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  • Rapport « Vigilance climatique » 2021

    Analyse du plan de vigilance climatique de 27 multinationales françaises

    Lundi 8 mars 2021, Notre Affaire à Tous publie son nouveau rapport de la vigilance climatique qui passe au crible la conformité de 27 multinationales françaises à leurs obligations légales. L’objet de cette étude est d’évaluer la mise en œuvre de la loi sur le devoir de vigilance en matière climatique. Pour ce faire, des critères de notation ont été développés afin d’évaluer le comportement des multinationales. Ceux-ci s’appuient sur :

    • La loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères
    • Les objectifs internationaux de l’Accord de Paris

    • Les données scientifiques du GIEC et de l’Agence Internationale de l’Energie

    Ces critères constituent une première tentative de contribution à un modèle d’évaluation de la conformité du devoir de vigilance en matière climatique.

    Cette nouvelle étude juridique comparative identifie les nombreuses et persistantes défaillances de 27 multinationales françaises en matière climatique. L’étude passe au peigne fin les stratégies marketing et la communication des entreprises parmi les plus polluantes.

    Résultats

    Le constat est alarmant : quatre ans après l’adoption de la loi, les entreprises n’adaptent toujours pas leur comportement face à la crise climatique et aucune entreprise étudiée ne se conforme pleinement aux exigences de la loi sur le devoir de vigilance.

    • Aucune entreprise n’obtient la totalité des points, alors qu’il s’agit de la seule note permettant de se prémunir de toute responsabilité.
    • 18 entreprises sur 27 n’ont pas obtenu une note supérieure à la moyenne.
    • 7 entreprises sur 27 n’intègrent toujours pas formellement le climat à leurs plans de vigilance
    • Seulement 5 entreprises sur 27 sont alignées sur une trajectoire compatible avec l’Accord de Paris.

    Total, Natixis, Casino, Auchan et Bouygues se situent tout en bas de notre classement en raison de politiques climatiques particulièrement insuffisantes.

    Toutes les entreprises du benchmark s’exposent par conséquent à un risque juridique : la loi permet à toute personne ayant un intérêt à agir de demander au juge d’enjoindre l’entreprise à publier et mettre en œuvre un plan de vigilance conforme aux obligations légales.

    Les raisons de l’action

    Si les pouvoirs publics doivent jouer un rôle fondamental dans la lutte contre le réchauffement climatique, les entreprises partagent aussi cette responsabilité. Très fortement contributrices au réchauffement, les multinationales françaises doivent répondre de leurs actes et accélérer leur transition énergétique. Ainsi, Notre Affaire à Tous cherche à remédier au vide juridique concernant la non-application de l’Accord de Paris aux entreprises en s’appuyant notamment sur la loi relative au devoir de vigilance.

    L’objectif final de ce benchmark est de renforcer l’application de la loi vigilance et de montrer son utilité en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Des courriers d’interpellation ont été envoyés en sus aux entreprises afin de leur demander :

    • d’être parfaitement transparentes, en particulier lorsqu’elles divulguent leur empreinte carbone ;
    • de réduire drastiquement leurs émissions de manière à contenir le réchauffement climatique en deçà de 1,5 degrés. 

    Les enseignements clés du rapport

    1- Manque d’intégration du climat au plan de vigilance

    7 entreprises sur 27 n’intègrent toujours pas le climat à leur plan de vigilance : Engie, Suez, Eiffage, Bouygues, Danone, Veolia et la Société Générale. Pourtant, l’analyse du risque climat au sein du plan de vigilance devrait être faite de manière systématique, en particulier pour les entreprises fortement contributrices au réchauffement climatique. En effet, la science climatique est extrêmement claire : les différents rapports du GIEC démontrent que l’aggravation du changement climatique comporte des risques d’atteintes graves aux droits humains et à l’environnement, en particulier au-delà de 1,5°C. Le risque climatique doit donc être intégré dans le plan de vigilance de chaque entreprise. Si 20 entreprises intègrent désormais le climat dans leur plan de vigilance, près de la moitié d’entre elles ne le font que très partiellement et surtout aucune ne se conforme entièrement à toutes les exigences de cette  loi.

    2- Empreinte carbone en hausse et communication incomplète

    Les entreprises analysées dès le premier benchmark, ainsi que les deux nouvelles entreprises étudiées dans cette seconde étude (Bolloré et Casino), ont toutes un lourd impact climatique : selon leurs propres communications, l’empreinte carbone cumulée des vingt-sept multinationales analysées s’élève à 1854,82 Mt  CO2e, soit plus de quatre fois les émissions territoriales de la France. Plus inquiétant, l’empreinte carbone est en progression par rapport à l’année dernière. Si cette hausse peut s’expliquer, en partie, par un calcul plus complet effectué par les entreprises, elle indique en tout cas que les émissions ne baissent pas ! 

    L’impact climatique des entreprises reste encore très insuffisamment retracé. Douze entreprises sur 27 ne publient pas ou de manière très incomplète leur empreinte carbone : Axa, Société Générale, Natixis, Air Liquide, Suez, Airbus, Auchan, Casino, Carrefour, Bouygues, ADP, BNP Paribas.

    Mais, des études indiquent que ces estimations sont largement sous-estimées. Dans le secteur bancaire, les entreprises retracent moins de 5% de leurs émissions.  Si l’ensemble des émissions du secteur bancaire étaient divulguées, l’empreinte carbone des entreprises de cette étude dépasserait 4 889 Mt CO2e et représenterait plus d’onze fois les émissions territoriales françaises !

    3- Une reconnaissance limitée du risque climatique

    La loi sur le devoir de vigilance exigeant une identification des risques pesant sur les droits humains et sur l’environnement, chaque entreprise doit explicitement reconnaître les conséquences de ses émissions de GES et de sa contribution au changement climatique.

    Pourtant, seul le Crédit Agricole reconnaît explicitement sa contribution au changement climatique et analyse correctement les conséquences de ce dérèglement sur les droits humains et l’environnement. Une réelle prise de conscience demeure donc nécessaire afin de saisir l’ampleur de leur responsabilité et de mettre en œuvre les mesures adéquates pour lutter contre le changement climatique.

    4- Des engagements peu précis et rarement ambitieux

    Pour prévenir les risques graves d’atteinte aux droits humains et à l’environnement, les entreprises doivent adopter une stratégie efficace et cohérente avec l’Accord de Paris. Pour ce faire, les engagements pris doivent être chiffrés et détaillés en plusieurs étapes avec des objectifs intermédiaires précisés à l’horizon 2030, 2050 et au-delà.

    La trajectoire 1,5°C (visant la neutralité carbone en 2050) est la seule trajectoire permettant de réaliser les objectifs de l’Accord de Paris avec une probabilité raisonnable (voir infra – méthodologie). Seules 5 entreprises sur 27 se sont engagées sur la trajectoire 1,5°C : Danone, Schneider, Suez, Axa et EDF. Et encore, Axa et EDF n’ont pas d’engagement sur tous les scopes, et Axa n’a pas non plus d’objectifs intermédiaires précis.

    Par ailleurs, la grande majorité des entreprises analysées ne communique pas d’engagements précis concernant la totalité de leurs émissions (directes et indirectes) et échelonnés dans le temps.

    5- L’absence mise en oeuvre de mesures cohérentes

    La loi sur le devoir de vigilance oblige les entreprises à rendre compte publiquement de la mise en œuvre effective des mesures adaptées de prévention contre les risques d’atteintes graves aux droits humains et à l’environnement. Autrement dit, les entreprises doivent communiquer les mesures adoptées pour limiter le réchauffement planétaire en-deçà des 2°C, limite au-delà de laquelle le dérèglement climatique est extrêmement dangereux pour nos écosystèmes.

    Les mesures présentées concernent rarement l’ensemble des activités émettrices des groupes et nombre d’entre elles sont basées sur des technologies indisponibles à l’heure actuelle, telles que les technologies de capture et de séquestration du carbone. Par ailleurs, le maintien de certaines activités (par ex. hydrocarbures non conventionnels) ou l’absence de plan de transition pour certains produits (par ex. voitures thermiques) remettent fréquemment en question la cohérence de la stratégie communiquée par l’entreprise. Enfin, aucune entreprise ne publie des informations suffisamment précises pour qu’un observateur extérieur puisse évaluer la mise en œuvre des mesures annoncées.

    En somme, toutes les entreprises font face à un risque de non-conformité avec la loi sur le devoir de vigilance. Si elles ne se conforment pas à ces demandes, les multinationales pourront être attaquées en justice, tout comme Total.

    6- Des stratégies ne répondant pas aux priorités du plan de relance

    Un plan massif d’aides publiques aux entreprises a été établi en réponse à la crise sanitaire. Ces aides prennent de nombreuses formes : plan de relance sectoriel, baisse des impôts dit de production, opérations de refinancement de la BCE, augmentation des achats d’obligations d’entreprises par la BCE, prêt garanti par l’État, chômage partiel, etc.

    Face à l’ampleur des montants mobilisés, plusieurs associations ont demandé l’application d’un principe d’éco-conditionnalité afin de lier performance climatique et obtention de l’aide publique. Finalement, seules les aides sous forme de prise de participation par l’intermédiaire de l’Agence des participations de l’État sont conditionnées aux engagements de réduction des émissions de GES pris par les entreprises.

    Le benchmark indique pourtant que la quasi-totalité des entreprises ayant bénéficié d’aides publiques dans le cadre de la crise sanitaire ne respectent pas leurs obligations climatiques.

    Nos ressources

  • CP / Devoir de vigilance climatique : Notre Affaire à Tous interpelle plusieurs multinationales françaises potentiellement hors-la-loi

    Communiqué de presse – 8 mars 2021

    Lundi 8 mars 2021

    Notre Affaire à Tous publie son édition 2021 du “benchmark de la vigilance climatique” (1) qui passe au crible le comportement de 27 multinationales (2). Quatre ans après son adoption, aucune entreprise étudiée ne se conforme pleinement aux exigences de la loi sur le devoir de vigilance, malgré l’urgence climatique (3). Alors que le juge a récemment rappelé la nécessité d’un contrôle social du devoir de vigilance, l’association, qui a déjà assigné la pétrolière Total et le groupe Casino en justice, interpelle de nouveau ces entreprises particulièrement polluantes. 

    Malgré sa condamnation récente dans l’Affaire du Siècle (4), l’action climatique de l’ État, notamment en matière de régulation des entreprises, est très insuffisante. Loin de combler ces lacunes, le dernier projet de loi sur le climat n’impose pas de trajectoire précise de décarbonation aux entreprises (5).

    Afin de surmonter cet immobilisme, Notre Affaire à Tous s’appuie sur la loi relative au devoir de vigilance pour contraindre les plus gros pollueurs français à se conformer aux exigences légales et donc lutter contre le dérèglement climatique. Cette loi pionnière oblige les multinationales à publier et à mettre en œuvre un plan de vigilance afin de prévenir les atteintes graves aux droits humains et à l’environnement. Le 11 février dernier, dans l’action en justice contre Total, le tribunal judiciaire de Nanterre a reconnu sa compétence en matière de vigilance climatique démontrant la volonté de la justice française d’agir pour la lutte contre le changement climatique. 

