Catégorie : Actualités

  • CP / Notre Affaire à Tous lance l’alerte face à une multitude de décrets diminuant le droit de l’environnement et ouvrant la voie aux 66 sites clés en main promis par le gouvernement

    Communiqué de presse – 22 juillet 2020

    Depuis la crise sanitaire, sous couvert d’une relance économique nécessaire et supposément salvatrice, le gouvernement multiplie les actes visant à construire un réel système d’exception au profit des industriels. Loin d’être des actes éparpillés et déconnectés les uns les autres, ces différents décrets et annonces déconstruisent méthodiquement les procédures environnementales visant à garantir la protection du vivant, de la santé publique et les droits de participation et d’information du public. Un tel procédé de dérogation systématique entre en frontale contradiction avec les engagements du gouvernement sur l’objectif zéro artificialisation nette des sols, mais aussi avec la stratégie nationale bas carbone que 66 nouveaux sites industriels viendraient ébranler. 

    Le 3 avril 2020, brandissant la crise sanitaire comme alibi, le courrier du Medef, lobbying au grand jour, avait fait du bruit. Dans ce courrier était réclamé un moratoire sur les mesures en cours d’élaboration qui auraient pour conséquences d’alourdir les procédures administratives dans le but d’offrir une plus grande protection environnementale. Étonnant pour tous, scandalisant pour les plus engagés, aucune suite n’avait été donnée à de telles demandes. 

    Par la suite, un décret daté du 8 avril a généralisé un procédé en cours d’expérimentation (et cela sans consultation du public) visant à permettre au préfet de permettre à certains projets de se passer de procédure environnementale, dès lors que ceux-ci pourraient être considérés d’intérêt général. C’est bien sûr au préfet qu’est laissée l’appréciation de cet intérêt. Rappelons à ce stade qu’il s’agit ici de procédures telles que l’étude d’impact, qui permettent de faire état des enjeux environnementaux à l’emprise du projet. Ces procédures permettent également de poser les mesures visant à éviter, réduire ou compenser les impacts du projet. Au stade de l’expérimentation, un projet éolien en Vendée avait pu se voir exonérer de cette étude. Un tel décret contrevient à la séparation des pouvoirs et laisse aux prises de possibles conflits d’intérêt la protection environnementale assurée par les procédures. 

    Le pouvoir du préfet ne s’arrête pas là car le décret du 3 juillet lui assure la décision dans les procédures dites de “cas par cas” visant à déterminer si un projet doit se soumettre ou non à une étude d’impact environnementale. Le décret précise habillement que le préfet jugera seul s’il se considère ou non en conflit d’intérêt et en capacité de trancher objectivement le cas. 

    Le 17 juillet, la consultation sur les projets de décret et d’arrêté prend fin de manière discrète. Pourtant ces actes apportent une réduction des périmètres de procédure ICPE et de projets soumis à autorisation environnementale, principalement dans le secteur de la logistique. 

    Enfin le 20 juillet, le gouvernement annonce 66 nouveaux sites clé en main. Un site clé en main est donc un site où les procédures ont été effectuées avant la désignation du maître d’ouvrage à l’échelle du site. Le procédé “clé en main” permet donc pour les projets sur le site d’accélérer les procédures et d’obtenir le permis en trois mois. En effet, l’étude d’impact et l’enquête publique sur le site sont donc effectuées bien en amont de la désignation du maître d’ouvrage, les projets sont à ce moment encore très flous, les procédures demeurent donc vagues. Malgré les prescriptions législatives concernant l’étude d’impact, celle-ci est réalisée alors qu’il est bien difficile d’établir quelles seront les conséquences des projets particuliers sur l’environnement, la santé ou le cadre de vie. 

    L’association Notre Affaire à Tous travaille au quotidien avec les normes composant le droit de l’environnement afin de venir en aide aux collectifs en lutte contre les projets imposés et polluants. Il nous semble donc important de dénoncer ce mouvement de fond portant un détricotage systématique du droit de l’environnement. Si les demandes du Medef ont officiellement été ignorées, dans les faits c’est une immense brèche qui s’est ouverte depuis quelques mois dans le droit de l’environnement et cela au profit des industriels. Ces modifications s’imbriquant, elles laissent une marge immense au préfet, lui permettant, dans de nombreux cas, d’avoir la mainmise sur les procédures environnementales, autorisations et études d’impact d’un projet. Dans le cadre d’un des 66 sites, cela pourrait entraîner l’installation d’un site ICPE sans que le maître d’ouvrage n’ait eu ni à effectuer une étude d’impact, ni à demander les autorisations liées et cela dans un délai extrêmement court.

    Il va s’en dire que de tels mécanismes portent atteinte au droit de participation et d’information du public, au principe de précaution et de prévention et entre frontalement en opposition avec les objectifs de zéro artificialisation des sols et de neutralité carbone. 

    Pour Chloé Gerbier de Notre Affaire à Tous : “Le pacte rebond est une dérogation de plus, il est construit en manifeste désaccord avec le droit de participation et d’information du public ainsi qu’avec le principe de précaution”. 

    Contact presse :

    Notre Affaire à Tous – Chloé Gerbier : 06 46 43 55 09

    ANNEXES – Rappels des faits :

    • Le 3 avril dernier, le Medef adressait un courrier demandant au gouvernement un moratoire de 6 mois sur les mesures protectrices de l’environnement en cours d’élaboration.
    • Le 8 avril, un décret donnait pouvoir de dérogation aux préfets notamment en matière environnementale.
    • Le 3 juillet, un décret désignait le préfet comme compétent en matière d’étude au cas par cas.
    • Le 17 juillet, prenait fin la consultation sur des projets de décret et d’arrêté qui d’une part portent modification de certaines rubriques de la nomenclature ICPE diminuant le périmètre de protection et d’autre part diminuent le périmètre de l’évaluation environnementale.
    • Le 20 juillet 2020 le gouvernement annonce 66 nouveaux sites “clé en main”, afin de concrétiser un nébuleux “pack rebond”.

    Rappels des conséquences de la désignation des 66 sites :

    Un site clé en main est un site où les procédures ont été effectuées avant la désignation du maître d’ouvrage, ainsi qu’annoncé fièrement par le gouvernement. Le procédé permet donc d’accélérer les procédures et d’obtenir le permis en trois mois. Mais cet arrangement avec les procédures relève avant tout d’une profonde atteinte aux droits à l’information et à la participation du public et n’est pas aussi protecteur de l’environnement que le gouvernement semble l’affirmer. 

    L’article R122-5 du code de l’environnement alinéa 5° prescrit bien “une description des incidences notables que le projet est susceptible d’avoir sur l’environnement “, cette analyse résultant notamment de la construction du projet, de l’utilisation des ressources en phase de fonctionnement, des émissions de polluants et des risques pour la santé humaine. 

    Les alinéas 8 et 9 du même article imposent aussi la prévision de mesures afin d’éviter, de réduire, et de compenser les impacts du projet sur l’environnement, sans maître d’ouvrage, ce sont donc des mesures auxquelles l’état s’engage tout en sachant pertinemment qu’il n’en sera pas l’exécutant.

    De la même façon, l’enquête publique invite les citoyens au plus proche du projet à se prononcer mais, comme le démontre l’enquête autour du projet du Carnet, les participants n’arrivent pas à se faire une idée claire du ou des projets qui prendront place sur le site. D’autre part le procédé d’aides sous condition sur lequel est basé le pack rebond semble entrer en conflit avec le droit européen en terme d’aide d’état et de concurrence. 

    Enfin, l’acte de droit permettant aux collectivités d’effectuer les procédures en place et lieu des maîtres d’ouvrage et sélectionnant ces sites est inconnu, ceux-ci semblent donc actés comme clé en main au bon vouloir du gouvernement. En janvier dernier le président annonçait d’ores et déjà la concrétisation de 12 de ces sites clé en main. 

    Deux collectifs en lutte ont contacté l’association. Il s’agit du collectif Stop Carnet s’opposant au projet menaçant près de 200 he de zones humides et d’un collectif de particuliers opposés au projet d’usine Clarebout visant une production industrielle de produits surgelés à base de pomme de terre. 

    Le projet Carnet fait déjà l’objet d’une étude d’impact en 2017 alors qu’aucun maître d’ouvrage n‘est encore désigné. D’autre part il fait l’objet d’une dérogation espèces protégées portant sur 116 espèces, les opposants au projet réunis au sein du collectif Stop Carnet n’ont de cesse de rappeler le flou et l’incohérence d’un site industriel construit d’un bloc sur un tel réservoir de biodiversité, l’autorité environnementale elle même questionne la localisation dans son avis concernant le projet. 

    12 sites représentaient déjà 12 territoires de plus de 50 he non artificialisés sacrifiés, nous ne pouvons accepter que 66 soient ajoutés à ce funeste tableau.

  • Propositions juridiques pour une réduction drastique des émissions de l’aérien

    Note d’intention

    De récentes études (1) sur le secteur aérien et sur la trajectoire des émissions du secteur ont mis en lumière le fait que, sans une diminution drastique du trafic aérien, les espoirs d’atteindre la neutralité carbone sont nuls. L’objet des propositions publiées par Notre Affaire à Tous est de donner une consistance juridique à ces revendications visant à réduire les émissions du secteur aérien. 

    Loin d’être exhaustives, les mesures proposées sont volontairement ambitieuses avec pour mot d’ordre « d’être à la hauteur ». Elles s’inscrivent dans une démarche globale. La régulation du secteur ne pouvant être l’apanage de quelques mesures sans être profondément inégalitaires, il est essentiel d’ouvrir le débat juridique autant sur la comptabilisation des émissions réelles du secteur de l’aviation civile que sur la possibilité des aides à la reconversion de celui-ci. Pour cela, la démarche “éviter, réduire, compenser” a été privilégiée. Si elle est lourde à mettre en place, cette démarche apparaît néanmoins réaliste. Il apparaît comme essentiel d’ouvrir le débat juridique autant sur la comptabilisation des émissions réelles du secteur de l’aviation civile que sur la possibilité des aides à la reconversion de celui-ci. 

    Ces propositions sont à destination de toutes celles et ceux qui trouveront bon de s’en saisir et Notre Affaire à Tous se tient à disposition pour les approfondir et les transformer en propositions législatives.

    SE DOTER D’UNE VÉRITABLE STRATÉGIE PERMETTANT DE PLANIFIER LA BAISSE D’ÉMISSIONS DU SECTEUR AÉRIEN

    Afin de pouvoir opérer sur l’aérien de manière législative, il est important de calculer objectivement ce que le secteur représente en émission. Aujourd’hui, la SNBC est trompeuse sur ce point : pour relever le défi de la neutralité carbone, il est essentiel d’y inclure la totalité des émissions induites par le secteur aérien.

    Inclure les vols internationaux au sein de la stratégie nationale bas carbone

    Les vols internationaux sont aujourd’hui en dehors de tous les calculs : par exemple, les émissions d’un Paris – New York ne tombent sous aucune comptabilité carbone nationale. Pourtant, ces émissions sont bien là. Dans une perspective de maîtrise des émissions du secteur aérien, il est donc nécessaire de les inclure dans les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

    La Stratégie Nationale Bas Carbone vise aujourd’hui la neutralité carbone à un horizon 2050. En incluant les vols internationaux à hauteur de la moitié de leurs émissions de GES, la vision d’une neutralité carbone à cet horizon sera nécessairement remise en cause. 

    Dans un premier temps, il est envisageable d’établir un livret indépendant sur une SNBC propre au secteur de l’Aviation, (SNBC-A) afin d’évaluer à quel horizon il semble possible d’arriver à la neutralité de ce secteur. Dans un second temps, il s’agira d’intégrer ce livret au sein d’une seule et même stratégie. 

    En chiffres :

    En respectant la même trajectoire de diminution des émissions des vols internationaux (17,9Mt CO2 en 2018) que la trajectoire pour les budgets carbone de la France, ces émissions devront baisser de 83% d’ici 2050, soit une baisse de 14,7Mt pour atteindre 3,2Mt émises annuellement.

    Eviter de voler

    Il s’agit tout d’abord d’éviter d’émettre des émissions de GES, comme le rappelle la séquence « Eviter Réduire Compenser » (ERC). Bien sûr, l’évitement induit la possibilité d’une solution de substitution, et celle-ci se doit d’être l’objet d’un fort développement en ce qui concerne la problématique aviation. Ainsi, l’interdiction de vols pouvant être évités est une mesure à développer de manière planifiée en commençant par les lignes où des alternatives ferroviaires sont préexistantes.

    1. Interdire l’ouverture de lignes et d’infrastructures nouvelles

    Dans un premier temps, il est essentiel de stopper l’accroissement du trafic aérien. Cette interdiction d’ouverture de nouvelles lignes permettra notamment de freiner le développement des aéroports de taille modeste. 

    Mesures d’accompagnement : 

    Il faudra réinvestir les subventions permettant l’extension actuelle de certains aéroports vers le plan de désenclavement déjà à l’œuvre en France métropolitaine, en permettant notamment de développer les infrastructures ferroviaires (voir LGV Caen-Paris).

    Concrétisation juridique :

    Une telle interdiction représente bien sûr une atteinte à la liberté de commerce. Néanmoins, comme le Conseil Constitutionnel l’a récemment rappelé, l’intérêt environnemental et de préservation du vivant peut primer sur cette première (2). Dans un contexte où l’augmentation des émissions du secteur est telle qu’elle représente une menace au droit à un environnement sain ainsi qu’aux principes protégés par la charte de l’environnement, il apparaît possible d’adopter une telle mesure.

    La Loi Organique relative aux Lois des Finances (LOLF) en vigueur au moment de l’adoption devra être modifiée afin que les subventions dédiées à l’extension des aéroports soient redirigées vers le secteur ferroviaire.

    Point sur les recommandations du Haut Conseil pour le Climat : 

    Le Haut Conseil pour le Climat a recommandé que des objectifs de réduction des émissions de l’aviation civile internationale soient intégrés aux stratégies nationales (3) :

    « Ces objectifs ne couvrent pas toute la responsabilité de la France compte-tenu de l’importance de ses importations, qui s’ajoutent aux émissions nationales pour former l’empreinte carbone de la France. Les objectifs concernant les transports internationaux, aériens et maritimes, devraient être intégrés et élevés au même niveau que les objectifs nationaux »

    2. Préparer un plan de fermeture des lignes internes (prioritairement les liaisons radiales)

    Il est essentiel que la baisse de trafic, ainsi que le développement des solutions de report, soient planifiés. En effet, empêcher l’ouverture de nouvelles lignes permettra d’endiguer l’augmentation des émissions, mais il faudra aller plus loin afin de les réduire durablement. Ainsi, il faut construire à un horizon 2030, un territoire national qui puisse se passer de liaisons aériennes. 

    Dans un second temps, il s’agira d’arriver à un trafic qui serait essentiellement composé de liaisons entre capitales. En effet, une liaison Paris – Milan ou Paris – Turin n’est pas indispensable lorsqu’un Paris – Rome existe et qu’une liaison ferroviaire permet de rejoindre ces villes depuis la capitale. A l’horizon 2040, il faut penser cette modalité sur plusieurs territoires afin qu’en Europe il ne subsiste que quelques hubs aériens et que soit construit un maillage ferroviaire conséquent. Les subventions massives perçues par les moyens et petits aéroports régionaux (aujourd’hui largement déficitaires sans ces aides) devront être fléchées et un pourcentage croissant devra être alloué à la reconversion des personnels.

    Concrétisation juridique :

    Une baisse progressive du nombre de trajets internes semble profondément porter atteinte à des droits acquis. C’est pour cela qu’il est important que cette fermeture de lignes soit planifiée et intégrée à une stratégie globale telle que la SNBC portant sur le secteur de l’Aviation. Dès lors, les mesures et planifications telles que les fermetures de lignes entrant dans l’objectif de neutralité carbone du secteur fixé législativement seraient légales car prises en application de la SNBC.

