au nom de la commission des lois du Sénat sur la proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide, n°446, 10 avril 2019 ; Rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur la proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide (n° 2353), 27 novembre 2019.
    12. https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Convention/ccc-rapport-final.pdf
    13. « Convention citoyenne pour le climat : la réponse de l’Elysée », Actu Editions législatives, 2 juillet 2020 ; Avis de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi climat, 26 mai 2021, p.85 ; interview de Barbara Pompili sur France TV info, 23 novembre 2020, « Délit d’écocide: « Le glaive de la justice va s’abattre enfin sur les bandits de l’environnement » ».
    14. Étude d’impact du projet de loi climat, 10 février 2021, p.639. Cf. aussi l’interview de Barbara Pompili et Eric Dupont-Moretti, Journal du Dimanche, 21 novembre 2020 et l’interview de Barbara Pompili sur France TV info du 23 novembre 2020, « Délit d’écocide: « Le glaive de la justice va s’abattre enfin sur les bandits de l’environnement ».  
    15. Avis de la Commission des lois du Sénat sur le projet de loi climat, 26 mai 2021, p. 85.
    16. Podcast « Réfléchir l’écocide avec Valérie Cabanes », France Inter, 15 juillet 2020. 
    17.     https://preprod.notreaffaireatous.org/wp-content/uploads/2019/11/Chevron-c.-Equateur.pdf. Cf. aussi Marie Toussaint, « L’écocide : vers une reconnaissance internationale », Les Possibles, n° 25, Automne 2020, p.6
    18. Le nombre des défendeurs a ultérieurement été réduit à 13. Cf. Bernard Haftel, « Affaire de « l’agent orange » : les juges français peuvent-ils juger des sociétés commerciales étrangères pour écocide de guerre ? » Recueil Dalloz 2021 p. 1549.
    19. Cf.https://ecocidelaw.com/existing-ecocide-laws/. Sur l’écocide en droit russe, cf. Nadine Marie-Schwartzenberg in Antonio Cassese et al., Juridictions nationales et crimes internationaux, PUF, 2002, chapitre 8, p.267.
    20. Edouard Delattre, « Il faut reconnaître le crime d’écocide », Tribune, Libération, 29 juin 2020. 
    21. Marie Toussaint, « L’écocide : vers une reconnaissance internationale », Les Possibles, n° 25, Automne 2020, p.6. 
    22. https://preprod.notreaffaireatous.org/decryptage-sur-lecocide-et-la-reforme-de-la-constitution-portees-par-la-convention-citoyenne-pour-le-climat/
    23. Interview sur France TV info, 23 novembre 2020. 
    24. Valérie Cabanes, citant le philosophe Dominique Bourg, in Podcast « Réfléchir l’écocide avec Valérie Cabanes », France Inter, 15 juillet 2020.
    25. « Vivre et mourir avec le risque industriel. Bhopal, l’infinie catastrophe », Le Monde diplomatique, décembre 2004. 
    26. Amnesty International, « Une vérité toxique. A propos de Trafigura, du Probo Koala et du déversement de déchets toxiques en Côte d’Ivoire, AFR 31/002/2012, Septembre 2012.
    27. https://www.rtbf.be/tendance/green/detail_le-combat-de-l-avocat-pablo-fajardo-contre-une-compagnie-petroliere-d-equateur?id=10187906, cité in M. Toussaint, op.cit. 
    28. Chambre des représentants de Belgique, proposition de résolution visant à inclure le crime d’écocide dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et le droit pénal belge, n° 1429/001, 8 juillet 2020, p.6.
    29. Marie Toussaint, « L’écocide : vers une reconnaissance internationale », Les Possibles, n° 25, Automne 2020, p.3. 
    30. https://fr.monsantotribunal.org/upload/asset_cache/180671266.pdf
    31. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/03/28/au-mozambique-beira-premiere-ville-au-monde-detruite-par-les-changements-climatiques_5442723_3212.html
    32. Communiqué de presse du 9 août 2021, https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2021/08/IPCC_WGI-AR6-Press-Release_fr.pdf
    33. Marie Toussaint, « L’écocide : vers une reconnaissance internationale », Les Possibles, n° 25, Automne 2020, p.3. 
    34. https://www.lefigaro.fr/sciences/la-pollution-de-l-air-provoquerait-pres-de-100-000-morts-prematurees-par-an-en-france-20210209
    35. https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/12/12/il-y-a-vingt-ans-le-naufrage-du-petrolier-erika-provoquait-la-catastrophe_6022671_3244.html
    36. https://la1ere.francetvinfo.fr/chlordecone-scandale-etat-grand-dossier-836440.html
    37. « Le scandale du chlordécone n’est pas un accident, c’est un crime hors norme », Le Monde, 28 mars 2021.
    38. TA Paris, 3 février 2021, requêtes n° 1904967, 1904968, 1904972, 1904976/4-1.
    39. CEDH, Mahmut Kaya c. Turquie, Requête n° 22535/93, 28 mars 2000, §85.
    40. « Délit d’écocide : les faux-semblants de la pénalisation du « banditisme environnemental » Tribune, Le Monde, 2 décembre 2020. 
    41. Avis de la Commission des lois du Sénat sur le projet de loi climat, 26 mai 2021, p.10. Le terme d’écocide, supprimé par le Sénat en première lecture, a été réintroduit lors de l’examen en commission mixte paritaire.
    42. Citée in Sébastien Mabile & Emmanuel Tordjman, « Le droit pénal de l’environnement à la croisée des chemins », La Semaine du droit – Edition générale, n° 47, 16 novembre 2020, p. 1293. 
    43. https://preprod.notreaffaireatous.org/decryptage-sur-lecocide-et-la-reforme-de-la-constitution-portees-par-la-convention-citoyenne-pour-le-climat/
    44. « 35 propositions pour mieux sanctionner les crimes contre l’environnement », op.cit., pp. 26 et s.   
    45. Interview de Barbara Pompili sur France TV info, le 23 novembre 2020. Cf. aussi l’interview de Barbara Pompili et Eric Dupont-Moretti, Journal du Dimanche, 21 novembre 2020.
    46. Cf. Rapport fait au nom de la commission des lois du Sénat sur la proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide, n°446, 10 avril 2019, p.15 ; Interview de Barbara Pompili et Eric Dupont-Moretti, Journal du Dimanche, 21 novembre 2020 ; Étude d’impact du projet de loi climat, 10 février 2021, p.639.
    47. Articles 111-2 et 111-3 du code pénal ; article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme ; article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et article 34 de la Constitution. 
    48. Décision n°80-127 DC du 20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, §7. Pour une application récente : Décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés, §163 (censurant, pour manque de précision, le délit de provocation à l’identification d’un agent de police).
    49. Cf. Étude d’impact du projet de loi climat, pp. 625 et s. ; Rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi climat, n° 3995, 19 mars 2021, pp. 465-468 ; Rapport fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire du Sénat, n° 666, 2 juin 2021, pp. 249-253. 
    50. D. Chilstein, « L’efficacité du droit pénal de l’environnement », in L’efficacité du droit de l’environnement, Paris, Dalloz, 2010, p. 72, cité in Isabelle Fouchard & Laurent Neyret, « 35 propositions pour mieux sanctionner les crimes contre l’environnement », Rapport remis à la garde des sceaux le 11 février 2015, p.14.
    51. Marie-Odile Bertella-Geffroy, « L’ineffectivité du droit pénal dans les domaines de la sécurité sanitaire et des atteintes à l’environnement », Environnement n° 11, Novembre 2002, chron. 19 ; « 35 propositions pour mieux sanctionner les crimes contre l’environnement », op.cit., pp.14 et s. ;  Juliette Tricot, « Les infractions environnementales face au renouvellement des stratégies et techniques d’incrimination », Revue Energie Environnement Infrastructures n°12, décembre 2017 ; Sébastien Mabile & Emmanuel Tordjman, « Le droit pénal de l’environnement à la croisée des chemins », La Semaine du droit – Edition générale, n° 47, 16 novembre 2020.
    52. Code de l’environnement, article L. 216-6.
    53. Code de l’environnement, articles L.218-10 à L.218-25 (rejets polluants des navires), L.218-34 (pollution due aux opérations d’exploration ou d’exploitation du fond de la mer ou de son sous-sol), L.218-48 (pollution par immersion de déchets) et L. 218-64 (pollution par incinération en mer).
    54. Code de l’environnement, articles L. 218-12 et L. 218-13.
    55. Code de l’environnement, article L. 218-14.
    56. Code de l’environnement, articles L. 173-1, I et II et L. 173-2 .
    57. Code de l’environnement, article L.173-3. 
    58. Code de l’environnement, article L.173-1, III. 
    59. Code de l’environnement, article L. 541-46.
    60. Code de l’environnement, articles L. 521-21,9°  et L.226-9.
    61. Code pénal, articles 421-2 et 421-4.
    62. Jean-Yves Maréchal, « Elément moral de l’infraction », JurisClasseur Pénal Code, art.121-3, fasc.20, §71 et §86. 
    63. Code de l’environnement, article L. 231-1, deuxième alinéa : « Le premier alinéa du présent article ne s’applique : 1° S’agissant des émissions dans l’air, qu’en cas de dépassement des valeurs limites d’émission fixées par décision de l’autorité administrative compétente ; 2° S’agissant des opérations de rejet autorisées et de l’utilisation de substances autorisées, qu’en cas de non-respect des prescriptions fixées par l’autorité administrative compétente. » 
    64. V. sur cette question Jean-Nicolas Citti & Manuel Pennaforte, « Les délits environnementaux prévus par le projet de loi Climat », Actu Editions législatives, 26 avril 2021.
    65. La Cour de cassation a récemment jugé que les incriminations des articles L.216-6 et L.432-2 n’étaient pas exclusives l’une de l’autre,  la seconde tendant à la protection spécifique du poisson exclue par la première : Cass. crim., 16 avr. 2019, n° 18-84.073. Commentaire de Jacques-Henri Robert, Droit pénal n° 6, Juin 2019, comm. 109.  
    66. Juliette Tricot, « Les infractions environnementales face au renouvellement des stratégies et techniques d’incrimination », Revue Energie Environnement Infrastructures n°12, décembre 2017, 31, p. 3.
    67. https://preprod.notreaffaireatous.org/decryptage-sur-lecocide-et-la-reforme-de-la-constitution-portees-par-la-convention-citoyenne-pour-le-climat/
    68. Code de l’environnement, article L. 541-4-1. 
    69. Notre Affaire à Tous, « Analyse des dispositions du titre VI du projet de loi climat et résilience », https://preprod.notreaffaireatous.org/wp-content/uploads/2021/04/PJL-LOI-CLIMAT-De%CC%81cryptage-e%CC%81cocide-V4.docx-1-1-1.pdf
    70. Étude d’impact du projet de loi climat, p. 640. 
    71. Cf. par ex. Isabelle Foucard & Laurent Neyret, « 35 propositions pour mieux sanctionner les crimes contre l’environnement », 2015, p.35.
    72. Cf. le site de la fondation Stop Ecocide pour un panorama des différentes propositions de définitions https://ecocidelaw.com/selected-previous-drafts/. V. également les propositions de loi précitées examinées par l’Assemblée nationale (« dommages étendus, irréversibles et irréparables ») et le Sénat (« atteinte grave et durable ») en 2019 ainsi que le rapport remis à la garde des sceaux en 2015, qui préconise de subordonner l’écocide  à un dommage « particulièrement grave », c’est-à-dire « soit à la réalisation d’une dégradation étendue, durable et grave des équilibres écologiques, soit à la mort, des infirmités graves ou des maladies incurables graves à une population, soit à la dépossession durable de certaines populations de leurs territoires ou ressources » (« 35 propositions pour mieux sanctionner les crimes contre l’environnement »,op.cit, p.31). Enfin, pour un panorama des définitions existantes en droit interne :  https://ecocidelaw.com/existing-ecocide-laws/ 
    73. Le texte précise  : par « étendu », on entend que les dommages s’étendent au-delà d’une zone géographique limitée, qu’ils traversent des frontières nationales, ou qu’ils touchent un écosystème entier ou une espèce entière ou un nombre important d’êtres humains ; par « durable », on entend que les dommages sont irréversibles ou qu’ils ne peuvent être corrigés par régénération naturelle dans un délai raisonnable.
    74. Rapport fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire du Sénat, n° 666, 2 juin 2021, p. 255.
    75. Ibid.
    76. Corinne Lepage, « Le délit d’écocide : une « avancée » qui ne répond que très partiellement au droit européen », Dalloz Actualité, 17 février 2021 (sur la durée de 10 ans exigée par le projet de loi initial). 
    77. Propos de l’ancien conseiller à la Cour de cassation Thierry Fossier cités in Sébastien Mabile & Emmanuel Tordjman, « Le droit pénal de l’environnement à la croisée des chemins », La Semaine du droit – Edition générale, n° 47, 16 novembre 2020, §33. 
    78. Jean-Yves Maréchal, « Elément moral de l’infraction », JurisClasseur Pénal Code, art.121-3, fasc.20, §34. Cf. aussi Patricia Savin, « Contentieux répressif des installations classées », JurisClasseur Environnement et Développement durable, fasc. unique, §§160 et s. Pour des illustrations en matière environnementale : Cass.crim., 2 oct. 2007, n° 07-81.194 et Cass. crim., 16 juin 2009, n° 08-87.911 (infractions à la législation ICPE); Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-84.949 et  Cass. crim., 22 mars 2016, n° 15-84.950 (article L.173-1 du code de l’environnement).
    79. Jacques-Henri Robert, « L’élément moral des infractions contre l’environnement », RSC 1995, p.356.
    80. Cf. notamment l’analyse d’Isabelle Foucard et Laurent Neyret, qui préconisent de limiter le crime d’écocide aux seuls actes intentionnels in « 35 propositions pour mieux sanctionner les crimes contre l’environnement », op.cit., p.40. Voir a contrario, Valérie Cabanes, « Reconnaître le crime d’écocide », C.E.R.A.S., Revue projet, 2016/4, n°° 353, p.72 : « lever l’exigence d’une intention pour qualifier ce type de crime permettrait d’imposer par le droit pénal le principe de précaution énoncé à l’article 15 de la Déclaration de Rio, avec une obligation de vigilance environnementale et sanitaire à l’échelle globale ».  
    81. Dans sa version initiale, le projet de loi précisait d’ailleurs que l’écocide était commis « en ayant connaissance du caractère grave et durable des dommages (…) susceptibles d’être induits par les faits » (Article 68 du projet de loi déposé le 21 février 2021).  Mais la rédaction de l’ensemble du texte, qui aboutissait à des peines différentes pour des faits identiques, a été critiquée par le Conseil d’État comme contraire au principe d’égalité, et modifiée par le Sénat en première lecture, supprimant notamment cette précision concernant l’intention. Le Conseil d’État a, à cette occasion, rappelé que « la connaissance du risque d’atteinte à l’environnement à raison du non-respect de cette réglementation est déjà incluse dans les éléments constitutifs de ces infractions, au titre du dol général » : Avis sur un projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et ses effets, 10 février 2021, §77.
    82. Cf. aussi « 35 propositions pour mieux sanctionner les crimes contre l’environnement », op.cit., p.40, préconisant « une définition adaptée de l’intention, qui serait caractérisée lorsque l’auteur savait ou aurait dû savoir qu’il existait une haute probabilité que [ses actes] portent atteinte à la sûreté de la planète ». 
    83. Jean-Yves Maréchal, « Elément moral de l’infraction », Jurisclasseur pénal code, art.121-3, fasc.20, §86. 
    84. Articles 221-6 (homicide involontaire), 222-19 et s. (violences involontaires) et 223-1 (mise en danger de la vie d’autrui) du code pénal. Cf. aussi article 121-4 du code pénal en matière de responsabilité indirecte. 
    85. Cass. Crim., 22 Novembre 2005, n° 05-80.282 (homicide involontaire résultant de la violation d’un arrêté de mise en demeure) ; Cass. Crim., 16 Octobre 2012, n° 11-87.369 (mise en danger d’autrui résultant du défaut de déclaration d’une ICPE, en violation de l’article L. 512-8 du Code de l’environnement et de l’article 8 de l’arrêté préfectoral du 20 août 2000) ; Cass crim., 11 juill. 2017, n° 11-83.864, 14-86.985, Sté Noroxo et M.X (non-respect des prescriptions de l’arrêté préfectoral d’autorisation) ; CA Paris, 11 oct. 2019, n°18-04919, incinérateur de Vaux le Pénil (mise en danger d’autrui résultant du non-respect des taux de rejets dans l’atmosphère, en violation de mises en demeure), commenté in Corinne Lepage, Benoit Denis & Valérie Saintaman, « Condamnation pénale pour mise en danger des populations exposées aux dioxines d’un incinérateur », Énergie – Environnement – Infrastructures n° 12, Décembre 2019, comm. 60. 
    86. « 35 propositions pour mieux sanctionner les crimes contre l’environnement », op.cit., p. 38.
    87. Rapport fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire du Sénat, n° 666, 2 juin 2021, p.269.
    88. Christophe Bouillon, rapporteur et auteur de la proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide, Rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale sur la proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide (n° 2353), 27 novembre 2019, p.37.
    89. « Le gouvernement transforme l’écocide en délit environnemental », Le Monde, 24 novembre 2020. Cf. aussi Emmanuel Macron sur Twitter 29 juin 2020.
    90. Cecilia Rinaudo, « Définition internationale de l’écocide : une proposition solide qui impose à la France d’agir », communiqué de presse Notre Affaire à Tous, 22 juin 2021.
    91. Chambre des représentants de Belgique, Proposition de résolution visant à inclure le crime d’écocide dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et le droit pénal belge, n° 1429/001, 8 juillet 2020. 
    92. Sur l’utilisation du système judiciaire pour faire évoluer le droit, cf. Frédéric Amiel et Marie-Laure Guislain, « Le néo-libéralisme va-t-il mourir ? », Les Editions de l’Atelier, 2020.

