Catégorie : Actualités

  • CP / Une plainte à la Commission Européenne pour signaler les atteintes françaises au droit de l’environnement

    Vendredi 4 décembre 2020 – Communiqué de presse

    Notre Affaire à Tous dépose une plainte à la Commission européenne pour signaler les atteintes françaises au droit de l’environnement. Cette plainte porte sur le décret du 8 avril 2020 contre lequel l’association a déposé un recours devant le Conseil d’État le 27 mai dernier. En l’absence de réponse de l’État et en l’attente du jugement, l’association saisit la Commission européenne. Pour appuyer cette demande, 19 eurodéputé.e.s saisissent les commissaires européens de la même alerte.

    Pour Notre Affaire à Tous, il y a urgence : ce décret, adopté en plein confinement, permet aux préfets de contourner les normes existantes pour prendre des décisions dans des domaines étendus, tels que l’aménagement du territoire, l’environnement et la construction, ainsi que l’octroi de subventions.

    La plainte se base sur le fait que l’application d’un tel décret contreviendrait aux directives Projets, Habitats, Eau etc. en n’assurant pas en amont d’un projet une évaluation environnementale permettant de répertorier les effets de ce projet sur l’environnement. Mais aussi à la Charte européenne des droits fondamentaux et notamment en matière de recours effectif au juge, sujet sur lequel la Commission travaille déjà en matière environnementale.

    Alors que le Parlement Européen dessine cette année les contours de la Climate Law, la France persiste dans son mouvement de détricotage du droit. En effet, depuis avril, des sites clés en main aux procédures accélérées ont été annoncés, les examens au cas par cas de l’opportunité d’une étude d’impact ont été confiés aux Préfets, la nomenclature sur les installations classées a été abaissée et la loi ASAP transformant certaines enquêtes publiques en consultations dématérialisées a été adoptée fin octobre.

    “Saisir la justice à l’échelle européenne permet de rappeler au gouvernement, que le détricotage du droit de l’environnement a des limites : le droit européen.”

    Chloé Gerbier, juriste de l’association

    En mai dernier deux eurodéputés grecs, Petros Kokkalis GUE et Jutta Paulus Greens, alertaient les commissaires européens sur la législation régressive en matière d’environnement de leur pays. C’est aujourd’hui la même démarche qui habitent les 19 eurodéputé.e.s français qui soulignent dans leur lettre la situation française alarmante vis-à-vis du droit européen en matière environnementale. Ils demandent par celle-ci aux commissaires de bien vouloir saisir la Commission des problématiques posées par le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet.

    Alors que l’Etat semble ignorer les illégalités relevées à l’échelle nationale devant le Conseil d’Etat, la saisine par une diversité d’acteurs de l’échelle européenne donne l’espoir qu’une telle dérogation au droit de l’environnement puisse être annulée.

    Contact presse :
    Chloé Gerbier : 06.46.43.55.09

    Liste des euro-député-e-es ayant signé la lettre

    • MARIE TOUSSAINT, GREENS / EFA
    • MOUNIR SATOURI, GREENS / EFA
    • CLAUDE GRUFFAT, GREENS / EFA
    • DAVID CORMAND, GREENS / EFA
    • MICHÈLE RIVASI, GREENS / EFA
    • CAROLINE ROOSE, GREENS / EFA
    • BENOIT BITEAU, GREENS / EFA
    • FRANSISCO GUERREIRO, GREENS / EFA
    • SVEN GIEGOLD, GREENS / EFA
    • DANIEL FREUND, GREENS / EFA
    • MILAN BRGLEZ, GREENS / EFA
    • TILLY METZ, GREENS / EFA
    • DAMIEN CARÊME, GREENS / EFA
    • ERNEST URTASUN, GREENS / EFA
    • MANUEL BOMPARD, EUROPEAN UNITED LEFT – NORDIC GREEN LEFT
    • SARA WIENER, GREENS / EFA
    • ROSA D’AMATO, MOVIMENTO 5 STELLE
    • MANON AUBRY, EUROPEAN UNITED LEFT – NORDIC GREEN LEFT
    • AURORE LALUCQ, PROGRESSIVE ALLIANCE OF SOCIALISTS AND DEMOCRATS
  • CP / Ecocide : le gouvernement pense-t-il réellement répondre aux attentes de la Convention citoyenne avec la création d’un délit d’écocide ?

    Dimanche 22 novembre 2020

    Alors qu’une réunion de conclusion du groupe de travail écocide doit intervenir demain entre la Convention citoyenne et les ministères de la Justice et de la Transition écologique, le gouvernement vient d’annoncer dans le Journal du dimanche la création d’un délit d’écocide.

    Le groupe écocide de la Convention Citoyenne, appuyé par Notre Affaire à Tous, Wild Legal et d’autres professionnels du droit, vise à retravailler la proposition de loi sur la reconnaissance du crime d’écocide publiée en juin dernier par la Convention citoyenne. L’objectif est de proposer une nouvelle définition du crime d’écocide pour répondre aux critiques formulées par le gouvernement sur l’imprécision et le manque de clarté de la loi pénale.
     
    En attendant la réunion de conclusion de ce groupe de travail qui doit avoir lieu demain avec les ministres Eric Dupond-Moretti et Barbara Pompili, ces derniers viennent tout juste d’annoncer, sans attendre cette rencontre, la création d’un délit d’écocide devant être intégré dans le projet de loi Parquet européen. “Nous répondons à l’interpellation des citoyens sur le crime d’écocide” se félicitent-ils. Or leur proposition est loin de respecter l’esprit du texte proposé par la Convention citoyenne.
     
    Le crime d’écocide ainsi que les limites planétaires, deux éléments pourtant fondamentaux soutenus par la Convention citoyenne, sont ainsi définitivement enterrés au profit d’un délit général d’atteinte aux eaux, aux sols et à l’air qui semblait déjà en cours de discussion au sein du gouvernement et qui ne répond pas, en tout cas pas pleinement, aux propositions citoyennes ni au défi environnemental et climatique.
     
    Les ministres se contentent donc de reprendre le terme d’”écocide” et de l’apposer sur un texte pour prétendre satisfaire aux exigences des citoyens, un bel exercice de communication auquel le gouvernement est habitué.

    Pour Marie Toussaint, de Notre Affaire à Tous: “Les ministres se saisissent enfin de l’enjeu crucial de la répression pénale des atteintes à l’environnement. Parmi les propositions formulées dans le JDD nous ne trouvons toutefois trace ni d’une approche écocentrée, ni de la condamnation des atteintes autonomes à l’environnement, c’est-à-dire sans qu’elles ne soient rattachées à la violation d’une règle en vigueur. Nous serons d’une extrême vigilance. La notion d’écocide ne doit pas être vidée de son contenu si l’on veut qu’elle protège correctement l’environnement et vienne sanctionner les crimes aujourd’hui commis en toute impunité”

    Pour Marine Yzquierdo, coordinatrice plaidoyer de Notre Affaire à Tous : Ce délit général de pollution est sans rapport avec le crime d’écocide, censé punir les atteintes les plus graves à l’environnement en intégrant une approche écosystémique en référence aux limites planétaires. Ce délit devrait s’ajouter au crime d’écocide et non le remplacer. Reste une avancée intéressante avec la création d’un délit de mise en danger de l’environnement, mais le critère de “violation délibérée” est à discuter car s’il faut en plus que cela soit “manifeste”, cela posera une condition supplémentaire et donc limitera le champ de la répression »

    Il convient donc de connaître les amendements exacts au projet de loi Parquet européen qui seront proposés par le gouvernement.

