Catégorie : Actualités

  • Extension de Roissy : les ONG demandent des garanties au Gouvernement

    Dans une déclaration massivement relayée ce matin du jeudi 11 février, la ministre de la transition écologique a annoncé au Monde “l’abandon du projet de terminal 4”. En parallèle, le Gouvernement aurait demandé au groupe ADP “de lui présenter un nouveau projet”.

    Les associations prennent acte de cette déclaration, mais s’inquiètent de l’effet d’annonce et s’interrogent sur la teneur du “nouveau projet”, ainsi que sur les garanties juridiques apportées pour qu’il n’y ait pas d’augmentation des capacités d’accueil de Roissy, alors que le Gouvernement se déclare ouvert à cette possibilité. 

    La question de l’extension des capacités de l’aéroport de Roissy reste posée, d’autant que l’article 37 de la loi Climat et Résilience limite son champ d’application aux projets nécessitant une expropriation foncière et laisse la possibilité aux aéroports de prendre en compte la compensation carbone dans leur bilan d’émissions de gaz à effet de serre.

    Nos associations avaient ainsi alerté le Gouvernement par un courrier en date du 8 février , sans réponse à ce jour. Nous demandons une réponse à ce courrier confirmant l’abandon du projet d’extension de l’aéroport de Roissy ainsi que la modification de la rédaction actuelle de l’article 37 du Projet de Loi Climat qui n’apporte pas les garanties juridiques suffisantes concernant l’extension de l’aéroport de Roissy ou de tout autre aéroport en France (une dizaine de projets en cours actuellement).

    Contacts presse : 

    • Audrey Boehly, Non au Terminal 4 – 06 77 81 49 40
    • Chloé Gerbier, Notre Affaire à Tous – 06 46 43 55 09
    • Agathe Bounfour, Responsable Transport Réseau Action Climat – 0782085677
    • Magali Rubino, Greenpeace France – 07 78 41 78 78
    • Françoise Brochot, ADVOCNAR – 06 79 51 25 60

    Signataires : Non au Terminal 4, Notre Affaire à Tous, Réseau Action Climat, Greenpeace France, ADVOCNAR, Alternatiba Paris

  • 11 février 2021 – Reprise de la revue de presse IMPACTS

    Après quelques mois d’absence, “IMPACTS – La revue de presse des inégalités climatiques” revient ! En décembre 2020, Notre Affaire à Tous sortait le rapport “Un climat d’inégalités”, un dossier inédit sur les inégalités climatiques en France ! L’objectif : mettre en lumière un phénomène encore trop peu documenté, que nous nous efforçons de documenter depuis avril 2019 dans la revue de presse IMPACTS ! 5 ans après l’Accord de Paris, deux ans après l’Affaire du Siècle et la mobilisation des gilets jaunes, les actions ambitieuses en matière de lutte contre le dérèglement climatique se font toujours attendre et l’accélération du changement climatique pèse de manière inégale sur la population française. À travers ce rapport, nous avons documenté et analysé :

    • Les populations les plus vulnérables,
    • Les territoires les plus touchés,
    • Les répercussions sociales,
    • Les secteurs économiques menacés par les changements climatiques.

    Pour préparer ce rapport, nous avons également rencontré et interrogé quatorze citoyen·ne·s qui ont témoigné des impacts directs du dérèglement climatique sur leurs conditions de vie. 

    Dans ce numéro de reprise de la revue de presse, nous vous faisons un récapitulatif des impacts climatiques de 2020.

    2020 : année de tous les (mauvais) records

    Notre rapport a été publié en 2020, une année de tous les (mauvais) records climatiques. 2020 est l’année la plus chaude jamais enregistrée après l’année 2018, et 9 des 10 années les plus chaudes appartiennent désormais au XXIᵉ siècle, la dernière décennie cumulant le top 7. Records de chaleur, records d’incendies, records d’intempéries… Tous ces indicateurs sont révélateurs de l’impact du dérèglement climatique qui ne cesse de s’intensifier. L’année 2020 n’a cependant pas été celle du record des émissions de CO2 en raison du ralentissement de l’activité humaine mondiale dans le cadre des mesures prises pour limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19. 

    • Incendies nombreux et dévastateurs

    L’année 2020 a témoigné d’un nombre record d’incendies d’une intensité sans précédent à travers le monde. Dès janvier, l’Australie luttait déjà contre la pire saison de feux de forêts que le pays ait connu, avec un bilan tragique – plus de 11 millions d’hectares brûlés, 3 milliards d’animaux tués ou déplacés, et des millions de personnes impactées directement ou indirectement par les feux (déplacements, pollution de l’air, conséquences physiques et mentales, etc.). 

    En Sibérie arctique, des températures caniculaires ont déclenché des feux dont le bilan est estimé par certains à 20 millions d’hectares de forêt détruits, soit 20 fois plus qu’en Californie, rapporte France Info. Et pourtant, les incendies californiens ont marqué les esprits par leur ampleur inédite, avec une surface détruite de plus de 8,000 km², soit 100 fois la superficie de Paris. 

    Le Brésil, quant à lui, fait face à un nombre croissant d’incendies, notamment en Amazonie où une augmentation de 13% a été constatée au cours des neufs premiers mois de l’année 2020 – n’en déplaise au Président Jair Bolsonaro qui n’a cessé de nier l’origine et l’importance de ces feux. En effet, leur origine est cette fois essentiellement criminelle et résulte des incitations du gouvernement en place à procéder à des opérations de déforestation illégale destinées à installer des élevages illégaux de bétail. D’après Amnesty International, la déforestation a augmenté de 35% entre la période allant d’août 2019 à juillet 2020 et l’année précédente sur la même période. 

    La France a elle aussi connu des feux cet été. Ces derniers, causés par le réchauffement climatique ou d’origine criminelle, se sont déclarés en particulier dans la forêt de Chiberta et dans les Bouches-du-Rhône, à Vitrolles ou encore à Istres, comme l’évoque Reporterre

    Les catastrophes naturelles n’ont cessé de se multiplier : 2020 a été l’année des records pour de nombreux événements extrêmes (feux de forêts, tempêtes… ). Le nombre de catastrophes naturelles a doublé en 20 ans à l’échelle de la planète, selon un rapport des Nations Unies d’octobre 2020. Le principal risque pour ces prochaines années viendra majoritairement des vagues de chaleur, qui “ont augmenté de 232% depuis 1999”, alors que les catastrophes les plus importantes des dernières années étaient les tempêtes et inondations.

    Face à ces événements extrêmes, les personnes les plus pauvres sont les plus touchées : dans les pays pauvres, “seulement 4 % des pertes économiques causées par les catastrophes sont assurées, contre 60 % dans les pays riches, selon une récente étude publiée dans The Lancet”.

    Augmentation de la concentration de CO2 malgré la baisse des émissions

    Si les émissions mondiales de CO2 ont baissé de 7% en 2020 par rapport à 2019 en raison des mesures adoptées mondialement pour lutter contre la pandémie, ce record de diminution des émissions n’a pas permis de mettre un frein à l’augmentation des concentrations de CO2 dans l’atmosphère, rapporte La Relève et la Peste. Cette diminution est également à relativiser car elle est temporaire et ne provient pas de changements structurels.

    Cette baisse sans précédent des émissions mondiales s’explique avant tout par la réduction des émissions résultant des transports par rapport à 2019. Cette diminution est encore évaluée, en décembre 2020, à 10% pour le transport routier et à 40% pour le transport aérien.
    Or, la réduction ne signifie pas la stabilisation des émissions. Ainsi, malgré cette baisse des émissions, la concentration de CO2 dans l’atmosphère a augmenté de 410 à 412 parties par million, ce qui la rapproche du seuil des 450 parties par million fixé par le GIEC pour limiter l’augmentation de la température moyenne de 2°C. Cette évolution s’explique également par un puits de carbone terrestre ayant moins absorbé de CO2, notamment en raison d’incendies et de sécheresses.