    Si le second volet du benchmark s’inscrit dans un contexte judiciaire favorable, il ne peut que constater à l’inverse l’inertie générale des entreprises. De nouveau, aucune entreprise n’obtient la totalité des points, alors qu’il s’agit de la seule note permettant de se prémunir de toute responsabilité. Les notes décernées sont du reste très faibles : 18 entreprises sur 27 n’ont pas obtenu une note supérieure à la moyenne. 7 entreprises sur 27 n’intègrent toujours pas formellement le climat à leurs plans de vigilance (6). S’agissant plus concrètement des trajectoires de réduction de GES, seules 5 entreprises sur 27 (7) sont alignées sur une trajectoire compatible avec l’Accord de Paris. 

    Les entreprises ne dévoilent également pas correctement leurs émissions directes et indirectes, malgré les différentes règles en vigueur. Selon les informations publiées par les entreprises elles-mêmes, l’empreinte carbone cumulée des 27 multinationales évaluées s’élève à 1 854,82 millions de tonnes (Mt) de CO2e.Mais, des études indiquent que ces estimations sont largement sous-estimées. Dans le secteur bancaire, les entreprises retracent moins de 5% de leurs émissions (8). 

    Si l’ensemble des émissions du secteur bancaire étaient divulguées, l’empreinte carbone des entreprises de cette étude dépasserait 4 889 Mt CO2e et représenterait plus d’onze fois les émissions territoriales françaises ! De manière générale, les entreprises étudiées ne mettent pas toutes les mesures en œuvre afin de faire baisser les émissions directes et indirectes de leurs filiales et de leurs chaînes de sous-traitance. Il s’agit pourtant du cœur de la loi vigilance. 

    Notons enfin que Total, Natixis, Casino, Auchan, Bouygues se situent tout en bas de notre classement en raison de politiques climatiques particulièrement insuffisantes. 

    En somme, si les entreprises ne mettent pas toutes les mesures en œuvre pour se conformer à la loi vigilance, les lettres d’interpellation pourraient se transformer en assignation. 

    Pour Laure Barbé, de Notre Affaire à Tous,“Le contrôle du respect par les entreprises de leurs obligations climatiques est indispensable, qui plus est dans le contexte de crise sanitaire actuel où celles-ci bénéficient d’aides publiques importantes dans le cadre du plan de relance. Afin qu’un modèle économique résilient et respectueux de l’environnement et des droits humains puisse émerger, ces aides doivent être dirigées vers des entreprises disposant d’une réelle stratégie de décarbonation de leurs activités.”

    Pour Avril Julienne, de Notre Affaire à Tous, “l’empreinte carbone de ces entreprises ne baisse toujours pas, pire elle est en nette progression par rapport à l’année dernière. Les mesures annoncées ne sont ni suffisamment précises ni chiffrées, ce qui ne permet pas de constater leur impact concret sur le bilan carbone des entreprises. Les entreprises doivent entièrement revoir leurs stratégies et la mise en œuvre de celles-ci afin d’être à la hauteur de l’enjeu.”

    Lien vers le rapport complet

    CONTACT PRESSE :

    • Cécilia Rinaudo, Coordinatrice Générale : cecilia@notreaffaireatous.org – 06 86 41 71 81
  • Numéro 10 de la newsletter des affaires climatiques – Affaire du Siècle et droit à un environnement sain

    Chères lectrices, chers lecteurs, 

    La newsletter des affaires climatiques revient pour son 10e numéro ! Dans ce nouveau numéro, nous vous proposons de lire un article sur la récente décision de l’Affaire du Siècle. Puis, vous pourrez découvrir la seconde partie d’une étude qui porte sur le droit à un environnement sain dans la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne. La première partie de l’étude avait été dévoilée dans le dernier numéro de la newsletter, vous pouvez la découvrir ici

    Dans la partie “affaires climatiques”, vous trouverez des fiches d’arrêt sur trois récentes affaires : une première fiche porte sur la décision de la Cour Suprême du Royaume-Uni sur l’expansion de l’aéroport d’Heathrow ; une seconde se concentre sur le premier recours climatique brésilien porté par quatre partis politiques de l’opposition ; enfin, la décision du Conseil d’Etat dans l’affaire de la commune de Grande-Synthe fait l’objet d’une troisième fiche d’arrêt.  

    Dans la partie “affaires environnementales”, six cas sont étudiés : la censure par le Conseil d’Etat des arrêtés anti-pesticides ;  la décision du Conseil constitutionnel sur la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières ; le rejet par le Conseil d’Etat du recours contre la décision autorisant l’aménagement de l’Ecovallée dans le sud de la France ; la décision du Conseil d’Etat sur l’affaire “Commune de Piana c. préfet de la Corse-du-Sud” ; la décision du Conseil constitutionnel sur l’autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité ; et enfin, la reconnaissance par la Cour de cassation que le capitaine d’un navire est garant de la protection de l’environnement. 

    Nous vous souhaitons une très bonne lecture !

    Focus : Retour sur la décision de l’Affaire du Siècle

    Dans les années 2010, un mouvement mondial pour la justice climatique s’est développé. Ce mouvement, pris sous l’angle juridique du contentieux climatique, vise à faire sanctionner par la justice, les comportements, des personnes publiques ou privées, qui favorisent la crise climatique ou aggravent ses conséquences. 

    Rapidement, des ONG françaises se sont inscrites dans ce mouvement et se sont regroupées pour déposer le premier recours en responsabilité pour carence fautive en matière climatique contre l’Etat français. En décembre 2018, les associations Notre Affaire à Tous, Oxfam France, Greenpeace France et la Fondation Nicolas Hulot saisissent le tribunal administratif de Paris : l’Affaire du Siècle commence.  

    Les associations demandaient d’enjoindre au gouvernement de faire cesser les manquements de l’Etat à ses obligations en matière de lutte contre le changement climatique ou d’en pallier les effets, et de faire cesser le préjudice écologique. 

    Le 3 février 2021, le tribunal était amené à se prononcer sur l’existence d’une obligation de lutte contre le changement climatique incombant à l’Etat, d’un dommage et d’un lien de causalité avant de se prononcer sur la réparation du préjudice et sur les mesures d’injonctions.

    Focus : Le droit à un environnement sain en droit de l’UE

    La première partie de l’article sur le droit à un environnement sain en droit de l’Union européenne est parue dans le précédent numéro de la newsletter des affaires climatiques. Elle concernait l’absence d’un principe, doté d’une véritable force normative, en droit de l’Union garantissant un droit à un environnement sain : un droit en manque d’un principe. 

    Dans ce nouveau numéro, nous vous proposons désormais de découvrir la seconde partie de l’article qui concerne la manière dont la CJUE cherche néanmoins, de façon indirecte, à garantir l’application de ce principe sans réelle force juridique : un principe en manque de droit. 

    Dans l’ensemble de cet article, il est question de la manière dont la Cour met en œuvre le droit à un environnement sain : en ne le reconnaissant pas directement comme un véritable principe de droit, mais en lui garantissant indirectement une certaine effectivité.

    Affaires climatiques

    Expansion de l’aéroport d’Heathrow devant la Cour suprême

    Dans cette affaire concernant l’extension de l’aéroport d’Heathrow, des organisations non-gouvernementales (Plan B, Friends of the Earth), le maire de Londres ainsi que cinq collectivités territoriales ont introduit un recours dans lequel ils contestent le manque d’évaluation climatique préalable lors de la décision de construction d’une troisième piste, notamment au regard de l’Accord de Paris. 

    L’Accord de Paris a été ratifié sans qu’aucune mesure de transposition n’ait été faite en droit britannique. Il n’est donc pas incorporé dans l’ordre juridique interne, alors qu’il prévoit des limitations de températures plus ambitieuses que celles de la loi nationale britannique de protection du climat de 2008.

    Affaire PSB et al. contre Brésil

    Pour la première fois au Brésil s’est tenu un procès climatique devant la plus haute juridiction du pays, le Tribunal suprême fédéral. Porté par quatre partis politiques d’opposition, ce recours cherche à obtenir du Tribunal une injonction qui obligerait le gouvernement à réactiver le Fonds climatique du pays, instrument de politique climatique prévu afin de mettre en œuvre des projets et financer des activités qui luttent contre le changement climatique et ses effets. 

    Une affaire similaire a d’ailleurs été engagée par les mêmes partis politiques, questionnant cette fois la gestion du gouvernement d’un autre Fonds, celui de l’Amazone.

    Conseil d’Etat, Commune de Grande-Synthe, 18 novembre 2020

    En octobre 2018, la commune de Grande-Synthe, représentée par Damien Carême, le maire agissant tant en sa qualité de maire que de citoyen, a prié le Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires pour « infléchir la courbe des émissions produites et respecter, au minimum, les engagements pris par la France » suite à la signature de l’Accord de Paris, dans un délai de 6 mois maximum. La demande vise également « à ce que soient adoptées […] toutes dispositions législatives afin de “rendre obligatoire la priorité climatique” et pour interdire toute mesure susceptible d’augmenter les émissions de gaz à effet de serre, et enfin, de mettre en œuvre des mesures immédiates d’adaptation au changement climatique de la France ». 

    Par une décision du 18 novembre 2020, le Conseil d’Etat s’est pour la première fois prononcé sur le respect des engagements climatiques de l’Etat français. Il a accordé un délai de trois mois au Gouvernement pour justifier du fait de la compatibilité de son refus de prendre des mesures supplémentaires avec l’objectif de réduction des émissions de GES qu’il s’est fixé.

    Affaires environnementales

    Conseil d’État, “Commune de Gennevilliers c. Préfet des Hauts-de-Seine”, 31/12/2020

    Le 13 juin 2019, la mairie de Gennevilliers a rejoint un mouvement plus large de prise d’arrêtés municipaux anti-pesticides initié par la mairie de Langouët le 18 mai 2019. L’adoption de cet acte visait à interdire l’utilisation de pesticides et d‘autres produits phytopharmaceutiques sur le territoire de la commune. Les dangers sanitaires liés au glyphosate étaient alors au centre du débat public, avec notamment des annonces politiques de la Présidence de la République se refusant d’interdire le glyphosate avant une éventuelle décision européenne en 2022. 

    Le 31 décembre 2020, le Conseil d’État a confirmé l’ordonnance de suspension d’exécution d’un arrêté anti-pesticides adopté par le maire de Gennevilliers décidé par le juge des référés de la Cour administrative d’appel de Versailles.

    Conseil constitutionnel, mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques

    Le 10 novembre 2020, le Conseil Constitutionnel a été saisi par soixante députés et sénateurs afin de contrôler la conformité de la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières à la Constitution, et notamment de la Charte de l’environnement. 

    Le Conseil Constitutionnel, dans une décision du 10 décembre 2020, a reconnu la conformité à la Constitution de la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, en ce qu’elle permet de déroger à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes.