    Valérie Cabanes, présidente d’honneur de Notre Affaire à Tous, ajoute : “Je suis très déçue concernant l’annonce du gouvernement français concernant la reconnaissance du crime d’écocide ce matin, avec fracas dans le JDD. Ce crime contre la sûreté de la planète dont la reconnaissance a été demandée par les citoyens de la Convention citoyenne pour le Climat en écho à la campagne menée par la Fondation Stop Ecocide a été relégué au rang de délit environnemental. Utiliser le terme d’écocide en le vidant de sa substance est un mauvais tour fait aux citoyens, en donnant l’illusion qu’ils ont obtenu ce qu’ils souhaitaient.”

    Un décryptage des mesures proposées par le gouvernement sera effectué après la réunion de conclusion avec les ministres, prévue demain midi.

    Contacts presse :

    • Marine Yzquierdo : marine.yzquierdo@notreaffaireatous.com – 06.50.27.05.78
    • Marie Toussaint : marie@notreaffaireatous.org – 06.42.00.88.68
  • CP / Décision du Conseil d’État sur le recours de Grande-Synthe : une avancée historique pour le climat et pour la suite de l’Affaire du Siècle

    Ce jeudi 19 novembre, le Conseil d’État a rendu une décision historique [1] dans le cadre du recours juridique de la commune de Grande-Synthe, dans lequel les quatre organisations de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à Tous, Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France) interviennent. Cette décision marque une avancée décisive face à l’inaction climatique de l’État : les objectifs climatiques de la France et la trajectoire pour y parvenir deviennent contraignants. L’État français a trois mois désormais pour démontrer à la fois la crédibilité de la trajectoire annoncée et si les moyens qu’il a mis en place sont à la hauteur de ses engagements.

    Pour les organisations de l’Affaire du Siècle, intervenantes dans le dossier :  « La décision du Conseil d’État rebat les cartes de la politique climatique de la France. En effet, en affirmant le caractère contraignant des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre contenus dans la loi [2], la plus haute juridiction administrative met l’État face à ses responsabilités dans la crise climatique. C’est une véritable révolution en droit : les lois programmatiques sur le climat ont jusqu’ici été considérées par les gouvernements et parlements successifs comme de vagues promesses. Elles font désormais peser sur l’État une obligation de résultat, et l’engagent à mettre en œuvre des mesures concrètes et efficaces pour atteindre ces objectifs ».

    En quoi cette décision est-elle historique ?

    1. La loi de programmation qui fixe les objectifs climatiques de la France n’est plus une vague promesse, elle oblige. Le « droit mou » devient du « droit dur ». 
    2. Le Conseil d’État, qui souligne le caractère a priori peu crédible de la trajectoire annoncée par le gouvernement, lui demande donc de rendre des comptes, effectuant ainsi, à la barre du tribunal, un véritable travail d’évaluation de politique publique. Ce travail pourrait déboucher non seulement sur un jugement, mais aussi sur une injonction d’adopter des actions de nature à atteindre l’objectif fixé. 
    3. Le Conseil d’État procède à cette évaluation avant même que l’on soit au terme fixé par la trajectoire. Il reconnaît ainsi que les objectifs de 2030, 2050 ou 2100 se construisent dès maintenant.
    4. La décision est porteuse de changements concrets pour les opérateurs privés et publics : si à la suite de l’évaluation, le Conseil d’État estime que les actions sont insuffisantes, il pourra enjoindre l’État à agir. Cela peut se traduire notamment par de nouvelles réglementations, des mesures incitatives ou des mesures contraignantes.

    La France loin d’atteindre ses objectifs climat

    Les organisations de L’Affaire du Siècle ainsi que le Haut conseil pour le climat ont déjà souligné à plusieurs reprises que les trajectoires n’étaient pas crédibles et les actions de l’État insuffisantes.

    • Entre 2015 et 2018 : le rythme de baisse des émissions de gaz à effet de serre a été quasiment deux fois plus lent que ce que la France aurait dû faire pour être sur la bonne trajectoire, suffisante et efficace, pour atteindre l’objectif de 40% de baisse des rejets de gaz à effet de serre en 2030 (-1,1% par an au lieu de -1,9%). 
    • Le premier budget carbone n’a pas été respecté, ni globalement ni sectoriellement pour les quatre principaux secteurs qui représentent plus de 85 % des émissions (transport, bâtiment, énergie et agriculture). La relève des budgets carbone 2019-2023 [3] dans les décrets Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) est directement contraire à une recommandation explicite du Haut conseil pour le climat [4].
    • La Commission européenne a d’ailleurs épinglé la France en septembre 2020, estimant qu’avec les mesures existantes, la France devrait manquer son objectif de baisse des gaz à effet de serre à 2030 de 11 points de pourcentage [5].

    Des manquements que le Conseil d’Etat a lui aussi notés et soulignés dans son arrêt.

    Quelle suite pour l’Affaire du Siècle ?

    La prochaine décision à venir sur le recours de Grande-Synthe au Conseil d’État (en mars 2021, suite à l’évaluation menée sur les engagements de l’État) est fondamentale et déterminerait une potentielle victoire aussi pour l’Affaire du Siècle. En effet, le Conseil d’État est la plus haute juridiction administrative française et l’État n’a donc aucun recours contre ses décisions. 

    Cette décision obligerait le Tribunal administratif à donner raison à l’Affaire du Siècle, a minima sur une partie de ses arguments. Mais surtout, l’Affaire du Siècle donnera la possibilité à la justice de préciser davantage la nature et l’étendue de la responsabilité de l’État.

    Le Tribunal administratif pourrait ainsi reconnaître un Principe général du droit, celui du droit à un système climatique soutenable et face à ce droit, l’obligation d’agir. Il s’agirait alors non plus d’une décision ponctuelle, mais d’une obligation générale qui s’imposera également au législateur et aux autorités administratives. De même, alors que le Conseil d’État a écarté les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, nous défendons l’idée que les droits climatiques doivent être reconnus comme étant des droits fondamentaux. Nous demandons également à la justice de reconnaître que le préjudice écologique peut bien s’appliquer à l’État.

    Enfin, l’Affaire du Siècle pourrait permettre de faire reconnaître des carences spécifiques de l’État, en particulier sur les objectifs sectoriels, par exemple sur l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables, les transports, etc.

    Dans les trois prochains mois, l’Affaire du Siècle va faire appel à des experts pour déposer un nouveau mémoire démontrant l’inaction climatique de l’État, continuant ainsi à soutenir le dossier de Grande-Synthe pour obtenir qu’une injonction à agir soit prononcée à l’issue de cette nouvelle période d’instruction.

    Notes aux rédactions :

    [1] la décision du Conseil d’État 

    [2] article 100-4 du code de l’énergie, suite à l’adoption de la loi pour la Transition énergétique et la croissance verte : “réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050.”

    [3] les décrets 2020 ont relevé les plafonds de 398 Mt CO2eq à 422 Mt CO2eq.