    Zoom sur l’année 2020 en France

    En France, l’année a été la plus chaude jamais enregistrée à l’échelle nationale et des records de chaleur ont été atteints sur une majorité du territoire, comme en Isère où “le climat s’emballe”, en Alsace, au Pays Basque… 

    D’une part, à ces grosses vagues de chaleurs de l’été s’est ajoutée une faible pluviométrie, avec un déficit de plus de 70% en moyenne sur la totalité du territoire. En août 2020, 75 départements étaient en restriction d’eau, impactant notamment les agriculteurs, victimes de la sécheresse. L’été 2020 a été le plus sec jamais enregistré, depuis 1959, battant pour la troisième année consécutive les records de sécheresse après les étés 2018 et 2019. Pour en savoir plus sur les impacts des sécheresses sur les agriculteurs, découvrez les témoignages de Maurice Feschet et de Raphaël Baltassatdeux des quatorze témoins du rapport « Un Climat d’inégalités ». 

    De nombreuses restrictions d’eau ont eu lieu durant l’été 2020. Au 25 septembre, 183 arrêtés préfectoraux de restriction de l’usage de l’eau et de l’irrigation étaient en vigueur, concernant 78 départements. 7 autres départements étaient en situation de vigilance. Face à l’augmentation des tensions autour des usages de l’eau, l’Assemblée nationale a publié un rapport d’information en juin 2020 sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau. 

    D’autre part, à l’automne, de forts et dangereux épisodes méditerranéens se sont déclarés. Ces épisodes s’intensifient et se multiplient au fil des années, notamment dans le sud de la France. En octobre année, la tempête Alex a causé d’importants dégâts et a coûté la vie à 10 personnes. 9 personnes sont toujours portées disparues dans les Alpes-Maritimes. À l’occasion du reportage de Complément d’Enquête “Des catastrophes pas si naturelles”, Notre Affaire à Tous est d’ailleurs intervenue pour parler des impacts et des inégalités climatiques en France. 

    • Phénomène des maisons fissurées

     Le phénomène de sécheresse-réhydratation des sols conduit à des mouvements de terrain et affectent les bâtiments (fissurations, décollements, affaissements…). Ces phénomènes sont peu dangereux pour les humains mais entraînent des sinistres très coûteux et des dégâts potentiellement importants pour les bâtiments. Selon la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), entre 1989 et 2007, les sécheresses ont causé plus de 444 000 sinistres, pour un coût de 4,1 milliards d’euros. 

    Les habitant-es de ces maisons, les “oubliés de la canicule” s’organisent et se constituent en associations et collectifs. C’est le cas de l’Association Urgence Maisons Fissurées-Sarthe qui se bat pour la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et pour l’indemnisation suite aux dégâts. Dans la Sarthe en 2019, 70 communes étaient concernées. Ce phénomène s’aggrave d’année en année avec les sécheresses qui s’accumulent, touchent de nombreuses régions et menacent 4 millions de maisons, selon le Ministère de la Transition Écologique.

    Impacts inégaux du dérèglement climatique en 2020

    Les conséquences de ce climat record de l’année 2020 touchent de manière disproportionnée et inégalitaire l’ensemble de la population. Il y a eu plus de 1900 décès liés à la canicule pendant l’été 2020, selon Santé Publique France. Il s’agit de l’été le plus meurtrier dû à la canicule depuis 2004, avec une surmortalité de 18%. 

    • Les plus âgés et les plus pauvres : premiers touchés

     D’après les autorités de santé, l’été 2020 est celui qui présente l’impact sanitaire « le plus important depuis la mise en place du plan national canicule en 2004, juste devant les étés 2015, 2018 et 2019 ». Les plus de 45 ans sont les principales victimes des canicules de 2020 qui ont fait au total 1 924 morts. Au-delà de la surmortalité, ces vagues de chaleur exacerbent les inégalités sociales. Ce sont les personnes âgées et les plus isolées socialement qui en souffrent le plus. De nombreuses études post-canicule de 2003 font ce constat. Cette année-là, un grand nombre de victimes vivaient dans des “logements exigus, sans aération, ou avec une seule fenêtre”, selon Richard Keller, qui a écrit l’étude “Fatal Isolation. The devastating Paris Heat Wave of 2003”. A Paris, en 2003, habiter sous les toits multipliait le risque de mortalité par quatre. Selon une étude parue dans le bulletin épidémiologique du ministère de la santé en 2019, les vulnérabilités sont exacerbées pour les personnes de nationalité étrangère, qui sont plus exposées aux particules fines, ont moins accès aux espaces verts, aux soins et appartiennent souvent à une catégorie sociale défavorisée. 

    • Agriculteurs et éleveurs en première ligne

     L’agriculture a particulièrement souffert des conditions climatiques de cette année 2020, entraînant des baisses de rendements et des coûts importants pour les agriculteurs et éleveurs (irrigation des plantes, abreuvage des troupeaux, obligation d’achat de fourrage supplémentaire en raison de la sécheresse, etc.), allant jusqu’à menacer l’existence de certaines exploitations. Cela amène à financer et construire des solutions de captation et de stockage de l’eau, créant des tensions autour de l’usage de l’eau dans les territoires les plus touchés par les sécheresses. Pour en savoir plus, consultez le rapport de septembre 2020, “S’adapter au changement climatique” de l’ADEME qui décrit les conséquences du dérèglement climatique sur l’agriculture française. La sécheresse a également un impact sur le niveau des rivières et des cours d’eau, impactant les ressources piscicoles. Les poissons sont particulièrement victimes de la désoxygénation des eaux causée par la sécheresse et la chaleur. Ainsi la truite ne survit pas dans une eau à plus de 21°CPrès de 10 tonnes de poissons ont ainsi été retrouvés morts dans un lac du Val d’Oise. 

     Les travailleurs du BTP sont aussi plus exposés au stress thermique qui peut mener à des coups de chaleur pouvant aller jusqu’au décès. Les risques de malaises, de blessures (diminution de la vigilance), de déshydratation, et de fatigue physique et mentale sont aussi exacerbés. Au cours des deux épisodes caniculaires de l’été 2019, dix personnes sont décédées sur leur lieu de travail, dont une majorité d’hommes travaillant en extérieur. Leur métier les oblige à porter des vêtements épais et très souvent des équipements de protection qui augmentent la probabilité de stress thermique (plus faible évaporation de la sueur). La chaleur peut aussi être responsable d’une aggravation de maladies comme le diabète. Face à ces risques, la vulnérabilité des travailleurs est de plus en plus prise en compte dans les plans d’adaptation nationaux (PNACC) et par des organismes comme l’ANSES. Pourtant, il y a encore une méconnaissance des dangers liés aux coups de chaleur et à ses conséquences, à la fois pour les employeurs et les employés. Ces vulnérabilités posent des questions de justice sociale et de travail décent. 

    • Les habitant-es des villes :

     Les conséquences sont aussi plus néfastes pour les populations urbaines : “à Paris et dans la petite couronne, le risque de mourir à cause d’une chaleur exceptionnelle est 18% plus élevé dans les communes les moins arborées que dans les plus arborées”. Les aménagements et la densité des infrastructures en ville laissent peu de place à la végétation. Cette artificialisation des sols rend la ville vulnérable aux vagues de chaleurs et aux inondations. Pour en savoir plus sur les populations et territoires les plus impactés par la crise climatique, consultez le rapport « Un Climat d’inégalités » et notre article sur le sujet.