    Collectif associatif 06 pour des réalisations écologiques c. Écovallée

    Par une délibération du 9 juillet 2015, le conseil d’administration de l’établissement public d’aménagement Écovallée – Plaine du Var a approuvé son PSO relatif au projet Écovallée. Le collectif CAPRE 06 reproche à cette opération l’absence d’étude d’impact et l’absence d’évaluation des incidences du projet sur le site Natura 2000 situé dans la zone géographique couverte par le PSO. 

    Par une décision du 3 juin 2020, le Conseil d’État a jugé que la délibération d’un établissement public d’aménagement approuvant le projet stratégique et opérationnel de l’opération d’aménagement Écovallée n’est pas un acte faisant grief et ne peut faire l’objet d’un recours.

    Conseil d’État, “Commune de Piana c. préfet de la Corse-du-Sud”

    Sur la base d’un rapport d’expertise réalisé à sa demande par le cabinet d’études Biotope, la commune de Piana considère que treize hectares de la ZNIEFF dite « Capo Rosso, côte rocheuse et îlots » ne présentent pas de caractéristiques écologiques justifiant son inventaire au titre du patrimoine naturel remarquable. 

    Par une décision du 3 juin 2020, le Conseil d’État a jugé que la constitution d’un inventaire en une zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) et la décision de refus de modification d’une ZNIEFF ne sont pas des actes faisant grief, c’est-à-dire ne peuvent faire l’objet d’un recours.

    Conseil Constitutionnel, "Autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité"

    Deux associations (l’Association Force 5 et France Nature Environnement) contestaient devant le Conseil d’État la décision de l’administration d’autoriser l’exploitation d’une centrale à gaz de Total Direct Énergie à Landivisiau (Finistère). 

    Le 28 mai 2020, le Conseil Constitutionnel rend une décision constatant qu’un acte administratif autorisant l’exploitation d’une installation de production d’électricité constitue une décision publique ayant une influence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui requiert par conséquent une participation du public. 

    Chambre criminelle, Cour de cassation, 24 novembre 2020, N°2259

    M. X est capitaine d’un navire de croisière appartenant à la société britannique Carnival PLC. Le 29 mars 2018, le centre de sécurité des navires de Marseille (CSN) effectue un contrôle sur ce navire ayant notamment pour objet de vérifier la teneur en soufre du combustible utilisé comme carburant du bateau. Le capitaine du navire britannique a été déclaré coupable de pollution de l’air en raison de l’utilisation de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes autorisées.

    Découvrez également le podcast de Lexradio sur l’affaire Urgenda aux Pays-Bas, avec Sandy Cassan-Barnel ! Un autre podcast sera publié prochainement sur l’Affaire du Siècle.

    L’ambition de cette newsletter ? Donner les moyens à toutes et tous de comprendre les enjeux de telles actions en justice face à l’urgence climatique ! Abonnez-vous pour recevoir, chaque mois, les actualités et informations sur ces affaires qui font avancer, partout dans le monde, nos droits et ceux de la nature face aux dégradations environnementales et climatiques : le combat qui se joue dans les tribunaux est bien celui de la défense des pollués face aux pollueurs, nouvel enjeu du XXIe siècle.

  • CP / Déforestation et atteintes aux droits humains en Amazonie : des représentants des peuples autochtones et ONG internationales assignent Casino en justice

    Ce mercredi 3 mars 2021, des représentants des peuples autochtones d’Amazonie brésilienne et colombienne, ainsi que des organisations non gouvernementales (ONG) françaises et américaines, assignent en justice le groupe Casino devant le tribunal judiciaire de Saint-Etienne, en raison de ses ventes en Amérique du Sud de produits à base de viande bovine, liée à la déforestation et à l’accaparement de terres des peuples autochtones. 

    C’est la première fois qu’une chaîne d’hypermarchés est assignée en justice pour des faits de déforestation et de violation de droits humains dans sa chaîne d’approvisionnement, sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance adoptée en mars 2017. Les organisations autochtones demandent à être dédommagées en raison des dommages causés à leurs terres ancestrales et de l’impact sur leurs moyens de subsistance. 

    • Atteintes à l’environnement et violations des droits humains

     L’assignation conclut à des atteintes systémiques à l’environnement et aux droits humains ont eu lieu, tout au long de la chaîne d’approvisionnement du groupe Casino au Brésil et en Colombie, sur une période significative. Selon les preuves rassemblées par le Centre d’Analyse de la Criminalité Climatique, le groupe Casino aurait acheté régulièrement de la viande bovine à trois abattoirs qui s’approvisionnent en bétail auprès de 592 fournisseurs responsables d’au moins 50 000 hectares de déforestation entre 2008 et 2020 (1). Il s’agit d’une surface équivalente à cinq fois la taille de Paris. Les preuves présentées dans cette affaire démontrent également des atteintes aux droits des peuples autochtones. Il a notamment été rapporté que les terres ancestrales détenues et gérées par la communauté Uru Eu Wau Wau dans l’État de Rondônia, au Brésil, ont été envahies pour permettre l’exploitation des élevages de bétail qui fournissent de la viande bovine au Grupo Pão de Açúcar de Casino. 

    • La responsabilité du groupe Casino

     Malgré les nombreux rapports liant les produits du groupe Casino à la déforestation et à l’accaparement de terres des peuples autochtones, la multinationale n’a pas veillé à la révision de ses mesures de vigilance, afin d’assurer l’absence d’atteintes aux droits humains et à l’environnement tout au long de sa chaîne d’approvisionnement. La multinationale s’est même aventurée à justifier qu’en raison du “faible nombre de rapports mettant en avant l’élevage bovin comme la cause de la déforestation en Colombie”, Casino n’a pas jugé pertinent d’inclure le pays dans son plan de vigilance. Pourtant, la Colombie a l’un des taux de déforestation les plus élevés au monde, le bétail en étant la source principale selon un grand nombre de rapports officiels (2).

     Malgré les preuves de plus en plus nombreuses reliant la plus grande entreprise de viande bovine du monde, JBS, à la déforestation ainsi qu’à l’esclavage (3), le groupe Casino continue de s’approvisionner auprès de celle-ci. En outre, le groupe Casino ne s’est toujours pas engagé à exclure la viande ou des produits transformés issus de la déforestation dans ses magasins Grupo Pão de Açúcar, Casino ou Grupo Éxito. Le groupe Casino est la plus grande chaîne de supermarchés au Brésil et en Colombie, avec leurs marques respectives Grupo Pão de Açúcar et Grupo Éxito. Les activités de Casino en Amérique du Sud représentent près de la moitié (47 %) du chiffre d’affaires du groupe. 

    La loi française sur le devoir de vigilance impose aux entreprises basées en France et employant plus de 5 000 salariés de prendre des mesures adaptées et effectives pour prévenir les atteintes graves aux droits humains et à l’environnement tout au long de leur chaîne d’approvisionnement, faute de quoi elles engagent leur responsabilité et peuvent être condamnées à payer des dommages et intérêts. 

    • Le point de non-retour de l’Amazonie

     L’élevage bovin est la principale source de déforestation en Amérique du Sud, en particulier au Brésil. Selon l’agence spatiale brésilienne (INPE), la déforestation de la forêt amazonienne a atteint son plus haut niveau en douze ans. L’Amazonie risque d’atteindre un point de non-retour, en passant d’une forêt tropicale humide à une savane. En décembre dernier, le gouvernement brésilien a supprimé toutes les mesures visant à lutter contre la déforestation dans son plan national d’action pour le climat (connu sous le nom de NDC, pris dans le cadre de l’accord de Paris), bien que la disparition des forêts demeure la principale source d’émissions de gaz à effet de serre dans le pays. 

    Commentaires des requérants : 

    L’ampleur et la diversité de la coalition témoignent de l’empreinte écologique mondiale et de la diversité des impacts causés par la production industrielle de viande bovine, ainsi que de la nécessité d’une défense collective. 

    Luis Eloy Terena, du peuple Terena du Brésil, conseiller juridique à la COIAB et à l’APIB :« Il est important pour la COIAB de participer à ce procès car le sort de l’Amazonie brésilienne relève de l’action en défense des droits et garanties constitutionnels des peuples autochtones qui y vivent. Nous sommes également chargés de défendre les peuples isolés ou récemment contactés. Comme nous l’indiquons clairement dans la plainte, l’achat de viande bovine par Casino et Grupo Pão de Açúcar entraîne la déforestation et l’accaparement des terres, ainsi que la violence et l’assassinat des chefs autochtones lorsqu’ils choisissent de résister. Avec cette poursuite, nous cherchons à tenir l’entreprise responsable des conséquences de ces actes et à apporter une reconnaissance aux peuples autochtones par rapport à la réalité à laquelle ils sont confrontés.”

    Fany Kuiru Castro du peuple Uitoto de Colombie, directrice et coordinatrice des femmes et de la famille à l’OPIAC :« L’élevage de bétail, les monocultures et les autres industries extractives mettent nos vies en danger et exterminent les peuples autochtones. C’est pourquoi notre organisation soutient pleinement cette action en justice, mettant en cause le manquement aux exigences sur la chaîne d’approvisionnement en viande, qui provient de l’élevage de bétail ».

    Boris Patentreger, co-fondateur d’Envol Vert :« En 2021, dans un monde où nous pouvons techniquement tout tracer et tout contrôler, un groupe international appelé Casino, qui a connu une formidable croissance en Amérique du Sud ces dernières années, est incapable d’éliminer la déforestation de toute sa chaîne d’approvisionnement. C’est inacceptable ! »

    Lucie Chatelain, juriste chez Sherpa : « Le nombre de cas de déforestation et d’atteintes aux droits humains qui ont été documentés dans la chaîne d’approvisionnement de Casino au Brésil montre que ses prétendues mesures de vigilance ne sont ni adaptées, ni effectives. Sherpa a plaidé pendant des années – et avec succès – pour l’adoption d’une loi sur le devoir de vigilance, et ce cas est emblématique des violations que cette loi vise précisément à prévenir ».

    Sébastien Mabile, avocat du cabinet Seattle Avocats :« Ce procès va permettre de démontrer toutes les potentialités de la loi française sur le devoir de vigilance, qui s’applique à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement tant en France qu’à l’étranger. La loi impose aux multinationales françaises des actions visant à prévenir des atteintes, proportionnelles aux risques identifiés, ainsi que des contrôles sociaux et judiciaires stricts. La gravité des violations constatées dans cette affaire nous conduit à engager la première action en responsabilité sur la base de ce texte ».

    Nico Muzi, directeur européen de Mighty Earth :« JBS n’est pas seulement la plus grande entreprise de viande au monde, mais c’est aussi l’un des pires destructeurs de forêts au Brésil. C’est la raison pour laquelle le Groupe Casino doit abandonner complètement JBS. Mais nous appelons également les autres grands supermarchés européens tels que Carrefour, Tesco, Albert Heijn et Lidl à rompre leurs liens avec la déforestation et à laisser tomber JBS, le massacre de l’Amazonie ».