  • L’Affaire du Siècle retourne au tribunal pour faire agir l’Etat !

    Ce jeudi 30 septembre, une nouvelle audience de l’Affaire du Siècle va avoir lieu devant le tribunal administratif de Paris.

    Souvenez-vous, le 3 février dernier, l’Affaire du Siècle a remporté une victoire historique pour le climat ! Après avoir condamné l’inaction climatique de l’Etat, les juges ont rouvert l’instruction pour décider “des mesures qui doivent être ordonnées à l’Etat”.

    Pourquoi cette audience est-elle cruciale ?

    Ce qui se joue à cette audience, c’est la santé, les revenus et le cadre de vie de millions de Français et de Françaises, menacés par les conséquences des changements climatiques et de l’inaction de l’Etat.

    En effet, dans le jugement de février, les juges ont reconnu que l’inaction climatique de l’Etat était illégale, et qu’elle causait des dommages à l’environnement (un “préjudice écologique”). Non seulement la France va devoir enfin respecter son objectif de réduction de gaz à effet de serre d’ici à 2030, mais elle va aussi devoir prendre des mesures pour compenser les gaz à effet de serre émis illégalement.

    Il s’agit donc maintenant pour les juges de décider par quelles actions l’Etat doit réparer les dommages causés par son inaction ! Depuis le jugement, nos avocates et avocats ont déposé plus de 100 pages de mémoires juridiques pour expliquer en détail ce que nous demandons.

    En raison des restrictions sanitaires, l’audience n’est pas ouverte au public. Mais vous pourrez tout savoir en direct de cette journée : le jeudi 30 septembre, suivez le déroulé de l’audience sur nos réseaux et sur notre site ! 

    Que peut-on espérer ?

    Au cours de cette audience, la rapporteure publique va exposer les mesures qu’elle recommande aux juges d’ordonner à l’État. Nous espérons qu’elle conseillera au tribunal de contraindre la France à prendre des mesures concrètes dans différents secteurs clés (transports, bâtiments, agriculture) pour réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre.

    Concrètement, nous demandons par exemple que les juges ordonnent à l’État de : 

    • Revoir sa feuille de route climatique avec des ambitions beaucoup plus fortes, pour compenser les surplus de gaz à effet de serre émis de manière illégale entre 2015 et 2018 ;
    • Mettre en place (comme l’a demandé le Haut Conseil pour le Climat à plusieurs reprises) des mécanismes de suivi et d’évaluation, pour pouvoir s’assurer de l’efficacité des actions mises en place ;
    • Réduire immédiatement les émissions du secteur des transports de 6%, en augmentant massivement la part modale du non-routier et non-aérien ;
    • Rénover de manière performante au moins 450 000 logements par an dès 2022 et au moins 700 000 à plus long terme ;
    • Augmenter drastiquement la part de surface agricole utile cultivée en bio pour atteindre au plus vite 20% (8,5% en 2018 selon le ministère de l’Agriculture).

    Pour forcer l’Etat à appliquer rapidement les injonctions qui devraient être prononcées par les juges, nous demandons également une astreinte, c’est-à-dire une pénalité financière que l’Etat devra payer en cas de retard. En nous basant sur le coût social du carbone, nous suggérons au tribunal de prononcer une astreinte qui correspond à 10% du préjudice écologique, soit 78 millions par semestre de retard.

    Que va-t-il se passer après ?

    Après l’audience, les juges vont délibérer, généralement pendant deux semaines.

    Si comme nous l’espérons, le tribunal ordonne à l’Etat de prendre des actions concrètes, efficaces et immédiates pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France, le gouvernement devra alors s’exécuter dans le délai donné par le jugement.

    C’est donc désormais sous la stricte vigilance de la justice, pilier essentiel de la démocratie, que la France devra réduire effectivement ses émissions de gaz à effet de serre, pour nous protéger toutes et tous !