    [4] “Nous recommandons que le niveau du deuxième budget carbone présenté dans ce projet soit revu à la baisse, en cohérence avec la trajectoire à long-terme et les dernières données sur les émissions nationales” – rapport annuel 2019 

    [5] “Avec les mesures existantes, la France manquerait de 11 points de pourcentage en 2030.” – évaluation détaillée des plans énergie-climat des États membres

    Contacts presse :

    • Cécilia Rinaudo – Notre Affaire à Tous : 06 86 41 71 81
    • Paula Torrente – Fondation Nicolas Hulot : 07 87 50 74 90
    • Kim Dallet – Greenpeace France : 06 33 58 39 46
    • Marion Cosperec – Oxfam France : 07 68 30 06 17

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    • Me Guillaume Hannotin (avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation représentant l’Affaire du Siècle dans le recours de Grande-Synthe) : +33 6 82 41 24 42
    • Me Clément Capdebos (conseil de Greenpeace) : +33 6 98 86 63 66
    • Me Clémentine Baldon (conseil de la FNH) : +33 7 62 47 84 04
    • Cabinet Vigo (conseil de Notre Affaire à Tous) : Hugo Partouche +33 6 71 99 32 02, Aimée Kleiman +33 6 79 36 10 80
  • Numéro 9 de la newsletter des affaires climatiques – Droit à un environnement sain

    Chères lectrices, chers lecteurs,  Voici la dernière newsletter des affaires climatiques de cette drôle d’année (pas d’inquiétude, nous revenons en janvier !). Une année pas comme les autres où la pandémie et les catastrophes naturelles nous donnent un avant goût de ce qui pourrait nous attendre dans les décennies à venir. Une année pas comme les autres, qui nous a, également, appris à ralentir et à nous concentrer sur l’essentiel. Une année pas comme les autres, qui ne se termine pas si mal, avec les résultats d’une élection présidentielle américaine qui, même s’ils ne nous donnent pas l’espoir d’une révolution en matière environnementale, nous offre un horizon “moins pire” que les années précédentes. 

    Dans cette nouvelle lettre, nous vous proposons de lire la première partie d’une étude qui porte sur le droit à un environnement sain dans la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne, où l’on découvre les difficultés de la Cour à reconnaître une véritable valeur normative à ce principe. Dans la partie “affaires climatiques”, vous trouverez les fiches d’arrêt de nouveaux recours juridiques, contre les Etats autrichiens, ougandais et espagnols. Dans la mesure où ils sont tout récents, aucun, n’a, pour l’heure, fait l’objet d’une décision de justice. Dans la partie “affaires environnementales”, la requête d’une association de protection de l’environnement allemande contre le Gouvernement de son pays pour sa carence en matière de lutte contre la pollution de l’air qui arrive en même temps que l’adoption par le Conseil de l’UE d’un rapport sur la pollution de l’air ; la mise en œuvre d’une procédure de la commission européenne contre l’Etat français lui demandant de respecter ses obligations en matière d’accès du public à l’information environnementale ; le jugement du Tribunal judiciaire marseillais sur le préjudice écologique ; et, enfin, la décision du juge des référés du Conseil d’Etat en matière de restriction des épandages agricoles. Nous vous souhaitons une très bonne lecture et nous nous retrouvons en 2021 ! 

    Sandy Cassan-Barnel

    Focus : le droit à un environnement sain en droit de l’UE

    L’article « L’application du « droit à un environnement sain » par la CJUE : une stratégie cohérente à amplifier«  ne vise pas, à travers la notion indéterminée de « droit à un environnement sain », un champ du droit de l’Union, à savoir le droit environnemental de l’Union. Il n’étudiera donc ni l’ensemble, ni une partie du droit dérivé. L’article comprend cette notion comme un possible principe, de valeur constitutionnelle, permettant de contrôler l’ensemble des actes des institutions et des États membres. Dans un premier temps, il est question de savoir si un tel principe existe. La réponse est loin d’être claire. Il est néanmoins possible de répondre positivement, bien qu’il faille aussitôt ajouter que sa force normative est extrêmement faible. Dans un second temps, il est question de savoir si la CJUE n’a pas cherché à mettre en œuvre une stratégie qui permettrait de dépasser les faiblesses de ce principe. Autrement dit, dans l’impossibilité de l’invoquer efficacement de façon directe, n’est-il pas possible de l’invoquer de façon indirecte ? Il est finalement question, dans l’ensemble de cet article, de la manière dont la Cour met en œuvre le droit à un environnement sain : en ne le reconnaissant pas directement comme un véritable principe de droit, mais en lui garantissant indirectement une certaine effectivité. Il s’agit donc de rechercher, au travers d’arrêts variés et disparates de la Cour, cette stratégie.

    Affaires climatiques internationales

    CEDH, 2 septembre 2020, Youth for Climate Justice

    Six jeunes portugais saisissent la Cour européenne des droits de l’Homme, en l’absence d’épuisement des voies de recours internes. Ils demandent à la Cour de se prononcer sur les atteintes à leurs droits fondamentaux, par les Etats défendeurs, pour avoir contribué à la crise climatique. Les requérant-es dénoncent la participation des défendeurs à la crise climatique, l’absence d’adoption de mesures promptes à enrayer cette crise, et l’incidence de cette participation sur la protection de leurs droits issus de la Convention européenne des droits de l’Homme. Procédure : le 2 septembre 2020, la CEDH est saisie.

    Tsama William et al. v. Attorney general of Uganda

    Les requérant-es sont victimes et familles de victimes de glissements de terrains dans la région de Bududa, en Ouganda. Les requérants saisissent la Haute Cour. Ils contestent la carence des autorités locales et nationales dans l’adoption de mesures permettant de prévenir ou limiter les conséquences de ces glissements de terrain sur les droits fondamentaux à la vie. Le 3 décembre 2019, un glissement de terrain, faisant suite à de nombreux autres, engloutit les propriétés des requérants et cause vingt décès. Les victimes et familles des victimes, décident de saisir la Haute Cour de l’Ouganda. Procédure : le 15 octobre 2020, la Haute Cour du pays est saisie.

    Cour suprême d’Espagne, Greenpeace et al.

    Le 15 septembre 2020, trois organisations non gouvernementales, Greenpeace Espagne, Oxfam Intermón et Ecologistas en Acción, ont assigné l’Etat espagnol en justice pour son manque d’ambition en matière climatique. Faisant suite à de nombreuses actions en justice similaires dans les pays européens, trois organisations non gouvernementales ont constaté le non-respect par l’Espagne de ses engagements internationaux. Elles ont donc saisi la Cour suprême d’Espagne afin de condamner l’Espagne pour son inaction dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le 30 septembre 2020, la Cour suprême a admis la requête et a demandé au ministère de la présidence de présenter son dossier administratif dans un délai de 20 jours

    Affaires environnementales

    Tribunal judiciaire de Marseille, Parc national des Calanques, 6 mars 2020

    Par un jugement en date du 6 mars 2020, le Tribunal judiciaire de Marseille a condamné quatre braconniers à verser la somme de 350 000 euros au Parc national des Calanques au titre du préjudice écologique causé à l’écosystème des Calanques. Cette somme sera affectée en totalité à la réparation des atteintes à l’environnement.

    En juillet 2018, divers groupes et associations – FNE PACA, FNE Bouches du Rhône, Sea Shepherd, l’Association pour la protection des animaux sauvages, le Comité Régional des Pêches Maritimes et des Elevages Marins de la région PACA et le Groupe d’études du Mérou – se constituent partie civile en raison de l’atteinte qu’ont porté quatre individus à leur mission statutaire. Ces derniers sont suspectés de pêcher illégalement dans les eaux protégées du Parc national des Calanques depuis quatre ans.

    Deutsche Umwelthilfe c. République fédérale allemande, 2020

    L’association allemande de défense de l’environnement « Deutsche Umwelthilfe », a intenté un recours contre l’État allemand en matière de lutte contre la pollution de l’air. Elle dénonce les insuffisances du plan national allemand de réduction des polluants atmosphériques et entend obtenir son renforcement. En 2018, 60.000 personnes seraient décédées prématurément à cause de la pollution de l’air en Allemagne. C’est le danger environnemental le plus important pour la santé en Allemagne. Pourtant, la qualité de l’air fait l’objet d’une réglementation importante au niveau européen, notamment au travers de la directive 2016/2284 concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques dont découle pour chaque État membre l’élaboration d’un plan national sur la qualité de l’air.