    Cecilia Rinaudo, coordinatrice générale de Notre Affaire à Tous : « Cette affaire est un exemple tragique de l’interdépendance entre l’environnement et les droits humains, tous deux protégés par la loi sur le devoir de vigilance. Casino identifie le travail forcé comme un risque associé dans sa chaîne d’approvisionnement, sans prendre aucune mesure pour y mettre fin. De plus, l’entreprise n’a pas identifié l’accaparement de terres comme une menace pour les droits de l’homme, malgré de nombreux rapports sur cette question bien connue. Casino ne peut pas rester passif et doit adopter des mesures concrètes pour prévenir ces risques majeurs ».

    Adeline Favrel, coordinatrice de la campagne forestière de France Nature Environnement :« La France a adopté la loi sur le devoir de vigilance en 2017 et la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée en 2018. Ces politiques publiques doivent être traduites en actions concrètes par des entreprises comme Casino pour mettre enfin un terme à la déforestation ».

    Klervi Le Guenic, responsable de campagne de Canopée : « Casino n’est pas le seul responsable, ils ont tous le pouvoir de changer les choses. Carrefour est l’un des plus grands vendeurs au détail du Brésil et son activité est également particulièrement exposée au risque d’être liée à la déforestation. Ils doivent se débarrasser des entreprises de viande liées à la destruction de l’Amazonie ».

    Contacts presse :

    • Canopée : Klervi Le Guenic / klervi.leguenic@canopee-asso.org / +33 6 52 64 08 54 5 (FR/ UK)
    • Envol Vert : Audrey Benard / communication@envol-vert.org / +33 6 81 25 48 64 (FR/ UK)
    • France Nature Environnement : Adeline Favrel / adeline.favrel@fne.asso.fr / +33 6 70 53 00 49 (FR/UK)
    • Global Alliance of Territorial Communities : Lucas Tolentino / lucas.tolentino@alianzaglobal.me / +55 61 9254-0990 (UK/BR/ ESP)
    • Mighty Earth : Nico Muzi / nico@mightyearth.org / +32 484 27 87 91 (UK/ ESP/FR)
    • Notre Affaire à Tous : Cécilia Rinaudo / cecilia.rinaudo@notreaffaireatous.org (FR/ UK)
    • Pastoral Commission of the Earth : Xavier Plassat / xplassat@gmail.com / +55 63 99221-9957 (FR/ UK/ BR)
    • Seattle Avocats : Sébastien Mabile / smabile@seattle-avocats.fr / + 33 6 62 65 35 19 (FR/UK)
    • Sherpa : Lucie Chatelain / lucie.chatelain@asso-sherpa.org / +33 6 51 82 62 11 (FR/UK)

    Notes :

    1. La semaine dernière, le groupe de journalisme d’investigation Reporter Brasil a publié un nouveau rapport montrant que les trois plus grandes chaînes de supermarchés du Brésil – Pão de Açúcar, Carrefour et Grupo Big – ont vendu du bœuf provenant de méga-fermes qui ont illégalement défriché des milliers d’hectares de forêts.
    2. Report on deforestation fronts, 2021
    3. Historiquement, l’activité commerciale dans les zones rurales du Brésil est source d’esclavage et de travail forcé. Le secteur qui connaît le plus grand nombre de cas d’esclavage est celui de l’élevage. Selon les données de la Comissao Pastoral da Terra et du gouvernement fédéral brésilien, près de la moitié (47 %) des cas identifiés entre 2003 et 2020 sont liés au secteur de l’élevage bovin. La dernière enquête du Reporter Brasil a établi que la plupart des cas d’esclavage sont liés aux abattoirs JBS, fournisseur principal du Pão de Açúcar de Casino.

    Les membres de la coalition sont :

    • Canopée Forêts Vivantes est une organisation récente, fondée en 2018, qui est née d’un besoin crucial de construire un contre-pouvoir citoyen pour mieux protéger les forêts en France et dans le monde. Il s’agit d’une association de “sonneurs de cloches” qui signale les menaces qui pèsent sur les forêts. Loin de se contenter de signaler ces menaces, elle souhaite agir à la source des problèmes en produisant une contre-expertise de qualité et en la portant dans l’espace public. Canopée est membre des Amis de la Terre et du groupe SOS Forêt.
    • COIAB (Coordination des organisations autochtones de l’Amazonie brésilienne) fondée le 19 avril 1989, est la plus grande organisation autochtone régionale du Brésil, qui a émergé à l’initiative des dirigeants des organisations autochtones. La mission du COIAB est de défendre les droits des peuples autochtones à la terre, à la santé, à l’éducation, à la culture et à la durabilité, en tenant compte de la diversité des peuples et en recherchant leur autonomie à travers l’articulation politique et le renforcement des organisation autochtones.
    • La Commission Pastorale de la Terre (CPT), créée en 1975, est rattachée à la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB). Elle est engagée sur l’enjeu crucial du partage de la terre et contre la destruction de l’environnement. Ses équipes locales sont présentes dans chacun des Etats du Brésil, accompagnant à la base communautés et groupes en lutte, joignant sa voix aux leurs, dénonçant injustices, violences, discrimination, travail esclave.
    • Envol vert agit pour la préservation de la forêt et de la biodiversité en Amérique Latine (principalement Colombie et Pérou) et en France. Depuis 2011, nous développons des projets de terrain concrets et efficaces qui incluent la reforestation d’aires dégradées, le développement de l’agroforesterie et d’alternatives à la coupe illégale comme l’écotourisme, le développement de réserves naturelles, la sauvegarde ou la réintroduction d’espèces. Envol Vert mène également des campagnes de communication et des actions de sensibilisation afin d’inciter les entreprises et les citoyens à changer leurs modes de production et/ou de consommation.
    • FEPIPA (Fédération des Peuples Autochtones du Pará) fondée en avril 2016, est une organisation autochtone, créée pour promouvoir le bien-être social, politique, économique et culturel et les droits de l’homme des peuples autochtones. Elle vise à défendre et à discuter des intérêts collectifs des peuples et communautés autochtones de l’État de Pará, en promouvant leur organisation sociale, culturelle, économique et politique, en renforçant leur autonomie.
    • FEPOIMT (Fédération des Peuples Autochtones du Mato Grosso) créée en juin 2016 est née de la nécessité de s’unir pour l’action et l’articulation politiques, visant à l’organisation sociale, culturelle, économique et au développement durable et politique des peuples et organisations autochtones du Mato Grosso. Ses principaux défis sont la garantie et la régularisation des terres, la gestion de l’environnement, la protection du territoire et la lutte pour les droits des autochtones.
    • France Nature Environnement est la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement. Elle regroupe 3 500 associations françaises, réparties dans 53 organisations en France métropolitaine et dans les territoires d’outre-mer. Depuis 1968, la fédération se bat pour la transition écologique en menant une mobilisation citoyenne. Elle sensibilise le public par l’éducation à l’environnement, s’efforce en permanence de contribuer à l’amélioration du droit de l’environnement et contribue régulièrement aux politiques publiques françaises et européennes pour une meilleure
    • Mighty Earth est une organisation globale de plaidoyer qui œuvre pour la protection des forêts tropicales, des océans et du climat. Nos campagnes et notre équipe ont joué un rôle de premier plan en persuadant les plus grandes entreprises mondiales du secteur de l’alimentation et de l’agriculture d’adopter des politiques visant à éliminer la déforestation et les atteintes aux droits de l’homme de leurs chaînes d’approvisionnement, et ont conduit à l’adoption de transferts de plusieurs milliards de dollars vers l’énergie propre.
    • Notre Affaire à Tous est une association qui œuvre pour protéger le vivant, les communs naturels et le climat via l’utilisation du droit. Issu-es du mouvement pour la reconnaissance du crime d’écocide dans le droit international afin de sanctionner les crimes les plus graves contre l’environnement et à l’origine de l’Affaire du Siècle, les membres de Notre Affaire à Tous se positionnent comme « avocat-es de la planète », en cherchant à établir par la jurisprudence, le plaidoyer juridique et la mobilisation citoyenne une responsabilité effective et objective de l’humain vis-à-vis de l’environnement.
    • OPIAC (Organisation Nationale des Peuples Autochtones de l’Amazonie Colombienne) est une institution autochtone colombienne, une organisation à but non lucratif qui exerce une représentation politique des peuples autochtones de l’Amazonie colombienne devant les institutions nationales et internationales. Son objectif principal est de faire en sorte que tous les droits collectifs et individuels de ses membres soient respectés et reconnus par tous les acteurs situés dans la région amazonienne colombienne.
    • Seattle Avocats est un cabinet d’avocat spécialisé sur les questions de responsabilité des entreprises du fait d’atteintes à l’environnement et aux droits humains. Monsieur Sébastien Mabile et Monsieur François de Cambiaire représentent des ONGs et des collectivités dans le cadre des premières actions introduites sur le fondement de la loi devoir de vigilance des entreprises, notamment contre Total et contre le groupe de transport XPO Logistics, et s’intéressent en particulier aux débats en cours au niveau international et européen sur la responsabilité sociale et pénale des multinationales. S’agissant de dommages particulièrement graves à l’environnement ayant des conséquences tout aussi graves sur les droits des populations autochtones, le cabinet Seattle Avocats apporte son soutien et ses compétences à la coalition internationale d’associations qui mettent en demeure le groupe Casino de se conformer à la loi sur le devoir de vigilance.
    • Sherpa est une association créée en 2001 qui a pour mission de combattre les nouvelles formes d’impunité liées à la mondialisation et de défendre les communautés victimes de crimes économiques. Sherpa œuvre pour mettre le droit au service d’une mondialisation plus juste. L’action de l’association repose sur quatre outils interdépendants que sont le contentieux stratégique, le plaidoyer, le laboratoire de droit et le renforcement de capacités. Ces actions sont menées par une équipe de juristes et d’avocats. Les activités de Sherpa ont contribué à l’indemnisation de communautés affectées par des crimes économiques, à des décisions judiciaires historiques à l’égard de multinationales et de leurs dirigeants et à des politiques législatives inédites.
  • CP / Ecocide et projet de loi climat : condamner les atteintes à la nature est urgent

    Communiqué de presse – 1 mars 2021

    La Convention citoyenne pour le climat avait demandé la reconnaissance du crime d’écocide et son inscription dans la loi française, et en avait même fait l’une de ses revendications phares, en réclamant que celle-ci soit mise au vote référendaire. Alors qu’un nombre croissant d’Etats à travers le monde demande sa reconnaissance, tout comme le Parlement européen, le gouvernement a formulé des propositions relatives au droit répressif environnemental, galvaudant le terme d’écocide au risque de se mettre en retrait de la communauté internationale et d’en affaiblir la puissance. Les mesures complémentaires proposées ont par ailleurs une efficacité plus que discutable. Notre Affaire à Tous publie aujourd’hui une analyse des dispositions prévues ainsi que des amendements et appelle le gouvernement et les parlementaires à enfin reconnaître la valeur intrinsèque de la nature en condamnant les atteintes qui lui sont portées pour ce qu’elles sont. 