    L’Affaire du Siècle restera elle aussi mobilisée pour s’assurer que l’Etat respecte bien ses obligations. 

    Alors, soyez au rendez-vous : le jeudi 30 septembre, suivez le déroulé de l’audience sur nos réseaux et sur notre site ! Et mobilisez autour de vous en partageant l’information !

  • Justice pour le Vivant – Foire aux questions

    QU’EST-CE QUE LE RECOURS JUSTICE POUR LE VIVANT ?

    Justice pour le vivant est une initiative des associations Notre Affaire à Tous et POLLINIS. L’objectif est de souligner l’urgence à agir face à la 6e extinction de masse, c’est-à-dire la période actuelle de disparition rapide et massive d’espèces due aux activités humaines. Le but est de pointer les contradictions de l’action politique en matière de protection de la biodiversité et d’obtenir une révision immédiate du processus d’homologation des pesticides, notoirement défaillant. Ce recours en carence fautive face à la perte de biodiversité est une première mondiale.

    QUI SONT LES ASSOCIATIONS QUI PORTENT CE RECOURS ?

    Notre Affaire à Tous s’est créée en 2015 autour de deux axes de travail : le recours climat, désormais connu sous le nom de l’Affaire du Siècle, et la reconnaissance des droits de la nature. Grâce au développement de ces deux expertises, l’association cherche aujourd’hui à permettre une meilleure protection de la nature à travers un recours pour la protection de la biodiversité. Comme l’a démontré la récente décision du Tribunal administratif de Paris dans l’Affaire du Siècle, l’outil du droit est essentiel pour initier cette nécessaire évolution de notre rapport au vivant.

    POLLINIS agit pour la protection des abeilles domestiques et sauvages, et pour une agriculture qui respecte tous les pollinisateurs. Fondée en 2012, l’association à but non lucratif fonde son action sur le constat des scientifiques : partout dans le monde, les insectes sont en train de disparaître à un rythme effarant. Au cœur de cette hécatombe, les pollinisateurs, indispensables aux écosystèmes, à notre agriculture et à notre sécurité alimentaire. Pour enrayer cette extinction, POLLINIS travaille en France et au niveau européen pour faire interdire tous les pesticides nocifs et accélérer la transition vers une agriculture respectueuse de l’environnement et de la biodiversité.

    POURQUOI UN RECOURS SUR LA BIODIVERSITÉ ?

    Nous vivons la 6e extinction de masse, c’est-à-dire la disparition rapide et massive d’espèces due aux activités humaines. Si rien n’est fait, les conséquences seront désastreuses pour l’ensemble du vivant. L’État promet de protéger la biodiversité et prend de nombreux engagements internationaux et nationaux mais, dans le même temps, il maintient et cautionne la commercialisation de nombreux pesticides qui détruisent la biodiversité.

    Notre Affaire à Tous et POLLINIS entendent pointer les contradictions de l’action politique en matière de protection de la biodiversité et obtenir une révision immédiate du processus d’homologation des pesticides, cause majeure de l’effondrement des espèces en cours.

    Il est désormais indispensable que les politiques publiques prennent systématiquement en considération  la protection de la biodiversité et pas seulement les « services rendus à l’Homme par la nature ». Cette approche conduit invariablement l’État à ne pas considérer le vivant dans son ensemble et à faire primer systématiquement des intérêts économiques sur l’intérêt général.

    LA BIODIVERSITÉ EST-ELLE EN DÉCLIN EN FRANCE ? POURQUOI ?

    La biodiversité s’effondre actuellement à un rythme sans précédent à l’échelle mondiale, et la France n’est pas épargnée. Les évaluations sur notre territoire montrent un déclin généralisé : selon la liste rouge nationale (UICN), 26 % des espèces animales sont menacées ou éteintes.

    Les milieux agricoles sont particulièrement touchés, avec par exemple des populations d’oiseaux des champs, de vers de terre, et de pollinisateurs en chute libre. Dans les zones protégées d’Allemagne, les chercheurs ont trouvé en 2017 que la masse des insectes ailés a diminué de plus de 75 % en moins de trente ans, et les auteurs de cette étude estiment que ces résultats sont extrapolables à la France.

    L’agriculture conventionnelle, qui représente 90 % des surfaces agricoles en France (contre 10 % en bio), avec le recours massif aux pesticides de synthèse, est un élément clé de ce déclin de la biodiversité.

    QUEL DANGER REPRÉSENTENT LES PESTICIDES POUR LA BIODIVERSITÉ ?

    Si de multiples facteurs sont à l’origine de la chute de la biodiversité, les scientifiques s’accordent pour reconnaître que l’utilisation croissante et massive des pesticides est l’une des causes principales. Les pesticides ont des effets toxiques aigus (entraînant la mort immédiate) et chroniques (à long terme) sur les organismes, ainsi que des effets sublétaux qui ne tuent pas immédiatement mais déstabilisent les populations et les écosystèmes.

    La présence de pesticides ne se limite pas aux parcelles traitées : une fois appliqués, ces produits se diffusent très largement dans l’environnement, dans l’air, l’eau, les sols, où ils persistent et s’accumulent, avec des effet cocktails toxiques. Cela entraîne une imprégnation à long terme des écosystèmes, qui affecte lourdement la biodiversité dans la mesure où aucun milieu naturel n’échappe à cette contamination.

    Ces molécules chimiques contaminent toute la chaîne alimentaire, faune des sols, insectes, oiseaux, amphibiens, reptiles…. La destruction de la biodiversité par les pesticides concerne donc une diversité d’espèces phénoménale.

    EN QUOI L’ÉTAT FRANÇAIS A-T-IL FAILLI À PROTÉGER LA BIODIVERSITÉ ?

    Outre le respect du principe de précaution, plusieurs obligations nationales, européennes et internationales sur la protection de la biodiversité incombent à l’État comme détaillé dans les nombreux textes qu’il a ratifiés, tels que :

    • La Convention pour la diversité biologique de Rio, en 1992
    • La Convention de Nagoya, avec les objectifs d’Aïchi
    • La Stratégie européenne biodiversité
    • La directive habitat et Directive oiseaux
    • Le règlement européen 1107/2009
    • La Charte de l’environnement
    • Le Principe de précaution
    • L’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime

    Pourtant, l’État continue d’autoriser et de maintenir sur le marché des pesticides toxiques pour la faune. Le processus d’évaluation est obsolète et incomplet : il ne permet pas d’évaluer tous les effets de ces substances sur le vivant avant leur mise sur le marché. Ce constat est partagé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES), chargée d’évaluer et d’autoriser les pesticides, qui a identifié de nombreuses lacunes dans le processus.

    Ces failles sont à l’origine de la mise sur le marché de substances pourtant dangereuses pour la biodiversité. Le maintien de ce processus d’homologation, vecteur de déclin de la biodiversité, est donc contraire aux obligations de conservation.

    C’EST UNE ATTAQUE CONTRE LE GOUVERNEMENT ACTUEL ?

    Il s’agit d’un recours en carence fautive : nous attaquons l’État, et non pas un gouvernement ou un personne en particulier,  pour n’avoir pas fait tout son possible pour enrayer l’érosion de la biodiversité, comme il s’y est engagé dans de nombreuses conventions internationales et textes nationaux.

    Cette action en justice est une attaque contre la politique menée par les différents gouvernements successifs qui, d’un côté, prennent des engagements vis-à-vis de l’environnement et, de l’autre,  s’y soustraient au profit d’intérêts économiques, en oubliant  l’intérêt général. C’est cette dissonance, condamnant les prochaines générations, à laquelle nous nous attaquons avec ce recours.

    OÙ EN EST LE RECOURS ? QUE VA-T-IL SE PASSER ENSUITE ?

    En septembre 2021, nous avons envoyé nos injonctions au gouvernement afin que l’État mette un terme à la situation illégale dans laquelle il se trouve. Nous avons demandé au gouvernement de rehausser la protection du vivant, notamment en réformant d’urgence le processus de mise sur le marché des pesticides.

    Le gouvernement a deux mois pour répondre à nos injonctions et nous aurons deux mois supplémentaires pour évaluer la qualité de cette réponse. Si le gouvernement n’accède pas à nos demandes, nous déposerons un recours devant le tribunal administratif de Paris à partir de novembre 2021.

    SI L’ÉTAT EST CONDAMNÉ À L’ISSUE DE CETTE PROCÉDURE, QUI VA PAYER L’AMENDE ? LE CONTRIBUABLE ?

    Des mécanismes sont pensés pour ne pas faire peser la compensation du préjudice sur la population qui le subit. Des agences de l’État peuvent être les destinataires des sommes de façon à ce que le paiement reste au sein des autorités administratives. C’est le cas même si ces agences, comme l’Office français de la biodiversité (OFB), sont indépendantes de l’État.

    QUEL EST LE LIEN AVEC LE RECOURS DE L’AFFAIRE DU SIÈCLE ?

    L’Affaire du Siècle porte sur l’inaction de l’État face à l’urgence climatique. Justice pour le Vivant, sur son inaction face à la 6e extinction de masse, c’est-à-dire la disparition rapide et massive d’espèces due aux activités humaines.

    Les deux recours visent les contradictions de l’État qui, face à deux situations liées et catastrophiques, prend des engagements mais mène une politique allant à l’encontre de ceux-ci.

    A-T-ON DES CHANCES DE GAGNER ? QU’EST-CE QUE CE RECOURS VA CHANGER ?

    Oui, nous avons des chances de gagner. L’État promet de protéger la biodiversité dans de nombreux engagements internationaux et nationaux, mais dans le même temps, il maintient et cautionne la  commercialisation de nombreux produits qui détruisent la biodiversité. L’État n’ignore rien de cette situation : l’ANSES, l’agence sanitaire française, affirme elle-même que le processus d’homologation des pesticides est insuffisant à certains égards, notamment en ce qui concerne les pollinisateurs. Dès lors, cette incohérence devra être soulevée par le juge.

    Si notre recours prospère, le juge devra enjoindre l’État de revoir le processus de mise sur le marché des pesticides, qui est aujourd’hui obsolète et n’évalue que partiellement – et partialement – les effets des substances sur la biodiversité.

    Nous cherchons donc à obtenir une réponse législative concrète. En raison de l’urgence actuelle, l’évolution du dispositif d’évaluation des pesticides doit être une priorité absolue pour les agences réglementaires. Cette révision permettra d’endiguer le déversement de ces produits mortifères dans la nature.

    En dénonçant les effets d’annonce et les engagements sans portée réelle, ce recours va aussi faire résonner le sujet des droits de la nature et de la priorité du vivant sur les intérêts économiques. Politiquement, nous allons questionner la position de l’État vis-à-vis du vivant, une vision où la nature n’est considérée que sous le prisme des services qu’elle peut rendre, des intérêts pour l’Homme .

    Le XIXe siècle a vu la naissance des droits humains ; le XXe siècle la naissance des droits sociaux, le XXIe siècle doit être celui des droits de la nature et du vivant.

    Nous tentons d’initier cette dynamique.