    En chiffres : 

    La mise en place d’une telle mesure représenterait une baisse de 2,3 MtCO2 dont 1,12Mt pour les liaisons radiales. On estime en effet au regard des données de la DGAC que le trafic intérieur représente un total de 2,3Mt CO2/an et que les liaisons radiales représentent près de la moitié de ce chiffre, soit 1,12Mt CO2/an.

    3. Supprimer les lignes où le gain de temps sur le trajet avion est inférieur à 4H

    Le calcul du gain de temps s’opère ainsi : Tvoyage en train + 30 minutes – Tvoyage en avion + 2h = Tgagné (les ajouts de 30 minutes et 2h représentant les temps d’anticipation). Cette base de calcul semble d’ores-et-déjà peu sévère au vu du fait que les aéroports sont, dans la majorité des cas, bien plus éloignés que les gares des domiciles ou destinations des voyageurs. 

    Des subventions aux voyageurs professionnels fréquents sur ces lignes (où l’Etat s’engagerait par exemple à rembourser 50% de l’écart de tarif entre les anciens trajets en avion et les trajets en train) permettraient de faciliter l’acceptation de cette mesure. Cette mesure étant transitoire, le taux de remboursement sera revu à la baisse chaque année, d’autant que les mesures suivantes visent à diminuer le prix des billets de trains. A côté de cela, un large plan de subventions doit donc accompagner le développement ferroviaire sur lequel se reporteront une grande partie des voyages. Ce plan visera à baisser les tarifs mais aussi à permettre la circulation de trains plus nombreux ainsi que le développement des Lignes à Grande Vitesse (LGV) prioritairement sur les tronçons correspondant aujourd’hui à des liaisons radiales.

    Concrétisation juridique :

    Une proposition de loi semblable a déjà été portée devant l’Assemblée Nationale (4). 

    Il semble important de reprendre une logique similaire consistant à réaliser une liste exhaustive des vols devant être supprimés. Cette mesure peut donc faire l’objet d’une proposition législative visant à réformer le secteur de l’aérien ou être intégrée directement à la Stratégie Nationale Bas Carbone – Aviation et ses décrets d’application.

    En chiffres : 

    Cette mesure reviendrait à fermer la quasi-totalité des lignes domestiques ainsi que les lignes vers les destinations frontalières (Genève, Bruxelles, Luxembourg, etc.) soit entre 3 et 4 Mt/an.

    4. Accompagner la reconversion du secteur aérien

    Une aide à la reconversion du secteur de l’aviation et notamment des personnels des aéroports régionaux dont les liaisons radiales auront été supprimées devra être mise en place.

    Cette aide ne serait pas un ajout, mais reviendrait à consacrer 25 % des subventions versées par l’Etat aux aéroports régionaux à la reconversion de leurs employés. Les syndicats devront être pleinement associés à l’élaboration des mesures mises en place dans le cadre de la reconversion. De manière générale, au vu des nombreux secteurs qu’il s’agira de transformer pour opérer la transition écologique, il semble pertinent qu’un organisme soit créé dont la mission serait de former les employés à de nouveaux métiers (si nécessaire) et de leur trouver prioritairement des emplois compatibles avec les enjeux de transition.

    Concrétisation juridique :

    Il sera nécessaire d’opérer une modification de la loi des finances en vigueur au moment de l’adoption des mesures, afin que celle-ci redirige une partie des subventions au secteur aérien vers la reconversion et qu’une aide supplémentaire soit attribuée au développement ferroviaire.

    En chiffres :

    Les aides publiques au transport aérien en France métropolitaine sont chiffrées à 505 millions d’euros par an, d’après l’évaluation présentée le vendredi 11 janvier 2019 par la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) (5). Au sein de ces 505 millions, 355 relèvent de l’exonération sur la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) dont bénéficient les vols intérieurs. D’autre part, les aéroports bénéficient aussi d’aides de l’Etat et des collectivités s’élevant à 170 millions. Parmi ceux ci, 95 millions sont versés afin de compenser les pertes des aéroports les plus modestes. La Fnaut conclut qu’il serait plus stratégique de fermer nombre d’entre eux.

    Réduire les vols

    Aujourd’hui, 28% du trafic est induit par les déplacements professionnels, qui sont aussi un rouage majeur dans le système de fidélité des miles (6). Après la crise du COVID-19, il apparaît que le travail à distance est une solution viable et que parcourir le monde pour des motifs professionnels n’est pas toujours pertinent.

    1. Instaurer un quota km par employé pour toutes les entreprises françaises

    Ce quota sera fixé sur la base des voyages effectués par l’entreprise sur l’année précédente et ensuite actualisé sur le nombre d’employés qui travaillent aujourd’hui dans l’entreprise. Une fois ce quota établi, l’entreprise devra s’engager à faire baisser le nombre de kilomètres parcourus en avion par employé de 75% d’ici 2040. 

    Mesures d’accompagnement : 

    Le report modal devra être favorisé, dès qu’il est possible, par une aide permettant l’allégement du coût des abonnements “pro” ou “grand voyageur”. Les entreprises verront donc une partie de ces abonnements subventionnés en fonction du nombre d’abonnements contractés après l’entrée en vigueur de la mesure. Cette subvention serait opérée sous forme “d’offre” par l’opérateur ferroviaire proposant l’abonnement. D’autre part, on peut imaginer la subvention de formations à l’utilisation des outils numériques au travail, afin de permettre aux entreprises de former leurs employés à l’utilisation des moyens de communication visioconférence ou autres outils collaboratifs à distance.

    Concrétisation juridique :

    L’objectif des 75% à l’horizon 2040 devra figurer au sein de la Stratégie Nationale Bas Carbone – Aviation sous forme de décret ou d’une législation visant à réformer le secteur de l’aviation. Ainsi, l’objectif pourra être modifié en fonction de l’objectif global que se fixe la stratégie.

    Cet objectif fera l’objet d’une planification s’inscrivant au sein du plan de vigilance de l’entreprise. Ainsi la loi sur le devoir de vigilance se verra modifiée. A l’article L225-102-4-I du code du commerce, définissant le contenu du plan de vigilance, un alinéa sera ajouté, faisant figurer la planification en terme de baisse de km/employé afin d’atteindre les objectifs fixés par la loi. S’agissant de la concrétisation des mesures d’accompagnement, il s’agira une fois encore d’une modification des subventions. Celles-ci seront redirigées vers l’opérateur ferroviaire proposant les abonnements les plus avantageux, permettant à cet opérateur de subventionner auprès des entreprises un pourcentage des abonnements.

    En chiffres :

    Une telle mesure reviendrait à obtenir l’économie de 5 MtCo2/an en comprenant les mesures similaires pour les fonctionnaires vues précédemment. Ces chiffres s’obtiennent en réduisant de 75% la part des émissions imputables aux déplacements professionnels.

    Détail du calcul : Les voyages professionnels représentent 28% du trafic (28% de 22,7Mt CO2 = 6,36). Réduire ces voyages de 75% revient à réduire de 4,77Mt CO2 (0,75*6,36) et les réduire de 90% permetrait de diminuer de 5,72Mt CO2 (0,9*6,36). AInsi, les émissions annuelles évitées par cette mesure se situeraient entre 4,77 et 5,72 Mt CO2 / an selon les données de la DGAC pour l’année 2018. 

    2. Supprimer les mécanismes de promotion de l’avion

    Afin d’envisager une baisse du trafic, il est nécessaire d’éviter toute mesure pouvant être une incitation, comme les miles et la publicité visant à promouvoir des voyages à moindre coût.

    De tels mécanismes sont usuels. On les retrouve notamment sur des produits présentant un risque pour la santé comme l’alcool fort. 

    Mesures d’accompagnement : 

    Les miles acquis au moment de l’adoption de la législation par les voyageurs seront perdus.

    Concrétisation juridique :

    Si l’on peut penser de prime abord qu’il serait difficile de proscrire un mécanisme commercial à la main des entreprises privées, certains produits se voient pourtant prohibés à la publicité ou aux programmes de fidélité tels que l’alcool ou le tabac, sous des motifs de santé et sécurité publique. Dès lors, au vu de la menace que le secteur de l’aviation fait peser sur le vivant, il doit pouvoir entrer dans cette catégorie et se voir à son tour prohiber ces moyens d’incitation. 

    Une telle proposition pourra faire l’objet d’une codification au sein du code de la Santé Publique (voir article L3323-2 sur la publicité portant sur les boissons alcoolisées), ou directement au sein du code de l’aviation ou de l’environnement. De plus, les mesures actuelles poussées dans le cadre de l’adoption de la loi sur l’audiovisuel devraient être l’occasion de poser l’amorce de cette mesure.

    Comme le rapportait en février 2020 le site web du média « La Tribune » (7)

    L’autorité britannique de régulation de la publicité (ASA) a annoncé, mercredi 5 février, avoir interdit des publicités diffusées par Ryanair en septembre 2019 dans la presse écrite, à la radio et à la télévision. Le régulateur a jugé que le transporteur à bas coût a induit en erreur les consommateurs en se présentant comme la compagnie ayant les plus faibles émissions de CO2 en Europe parmi les grandes compagnies aériennes. Or l’ASA a estimé qu’il était difficile de définir ce qu’est une « grande compagnie aérienne » et que les consommateurs pourraient avoir l’impression de moins contribuer aux émissions carbone, ce qui ne peut pas être prouvé”. 

    COMPENSER DE MANIÈRE HOMOGÈNE ET CONCERTÉE

    Pour les vols qui restent nécessaires, il est essentiel (comme certaines compagnies s’y sont engagées), de compenser leurs émissions. En effet, la séquestration carbone est un phénomène complexe et les ressources forestières (ainsi que les territoires pouvant être convertis en réserves forestières) ne sont pas infinies, ainsi il apparaît évident que l’Etat établisse une stratégie globale concernant la compensation.

    1. Établir à l’échelle nationale les principes de la compensation

    Le calcul de la compensation se fera sur une logique de « SCOPE 2 », prenant donc en compte les émissions en amont du vol qui sont dues à l’acheminement, la maintenance de l’engin de vol ainsi que les émissions indirectes liées à la production d’énergie (kérosène notamment) utilisée par les avions. Au sujet de la compensation des vols, il s’agira de l’intégralité des vols internes ainsi que de la moitié des vols internationaux atterrissant ou décollant sur le territoire. Les modalités de calcul seront posées par décret. La compensation sera donc établie selon les mêmes modalités pour toutes les compagnies opérant sur le territoire national. 

    Mesures d’accompagnement : 

    La compensation doit nécessairement être mise en œuvre. Néanmoins ses modes de calculs et nos capacités à la rendre opérationnelle peuvent être longs à mettre en place. Ainsi, la compensation fait entièrement partie de la SNBC-A dans le sens où elle est un levier pour diminuer les émissions du secteur même si des mesures transitoires consistant à compenser dans un premier temps de manière privée pourraient être envisagées.

    Concrétisation juridique :

    Le système de compensation doit être établi de manière indépendante. Un comité devra en être responsable. Les modalités de calcul une fois pensées par le comité devront être posées par décret en application de la Stratégie Nationale Bas Carbone – Aviation ou d’une loi plus spécifique relative à l’impératif de compensation. Le calcul des émissions sera effectué selon le mode opératoire de l’étude d’impact (article L122-1 du code de l’environnement), les aéroports en seront les opérateurs à l’échelle de leur infrastructure, compilant ainsi les émissions de chaque compagnie opérant en leur sein. 

    L’autorité environnementale émettra ensuite un avis sur chacun des dossiers, qui pourra être assorti de demandes de précisions aux opérateurs ou directement aux compagnies. Chaque dossier sera ensuite remis au comité chargé de la compensation aérienne.

    Constat : 

    Libération publiait sur son site un article « la compensation, fausse solution » (8) : « Aujourd’hui, ce sont même les compagnies aériennes – qui ne paient aucune taxe sur le kérosène qu’elles consomment, rappelons-le – qui sollicitent directement les voyageurs afin de compenser. Voilà pour la théorie. Concrètement, une expérience simplissime permet d’observer que les calculs diffèrent selon les sites que l’on choisit. »

    La compensation ne doit en aucun cas être la première solution vers laquelle se tourner. Le suivi de la séquence ERC est essentiel. Néanmoins, dans ce cas extrême, la compensation ne peut être laissée aux mains des entreprises privées.

    2. Opérer la compensation à la manière d’un service public

    Afin d’assurer la transparence et le suivi de la compensation, un comité institué par l’Etat sera chargé de collecter la participation des compagnies aériennes à la compensation de leurs émissions. 

    Ce comité sera alors chargé de planifier cette compensation, de la contrôler et de s’assurer de son efficacité. Ce fond collectera les montants de la compensation auprès des compagnies aériennes qui seront ensuite investis dans la compensation des émissions du secteur aérien. 

    La stratégie de compensation de la France sera co-rédigée par le Haut Conseil pour le Climat (HCC) et le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD), puis adoptée sous forme législative. Les membres ayant participé à cette rédaction formeront ensemble le comité de suivi de la compensation. 

    Mesures d’accompagnement : 

    La stratégie de compensation étant une composante forte de la Stratégie Nationale Bas Carbone – Aviation celle-ci doit y être intégrée. De nombreux décrets d’application seront à prévoir et il s’agira de rendre la stratégie la plus concrète possible en définissant les pourcentages de fonds allant par exemple à la foresterie, aux projets innovants permettant une économie carbone ou encore aux subventions de modes de transports alternatifs. Le comité devra garantir la transparence sur l’utilisation du fond et sera épaulé par le CESE dans cette tâche.

    Concrétisation juridique :

    L’utilisation du fond de compensation par le comité fera l’objet d’une adoption législative comme un volet particulier de la Loi Organique relative aux Lois de Finances. Néanmoins, il est à préciser que l’établissement de ce volet demeurera la compétence du comité, les amendements ne pourront ainsi s’y faire que dans l’esprit de la compensation.

    Constat :

    La présidente d’Air France déclarait en janvier 2019 : « Nous allons financer des projets de plantation d’arbres, de protection de forêts, de transition énergétique ou encore de sauvegarde de la biodiversité ».

    Avons-nous envie de laisser aux compagnies le choix des projets de compensation ? Derrière ces « organismes certifiés » c’est bien un nouveau chantier du greenwashing qui s’est ouvert.

    3. Créer un comité de conseil et de suivi de la compensation

    Le travail d’établissement du mode de calcul, de planification et de suivi du mécanisme de compensation doit être établi par un comité indépendant.

    Un tel comité sera composé de membres du Haut Conseil pour le Climat (HCC), du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD) ainsi que des experts indépendants et des représentants des services RSE des opérateurs aéroportuaires (qui resteront une part non conséquente du comité). 

    Le comité sera aussi chargé de rendre des rapports afin que la compensation et son suivi se fassent de manière transparente. Le comité participe à l’élaboration de la Stratégie Nationale Bas Carbone – Aviation.  Il pourra de la même façon rendre des avis sur la mise en œuvre de la stratégie. 

    Mesures d’accompagnement : 

    Un tel comité sera pilote de la stratégie compensation ainsi que pour une grande part responsable de la Stratégie Nationale Bas Carbone – Aviation. Dès lors, son établissement et ses fonctions doivent être posés clairement avant que le comité ne soit opérationnel. Ainsi, dans un premier temps, le Comité pourra se composer de membres du HCC et du CGEDD qui élaborent les méthodes de calcul unifiées de la compensation avant de se saisir pleinement de leurs prérogatives.

    Concrétisation juridique :

    • L’instance du comité de suivi de la compensation verra sa création et son mode de fonctionnement codifiés au sein du code des transports.
    • Il sera pleinement intégré à l’élaboration de la Stratégie Nationale Bas Carbone – Aviation. 
    • Les prérogatives et compétences de l’instance seront à détailler par règlement.

    Constat :

    Dans l’ouvrage « La compensation carbone : illusion ou solution » (10), Augustin Fragnière note à ce sujet que « Déléguer la résolution des problèmes est devenu pour les pays développés un réflexe conditionné, en même temps qu’une forme de déni de la réalité ».