    Pour faire face au dérèglement climatique en particulier et aux comportements entraînant la destruction de notre planète et le dépassement des limites planétaires en général, la Convention citoyenne avait repris la proposition de criminaliser l’écocide pour laquelle Notre Affaire à Tous se bat depuis longtemps. Le gouvernement a réduit à néant cette ambition, en détournant la définition d’écocide de celle débattue dans le débat national et international qui vise à l’inscrire parmi les crimes les plus graves portant atteinte à des valeurs universelles ; et en proposant de nouvelles incriminations environnementales rendues quasiment inopérantes au regard de leur champ d’application extrêmement restrictif. 

    A l’incrimination de l’écocide, le gouvernement a préféré proposer d’une part l’aggravation des peines applicables aux infractions sectorielles déjà prévues dans le code de l’environnement ; et d’autre part la création de nouveaux délits se caractérisant par des conditions d’application fortement restrictives et par un système incohérent de gradation des peines. On est bien loin de la promesse des Ministres de l’écologie et de la justice de brandir “le glaive de la justice face aux voyous de l’environnement”. 

    “Abus de langage” : le terme d’abus de langage fut utilisé par le CESE afin de dénoncer la faiblesse des mesures proposées par le gouvernement au sein du projet de loi pour ratrapper le retard climatique pris par la France et dénoncé par le Conseil d’Etat ainsi que le tribunal administratif de Paris dans l’Affaire du siècle. Il est tout aussi approprié ici, tant le gouvernement tente de cacher, à travers de nouvelles propositions, son refus de sanctionner les atteintes au vivant et joue avec les mots en prétendant créer des “délits de mise en danger de l’environnement et de pollution généralisée”, qui n’ont rien de général. 

    Le gouvernement fait ainsi le choix de continuer à appréhender les atteintes à la nature par la répression d’activités humaines, plutôt que par les dommages causés sur les écosystèmes. Il persiste à appréhender le vivant de manière segmentée, plutôt que d’appréhender l’interaction et les interdépendances entre les différents éléments des écosystèmes. Il s’acharne enfin à préserver le régime d’autorisation administrative qui a pourtant montré toutes ses limites : de la longueur des procédures à la permissivité des autorités administratives ; résultant en un “permis de polluer” de fait, si tant est qu’industriels et décideurs soient d’accord, et quels que soient les dommages causés. Les conditions posées par le gouvernement pour définir ce qui relève des nouvelles infractions sont par ailleurs tellement drastiques, que les modifications proposées ne couvriront qu’un nombre infime de cas. 

    A ce stade, la proposition gouvernementale réussit à peine à mettre en conformité le droit français avec le droit européen et notamment la Directive portant protection du droit pénal de l’environnement de 2008, qui sera révisée dès la fin 2021 car trop faible et inadaptée aux enjeux actuels. Notre Affaire à Tous tire la sonnette d’alarme : l’urgence environnementale requiert une condamnation forte et urgente de l’ensemble des atteintes à l’environnement, a fortiori du crime d’écocide. Les citoyen.ne.s ont fait de la préservation de l’environnement l’une de leurs priorités, il est temps que le droit s’y accorde et pénalise enfin les atteintes au vivant pour ce qu’elles sont. Face à la criminalité environnementale et à la mise en danger de la vie humaine sur Terre, le gouvernement ne brandit guère plus qu’un doigt levé. 

    Notre Affaire à Tous regrette qu’au-delà du rejet de la proposition de la Convention citoyenne sur l’écocide, ce projet de loi ne propose pas un système lisible, cohérent et proportionné de droit pénal de l’environnement. Notre Affaire à Tous déplore également qu’un véritable débat public n’ait pas émergé autour du droit répressif de l’environnement, quand les atteintes au vivant mettent en danger la sûreté de la planète et la capacité de l’humanité à habiter la Terre ; aussi bien que notre sécurité, y compris définie au sens strict : la criminalité environnementale est la quatrième source de financement des groupes armés et organisations terroristes selon Interpol.

    Pour Marie Toussaint, co-fondatrice de Notre Affaire à Tous, “Les propositions du gouvernement tapent à côté : elles ne répondent ni à l’enjeu de lutte contre le dérèglement climatique, ni à l’urgence de l’incrimination de l’écocide. Et c’est même pire : en refusant de condamner les atteintes à la nature pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire de reconnaître les infractions autonomes d’atteinte à l’environnement, le gouvernement nie que nous dépendons du vivant et qu’il doit être sanctionné que de lui porter atteinte, et donc de nous causer préjudice.”

    Pour Théophile Keïta de Notre Affaire à Tous : “Le défaut du Projet de loi est double : les faits incriminés sont considérablement restreints, loin de la sanction d’atteintes générales à l’environnement, et la définition de l’écocide ne correspond en rien aux propositions des universitaires ou de la Convention citoyenne pour le climat. Le défi, qui n’est pas relevé ici, est de proposer des textes de droit pénal de l’environnement juridiquement efficaces, en plus d’assurer les moyens de leur mise en œuvre par la police de l’environnement et l’institution judiciaire.”

    Contacts presse :

    • Théophile Keita : theophile.keita@notreaffaireatous.org
    • Cécilia Rinaudo : cecilia.rinaudo@notreaffaireatous.org
  • Projet de loi climat et protection judiciaire de l’environnement

    ANALYSE DE NOTRE AFFAIRE À TOUS DES DISPOSITIONS DU TITRE VI DU PROJET DE LOI CLIMAT ET RÉSILIENCE VISANT À RENFORCER LA PROTECTION JUDICIAIRE DE L’ENVIRONNEMENT ET PROPOSITIONS D’AMENDEMENT

     

    Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (le projet de loi climat et résilience), issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat,  a été publié le 10 février 2021. Le titre VI visant à renforcer la protection judiciaire de l’environnement contient les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement depuis le 22 novembre 2020 et relatives au délit de mise en danger de l’environnement et au “délit général de pollution” annoncé, dont les dispositions ont encore évolué par rapport aux versions précédentes du projet de loi ayant fuité. 

    Notre Affaire à Tous souhaite ici apporter une analyse de ces dispositions (I) ainsi que des propositions d’amendements (II), en invitant les parlementaires à soit incriminer l’écocide comme proposé par la Convention citoyenne pour le climat, soit à retirer ce terme du projet de loi dans sa rédaction actuelle, l’écocide étant un terme trop important pour être ainsi galvaudé. Enfin, Notre Affaire à Tous souhaite rappeler la nécessité de poursuivre le travail sur les limites planétaires avec la création d’une Haute autorité pour les limites planétaires, qui figurait dans la proposition de la Convention citoyenne pour le climat (III).

    1. Analyse des dispositions

    Pour faire face au dérèglement climatique en particulier et aux comportements entraînant la destruction de la planète et le dépassement des limites planétaires en général, la Convention citoyenne avait décidé de proposer de criminaliser l’écocide, une proposition pour laquelle Notre Affaire à Tous se bat  depuis longtemps.

    Le gouvernement a réduit à néant cette ambition, en détournant la définition d’écocide de celle débattue dans le débat national et international qui vise à l’inscrire parmi les crimes les plus graves portant atteinte à des valeurs universelles ; et en proposant à sa place de nouvelles incriminations environnementales qui auraient pu être bienvenues mais sont en réalité rendues quasiment inopérantes au regard de leur champ d’application extrêmement restrictif.

    A l’incrimination de l’écocide, le gouvernement a ainsi préféré proposer d’une part l’aggravation des peines applicables aux infractions sectorielles déjà prévues dans le code de l’environnement ; et d’autre part la création de nouveaux délits se caractérisant par des conditions d’application fortement restrictives et par un système incohérent de gradation des peines.  

    Par conséquent, le gouvernement semble bien éloigné de sa promesse de brandir “le glaive de la justice face aux voyous de l’environnement”.

    a. Sur le délit de mise en danger de l’environnement (article 67)

    Premièrement, le délit de mise en danger de l’environnement annoncé par les Ministres de la justice et de la transition écologique est réduit aux infractions spécifiques déjà prévues par les articles L. 173-1 et L. 173-2 du Code de l’environnement et par l’article L. 1252-2 du Code des transports : il ne s’agit donc pas d’un délit général de mise en danger de l’environnement pourtant si nécessaire, mais de dispositions concernant un nombre restreint d’actes ne couvrant pas l’ensemble des situations dans lesquelles la nature est mise en danger. La nouvelle infraction prévue est par ailleurs inopérante, tant les conditions requises pour considérer un comportement comme dangereux pour la santé et les éléments de l’environnement sont drastiques. Si nous pouvons nous réjouir de la volonté exprimée de créer un tel délit, ses dispositions ne permettent ainsi même pas de couvrir l’ensemble des situations censées l’être au regard de la Directive /99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal.

    D’une part, le délit prévu ne concerne que:

    • le fait d’exploiter une installation, soumise à autorisation, à enregistrement, à agrément, homologation, etc. (art. L. 173-1 Code de l’environnement) ; 
    • le fait de poursuivre une telle exploitation sans se conformer à la mise en demeure de l’autorité administrative (art. L. 173-2 Code de l’environnement) ; ou 
    • le fait de « transporter par voie ferroviaire, routière ou fluviale des marchandises dangereuses dont le transport n’est pas autorisé » (art. L. 1252-5 Code des transports). 

    Un tel délit ne vise donc pas l’ensemble des comportements susceptibles de mettre l’environnement en danger.

    D’autre part, tout comme le délit de pollution généralisée dont il sera fait état ci-après, cette nouvelle infraction ne peut être caractérisée que lorsque de tels comportements ne créent un risque de dommages graves et susceptibles de durer au moins dix ans. Il en découle que ce nouveau délit ne saurait s’appliquer ni à des risques de naufrage comme celui de l’Erika, ni à des risques d’accidents industriels comme celui de Lubrizol ! 

    Nos propositions ci-après visent à créer un délit général de mise en danger de l’environnement pleinement opérationnel.

    b. Sur le pseudo délit général de pollution (article 68)

    Deuxièmement, le délit général de pollution annoncé par les ministres de la justice et de la transition écologique, a été considérablement amoindri, sectionné en trois délits autonomes spécifiques et non pas généraux : (i) un délit de pollution induit par l’activité d’installations classées selon les articles L. 173-1 et L. 173-2 du code de l’environnement, qui serait introduit à l’article L. 173-3 II ; (ii) un délit de pollution de l’air et des eaux (nouvel article L. 230-1 du Code de l’environnement) et (iii) un délit de pollution des sols (nouvel article L. 230-1 du Code de l’environnement).  

    Alors que le premier délit ne concerne qu’un nombre restreint de cas ainsi que déjà souligné plus haut, le second est limité à la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence et sécurité prévue par la loi ou le règlement (laissant ainsi impunis les actes de négligence et d’imprudence qui structurent la criminalité environnementale), quand le troisième et dernier est limité à l’abandon et au dépôt de déchets (ne couvrant donc pas le rejet de substances polluantes provenant d’autres sources). 

    Les conditions de gravité et de durabilité de dix ans s’imposant également ici, ces trois délits seront tout aussi inopérants que le délit de mise en danger.