  • Numéro 12 de la newsletter des affaires climatiques – Ecocide : l’occasion manquée

    Chères lectrices, chers lecteurs,  

    En cette rentrée 2021, Notre Affaire à Tous poursuit son travail d’information et vous présente, à nouveau, une actualité juridique riche. Dans cette douzième édition de notre newsletter des affaires climatiques et environnementales, notre focus porte sur la question de l’écocide et sur son entrée dans le droit pénal de l’environnement français. 

    Ensuite, vous trouverez, dans la partie affaires climatiques, trois arrêts, l’un norvégien, les deux autres américains, sur la manière dont le juge inclut la question des émissions des gaz à effet de serre dans ses décisions, ainsi qu’un commentaire croisé de ces trois décisions. Egalement, dans la même partie, la décision de la Cour constitutionnelle allemande qui reconnaît le devoir de protéger la vie et la santé contre les risques issus de la crise climatique. 

    Enfin, dans la partie affaires environnementales, le recours contre Bayer pour le déclin des oiseaux en France et la sanction de l’Etat français pour sa carence en matière de lutte contre la pollution de l’air. 

    Très bonne lecture,

    Sandy Cassan-Barnel

    Ecocide : l’occasion manquée

    Article de Julia Thibord, Avocate au Barreau de Paris

    De nos jours, le droit pénal de l’environnement, morcelé, inappliqué, n’est pas dissuasif. Plus que jamais, il importe de repenser ce droit, alors qu’il est crucial et urgent de préserver notre environnement et la sûreté de la planète. Dans cette perspective, la reconnaissance du crime d’écocideau plan national comme au plan international, permettrait de « s’engager sur une voie responsable pour protéger les grands écosystèmes de la planète » et d’envoyer un signal fort à tous ceux qui, le plus souvent pour des raisons économiques, obèrent notre avenir et celui de de la Terre dans une quasi-impunité.

    Au niveau international, la réflexion sur l’écocide est née lors de la guerre du Vietnam, en lien avec l’utilisation délibérée et massive par l’armée américaine de défoliants extrêmement toxiques, dont le tristement célèbre « agent orange », en vue de détruire la végétation et neutraliser les groupes armés du Vietcong. La criminalisation des atteintes graves à l’environnement fut un temps envisagée puis finalement écartée, pour des raisons politiques, lors de la création de la Cour pénale internationale. Seules les atteintes à l’environnement commises en tant que crime de guerre (et seulement lorsqu’il s’agit d’un conflit armé international) y figurent. 

    Lors de la dix-huitième session de l’Assemblée des États parties au Statut de Rome, en 2019, les Maldives et le Vanuatu – dont la survie est directement menacée par le réchauffement climatique – ont plaidé pour l’insertion du crime d’écocide dans le statut de la Cour, estimant que la justice pénale internationale a un rôle à jouer pour prévenir la catastrophe environnementale qui nous attend. Cette demande a été rejointe par la Belgique en décembre 2020. Cette année, le Parlement européen a voté divers textes appelant à la reconnaissance du crime d’écocide dans le Statut de la Cour pénale internationale.

    Affaires climatiques

    La Cour constitutionnelle allemande demande la révision des objectifs climatiques du gouvernement

    La Cour constitutionnelle fédérale a jugé que les dispositions de la loi fédérale sur le changement climatique du 12 décembre 2019, régissant les objectifs climatiques nationaux – une réduction d’émission de GES de 55% d’ici à 2030 par rapport au taux de 1990 – et les quantités d’émissions annuelles autorisées jusqu’en 2030 sont incompatibles avec les droits fondamentaux en tant qu’elles ne sont pas suffisantes concernant les réductions des émissions à compter de 2031 renvoyait à une décision réglementaire de 2025, la charge d’apporter les éléments essentiels. 

    Par cette décision, la Cour affirme sur le fondement de l’article 2(2) de la Loi Fondamentale Allemande que la protection de la vie et de l’intégrité physique, englobe la protection contre les atteintes aux intérêts garantis par la Constitution causées par la pollution de l’environnement.

    La décevante décision de la Cour Suprême norvégienne dans l’affaire People v. Arctic Oil

    Le 10 juin 2016, le gouvernement norvégien accorde par décret royal dix licences de production pétrolière lors du 23e cycle de licences conformément à l’article 3-3 de la loi norvégienne sur le pétrole dans la mer de Barents Sud-Est. Il s’agit de la première ouverture d’une nouvelle zone dans la mer de Barents en 24 ans.

    La Cour suprême norvégienne rejette les recours de l’association Greenpeace visant à déclarer illégale l’octroi de nouvelles licences de production pétrolière dans la mer de Barents par le gouvernement norvégien.

    Les plaignants n’ont pas réussi à démontrer une violation de l’article 112 de la Constitution norvégienne, notamment parce que  la mesure dans laquelle les licences entraîneraient une augmentation des émissions de gaz à effet de serre est trop incertaine à ce stade d’exploration

    2020 : Victoire d’un recours contre une première autorisation de forage en Alaska

    Une entreprise américaine, Hilcorp Alaska, LLC, ambitionne d’extraire du pétrole brut à Foggy Island Bay, le long de la côte de l’Alaska dans la mer de Beaufort. 

    Ce projet « Liberty » serait le premier projet de développement pétrolier entièrement immergé dans les eaux fédérales américaines.

    Après un recours formé par 5 ONG, la Cour d’Appel du 9ème Circuit des Etats-Unis décide d’annuler l’autorisation de forage en Alaska.
     En effet, la Cour estime que les émissions de gaz à effet de serre produites par la combustion à l’étranger doivent être prises en compte dans l’analyse d’impact environnemental d’un projet extractif aux Etats-Unis. De même, les mesures d’atténuation des effets du projet afin de préserver la biodiversité doivent être précises, spécifiques, et contraignantes et engager les ressources nécessaires.

    2021 : Victoire d’un nouveau recours contre une autre autorisation de projet de forage en Alaska

    Fin 2020, les demandeurs, des ONG de protection de l’environnement, engagent des actions en justice afin d’empêcher le concessionnaire, la société ConocoPhillips Ltd d’entreprendre certaines activités de construction à l’hiver 2020-2021 dans le cadre du Projet pétrolier Willow, implanté dans la Réserve Nationale de Pétrole en Alaska.

    Pour autant, dans la lignée de la jurisprudence dite « Liberty », une Cour Fédérale américaine décide de l’annulation de cette autorisation de projet de forage au motif que les émissions de gaz à effet de serre doivent être prises en compte en aval de la production. Elle estime aussi que l’octroi d’une concession pétrolière ne donne pas au concessionnaire un droit absolu sur le territoire de la concession et que les mesures d’atténuation des conséquences sur la biodiversité, en l’espèce les ours polaires, doivent être précises et spécifiques.

    Commentaire croisé des arrêts Liberty (US), Willow (US) et Artic Oil (Norvège)

    L’arrêt Liberty confirme en Décembre 2020 des principes essentiels concernant la teneur des analyses d’impact environnemental effectuées par les agences étatiques (en l’espèce le Bureau of Ocean Energy Management –BOEM) dans le cadre des autorisations de concessions de forage. Il sera suivi moins d’un an plus tard par le jugement Willow, de la Fédéral District Court de l’Alaska qui le consolide, dans une affaire concernant l’analyse d’impact faite par le Bureau of Land Management (BLM). 

    En particulier, ces deux jugements précisent que des prévisions concernant les émissions de GES causées par la consommation d’hydrocarbures exportés doivent être prises en compte dans l’analyse d’impact environnemental. 

    Egalement en décembre 2020, c’est la Cour Suprême de Norvège qui, même si elle rejette le recours des ONGs contre l’octroi de licences de forages dans la Mer de Barents, affirme que les émissions de GES dues à la consommation d’hydrocarbures norvégiens a l’étranger doivent être prisent en compte

    Affaires environnementales

    La LPO poursuit Bayer pour le déclin des oiseaux des champs

    Le 21 mai 2021 la ligue de protection des oiseaux (LPO) a assigné en justice Bayer et Nufarm auprès du tribunal de Lyon. Ces deux entreprises étant les deux principales productrices en France d’imidaclopride, un insecticide néonicotinoïde principalement utilisé dans le secteur agricole. Cette affaire fait écho au constat dressé par le rapport sur l’état de la nature dans l’UE rendu le 19 octobre 2020 à la Commission, faisant état d’une érosion de la biodiversité aggravée notamment en raison des activités agricoles. 

    Pour Allain Bougrain-Dubourg, le président de la LPO « Se tourner vers le droit est notre ultime arme. » Il s’agirait selon l’association Intérêt à agir, soutien juridique de LPO, de la première action contre l’agrochimie pour atteinte à la biodiversité, « Il s’agit d’ouvrir la voie contentieuse pour une réparation effective des préjudices écologiques causés par la commercialisation massive de néonicotinoïdes ».

    Une amende historique pour l’Etat suite à l’astreinte décidée en juillet 2020

    Le 4 août 2021, le Conseil d’Etat a rendu une décision qualifiée par beaucoup “d’historique” en condamnant l’Etat à payer 10 millions d’euros à plusieurs organismes luttant contre la pollution de l’air. Cette décision fait suite à plusieurs années d’un contentieux judiciaire initié par l’association Les Amis de la Terre, dans lequel le juge administratif a reconnu à plusieurs reprises l’insuffisance de l’action de l’Etat pour lutter contre la pollution de l’air, tout en lui imposant d’agir. 

    A défaut d’action, le Conseil d’Etat avertissait le Gouvernement qu’une amende colossale de 10 millions d’euros pourrait être prononcée par semestre de retard dans l’adoption de mesures permettant de respecter les seuils fixés pour certaines particules polluantes. N’ayant pas agi en ce sens, le juge a tenu promesse en le condamnant à payer une telle somme pour le premier semestre 2021.


    L’ambition de cette newsletter ? Donner les moyens à toutes et tous de comprendre les enjeux de telles actions en justice face à l’urgence climatique ! Abonnez-vous pour recevoir, chaque mois, les actualités et informations sur ces affaires qui font avancer, partout dans le monde, nos droits et ceux de la nature face aux dégradations environnementales et climatiques : le combat qui se joue dans les tribunaux est bien celui de la défense des pollués face aux pollueurs, nouvel enjeu du XXIe siècle.

  • De la Déclaration des droits du fleuve Tavignanu au déploiement des droits de la nature dans les collectivités françaises

    Communiqué de presse – Jeudi 9 septembre 2021

    Le 29 juillet, la Déclaration des droits du fleuve Tavignanu est née. Il s’agit d’une première en France, portée par Tavignanu Vivu, Umani et Terre de Liens Corsica, avec l’aide des juristes de Notre Affaire à Tous. Ce jeudi 9 septembre, les associations de cette Déclaration ont réitéré leur appel pour l’organisation d’une consultation citoyenne voire d’un référendum local visant à donner force contraignante à cette Déclaration. Elles ont reçu l’appui de nombreuses personnalités politiques de Corse et de l’hexagone: une dizaine de collectivités, dont plusieurs maires des grandes villes de France, se sont à cette occasion engagées à déployer, sur leurs territoires, une déclinaison concrète des droits de la nature.