    Dès lors, un tel système « légitime un transfert de responsabilité des plus riches vers les plus pauvres ». Il est essentiel de considérer la compensation comme la dernière solution (voir l’étude du cabinet B&L Évolution).

    AGIR À L’ÉCHELLE EUROPÉENNE

    Cette autorité à l’échelle européenne permettra une vue d’ensemble sur le secteur aérien européen. En termes de baisse d’émissions, il est essentiel d’adopter le spectre géographique le plus large dans une volonté de cohérence.

    1. Créer une autorité de transparence sur l’aviation

    Il est essentiel qu’une instance européenne soit d’ores-et-déjà établie pour rendre compte des émissions à ces échelles et coordonner les efforts vers une neutralité carbone européenne prenant le secteur de l’aviation en compte.

    Cette autorité à l’échelle européenne permettra une vue d’ensemble sur le secteur aérien européen. L’autorité sera donc en charge d’évaluer les moyens de compensation mis en place par chaque pays mais aussi la nécessaire baisse du trafic à venir et les capacités de compensation du trafic restant. 

    Mesures d’accompagnement : 

    La mise en place de cette autorité ne devrait pas poser en elle-même de problème. Elle établira des guides de reporting et effectuera les recherches nécessaires afin d’obtenir les données des pays membres.

    Concrétisation juridique : 

    Une telle autorité devra être composée d’experts ainsi que de membres des commissions chargées de la compensation au sein des Etats membres et des membres de la future instance européenne pour le climat (voir Climate Law en gestation). Elle aura le pouvoir de saisir les États afin d’obtenir les documents nécessaires à sa tâche. Une telle institution répond aux principes d’information en matière environnementale et de transparence véhiculés par la convention d’Aarhus. L’autorité sera compétente pour évaluer la mise en place du système CORSIA au sein de l’Europe.

    Constat 

    A l’échelle des Nations Unis, le système Corsia prochainement en place a pour but de réguler les émissions du secteur de l’aérien. Néanmoins, des débats ont eu lieu au sein de l’Europe quant à l’année de référence pour comptabiliser les émissions, notamment en relation avec la baisse de transports liée à la crise sanitaire. Certains eurodéputés ont pu exprimer leurs inquiétudes face à la Commission Européenne qui se range à ce sujet à l’avis des compagnies. Il est essentiel que ces décisions stratégiques pour l’environnement soient chiffrées en termes d’émissions sur le territoire et soient prises de manière transparente.

    2. Faire du train de nuit un service public européen

    Face à la baisse du trafic aérien qui est nécessaire, le report modal est essentiel. L’Europe est un territoire avec un maillage ferroviaire fort et fait de la circulation entre les Etats membres un élément essentiel de sa construction. 

    Dès lors, les déplacements entre les Etats membres doivent être maintenus. Les trains de nuit doivent être sortis de la concurrence afin d’assurer un service public de déplacement sur les trains de nuit parcourant l’Europe. 

    Mesures d’accompagnement : 

    Il s’agira de revaloriser un secteur aujourd’hui à l’abandon. De nombreuses associations œuvrent d’ores-et-déjà à la valorisation du train de nuit et seront associées et consultées afin de réaliser un plan de relance du secteur.

    Concrétisation juridique : 

    La Climate Law européenne est apte à porter cette nécessité du report modal. Néanmoins, si ce n’était pas le cas, il paraît essentiel de faire adopter à l’échelle européenne un plan de refonte des transports européens.

    En chiffres

    Avec une alternative en train possible pour la majorité des destinations européennes (hors destinations enclavées ou insulaires), on arrive avec un taux de report modal de 50% et ainsi à 2,3Mt CO2 évitées tous les ans.

    3. Instaurer une taxe kilomètre subventionnant le report modal

    Si une telle taxation a été envisagée afin de peser sur le kérosène, il semble plus efficace de l’imposer au kilomètre.

    Cette taxe sera européenne et pèsera directement sur les compagnies effectuant des vols au sein du territoire européen. Les fonds constitués par le prélèvement de cette taxe subventionneront directement le service public européen des trains de nuit. 

    Mesures d’accompagnement : 

    Cette taxe sera définie par tranches kilométriques afin d’éviter de favoriser les vols de courtes distances. 

    Une taxe par mouvement pourra être envisagée dans cette même optique, voire en rehaussant simplement les tarifs aéroportuaires des atterrissages et décollages. Le montant de la taxe kilométrique sera en premier lieu d’un montant considéré comme « bas » et sera majoré dans le temps afin d’accompagner les mesures de réduction du trafic aérien et de rapporter suffisamment afin de permettre le report modal.

    Concrétisation juridique : 

    La mise en place de cette taxe européenne peut se faire via la Climate Law et son montant sera alors fixé par le « Conseil Européen pour le Climat » qu’elle instaure (“Panel” voir Climate Law), mais peut aussi faire l’objet d’un règlement indépendant. 

    Le fond pour le service public européen des trains de nuit verra ses objectifs de développement fixés au sein de chaque pays en application d’une directive visant à repenser la mobilité européenne.

    Constat :

    Un rapport sur le maillage aéroportuaire français rappelle  que (11) : « La taxation des externalités du trafic aérien serait de nature à avoir des impacts importants sur l’activité des aéroports. L’initiative de la Norvège d’introduire en 2016 une taxe environnementale (80 couronnes soit 8,6 €) s’est traduite par la suppression d’une quinzaine de liaisons par la société Ryanair et la fermeture de l’aéroport de Moss-Rygge en novembre 2016 qui accueillait sa base norvégienne (4 Boeing 737- 800). »

    En France, le carburant utilisé pour les vols intérieurs est totalement exonéré de taxe sur la consommation énergétique, au même titre que le carburant utilisé pour les vols internationaux. Le transport aérien bénéficie de surcroît, comme  transport de voyageurs, d’une TVA à taux réduit de 10 %. Instaurer une taxe kilométrique, ou sur le nombre de mouvements, permettrait indirectement de taxer le kérosène consommé par les avions qu’ils soient domestiques ou internationaux.

    Notes de bas de page :

    1. Propositions du Shift : “Crise(s), climat : préparer l’avenir de l’aviation”, Etude B&L évolution “Peut on (encore) prendre l’avion ?” 
    2. Décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel admet pour la première fois que la protection de l’environnement constitue un objectif de valeur constitutionnelle qui permet au législateur de motiver une restriction à la liberté d’entreprendre
    3. Haut Conseil pour le Climat, Rapport annuel 2020 “Redresser le cap, relancer la transition”, https://www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-annuel-2020/
    4. Proposition de loi nº 2005 visant à remplacer les vols intérieurs par le train http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b2005_proposition-loi
    5. Les aides publiques au transport aérien Aéroports et compagnies aériennes, Jacques Pavaux, FNAUT, 11 janvier 2019, https://www.fnaut.fr/actualite/communiques-de-presse/712-les-aides-publiques-au-transport-aerien
    6. Enquête nationale des passagers aériens (ENPA), 2015-2016, https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/enquete-nationale-des-passagers-aeriens-enpa
    7. Au Royaume-Uni, Ryanair accusé de « greenwashing » pour des publicités mensongères sur l’environnement, https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/au-royaume-uni-ryanair-rattrape-par-des-publicites-mensongeres-sur-l-environnement-838804.html
    8. Compenser ses voyages en avion, une fausse solution ? https://www.liberation.fr/planete/2018/10/20/compenser-ses-voyages-en-avion-une-fausse-solution_1684614
    9. Pollution : Air France va «compenser 100% des émissions de CO2» de ses vols intérieurs, https://www.leparisien.fr/economie/pollution-air-france-va-compenser-100-des-emissions-de-co2-de-ses-vols-interieurs-30-09-2019-8163513.php
    10. Aurélien Bernier, « Augustin Fragnière, 2009, La compensation carbone : illusion ou solution ?, PUF, 208 p. », Développement durable et territoires [En ligne], Lectures (2002-2010), Publication de 2009, mis en ligne le 20 janvier 2010, consulté le 21 juillet 2020. URL : http://journals.openedition.org/developpementdurable/8260
    11. Rapport sur le maillage aéroportuaire français, Philippe Caradec, 8 février 2017, https://www.vie-publique.fr/rapport/37729-rapport-sur-le-maillage-aeroportuaire-francais
  • CP / Notre Affaire à Tous publie 12 propositions juridiques pour un secteur aérien plus vert

    Communiqué de presse – 21 juillet 2020

    Suite aux études concernant le secteur aérien publiées par le Shift Projet ainsi que par le cabinet B&L évolution, une affirmation peut désormais être posée de manière indiscutable : pour espérer atteindre la neutralité carbone, le secteur aérien doit nécessairement décroitre ses émissions. De plus, ces études confirment que l’espoir d’un avion vert est illusoire : il est donc nécessaire d’agir dès à présent. Afin de donner de la consistance à ces avertissements, l’association Notre Affaire à Tous s’est penchée sur les grands leviers cernés par les expertises afin de leur donner un corps juridique.
     
    Ce travail juridique réalisé par Notre Affaire à Tous, concrétise 12 propositions juridiques, utilisant la démarche “éviter, réduire, compenser”. Si elle est lourde à mettre en place, elle apparaît néanmoins réaliste.

    Il s’agira donc dans un premier temps de comptabiliser les émissions de l’aviation civile, qui, rappelons le, ne sont aujourd’hui pas incluses au sein de la SNBC, l’objectif de neutralité y est donc illusoire. Dans un second temps les propositions se tourne vers les leviers juridiques permettant d’éviter, de réduire ainsi que de compenser les actuelles émissions du secteur. La compensation y est décrite comme un levier de dernier recours et complètement repensée comme un service public nécessitant une régulation extérieure aux acteurs privés. Enfin, l’échelle européenne est envisagée afin d’inscrire les efforts nationaux au centre d’une stratégie plus globale.

    Loin d’être exhaustives ou aisées à mettre en place, les mesures proposées sont volontairement ambitieuses avec pour mot d’ordre « d’être à la hauteur ». Elles ont pour but de repenser globalement l’approche au secteur aérien afin d’éviter l’adoption de mesures solitaires dont les conséquences sont souvent profondément inégalitaires.

    Pour Chloé Gerbier, juriste de Notre Affaire à Tous : “En proposant un corps juridique à la baisse des émissions du secteur de l’aviation civile, nous ne prétendons pas poser le seul chemin envisageable vers une réduction des émissions du secteur mais nous désirons prouver que ce chemin est à notre portée »

    Contact presse :

    Chloé Gerbier : 06 46 43 55 09 – gerbierchloe@gmail.com

  • Décryptage sur l’écocide et la réforme de la Constitution portées par la Convention Citoyenne pour le Climat

    Article co-écrit par Paul MOUGEOLLE et Marine YZQUIERDO, membres de Notre Affaire à Tous, avec la collaboration de Marie TOUSSAINT et Valérie CABANES, co-fondatrices de l’association.

    La Convention Citoyenne pour le Climat est un exemple de démocratie participative inédit et certaines des mesures proposées ouvrent la voie vers une révolution juridique. Certaines de ces propositions telles que la reconnaissance du crime d’écocide et la modification de l’article 1er de la Constitution font pourtant l’objet de vives critiques. La proposition de soumettre ces deux mesures à référendum engendre également une levée de boucliers.

    Notre Affaire à Tous (NAAT), qui est à l’origine de ces deux propositions (aux côtés de Wild Legal pour l’écocide, et de la FNH au départ puis de Climates, le REFEDD et WARN en ce qui concerne la modification de l’article 1er de la Constitution), souhaite répondre à ces différentes critiques. Si elles ont au moins le mérite de nourrir le débat et de mettre en lumière des mesures emblématiques, ces critiques demeurent néanmoins contestables juridiquement, parfois contre-productives et quelquefois davantage liées à un enjeu politique que juridique. 

    Notre Affaire à Tous souhaite rappeler que l’objectif de ces propositions vise simplement à renforcer la protection de l’environnement, de la nature et du vivant, au-delà de tout débat idéologique.

    Si la France agit et adopte une législation efficace en matière d’écocide, un précédent important et absolument pionnier sera posé en matière de protection de la nature. A l’image de l’abolition de l’esclavage, il est temps de prendre nos responsabilités et d’intégrer nos nouvelles valeurs fondamentales communes dans notre droit pénal. L’expérience de la Convention Citoyenne pour le Climat l’a démontré : les citoyens français sont prêts à voter en faveur de l’incrimination de l’écocide afin de mettre hors la loi les comportements destructeurs de notre environnement. Montrons l’exemple à l’échelle de la France afin que l’humanité toute entière nous suive et protège la Terre et ses limites planétaires!

    A la suite des échanges intervenus le 29 juin entre les 150 citoyen.ne.s et le président de la République, ce dernier s’est dit prêt à intégrer l’écocide dans le droit français en revoyant toutefois la rédaction actuelle, et s’est montré favorable à une modification de l’article 1er de la Constitution, rejetant cependant la révision du préambule. Notre Affaire à Tous se réjouit de tels propos et considère également que “le temps est venu de faire, d’agir”, à condition de conserver l’esprit initial des textes lors du travail de réécriture. Voici donc nos réponses aux principales critiques (liste non exhaustive).

    1. SUR LA RECONNAISSANCE DU CRIME D’ÉCOCIDE

    Pour rappel, la Convention Citoyenne pour le Climat propose de :

    • reconnaître et définir le crime d’écocide comme “toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées”;
    • reconnaître et définir le délit d’imprudence caractérisé d’écocide comme suit: “Constitue un délit d’imprudence caractérisé d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou un règlement ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires”;
    • obliger les multinationales à publier un plan de vigilance en prenant en compte la problématique des limites planétaires à des fins de prévention: Ainsi, “l’absence de mesures adéquates et raisonnables relatives à l’identification et la prévention de la destruction grave d’un écosystème ou du dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires” constituerait une violation de la loi sur le devoir de vigilance ainsi qu’un délit d’imprudence d’écocide si celui-ci était caractérisé;
    • créer une Haute autorité des limites planétaires afin de promouvoir et  garantir la mise en œuvre de cette législation.

    Les principales critiques entendues

    “L’intention de nuire est difficile à établir.”

    Notre Affaire à Tous : La proposition de loi sur l’écocide ne prévoit pas la nécessité de prouver l’intention de nuire mais seulement la “connaissance” des conséquences des actes incriminés. C’est bien là toute la spécificité de notre définition du crime d’écocide, qui est d’avoir choisi le principe de la connaissance d’une haute probabilité d’atteinte à la sûreté à la planète, plutôt que celui de l’intention. En effet, le changement climatique et l’érosion de la biodiversité conduisent la planète vers un état auquel nul n’est préparé : il met en danger nombre d’écosystèmes, la survie de nombreuses espèces animales et végétales et les conditions de vie de l’humanité. L’objectif du crime d’écocide doit être de répondre à la crise écologique et climatique en cours en permettant de poser un cadre normatif de ce qui est tolérable pour préserver un écosystème terrestre habitable pour le plus grand nombre. 

    Nous sommes conscients des importants débats de fond que cela soulève au regard du principe fondamental de notre code pénal selon lequel “ll n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.” Cela reviendrait à reconnaître un crime (le crime d’écocide) de nature non intentionnelle, comme cela était le cas avant 1994. 

    Notre Affaire à Tous est donc disposée à affiner la définition du crime d’écocide pour caractériser les dommages écologiques graves causés de manière intentionnelle et constituant un crime, sans pour autant devoir reconnaître une intention de nuire, si et seulement si le délit d’imprudence d’écocide est maintenu dans le dispositif et que l’esprit initial du texte est préservé. Ce délit d’imprudence permettra effectivement de garantir l’efficacité de l’incrimination ainsi que sa fonction dissuasive (voir notre deuxième réponse ci-dessous). 

    Ensuite, intégrer le concept des limites planétaires au dispositif relatif au devoir de vigilance des multinationales permettra de renforcer considérablement la fonction préventive de la protection extra-territoriale de l’environnement (voir notre troisième réponse ci-dessous).  