    Restriction des épandages agricoles, Conseil d’Etat, 2020

    Le 20 avril 2020, le juge des référés du Conseil d’Etat a rendu une ordonnance dans laquelle il constate l’absence de carence du gouvernement dans la protection du droit à la vie et à la santé, dans une affaire dans laquelle le demandeur lui reprochait de ne pas avoir appliqué l’arrêté du 7 avril 2016 qui prescrit des mesures de restriction des épandages en cas de pic de pollution et de dépassement des seuils d’alerte. A l’occasion du confinement qui débute en France le 17 mars 2020, l’association nationale RESPIRE souhaite suspendre provisoirement, le temps de l’épidémie, les épandages agricoles.

    Directive accès du public aux informations environnementales

    Le 14 mai 2020, la Commission Européenne a engagé une procédure formelle d’infraction contre la France, lui demandant de respecter ses obligations conformément à la Directive 2003/4 du 28 janvier 2003 sur l’accès du public à l’information environnementale. La France dispose désormais de 4 mois pour fournir une réponse détaillée, sans quoi la Commission peut décider d’envoyer un avis motivé, demandant que des mesures soient prises.La Commission Européenne peut engager régulièrement des « procédures d’infraction » contre les États Membres qui ne respectent pas leurs obligations en vertu du droit de l’Union européenne.

    Renforcement de la lutte contre la pollution de l’air en Europe

    La pollution de l’air serait responsable de 400 000 décès par an sur le territoire de l’Union européenne. A cela s’ajoute les effets néfastes de la qualité de l’air sur les écosystèmes.Le 5 mars 2020, le conseil de l’UE rend ses conclusions sur la qualité de l’air en Europe suite à deux ans d’évaluation des normes européennes en la matière. Si ce rapport souligne l’amélioration de la qualité de l’air depuis 2008 en raison des politiques européennes et du cadre législatif existant, ce dernier insiste sur l’importance de renforcer ces mesures législatives pour tendre à toujours plus d’efficacité.

    L’ambition de cette newsletter ? Donner les moyens à toutes et tous de comprendre les enjeux de telles actions en justice face à l’urgence climatique ! Abonnez-vous pour recevoir, chaque mois, les actualités et informations sur ces affaires qui font avancer, partout dans le monde, nos droits et ceux de la nature face aux dégradations environnementales et climatiques : le combat qui se joue dans les tribunaux est bien celui de la défense des pollués face aux pollueurs, nouvel enjeu du XXIe siècle.

  • Recours climat de Grande-Synthe devant le Conseil d’Etat : vers un tournant majeur pour la justice climatique et pour l’Affaire du siècle ?

    Pour les organisations de l’Affaire du Siècle : “Si le Conseil d’Etat suit l’avis du Rapporteur public [1], Stéphane Hoynck, le dossier de Grande-Synthe pourrait ouvrir la voie à une évolution majeure dans le droit environnemental français et à une victoire historique de l’Affaire du Siècle, qui obligeraient l’Etat à mettre ses actions en conformité avec ses engagements pour le climat ».

    Le Conseil d’Etat pourrait ainsi, pour la première fois en France, exiger de l’Etat qu’il rende enfin des comptes sur ses politiques climatiques, devant la justice. “Il ne faut pas attendre qu’une obligation de résultat soit reconnue dans ses carences, il faut faire en sorte de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour agir » a souligné le Rapporteur Public.

    Si le Conseil d’Etat n’est pas satisfait des réponses qui lui sont données, parce qu’il apparaît que notre pays suit des trajectoires qui permettent déjà de dire que les objectifs fixés ne seront pas atteints, il pourra enjoindre l’Etat à adopter des mesures de nature à rétablir la trajectoire correcte. 

    Ce serait une étape et une reconnaissance fondamentales dans le travail de l’Affaire du Siècle, qui depuis 2018 démontre, travaux scientifiques à l’appui, l’insuffisance des politiques climatiques actuelles de la France par rapport aux objectifs fixés à moyen et long terme.

    Le recours de l’Affaire du Siècle, dont l’instruction est clôturée, et pour lequel une date d’audience doit désormais être fixée, pourrait en outre faire reconnaître l’obligation de l’Etat à agir face à la crise climatique, et à protéger les Français.es, déjà affecté.es par les impacts des changements climatiques”.

    Notes aux rédactions :

    [1] Le Rapporteur Public demande une mesure d’instruction complémentaire “afin que soient produits dans un délai de 3 mois, tous éléments permettant de vérifier, eu égard au relèvement opéré par le décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 [décret qui a relevé les plafonds de la SNBC], la cohérence de la trajectoire désormais prévue avec l’objectif de réduction du niveau des émissions de gaz à effet de serre produites par la France fixé par l’article L. 100-4 du code de l’énergie [-40% GES d’ici 2030 par rapport à 1990] et par l’annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018. [-37% GES en 2030 par rapport à 2005]”.

    Contacts presse :

    • Clothilde Baudouin – Notre Affaire à Tous : +33 6 09 73 39 39
    • Paula Torrente – Fondation Nicolas Hulot : + 33 7 87 50 74 90
    • Kim Dallet – Greenpeace : +33 6 33 58 39 46
    • Marion Cosperec – Oxfam France : +33 7 68 30 06 17
  • CP / Le projet d’aménagement du Carnet à l’arrêt : une première victoire contre le projet industriel

    Communiqué de presse – 4 novembre 2020

    Ce mercredi 4 novembre, après un avis négatif du conseil scientifique de l’estuaire de la Loire, le Grand Port Maritime de Nantes-Saint-Nazaire annonce, dans un communiqué, retarder d’un an les travaux sur le site. Cela notamment pour compléter les études faunistiques et floristiques sur le site.
     
    Le Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel de la région Pays de Loire fait remarquer des insuffisances du dossier présenté par le Grand Port Maritime de Nantes Saint Nazaire et son bureau d’étude Artélia : “La plupart des analyses s’appuient sur des données récoltées il y a plus de 10 ans.”
     
    C’est aussi l’avis du MNLE, de Notre Affaire à Tous, du collectif Stop Carnet et d’une vingtaine de particuliers qui ont adressé, le 20 octobre 2020, une lettre au préfet de la région Pays de la Loire soulignant l’incomplétude du dossier d’aménagement. Ce courrier lui demande de mettre en demeure le Grand Port Maritime de Nantes-Saint-Nazaire de régulariser les travaux qui ont lieu sur le site du Carnet.
     
    Les travaux prévoyant la destruction et l’artificialisation de 110 ha de zone naturelle, abritant 116 espèces protégées et la destruction de 51 ha de zones humides sont considérés comme illégaux par les signataires. Si le Préfet refusait d’accéder à ces demandes les signataires se lanceraient dans un recours contentieux.

    Pourquoi les travaux sur le site du Carnet doivent être considérés comme illégaux ?

    • Les travaux ont lieu sans déclaration de projet. Or, selon l’article L 126-1 du code de l’environnement, la déclaration de projet est obligatoire afin de définir le projet comme étant d’intérêt général. Dans le cas du site du Carnet, ce document est introuvable et le Grand Port lui même ne semble pas pouvoir répondre aux nombreuses demandes que nous avons faites.
    • L’autorisation dérogation espèces protégées a été obtenue pour un nombre d’espèces très faible. Certaines espèces semblent avoir été mises de côté sans raison, alors qu’elles seront manifestement impactées par le projet. Les études faunes et flores sur lesquelles l’autorisation se base sont obsolètes (datant des années 2000 pour certaines) et les mesures ERC mises en place sont clairement insuffisantes. Cette remarque est aussi soulignée dans l’avis rendu par le Conseil Scienfique Régional du Patrimoine Naturel de la région Pays de la Loire le 30 octobre 2020 qui invite le Grand Port Maritime a bien vouloir compléter le dossier en vue de l’élaboration du Plan de Gestion. Ce sont notamment le campagnol, plusieurs chiroptères, la vipère aspic et 7 espèces d’oiseaux, qui, malgré leur protection à l’échelle nationale, se verront supprimés ou déplacés sans qu’aucune autorisation à ce titre n’ait été obtenue. 