    Le fleuve Tavignanu est menacé par le projet de la société Oriente Environnement relatif à l’enfouissement de déchets ménagers et assimilés, de déchets amiantés et de terres amiantifères, sur un terrain potentiellement instable, dans un méandre du fleuve ; très certainement justifié par la volonté de bétonner encore et la demande de promoteurs immobiliers.

    Pour Pascale Bona, du collectif Tavignanu Vivu : “Le fleuve Tavignanu doit devenir sujet de droit, nous devons obtenir un large soutien à cette idée pour qu’elle devienne une réalité”. “Des jeunes corses brandissent leur gourde, avec le message du Tavignanu: « Salvatemi – Sauvez-moi !  » Le cri d’un fleuve en danger de mort”, ajoute Jean-François Bernardini, président de Umani.

    En soutien au Tavignanu, à sa Déclaration et aux collectifs, Paul Toussaint Parigi, sénateur de la Haute-Corse, l’eurodéputé François Alfonsi (représenté), Pierre Athanaze, vice-président à l’Environnement de la métropole de Lyon, Christian Métairie, maire d’Arcueil, Fabien Perez, président du groupe écologiste de Marseille, ainsi que Marie Toussaint, eurodéputée, étaient présents à Marseille et ont également soutenu l’appel à l’organisation d’une consultation citoyenne (comme ce qui avait été fait pour Notre-Dame des Landes) puis d’un référendum local par les collectivités territoriales corses concernées par le devenir du fleuve Tavignanu.

    Au même moment et en écho à cette conférence de presse, les villes de Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Besançon ou encore Tours, où un Parlement de Loire a été mis en place, ont également apporté leur soutien et annoncé l’engagement d’initiatives concrètes sur leurs territoires à travers cette tribune. Pierre Athanaze a notamment annoncé la signature par la Ville et la Métropole de Lyon de l’Appel du Rhône.

    La mobilisation des élus et collectivités de France est essentielle et constitue un premier pas vers le déploiement des droits de la nature dans les territoires. Ce qui était improbable il y a encore quelques années est donc en train de se produire: les droits de la nature deviennent une réalité en France.

    Aux Etats-Unis, des riverains avaient soumis à référendum local la reconnaissance des droits du lac Érié, pollué aux algues vertes. La décision devenue contraignante a été attaquée par les industries agro-alimentaires, et la bataille s’y poursuit. C’est aujourd’hui en Espagne que les citoyennes et citoyens se mobilisent : une initiative législative populaire y a vu le jour en 2020. Le but est de reconnaître des droits à la Mar Menor, la plus grande lagune d’eau salée d’Europe qui connaît une pollution sans précédent, conséquence de l’agriculture intensive alentour qui déverse directement dans la lagune des eaux usées contenant des nitrates et des engrais chimiques. La Déclaration des droits du fleuve Tavignanu s’inscrit dans cette tendance qui émerge en Europe et dans le monde.

    Pour Marine Yzquierdo, avocate et membre de Notre Affaire à Tous, “Face aux limites du droit de l’environnement, les droits de la nature apparaissent comme un outil supplémentaire pour rééquilibrer les rapports entre l’humain et le vivant et ne plus subordonner la défense d’un écosystème à l’existence d’intérêts humains”.

    Les associations entendent également porter leur démarche au niveau européen, avec l’aide de l’eurodéputée Marie Toussaint. Pour Marie Toussaint:La révolution des droits de la nature est nécessaire, et elle est en marche. En Espagne, l’initiative citoyenne sur la Mar Menor a reçu la quasi intégralité des 500 000 soutiens nécessaires. Je souhaite le même succès à l’initiative portée par les collectifs engagés pour le Tavignanu. Avec les élu.e.s mobilisé.e.s, nous continuerons à porter, par les territoires et dans les droits français et européens, cette révolution juridique essentielle.

    A l’occasion du Congrès de l’UICN, les ministres et le Président de la République se succèdent à Marseille pour vanter les politiques menées en faveur de la biodiversité, alors que l’érosion de la biodiversité ne fait qu’empirer. Les solutions sont pourtant connues et simples : protéger plutôt que détruire et bétonner, préserver plutôt que compenser. La reconnaissance des droits de la nature doit permettre de faire en sorte que les politiques déployées, de l’agriculture à l’aménagement urbain et industriel, respectent enfin l’impératif de préservation du vivant.

    Contacts presse :

    • Notre Affaire à Tous: Marine Yzquierdo – 06.50.27.05.78
    • Tavignanu Vivu: Pascale Bona – 06.23.56.52.19
    • Umani/Terre de Liens Corsica: Jean-François Bernardini – 06.87.77.83.37
    • Marie Toussaint: 06.42.00.88.68
  • CP / Effondrement de la biodiversité : les associations Notre Affaire à Tous et POLLINIS lancent une action en justice contre l’État français

    Communiqué de presse

    9 SEPTEMBRE 2021 / MARSEILLE

    Alors que le Congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) se tient à Marseille, Notre Affaire à Tous et POLLINIS lancent la première étape d’une action en justice sans précédent contre l’État français pour manquement à ses obligations de protection de la biodiversité. Les deux associations visent notamment les défaillances notoires du processus d’autorisation et de mise sur le marché des pesticides, cause majeure du déclin massif de la biodiversité. Elles entendent faire reconnaître la faute de l’État dans la sixième extinction de masse.

    « Par son ampleur et sa visée, ce recours constitue une première mondiale, indique Cécilia Rinaudo coordinatrice de Notre Affaire à Tous, association de juristes à l’origine de l’Affaire du siècle, l’action en justice pour le climat. Les récentes actions pour le climat ayant abouti à de nombreux succès, et face à l’inertie politique pour sauver la biodiversité, nous saisissons aujourd’hui les tribunaux pour lancer la première action en justice citoyenne dans le monde pour la biodiversité. Alors que le sommet de l’IUCN se termine, il est temps que l’État français soit tenu responsable de l’effondrement du vivant là où il pourrait – et devrait – agir, et respecte ses engagements ».

    « Malgré tous les discours, et au mépris des lois et des conventions nationales, européennes et internationales, l’État français a failli à mettre en place un système d’homologation des pesticides réellement protecteur des pollinisateurs et de la faune en général, estime Nicolas Laarman, délégué général de POLLINIS. Les chiffres de l’effondrement en cours sont effroyables. Ce déclin généralisé de la biodiversité aura des conséquences dramatiques sur les équilibres du vivant et menace l’avenir des prochaines générations ».

    Les dernières études scientifiques sont implacables

    Au niveau mondial, plus de 40 % des espèces d’insectes sont en déclin, dont 30 % menacées d’extinction et tous les insectes pourraient avoir disparu de la surface de notre planète dans 100 ans. En Europe, la masse des insectes ailés a déjà diminué de 75 % en moins de trente ans. En première ligne, les insectes pollinisateurs, tels que les abeilles, dont dépendent 84 % des espèces cultivées en Europe.

    L’État français, conscient de ces enjeux dramatiques, tient des discours ambitieux sur la protection de l’environnement et multiplie ses engagements internationaux, européens et nationaux, récemment réitérés dans le cadre du Congrès de l’UICN.

    Alors que l’Assemblée générale des Nations unies doit débattre de la reconnaissance du droit universel à un environnement sain et que les Plans nationaux santé environnement (PNSE) sont inefficaces et demeurent peu ambitieux, les constats sur la perte de la biodiversité, pilier du concept de santé environnementale, sont catastrophiques. Force est de constater que l’Etat français ne tient pas les objectifs de protection de la biodiversité qu’il s’est lui même-fixés.

    L’une des causes majeures du déclin généralisé de la biodiversité est le recours immodéré et systématique aux pesticides, or la France est toujours, en valeur absolue, parmi les plus gros consommateurs de pesticides d’Europe. Tous les plans Écophyto de réduction des pesticides ont échoué. Les néonicotinoïdes, particulièrement toxiques et dommageables, viennent de bénéficier d’une dérogation et le glyphosate ou les fongicides SDHI sont encore en usage.

    Plus grave encore, comme le démontrent les deux associations, les pesticides nocifs pour le vivant sont autorisés sans contrôle rigoureux et sans évaluation pertinente de leurs effets réels sur la biodiversité. Aujourd’hui, c’est l’ensemble des territoires qui sont contaminés durablement par une pollution diffuse, les molécules se retrouvant à long terme dans les sols, l’air, les cours d’eau et les nappes phréatiques.

    Une action en justice citoyenne d’une ampleur et d’une portée sans précédent

    À travers le lancement de ce recours en carence fautive visant à voir reconnaître le préjudice écologique, les associations POLLINIS et Notre Affaire à Tous demandent donc à l’État de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection du vivant et, en conséquence, de mettre à jour le processus d’homologation des pesticides, aujourd’hui insuffisant.

     « Il en va de la responsabilité de l’État de mieux protéger la nature, de reconnaître aux éléments naturels leur valeur intrinsèque et de mieux les préserver, estiment les associations. Comme l’a démontré la récente décision du tribunal administratif de Paris dans l’Affaire du Siècle, l’outil du droit est essentiel pour initier cette nécessaire évolution de notre rapport au vivant. Ainsi que l’a reconnu le Conseil constitutionnel, l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains et nous ne pouvons plus fermer les yeux sur sa destruction ».

    Pour appuyer cette action en justice, les associations lancent également une grande campagne de mobilisation pour interpeller le gouvernement, afin que l’État prenne rapidement les mesures nécessaires.

    Si la réponse du gouvernement n’est pas satisfaisante d’ici deux mois, les deux associations procéderont au dépôt du recours de plein contentieux devant le tribunal administratif de Paris.

    CONTACTS PRESSE

    Notre Affaire à Tous
    Chloé Gerbier,
    juriste et porte-parole gerbierchloe@gmail.com

    POLLINIS

    Julie Pecheur, directrice du plaidoyer et porte-parole juliep@pollinis.org


  • CP / Droits de la nature: le fleuve Tavignanu doté d’une déclaration de droits, une première en France

    Jeudi 29 juillet 2021

    Une coalition regroupant le collectif Tavignanu Vivu, UMANI et Terre de Liens Corsica-Terra di u Cumunu, et assistée par Notre Affaire à Tous, lance aujourd’hui la déclaration des droits du fleuve Tavignanu en Corse. Il s’agit d’une première en France. Déjà soutenue par plusieurs citoyens, élus locaux et eurodéputés, cette déclaration ambitionne à terme d’aboutir à l’organisation d’un référendum local sur le statut du fleuve Tavignanu.

    Cette déclaration s’inscrit dans le mouvement mondial de reconnaissance des droits de la nature qui est en plein essor, et marque le début d’une révolution juridique et culturelle en France où les initiatives locales pour les droits de la nature se multiplient. Elle fait suite à l’autorisation d’exploitation d’un projet industriel particulièrement menaçant pour le fleuve Tavignanu.