    “Il faut prouver l’élément intentionnel alors que beaucoup de dégâts causés à l’environnement sont le résultat d’une négligence.”

    Notre Affaire à Tous : L’élément intentionnel n’a pas besoin d’être démontré dès lors que serait caractérisé le délit d’imprudence, faute non-intentionnelle que les 150 citoyens proposent de reconnaître et de définir pour compléter le dispositif. Caractériser le délit d’imprudence ne nécessiterait donc pas de démontrer une intention de provoquer un écocide ou le franchissement des limites planétaires, mais seulement la prévisibilité du dommage ainsi qu’un manquement à une obligation de prudence préétablie par la loi, telle que l’obligation générale de vigilance environnementale découlant de la Charte de l’environnement (décision n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011 du Conseil constitutionnel).

    “L’écocide ne satisferait pas à l’exigence de précision de la loi pénale. Pour envoyer quelqu’un en prison, il faut une incrimination précise. C’est le principe de légalité et de clarté.”

    Notre Affaire à Tous En premier lieu, il est important de clarifier un certain malentendu à cet égard. Notre proposition initiale, reprise par les 150 citoyens de la Convention, avait défini directement dans la loi les limites planétaires ainsi que les seuils respectifs. Le comité légistique de la Convention Citoyenne a par la suite demandé aux 150 citoyens de synthétiser leur proposition, les obligeant ainsi à enlever les seuils chiffrés relatifs aux limites planétaires. C’est ce même comité légistique qui vient par la suite  critiquer son absence de précision !

    En second lieu, les limites planétaires font l’objet d’une définition scientifique assez précise (voir les travaux de l’équipe internationale de 28 scientifiques dirigée par Johan Röckstrom et Will Stefen, publiés en 2009 et réactualisés en 2015).  Ce concept de limites planétaires est d’ailleurs utilisé à plusieurs reprises au niveaux européen et français. Ainsi, l’Agence Européenne de l’Environnement a publié le 17 avril dernier un rapport sur le respect/irrespect par l’Europe des limites planétaires. Ensuite, le concept de limites planétaires a récemment été utilisé  par le gouvernement français dans son rapport sur l’état de l’environnement en France, publié par le Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) le 24 octobre 2019, qui indique que six des neuf limites planétaires sont déjà dépassées. Dans ce rapport, le concept des limites planétaires a été décliné au territoire de la France. 

    En outre, la notion des limites planétaires figure déjà dans la loi, à l’article L110-1-1 du code de l’environnement (modifié par la Loi n°2020-105 du 10 février 2020 – art. 2) qui dispose que “ La transition vers une économie circulaire vise à atteindre une empreinte écologique neutre dans le cadre du respect des limites planétaires et à dépasser le modèle économique linéaire […]”.

    Avant cela, dans son discours devant la communauté internationale lors de la COP23 de Bonn en 2017, le président de la République a lui-même évoqué le franchissement du “seuil de l’irréversible” et le risque que les équilibres de la planète ne se rompent. Cet effet de seuils doit être inscrit dans le droit afin de permettre aux institutions de notre État de cadrer les activités qui menacent ces équilibres planétaires.

    Il convient à présent d’investir dans la mise en oeuvre d’outils permettant de surveiller l’évolution des limites planétaires et de les  adapter à l’action des entreprises, dans la continuité de l’initiative prise par l’Oréal, qui souhaite “transformer [son] activité et l’inscrire dans les limites planétaires.”

    En troisième lieu, le reproche de l’imprécision est à relativiser au regard des autres incriminations  déjà reconnues par le droit pénal français, peu précises dans leur formulation également. Ainsi en va-t-il par exemple du crime contre l’humanité, inscrit à l’article 212-1 du code pénal, qui dispose au 11° que “Les autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique.” De même, le code de l’environnement réprime le déversement de “substances quelconques” dans l’eau.

    Le droit de l’environnement a d’ailleurs ceci de particulier qu’il permet une pollution dans une certaine mesure : tel pourcentage de particules fines dans l’air, de dioxyde de soufre dans l’eau, de monoxyde de carbone dans les bâtiments, etc. Sont ainsi établies des “valeurs limites” à ne pas dépasser. Les limites planétaires sont parfaitement en ligne avec cet esprit, sauf qu’elles sont établies à l’échelle globale. Ces valeurs posent alors certaines questions juridiques liées à la causalité : à partir de quand la contribution d’un certain acteur devient est-elle illégale ? Nous avons choisi de caractériser l’illégalité de la contribution lorsqu’elle participe manifestement et de manière non négligeable aux limites planétaires (voir aussi la réponse question ci-dessous sur le fait de pouvoir poursuivre des individus pour écocide). 

    Si le caractère global des limites planétaires constituait un obstacle rédhibitoire aux yeux de certains juristes, Notre Affaire à Tous se dit prête à revoir la définition du dispositif pénal de l’écocide afin d’en dissocier le concept des limites planétaires. Notre Affaire à Tous considère toutefois que le concept des limites planétaires a tout intérêt à être intégré dans le droit, afin de renforcer sa fonction préventive et globale. 

    L’inscription dans la loi de l’écocide et des limites planétaires et la création d’une Haute Autorité permettrait d’investir dans ces instruments scientifiques, de créer et mobiliser les données disponibles, enfin de promouvoir le respect des limites planétaires comme outil de gouvernance au niveau global.

    “Pourquoi défendre la création d’une Haute autorité des limites planétaires alors que les agences de l’environnement crient déjà famine ?”

    Notre Affaire à Tous : De telles critiques, qui rejoignent celles faites sur la faiblesse de l’application de la législation environnementale déjà existante, revêtent un enjeu politique une fois de plus. Si on s’en tient à ces critiques, le manque de moyens disponibles devrait justifier la non reconnaissance d’un nouveau crime environnemental, pour lequel les moyens ne seraient pas accessibles pour sa mise en oeuvre.

    Il est certain que la criminalité environnementale fait l’objet d’un manque d’investissement et de priorisation politique, et ce depuis le début. Tous les experts le soulignent : manque de moyens pour détecter les infractions, absence de traitement des infractions repérées, classement sans suite pour la plupart et, lorsqu’elles sont traitées, ces infractions environnementales donnent plus souvent lieu à une remise de peine comparé à la moyenne, tandis que les amendes sont toujours très faibles par rapport aux enjeux. Quant à la coopération internationale en matière de lutte contre la criminalité environnementale, elle est balbutiante, et des réseaux structurés ne sont mis en place au niveau européen que depuis deux ans.

    C’est une raison de plus pour reconnaître l’écocide. Hisser les atteintes à l’environnement à ce niveau de l’échelle pénale entraînerait un besoin d’investissement accru dans le traitement de la criminalité environnementale et pourrait ainsi bénéficier, par ruissellement, à l’ensemble des infractions en la matière. 

    Nous sommes bien conscients que la reconnaissance du crime d’écocide implique un changement de paradigme avec une approche systémique qui révolutionnerait le droit de l’environnement, dans lequel la Haute Autorité aurait par exemple un rôle de vigie des limites planétaires  des lois et permettrait de veiller à adopter des politiques publiques cohérentes en prenant en compte les effets écosystémiques des limites planétaires .

    “L’empreinte carbone d’un français moyen est d’environ 11 tonnes d’équivalent CO2 par an, bien au-dessus de ce que la planète est capable d’absorber. Est-ce à dire que nous pourrions tous être condamnés ?”

    Notre Affaire à Tous : Il s’agit là d’un faux débat. Au regard du libellé de notre proposition, pour que l’écocide soit caractérisé, il faudrait un acte ou un comportement contribuant en un dépassement “manifeste et non négligeable.” Donc un particulier ou une petite entreprise dont l’empreinte carbone serait excessive ne rentrerait pas dans le champ d’application de l’incrimination. Le but est de viser les personnes ayant du pouvoir, une influence sur le cours des événements telles que les multinationales qui agissent en connaissance des conséquences de leurs activités, décisions et choix d’investissements. C’est notamment  le cas avec l’obtention de permis de polluer, comme les permis d’exploitation minière entraînant largement un dépassement du quota des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit donc de poser un cadre contraignant pour diriger les investissements industriels rapidement vers des énergies propres, qui permettrait de faire respecter la loi et les engagements internationaux de la France qui visent à protéger l’environnement, décarboner l’économie, etc., tout en donnant un pouvoir aux présidents et directeurs généraux vis-à-vis de leurs actionnaires.

    Cet encadrement des activités des multinationales est nécessaire lorsqu’on sait que plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre émaneraient indirectement de seulement 100 entreprises (selon un rapport de l’ONG internationale Carbon Disclosure Project), avec en première lignes les producteurs d’énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole). Ces entreprises ont une responsabilité morale et juridique particulière en matière de transition énergétique. Elles doivent mettre toutes les mesures en oeuvre afin de contribuer à l’accès universel à une énergie propre. Jusqu’ici, elles ne le font pas. Plus grave même, bien souvent elles s’y opposent. En effet, les compagnies pétrolières ont par exemple minimisé pendant des années les risques liés au changement climatique alors qu’elles avaient parfaitement connaissance des dangers, grâce à des études menées en interne. Récemment, elle ont même dépensé plus de 250 millions d’euros depuis 2010 en lobbying auprès de l’Union européenne afin de mettre en place une stratégie de pression pour faire échec aux actions en faveur du climat.Il est temps que ce comportement cesse et qu’il devienne pénalement répréhensible. Une telle législation sur l’écocide permettra de contribuer à faire cesser l’impunité en matière de protection du climat et des autres limites planétaires.

    “Le risque de “populisme pénal”. La société de consommation engendre de forts impacts environnementaux. On veut donc modifier cette société de consommation via le droit pénal ?”

    Notre Affaire à Tous : Nous ne recherchons pas à faire peser la responsabilité d’une certaine destruction environnementale collective sur certains acteurs en particuliers, simplement pour rechercher un bouc-émissaire. Cependant, les temps sont graves. La nature à l’échelle locale et l’écosystème global de notre planète sont gravement en périls. Leurs dérèglements menacent autant notre existence que celle du vivant en général. De nombreuses fautes ont par ailleurs été commises : les exemples de politiques et d’entreprises qui ignorent la science et le respect de nos besoins les plus élémentaires sont légions. Il est dès lors selon nous absolument nécessaire d’introduire dans notre droit pénal un dispositif fort et efficace entraînant un changement de paradigme. Des sanctions réellement dissuasives participeront grandement à ce changement de mentalité. La France, en adoptant une législation sur l’écocide serait pionnière en la matière et entraînerait avec certitude ses voisins européens ainsi que la communauté internationale dans son sillage.

    Le but de l’écocide n’est pas de reporter la sanction pénale sur des habitudes de consommation et des comportements individuels spécifiques tels que l’achat de biens matériels ou l’utilisation de produits à usage unique ou polluant. S’il est essentiel de devoir adopter un mode de consommation plus résilient, sobre et local, la transformation de notre mode de consommation passe au préalable par la responsabilisation de la production primaire. Le plaidoyer en faveur de l’écocide entend prévenir, réprimer et sanctionner les structures à l’origine d’un “dommage écologique grave” à travers leurs actions, comme par exemple une déforestation massive et illégale ou le déversement de déchets nucléaires en haute mer ou de produits hautement toxiques dans des rivières. 

    2. SUR LA MODIFICATION DE LA CONSTITUTION

    Pour rappel, la Convention Citoyenne pour le Climat propose:

    • d’ajouter dans le préambule que “La conciliation des droits, libertés et principes qui en résultent ne saurait compromettre la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’humanité;
    • d’ajouter à l’article premier que “la République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique”;
    • de créer un Défenseur de l’environnement, à l’image du Défenseur des droits

    LES PRINCIPALES CRITIQUES ENTENDUES

    2.1. Concernant le préambule

    “Cette phrase revient à préciser que le social et l’économie « ne saurait compromettre » la préservation de l’environnement. Or, une conception bien plus positive et enthousiasmante du développement durable consiste à défendre l’idée que la protection de l’environnement est une [chance] – et non une contrainte – pour le développement social et économique.”

    Notre Affaire à Tous : Cet ajout dans le préambule rejoint un important arrêt rendu par le Conseil constitutionnel le 31 janvier dernier (décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020) qui a reconnu que la protection de l’environnement, « patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle » qui peut justifier une “atteinte” à la liberté d’entreprendre. Cette décision, qui constitue une avancée majeure pour la protection de l’environnement, montre bien que la liberté d’entreprendre, et donc les intérêts économiques, ne peuvent pas toujours primer sur la protection de l’environnement.

    Au regard de la crise écologique sans précédent que nous traversons, nous appelons même à aller plus loin et à un renversement des normes, en affirmant que le droit de l’environnement doit primer sur les intérêts économiques, et non l’inverse. Nous parlons ici des intérêts économiques, et non de l’ensemble des droits et libertés visés dans le préambule, en particulier les droits humains.

    Ensuite, une telle révision aurait pu constituer une première étape vers la reconnaissance des droits de la nature, tout comme la proposition de créer un défenseur de l’environnement (à l’image de l’ombudsman), afin de reconnaître l’interdépendance des humains avec le reste du vivant. Nous n’allons pas jusqu’à affirmer, comme l’ont laissé penser certains commentaires, que les droits de la nature doivent primer sur les droits humains, mais qu’il existe une interdépendance, et non une hiérarchie,  entre les deux.

    Dans un contexte de “verdissement” des constitutions dans le monde et même de constitutionnalisation des droits de la nature (comme en Equateur), cet ajout dans le préambule aurait été bienvenu.

    2.2. Concernant l’article 1er

    “La proposition de modifier l’article 1er de la Constitution est, pour l’essentiel, une reprise d’une proposition défendue par le Gouvernement depuis 2018.”

    Notre Affaire à Tous : Certes, un projet de réforme constitutionnelle avait été annoncé  par le gouvernement en juillet 2017, qui visait à inscrire “l’impératif de lutte contre le changement climatique à l’article 34, qui définit le domaine de la loi”. Cette démarche de l’insertion de la lutte climatique dans l’article 34 a été critiquée de manière unanime et a été qualifiée de “greenwashing constitutionnel” par les associations. C’est pourquoi nous avons proposé de modifier l’article 1er de la Constitution et lancé l’Appel pour une Constitution Écologique en avril 2018 (voir notre proposition de loi initiale).  

    En juillet 2018, les députés ont réussi à voter le texte suivant: “La République agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques.” Mais les débats ont sans cesse été interrompus (affaire Benalla, Grand Débat,…) et la réforme a finalement été reportée sine die. C’est donc une bonne chose que cette modification de l’article 1er de la Constitution soit maintenant portée par la Convention Citoyenne pour avoir une chance d’aboutir. A cet égard, il est important de rappeler que la Convention Citoyenne propose le verbe “garantit” alors que le gouvernement proposait le verbe “favorise” sans son dernier projet de loi constitutionnelle du 29 août 2019, c’est bien là la grande différence! “Garantir” est bien plus contraignant que “favoriser”. 

    Comme le Conseil d’Etat l’a indiqué dans un précédent avis du 29 mai 2019, lorsque le gouvernement avait encore pour intention de modifier lui-même cet article de la Constitution: “l’affirmation d’un principe d’action imposerait une obligation d’agir à l’Etat, au niveau national ou international, comme aux pouvoirs publics territoriaux. Il serait susceptible d’avoir des conséquences très lourdes et en partie imprévisibles sur leur responsabilité, notamment en cas d’inaction.” Au regard de la crise environnementale, nier la nécessité d’introduire une véritable obligation d’agir nous apparaît scandaleuse. L’Etat n’a d’autre choix que de répondre avec force et vigueur contre la destruction de notre maison commune. 

    “La protection de l’environnement est déjà inscrite au sein du bloc de constitutionnalité grâce à la Charte de l’environnement (loi constitutionnelle du 1er mars 2005) et d’une rédaction d’une qualité nettement supérieure à ce que propose le rapport qui sera soumis à la Convention citoyenne pour le climat.”