    Pour aller plus loin

    Alors que la Convention Citoyenne pour le Climat est présentée en Conseil des Ministres cette semaine, plus de 100 associations, dont Notre Affaire à Tous, ont envoyé une lettre ouverte à Emmanuel MacronAlors que les propositions des citoyen-nes devaient être retranscrites dans la loi, force est de constater que le compte n’y est pas. L’étude d’impact accompagnant le projet de loi tiré de la Convention Citoyenne reconnaît ainsi que les mesures proposées ne permettront pas, en l’état, de tenir les objectifs de baisse d’émissions de 40 % à horizon 2030. Et ce, alors que cette cible est déjà en elle-même insuffisante compte tenu du nouvel objectif de -55 % adopté en décembre dernier à l’échelle de l’Europe. Les avis du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) et du Conseil National de la Transition Écologique (CNTE) confirment ces insuffisances et s’inquiètent de la faiblesse des dispositifs pour réduire les inégalités sociales.

    Ce projet de loi climat insuffisant arrive en Conseil des ministres une semaine après que l’Etat français ait été condamné pour inaction climatique par le Tribunal Administratif de Paris dans l’Affaire du Siècle. Nous demandons plus d’ambition ! La revue de presse IMPACTS revient le mois prochain sur le changement climatique et les inégalités de genre.

  • L’Etat condamné pour inaction climatique !

    L’Etat condamné pour inaction climatique !

    ON A GAGNÉ ! Plus de deux ans après la mobilisation incroyable qui a porté l’Affaire du Siècle, nous avons remporté une victoire HISTORIQUE pour le climat !

    Pour la première fois, la justice vient de reconnaître que l’inaction climatique de l’État est illégale, que c’est une faute, qui engage sa responsabilité. C’est une avancée majeure du droit français !

    Ce jugement est une victoire de la vérité : jusqu’ici, l’État niait l’insuffisance de ses politiques climatiques, en dépit de l’accumulation de preuves. Nous espérons maintenant que la justice ne se limitera pas à reconnaître la faute de l’État, mais le contraindra aussi à prendre enfin des mesures concrètes permettant a minima de respecter ses engagements climatiques ! Cette victoire, c’est grâce à vous, grâce aux 2,3 millions de personnes qui soutiennent l’Affaire du Siècle depuis 2018.

    Un immense MERCI pour votre mobilisation ! Avec ce jugement extraordinaire, dès aujourd’hui, la justice climatique prend un nouveau tournant.

    Décryptage de cette décision historique

    Dans son jugement sur l’Affaire du Siècle, le tribunal administratif de Paris reconnaît la responsabilité de l’État français dans la crise climatique et juge illégal le non-respect de ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’État est également reconnu responsable de “préjudice écologique”. Nous espèrons un jugement plus historique encore au printemps : l’Etat pourrait être condamné à prendre des mesures supplémentaires sur le climat.

    Si la décision d’aujourd’hui est historique c’est pour de multiples raisons : Le juge reconnaît, au sein de la décision, l’urgence à agir et les dangers liés au changement climatique, en citant les rapports du GIEC et en mentionnant la vulnérabilité de la population française, ce que nous documentons dans notre rapport “Un climat d’inégalités”. 

    Face à l’urgence d’agir, le juge affirme ensuite que l’Etat peut être tenu pour responsable de carence dans la lutte contre le changement climatique, car il s’est lui-même engagé, par des accords internationaux, dont l’Accord de Paris, à lutter pour réduire les effets du dérèglement climatique. A cette fin, l’Etat s’est engagé à réduire les émissions de GES de la France, pour cela il a institué des budgets carbone. Or, l’État ne respecte pas ces budgets, et le juge conclut que le non-respect du budget carbone 2015-2018 ayant abouti à une révision de cet objectif est en lien avec l’aggravation du changement climatique.

    Le juge affirme donc que l’Etat, au regard de l’inaction ayant entraîné le dépassement des objectifs, doit être considéré comme responsable d’un préjudice écologique. L’action en réparation du préjudice écologique devant le juge administratif est donc ouverte par le tribunal administratif de Paris pour la première fois.

    L’action est ouverte de manière large à toutes associations ayant dans ses statuts la protection de l’environnement. L’Etat, responsable de préjudice écologique devra d’abord réparer celui-ci en nature, la somme d’un euro étant en inadéquation avec la réalité du préjudice. Si le préjudice dure toujours, le juge pourra enjoindre à l’État de respecter ses engagements et de faire cesser le préjudice. 

    Pour juger de l’actualité du préjudice, le juge donne deux mois aux ministres pour prouver que le préjudice a bien cessé.

    Quelle suite pour l’Affaire du Siècle ?

    L’État bientôt contraint par la justice à réparer les conséquences de son inaction ?

    La procédure juridique n’est pas terminée. La reconnaissance de la faute que constitue son inaction climatique était une condition indispensable pour contraindre l’État à agir. Cette première étape historique désormais franchie, la justice doit maintenant décider s’il ordonne à l’Etat de prendre des mesures supplémentaires pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre, respecter ses engagements pour le climat et lutter contre la crise climatique ! 

    Une nouvelle audience aura lieu au printemps. D’ici là, nous allons déposer de nouveaux arguments pour démontrer que les actions prévues sont insuffisantes et que la justice doit contraindre l’Etat à lutter efficacement et concrètement contre le dérèglement climatique !

    La portée de cette décision

    La décision fera date au niveau international. Parce que ce sont des actions comme ça qui poussent les citoyens à travers le monde à se lever pour demander à la justice de protéger leurs droits fondamentaux et à imposer aux gouvernements d’agir plus vite, plus fort, pour lutter contre le changement climatique, dont les conséquences déjà désastreuses aujourd’hui le seront encore plus par la suite.

    C’est d’ailleurs comme ça qu’est née notre Affaire à Tous, suite à la première victoire d’Urgenda aux Pays-Bas. Avec l’envie de faire la même chose en France, de faire reconnaître la responsabilité de l’Etat, de le pousser à agir. Et plus largement pour que la justice fasse émerger de nouvelles responsabilités en matière climatique et environnementale, notamment pour les entreprises.

    Cette nouvelle responsabilité climatique, amorcée par la décision de ce jour, Notre Affaire à Tous et des dizaines d’autres à travers le monde, œuvrent pour la voir largement reconnue, envers les acteurs publics comme privés.

    Comment vous pouvez agir

    Partagez la vidéo de cette victoire historique avec vos proches, sur Facebook, sur Twitter, sur Instagram, envoyez-leur cet email… 

    Ensemble, aujourd’hui, nous avons remporté une victoire cruciale face à l’urgence climatique. Mais ce n’est pas fini, la mobilisation doit continuer pour obliger l’Etat à agir. 

    Merci de votre soutien !

  • PR / A historic decision in the Case of the Century: the French State is found liable for its insufficient climate action

    Press release – February 3, 2020

    In its Case of the Century decision, issued on the 3rd of February 2021, the Paris Administrative court acknowledged the French State’s responsibility in the climate crisis. It also recognised that it was illegal for the State not to respect its commitments in reducing greenhouse gas emissions. The Court recognised that climate change constitutes an « environmental damage » to which the State’s inaction has contributed » An additional decision is to come in the spring: the Court may then sentence the Government to take additional climate measures.

    The organisations bringing the Case of the Century stated, « More than two years after the start of our action, supported by 2,3 million people, this decision marks the first historic victory for climate and a major step forward in French law. This decision is also a victory for the truth: until now, the State denied its lack of action on climate change, despite accumulating evidence of the contrary (regularly exceeding carbon budgets as widely acknowledged by governmental agencies and advisory councils…). The Court recognises that the new « Climate » bill is not sufficient to reach currently fixed objectives. We very much hope that justice will not limit itself to recognising the State’s fault, but will also force it to take concrete measures to respect its climate commitments. »

    The French State’s lack of sufficient action against climate change is recognised for the first time

    The Court judged that the French State is at fault for not adopting sufficient measures to fight climate change and reduce France’s greenhouse gas emissions up to  the objectives that France set for itself. It is the first time that a French court has recognised that the State is accountable for climate inaction. With such recognition of the State’s fault, every direct climate change victim in France will be able to turn to justice to claim for damages. The State will have to face its responsibility for years of insufficient climate action.