    Le fleuve Tavignanu est le deuxième fleuve de Corse et abrite une biodiversité remarquable. La basse vallée du Tavignanu est classée site Natura 2000 et le fleuve a également été inventorié à trois reprises comme ZNIEFF. Ce fleuve est pourtant menacé par un projet d’enfouissement de déchets ménagers et assimilés, de déchets amiantés et de terres amiantifères devant être installé dans un méandre du fleuve, en amont des captages pour l’eau potable et l’eau d’irrigation de toute la région. De nombreux citoyens et associations, soutenus par des autorités corses, dénoncent depuis de nombreuses années, expertises à l’appui, l’instabilité du terrain potentiellement amiantifère sur lequel doit être installé le projet, et les risques de pollution du fleuve et de sa biodiversité environnante, jusqu’à son embouchure. Malgré cette forte opposition, le Conseil d’Etat a récemment validé l’autorisation d’exploiter de l’entreprise Oriente Environnement.

    Face à cette décision, le collectif Tavignanu Vivu, UMANI et Terre de Liens Corsica-Terra di u cumunu (la “coalition”) ont décidé de continuer le combat sur un autre terrain. Ils ont contacté Notre Affaire à Tous pour les aider à rédiger une déclaration de droits pour le fleuve Tavignanu, inspirée du modèle de Déclaration Universelle des Droits des Rivières du Earth Law Center.

    Une telle démarche a été favorisée par une rencontre entre le collectif Tavignanu Vivu et Valérie Cabanes, juriste internationaliste qui milite activement pour les droits de la nature, lors d’une conférence au parc Galea en 2019.

    Pour Alexis Cortinchi, du collectif Tavignanu Vivu, “l’autorisation d’exploiter donnée à ce projet d’enfouissement relève d’une irresponsabilité coupable. Le Tavignanu a des droits impérieux, il nous appartient à tous de les faire valoir”. “Nous faisons tous partie du « peuple des fleuves »”, ajoute Jean-François Bernardini d’Umani.

    Pour Marine Yzquierdo, qui a coordonné le travail de rédaction de la déclaration au sein de Notre Affaire à Tous, “cette déclaration est une réponse au cadre judiciaire actuel qui autorise la pollution d’un écosystème pourtant essentiel au maintien et au fonctionnement de la vie dans la région. Nous sommes heureux d’assister le collectif pour porter cette déclaration, et espérons aider d’autres collectifs et collectivités locales à lancer des initiatives similaires pour protéger des entités naturelles menacées par des projets industriels, comme ce que nous observons dans différents pays.

    La coalition entend ensuite porter cette déclaration à l’échelle européenne et sensibiliser les décideurs européens. Elle souhaite également organiser, à terme, un référendum local sur le statut du fleuve Tavignanu. Après la bataille judiciaire, l’objectif est à présent d’agir sur le terrain politique. Citoyens, associations, élus locaux et eurodéputés sont donc invités à soutenir cette déclaration en signant la pétition en ligne à l’adresse suivante: https://www.tavignanu.corsica/. Les élus locaux sont en outre invités à adopter cette déclaration en séance afin de lui donner plus de portée.

    Marie Toussaint, eurodéputée, estime que “cette initiative n’est pas sans rappeler celle portée par les riverains du Lac Erié, aux Etats-Unis, qui se battent contre les industries polluantes à l’aide d’une déclaration des droits du lac rédigée et plébiscitée par voie de référendum citoyen. Peu à peu, ces déclarations citoyennes deviennent du droit dur, contraignant. Et ce que prouve cette nouvelle initiative citoyenne, c’est à la fois que la reconnaissance des droits de la nature est une urgence, et que les citoyens l’ont compris. C’est au tour de l’Etat et de l’Europe de le concrétiser.

    Le lancement de cette déclaration constitue une première étape. Une deuxième étape avec une conférence de presse est prévue le 9 septembre prochain à Marseille, lors du Congrès de l’UICN, au cours de laquelle la coalition détaillera les suites attendues de cette déclaration.

    Pour en savoir plus et soutenir cette déclaration: https://www.tavignanu.corsica/.

    Contacts presse :

    Notre Affaire à Tous : Marine Yzquierdo – 06.50.27.05.78
    Collectif Tavignanu Vivu : Alexis Cortinchi – 06.75.32.98.27
    UMANI : Jean-François Bernardini – 06.87.77.83.37
    Terre de Liens Corsica-Terra di u Cumunu : Stevana Careddu – 07.71 .58.33.01
    Marie Toussaint : 06.42.00.88.68

  • Le climat s’installe à Strasbourg : Les enseignements des premières requêtes portées devant la Cour européenne des droits de l’Homme

    Article écrit par Christel Cournil et Camila Perruso, en ligne sur HAL, publié avec l’autorisation de la revue.

    Partout dans le monde (1) de réelles stratégies contentieuses se dessinent pour pousser tant les pouvoirs publics que les «Carbon majors» à aller plus loin dans la lutte climatique. Plus d’un millier de «procès climatiques» (2) ont été intentés jusqu’ici. En se saisissant de «l’arme du droit» pour contraindre les Etats et les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre («GES»), la société civile concourt à redessiner les premiers traits d’une métamorphose de leur responsabilité tout en souhaitant impulser par ricochet des réactions politiques (3).

    En Europe, la célèbre affaire Urgenda (4), le procès «colibri» (5) a marqué incontestablement un tournant. Bien que sa portée directe soit limitée à la politique d’atténuation des changements climatiques des Pays-Bas à l’horizon 2020, cette décision a participé à subjectiver l’Etat comme un des acteurs de la justice climatique et à objectiver la responsabilité qui en découle. Depuis en Europe, on a assisté à une multiplication de recours contre les Etats avec les mêmes types de demandes de reconnaissance d’insuffisance des cadres réglementaires et d’injonction à corriger à la hausse les objectifs climatiques. Encore dernièrement, la Cour constitutionnelle allemande et la Hague District Court au Pays-Bas ont rendu des décisions décisives pour la justice climatique et particulièrement riche d’enseignements sur le plan des obligations climatiques, de la due diligence, des droits de l’Homme et des générations futures touchées par la menace climatique (6).


    La finalité de ces contentieux climatiques n’est pas tant de chercher une indemnisation que de concourir au durcissement du droit posé ou de faire évoluer son interprétation à l’occasion du procès. Il s’agit surtout de soumettre au pouvoir judiciaire des demandes d’injonctions réparatrices de portée plus générale dépassant ainsi le cas d’espèce. Si sa fonction première est de résoudre les litiges des parties en présence, par ses décisions invoquant des principes de portée générale, le juge participe aussi au renforcement de l’effectivité du droit et concourt in fine à faire «bouger les lignes». En effet, placé au cœur de problématiques environnementales complexes et contraint de trancher les litiges et de
    «démêler les conflits», le juge contribue à redessiner les rapports de force en présence, à définir une meilleure compréhension et application des cadres normatifs tout en œuvrant inévitablement à leurs transformations dans le respect de l’Etat de droit.

    Si ces actions contentieuses ont été majoritairement engagées devant les tribunaux nationaux, elles changent depuis peu d’échelles en s’orientant également vers les organes supranationaux : d’abord devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme (7), puis le juge de l’Union européenne (8) et les Comités onusiens (9) (Comité des droits de l’homme, CDH et Comité sur les droits des enfants, CDE). Ce sont désormais les prétoires en charge de la protection des droits de l’homme qui questionnent la pertinence «des droits de l’homme au service de la lutte climatique» (10). Cette nouvelle génération de contentieux climatiques place incontestablement les droits fondamentaux (11) au cœur des argumentaires judiciaires. Et si le système onusien des droits de l’homme œuvre depuis 2008 sur le sujet (12) notamment dans une perspective d’approche catégorielle des droits de l’homme en prenant en compte les vulnérabilités, de son côté le Conseil de l’Europe a également manifesté de l’intérêt pour la thématique dans les travaux de son Assemblée parlementaire qui a proposé des réflexions prospectives sur la protection des déplacés climatiques ou récemment sur l’adoption d’un protocole sur le droit à l’environnement sain. Il était donc prévisible que la Cour européenne des droits de l’homme devienne la nouvelle «arène judiciaire» à apprécier les obligations climatiques des Etats.


    Le juge européen, Tim Eicke (13), souligne que même si jusqu’à présent aucune décision spécifique sur les changements climatiques n’a été rendue, plus de 300 décisions et arrêts tranchent des questions environnementales. Toutefois, si le juge de Strasbourg est accoutumé à traiter de ces enjeux, reste que la question climatique présente des spécificités et des problématiques inédites (urgence, obligation extraterritoriale, obligation de coopération, obligation collective, lien de causalité, intérêt à agir, etc.). A la fin de l’année dernière, deux requêtes ont été déposées devant la Cour et une troisième en 2021 ; elles ont toutes pour point commun de traiter du sort de «vulnérables» (I), tout en posant des défis au juge tant sur le plan de leur recevabilité (II) que de l’interprétation des enjeux de santé ou des obligations climatiques (III) pesant sur les Etats.

    I- Des catégories de vulnérables au cœur des espèces pendantes devant la Cour de Strasbourg

    Les deux affaires présentées à la Cour EDH traitent de la protection de catégorie de vulnérables. C’est d’ailleurs le point commun avec d’autres procès climatiques menés ailleurs dans le monde. Que ce soit par le biais de la condition de l’enfant ou celle de la femme âgée, les requérants insistent ici singulièrement sur leur vulnérabilité en documentant scientifiquement cette stigmatisation résultant des effets délétères du changement climatique sur leur condition de vie. Déposée le 7 septembre 2020 devant la Cour EDH, la première requête est portée par six jeunes portugais (14).

    Face aux fortes vagues de chaleur et aux incendies de forêt dévastateurs et meurtriers de 2017, ces jeunes s’appuient sur les pronostics scientifiques indiquant que la trajectoire actuelle d’augmentation de la température d’environ 3°C entraînera trente fois plus de décès en Europe occidentale d’ici la période 2071-2100. Afin de les préserver des risques d’atteintes à leur vie et d’assurer leur avenir, ils demandent que la Cour retienne la responsabilité de 33 Etats parties sur la base des articles 2, 8 et 14 de la CEDH15. En effet, les petits Portugais mettent en cause, en même temps, la responsabilité de tous les Etats parties à la CEDH en considérant qu’ils sont fautifs en raison de leur manquement à respecter les engagements de réduction de GES. A l’aide d’argumentaires orientés sur les obligations issues de l’Accord de Paris, les requérants s’appuient sur la mise en péril de leur avenir, en insérant la lutte climatique dans un contexte global et préventif de responsabilisation des Etats. C’est donc en l’inscrivant dans une perspective d’urgence que la Cour a décidé le 20 novembre 2020 de traiter la requête en priorité, en demandant à tous les Etats mis en cause d’y répondre.