    Ces documents sont des prérequis au commencement des travaux. Or, les travaux de biotope, prélude au bétonnage, ont d’ores et déjà commencé dans l’illégalité. Le collectif Stop Carnet s’est mobilisé contre ce projet et l’implantation d’une ZAD a très vite stoppé les travaux en offrant une opposition frontale.

    Pour Chloé Gerbier de Notre Affaire à Tous “Notre Affaire à Tous se réjouit de cette première victoire et du sursis qui est donc accordé à ces 100 hectares de zone naturelle. Les associations et particuliers engagés ne peuvent que saluer la mise en place d’études complètes qui permettront de se rendre compte de la destruction massive qu’engendrerait un tel aménagement du site.”

    Contacts presse

    • MNLE : Jean Paul Martel – jpmartel44@outlook.fr
    • Notre Affaire à Tous : Chloé Gerbier – 06 46 43 55 09
    • Collectif Stop Carnet : Yohan Morice- 06 77 34 34 23
  • CP / Sortie de l’ouvrage « Les grandes affaires climatiques »

    Communiqué de presse – 21 octobre 2020

    Il y a quelques semaines est paru l’ouvrage « Les grandes affaires climatiques », sous la direction de Christel Cournil. En s’inscrivant dans la tradition juridique des célèbres « Grands arrêts », cet ouvrage est inédit dans sa démarche. Cette publication collective émanant de plus d’une trentaine d’auteurs aux profils variés (universitaires confirmés, jeunes chercheurs, avocats, juristes d’association), dont une dizaine de membres de Notre Affaire à Tous, a pour ambition de mettre en exergue les principaux contours de la « Justice climatique».  

    L’élaboration d’un tel ouvrage portant sur les grandes affaires climatiques peut étonner aux premiers abords tant le défi est de taille. Certes si l’on s’en tient au contentieux français, – encore embryonnaire –, les quelques espèces pendantes devant le juge civil ou administratif ne suffisent pas pour en faire un ouvrage. Si l’on élargit l’étude du contentieux climatique à l’échelle européenne, on trouve des espèces particulièrement innovantes sur le plan des stratégies judiciaires engagées (V. affaire People’s Climate case) et des recours déjà jugées devant les prétoires nationaux comme la désormais célèbre affaire néerlandaise Urgenda.

    La ligne éditoriale de ce projet a consisté à ne pas se limiter à cette échelle régionale en en élargissant le champ pour proposer le premier livre commentant les principales affaires climatiques du monde. L’ouvrage rassemble un échantillon représentatif d’affaires contentieuses rendues ou encore en instance dans le monde sur des questions climatiques très variées (demande indemnitaire de « victimes climatiques », contestation de projets jugés « climaticides », manque d’ambition climatique des États, non-respect des trajectoires de réduction des gaz à effet de serre, demande de désinvestissements dans les énergies fossiles, poursuites d’activistes, etc.). 

    Offrant un panorama sur une progressive métamorphose de la responsabilité des États et des entreprises, cet ouvrage permet de mieux cerner les arguments juridiques soulevés devant des « juges » très différents (juridiction nationale, tribunal régional, quasi-juridiction nationale ou internationale, mécanisme non juridictionnel, etc.). Ainsi dévoilées « côté à côte », ces affaires climatiques mettent en perspective autant les obstacles particulièrement importants que rencontrent les requérants que les « fenêtres » parfois semblables qu’ouvrent certains juges dans des systèmes juridiques pourtant très différents. Dès lors, les cruciales questions ayant trait à l’évolution de la responsabilité, à la justiciabilité en matière climatique, à l’intérêt à agir, à l’établissement du lien de causalité et à la délicate répartition de la « part » de responsabilité des nombreux émetteurs de gaz à effets de serre, y seront exposées. Sont également retracés les points communs entre les affaires (réception de l’Accord de Paris, invocation des droits fondamentaux, contrôle des actes réglementaires, injonction réparatrice, etc.).


    En définitive, cet ouvrage constitue un outil à la fois pratique et théorique à destination des universitaires, des avocats, des magistrats, des étudiants et des juristes des ONG qui travaillent sur la gouvernance climatique ; celle-ci devant désormais inclure les décisions rendues par les juges. 

    Pour Christel Cournil, « Ces affaires climatiques racontent des « histoires » sur les causes et les effets du changement climatique et identifient les « gagnants » et les « perdants potentiels » du changement climatique. Elles font alors ressortir divers enjeux politiques, juridiques et éthiques. La focalisation de ces contentieux sur certains types de plaignants comme des jeunes, des grands-mères, des peuples autochtones, un déplacé climatique, un fermier, un agriculteur, etc. propose un panorama de « victimes climatiques » en quête de justice ». 

    Contact presse

    Christel Cournil : christel.cournil@notreaffaireatous.org – 06 61 40 30 53 

     Christel Cournil est Professeure de droit public à Sciences Po Toulouse. Elle est membre du Laboratoire des Sciences Sociales du Politique (LASSP) et membre associé au IDPS de l’Université Sorbonne Paris Nord. Elle est également membre du Conseil d’Administration de Notre Affaire à Tous.


  • “Savanturiers de la justice climatique” : une boîte à outils pédagogique

    Le mercredi 14 octobre, Savanturiers – Ecole de la recherche et Notre Affaire à Tous ont dévoilé le dossier “Savanturiers de la justice climatique”, une boîte à outils pédagogique inédite à destination des enseignant-es et éducateurs dont l’ambition est de fournir une éducation aux effets du changement climatique et au droit de l’environnement ! 

    Le tournant de l’Anthropocène nous impose de repenser les finalités citoyennes de l’école, les contenus et les méthodes d’enseignement. Enseignants et jeunes sont des acteurs à part entière de la fabrique de ce nouveau contrat scolaire : comment préparer les jeunes à comprendre et agir pour préserver le droit des générations futures à un monde habitable et pallier les lacunes des programmes scolaires sur les questions environnementales et climatiques ?

    Nous avons une double ambition : 

    • Accompagner les professeurs qui souhaitent aborder les notions liées au droit de l’environnement et au changement climatique dans le secondaire.
    • Sensibiliser les lycéen-nes et collégien-nes à ces enjeux primordiaux, encore trop  souvent absents des programmes scolaires.

    Contenu de la boîte à outils

    La boite à outils comprend 9 fiches thématiques sur : les principes généraux du droit et de la justice en France, les principes généraux du droit de l’environnement, le droit pénal de l’environnement en France, les grandes négociations internationales sur le climat, les grands procès climatiques, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, les droits de la nature et la notion d’écocide, le droit des animaux et les inégalités climatiques et environnementales.

    Nous proposons également des infographies, des fiches d’activité pour aider à l’appréhension des notes et deux vidéos ludiques sur :

    Conférence de lancement de la boîte à outils

    Nous avons organisé une conférence de lancement en ligne le 14 octobre en présence de :

    • Valérie Cabanes, juriste en droit international, essayiste et membre d’honneur de Notre Affaire à Tous
    • Ange Ansour, co-fondatrice et directrice de Savanturiers – École de la Recherche
    • Roxane Chaplain, juriste en droit de l’environnement et responsable du groupe éducation-sensibilisation chez Notre Affaire à tous
    • Catherine Kastler, professeure d’histoire et géographie

    Vous pouvez réécouter la conférence sous ce lien.