    The State’s insufficient climate action is directly harmful to the environment

    The Court has also recognised « that the State contributed to the harm done to the environment (the « environmental damage ») by exceeding France’s annual carbon budgets ». This judgment is a first in French law in that public entities are now as liable for pure environmental damage as private entities.

    The Court likely to mandate the State to repair the consequences of its inaction

    An additional court decision in the Spring [2] could sentence the State to take additional measures to tangibly and effectively fight the climate crisis. Recognising  the State’s lack of sufficient climate action, which constitutes a fault, was a necessary condition to force the State to take action. With this first historic step taken, the Court must now decide how to put an end to the State’s illegal actions (or lack thereof), and beyond that, how to repair the harm already done by the excess of greenhouse gas emissions compared to France’s objectives.

    Note to editors

    The court has also recognised the moral prejudice caused by the government’s insufficient action to four of the co-defendants (Notre Affaire à Tous, the Nicolas Hulot Foundation, Greenpeace France,Oxfam France).

    1. An impact study led by the government itself shows that the legislation will only allow it to go half or two thirds of the way in terms of climate objectives.

    2. The court has reopened an investigation for 2 months to allow more discussion between the State and the NGOs 

    The Court could issue this decision after the State Council’s one in the Case brought by the city of Grande Synthe and supported by the Case of the Century. In the Grande Synthe’s Case, the Court asks the State to prove it can conform to its 2030 climate objectives. In the absence of satisfactory evidence brought by the State, the State Council could sentence it to take additional action. In both cases, the Case of the Century organisations will submit further evidence proving that France does not take sufficient action.

    Contacts

    Notre Affaire à Tous : Cécilia Rinaudo – 06 86 41 71 81 – cecilia@notreaffaireatous.org
    Fondation Nicolas Hulot : Paula Torrente – 07 87 50 74 90 – p.torrente@fnh.org
    Greenpeace France : Kim Dallet – 06 33 58 39 46 – kim.dallet@greenpeace.org
    Oxfam France : Elise Naccarato – 06 17 34 85 68 – enaccarato@oxfamfrance.org

  • CP / Jugement historique dans l’Affaire du Siècle : l’État condamné pour inaction climatique

    Communiqué de presse – 3 février 2020

    Dans son jugement sur l’Affaire du Siècle, prononcé le 3 février 2021, le tribunal administratif de Paris reconnaît la responsabilité de l’État français dans la crise climatique et juge illégal le non-respect de ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’État est également reconnu responsable de “préjudice écologique”. Les ONG requérantes dans l’Affaire du Siècle se félicitent de cette première victoire et espèrent un jugement plus historique encore au printemps : l’Etat pourrait être condamné à prendre des mesures supplémentaires sur le climat.

    Pour les organisations de l’Affaire du Siècle : “Plus de deux ans après le début de notre action, soutenue par 2,3 millions de personnes, cette décision marque une première victoire historique pour le climat et une avancée majeure du droit français. Ce jugement marque aussi une victoire de la vérité : jusqu’ici, l’État niait l’insuffisance de ses politiques climatiques, en dépit de l’accumulation de preuves (dépassement systématique des plafonds carbone, rapports du Haut Conseil pour le Climat, etc.). Alors que le nouveau projet de loi Climat de ce gouvernement est, de son propre aveu, insuffisant pour atteindre les objectifs fixés [1], nous espérons que la justice ne se limitera pas à reconnaître la faute de l’État, mais le contraindra aussi à prendre enfin des mesures concrètes permettant a minima de respecter ses engagements climatiques.”

    Pour la première fois, l’État français reconnu fautif en matière de lutte contre les changements climatiques

    La justice a tranché : l’État français commet une faute en n’adoptant pas les mesures suffisantes pour lutter contre les changements climatiques et réduire les émissions de gaz à effet de serre, conformément aux objectifs qu’il s’est lui-même fixés. C’est la première fois que la justice reconnaît que la France est responsable d’inaction climatique.

    Avec cette reconnaissance de la faute de l’État, toutes les victimes directes des changements climatiques en France pourront désormais se tourner vers la justice et s’appuyer sur ce jugement pour demander réparation des préjudices qu’elles subissent. L’État va enfin devoir assumer les conséquences de décennies d’inaction sur le climat.

    L’inaction climatique de l’État porte atteinte à l’environnement

    Le Tribunal a également reconnu le préjudice écologique, c’est-à-dire les dommages causés à l’environnement, par le dépassement par la France de ses plafonds annuels d’émissions de gaz à effet de serre. C’est une première en droit français : avec cette décision, le tribunal administratif estime qu’une personne publique, au même titre qu’une personne privée, peut être tenue responsable d’un dommage causé à l’environnement. 

    L’État bientôt contraint par la justice à réparer les conséquences de son inaction ?

    Une nouvelle décision du Tribunal au printemps [2] pourrait condamner l’État à prendre des mesures supplémentaires pour lutter concrètement et efficacement contre la crise climatique. La reconnaissance de la faute que constitue son inaction climatique était une condition indispensable pour contraindre l’État à agir. Cette première étape historique désormais franchie, la justice doit maintenant statuer sur la façon dont l’État doit s’y prendre pour mettre fin à ses actions illégales, et, au-delà, réparer les dommages causés par les gaz à effet de serre émis en trop, par rapport à ses objectifs.

    Notes aux rédactions

    Le Tribunal a également reconnu le préjudice moral causé par l’inaction de l’Etat aux quatre organisations co-requérantes (Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France). 

    1. Une étude d’impact réalisée par le gouvernement lui-même montre que la loi ne permettra de n’atteindre que la moitié, voire les deux tiers des objectifs

    2. Le Tribunal a rouvert l’instruction pour deux mois afin de permettre à l’Etat et aux ONG d’échanger de nouveaux arguments sur la réparation du préjudice écologique 

    Cette seconde décision pourrait intervenir après le jugement du Conseil d’État attendu dans le dossier porté par la commune de Grande-Synthe et soutenu par l’Affaire du Siècle, dans lequel il est demandé à l’État de prouver qu’il pourra se conformer à ses objectifs climat à l’horizon 2030 [3]. En l’absence de preuves satisfaisantes apportées par l’État, le Conseil d’État pourrait le condamner à prendre des mesures supplémentaires. 

    3. La décision du Conseil d’État du 19 novembre 2020 dans le dossier Grande-Synthe

  • CP / Audience de l’Affaire du Siècle au tribunal : un pas de plus vers une victoire historique pour le climat

    Communiqué de presse – 14 janvier 2021

    L’inaction climatique de la France est une faute qui engage la responsabilité de l’Etat. C’est en substance ce qu’a déclaré Amélie Fort-Besnard, la rapporteure publique [1], lors de l’audience de l’Affaire du Siècle au tribunal administratif de Paris cet après-midi.

    Plus de deux ans après le début de la procédure initiée en décembre 2018 par Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France, l’audience de l’Affaire du Siècle s’est déroulée aujourd’hui, marquant le premier grand procès climatique en France. La décision du tribunal est attendue sous quinze jours. 

    Pour les organisations de l’Affaire du Siècle : « si le tribunal suit les conclusions de la rapporteure publique, la responsabilité de l’Etat français dans le dérèglement climatique serait reconnue du fait de l’insuffisance de ses actions. Ce serait une avancée historique du droit français et une victoire majeure pour le climat et pour la protection de chacun et chacune face aux conséquences du dérèglement climatique. Toutes les victimes des changements climatiques pourraient alors s’appuyer sur cette jurisprudence pour faire valoir leur droit et obtenir réparation. L’Etat subirait alors une forte pression pour enfin mettre en œuvre les actions nécessaires pour limiter le réchauffement à 1,5°C. »

    La rapporteure publique estime, en effet, que l’Etat a bien commis une faute, qui engage sa responsabilité, en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour respecter ses engagements sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle précise que c’est l’Etat lui-même qui a déterminé sa trajectoire climatique destinée à respecter ses objectifs nationaux et ses engagements internationaux sur le climat. La rapporteure publique propose au tribunal de condamner l’Etat à verser aux ONG la somme d’1 euro symbolique pour la réparation du préjudice moral causé, ce que demandaient les associations.