    Puis, la seconde requête climatique déposée le 26 novembre 2020 devant la Cour EDH concerne les membres de l’association des Aînées pour la protection du climat (16) qui demandent au juge de Strasbourg de les protéger contre les conséquences des changements climatiques. Cette
    requête semble s’inscrire davantage dans les repères auxquels la juridiction est habituée dans sa jurisprudence environnementale, étant donné qu’un seul Etat est mis en cause. L’association suisse réunit plus de 1.800 femmes dont l’âge moyen est de 76 ans, et dont la mission est celle d’œuvrer pour les droits fondamentaux et de protéger le climat. Face aux vagues de chaleur de plus en plus fréquentes entraînées par les changements climatiques, les aînées considèrent être l’un des groupes les plus vulnérables. L’association a déjà mené un combat judiciaire au niveau national sans avoir obtenu satisfaction, leur demande ayant été rejetée par le tribunal fédéral suisse au printemps 202017. L’association s’est alors tournée vers l’organe supranational en s’appuyant sur la jurisprudence environnementale consolidée de la Cour de Strasbourg, leur requête se fondant sur les articles 6, 2 et 8 de la CEDH (18). Les requérantes suisses indiquent que l’Etat n’a pas mis en œuvre de mesures pour atteindre les objectifs climatiques fixés en droit international et en conformité avec les conclusions scientifiques, les exposant à des risques majeurs de mortalité et morbidité (19). En mars dernier, la Cour a décidé ici encore de donner la priorité à la requête en vertu de l’article 41.

    Enfin, soutenue par la collectif Fridays for Future, une troisième requête (20) a été déposée par l’avocate Michaela Krömer. Son client, un Autrichien atteint d’une forme de sclérose en plaques (syndrome d’Uhthoff) dépendante de la température (21), souhaite poursuivre son gouvernement en justice afin de le contraindre à agir davantage contre le changement climatique. Sorte de cas d’école et incontestablement un «contentieux stratégique», la crise climatique affecterait déjà sa vie quotidienne, sa dignité personnelle et son bien-être. Comme pour l’affaire des petits Portugais, la plainte a été portée directement (22) devant la Cour EDH, étant donné que selon le droit autrichien l’inaction de l’Alpine nation’s legislature ne semble pas pouvoir être contestée devant un tribunal au plan interne.

    II- Des conditions de recevabilité à dépasser dans l’affaire des petits Portugais

    A l’instar de la communication Greta et autres déposée devant le Comité des droits de l’enfant, les requérants n’ont pas mené en l’espèce de procédure contentieuse sur le plan interne et par conséquent, n’ont pas épuisé les voies de recours interne. La requête des petits Portugais est présentée directement devant la Cour EDH, sans passer par les prétoires nationaux. Or, la règle procédurale d’épuisement des voies de recours internes répond au principe de subsidiarité du contentieux international sur lequel repose l’idée que c’est d’abord le juge national qui est le garant de la protection des droits humains. Ce n’est qu’en cas de défaillance de ce dernier qu’une instance internationale est légitime pour intervenir (23). Cette règle peut néanmoins être assouplie si les personnes n’ont pas eu accès à un recours effectif sur le plan interne. En l’espèce, les requérants soulèvent trois principales raisons d’impossibilité de saisir toutes les juridictions nationales (24) des Etats mis en cause.

    Tout d’abord, ils arguent que, même en admettant avoir intérêt à agir dans ces différents Etats, ce serait une charge non seulement trop contraignante (voire trop coûteuse) mais également disproportionnée de devoir saisir tous les Etats mis en cause au préalable, les exonérant donc de cette exigence.

    Puis, les requérants considèrent que l’urgence climatique justifie le non-épuisement des voies de recours internes. En effet, une autre des dispenses de cette règle se réfère au dépassement des délais raisonnables du recours. En arguant qu’il y a une marge temporelle très limitée pour que la trajectoire 1,5°C puisse encore être respectée, les jeunes Portugais entendent qu’il y a un besoin exceptionnel pour que la Cour EDH reconnaisse la responsabilité des 33 Etats; selon eux, l’engagement de recours sur le plan interne prendrait trop de temps et ne permettrait pas de respecter ce délai raisonnable dont il est question (25).


    L’impossibilité d’épuiser les voies de recours internes est enfin fondée, selon les requérants, sur la mise en cause d’une pluralité d’Etats: puisqu’il n’est pas raisonnable d’aller chercher leur responsabilité individuellement alors qu’ils sont tous présumés responsables, la seule voie de recours trouvée est celle supranationale. Ce qui est donc en question, et qui constitue une condition de recevabilité, consiste à savoir si ces Etats ont juridiction pour répondre des violations des droits de l’homme soulevées. Les petits Portugais allèguent que les Etats européens mis en cause ont une responsabilité partagée (shared responsibility (26)) en ce qui concerne les changements climatiques. Dès lors, ils expliquent qu’ils relèvent de la juridiction du Portugal selon les termes de l’article 2 de la CEDH, ainsi que de la compétence extraterritoriale des autres 32 Etats, étant donné les circonstances particulières de l’affaire (27).

    III- La demande de prise en compte des enjeux de santé et la difficile détermination des obligations climatiques

    Les enjeux «santé» liés aux changements climatiques sont au cœur des trois requêtes présentées à la Cour EDH. Les jeunes portugais évoquent même – comme dans l’affaire Greta – leur «éco-anxiété» face aux catastrophes naturelles et liée à la perspective de vivre dans un climat de plus en plus chaud pendant toute leur vie. Si la Cour a déjà traité des problématiques environnementales ayant des effets néfastes sur la santé dans lesquelles des mesures n’ont pas été efficacement adoptées par l’Etat, elle a toutefois indiqué qu’il ne lui appartenait pas de déterminer précisément les mesures qu’il aurait dû adopter pour réduire par exemple la pollution. En effet, la compétence de la Cour de Strasbourg se limite à la vérification de la mise en place de certaines mesures avec diligence raisonnable au sein de sa juridiction (28) (une obligation de diligence raisonnable, donc). La Cour EDH se remet à l’Etat s’agissant des détails de mise en œuvre.

    Même si la Cour se montre plus exigeante lorsqu’il est question du droit à la vie, elle considère qu’une charge impossible ou disproportionnée ne devrait pas être imposée aux autorités sans qu’une attention particulière ne soit accordée aux choix opérationnels qu’elles auraient mis en œuvre (29). Dès lors, dans ces nouvelles espèces climatiques, la Cour devra accepter de préciser la manière spécifique dont ces obligations de moyen des Etats doivent être appliquées s’agissant de la réduction des émissions de GES. Elle pourrait ainsi admettre de contrôler les trajectoires et les objectifs chiffrés intermédiaires pour atteindre cette dernière, mais aussi de déterminer si l’Etat a agi ou non avec diligence raisonnable dans la mesure où le lien avec d’éventuelles violations des droits de la Convention est prouvé.

    Par ailleurs, les plaignants mobilisent des sources exogènes à la CEDH, élargissant la portée des droits et des obligations qui en découlent. Ils appuient leurs arguments sur la Convention internationale sur les droits de l’enfant, sur les instruments du régime climat ou encore la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (30). Pour la Cour EDH, il s’agit d’un procédé auquel elle est habituée, celui de l’interprétation évolutive qui consiste aussi à établir le contenu des droits et des obligations de la CEDH à la lumière d’autres instruments. Il sera en revanche plus difficile – mais pas impossible – pour la Cour EDH de déterminer le contenu d’obligations climatiques qui ne sont pas développées ni dans la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques («CCNUCC») ni dans l’Accord de Paris, à l’instar des inventaires nationaux. En effet, un des éléments cruciaux de l’argumentaire des requérants pour mettre en cause 32 Etats (au-delà
    du Portugal), se fonde sur le fait qu’ils n’ont pas adopté des mesures administratives et législatives s’agissant des émissions de GES générées en dehors de leurs territoires en ce qui concerne l’importation de produits venant d’autres régions du monde (31). Or, la CCNUCC et l’Accord de Paris n’attribuent pas d’émissions provenant d’importations, car les inventaires se fondent sur les émissions générées à l’intérieur du territoire d’un Etat (32). Ce faisant, les requérants demandent à la Cour EDH d’aller plus loin par le biais de la CEDH, ce qui paraît encore incertain compte tenu de sa démarche de se servir d’autres instruments pour compléter ses dispositions – et non le contraire. Ce n’est du reste pas impossible que la Cour s’inspire du travail déjà entamé par les Comités onusiens (33) notamment sur la caractérisation d’obligations extraterritoriales en matière climatique.

    S’il ne fait plus de doute que certains organes de contrôle des droits de l’homme sont tout à fait réceptifs à la problématique environnementale, il reste encore à vérifier la manière dont la lutte climatique sera appréhendée et notamment lorsque sont en cause plusieurs Etats, comme demande la requête des jeunes Portugais. Si la Cour EDH accepte de se prononcer sur le fond de ces requêtes climatiques – et elle peut faire cet effort interprétatif en s’alignant à sa jurisprudence environnementale –, son jugement sera regardé avec attention par les différents juges nationaux déjà saisis sur les enjeux climatiques. Rappelons que si dans l’affaire Urgenda la Cour suprême néerlandaise a soutenu l’application de la jurisprudence de la Cour EDH aux changements climatiques, car ceux-ci présentent des risques réels et immédiats pour les personnes vivant aux Pays-Bas34, d’autres juges (35) ont réceptionné ces arguments avec plus ou moins de prudence. En France par exemple, alors que les
    parties l’y encourageaient dans leurs requêtes, le tribunal administratif de Paris (36) comme le Conseil d’Etat (37) n’ont pas fondé l’obligation climatique de l’Etat sur les stipulations de la CEDH, notamment sur ses articles 2 et 8 (38). En revanche récemment en Allemagne (39) et aux Pays-Bas (40), les juges nationaux ont réceptionné clairement les arguments portant sur les droits humains en obligeant tant l’Etat qu’une Carbon Majors à accentuer leur action en matière de réduction de GES. Et puisqu’ici la Cour n’a pas encore été saisie pour avis consultatif sur la base du Protocole 16, ce qui aurait permis d’avoir une première interprétation supranationale en matière climatique, il faudra donc attendre que la Cour de Strasbourg se prononce sur ces requêtes pour savoir jusqu’où les droits de l’homme peuvent servir la lutte climatique.

    Notes :

    1- Programme des Nations unies pour l’environnement, Global Climate Litigation Report 2020 : Status Review, 2021, 52 p.

    2 – C. Cournil (dir.), Les grandes affaires climatiques, éd. DICE, Confluences des droits, 2020 (https://dice.univ-amu.fr/sites/dice.univamu.fr/files/public/cdd10_-_les_grandes_affaires_climatiques_2.pdf).

    3- A. Wonneberger, R. Vliegenthart, «Agenda-Setting Effects of Climate Change Litigation: Interrelations Across Issue Levels, Media, and Politics in the Case of Urgenda Against the Dutch Government», Environmental Communication, 2021, 17 p.(https://doi.org/10.1080/17524032.2021.1889633).