    Notre partenaire : Savanturiers – Ecole de la Recherche

    Savanturiers – École de la Recherche est un programme éducatif visant à initier les élèves de la maternelle au lycée aux méthodes et éthique de la recherche grâce à des projets de recherche scientifique menés par les élèves guidés par leurs enseignants et des chercheurs engagés en faveur de l’innovation pédagogique.

  • CP / Lancement des “Savanturiers de la justice climatique”, une boîte à outils pédagogique

    Communiqué de presse, 14 octobre 2020

    Ce mercredi 14 octobre, Savanturiers et Notre Affaire à Tous dévoilent le dossier “Savanturiers de la justice climatique”, une boîte à outils pédagogique inédite à destination des enseignants et éducateurs dont l’ambition est de fournir une éducation aux droits environnementaux et à la justice climatique. 

    Le tournant de l’Anthropocène nous impose de repenser les finalités citoyennes de l’école, les contenus et les méthodes d’enseignement. Enseignants et jeunes sont des acteurs à part entière de la fabrique de ce nouveau contrat scolaire : comment préparer les jeunes à comprendre et agir pour préserver le droit des générations futures à un monde habitable et pallier les lacunes des programmes scolaires sur les questions environnementales et climatiques ? 

    Alors que le mouvement pour la justice climatique met en lumière les préoccupations grandissantes de la jeunesse face au changement climatique et à ses conséquences, l’intégration des enjeux environnementaux et climatiques dans les programmes scolaires du secondaire demeure encore très limitée. Face à ce constat, Savanturiers et Notre Affaire à Tous ont joint leurs expertises et pris l’initiative de créer une boîte à outils permettant d’accompagner les enseignants et les éducateurs en général pour traiter de la question de la justice climatique en adoptant la démarche d’éducation par la recherche. 

    En proposant cet outil de formation, d’enseignement et d’engagement inédit en France, les organisations espèrent donc rendre l’outil du droit accessible à tous. Ce dossier s’adresse aux collèges et lycées. Il s’agit à la fois d’un support de formation, d’enseignement mais aussi d’engagement pour les lycéens et collégiens. Ensemble, les deux structures proposent une action d’accompagnement et de mentorat des classes pour des projets relatifs à la justice climatique, au droit de l’environnement ou à l’impact du changement climatique sur nos droits fondamentaux. Ce dossier comprend des supports variés sur :

    • Les principes généraux du droit et de la justice en France
    • Les principes généraux du droit de l’environnement
    • Le droit pénal de l’environnement en France
    • Les grandes négociations internationales sur le climat
    • Les grands procès climatiques
    • la responsabilité sociale et environnementale des entreprises
    • Les droits de la nature et la notion d’écocide
    • Le droit des animaux
    • Les inégalités climatiques et environnementales

    Nous proposons également des éléments plus pratiques, notamment des vidéos ludiques et des fiches d’activités pour aider à l’appréhension de ces notions.

    Savanturiers – École de la Recherche est un programme éducatif qui promeut l’éducation par la recherche, aux niveaux national et international, en proposant projets pédagogiques, formations ainsi que ressources et méthodologies scientifiques. Ce programme mobilise et fédère les communautés éducatives et scientifiques au service de l’École. 

    Notre Affaire à Tous est une association qui fait du droit un moyen de lutte et un outil de mobilisation citoyenne pour protéger le climat et le vivant. L’association (qui s’est faite connaître par l’Affaire du Siècle, le recours en justice contre l’inaction climatique de l’Etat) travaille pour établir une responsabilité de l’humain vis-à-vis de l’environnement. Par les outils de formation qu’elle porte dans les collèges, les lycées et les universités, l’association s’efforce également de rendre le droit accessible pour toutes et tous afin que chacun puisse se saisir de ce levier pour la protection de l’environnement.

    Contacts presse

    Invitation au webinar

    Le droit environnemental et la justice climatique sont des domaines incontournables pour imaginer et mettre en œuvre des outils juridiques afin d’encadrer nos sociétés mises au défi de l’anthropocène et garantir leur fonctionnement démocratique ainsi que le droit des générations futures. Pour initier collégiens et lycéens à ces enjeux et accompagner les enseignants NAAT et SAV ont conçu une boîte à outils “Savanturiers de la justice climatique”, premier outil de formation, d’enseignement et d’engagement créé en France à destination des enseignants et de l’ensemble de la communauté éducative. Nous organisons une conférence de lancement en ligne le 14 octobre à 19h en présence de :

    • Valérie Cabanes, juriste en droit international, essayiste et membre d’honneur de Notre Affaire à Tous
    • Ange Ansour, co-fondatrice et directrice de Savanturiers – École de la Recherche
    • Roxane Chaplain, juriste en droit de l’environnement et responsable du groupe éducation-sensibilisation chez Notre Affaire à tous
    • Catherine Kastler, professeure d’histoire-géographie au collège

     Retrouvez-nous en direct sur la chaîne Youtube des Savanturiers

  • 8 octobre 2020 – Le racisme environnemental

    Si nous sommes toutes et tous concerné·e·s par le changement climatique, nous sommes loin d’être égaux face à ses conséquences. Après avoir étudié un nombre important d’inégalités sociales, économiques et territoriales, nous nous concentrons dans ce 13ème numéro de la revue de presse des inégalités climatiques et environnementales sur le racisme environnemental. Originellement pensée dans le contexte des Etats-Unis, la lutte contre ce phénomène a peu à peu traversé les frontières et trouvé un écho sur le territoire français. Le racisme environnemental s’inscrit dans le mouvement plus global de la justice environnementale qui combat à la fois les inégalités raciales et les inégalités d’impacts liées au genre, au statut socio-économique ou encore à l’âge. 

    Pour combattre les inégalités sociales climatiques et environnementales, il nous faut les connaître. C’est le sens de cette revue de presse élaborée par les bénévoles de Notre Affaire à Tous, qui revient chaque mois sur les #IMPACTS différenciés du changement climatique, sur nos vies, nos droits et ceux de la nature.

    Le racisme environnemental : qu’est ce que c’est ?

    La lutte contre les injustices environnementales subies par les minorités ethniques aux Etats-Unis a donné naissance à l’un des premiers mouvements d’ampleur pour la justice environnementale, The Environmental Justice Movement, et a également conduit à l’émergence du concept de racisme environnemental. Cette dernière notion peut être définie comme la tendance des établissements publics ou privés à installer de manière intentionnelle des décharges de déchets toxiques, des sites d’enfouissement, des incinérateurs et des industries polluantes à proximité de quartiers où vivent des minorités ethniques pauvres. 

    Pour le professeur Robert Bullard, le racisme environnemental repose sur un processus d’exclusion territoriale, qu’il définit comme : “l’ensemble des politiques, des pratiques et des directives environnementales qui ont des conséquences négatives disproportionnées, qu’elles soient intentionnelles ou non, sur certaines personnes, certains groupes ou certaines communautés en raison de leur race ou de leur couleur”.

    Les conséquences du racisme environnemental peuvent prendre différentes formes : exposition plus grande aux pollutions des sols, des cours d’eau et de l’air, difficultés d’accès aux ressources naturelles comme l’eau potable et l’énergie, plus grande vulnérabilité face aux événements météorologiques extrêmes et aux conséquences du changement climatique.