    L’Affaire du Siècle demande également à la justice de contraindre l’Etat à prendre des mesures supplémentaires pour le climat, pour enfin respecter ses propres engagements. Sur ce point, la rapporteure publique n’écarte pas une injonction à agir mais conseille au Tribunal de réserver sa décision pour plus tard, afin de permettre aux ONG et à l’Etat d’échanger sur la réalité de l’action climatique de l’état, et dans l’attente que le Conseil d’Etat rende sa décision dans l’affaire de Grande-Synthe [2].

    Enfin, la rapporteure publique propose au tribunal de reconnaître l’existence d’un préjudice écologique devant les juridictions administratives, alors qu’il n’était jusqu’à présent retenu que devant les instances judiciaires. Cela constituerait une avancée majeure pour le droit environnemental. Une telle décision marquerait aussi une meilleure prise en compte de la Nature en droit. La rapporteure publique suggère au Tribunal qu’une personne publique, à l’instar d’une personne privée, pourrait être tenue responsable d’un dommage causé directement à l’environnement. Elle propose enfin de retenir que le changement climatique cause un tel dommage et que l’Etat en est en partie responsable. 

    L’inadéquation de l’action de l’Etat face à la crise climatique est désormais soulignée, démontrée et pointée du doigt de toutes parts. Pourtant, le projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat, qui sera débattu en mars prochain au Parlement, est, de l’aveu même de l’Etat, insuffisant pour lui permettre de respecter ses objectifs climatiques [3]. La balle est désormais dans le camp du gouvernement pour enfin revoir sa copie et prendre les mesures ambitieuses et nécessaires pour lutter contre le changement climatique.

    Notes aux rédactions

    [1] Rapporteure publique : magistrate indépendante qui propose au Tribunal une analyse complète du droit existant pour guider la décision et faire évoluer le droit si nécessaire.

    [2] L’Etat a versé au dossier, après la clôture de l’instruction, deux mémoires sur l’injonction à agir dont les avocates et avocats des ONG n’ont pas eu accès en amont de l’audience du 14 janvier. Ce délai permettra un débat contradictoire. 

    [3] Une étude d’impact réalisée par le gouvernement lui-même montre que la loi ne permettra de réaliser qu’au maximum la moitié ou les deux tiers du chemin.  

    Contacts presse :

    Notre Affaire à Tous : Cécilia Rinaudo – 06 86 41 71 81 – cecilia@notreaffaireatous.org 

    Fondation Nicolas Hulot : Paula Torrente – 07 87 50 74 90 – p.torrente@fnh.org 

    Greenpeace France : Kim Dallet – 06 33 58 39 46 – kim.dallet@greenpeace.org 

    Oxfam France : Marion Cosperec – 07 68 30 06 17 – mcosperec@oxfamfrance.org 

  • CP / L’Affaire du Siècle au Tribunal : l’Etat a rendez-vous aujourd’hui avec 2,3 millions de personnes

    Lancé il y a plus de deux ans le recours en justice contre l’inaction climatique de l’État porté par Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France, arrive enfin à son dénouement : son audience au tribunal administratif de Paris aura lieu aujourd’hui à 13h45. Le jugement devrait ensuite être rendu sous quinzaine.

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    Nous sommes 2,3 millions » : c’est le message inscrit ce matin sur une affiche géante de 3m sur 30m posée sur la voie Georges Pompidou, à deux pas du tribunal administratif de Paris, par des citoyen·ne·s soutenant l’Affaire du Siècle. Une action symbolique qui vise à rappeler à l’État qu’il fait face aujourd’hui aux 2,3 millions de signataires de la pétition en soutien au recours (pétition en ligne la plus signée de l’histoire en France).

    Alors que la crise climatique reste au plus haut des préoccupations des Français·es1 même avec la crise sanitaire, et que de nouveaux records de chaleur ont été battus en 2020, l’État ne cesse de repousser le passage à l’action. Les émissions de gaz à effet de serre pendant ce quinquennat ont continué de baisser deux fois trop lentement par rapport aux trajectoires prévues dans la loi. Le Haut conseil pour le climat analysait en décembre dernier que deux tiers du plan de relance n’allait pas dans le bon sens et risquait de contribuer à la hausse des émissions. Enfin, le projet de loi sur le climat faisant suite à la Convention Citoyenne, rabote ou supprime de nombreuses propositions de la Convention, si bien qu’il ne permettra pas d’atteindre l’objectif d’au moins 40% de baisse des émissions à 2030 par rapport à 1990 – et donc encore moins le nouvel objectif européen d’au moins 55% de réduction en 2030.

    Une étape décisive pour la justice climatique

    Qu’est-ce qui se joue à cette audience ? Le rapporteur public présentera ses conclusions sur le dossier juridique de l’Affaire du Siècle, c’est-à-dire la décision qu’il recommande au tribunal de prendre. Les avocat·e·s des 4 organisations requérantes rappelleront ensuite les obligations climatiques de l’État et les manquements à ses engagements. L’État pourra à son tour s’exprimer. Le Tribunal enverra ensuite l’affaire en délibéré et pourrait annoncer la date à laquelle il rendra sa décision, généralement sous quinze jours.

    Que peut obtenir l’Affaire du Siècle ?

    Les organisations de l’Affaire du Siècle sont optimistes sur le fait que le tribunal reconnaisse l’inaction climatique de l’État, c’est-à-dire la « carence fautive » que constitue le non-respect par l’État des objectifs de réduction de gaz à effet de serre inscrits dans de multiples textes de loi. Les magistrats pourraient également contraindre l’État à prendre les mesures nécessaires pour atteindre ses engagements à l’horizon 2030 et 2050.

    Enfin, nous espérons que la justice reconnaisse l’obligation générale faite à l’État de lutter contre les changements climatiques, qui découle notamment de la Charte de l’Environnement de 2004, de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Une telle décision serait historique et inscrirait dans le droit que la lutte contre les changements climatiques est indispensable à la protection des droits fondamentaux.

    Le levier juridique joue désormais un rôle essentiel face à la crise climatique : le 19 novembre dernier, dans le cadre du dossier de Grande-Synthe2, le Conseil d’État a affirmé le caractère contraignant des objectifs climatiques inscrits dans la loi (ce qui n’était jusqu’alors pas le cas), et a donné trois mois au gouvernement pour justifier qu’il mettait bien en place toutes les mesures nécessaires pour respecter ses engagements3. Aux Pays-Bas, en décembre 2019, la Cour Suprême a confirmé l’obligation faite à l’État de réduire ses émissions de 25% par rapport aux niveaux de 1990. Le tribunal administratif de Paris pourrait ainsi s’inscrire dans la continuité de cette dynamique, et rajouter une pierre à l’édifice en ordonnant à la France d’agir dès à présent.

    Notes

    1. Les Français face au changement climatique, sondage Kantar pour Oxfam France, décembre 2020.
    2. L’Affaire du Siècle est intervenante volontaire dans le dossier.
    3. Émissions de gaz à effet de serre : le Gouvernement doit justifier sous 3 mois que la trajectoire de réduction à horizon 2030 pourra être respectée, communiqué

    Contacts presse

    Notre Affaire à Tous : Cécilia Rinaudo, 06 86 41 71 81 – cecilia@notreaffaireatous.org
    Fondation Nicolas Hulot : Paula Torrente, 07 87 50 74 90 – p.torrente@fnh.org
    Greenpeace France : Kim Dallet, 06 33 58 39 46 – kim.dallet@greenpeace.org
    Oxfam France : Marion Cosperec, 07 68 30 06 17 – mcosperec@oxfamfrance.org

  • The Case of the Century: Chronology of the legal action

    Why turn to the courts?