    Notre Affaire à Tous : La Charte de l’environnement est un bon instrument mais elle est présente des lacunes pour plusieurs raisons. Premièrement, il n’y a pas de référence explicite au climat dans la Charte. Deuxièmement, les dispositions de la Charte n’instituent pas toutes un droit ou une liberté, et par conséquent ne permettent pas toujours la saisine du Conseil par le biai d’une question prioritaire de constitutionnalité. C’est notamment le cas des sept premiers alinéas qui précèdent l’article premier. Troisièmement, très peu de jurisprudences constitutionnelles abordent vraiment la lutte contre les changements climatiques et il n’y a donc pas d’enseignements sur la pertinence de la Charte dans la lutte climatique pour le moment. Enfin, la Charte est un bon instrument avec une grande force d’interprétation de ses principes, à condition toutefois d’en avoir une interprétation ambitieuse par les juges.

    Tout repose donc sur l’interprétation des juges, et avoir l’inscription de la lutte contre le dérèglement climatique, en plus de la préservation de la biodiversité et de l’environnement, à l’article 1er de la Constitution, ne ferait plus aucun doute et réduirait la marge d’interprétation de certains juges qui n’oseraient pas faire une interprétation poussée de la Charte de l’environnement.

    “Il serait préférable de réfléchir à la manière de mieux faire appliquer et respecter la Charte de l’environnement plutôt que de prendre le risque, au mieux d’une redondance des mêmes notions au sein du bloc de constitutionnalité, au pire d’un affaiblissement de la Charte de l’environnement.”

    Notre Affaire à Tous :  Il s’agit d’inscrire de manière univoque la lutte contre le dérèglement climatique qui ne figure nulle part dans la Charte, laissant ainsi un grand pouvoir d’interprétation aux juges.

    “Le rapport abandonne la proposition d’inscription du principe de non régression au sein du bloc de constitutionnalité qui aurait pourtant pu être débattue.”

    Notre Affaire à Tous : C’est en effet un aspect que nous regrettons. Il faut néanmoins garder en tête que le comité légistique de la Convention Citoyenne a tenté de réduire la portée des propositions des 150 citoyens en les “lissant” autant que possible de manière à écarter certaines formulations.

    “Plus grave, cette proposition de révision comporte un risque sérieux de régression du droit de l’environnement. Ainsi, elle propose d’extraire les notions de « biodiversité » et « climat » de celle d’environnement qui, jusqu’à présent, les comprenait.”

    Notre Affaire à Tous : La proposition inclut les 3 notions biodiversité, environnement et dérèglement climatique. En quoi cela risque t-il de créer une régression du droit de l’environnement qui est déjà en nette régression? Il n’a pas fallu attendre cette critique pour constater un affaiblissement du droit de l’environnement. Beaucoup de mesures gouvernementales sont prises qui, sous couvert de “simplification” du droit, font régresser de nombreuses dispositions environnementales. 

    On peut notamment citer le projet de loi ASAP, qui consacre “le fait accompli” en permettant aux préfets d’autoriser des travaux de construction industrielle en anticipant sur la délivrance de l’autorisation environnementale nécessaire (à la condition que le permis de construire ait été délivré et l’enquête publique réalisée), ou encore qui prévoit que l’avis donné par l’autorité environnementale ne pourra plus être réactualisé en fonction de l’évolution du dossier. Figurent aussi les atteintes à la participation du public avec le pouvoir confié aux préfets de dispenser d’enquête publique, au profit d’une simple consultation électronique, les projets ne nécessitant pas d’évaluation environnementale. De telles mesures constituent manifestement une régression, voire une “destruction” (selon les experts) du droit de l’environnement. 

    De même, le décret du 8 avril 2020 généralise le droit des préfets à déroger à de nombreuses normes réglementaires, notamment en matière environnementale. Un tel dispositif permettrait notamment l’accélération des dispositifs procéduraux dans l’implantation de projets destructeurs de l’environnement. Ce décret a d’ailleurs été attaqué devant le Conseil d’Etat par plusieurs associations, dont Notre Affaire à Tous.

    Affirmer que cette proposition de modification de la Constitution constitue un “risque sérieux de régression du droit de l’environnement” paraît donc totalement absurde et de mauvaise foi au regard des mesures précitées voulues par le Gouvernement.

    3. SUR LA POSSIBILITÉ DE SOUMETTRE CES DEUX PROPOSITIONS À RÉFÉRENDUM

    Les critiques portent sur la mise en oeuvre de l’article 11 de la Constitution pour l’adoption de la proposition de loi sur l’écocide et sur  l’article 89 de la Constitution pour la révision de la Constitution.

    LES PRINCIPALES CRITIQUES ENTENDUES

    “Un référendum ne peut porter sur la législation pénale. La matière pénale est exclue de l’article 11 de la Constitution, comme de nombreux constitutionnalistes l’ont dores et déjà souligné. Il n’est donc pas possible d’organiser un référendum sur l’écocide en l’état actuel de la rédaction de l’article 11 de la Constitution. Il faudrait considérablement maltraiter l’interprétation de l’article 11 pour considérer un référendum sur l’écocide.”

    Notre Affaire à Tous : Pour rappel, l’article 11 prévoit que le référendum ne peut porter que sur certaines matières : « (…) tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.”

    S’il est vrai que l’article 11 ne mentionne pas la loi pénale, il ne l’interdit pas non plus. La proposition de la Convention Citoyenne porte par ailleurs sur une modification du code de l’environnement et non du code pénal. En outre, l’environnement a déjà été une manière d’élargir l’interprétation des règles et traités en matière pénale. Ainsi, à travers son arrêt “Commission v. Conseil” du 13 septembre 2005, la Cour de Justice des Communautés Européennes (aujourd’hui CJUE) avait donné raison à la Commission et élargi les compétences de l’Union Européenne à l’harmonisation de la législation pénale entre les Etats-Membres. Une décision qui sera ensuite validée par le Traité de Lisbonne, qui donne compétence pénale à l’Union Européenne. Ainsi, l’environnement, qui apparaît comme un nouveau défi pour le droit, a régulièrement été une source de modification et d’amélioration du droit et des jurisprudences ; situation qui pourrait se répéter ici.

    On en revient donc à un enjeu politique, car de l’interprétation des juges constitutionnels dépendra la validité juridique de la proposition de la Convention Citoyenne. Comme la science, le droit est le reflet de nos sociétés. Raison pour laquelle l’état de nécessité ou encore le préjudice écologique ont été “découverts” et appliqués en premier par des juges, alors que ces notions n’étaient pas encore consacrées par la loi.

    “L’article 89 précise qu’un référendum [portant sur la révision de la Constitution] ne peut être engagé sans l’accord des deux assemblées : Assemblée nationale et Sénat. Pour être précis, un référendum a déjà été organisé sur le fondement de l’article 11 et non de l’article 89 pour réviser la Constitution. En 1962, le général de Gaulle a en effet soumis à référendum, sur le fondement de l’article 11 de la Constitution, un projet de révision de l’article 6 de la Constitution afin de prévoir l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Toutefois, ce choix a suscité une très vive controverse et n’a été possible qu’en raison de circonstances historiques très particulières. Il est peu probable que l’actuel président de la République procède ainsi”

    Notre Affaire à Tous : Le président de la République aura le choix de la procédure en décidant soit de soumettre la révision à référendum, soit de faire approuver la révision par un vote parlementaire pour aboutir à un texte identique par les deux assemblées, nécessitant de la part du président de la République de convaincre les parlementaires. On en revient à nouveau à un choix politique.

    Enfin, de manière générale, un référendum portant sur ces questions serait l’occasion d’un large débat sur les liens entre le contrat social et le contrat naturel et le moyen de construire ensemble un chemin commun vers la transition écologique.

    Notes

    1- Définitions alternatives retenues par le comité légistique :

    • Constitue un crime d’écocide, toute action généralisée ou systématique ayant causé un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste et non négligeable d’au moins une des limites planétaires [définies à l’article L XXX du code de l’environnement] et dont l’auteur savait ou aurait dû savoir qu’il existait une haute probabilité de ce dépassement.” 
    • Constitue un crime d’écocide, toute action généralisée ou systématique ayant causé un dommage écologique étendu et durable à l’environnement naturel consistant en une grave dégradation des éléments ou des fonctions des écosystèmes ou en une grave altération des qualités essentielles des sols, de l’eau ou de l’air commise alors que son auteur savait ou aurait dû en savoir les effets.”

    2- Définition alternatives retenues par le comité légistique :

    • “Art. 522-2 – Constitue un délit d’imprudence d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi, le règlement ou une convention internationale ayant causé directement ou indirectement un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste des limites planétaires [au sens de l’article L.XXX du code de l’environnement], s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.”
    • “Art. 522-2 – Constitue un délit d’imprudence d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi, le règlement ou une convention internationale ayant causé directement ou indirectement un dommage étendu et durable à l’environnement naturel consistant en une grave dégradation des éléments ou des fonctions des écosystèmes ou en une grave altération des qualités essentielles des sols, de l’eau ou de l’air s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». 

    3- La proposition alternative du comité légistique consiste à regrouper le délit d’imprudence d’écocide avec le délit de manque de devoir de vigilance des multinationales. Le comité légistique confère par ailleurs à la Haute Autorité des Limites Planétaires la tâche d’accompagner “les entreprises tenues d’élaborer un plan de vigilance au sens de l’article L.225-102-4 du code de commerce afin de les aider à évaluer la compatibilité de leur plan à la protection des limites planétaires.” Le devoir de vigilance des multinationales en matière d’écocide n’a donc pas été supprimé à travers la proposition alternative du comité légistique. Il aurait été toutefois préférable de prévoir l’obligation pour les multinationales de concevoir un plan de vigilance conforme aux limites planétaires et d’assigner à la Haute Autorité la tâche de contrôler le respect de cette obligation.

    4- L’idée initiale, inspirée du mouvement End Ecocide on Earth, est en effet de reconnaître l’écocide au même niveau que les crimes internationaux (crime de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crime d’agression) en modifiant le Statut de Rome instituant la Cour Pénale Internationale.

    5- Depuis 1994 et l’entrée en vigueur du code pénal français, seuls les délits et les infractions peuvent être non intentionnels.

    6- Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’article 121-3, alinéa 1er, du code pénal.

    7- En effet, au regard de l’alinéa 2 de l’art. 121-3 du code pénal, « lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas d’imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. »

    8- Voir notamment l’interviwew d’Alexandra Palt, directrice générale de la Responsabilité sociétale et environnementale (RSE) et membre du Comex de L’Oréal: https://www.novethic.fr/actualite/entreprise-responsable/isr-rse/alexandra-palt-directrice-generale-de-la-responsabilite-societale-et-environnementale-l-oreal-doit-evoluer-dans-les-limites-planetaires-148713.html

    9- Afin d’envisager, en droit national, la poursuite des atteintes aux communs planétaires ou à un système écologique de la Terre, il conviendra de prévoir la possibilité d’appréhender les actes commis sur le territoire national comme le prévoient les articles 113-2 à 113-5 du Code pénal ainsi que les infractions commises hors du territoire de la République (articles 113-6 à 113-14 code pénal). Dans le cas d’un recours, le juge pourra ainsi disposer d’un outil d’appréciation indispensable pour ordonner les mesures qui s’imposent. Un tel cadre ouvrirait la voie à une justice préventive climatique, environnementale et sanitaire.

    10- Il s’agira ici de prendre en compte différents éléments tels que la personnalité de l’auteur, la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

    11- Cette révision du préambule de la Constitution a depuis été rejetée par le président de la République.

  • CP / Convention Citoyenne pour le Climat : réponses aux critiques sur l’écocide, la modification de la Constitution et le passage en référendum

    Communiqué de presse 

    Jeudi 9 juillet 2020 

    La Convention Citoyenne a voté le 21 juin dernier 150 propositions qu’elle a rendues publiques pour accélérer la lutte contre le réchauffement climatique, et certaines ouvrent la voie vers un véritable changement de paradigme. C’est notamment le cas des propositions de reconnaissance du crime d’écocide et de modification de la Constitution. Ces deux propositions font cependant l’objet de vives critiques. Face à ces réactions, Notre Affaire à Tous publie, ce jeudi 9 juillet, un argumentaire juridique pour défendre ces propositions et rappeler pourquoi elles sont nécessaires. Notre Affaire à Tous en appelle aussi à la responsabilité du gouvernement afin de faire avancer communément l’amélioration et l’adoption de ces textes sans pour autant en dénaturer l’esprit.

     “Imprécision”, “difficulté à prouver l’élément intentionnel du crime d’écocide”, “risque de populisme pénal”, “risque de redondance avec la Charte de l’environnement”, “risque de placer l’environnement au-dessus des autres valeurs”…  autant de critiques que Notre Affaire à Tous estime en grande partie injustifiées. Si ces critiques  ont au moins le mérite de nourrir le débat et de mettre en lumière des mesures emblématiques, elles demeurent néanmoins contestables juridiquement, parfois contre-productives et quelquefois davantage liées à un enjeu politique que juridique. 

    Cependant, les juristes de Notre Affaire à Tous n’en sont pas totalement insensibles et reconnaissent la nécessité d’élaborer les dispositifs les plus clairs et efficaces possible afin de réellement renforcer la protection de la nature et du vivant. Notre Affaire à Tous est décidée à faire adopter ces textes sans en dénaturer leur portée!

    Concernant l’intégration de l’écocide dans notre code pénal ainsi que la reconnaissance des limites planétaires, si la France agit et adopte une telle législation, un précédent absolument pionnier sera posé en matière de protection de la nature. A l’image de l’abolition de l’esclavage et de la reconnaissance des droits humains, Notre Affaire à Tous considère qu’il est temps d’intégrer ces nouvelles valeurs fondamentales communes dans notre droit positif. L’expérience de la Convention citoyenne pour le climat l’a démontré : les citoyens français sont prêts à voter en faveur de l’incrimination de l’écocide afin de mettre hors la loi les comportements destructeurs de notre environnement. 

    Ensuite, modifier l’article 1er de la Constitution tel que la Convention citoyenne le propose permettrait d’inscrire l’obligation d’agir pour la préservation de la biodiversité et la lutte contre les changements climatiques aux côtés des principes fondateurs de la République. Le choix des mots est important, et comme le Conseil d’Etat l’a indiqué dans un précédent avis du 29 mai 2019, lorsque le gouvernement avait encore pour intention de modifier lui-même cet article : “l’affirmation d’un principe d’action imposerait une obligation d’agir à l’Etat, au niveau national ou international, comme aux pouvoirs publics territoriaux. Il serait susceptible d’avoir des conséquences très lourdes et en partie imprévisibles sur leur responsabilité, notamment en cas d’inaction.” Au regard de la crise environnementale, nier la nécessité d’introduire une véritable obligation d’agir nous apparaît scandaleuse. L’Etat n’a d’autre choix que de répondre avec force et vigueur contre la destruction de notre maison commune. 

    Pour Marie Toussaint, de Notre Affaire à Tous : “ Il est urgent de discipliner les dirigeants économiques qui portent atteinte gravement à la nature et à la sûreté de la Terre en choisissant le profit à la vie. Telle est l’intention originelle de Notre affaire à tous lorsque nous avons rédigé cette première proposition de loi sur la reconnaissance de l’écocide et des limites planétaires au sein du droit pénal et du dispositif relatif au devoir de vigilance des sociétés mères et donneuses d’ordre”.

    Pour Marine Yzquierdo, qui s’occupe du plaidoyer concernant la modification de la Constitution au sein de Notre Affaire à Tous, “même si le dialogue intervenu le 29 juin dernier entre les 150 citoyen.ne.s et le président de la République est positif, il reste à s’assurer que de telles mesures aboutiront et ne seront pas vidées de leur substance lors de leur reformulation par le comité légistique. Notre Affaire à Tous continuera à soutenir les 150 citoyen.ne.s et à se mobiliser durant les prochaines étapes pour l’adoption de ces mesures emblématiques”, annonce 

    Notre Affaire à Tous publie donc, ce jeudi 9 juillet, un document de 13 pages répondant aux principales critiques contre l’écocide, la modification de la Constitution et le passage en référendum (liste non exhaustive). 