    Histoire du mouvement pour la justice environnementale

    Le mouvement pour la justice environnementale est né aux Etats-Unis dans les années 1970 et est issu du mouvement pour les droits civiques. C’est au révérend Benjamin Chavis, leader de la National Association for Advancement of Colored People (NAACP), que l’on doit l’origine du terme “environmental racism”. Il est le coordinateur du rapport “Toxic Waste and Race in the United States”, qui a fait grand bruit au moment de sa publication en 1987, et qui conclut que le critère de la couleur de peau est « la variable la plus significative pour expliquer la localisation des stockages de déchets dangereux (décharges, incinérateurs, bassins de retenue), plus que l’appartenance à une catégorie socio-économique”. En 1982, une première mobilisation historique naît contre l’installation d’un site d’enfouissement de déchets toxiques et dangereux dans le comté de Warren en Caroline du Nord, où 75% de la population vivant près de la zone de la décharge est afro-américaine.

    Juridiquement, la discrimination raciale en matière d’exposition aux déchets toxiques a été reconnue pour la première fois par la décision Bean v. Southwestern Waste Management Corp. en 1979, dans le cas de la lutte de plusieurs résident·es de Houston contre un plan qui prévoyait d’installer une décharge municipale à côté de leur domicile.

    Plus récemment, un des exemples les plus significatifs de racisme environnemental aux États-Unis est l’ouragan Katrina qui, en 2005, a dévasté les quartiers noirs de la Nouvelle-Orléans mal protégés par les digues. Les populations de ces quartiers ont eu plus de mal à évacuer, puisque la majorité des habitations étaient situées en zones inondables. A l’opposé, les habitations des plus riches se situaient majoritairement dans les hauteurs de la ville.

    La catastrophe de l’Ouragan Katrina a mis en lumière l’intersection de plusieurs inégalités : sociales, raciales et de genre. En effet, un tiers de la population de la Nouvelle-Orléans vit sous le seuil de la pauvreté et deux tiers des habitants de la ville sont noirs. On estime aussi que 80% des adultes laissés-pour-compte suite à l’ouragan étaient des femmes. Les grandes vulnérabilités et la moindre résilience sont deux phénomènes frappants de ces inégalités. Une autre affaire de racisme environnemental éclate aux Etats-Unis avec l’affaire de l’eau contaminée au plomb à Flint, une ville du Michigan où 57% des habitants sont afro-américains.

    En 2014, préférant faire des économies plutôt que protéger la santé des citoyens, le gouverneur décide de changer la source d’approvisionnement de l’eau de la ville et de puiser dans la rivière Flint, polluée par des déversements de déchets d’usines. La pollution de l’eau ronge les canalisations en plomb qui n’ont pas été traitées. Il en résulte une contamination au plomb de l’eau avec de graves impacts sanitaires pour la population et plus particulièrement sur les bébés et jeunes enfants : dommages cérébraux, retards de développement, risques accrus de troubles comportementaux et respiratoires etc.

    Quelles sont les conséquences du racisme environnemental ?

    De manière générale, aux Etats-Unis, les afro-américains sont 75% plus susceptibles que le reste de la population de vivre à proximité des installations de déchets toxiques, rapporte The New York Times Magazine. A salaire égal, les afro américains ont plus tendance à vivre dans des zones polluées : ils représentent 69% de la population dans les quartiers américains qui ont des décharges de déchets toxiques. Face à certaines  inégalités environnementales, la couleur de peau est ainsi plus discriminante que la classe sociale.

    Les minorités ethniques sont aussi exposées à des taux de dioxyde d’azote 38% plus élevés que les blancs. Les conséquences sanitaires de ces inégalités environnementales sont nombreuses : une moindre espérance de vie et un état général de santé dégradé qui peut se traduire par le développement d’asthme et d’autres maladies pulmonaires, de cancer, de malformations congénitales et d’autres maladies du développement. Le rapport “Almost Everything you need to know about environmental justice” détaille les conséquences sanitaires des injustices environnementales.

    Racisme environnemental et protection de la nature

    La lutte contre le racisme environnemental est une émanation du mouvement pour les droits civiques des afro-américains. Or, les grandes associations américaines de conservation de la nature ont longtemps été perméables voire hostiles à cette question. Les pères fondateurs du mouvement conservationniste américain étaient imprégnés de la culture raciste de leur époque. L’idéal de wilderness (=nature sauvage) et la création des parcs nationaux se sont ainsi construits sur l’exclusion des peuples autochtones. Les organisations écologistes états-uniennes sont aujourd’hui encore imprégnées de cet héritage raciste et colonial. Alors que les populations racisées sont particulièrement affectées par les crises environnementales, elles ont historiquement été exclues du mouvement pour l’environnement, rapporte le New York Times.

    Dès 1991, Robert Bullard alertait plusieurs grandes associations environnementales américaines comme l’Environmental Defense Fund, le Natural Resources Defense Council ou le Sierra Club, sur leur manque de représentation des personnes non blanches. Cette tendance est aussi observée en France, où le manque de diversité du mouvement écologiste est souvent pointé du doigt.

    Peut-on parler de racisme environnemental en France ?

    En France, pour des raisons culturelles et historiques, la notion de racisme environnemental peine à émerger. Il existe bien des statistiques ethniques produites par l’INSEE pour mesurer les discriminations, mais elles ne prennent pas en compte les inégalités environnementales. Les rares études sur le sujet ont été menées par Lucie Laurian en 2008 et 2014. La dernière étude, publiée par le Journal of Environmental Planning and Management démontre qu’en France, chaque pourcentage supplémentaire de la population d’une ville né à l’étranger augmente de 29% les chances pour qu’un incinérateur à déchets, émetteur de divers types de pollutions, y soit installé. Ce n’est que récemment que la notion de racisme environnemental est apparue dans la sphère écologiste française, en lien avec le mouvement pour une écologie décoloniale et l’actualité du mouvement Black Lives Matter.

    Le cas du chlordécone aux Antilles

    Le chlordécone est un pesticide très toxique qui a été utilisé massivement dans les bananeraies de Guadeloupe et Martinique, pendant plus de vingt ans, de 1972 à 1993. Cet insecticide servait à lutter contre le charançon, un insecte qui détruit les cultures de bananes. Alors que son interdiction était prononcée dès 1976 aux Etats-Unis et que le produit été classé cancérogène possible en 1979 par l’Organisation Mondiale de la Santé, la France n’a interdit le chlordécone qu’en 1990 et seulement en 1993 aux Antilles grâce à deux dérogations successives. Des stocks illégaux de chlordécone ont été retrouvés en 2002, laissant penser que l’utilisation du pesticide a continué longtemps après son interdiction. Le lobbying pour l’utilisation du chlordécone a été mené par les propriétaires agricoles, issus de puissantes familles békés, héritiers des colons européens, ajoutant au scandale sanitaire une dimension sociale et néocoloniale.
     
    L’utilisation du chlordécone aux Antilles a eu des conséquences dévastatrices sur les habitants et les écosystèmes. Dans un rapport publié par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques, il est indiqué que « trois kilos de chlordécone épandus par hectare et par an ne s’éliminent totalement des sols qu’au bout de sept siècles« . De 1972 à 1993, 300 tonnes de chlordécone ont été déversées en Martinique et en Guadeloupe.
     
    Aujourd’hui, vingt-cinq ans après l’interdiction de l’utilisation du pesticide, 18 000 hectares de terres sont contaminés en Martinique et Guadeloupe, soit 25% de la surface agricole utile des deux îles. Ce produit toxique s’est aussi répandu dans les rivières et l’océan, menant à l’interdiction de la pêche dans certains rivages et zones maritimes. La contamination généralisée des sols et des eaux a ainsi des conséquences économiques graves pour les pêcheurs et les agriculteurs.
     