    En bref, parler d’un délit “général de pollution” relève d’un abus de langage : car le gouvernement ne propose pas de sanctionner les atteintes au vivant mais uniquement certains actes restreints, et se contente en réalité de proposer des sanctions plus élevées pour certaines atteintes relativement rares et difficiles à caractériser. Face à la criminalité environnementale, le gouvernement ne brandit guère plus qu’un doigt levé. Face à l’enjeu de préservation de la planète, le gouvernement se refuse encore à reconnaître la valeur intrinsèque du vivant et à condamner les atteintes à la nature pour ce qu’elles sont.

    c. Sur le délit d’écocide (article 68)

    Troisièmement, le crime d’écocide, fortement voulu par la Convention Citoyenne, est fortement dévoyé.  D’une part, ce qui aurait dû être un crime parmi les plus graves portant atteinte aux valeurs universelles est ici intégré comme un délit.  D’autre part, ce délit est présenté moins comme une infraction autonome contre les écosystèmes que comme une circonstance aggravante des deux délits spécifiques de pollution de l’air, des eaux et des sols, ainsi que de la nouvelle infraction envisagée par l’art. L. 173-3 Code de l’environnement (nouvel article L. 230-3 du Code de l’environnement). Prétextant répondre à une requête citoyenne, le gouvernement s’écarte ainsi de l’écocide tel qu’il est débattu depuis les années 70.

    Sous l’étiquette d’ « écocide », le projet de loi aggrave d’une part le délit de pollution de l’air et des eaux, lorsque les faits sont commis de manière intentionnelle (et non par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence et de sécurité prévue par la loi ou par le règlement, et donc de manière non intentionnelle) ; et d’autre part, le projet de loi aggrave le délit de pollution des sols ainsi que les atteintes graves et durables induits par l’exploitation illégale d’une installation soumise à autorisation, lorsque ces faits sont commis « en ayant connaissance du caractère grave et durables des dommages sur la santé, la flore, la faune ou la qualité de l’air, de l’eau ou des sols, susceptibles d’être induits par les faits ». Dans l’un et l’autre cas, la peine de 5 ans d’emprisonnement est portée à dix ans d’emprisonnement ; la peine d’amende est portée d’1 million d’euros à 4,5 millions et peut être augmentée jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction. 

    Outre que l’incohérence de ce système d’infractions, l’absence de clarté des incriminations, ainsi que la non proportionnalité des même peines prévues à la fois pour des infractions intentionnelles et non intentionnelles – déjà soulignées par le Conseil d’État dans l’avis particulièrement sévère rendu sur le projet de loi dans lequel il déclare que “Le projet de loi n’assure donc pas une répression cohérente, graduée et proportionnée des atteintes graves et durables à l’environnement selon l’existence ou non d’une intention » – un tel système d’infraction banalise la notion d’écocide en l’utilisant comme un moyen pour l’aggravation de faits de pollution qui sont déjà incriminés par d’autres infractions « communes ». Il se détache également de l’essentiel : car là aussi, le gouvernement choisit de sanctionner un nombre restreint d’actes plutôt que de réprimer les graves dommages causés à l’environnement en tant que tels.

    Il y a une raison pour laquelle nous demandons l’inscription de l’écocide parmi les crimes les plus graves condamnés par la Cour pénale internationale : il s’agit précisément de leur gravité. Or, des comportements d’une telle gravité ne peuvent figurer que parmi les comportements incriminés (et non pas en tant que délit, donc) et les plus sanctionnés, sans quoi la reconnaissance de l’écocide perd à la fois toute force symbolique, toute capacité de mobilisation de l’opinion et de la communauté internationale, et tout effet dissuasif.

    Notre Affaire à Tous souhaite ici rappeler que le terme d’écocide a un sens, et une histoire. Il vient du grec oikos, « maison », et du latin caedere, “tuer”. Cela signifie littéralement “tuer notre maison commune”, la Terre. Utilisé pour la première fois en 1970 par le biologiste Arthur Galston à l’occasion d’une conférence sur la guerre du Vietnam, le définissant comme “la destruction volontaire et permanente de l’environnement dans lequel les gens peuvent vivre d’une manière de leur choix”, le terme est repris par le Premier Ministre suédois, Olof Palme, lors de la toute première Conférence internationale sur l’environnement à Stockholm, en 1972. Voilà donc 50 ans que la communauté internationale reconnaît l’importance de cette incrimination, sans pour autant l’inscrire dans notre droit. Une dizaine d’Etats, à commencer par le Vietnam et une dizaine de pays de l’ex-URSS souhaitant condamner les essais nucléaire sur leurs territoires, l’inscrivent néanmoins dans leurs codes pénaux pendant les années 90s.

    Diverses propositions de définition et formulation ont par la suite été discutées dans le cadre du travail de la commission juridique des Nations-Unies lors de la rédaction du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale, dans le milieu universitaire, ou encore chez les praticiens du droit ; et discutées au plus haut niveau de l’Etat, notamment en France.

    Plus récemment, la Fondation Stop Ecocide a mis sur pied un panel international d’expert.e.s de très haut niveau afin de proposer une définition du crime d’écocide susceptible d’être inscrite au Statut de Rome en réunissant l’accord des Etats parties à la Cour pénale internationale. Ses conclusions sont attendues pour le premier semestre 2021, et doivent inspirer la rédaction choisie dans les Etats. Soulignant la date rapprochée à laquelle la proposition du groupe d’expert.e.s sera publiée, Notre affaire à tous incite les parlementaires à déposer les amendements que nous suggérons tout en gardant ouverte la possibilité de leur évolution avant la fin de l’examen du projet de loi de sorte à y intégrer les conclusions de ce panel.

    d. Remarques générales

    La manière dont le gouvernement aborde ces nouveaux délits ne nous permet par ailleurs aucunement de voir :

    • Leur lien direct avec le dérèglement climatique, sauf à observer une évolution majeure de la jurisprudence en ce qui concerne la pollution de l’air, à ce jour principalement appréhendée à travers les particules fines ;
    • Emerger une approche écosystémique, le gouvernement préférant préserver une approche segmentée de l’environnement (faune et flore, sols, eaux et air) et des délits distincts, plutôt que la formulation déjà prévue par l’article 1247 du Code civil établissant le préjudice écologique et avec une responsabilité civile pour « une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou au bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». 

    Notre Affaire à Tous regrette qu’au-delà du rejet de la proposition de la Convention citoyenne sur l’écocide, un système lisible, cohérent et proportionné de droit pénal de l’environnement ne soit introduit par ce projet de loi. Notre Affaire À Tous déplore également qu’un véritable débat public n’ait pas émergé autour du droit répressif de l’environnement, alors même que les atteintes au vivant mettent en danger la sûreté de la planète et la capacité de l’humanité à habiter la Terre aussi bien que notre sécurité, y compris définie au sens strict : la criminalité environnementale est la quatrième source de financement des groupes armés et organisations terroristes selon Interpol. 

    Ce droit répressif de l’environnement devrait  consister en un système rationnel organisé autour de trois infractions caractérisées par une différente échelle de gravité : (i) une infraction de mise en danger de l’environnement, (ii) une infraction d’atteinte aux éléments de l’environnement et à l’équilibre des écosystèmes, et finalement (iii) l’écocide comme incrimination réservée aux dommages les plus graves, autrement dit aux désastres et aux catastrophes écologiques. 

    Le droit international, le droit de l’Union européenne ainsi que plusieurs systèmes nationaux vont dans cette direction. Il est temps que le droit français reconnaisse enfin la valeur intrinsèque de la nature et criminalise, à leur juste niveau, les atteintes qui lui sont portées.

    DIGEST

    • Le projet de loi détourne la notion d’écocide et restreint outre toute mesure l’incrimination des atteintes aux éléments de l’environnement. Il ne criminalise pas les atteintes portées à l’équilibre des écosystèmes.
    • Les délits de mise en danger et d’atteinte générale aux éléments de l’environnement, envisagés par le projet de loi, ne concernent qu’un nombre restreint de comportements, ainsi que de dommages ou de risques de dommages révélant un fossé abyssal entre les prétentions du gouvernement et le réel. Ils ne visent en aucun cas la protection de la nature pour son intérêt propre. Ce système de délits environnementaux est par ailleurs voué à être inopérant pour les raisons suivantes : Il vise des catégories restreintes d’auteurs (exploitants d’installations soumises à autorisation, à enregistrement, à agrément, homologation ; opérateurs de déchets).  Il n’est mobilisable qu’en situation d’irrespect des autorisations et arrêtés distribués par les autorités publiques ; niant donc la valeur intrinsèque de la nature.Il n’est applicable qu’en cas d’atteintes susceptibles de durer au moins dix ans, assez rares dans le monde réel et difficilement mesurables.Le délit de pollution de l’air et des eaux est, quant à lui, limité à la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité et ne s’applique pas aux fautes d’imprudence et de négligence, pourtant dominantes dans le domaine. Ils s’écartent du droit international, du droit de l’UE et des réformes adoptées par d’autres pays industrialisés.
    • Il est difficile de qualifier le “délit d’écocide” finalement retenu par le gouvernement, empêtré dans ses négociations internes entre l’écologie et Bercy, tiré d’un côté par la Convention citoyenne et de l’autre par les lobbies et notamment le Medef ; si ce n’est qu’il use à la fois de termes inappropriés et recouvre un mécanisme quasi-inopérant. 

    ALERTE

    En tout état de cause, le terme d’écocide ne saurait être galvaudé ; en reconnaissant le crime d’écocide comme figurant parmi les crimes les plus graves, nous écrivons l’histoire. La proposition du gouvernement, donnant une autre définition et des contours beaucoup plus lâches à l’écocide, risque non seulement d’insulter l’histoire mais aussi de créer un dangereux précédent et ainsi affaiblir le fragile processus de définition dont cette infraction fait l’objet à l’échelle internationale. Le terme d’écocide ne doit pas figurer parmi les termes figurant dans la loi s’il ne revêt pas l’importance qui lui est donnée par la communauté internationale depuis sa première apparition et utilisation en 1970.

    2. Nos propostions

    Nous proposons deux scénarios possibles d’amendements au projet de loi climat et résilience:

    1. Un scénario d’amélioration substantielle du droit pénal de l’environnement pour relever le défi environnemental (scénario 1) ;
    2. Un scénario a minima visant à rendre opérationnelles les propositions du gouvernement, qui ne le sont aucunement à ce stade (scénario 2).

    Nous rappelons à ce titre que la question d’une meilleure réponse pénale aux infractions environnementales et celle de la création de juridictions spécialisées sont soulevées depuis de nombreuses années, et que la “dépénalisation de fait du droit de l’environnement” est une réalité. C’est précisément à ces enjeux que la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a tenté de répondre sans pour autant aller au bout de l’exercice : c’est la raison d’être des, amendements que nous proposons. Nous rappelons également qu’à l’échelle européenne comme internationale, la répression des atteintes à l’environnement est un enjeu émergent, et la France en perte de vitesse vis-à-vis d’autres pays européens et occidentaux. Néanmoins, ces mesures doivent s’accompagner de moyens financiers et humains suffisants alloués à la justice environnementale, qui demeurent un point primordial afin de garantir l’effectivité des textes. 