    Contacts presse :  


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  • Décryptage Convention Citoyenne pour le Climat  Exemplaire

    Décryptage Convention Citoyenne pour le Climat Exemplaire

    Article co-écrit par Paul MOUGEOLLE et Marine YZQUIERDO, membres de Notre Affaire à Tous, avec la collaboration de Marie TOUSSAINT et Valérie CABANES, co-fondatrices de l’association.

    La Convention Citoyenne pour le Climat est un exemple de démocratie participative inédit et certaines des mesures proposées ouvrent la voie vers une révolution juridique. Certaines de ces propositions telles que la reconnaissance du crime d’écocide et la modification de l’article 1er de la Constitution font pourtant l’objet de vives critiques. La proposition de soumettre ces deux mesures à référendum engendre également une levée de boucliers.

    Notre Affaire à Tous (NAAT), qui est à l’origine de ces deux propositions (aux côtés de Wild Legal pour l’écocide, et de la FNH au départ puis de Climates, le REFEDD et WARN en ce qui concerne la modification de l’article 1er de la Constitution), souhaite répondre à ces différentes critiques. Si elles ont au moins le mérite de nourrir le débat et de mettre en lumière des mesures emblématiques, ces critiques demeurent néanmoins contestables juridiquement, parfois contre-productives et quelquefois davantage liées à un enjeu politique que juridique. 

    Notre Affaire à Tous souhaite rappeler que l’objectif de ces propositions vise simplement à renforcer la protection de l’environnement, de la nature et du vivant, au-delà de tout débat idéologique.

    Si la France agit et adopte une législation efficace en matière d’écocide, un précédent important et absolument pionnier sera posé en matière de protection de la nature. A l’image de l’abolition de l’esclavage, il est temps de prendre nos responsabilités et d’intégrer nos nouvelles valeurs fondamentales communes dans notre droit pénal. L’expérience de la Convention Citoyenne pour le Climat l’a démontré : les citoyens français sont prêts à voter en faveur de l’incrimination de l’écocide afin de mettre hors la loi les comportements destructeurs de notre environnement. Montrons l’exemple à l’échelle de la France afin que l’humanité toute entière nous suive et protège la Terre et ses limites planétaires!

    A la suite des échanges intervenus le 29 juin entre les 150 citoyen.ne.s et le président de la République, ce dernier s’est dit prêt à intégrer l’écocide dans le droit français en revoyant toutefois la rédaction actuelle, et s’est montré favorable à une modification de l’article 1er de la Constitution, rejetant cependant la révision du préambule. Notre Affaire à Tous se réjouit de tels propos et considère également que “le temps est venu de faire, d’agir”, à condition de conserver l’esprit initial des textes lors du travail de réécriture. Voici donc nos réponses aux principales critiques (liste non exhaustive).

    1. Sur la reconnaissance du crime d’écocide

    Pour rappel, la Convention Citoyenne pour le Climat propose de :

    u003culu003e
    u003cli style=u0022font-weight: 400;u0022u003ereconnaître et définir le crime d’écocide comme “u003ciu003etoute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées”u003c/iu003e;u003c/liu003e
    u003cli style=u0022font-weight: 400;u0022u003ereconnaître et définir le délit d’imprudence caractérisé d’écocide comme suit: “u003ciu003eConstitue un délit d’imprudence caractérisé d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou un règlement ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétairesu003c/iu003e”;u003c/liu003e
    u003cli style=u0022font-weight: 400;u0022u003eobliger les multinationales à publier un plan de vigilance en prenant en compte la problématique des limites planétaires à des fins de prévention: Ainsi, “u003ciu003el’absence de mesures adéquates et raisonnables relatives à l’identification et la prévention de la destruction grave d’un écosystème ou du dépassement manifeste et non négligeable des limites planétairesu003c/iu003e” constituerait une violation de la loi sur le devoir de vigilance ainsi qu’un délit d’imprudence d’écocide si celui-ci était caractérisé;u003c/liu003e
    u003cli style=u0022font-weight: 400;u0022u003ecréer une Haute autorité des limites planétaires afin de promouvoir et  garantir la mise en œuvre de cette législation.u003c/liu003e
    u003c/ulu003e

    Les principales critiques entendues

    “L’intention de nuire est difficile à établir.”

    Notre Affaire à Tous : La proposition de loi sur l’écocide ne prévoit pas la nécessité de prouver l’intention de nuire mais seulement la “connaissance” des conséquences des actes incriminés. C’est bien là toute la spécificité de notre définition du crime d’écocide, qui est d’avoir choisi le principe de la connaissance d’une haute probabilité d’atteinte à la sûreté à la planète, plutôt que celui de l’intention. En effet, le changement climatique et l’érosion de la biodiversité conduisent la planète vers un état auquel nul n’est préparé : il met en danger nombre d’écosystèmes, la survie de nombreuses espèces animales et végétales et les conditions de vie de l’humanité. L’objectif du crime d’écocide doit être de répondre à la crise écologique et climatique en cours en permettant de poser un cadre normatif de ce qui est tolérable pour préserver un écosystème terrestre habitable pour le plus grand nombre. 

    Nous sommes conscients des importants débats de fond que cela soulève au regard du principe fondamental de notre code pénal selon lequel “ll n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.” Cela reviendrait à reconnaître un crime (le crime d’écocide) de nature non intentionnelle, comme cela était le cas avant 1994. 

    Notre Affaire à Tous est donc disposée à affiner la définition du crime d’écocide pour caractériser les dommages écologiques graves causés de manière intentionnelle et constituant un crime, sans pour autant devoir reconnaître une intention de nuire, si et seulement si le délit d’imprudence d’écocide est maintenu dans le dispositif et que l’esprit initial du texte est préservé. Ce délit d’imprudence permettra effectivement de garantir l’efficacité de l’incrimination ainsi que sa fonction dissuasive (voir notre deuxième réponse ci-dessous). 

    Ensuite, intégrer le concept des limites planétaires au dispositif relatif au devoir de vigilance des multinationales permettra de renforcer considérablement la fonction préventive de la protection extra-territoriale de l’environnement (voir notre troisième réponse ci-dessous).  

    “Il faut prouver l’élément intentionnel alors que beaucoup de dégâts causés à l’environnement sont le résultat d’une négligence.”

    Notre Affaire à Tous : L’élément intentionnel n’a pas besoin d’être démontré dès lors que serait caractérisé le délit d’imprudence, faute non-intentionnelle que les 150 citoyens proposent de reconnaître et de définir pour compléter le dispositif. Caractériser le délit d’imprudence ne nécessiterait donc pas de démontrer une intention de provoquer un écocide ou le franchissement des limites planétaires, mais seulement la prévisibilité du dommage ainsi qu’un manquement à une obligation de prudence préétablie par la loi, telle que l’obligation générale de vigilance environnementale découlant de la Charte de l’environnement (décision n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011 du Conseil constitutionnel).

    “L’écocide ne satisferait pas à l’exigence de précision de la loi pénale. Pour envoyer quelqu’un en prison, il faut une incrimination précise. C’est le principe de légalité et de clarté.”

    Notre Affaire à Tous En premier lieu, il est important de clarifier un certain malentendu à cet égard. Notre proposition initiale, reprise par les 150 citoyens de la Convention, avait défini directement dans la loi les limites planétaires ainsi que les seuils respectifs. Le comité légistique de la Convention Citoyenne a par la suite demandé aux 150 citoyens de synthétiser leur proposition, les obligeant ainsi à enlever les seuils chiffrés relatifs aux limites planétaires. C’est ce même comité légistique qui vient par la suite  critiquer son absence de précision !

    En second lieu, les limites planétaires font l’objet d’une définition scientifique assez précise (voir les travaux de l’équipe internationale de 28 scientifiques dirigée par Johan Röckstrom et Will Stefen, publiés en 2009 et réactualisés en 2015).  Ce concept de limites planétaires est d’ailleurs utilisé à plusieurs reprises au niveaux européen et français. Ainsi, l’Agence Européenne de l’Environnement a publié le 17 avril dernier un rapport sur le respect/irrespect par l’Europe des limites planétaires. Ensuite, le concept de limites planétaires a récemment été utilisé  par le gouvernement français dans son rapport sur l’état de l’environnement en France, publié par le Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) le 24 octobre 2019, qui indique que six des neuf limites planétaires sont déjà dépassées. Dans ce rapport, le concept des limites planétaires a été décliné au territoire de la France. 

    En outre, la notion des limites planétaires figure déjà dans la loi, à l’article L110-1-1 du code de l’environnement (modifié par la Loi n°2020-105 du 10 février 2020 – art. 2) qui dispose que “ La transition vers une économie circulaire vise à atteindre une empreinte écologique neutre dans le cadre du respect des limites planétaires et à dépasser le modèle économique linéaire […]”.

    Avant cela, dans son discours devant la communauté internationale lors de la COP23 de Bonn en 2017, le président de la République a lui-même évoqué le franchissement du “seuil de l’irréversible” et le risque que les équilibres de la planète ne se rompent. Cet effet de seuils doit être inscrit dans le droit afin de permettre aux institutions de notre État de cadrer les activités qui menacent ces équilibres planétaires.

    Il convient à présent d’investir dans la mise en oeuvre d’outils permettant de surveiller l’évolution des limites planétaires et de les  adapter à l’action des entreprises, dans la continuité de l’initiative prise par l’Oréal, qui souhaite “transformer [son] activité et l’inscrire dans les limites planétaires.”

    En troisième lieu, le reproche de l’imprécision est à relativiser au regard des autres incriminations  déjà reconnues par le droit pénal français, peu précises dans leur formulation également. Ainsi en va-t-il par exemple du crime contre l’humanité, inscrit à l’article 212-1 du code pénal, qui dispose au 11° que “Les autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique.” De même, le code de l’environnement réprime le déversement de “substances quelconques” dans l’eau.

    Le droit de l’environnement a d’ailleurs ceci de particulier qu’il permet une pollution dans une certaine mesure : tel pourcentage de particules fines dans l’air, de dioxyde de soufre dans l’eau, de monoxyde de carbone dans les bâtiments, etc. Sont ainsi établies des “valeurs limites” à ne pas dépasser. Les limites planétaires sont parfaitement en ligne avec cet esprit, sauf qu’elles sont établies à l’échelle globale. Ces valeurs posent alors certaines questions juridiques liées à la causalité : à partir de quand la contribution d’un certain acteur devient est-elle illégale ? Nous avons choisi de caractériser l’illégalité de la contribution lorsqu’elle participe manifestement et de manière non négligeable aux limites planétaires (voir aussi la réponse question ci-dessous sur le fait de pouvoir poursuivre des individus pour écocide). 

    Si le caractère global des limites planétaires constituait un obstacle rédhibitoire aux yeux de certains juristes, Notre Affaire à Tous se dit prête à revoir la définition du dispositif pénal de l’écocide afin d’en dissocier le concept des limites planétaires. Notre Affaire à Tous considère toutefois que le concept des limites planétaires a tout intérêt à être intégré dans le droit, afin de renforcer sa fonction préventive et globale. 

    L’inscription dans la loi de l’écocide et des limites planétaires et la création d’une Haute Autorité permettrait d’investir dans ces instruments scientifiques, de créer et mobiliser les données disponibles, enfin de promouvoir le respect des limites planétaires comme outil de gouvernance au niveau global.

    “Pourquoi défendre la création d’une Haute autorité des limites planétaires alors que les agences de l’environnement crient déjà famine ?”

    Notre Affaire à Tous : De telles critiques, qui rejoignent celles faites sur la faiblesse de l’application de la législation environnementale déjà existante, revêtent un enjeu politique une fois de plus. Si on s’en tient à ces critiques, le manque de moyens disponibles devrait justifier la non reconnaissance d’un nouveau crime environnemental, pour lequel les moyens ne seraient pas accessibles pour sa mise en oeuvre.

    Il est certain que la criminalité environnementale fait l’objet d’un manque d’investissement et de priorisation politique, et ce depuis le début. Tous les experts le soulignent : manque de moyens pour détecter les infractions, absence de traitement des infractions repérées, classement sans suite pour la plupart et, lorsqu’elles sont traitées, ces infractions environnementales donnent plus souvent lieu à une remise de peine comparé à la moyenne, tandis que les amendes sont toujours très faibles par rapport aux enjeux. Quant à la coopération internationale en matière de lutte contre la criminalité environnementale, elle est balbutiante, et des réseaux structurés ne sont mis en place au niveau européen que depuis deux ans.

    C’est une raison de plus pour reconnaître l’écocide. Hisser les atteintes à l’environnement à ce niveau de l’échelle pénale entraînerait un besoin d’investissement accru dans le traitement de la criminalité environnementale et pourrait ainsi bénéficier, par ruissellement, à l’ensemble des infractions en la matière. 

    Nous sommes bien conscients que la reconnaissance du crime d’écocide implique un changement de paradigme avec une approche systémique qui révolutionnerait le droit de l’environnement, dans lequel la Haute Autorité aurait par exemple un rôle de vigie des limites planétaires  des lois et permettrait de veiller à adopter des politiques publiques cohérentes en prenant en compte les effets écosystémiques des limites planétaires .

    “L’empreinte carbone d’un français moyen est d’environ 11 tonnes d’équivalent CO2 par an, bien au-dessus de ce que la planète est capable d’absorber. Est-ce à dire que nous pourrions tous être condamnés ?”

    Notre Affaire à Tous : Il s’agit là d’un faux débat. Au regard du libellé de notre proposition, pour que l’écocide soit caractérisé, il faudrait un acte ou un comportement contribuant en un dépassement “manifeste et non négligeable.” Donc un particulier ou une petite entreprise dont l’empreinte carbone serait excessive ne rentrerait pas dans le champ d’application de l’incrimination. Le but est de viser les personnes ayant du pouvoir, une influence sur le cours des événements telles que les multinationales qui agissent en connaissance des conséquences de leurs activités, décisions et choix d’investissements. C’est notamment  le cas avec l’obtention de permis de polluer, comme les permis d’exploitation minière entraînant largement un dépassement du quota des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit donc de poser un cadre contraignant pour diriger les investissements industriels rapidement vers des énergies propres, qui permettrait de faire respecter la loi et les engagements internationaux de la France qui visent à protéger l’environnement, décarboner l’économie, etc., tout en donnant un pouvoir aux présidents et directeurs généraux vis-à-vis de leurs actionnaires.

    Cet encadrement des activités des multinationales est nécessaire lorsqu’on sait que plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre émaneraient indirectement de seulement 100 entreprises (selon un rapport de l’ONG internationale Carbon Disclosure Project), avec en première lignes les producteurs d’énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole). Ces entreprises ont une responsabilité morale et juridique particulière en matière de transition énergétique. Elles doivent mettre toutes les mesures en oeuvre afin de contribuer à l’accès universel à une énergie propre. Jusqu’ici, elles ne le font pas. Plus grave même, bien souvent elles s’y opposent. En effet, les compagnies pétrolières ont par exemple minimisé pendant des années les risques liés au changement climatique alors qu’elles avaient parfaitement connaissance des dangers, grâce à des études menées en interne. Récemment, elle ont même dépensé plus de 250 millions d’euros depuis 2010 en lobbying auprès de l’Union européenne afin de mettre en place une stratégie de pression pour faire échec aux actions en faveur du climat.Il est temps que ce comportement cesse et qu’il devienne pénalement répréhensible. Une telle législation sur l’écocide permettra de contribuer à faire cesser l’impunité en matière de protection du climat et des autres limites planétaires.

    “Le risque de “populisme pénal”. La société de consommation engendre de forts impacts environnementaux. On veut donc modifier cette société de consommation via le droit pénal ?”