    State inaction is illegal! The state is obliged to respect its national, European and international commitments and to protect its citizens’ human rights. The victims of climate change are now visible. Citizens have clearly understood the widening gap between words and deeds, and that nothing is really being done today to counter the current climate crisis. 

    All means of action have been used: individual actions, citizen mobilizations, boycotts as well as non-violent resistance. But neither the big polluters nor the States have answered the citizens and scientists calls for climate action. Today, France is not keeping its commitments, even those it has set itself. 

    December 18, 2018: launch of the Case of the Century

    On 18 December 2018, Notre Affaire à Tous, in partnership with the Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France and Oxfam France, initiated « l’Affaire du Siècle », the climate litigation case against the French State. The aim of this case is to have the judge recognise the general obligation of the French State to act in the fight against climate change, in order to protect French citizens’ rights against the dangerous impacts of climate change. The petition of support was signed by more than 2 million people in just a few weeks.

    March 14, 2019: filing of the summary request at the Administrative Court of Paris

    On February 15, 2019, the Minister of the Ecological and Solidary Transition rejected the request of NGOs Notre Affaire à Tous, Greenpeace France, Oxfam France and the Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme. They were seeking, on the one hand, to get compensation for the damages suffered as a result of the State’s faults in the fight against climate change and, on the other hand, to urge the State to put an end to all of its failures concerning climate issues.

    On Thursday, March 14, 2019, they filed their lawsuit tackling the State’s inaction over climate change via a « summary request » before the Administrative Court of Paris.

    May 20, 2019: Filing of the additional brief to the Court

    Following the summary request filed for the Case of the Century before the Paris Administrative Court on March 14, the lawyers of Notre Affaire à Tous, the Nicolas Hulot Foundation for Nature and Mankind, Greenpeace France and Oxfam France filed an additional brief detailing all the arguments of the climate litigation case against the French State for climate inaction. This filing officially launched the beginning of the trial period.

    June 24, 2020: The State files its reply

    Nearly sixteen months after the start of the case, the State finally responds to the arguments filed against it by Notre Affaire à Tous, the Nicolas Hulot Foundation, Greenpeace France and Oxfam France, for the Case of the Century. In its 18-page defense brief, the State rejects the arguments presented by the co-plaintiff organizations and denies the deficiencies pointed out, even though they had, in the meantime, been confirmed by the French High Council for the Climate. This response comes at a time when two other organizations – the Fondation Abbé Pierre and the Fédération Nationale d’Agriculture Biologique – are presenting their arguments in support of the Case of the Century to the court.

    September 4, 2020: The Case of the Century files its reply to the State’s arguments

    Our lawyers filed our « reply brief » (i.e. our counter-arguments) on September 4, 2020 and 100 testimonies from the « Climate Witnesses » platform launched by the Case of the Century in December 2019. 

    In the reply brief, we remind the court that the responsibility of the State is indeed engaged, by demonstrating that it failed to establish an effective legal framework, and to implement the human and financial means to ensure its respect. The State has a crucial role to play, as regulator, investor and catalyst at all levels. The Case of the Century also demonstrates that by failing to meet its targets for reducing greenhouse gas emissions, energy efficiency and renewable energies, it has itself directly contributed to the climate crisis: between 2015 and 2019, France emitted approximately 89 million tons of CO2 equivalent in excess of its targets – the equivalent of two and a half months of emissions for the entire country (at the pre-covid rate). 

    January 14, 2021: Hearing of the Case of the Century

    The hearing of the Case of the Century will take place before the Paris Administrative Court on January 14, 2021 at 1:45 pm, more than two years after the launch of this unprecedented legal action against the State’s climate inaction. 

    At the hearing on Thursday, the public rapporteur will present his conclusions, i.e., the decision he recommends the court to take. The lawyers of the Case of the Century, who have demonstrated the State’s faults, will then take the floor to recall our arguments :

    • The State has an obligation to protect us in the face of the climate crisis, yet it is far from respecting its commitments:
    • France has systematically exceeded the carbon ceilings it had set for itself;
    • The target of 23% renewable energy in 2020 is not respected;
    • The delay in the energy renovation of buildings is such that the pace should be multiplied by 10 by 2030;
    • Greenhouse gas emissions in the transport sector have fallen by only 1.5%, whereas the target was -15%!

    The State, as a defendant, is then also supposed to take the floor. It is not supposed to develop new arguments. The Court is expected to render its decision about two weeks after the hearing, at the end of January.

  • 14 janvier 2021 : L’Affaire du Siècle au Tribunal

    14 janvier 2021 : L’Affaire du Siècle au Tribunal

    Le 14 janvier 2021, plus de deux ans après le lancement de l’action en justice contre l’Etat français et le soutien de plus de 2,3 millions de personnes, l’Affaire du Siècle avait rendez-vous au tribunal pour son audience ! La décision finale devrait ensuite être rendue dans 15 jours.

    L’inaction climatique de la France est une faute qui engage la responsabilité de l’Etat” : c’est ce qu’a dit la rapporteure publique à l’audience tant attendue de l’Affaire du Siècle au Tribunal administratif de Paris, le 14 janvier ! Si le tribunal suit les conclusions de la rapporteure publique (ce qui est généralement le cas au tribunal administratif), la responsabilité de l’Etat français dans le dérèglement climatique serait reconnue du fait de l’insuffisance de ses actions ! Ce serait une avancée historique du droit français et une victoire majeure pour le climat et pour la protection de chacun et chacune face aux conséquences du dérèglement climatique.

    Les conclusions énoncées marquent une avancée juridique sans précédent. Elles s’inscrivent dans le sens de l’histoire : après la bataille pour nos droits civils et politiques, puis pour nos droits sociaux au 20e siècle, le 21e siècle est celui de la construction de nos droits climatiques et environnementaux !

    Après 5 ans d’existence, nous sommes ravi-es de voir que nos arguments sont entendus ! Au moment du lancement de l’Affaire du Siècle il y a deux ans, il s’agissait d’une action en justice inédite qui s’était fortement inspirée des victoires et combats menés dans d’autres pays : notamment celle d’Urgenda aux Pays-Bas en 2015, qui a d’ailleurs été un moteur pour la création de Notre Affaire à Tous ! 5 ans plus tard, nous nous réjouissons que la rapporteure publique s’inscrive dans la lignée ambitieuse du mouvement mondial pour la justice climatique. 

    L’outil du droit est puissant et essentiel dans la lutte contre le changement climatique. Le message est clair : les Etats doivent agir. Leur inaction n’est pas seulement dangereuse et inconsciente, elle est illégale.

    Nous devrions connaître la décision dans une quinzaine de jours mais avons bon espoir que le juge suive les conclusions de la rapporteure publique. Rendez-vous pour une décision qui sera très certainement inédite et déterminante.

    Les conclusions de la rapporteure publique

    • La rapporteure publique estime que l’Etat a bien commis une faute, qui engage sa responsabilité, en ne prenant pas toutes les mesures nécessaires pour respecter ses engagements climatiques
    • Elle précise que c’est l’Etat lui-même qui a déterminé sa trajectoire climatique destinée à respecter ses objectifs et engagements internationaux.
    • La rapporteure publique n’écarte pas une injonction à agir mais conseille au Tribunal de réserver sa décision pour plus tard, afin de permettre aux ONG et à l’Etat d’échanger sur la réalité de l’action climatique de l’Etat, et dans l’attente que le Conseil d’Etat rende sa décision dans l’affaire de Grande-Synthe.
    • Enfin, la rapporteure publique propose au tribunal de reconnaître l’existence d’un préjudice écologique devant les juridictions administratives, alors qu’il n’était jusqu’à présent retenu que devant les instances judiciaires. Cela constituerait une avancée majeure pour le droit environnemental.