    Scénario 1

    Vers un droit pénal de l’environnement général et autonome et l’incrimination de l’écocide

    Dans ce premier scénario, nous proposons:

    • Concernant le délit de mise en danger de l’environnement et le délit général de pollution:

    • un remplacement du critère cumulatif du caractère grave et durable, par un critère alternatif; 
    • la suppression de la définition du caractère durable exigeant une durée d’au moins 10 ans ; 
    • un élargissement de l’élément moral en incluant la négligence et l’imprudence.

    • Concernant l’écocide

    • une suppression du délit d’écocide tel que proposé par le gouvernement ; 
    • une incrimination de l’écocide avec une définition appropriée.  

    Scénario 2

    Amélioration à la marge des propositions du gouvernement afin de rendre les nouvelles incriminations pour le moins opérationnelles 

    Dans ce deuxième scénario, proposé à contre-coeur tant l’enjeu est immense et urgent, nous proposons uniquement :

    • S’agissant du délit de mise en danger de l’environnement et du délit général de pollution :

    • le remplacement du critère cumulatif du caractère grave et durable par un critère alternatif ;
    • la suppression de la définition du caractère durable exigeant une durée d’au moins 10 ans ; 
    • l’élargissement de l’élément moral en incluant la négligence et l’imprudence. 

    • S’agissant de l’écocide: 

    • la suppression du délit d’écocide tel que proposé par le gouvernement ;
    • l’incrimination de l’écocide avec une définition appropriée.    

    Rien ne serait pire que d’avoir mis en place de nouvelles infractions inefficaces, en prétendant avoir fait le nécessaire et en balayant d’un revers de la main les essentielles modifications du régime répressif français en matière d’environnement.

    Suggestions

    Poursuivre le travail sur les limites planétaires avec la création d’une Haute autorité pour les limites planétaires

    Afin de finaliser les recherches sur des outils de mesure et réglementaires relatifs aux limites planétaires, afin également de produire de la connaissance et de l’expertise dans la durée, et de fournir rapports d’évaluation et de recommandations aux pouvoirs publics et aux personnes morales de droit privé, la France doit également créer une Haute Autorité aux limites planétaires, dotée d’un budget suffisant, s’élevant pour les trois premières années à au moins 3 millions d’euros annuels. Cette Haute Autorité peut être créée par décret, préférablement en nouvelle Section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier de la partie réglementaire du code de l’environnement. Nous formulons également une proposition d’amendement législatif.

    En complément, l’article L. 225-102-4.-I du Code de commerce pourrait être utilement modifié de la sorte, afin que le secteur privé ait lui aussi pour responsabilité d’oeuvrer au respect des limites planétaires : « Le plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement et les limites planétaires, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle au sens du II de l’article L. 233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.”

    ***

    Liens utiles

  • CP / L’Affaire du Siècle dépose de nouvelles pièces dans le dossier Grande-Synthe : l’État n’en fait décidément pas assez

    Les organisations de l’Affaire du Siècle viennent de déposer de nouvelles pièces au recours de la ville de Grande-Synthe devant le Conseil d’État. Sans surprise, elles démontrent que les politiques climatiques actuelles ne permettront pas à la France d’atteindre ses objectifs à l’horizon 2030, pas plus que le projet de loi Climat et résilience présenté la semaine dernière en conseil des ministres.

    Le 19 novembre dernier, le Conseil d’État a donné trois mois au gouvernement pour « justifier que la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030 pourra être respectée » [1]. Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France, qui soutiennent l’action en justice de la commune de Grande-Synthe [2], ont mandaté le cabinet d’expertise indépendant Carbone 4 pour répondre à la question posée par les juges.

    La conclusion de l’étude réalisée par Carbone 4 est sans appel : « il est certain que les mesures adoptées ou envisagées par l’État, notamment dans le cadre du projet de loi Climat et résilience, ne permettront pas d’atteindre l’objectif global de réduction de 40% des émissions de GES à 2030 par rapport à 1990. » L’étude intitulée « L’État français se donne-t-il les moyens de son ambition climat ? » [3], couvre l’ensemble des secteurs d’émissions couverts par la SNBC [4], et explore en détail les mesures sur trois secteurs représentant la moitié des émissions de gaz à effet de serre de la France : le transport de personnes, le logement et l’agriculture. 

    Pour Guillaume Hannotin, l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation qui représente les organisations de l’Affaire du Siècle devant le Conseil d’État : « L’étude de Carbone 4 démontre de façon rigoureuse et transparente que des mesures supplémentaires sont nécessaires pour que la France respecte ses objectifs 2030, objectifs que le Conseil d’État a jugé contraignants le 19 novembre dernier. À l’heure où toutes les institutions du pays, en dernier lieu la juridiction administrative, reconnaissent l’urgence qu’il y a à agir contre le dérèglement climatique, l’on ne peut qu’être surpris par la posture du gouvernement consistant à dire que son action est suffisante. Il y a un véritable hiatus entre la perpétuelle affirmation d’objectifs ambitieux et les mesures mises en place. En réalité, la politique climatique de la France repose sur de la pensée magique. »

    Pour les organisations de l’Affaire du Siècle : « Alors que l’insuffisance du projet de loi Climat et résilience a été pointée du doigt de toutes parts [5], ces nouveaux éléments nous donnent bon espoir que, dès cet été, la justice ordonne à l’État de prendre enfin des mesures concrètes pour réduire effectivement les émissions de gaz à effet de serre et remettre la France sur le chemin tracé par l’Accord de Paris. L’été 2021 pourrait donc marquer un véritable tournant pour le climat ! »

    Le Conseil d’État a en effet annoncé qu’il rendrait sa décision à l’été. En cas de non-respect par l’État d’une éventuelle condamnation, le Conseil d’État a déjà annoncé un suivi et la possibilité d’une astreinte. [6]

    En parallèle, dans le recours de l’Affaire du Siècle, le tribunal administratif de Paris a reconnu, le 3 février dernier, la responsabilité de l’État français dans la crise climatique, l’illégalité de son inaction et la nécessité de réparer les dommages ainsi causés. Les juges ont donné à l’Affaire du Siècle et à l’État jusqu’au 6 avril pour produire de nouveaux arguments qui lui permettraient de « déterminer avec précision les mesures qui doivent être ordonnées à l’État » [7]. 

    Notes

    1. communiqué de presse et décision du Conseil d’État du 19 novembre 2020
    2. La commune de Grande-Synthe a déposé un recours au Conseil d’État en décembre 2018. L’Affaire du Siècle est intervenante volontaire dans le dossier et a déposé un premier mémoire en février 2020.
    3. L’étude de Carbone 4 « L’État français se donne-t-il les moyens de son ambition climat ? » démontre que « ces trois secteurs clés accuseront un retard important sur leurs objectifs » de réduction des émissions. Carbone 4 montre par exemple que le nombre de rénovations performantes attendues sur le parc de logements (2,7 millions) ne correspond qu’à un peu plus de la moitié de ce qu’il faudrait réaliser sur la période d’après la SNBC (4,5 millions).
    4. La SNBC est la Stratégie nationale bas carbone, feuille de route de l’État pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre de la France, qui fixe notamment les budgets carbone annuels.
    5. Avis du CESE ; avis du Conseil d’État ; avis du Haut Conseil pour le Climat.
    6. https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/pollution-de-l-air-et-gaz-a-effet-de-serre-suites-donnees-aux-decisions-de-juillet-et-novembre-2020 
    7. Communiqué de presse et décision du tribunal administratif de Paris

    Contacts presse

    Notre Affaire à Tous : Cécilia Rinaudo, 06 86 41 71 81 – cecilia@notreaffaireatous.org
    Fondation Nicolas Hulot : Paula Torrente, 07 87 50 74 90 – p.torrente@fnh.org
    Greenpeace France : Kim Dallet, 06 33 58 39 46 – kim.dallet@greenpeace.org
    Oxfam France : Marion Cosperec, 07 68 30 06 17 – mcosperec@oxfamfrance.org

  • CP / La lutte juridique s’engage contre le projet d’aménagement du site naturel du Carnet

    Le jeudi 18 février 2021, l’association MNLE 93 ainsi que des particuliers riverains soutenus par Notre Affaire À Tous déposent un recours au tribunal de Saint Nazaire visant à voir reconnue l’illégalité des larges travaux d’aménagement sur le site du Carnet. Ce “site industriel clés en main” (1) représente un réservoir de biodiversité et une zone préservée dans l’estuaire de la Loire. Les travaux de bétonnage de 100 hectares s’en trouvent largement critiqués. 

    Le 20 octobre 2020, le MNLE, l’association Notre Affaire A Tous, le collectif Stop Carnet ainsi qu’une vingtaine de particuliers ont adressé une lettre au préfet soulignant l’incomplétude du dossier d’aménagement. Dans cette lettre adressée au Préfet de la Région des Pays de la Loire, les organisations lui demandaient de bien vouloir mettre en demeure le Grand Port Maritime de Nantes Saint Nazaire de régulariser les travaux qui ont lieu sur le site du Carnet. 

    Dans un communiqué de presse, du 4 novembre 2020, le Grand Port Maritime de Saint Nazaire a prévenu qu’il retarderait d’un an les travaux sur le site, notamment pour compléter les études faunistiques et floristiques sur le site. Les associations et particuliers engagés ne peuvent que saluer le moratoire qui permettra la mise en place d’études complètes en espérant qu’elles rendent compte de la destruction massive qu’engendrerait un tel aménagement du site. Néanmoins ce moratoire déclaré par le Grand Port Maritime n’a pourtant aucune valeur juridique, et c’est afin de rendre compte de cette illégalité que le recours des requérants est essentiel.

    Les travaux sur le site du Carnet doivent en effet être considérés comme illégaux :

    D’une part, les travaux ont lieu sans déclaration de projet. Or, au titre de l’article L 126-1 du code de l’environnement, la déclaration de projet est obligatoire afin de définir le projet comme étant d’intérêt général. Bien que le projet soit dispensé de procédure au titre du code de l’urbanisme (car mené par le Grand Port), dès qu’un projet a une influence directe sur la qualité de l’environnement, celui-ci doit faire l’objet d’une déclaration de projet. Cet acte permet de prévoir les installations et travaux qui auront lieu et donc possiblement d’émettre des contestations en amont de la réalisation. 

    Pour Chloé Gerbier, juriste de l’association Notre Affaire à Tous,« l’absence de déclaration du projet du site Carnet prive les citoyens de leur droit de recours et ne permet pas de juger de l’intérêt du projet”.

    Or, ce document est introuvable et le grand port lui-même ne semble pas pouvoir répondre aux nombreuses demandes que nous avons faites.

    D’autre part, l’autorisation dérogation espèces protégées a été obtenue pour un nombre d’espèces très faible. Certaines espèces semblent donc avoir été mises de côté sans raison, alors qu’elles seront manifestement impactées par le projet et que les mesures ERC mises en place sont clairement insuffisantes. Ce sont notamment le campagnol, plusieurs chiroptères, la vipère aspic et 7 espèces d’oiseaux, qui malgré leur protection à l’échelle nationale se verront supprimés ou déplacés sans qu’aucune autorisation à ce titre n’ait été obtenue.