    Notre Affaire à Tous : Nous ne recherchons pas à faire peser la responsabilité d’une certaine destruction environnementale collective sur certains acteurs en particuliers, simplement pour rechercher un bouc-émissaire. Cependant, les temps sont graves. La nature à l’échelle locale et l’écosystème global de notre planète sont gravement en périls. Leurs dérèglements menacent autant notre existence que celle du vivant en général. De nombreuses fautes ont par ailleurs été commises : les exemples de politiques et d’entreprises qui ignorent la science et le respect de nos besoins les plus élémentaires sont légions. Il est dès lors selon nous absolument nécessaire d’introduire dans notre droit pénal un dispositif fort et efficace entraînant un changement de paradigme. Des sanctions réellement dissuasives participeront grandement à ce changement de mentalité. La France, en adoptant une législation sur l’écocide serait pionnière en la matière et entraînerait avec certitude ses voisins européens ainsi que la communauté internationale dans son sillage.

    Le but de l’écocide n’est pas de reporter la sanction pénale sur des habitudes de consommation et des comportements individuels spécifiques tels que l’achat de biens matériels ou l’utilisation de produits à usage unique ou polluant. S’il est essentiel de devoir adopter un mode de consommation plus résilient, sobre et local, la transformation de notre mode de consommation passe au préalable par la responsabilisation de la production primaire. Le plaidoyer en faveur de l’écocide entend prévenir, réprimer et sanctionner les structures à l’origine d’un “dommage écologique grave” à travers leurs actions, comme par exemple une déforestation massive et illégale ou le déversement de déchets nucléaires en haute mer ou de produits hautement toxiques dans des rivières. 

    2. Sur la modification de la Constitution

    Pour rappel, la Convention Citoyenne pour le Climat propose:

    u003cul id=u0022block-a42d67dc-df85-4a9f-be02-73aff251f4c4u0022 class=u0022block-editor-rich-text__editable block-editor-block-list__block wp-block is-selected rich-textu0022 tabindex=u00220u0022 role=u0022groupu0022 contenteditable=u0022trueu0022 aria-multiline=u0022trueu0022 aria-label=u0022Bloc : Listeu0022 data-block=u0022a42d67dc-df85-4a9f-be02-73aff251f4c4u0022 data-type=u0022core/listu0022 data-title=u0022Listeu0022u003e
    u003cliu003ed’ajouter dans le préambule que “u003cemu003eLa conciliation des droits, libertés et principes qui en résultent ne saurait compromettre la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’humanitéu003c/emu003e;u003c/liu003e
    u003cliu003ed’ajouter à l’article premier que “u003cemu003ela République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatiqueu003c/emu003e”;u003c/liu003e
    u003cliu003ede créer un Défenseur de l’environnement, à l’image du Défenseur des droits. u003c/liu003e
    u003c/ulu003e

    Les principales critiques entendues

    2.1. Concernant le préambule

    “Cette phrase revient à préciser que le social et l’économie « ne saurait compromettre » la préservation de l’environnement. Or, une conception bien plus positive et enthousiasmante du développement durable consiste à défendre l’idée que la protection de l’environnement est une [chance] – et non une contrainte – pour le développement social et économique.”

    Notre Affaire à Tous : Cet ajout dans le préambule rejoint un important arrêt rendu par le Conseil constitutionnel le 31 janvier dernier (décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020) qui a reconnu que la protection de l’environnement, « patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle » qui peut justifier une “atteinte” à la liberté d’entreprendre. Cette décision, qui constitue une avancée majeure pour la protection de l’environnement, montre bien que la liberté d’entreprendre, et donc les intérêts économiques, ne peuvent pas toujours primer sur la protection de l’environnement.

    Au regard de la crise écologique sans précédent que nous traversons, nous appelons même à aller plus loin et à un renversement des normes, en affirmant que le droit de l’environnement doit primer sur les intérêts économiques, et non l’inverse. Nous parlons ici des intérêts économiques, et non de l’ensemble des droits et libertés visés dans le préambule, en particulier les droits humains.

    Ensuite, une telle révision aurait pu constituer une première étape vers la reconnaissance des droits de la nature, tout comme la proposition de créer un défenseur de l’environnement (à l’image de l’ombudsman), afin de reconnaître l’interdépendance des humains avec le reste du vivant. Nous n’allons pas jusqu’à affirmer, comme l’ont laissé penser certains commentaires, que les droits de la nature doivent primer sur les droits humains, mais qu’il existe une interdépendance, et non une hiérarchie,  entre les deux.

    Dans un contexte de “verdissement” des constitutions dans le monde et même de constitutionnalisation des droits de la nature (comme en Equateur), cet ajout dans le préambule aurait été bienvenu.

    2.2. Concernant l’article 1er

    “La proposition de modifier l’article 1er de la Constitution est, pour l’essentiel, une reprise d’une proposition défendue par le Gouvernement depuis 2018.”

    Notre Affaire à Tous : Certes, un projet de réforme constitutionnelle avait été annoncé  par le gouvernement en juillet 2017, qui visait à inscrire “l’impératif de lutte contre le changement climatique à l’article 34, qui définit le domaine de la loi”. Cette démarche de l’insertion de la lutte climatique dans l’article 34 a été critiquée de manière unanime et a été qualifiée de “greenwashing constitutionnel” par les associations. C’est pourquoi nous avons proposé de modifier l’article 1er de la Constitution et lancé l’Appel pour une Constitution Écologique en avril 2018 (voir notre proposition de loi initiale).  

    En juillet 2018, les députés ont réussi à voter le texte suivant: “La République agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques.” Mais les débats ont sans cesse été interrompus (affaire Benalla, Grand Débat,…) et la réforme a finalement été reportée sine die. C’est donc une bonne chose que cette modification de l’article 1er de la Constitution soit maintenant portée par la Convention Citoyenne pour avoir une chance d’aboutir. A cet égard, il est important de rappeler que la Convention Citoyenne propose le verbe “garantit” alors que le gouvernement proposait le verbe “favorise” sans son dernier projet de loi constitutionnelle du 29 août 2019, c’est bien là la grande différence! “Garantir” est bien plus contraignant que “favoriser”. 

    Comme le Conseil d’Etat l’a indiqué dans un précédent avis du 29 mai 2019, lorsque le gouvernement avait encore pour intention de modifier lui-même cet article de la Constitution: “l’affirmation d’un principe d’action imposerait une obligation d’agir à l’Etat, au niveau national ou international, comme aux pouvoirs publics territoriaux. Il serait susceptible d’avoir des conséquences très lourdes et en partie imprévisibles sur leur responsabilité, notamment en cas d’inaction.” Au regard de la crise environnementale, nier la nécessité d’introduire une véritable obligation d’agir nous apparaît scandaleuse. L’Etat n’a d’autre choix que de répondre avec force et vigueur contre la destruction de notre maison commune. 

    “La protection de l’environnement est déjà inscrite au sein du bloc de constitutionnalité grâce à la Charte de l’environnement (loi constitutionnelle du 1er mars 2005) et d’une rédaction d’une qualité nettement supérieure à ce que propose le rapport qui sera soumis à la Convention citoyenne pour le climat.”

    Notre Affaire à Tous : La Charte de l’environnement est un bon instrument mais elle est présente des lacunes pour plusieurs raisons. Premièrement, il n’y a pas de référence explicite au climat dans la Charte. Deuxièmement, les dispositions de la Charte n’instituent pas toutes un droit ou une liberté, et par conséquent ne permettent pas toujours la saisine du Conseil par le biai d’une question prioritaire de constitutionnalité. C’est notamment le cas des sept premiers alinéas qui précèdent l’article premier. Troisièmement, très peu de jurisprudences constitutionnelles abordent vraiment la lutte contre les changements climatiques et il n’y a donc pas d’enseignements sur la pertinence de la Charte dans la lutte climatique pour le moment. Enfin, la Charte est un bon instrument avec une grande force d’interprétation de ses principes, à condition toutefois d’en avoir une interprétation ambitieuse par les juges.

    Tout repose donc sur l’interprétation des juges, et avoir l’inscription de la lutte contre le dérèglement climatique, en plus de la préservation de la biodiversité et de l’environnement, à l’article 1er de la Constitution, ne ferait plus aucun doute et réduirait la marge d’interprétation de certains juges qui n’oseraient pas faire une interprétation poussée de la Charte de l’environnement.

    “Il serait préférable de réfléchir à la manière de mieux faire appliquer et respecter la Charte de l’environnement plutôt que de prendre le risque, au mieux d’une redondance des mêmes notions au sein du bloc de constitutionnalité, au pire d’un affaiblissement de la Charte de l’environnement.”

    Notre Affaire à Tous :  Il s’agit d’inscrire de manière univoque la lutte contre le dérèglement climatique qui ne figure nulle part dans la Charte, laissant ainsi un grand pouvoir d’interprétation aux juges.

    “Le rapport abandonne la proposition d’inscription du principe de non régression au sein du bloc de constitutionnalité qui aurait pourtant pu être débattue.”

    Notre Affaire à Tous : C’est en effet un aspect que nous regrettons. Il faut néanmoins garder en tête que le comité légistique de la Convention Citoyenne a tenté de réduire la portée des propositions des 150 citoyens en les “lissant” autant que possible de manière à écarter certaines formulations.

    “Plus grave, cette proposition de révision comporte un risque sérieux de régression du droit de l’environnement. Ainsi, elle propose d’extraire les notions de « biodiversité » et « climat » de celle d’environnement qui, jusqu’à présent, les comprenait.”

    Notre Affaire à Tous La proposition inclut les 3 notions biodiversité, environnement et dérèglement climatique. En quoi cela risque t-il de créer une régression du droit de l’environnement qui est déjà en nette régression? Il n’a pas fallu attendre cette critique pour constater un affaiblissement du droit de l’environnement. Beaucoup de mesures gouvernementales sont prises qui, sous couvert de “simplification” du droit, font régresser de nombreuses dispositions environnementales. 

    On peut notamment citer le projet de loi ASAP, qui consacre “le fait accompli” en permettant aux préfets d’autoriser des travaux de construction industrielle en anticipant sur la délivrance de l’autorisation environnementale nécessaire (à la condition que le permis de construire ait été délivré et l’enquête publique réalisée), ou encore qui prévoit que l’avis donné par l’autorité environnementale ne pourra plus être réactualisé en fonction de l’évolution du dossier. Figurent aussi les atteintes à la participation du public avec le pouvoir confié aux préfets de dispenser d’enquête publique, au profit d’une simple consultation électronique, les projets ne nécessitant pas d’évaluation environnementale. De telles mesures constituent manifestement une régression, voire une “destruction” (selon les experts) du droit de l’environnement. 

    De même, le décret du 8 avril 2020 généralise le droit des préfets à déroger à de nombreuses normes réglementaires, notamment en matière environnementale. Un tel dispositif permettrait notamment l’accélération des dispositifs procéduraux dans l’implantation de projets destructeurs de l’environnement. Ce décret a d’ailleurs été attaqué devant le Conseil d’Etat par plusieurs associations, dont Notre Affaire à Tous.

    Affirmer que cette proposition de modification de la Constitution constitue un “risque sérieux de régression du droit de l’environnement” paraît donc totalement absurde et de mauvaise foi au regard des mesures précitées voulues par le Gouvernement.

    3. Sur la possibilité de soumettre ces deux propositions à référendum

    Les critiques portent sur la mise en oeuvre de l’article 11 de la Constitution pour l’adoption de la proposition de loi sur l’écocide et sur  l’article 89 de la Constitution pour la révision de la Constitution.

    Les principales critiques entendues

    “Un référendum ne peut porter sur la législation pénale. La matière pénale est exclue de l’article 11 de la Constitution, comme de nombreux constitutionnalistes l’ont dores et déjà souligné. Il n’est donc pas possible d’organiser un référendum sur l’écocide en l’état actuel de la rédaction de l’article 11 de la Constitution. Il faudrait considérablement maltraiter l’interprétation de l’article 11 pour considérer un référendum sur l’écocide.”

    Notre Affaire à Tous : Pour rappel, l’article 11 prévoit que le référendum ne peut porter que sur certaines matières : « (…) tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.”

    S’il est vrai que l’article 11 ne mentionne pas la loi pénale, il ne l’interdit pas non plus. La proposition de la Convention Citoyenne porte par ailleurs sur une modification du code de l’environnement et non du code pénal. En outre, l’environnement a déjà été une manière d’élargir l’interprétation des règles et traités en matière pénale. Ainsi, à travers son arrêt “Commission v. Conseil” du 13 septembre 2005, la Cour de Justice des Communautés Européennes (aujourd’hui CJUE) avait donné raison à la Commission et élargi les compétences de l’Union Européenne à l’harmonisation de la législation pénale entre les Etats-Membres. Une décision qui sera ensuite validée par le Traité de Lisbonne, qui donne compétence pénale à l’Union Européenne. Ainsi, l’environnement, qui apparaît comme un nouveau défi pour le droit, a régulièrement été une source de modification et d’amélioration du droit et des jurisprudences ; situation qui pourrait se répéter ici.

    On en revient donc à un enjeu politique, car de l’interprétation des juges constitutionnels dépendra la validité juridique de la proposition de la Convention Citoyenne. Comme la science, le droit est le reflet de nos sociétés. Raison pour laquelle l’état de nécessité ou encore le préjudice écologique ont été “découverts” et appliqués en premier par des juges, alors que ces notions n’étaient pas encore consacrées par la loi.

    “L’article 89 précise qu’un référendum [portant sur la révision de la Constitution] ne peut être engagé sans l’accord des deux assemblées : Assemblée nationale et Sénat. Pour être précis, un référendum a déjà été organisé sur le fondement de l’article 11 et non de l’article 89 pour réviser la Constitution. En 1962, le général de Gaulle a en effet soumis à référendum, sur le fondement de l’article 11 de la Constitution, un projet de révision de l’article 6 de la Constitution afin de prévoir l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Toutefois, ce choix a suscité une très vive controverse et n’a été possible qu’en raison de circonstances historiques très particulières. Il est peu probable que l’actuel président de la République procède ainsi”

    Notre Affaire à Tous : Le président de la République aura le choix de la procédure en décidant soit de soumettre la révision à référendum, soit de faire approuver la révision par un vote parlementaire pour aboutir à un texte identique par les deux assemblées, nécessitant de la part du président de la République de convaincre les parlementaires. On en revient à nouveau à un choix politique.

    Enfin, de manière générale, un référendum portant sur ces questions serait l’occasion d’un large débat sur les liens entre le contrat social et le contrat naturel et le moyen de construire ensemble un chemin commun vers la transition écologique.

    Nos ressources

    Notes

    1- Définitions alternatives retenues par le comité légistique :

    • Constitue un crime d’écocide, toute action généralisée ou systématique ayant causé un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste et non négligeable d’au moins une des limites planétaires [définies à l’article L XXX du code de l’environnement] et dont l’auteur savait ou aurait dû savoir qu’il existait une haute probabilité de ce dépassement.” 
    • Constitue un crime d’écocide, toute action généralisée ou systématique ayant causé un dommage écologique étendu et durable à l’environnement naturel consistant en une grave dégradation des éléments ou des fonctions des écosystèmes ou en une grave altération des qualités essentielles des sols, de l’eau ou de l’air commise alors que son auteur savait ou aurait dû en savoir les effets.”

    2- Définition alternatives retenues par le comité légistique :

    • “Art. 522-2 – Constitue un délit d’imprudence d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi, le règlement ou une convention internationale ayant causé directement ou indirectement un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste des limites planétaires [au sens de l’article L.XXX du code de l’environnement], s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.”
    • “Art. 522-2 – Constitue un délit d’imprudence d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi, le règlement ou une convention internationale ayant causé directement ou indirectement un dommage étendu et durable à l’environnement naturel consistant en une grave dégradation des éléments ou des fonctions des écosystèmes ou en une grave altération des qualités essentielles des sols, de l’eau ou de l’air s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». 