    4- Cour d’appel de La Haye, 9 octobre 2018, Urgenda c. Pays-Bas, no 200.178.245/01 ; Suprême Cour des Pays-Bas, 12 décembre 2019, Hoge Raad, ECLI:NL:HR:2019:2006, 19/00135.


    5 – D. Missone, «Urgenda c. Pays-Bas (2019)», in C. Cournil (dir.), op. cit., p. 220.

    6- Federal Constitutional Court, décision du 24 mars 2021, no 1 BvR 2656/18, 1 BvR 96/20, 1 BvR 78/20, 1 BvR 288/20. Communiqué de presse : https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/EN/2021/bvg21-031.html et Hague District Court, 26 mai 2021, Les amis de la terre et al. c/ RoyalDutch Shell. La décision en ligne : https://uitspraken.rechtspraak.nl/inziendocument?id=ECLI:NL:RBDHA:2021:5339.

    7- Voir la pétition Inuit en 2005 et celle du peuple Athabaskan en 2013. C. Perruso et L. Varison, «La saisine du système interaméricain de protection des droits de l’homme en matière climatique, l’analyse des pétitions autochtones», in C. Cournil, L. Varison (dir.), Les procès climatiques: du national à l’international, Paris, Pedone, 2018, pp. 179-193. Voir aussi la dernière pétition présentée à cet organe : «Seeking to Redress Violations of the Rights of Children in Cité Soleil, Haiti», 2021.

    8- Affaires People’s Climate Case (aff. C-565/19 P) et Sabo (aff. C-297/20 P) devant le Tribunal et la Cour de justice de l’Union européenne.

    9- Voir l’affaire Ioane Teitiota c. Nouvelle-Zélande rendue par le CDH, 24 octobre 2019, CCPR/C/127/D/2728/2016, l’affaire des habitants des Îles du détroit de Torrès portée devant le CDH (https://www.clientearth.org/latest/latestupdates/news/human-rights-and-climate-change-world-first-case-to-protectindigenous-australians/) et la Communication déposée devant le Comité des droits de l’enfant le 23 septembre 2019, Chiara Sacchi et al. c. Argentine, Brésil, France Allemagne, Turquie (https://childrenvsclimatecrisis.org/wp-content/uploads/2019/09/2019.09.23-CRC-communication-Sacchi-et-al-v.-Argentinaet-al.pdf).

    10- C. Perruso, «Les droits de l’homme au service de la lutte climatique», in C. Cournil, La fabrique d’un droit climatique au service de la trajectoire «1.5», Paris, Pedone, 2021, pp. 243-264.

    11- C. Cournil, «Les droits fondamentaux au service de l’émergence d’un contentieux climatique contre l’Etat. Des stratégies contentieuses des requérants à l’activisme des juges», in M. Torre-Schaub et al. (dir), Quel(s) droit(s) pour les changements climatiques, Paris, Mare et Martin, 2018, pp. 185-215.

    12- C. Cournil, C. Perruso, «Réflexions sur “l’humanisation” des changements climatiques et la “climatisation” des droits de l’homme. Émergence et pertinence», La Revue des droits de l’homme, 14/2018.

    13- T. Eicke, «Human rights and climate change : what role for the European court of human rights», Discours inaugural annuel sur les droits de l’homme de l’Université Goldsmiths, prononcé en ligne le mardi 2 mars 2021.

    14- Requête déposée le 3 septembre 2020 devant la Cour EDH, dans l’affaire Cláudia Duarte Agostinho et autres c. le Portugal et 32 autres Etats (requête no 39371/20).

    15- Respectivement: droit à la vie, droit à la vie privée et familiale et interdiction de discrimination. Voir requête déposée devant la Cour EDH, préc., §§ 24-31.

    16- Requête déposée le 26 novembre 2020 devant la Cour EDH, dans l’affaire Association Aînées pour la protection du climat c. Suisse.

    17- R. Mahaim, «Les ainées pour la protection du climat c. Confédération Suisse», in C. Cournil (dir.), op. cit., pp. 169-180.

    18- Respectivement: droit au recours effectif, droit à la vie, droit à la vie privée et familiale. Voir requête déposée le 26 novembre 2020 devant la Cour EDH, dans l’affaire Association Aînées pour la protection du climat c. Suisse, § 16.

    19- Ibid.

    20- Voir la requête X. c. Autriche (https://www.michaelakroemer.com/wp-content/uploads/2021/04/rechtsanwaeltin-michaela-kroemer-klimaklagepetition.pdf).

    21- Ses muscles sont affectés lorsque les températures dépassent 25°C.

    22- Une requête constitutionnelle portant sur une demande d’invalidation de l’exemption de taxe des usagers des vols aériens a toutefois été introduite par le requérant. Elle a été rejetée pour défaut d’intérêt à agir. Voir §§ 57 à 59 de la requête.

    23- Article 35, § 1er, de la CEDH; article 7(e) du Protocole facultatif à la CIDE établissant une procédure de présentation de communications.

    24- Requête déposée devant la Cour EDH, préc., annexe, § 40.

    25- § 32.

    26- Annexe, §§ 10-13. Sur la responsabilité partagée, les requérants se fondent sur les articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, UN Doc. A/56/10, 2(2) ILC Yearbook, 2001, 26 et notamment sur le travail doctrinal : A. Nollkaemper, J. d’Aspremont, C. Ahlborn, B. Boutin, N. Nedeski, I. Plakokefalos, «Guiding Principles on Shared Responsibility in International Law», EJIL, 36, 31, 2020, pp. 15-72.

    27- Requête Duarte Agostinho déposée devant la Cour EDH, préc., annexe, §§ 14-16. Cette compétence est particulièrement discutée dans les tierces interventions déposées devant la Cour sur cette affaire. Elles éclairent le juge sur les possibilités d’extension de sa jurisprudence en matière climatique (dommages extraterritoriaux et l’interprétation du terme de juridiction).

    28- Cour EDH, 9 juin 2005, Fadeïeva c. Russie, requête no55723/00, § 178.

    29- Cour EDH (GC), 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie, requête no48939/99 § 71 ; Cour EDH, Budayeva et autres c. Russia, préc., § 128.

    30- Requête contre l’Autriche, préc., annexe § 43.

    31- Voir la Requête déposée par les jeunes Portugais, préc., annexe, §§ 5 et 20.

    32- O. W. Pedersen, «The European Convention of Human Rights and Climate Change – Finally!», EJIL:Talk!, 22 septembre 2020.

    33- Voir notamment la déclaration conjointe sur «les droits de l’homme et le changement climatique» du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femme, du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, du Comité des droits de l’enfant et du Comité des droits des personnes handicapées du 16 septembre 2019 (https://www.ohchr.org/en/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=24998&LangID=E#_edn8).

    34- Points 5.6.1-5.6.4. Voir O. De Schutter, «Changements climatiques et droits humains: l’affaire Urgenda», Rev. trim. dr. h., no 123, 2020, pp. 567-608.

    35- Voir les applications très différentes dans d’autres contentieux : Cour suprême de la Confédération helvétique, 5 mai 2020, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz v. Bundesrat, 1C 37/2019 ; Cour suprême d’Irlande, Friends of the Irish environment, Appeal, no 205/19 ou encore devant la Cour d’appel d’Oslo et la Cour suprême norvégienne, Nature and Youth Norway and Föreningen Greenpeace Norden v. Ministry of Petroleum and Energy, 2020.

    36- Tribunal administratif de Paris, 3 février 2021, L’affaire du Siècle, nos 1904967,1904968, 1904972 et 1904976.

    37- Conseil d’Etat, 19 novembre 2020, Commune de Grande-Synthe, no 427301.

    38- Les requêtes n’étaient toutefois pas exclusivement orientées sur un argumentaire «droit de l’Homme» à la différence de l’affaire Duarte Agostinho plus ambitieuse sur ce volet-là.

    39- Décision du Federal Constitutional Court du 24 mars 2021, op. cit.

    40- Hague District Court, 26 mai 2021, Les amis de la terre et al. c/ Royal Dutch Shell, op. cit.

  • Réforme de la Constitution : faute de consensus, les sénateurs mettent fin à la révision constitutionnelle

    Communiqué de presse, mardi 6 juillet 2021

    Le gouvernement a annoncé aujourd’hui vouloir mettre “un terme au processus de révision constitutionnelle” suite au vote lundi 5 juillet des sénateurs et sénatrices qui n’ont pas su se mettre d’accord sur un texte identique avec les députés.

    La version approuvée par l’Assemblée proposait d’inscrire que la République « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique ». Le Sénat a de son côté proposé d’écrire que la République « agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004 ».

    Un manque de volonté général à l’origine de l’abandon du projet de loi

    Incapables de se mettre d’accord sur des termes identiques, les parlementaires ont mis en échec l’intégration de la protection de l’environnement dans la Constitution toujours plus – et laissent ainsi s’échapper une occasion rare de changer la donne dans la lutte contre la crise climatique et environnementale.

    Notre Constitution Écologique, collectif engagé dans cette réforme depuis 2018, dénonce un processus législatif très loin d’être à la hauteur des alertes scientifiques et des signaux quotidiens de l’urgence d’agir.

    Au cœur du rejet du projet de réforme par le Sénat, le terme ‘garantit’ a fait l’objet de débats expéditifs où, faute de précisions sur sa portée en termes d’obligation de résultat pour la France par le gouvernement, les sénateurs et sénatrices ont fait valoir des arguments contradictoires et en partie contredits par le Conseil d’Etat, relevant moins d’une approche juridique sérieuse que d’une position idéologique.

    Notre Constitution Écologique dénonce une réforme constitutionnelle prise en otage et minée depuis le début par des manœuvres politiques ayant l’échéance électorale pour toile de fond, à l’heure où les partis politiques de tous bords déclarent pourtant que l’écologie est l’affaire de toutes et tous.

    A l’heure où le monde se dirige vers un réchauffement global de +3°C, soit bien au-delà de l’objectif de 1,5°C prévu par l’Accord de Paris, qu’une ville au Canada (Lytton) a fini en cendres et a été rayée de la carte après avoir connu une chaleur record de 49,5°C, et que des chaleurs semblables sont annoncées en Europe, un tel manque de volonté politique est regrettable et incompréhensible. L’exécutif et les sénateurs ne semblent toujours pas saisir l’ampleur de la crise écologique et climatique qui se déroule sous nos yeux.

    S’agissant d’un texte constitutionnel, la navette parlementaire entre les deux chambres aurait pu en principe se poursuivre autant que nécessaire, mais faute d’un accord, la réforme constitutionnelle ne sera proposée ni au référendum, ni en Congrès. Le gouvernement et les parlementaires n’auront pas su sortir le projet de réforme constitutionnelle de l’impasse et permettre à la France de devenir le premier pays européen à se doter d’une véritable Constitution écologique prévoyant une obligation de lutte contre le changement climatique.

    Contacts presse

    Justine Ripoll, 06 42 21 37 36, justine.ripoll@notreaffaireatous.org
    Pauline Simon, 06 59 37 82 81, presse@noe.org