    Les travailleurs agricoles noirs sont les premières victimes de cette inégalité environnementale et témoignent de l’atteinte du chlordécone sur leurs corps. Mais les conséquences sanitaires s’étendent aujourd’hui à la quasi-totalité de la population martiniquaise et guadeloupéenne. Selon une étude de 2013 de Santé Publique France, 95% des Guadeloupéens et 92% des Martiniquais sont contaminés. Ce pesticide étant un perturbateur endocrinien, la santé des populations est gravement menacée : impact sur le développement cognitif et moteur des enfants, risques élevés d’infertilité, de naissances prématurées, d’endommagement du système nerveux, et soupçon de survenance augmentée du cancer de la prostate. En Martinique, chaque année 227 nouveaux cas pour 100 000 habitant·es de ce cancer sont déclarés. Le département français détient ainsi le triste record du monde de la survenance de ce cancer.

    Pour le philosophe Malcom Ferdinand : “c’est une minorité qui a choisi le chlordécone et a imposé de vivre en milieu contaminé au reste de la population”. L’injustice environnementale se caractérise ici par des inégalités de responsabilité, d’impact et de participation à la décision publique Le scandale du chlordécone, pesticide utilisé pour une monoculture intensive, destinée à l’exportation en France continentale, met ainsi à jour la structuration néocoloniale de la société antillaise.

    La communauté des gens du voyage

    Le juriste William Acker s’est intéressé au racisme environnemental subi par les Gens du Voyage. Dans son étude sur l’emplacement des aires d’accueil, il démontre que la très grande majorité des aires sont situées dans des zones environnementalement dégradées, comme l’aire de Gex, ou dans des zones qui seront de plus en plus impactées par les tempêtes et orages violents dus au changement climatique, comme dans les Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône en 2019 ou en Lorraine en 2018.

    Ces aires peuvent être occupées uniquement par les personnes catégorisées par le droit administratif comme “gens du voyage”, tel que prévu par l’article 1er de la loi Besson de 2000, ce qui pour William Acker démontre “un racisme environnemental systémique et méconnu. Les Gens du Voyage sont ainsi en première ligne face aux pollutions industrielles, comme l’incendie de l’usine Lubrizol le 26 septembre 2019l’aire d’accueil se trouvant à 500m de l’usine. Il s’agit pour William Acker d’un cas majeur d’injustice environnementale.

    Roms et exilés

    Le racisme environnemental est également visible dans le traitement des roms et des migrants qui, pour une grande partie d’entre eux, doivent vivre dans des zones environnementalement dégradées, en Europe mais également en France. Dans un rapport paru en avril 2020, le Bureau Européen de l’Environnement recense 32 cas de racisme environnemental à l’encontre de populations roms en Bulgarie, Roumanie, Hongrie, Macédoine du Nord et Slovaquie, amenant ces communautés à être particulièrement affectées par la pollution et la non-fourniture de services environnementaux. 

    En France, les bidonvilles tolérés sont souvent dans des zones très polluées, comme dans les Yvelines où 17 enfants roms ayant vécu dans un bidonville avaient des taux de plomb supérieurs à 25 microgrammes par litre de sang, amenant l’Agence régionale de Santé (ARS) à faire évacuer le campement. De même, lorsque la préfecture du Pas-de-Calais et la mairie de Calais décident le regroupement des migrants présents sur le territoire de la ville dans un seul secteur en 2015, le terrain choisi pour accueillir les migrants – et qui formera la « Jungle » de Calais – est situé en zone SEVESO. De façon générale, les terrains où ils peuvent installer leurs campements sont parmi les plus à risque en termes d’intempéries et de catastrophes naturelles, comme comme la “Jungle” de Calais ou encore près de Toulouse où un campement a été inondé en décembre 2019.

    Le saturnisme : une maladie de l’immigration

    Maladie ancienne réapparue à Paris dans les années 1980, le saturnisme est une intoxication de l’organisme par le plomb, principalement dûe à l’absorption de poussières de peinture. Les cas de saturnisme sont apparus chez des enfants d’immigrés subsahariens, vivant dans des logements dégradés d’Ile-de-France. La surreprésentation des enfants d’immigrés atteints de saturnisme et la lenteur de leur prise en charge ont ainsi mis à jour des discriminations en matière de santé et d’accès au logement.

    Les banlieues françaises

    Plusieurs études ont démontré la vulnérabilité des quartiers populaires face aux événements climatiques extrêmes. Lors de la canicule de 2003, le deuxième département le plus sévèrement touché après le Val-de-Marne (surmortalité de + 171%) était la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France hexagonale, avec une surmortalité de +160%. Cette surmortalité s’explique par le phénomène des îlots de chaleur urbain mais aussi par les conditions de vie des habitant·e·s : logement surpeuplés et mal isolés, peu d’espaces verts, difficultés d’accès à l’eau pour certaines populations, bétonisation à outrance, pollution de l’air, état de santé général dégradé ou encore mauvaise diffusion des informations sur les bonnes pratiques pour se protéger lors des fortes chaleurs. Les habitant·e·s des quartiers populaires sont aussi plus vulnérables aux vagues de froid.

    Selon une enquête de l’Observatoire des inégalités, 30,8% des habitant·e·s des Zones urbaines sensibles ont connu en 2006 des périodes de froid dans leur logement en raison d’une mauvaise isolation ou de problèmes d’installation et de mise en route du chauffage, contre 13 % pour le reste de la population. Les villes de banlieues sont aussi plus exposées aux pollutions atmosphériques. A Saint-Denis la pollution de l’air est particulièrement élevée, “les pics de particules PM 10 sont liés notamment au diesel. L’A1 concentre aux portes de Paris plus de 195 000 véhicules par jour”.

    Conditions de travail et risques environnementaux

    Les minorités ethniques ne sont pas seulement affectées dans leur qualité de vie sur leur lieu de résidence, mais également par leurs conditions de travail. Les populations racisées sont reléguées aux emplois les plus exposés aux pollutions : nettoyage, tri des déchets, transport logistique, peinture en bâtiment, travail saisonnier dans le secteur agricole etc. Aujourd’hui en France, plus de deux tiers des travailleurs immigrés sont des ouvriers ou des employés. L’intersection entre la classe sociale et l’appartenance à une minorité ethnique rend difficile la mesure des inégalités raciales et donc du racisme environnemental. Le débat classe/race est encore vif dans les sciences sociales en France.

    Quelles perspectives pour le mouvement climat ?

    Aux Etats-Unis, la mort de George Floyd a “réactivé les questionnements sur les liens entre couleur de peau et enjeux écologiques”. Cependant, la notion de racisme environnemental reste sujette à controverses et nuances. La chercheure Dorceta Taylor analyse ainsi les expositions aux injustices environnementales à travers la “simultanéité des oppressions” de classe, de race et de genre. Laura Pulido explique également que l’injustice environnementale n’est pas forcément intentionnelle mais qu’elle résulte de la structuration de la société et d’un système complexe d’oppressions défavorables aux personnes de couleurs. 

    La convergence entre les luttes antiracistes et écologistes commence à peine à émerger en France ou des alliances entre différents mouvements se tissent malgré de fortes réticences. La notion de racisme environnemental suscite également un intérêt croissant dans le milieu universitaire. Pour certain·e·s militant·e·s, les apports de la justice environnementale et du concept de racisme environnemental permettent de rendre plus concrètes les luttes pour la protection de l’environnement et du climat et de sortir de l’entre-soi du mouvement écologiste.

    Aller plus loin