    L’inadéquation de l’action de l’Etat face à la crise climatique est désormais soulignée, démontrée et pointée du doigt de toutes parts. La balle est désormais dans le camp du gouvernement pour enfin revoir sa copie et prendre les mesures ambitieuses et nécessaires pour lutter contre le changement climatique. 

    La reconnaissance de la culpabilité et de la responsabilité de l’Etat pourrait ouvrir la voie pour que d’autres citoyens demandent réparation de leurs préjudices. Les victimes des changements climatiques pourraient alors s’appuyer sur cette jurisprudence pour faire valoir leur droit et obtenir réparation. L’Etat subirait alors une forte pression pour enfin mettre en œuvre les actions nécessaires pour limiter le réchauffement à 1,5°C.

    Nous étions mobilisé-es toute la journée du 14 janvier !

    « Nous sommes 2,3 millions » : le 14 janvier à 8h30, pour rappeler à l’État qu’il répondait aux 2,3 millions de personnes qui soutiennent l’Affaire du Siècle, nous avons affiché en grand ce message juste à côté du Tribunal administratif de Paris, sur une affiche géante de 3m sur 30m ! Une action symbolique qui vise à rappeler à l’État que son inaction nous impacte toutes et tous.

    Partagez notre vidéo sur les réseaux sociaux et à vos proches : montrons à l’État que nous sommes plus mobilisé-e-s que jamais !

    « Nous sommes 2,3 millions » : pour rappeler à l’État qu’il répond aux 2,3 millions de personnes qui soutiennent l’Affaire du Siècle, nous avons affiché en grand ce message juste à côté du Tribunal administratif de Paris ! Une action symbolique qui vise à rappeler à l’État que son inaction nous impacte toutes et tous.

    Partagez cette vidéo sur les réseaux sociaux et à vos proches : montrons à l’État que nous sommes plus mobilisé-e-s que jamais pour cette étape décisive !

    Alors que la crise climatique est au plus haut des préoccupations des Français·es, que de nouveaux records de chaleur ont été battus en 2020 et que les Français-es en payent déjà les conséquences, le gouvernement ne cesse de repousser le passage à l’action.

    Le levier juridique

    Le levier juridique est en passe de tenir un rôle essentiel face à la crise climatique : le 19 novembre dernier, le Conseil d’État a affirmé le caractère contraignant des objectifs climatiques inscrits dans la loi (ce qui n’était jusqu’alors pas le cas), et a donné trois mois au gouvernement pour justifier qu’il mettait bien en place toutes les mesures nécessaires pour respecter ses engagements. Aux Pays-Bas, en décembre 2019, la Cour Suprême a confirmé l’obligation faite à l’État de réduire ses émissions de 25 % par rapport aux niveaux de 1990. Le tribunal administratif de Paris pourrait ainsi s’inscrire dans la continuité de cette dynamique. 

    Si la décision est positive, cette action en justice historique et inédite pourrait faire jurisprudence et ouvrir véritablement la voie à une justice climatique en France. Grâce à ce recours, la carence de l’État en matière de lutte contre le changement climatique pourrait être actée par un tribunal. Ce tribunal pourrait imposer à l’État un renforcement et une augmentation des mesures de lutte contre le réchauffement climatique. Cette décision s’appliquerait au niveau national et sur cette base, les citoyens pourraient en bénéficier et à leur tour faire valoir leurs droits et préjudices en lien avec le changement climatique.

  • L’Objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé et de l’environnement dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel

    Par Juliette Sardet, membre de Notre Affaire à Tous

    La décision Loi sur la communication audiovisuelle du Conseil Constitutionnel a introduit la notion d’objectif à valeur constitutionnelle (OVC) en 1982 (1). Dans un premier temps, le Conseil Constitutionnel y entendait « la sauvegarde de l’ordre public, le respect de la liberté d’autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socio-culturels ». Plusieurs décisions sont venues préciser le contenu, augmenter le champ ou exposer les conséquences de cette notion. L’octroi de ce statut a pour fondement le fait de mettre en œuvre des principes issus du bloc de constitutionnalité. Les OVC ne créent pas de droits mais constituent des buts à atteindre. Ils se traduisent par une obligation de moyen. Ce sont de précieux outils pour le législateur afin de justifier des dérogations limitées à des exigences constitutionnelles et surtout de les concilier entre elles.  

    Le 31 janvier 2020, dans le cadre d’un contentieux relatif à des textes interdisant la  production, le stockage et la circulation en France des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par l’Union européenne, le Conseil Constitutionnel est venu confirmer et étendre le champ des OVC. Par la décision n° 2019-823 QPC, il reconnaît pour la première fois qu’il découle de la Charte de l’environnement de 2004, non plus un « objectif d’intérêt général », mais un « objectif à valeur constitutionnelle deprotection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains » (cons. 4). Il réaffirme également la protection de la santé en tant qu’objectif à valeur constitutionnelle (cons. 5). 

    Ainsi, si le législateur se voit confirmer la possibilité de porter atteinte à d’autres exigences constitutionnelles au nom de la santé publique, il se voit surtout nouvellement habilité au nom de la protection de l’environnement. Cet article se limitera ainsi à traiter ces deux protections en tant que justifications à des atteintes et non en tant que droits pouvant également être violés. 

    La consécration, en tant qu’OVC, de la protection de la santé publique dans les années 1990 et de l’environnement en 2020, est le fruit d’une évolution jurisprudentielle propre à chaque enjeu (I). Si ce sceau constitutionnel peut apparaître symbolique au regard des conséquences qu’induit la qualification d’OVC, cette décision constitue une étape essentielle dans l’applicabilité des normes en matière d’environnement par le législateur et à travers de  futurs contentieux environnementaux et climatiques (II). 

    I. Mise en perspective : l’évolution de la santé publique et de la protection de l’environnement dans la jurisprudence constitutionnelle

    La position du Conseil Constitutionnel vis-à-vis de la protection de la santé et de l’environnement a évolué au fil de l’évolution d’une société de plus en plus soucieuse des enjeux sanitaires et environnementaux. Le contentieux le plus instructif est celui visant à concilier ces enjeux avec la liberté d’entreprendre – reconnue comme une liberté constitutionnelle découlant de l’article 4 de la DDHC (2). Toute limitation de la liberté d’entreprendre doit être justifiée par une exigence constitutionnelle ou un motif d’intérêt général, à condition que l’atteinte ne soit pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi (3). 

    A. Reconnaissance de la santé publique en tant d’OVC

    Dès les années 1980, découlant du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 (4), la santé publique est reconnue comme une exigence constitutionnelle justifiant des limitations par le législateur. 

    Dans un premier temps, le Conseil Constitutionnel lui accorde une « valeur constitutionnelle » dans la décision n° 93325 DC du 13 août 1993 relative à la loi de la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France. Afin de justifier des atteintes à la liberté d’entreprendre, la santé publique sera ensuite érigée en « principe constitutionnel » avec la décision de principe n° 90-283 DC du 8 janvier 1991 (5), rendue sur la loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme. 

    Dans un second temps, alors que la santé publique fut de plus en plus mobilisée par le législateur, le Conseil Constitutionnel fut amené à qualifier la santé publique « d’objectif à valeur constitutionnelle » afin de faciliter la conciliation de ces deux exigences. Ce fut le cas des décisions relatives à l’accès aux origines personnelles (6), à la peine complémentaire obligatoire de fermeture de débit de boissons (7), au bisphénol A (8) et à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes (9). La légitimité et l’autorité de la protection de la santé publique se sont progressivement assises. 

    Sans qu’il apparaisse que le juge constitutionnel veuille remettre en cause cette qualification d’OVC, il s’est parfois contenté de citer cette exigence constitutionnelle sans pour autant la qualifier d’OVC. Il se limitait à évoquer « la protection de la santé », les « exigences de valeurs constitutionnelles » ou « du onzième alinéa ». Ce fut le cas dans les décisions relatives aux conditions d’exercice de certaines activités artisanales (10), au droit de consommation du tabac dans les DOM (11), à la loi de modernisation de notre système de santé (12), à la publicité en faveur des officines de pharmacie (13), à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (14) et à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (15). 