    Ces documents sont des pré-requis au commencement des travaux. Les travaux de biotope, prélude au bétonnage, ont donc d’ores et déjà commencé dans l’illégalité.

    Contacts presse :

    • MNLE, Jean Paul Martel : 06 70 44 61 12
    • Notre Affaire à Tous, Chloé Gerbier : 06 46 43 55 09
    • Riverain du projet, Nicolas Lahaye : 07 82 62 93 70

    Notes

    (1) Le site du Carnet est un des douze premiers sites clés en main annoncés par E. Macron lors du sommet “Choose France” en janvier 2020

  • CP / Contentieux climatique contre Total : une première victoire des associations et des collectivités

    Jeudi 11 février 2021, dans le contentieux climatique engagé contre la société Total, le Tribunal judiciaire de Nanterre a donné raison aux 5 associations et 14 collectivités territoriales demanderesses, en rejetant l’exception d’incompétence soulevée par la multinationale pétrolière qui souhaitait porter ce litige devant le tribunal de commerce.

    Le 28 janvier 2020, quatorze collectivités territoriales et 5 associations (Notre Affaire à Tous, Sherpa, Eco Maires, France Nature Environnement et ZEA) assignaient Total en justice en raison de l’insuffisance de ses engagements climatiques et de leur inadéquation avec les objectifs de l’Accord de Paris. Alors que Total porte une responsabilité particulière au regard de son empreinte carbone considérable, son plan de vigilance ne permet pas de prévenir les risques graves découlant du réchauffement climatique. Les associations et collectivités demandent au juge d’enjoindre à la multinationale de prendre les mesures propres à prévenir les risques découlant de ses activités en réduisant drastiquement ses émissions de gaz à effet de serre.

    Sans répondre sur le fond, Total a soulevé l’incompétence du Tribunal judiciaire de Nanterre et demandé à ce que le litige soit porté devant le Tribunal de commerce, juridiction d’exception composée de dirigeants d’entreprises. 

    Dans une ordonnance rendue ce jour, le juge de la mise en état rejette l’exception d’incompétence de Total et donne raison aux associations et collectivités en confirmant la compétence du tribunal judiciaire pour statuer sur leurs demandes. Le juge considère qu’elles disposent, en tant que  “non commerçants”, “d’un droit d’option, qu’elles exercent à leur convenance, entre le tribunal judiciaire, qu’elles ont valablement saisi, et le tribunal de commerce.” 

    Loin de trancher un point strictement procédural, l’ordonnance rappelle que le devoir de vigilance “relève de la responsabilité sociale de Total” et que “la lettre” des dispositions du code de commerce relatives au devoir de vigilance “commande un contrôle judiciaire”. Cette décision constitue une première victoire dans ce procès historique contre Total et contredit les  précédentes décisions rendues en référé par le Tribunal de Nanterre et la Cour d’appel de Versailles dans l’affaire concernant ses projets en Ouganda. 

    Les associations et collectivités espèrent désormais, qu’au regard de l’accélération du réchauffement climatique et de l’urgence de sortir de l’ère des fossiles, une décision du litige au fond interviendra dans les meilleurs délais.  

    Pour Me Sébastien Mabile et François de Cambiaire, avocats des associations et des collectivités, “il s’agit d’une première victoire déterminante, le juge ayant reconnu la spécificité du devoir de vigilance et son nécessaire contrôle judiciaire”.  

    Pour Paul Mougeolle de Notre Affaire à Tous, alors que le juge vient de reconnaître la part de responsabilité de l’Etat français dans la crise climatique dans “l’Affaire du Siècle”, cette décision confirme que la justice française est entièrement compétente pour contrôler cette fois-ci le comportement des entreprises les plus polluantes, telles que Total”. 

    Pour Sherpa, “Le juge reconnaît que si le devoir de vigilance a vocation à avoir un impact sur les décisions et les activités de l’entreprise, de par sa nature cette obligation touche la “Société dans son ensemble”. Alors que Total cherchait à réduire le devoir de vigilance à une question de gestion commerciale, le juge rappelle clairement l’intention du législateur.”

    Contacts presse

  • CP / Loi climat résilience : nous avons la responsabilité d’agir pour contre le renoncement climatique, social et démocratique

    Le mercredi 10 février, une semaine après que le tribunal administratif ait reconnu la responsabilité de l’Etat français dans la crise climatique, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets est présenté en Conseil des ministres. Résultat de la Convention Citoyenne pour le Climat la loi climat est décevante, pourtant les propositions de cet exercice démocratique exemplaire auraient dû être reprises de sorte à garantir l’atteinte des objectifs climat dans la justice sociale ; il n’en n’est rien. Au lendemain du jugement de l’Affaire du Siècle, le gouvernement ne peut se contenter de si peu pour justifier son retard dans la lutte contre le changement climatique devant les 2,3 millions de citoyens ayant signé la pétition.  

    Alors que plusieurs enquêtes ont démontré l’influence des lobbies sur ce projet de loi, il apparaît que les 149 propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat sont dénaturées. En l’état, le projet de loi ne reprend qu’une partie des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, et nombre d’entre elles sont détricotées, vidées de leur substance ou ne sont présentes qu’à titre d’incitation. Notre affaire à tous se mobilise pour améliorer ce texte et garantir l’action de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique et l’atteinte des objectifs fixés. Hier matin, alors que Barbara Pompili terminait son intervention à la radio France Inter en fustigeant les militants écologistes taxé.e.s de “pessimisme”, plusieurs représentants politiques, d’organisations et d’associations dont Notre Affaire A Tous ont tenté de marcher jusqu’à l’Elysée afin de dénoncer le manque d’ambition et de volonté politique que reflète le projet de loi. Sur demande du préfet Lallement, nous y avons été verbalisés. 

    En effet, à bien des égards, le projet est insuffisant, les différents avis rendus le concernant ainsi que l’étude d’impact réaffirment l’impossibilité par ces mesures d’obtenir la baisse prévue de 40% des émissions de gaz à effet de serre, objectif lui-même insuffisant au regard du nouvel objectif européen de -55%.


    A ce sujet, l’étude du Boston Consulting Group commandité par le MTES affirme que « dans un scénario volontariste, on estime que l’on pourrait atteindre ~339 MtCO2e à horizon 2030, soit une réduction de 38% par rapport au niveau de 1990 (figure 3), proche de l’objectif affiché par le gouvernement » Cette estimation mise sur un changement des comportements volontaristes estimé comme « possible », bien que « cela suppose de mobiliser des moyens politiques, financiers et humains inédits. ». Plutôt qu’une validation de la stratégie du gouvernement, cette nouvelle étude, privée, souligne que les mesures prises par le gouvernement depuis 2017 ne seront à la hauteur des enjeux que si le gouvernement va plus loin que les mesures actuellement prévues. Elle souligne par ailleurs que l’atteinte de l’objectif soutenu par la France au niveau européen de 55% de réduction d’émissions pour 2030 ne sera atteignable qu’avec un “changement de paradigme”, notamment en matière de politique agricole, option que le gouvernement ne soutient pas dans la réforme actuelle de la PAC malgré les appels des militant.e.s écologistes à la réformer en profondeur. 

    Parmi les modifications substantielles aux propositions de la Convention Citoyenne :

    Plusieurs mécanismes d’amoindrissement sont à l’œuvre, et certains articles abordent des sujets clés sans pour autant concrétiser les outils juridiques permettant de les atteindre. C’est le cas des articles 2 et 3 concernant l’éducation et la sensibilisation : si ceux-ci consacrent la nécessité d’introduire l’environnement au sein de tous les enseignements et de sensibiliser aux enjeux de l’exclusion et de l’environnement, ils ne sont pas pour autant assez précis ou contraignants pour que l’on puisse avoir une idée de leurs implications, et font office d’incitation plus que d’obligations. C’est aussi le cas des nouveaux “rapports sur l’artificialisation des sols” introduits par le projet de loi ; ces rapports sont établis tous les ans par l’autorité en charge du plan local d’urbanisme et permettent d’évaluer l’artificialisation des sols sur le territoire. Pour autant, ils ne sont pas suivis de mesures contraignantes.

    Certains articles font une place telle aux exceptions qu’ils se trouvent privés d’effets. C’est le cas de l’article 37 concernant les extensions d’infrastructures aéroportuaires, dont la CCC demandait l’interdiction. La rédaction actuelle de l’article ne permet de bloquer aucun projet de notre connaissance, par exemple les extensions de Marseille, Caen et Roissy Charles de Gaulle ne seront pas concernées…Les projets qui entreraient dans cette interdiction font en fait l’objet d’une dérogation prévue dans le projet de loi, comme les aéroports de Beauvais et de Nantes Atlantique ainsi que les infrastructures des DROM. Si l’association salue l’abandon du projet de terminal 4 contre lequel elle lutte depuis près de 2 ans, annoncé ce matin, des garanties juridiques sont attendues.

    Enfin, certains articles semblent reprendre des mécanismes déjà à l’œuvre en partie, comme l’article qui impose aux documents d’urbanisme la prise en compte de l’artificialisation sur leur territoire alors qu’aujourd’hui ceux-ci doivent déjà faire état d’une gestion économe des sols… Comme attendu, c’est bien l’interprétation la plus faible des ambitions de la Convention Citoyenne pour le Climat qui est traduite dans ce document et si l’article 50 interdit la délivrance d’autorisation d’exploiter pour les structures commerciales qui entraîneraient une artificialisation de plus de 10 000m2 de sols, il n’est fait aucune mention des entrepôts commerciaux.

    A la création de nouveaux crimes, à la reconnaissance de l’écocide, le gouvernement a préféré proposer un renforcement des dispositions pénales du code de l’environnement en créant de nouveaux délits et rehaussant certaines sanctions aujourd’hui d’ores et déjà prévues. D’une part, le délit de mise en danger de l’environnement semble inopérant, tant les conditions requises pour considérer un comportement comme dangereux sont drastiques. D’autre part, le renforcement des sanctions sur les délits prévus et déjà existants ne touchera que les atteintes à l’environnement répondant aux mêmes conditions de gravité et de durabilité d’au moins dix ans. Enfin le manque de clarté souligné par le CE dans son avis le délit d’écocide prévu répond lui aussi à des conditions extrêmement restrictives, rejetant dans le rayon des délits des atteintes qui seraient manifestement extrêmement étendues.

    Pour Marie Toussaint, eurodéputée et membre du CA de Notre Affaire à Tous : « Les écocides sont définis comme de graves crimes contre la planète. Or on ne peut définir un crime, avec des conditions extrêmement restrictives, et le punir comme un délit. »

    Pour Chloé Gerbier, juriste de l’association Notre Affaire à Tous : “Le projet de loi apparaît peu ambitieux et rares sont les mesures contraignantes : il est à craindre qu’après la navette parlementaire, il ne reste rien des ambitions de la Convention Citoyenne pour le Climat.”

    Contact presse :

    • Chloé Gerbier, juriste de l’association Notre Affaire à Tous : 06 46 43 55 09