    B. Consécration tardive mais historique de la protection de l’environnement en tant qu’OVC

    La reconnaissance du caractère prioritaire de la protection de l’environnement a fait l’objet d’une évolution beaucoup plus prudente. Jusqu’à la décision de janvier 2020, la protection de l’environnement ne fut envisagée que sous l’angle d’un « objectif d’intérêt général » (OIG). Ce dernier constitue également une justification pour porter atteinte à des exigences constitutionnelles, mais ne découle pas du bloc de constitutionnalité. Dans l’équilibre entre différentes normes constitutionnelles, l’OIG pèse relativement moins qu’un OVC face à d’autres exigences constitutionnelles, telles que la liberté d’entreprendre. 

    D’une manière implicite dans un premier temps, dans la décision n° 2016-605 QPC du 17 janvier 2017, relatif à la Confédération française du commerce de gros et du commerce international, le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur « a ainsi poursuivi un objectif d’intérêt général ». De façon explicite cette fois, dans la décision Société Schuepbach Energy LLC (16), relative aux dispositions de la loi du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique, le juge constitutionnel estime que le législateur avait pu porter atteinte à la liberté d’entreprendre au nom d’un « but d’intérêt général de la protection de l’environnement ».

    La prudence du Conseil Constitutionnel vis-à-vis de la protection de l’environnement découle en grande partie de la position qu’il a vis-à-vis de la Charte de l’environnement. Dans la décision n° 2014-394 QPC rendue le 7 mai 2014, il avait affirmé que si les premiers alinéas de la Charte avaient valeur constitutionnelle, aucun d’eux n’instituait un droit ou une liberté que la Constitution garantit, et qu’ils ne pouvaient être invoqués à l’appui d’une QPC. La même position fut prise à travers la décision n° 2016-737 DC du 4 août 2016, à propos des dispositions relatives à la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016. En se fondant notamment sur « l’objectif d’intérêt général de protection de l’environnement » ainsi que sur « l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé publique », il avait décidé que l’interdiction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant un ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ne portait pas atteinte de façon disproportionnée à la liberté d’entreprendre. Un même statut sera également reconnu dans la décision n° 2018-771 DC du 25 octobre 2018, relative à la soumission des biocarburants à base d’huile de palme à la taxe incitative relative à l’incorporation de biocarburants (17). 

    I. Innovations et la portée de la décision n° 2019-823 QPC

    Dans la décision du 31 janvier 2020, le Conseil Constitutionnel vient confirmer l’existence d’un OVC de santé publique à disposition du législateur. Plus encore, il est venu consacrer « la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains » en tant qu’OVC. Consécration historique semble pouvoir offrir de nouvelles perspectives en terme d’applicabilité des normes de protection de l’environnement et de contentieux environnementaux et climatiques.   

    A. Consécration audacieuse de la protection de l’environnement en tant qu’OVC

    Par cette décision, le Conseil Constitutionnel réalise un revirement de jurisprudence vis-à-vis de la valeur de la Charte de l’environnement. En se fondant sur le préambule de la Charte qui dispose que « l‘avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel (…) l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains (…) la préservation de l’environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation (…) afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins », il en déduit, non plus un objectif d’intérêt général, mais un objectif à valeur constitutionnelle. La protection de l’environnement fait désormais partie du bloc de constitutionnalité et constitue un objectif à la disposition du législateur afin de mettre en balance des exigences constitutionnelles, et ce, au même titre que la santé publique. 

    La seconde innovation réside également dans le champ d’application de la protection de l’environnement. En utilisant la formule « environnement, patrimoine commun des êtres humains », le juge constitutionnel offre la possibilité de prendre en compte les effets de la pollution tant en France qu’à l’étranger. Il avait implicitement pensé ce caractère extraterritorial dans la décision relative à la soumission des biocarburants à base d’huile de palme. En ne relevant pas que l’interdiction de certains produits plastiques jetables n’incluait pas l’activité d’exportation, le Conseil Constitutionnel avait donc considéré que le fait qu’une activité nuisible à l’environnement ou à la santé soit autorisée à l’étranger ne saurait, en soi, priver le législateur français de la possibilité, au nom de la protection de l’environnement ou de la santé, d’interdire aux sociétés régies par le droit français d’y participer. Le juge avait reconnu le pouvoir au législateur de promouvoir, pour ce qui relève de la zone de souveraineté française, des comportements protecteurs, quand bien même cette action positive pourrait se trouver, matériellement, provoquée par des actions nuisibles à l’environnement commises par les entreprises d’autres pays.

    B. Portée et attentes vis à vis de l’applicabilité des normes environnementales

    Si la santé dispose du statut de principe constitutionnel et d’OVC, l’obtention de la qualification d’OVC pour la protection de l’environnement peut susciter de l’espoir. Cette promotion permet de renforcer nettement la légitimité et l’autorité de l’argument de protection de l’environnement. Cette qualification, symbolique à ce stade, pourrait s’apparenter à un véritable levier pour permettre l’application effective des normes en matière de protection de l’environnement par le législateur. « Cette décision peut donner du courage au législateur : à l’argument du pragmatisme économique souvent défendu par les Ministres et la crainte de voir un amendement “retoqué” par le Conseil Constitutionnel pour violation de la liberté constitutionnelle d’entreprendre, les député.e.s pourront désormais opposer cette décision » avait commenté Marine Denis, porte-parole de l’association Notre Affaire à Tous (18).

    Finalement, beaucoup d’espoirs peuvent également être exprimés quant à son invocabilité directe par les juges dans les futurs contentieux de l’urbanisme, de la santé et de l’environnement, dont son effectivité dépendra de la volonté et de l’appréciation souveraine du juge. 

    Notes

    1.  Décision n° 82141 DC du 27 juillet 1982, Loi  sur la communication audiovisuelle, cons.5.
    2.  Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, relative aux nationalisations.
    3.  Décision n° 2000-439 DC du 16 janvier 2001, Loi relative à l’archéologie préventive. 
    4.  Préambule de la Constitution de 1946, alinéa 11 : la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » 
    5.  Décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991 – Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, cons.11.
    6.  Décision n° 2012-248 QPC du 16 mai 2012, M. Mathieu E., cons. 6.
    7.  Décision n° 2015-493 QPC du 16 octobre 2015, M. Abdullah N, cons. 12.
    8.  Décision n° 2015-480 QPC du 17 septembre 2015, cons. 5 et 7.
    9.  Décision n° 2016-737 DC du 4 août 2016, paragr. 39.
    10.  Décision n° 2011-139 QPC du 24 juin 2011, Association pour le droit à l’initiative économique, cons. 8.
    11.  Décision n° 2012-290/291 QPC du 25 janvier 2013, Société Distrivit et autres, cons. 16
    12.  Décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016, Loi de modernisation de notre système de santé, cons. 21.
    13.  Décision n° 2013-364 QPC du 31 janvier 2014, Coopérative GIPHAR-SOGIPHAR et autre, cons. 6 et 8.
    14.  Décision n° 2019-795 DC du 20 décembre 2019, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, paragr. 49 à 52.
    15.  Décision n° 2017-756 DC du 21 décembre 2017, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, paragr. 63 à 65.
    16.  Conseil constitutionnel, Décision n°2013-346, QPC du 11 octobre 2013. 
    17.  Décision n° 2019-808 QPC du 11 octobre 2019 – Société Total raffinage France, cons.8.
    18.  Notre Affaire à Tous, communiqué de presse, 31 janvier 2020, La décision du Conseil Constitutionnel crée un tournant historique pour la protection de l’environnement et la justice climatique !