    3- La proposition alternative du comité légistique consiste à regrouper le délit d’imprudence d’écocide avec le délit de manque de devoir de vigilance des multinationales. Le comité légistique confère par ailleurs à la Haute Autorité des Limites Planétaires la tâche d’accompagner “les entreprises tenues d’élaborer un plan de vigilance au sens de l’article L.225-102-4 du code de commerce afin de les aider à évaluer la compatibilité de leur plan à la protection des limites planétaires.” Le devoir de vigilance des multinationales en matière d’écocide n’a donc pas été supprimé à travers la proposition alternative du comité légistique. Il aurait été toutefois préférable de prévoir l’obligation pour les multinationales de concevoir un plan de vigilance conforme aux limites planétaires et d’assigner à la Haute Autorité la tâche de contrôler le respect de cette obligation.

    4- L’idée initiale, inspirée du mouvement End Ecocide on Earth, est en effet de reconnaître l’écocide au même niveau que les crimes internationaux (crime de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crime d’agression) en modifiant le Statut de Rome instituant la Cour Pénale Internationale.

    5- Depuis 1994 et l’entrée en vigueur du code pénal français, seuls les délits et les infractions peuvent être non intentionnels.

    6- Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’article 121-3, alinéa 1er, du code pénal.

    7- En effet, au regard de l’alinéa 2 de l’art. 121-3 du code pénal, « lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas d’imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. »

    8- Voir notamment l’interviwew d’Alexandra Palt, directrice générale de la Responsabilité sociétale et environnementale (RSE) et membre du Comex de L’Oréal: https://www.novethic.fr/actualite/entreprise-responsable/isr-rse/alexandra-palt-directrice-generale-de-la-responsabilite-societale-et-environnementale-l-oreal-doit-evoluer-dans-les-limites-planetaires-148713.html

    9- Afin d’envisager, en droit national, la poursuite des atteintes aux communs planétaires ou à un système écologique de la Terre, il conviendra de prévoir la possibilité d’appréhender les actes commis sur le territoire national comme le prévoient les articles 113-2 à 113-5 du Code pénal ainsi que les infractions commises hors du territoire de la République (articles 113-6 à 113-14 code pénal). Dans le cas d’un recours, le juge pourra ainsi disposer d’un outil d’appréciation indispensable pour ordonner les mesures qui s’imposent. Un tel cadre ouvrirait la voie à une justice préventive climatique, environnementale et sanitaire.

    10- Il s’agira ici de prendre en compte différents éléments tels que la personnalité de l’auteur, la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

    11- Cette révision du préambule de la Constitution a depuis été rejetée par le président de la République. 

     

  • CP / Convention citoyenne pour le climat : Plus de 60 collectifs demandent à Emmanuel Macron le moratoire promis sur les infrastructures commerciales en périphérie

    Communiqué de presse – 6 juillet 2020

    Plus de 60 collectifs locaux d’habitants de toute la France mobilisés contre des projets de zones commerciales ou entrepôts de e-commerce ont adressé ce matin une lettre ouverte au Président de la République. Une semaine après son allocution à la Convention Citoyenne pour le Climat au cours de laquelle il s’est déclaré favorable à un moratoire sur les équipements commerciaux, les citoyens exigent l’application immédiate et sans restriction de la promesse présidentielle d’instaurer cette mesure. Décryptage. 

    Il y a une semaine, les 150 citoyens de la Convention Citoyenne pour le Climat ont formulé un jugement univoque au sujet des infrastructures commerciales : « Il est nécessaire de prendre immédiatement des mesures coercitives pour stopper les aménagements de zones commerciales périurbaines très consommatrices d’espace ». 

    En France ce sont plus d’une cinquantaine d’infrastructures commerciales en gestation qui sont concernées. Rapidement après l’allocution du Président de la République, plus de 60 collectifs citoyens mobilisés face à ces infrastructures sur leur territoire ont décidé de porter une voix commune et nationale pour préserver des emplois de proximités, protéger la biodiversité et limiter les émissions de gaz à effet de serre et l’artificialisation des sols dans leur localité.

    Ces citoyens et citoyennes qui ont en commun de se battre tous les jours pour mettre fin à ces projets se sont unis afin d’obtenir dans les plus brefs délais la mise en place d’un moratoire ambitieux et cohérent. 

    Alors que le Président de la République a manifesté fortement son soutien à cette mesure lors de son allocution du 29 juin, les citoyens craignent qu’elle ne soit édulcorée par le Gouvernement puis par le Parlement lors du dépôt du projet de loi destiné à traduire les propositions des 150 à la fin de l’été. En effet, l’allocution du Président de la République manque de clarté, source d’inquiétude pour de nombreux collectifs. Alors que 26 000 emplois des commerces non alimentaires et de proximité seront détruits en 2020, des dizaines de milliers supplémentaires sont menacés par les projets en gestation. 

    Le discours d’Emmanuel Macron n’aborde pas explicitement le cas des entrepôts de e-commerce qui se multiplient sur le territoire à l’image des 12 projets de plateformes logistiques qu’Amazon et Alibaba s’apprêtent à construire en France. Ces entrepôts aggravent également l’artificialisation des sols, font exploser les produits importés et l’empreinte carbone de la France, et détruisent des dizaines de milliers d’emplois dans la grande distribution et les commerces de proximité. 

    Les signataires de la lettre ouverte insistent également sur le fait d’inclure les surfaces commerciales et entrepôts e-commerce qui s’implantent sur des sols déjà artificialisés. En effet, certains projets sont des transformation de bâtiments existants en équipements commerciaux. Exclure cette dimension du moratoire ne permettrait pas de limiter efficacement les destructions d’emplois et les émissions de gaz à effet de serre. Les signataires rappellent enfin que de nombreux projets sont avancés et qu’une dizaine d’entre eux pourraient être autorisés dans les prochaines semaines, tels que l’entrepôt Amazon à Belfort, ou voir leur travaux entamés, telle que l’extension du centre commercial Rosny 2. 

    Ces collectifs craignent que d’ici à ce que la mesure soit adoptée, l’Etat valide les projets en cours d’étude. Si c’était le cas, la portée du moratoire serait très limitée, et de nombreux projets verraient finalement le jour malgré l’adoption cette mesure. Ils demandent par conséquent que soient gelées les autorisations environnementales délivrées par l’Etat dès maintenant et jusqu’à ce que la mesure soit votée. 

    Pour que la mesure annoncé par le Président demeure fidèle au travail des citoyens, les collectifs le répètent : Malgré le manque de précision de l’intervention du Président au sujet du moratoire, si la mesure reste fidèle au travail des citoyens, le moratoire devra intégrer les entrepôts de e-commerce, les transformations de bâtiments en équipements commerciaux et les procédures en cours gelés.

    C’est en tout cas, ce que les citoyens de la convention avaient entendus inclure dans cette mesure. En attendant la concrétisation de la promesse présidentielle des rassemblements vont être organisés devant les différentes préfectures de France à partir d’aujourd’hui et pendant les jours et semaines à venir jusqu’à obtenir le gel des autorisations par l’Etat et un moratoire ambitieux.

    Contacts presse

    • Les Amis de la Terre – Alma Dufour : 0667923689
    • Notre Affaire à Tous – Chloe Gerbier : 0646435509
  • Décryptage à la veille d’une décision historique : Quelle application du droit de l’environnement face aux politiques routières ?

    Par Justine BALNUS, Eléonore DORLHAC, Chloé GERBIER, Hélène GUIBERT et Edgar PRIOUR-MARTIN, membres du groupe « Recours Locaux » de Notre Affaire à Tous.

    A la veille d’une décision historique (1) sur la responsabilité de l’Etat en matière de mesures relatives à la qualité de l’air, Notre Affaire à Tous apporte un éclairage sur les enjeux environnementaux des politiques routières en France.

    La France dispose du réseau routier le plus dense en Europe. Malheureusement, cela ne l’empêche pas de continuer d’investir massivement dans des projets d’envergure, tels que le Grand Contournement Ouest de Strasbourg (GCO), dont le coût total est estimé à près de 600 millions d’euros (financés par l’exploitation du tronçon construit par le concessionnaire)

    Pourtant, le Parlement a fixé des objectifs ambitieux dans la mise en oeuvre des politiques de mobilité sur le territoire, que ce soit en matière de qualité de l’air ou de préservation de la biodiversité. Les stratégies nationales se multiplient à cet effet ; mais sans parvenir à se concrétiser.

    La diversité des acteurs publics responsables (Etat et collectivités territoriales), l’encadrement normatif insuffisant et la priorité donnée par le juge aux objectifs économiques ne permettent pas de se rapprocher des objectifs évoqués.

    Alors, la lutte se poursuit : on ne compte plus le nombre des collectifs d’habitants se formant à l’encontre des projets routiers, soucieux de la protection de l’environnement, des deniers publics, ou tout simplement de leur santé. Notre Affaire à Tous soutient actuellement deux d’entre eux dans leurs démarches.

    1. Revue historique et enjeux du patrimoine routier français

    A qui appartiennent les routes françaises ?

    Parce qu’elle fait intervenir de nombreux acteurs publics, l’extension du réseau routier français manque de coordination et ses effets cumulés sont mal connus.

    Historiquement, la France dispose d’un patrimoine routier extrêmement important : 1 104 000 kilomètres de routes composent ce réseau, soit une densité de 16 464 kilomètres par million d’habitants, de loin la plus importante d’Europe (2) :

    Ce réseau gigantesque est principalement composé des voies départementales (34,3 %) et communales (63,8 %). Ce sont ces dernières qui portent l’expansion inexorable du réseau : alors que la longueur du réseau routier national a augmenté de 12 % entre 1998 et 2018, celle des voies communales a augmenté de 19,8 %, soit 114 665 km de voies communales de plus.

    Or la construction extensive de ces voies communales est, par définition, portée par les communes (et, désormais, les intercommunalités lorsqu’elles sont compétentes). Bien entendu, ces projets coûteux font presque toujours l’objet d’un cofinancement avec les départements et/ou l’État ; mais les décisions sont prises au niveau communal ou intercommunal.

    L’artificialisation des sols causée par l’extension du réseau routier passe donc par des centaines de projets de taille modeste, décidés au niveau local par les collectivités propriétaires (3). Il s’agit notamment de voies de contournement de centre-bourg. 

    Quels enjeux entourent les projets routiers ?

    • L’artificialisation des sols

    L’artificialisation des sols correspond à un « changement d’état effectif d’une surface agricole, forestière ou naturelle vers des surfaces artificialisées, c’est-à-dire les tissus urbains, les zones industrielles et commerciales, les infrastructures de transport et leurs dépendances, les mines et carrières à ciel ouvert, les décharges et chantiers, les espaces verts urbains (espaces végétalisés inclus dans le tissu urbain), et des équipements sportifs et de loisirs y compris des golfs » (4).

    Parce qu’elle entraîne des conséquences sur la nature (perte de ressources en sol pour l’usage agricole et pour les espaces naturels, imperméabilisation des sols entraînant une vulnérabilité aux inondations, impact sur la biodiversité), l’artificialisation des sols constitue un enjeu majeur de débat public et de préoccupations politiques. 

    Alors qu’en moyenne, les pays de l’Union Européenne comptent 4,3 % de terres artificialisées en 2012, la France en comptait 6,9 % en 1992, et 9,3 % en 2015 (5).

    • La pollution atmosphérique

    Premier sujet de préoccupation environnementale des français, la pollution de l’air est liée aux phénomènes naturels (érosion des sols, éruptions volcaniques…) et aux activités humaines (transports, industries, production énergétique, agriculture). En 2016, le transport routier a représenté une part importante de la pollution de l’air, de l’ordre de 15% des émissions moyennes métropolitaines de particules fines PM2.5. 

    Or, la pollution atmosphérique entraîne des conséquences importantes sur la santé humaine et sur le climat.

    En effet, la pollution de l’air joue un rôle majeur sur le développement de maladies chroniques (cancers, pathologies cardiovasculaires et respiratoires). Ces maladies sont susceptibles de se développer après plusieurs années d’exposition aux particules, même à de faibles niveaux de concentration. 

    D’autres effets sont de plus en plus mis en évidence notamment sur la reproduction, le risque de naissance prématurée, les atteintes du développement neurologique de l’enfant, la démence chez les personnes âgées…

    Santé Publique France (ANSP) estime que la pollution par les particules fines (PM2,5, de taille inférieure à 2,5 micromètres) émises par les activités humaines est à l’origine chaque année, en France continentale, d’au moins 48 000 décès prématurés par an, ce qui correspond à 9 % de la mortalité en France et à une perte d’espérance de vie à 30 ans pouvant dépasser 2 ans (6).

    S’agissant des effets sur le climat, la pollution de l’air joue également un rôle majeur. Les neiges, pluies, brouillards deviennent acides sous l’effet des polluants. En conséquence, les écosystèmes sont altérés, les lacs et les cours d’eau sont acidifiés. Par ailleurs, cela change les propriétés des sols et menace ainsi la faune et la flore. 

    Enfin, la pollution de l’air contribue à accroître l’effet de serre et par conséquent le réchauffement climatique (7).

    2. Objectifs politiques et législatifs autour des mobilités

    Quel avenir pour les mobilités individuelles ?

    Déjà en 2017, on pouvait constater que « le secteur des transports est aujourd’hui le premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre, à hauteur d’un tiers, et le seul secteur dont les émissions ont recommencé à augmenter. Le modèle d’équipement du pays reposant sur les infrastructures [routières] et le moteur thermique ne répond plus aux besoins d’aujourd’hui » (8).

    En 2020, la Convention citoyenne pour le climat fait le même constat et formule onze recommandations afin de favoriser les mobilités durables, notamment en diminuant le besoin en déplacements motorisés et leur distance, et en augmentant la part des modes de transport moins énergivores.

    La France, mauvaise élève

    La pression normative existant sur les mobilités relève principalement de la législation concernant la qualité de l’air, comme nous avons pu le souligner. 

    La France fait office de mauvaise élève dans ce domaine. En avril 2015, la Commission européenne a rendu à ce sujet un avis motivé relatif à la qualité de l’air, invitant la France à respecter la législation de l’Union Européenne. Cet avis concerne directement le manquement au respect des valeurs limites de pollution de l’atmosphère par les particules de taille inférieure à 10 μm (PM10) et les oxydes d’azote 20 (NOx). Face à une réaction trop modérée de la France la Cour de justice de l’Union européenne a été saisie le 11 octobre 2018 au sujet du dépassement des limitations en oxydes d’azote.   

    De son côté le Conseil d’État a, dans une décision du 12 juillet 2017, « enjoint au Premier ministre et au ministre chargé de l’environnement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour [douze zones urbaines], un plan relatif à la qualité de l’air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l’article R. 221-1 du code de l’environnement dans le délai le plus court possible et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018 ». 

    La Cour des comptes européenne signale pour sa part que « les normes établies dans la directive [2008/50/CE] sont trop peu contraignantes au regard des effets avérés de la pollution atmosphérique sur la santé » (9).

    Malgré ces avertissements, dans un arrêt du 24 octobre 2019, la France a été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne pour non-respect de la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air ambiant, et plus spécifiquement pour « dépassement de manière systématique et persistant » des valeurs limites de concentration pour le dioxyde d’azote (NO2) ; alors même que le respect de cette directive ne serait pas suffisant selon la Cour européenne des comptes !

    Des stratégies nationales favorables à la mobilité durable

    La France n’a donc pas d’autre choix que de faire évoluer sa législation en matière de pollution de l’air. C’est dans cette optique que la loi d’orientation des mobilités (LOM) est adoptée en décembre 2019. Celle-ci entend « Accélérer la transition énergétique, la diminution des émissions de gaz à effet de serre et la lutte contre la pollution et la congestion routière, en favorisant le rééquilibrage modal au profit des déplacements opérés par les modes individuels, collectifs et de transport de marchandises les moins polluants, tels que le mode ferroviaire, le mode fluvial, les transports en commun ou les modes actifs, en intensifiant l’utilisation partagée des modes de transport individuel et en facilitant les déplacements multimodaux ».

    La LOM procède d’une stratégie globale visant à diminuer les déplacements automobiles en investissant massivement (13,4 milliards) d’ici 2022 dans les mobilités avec une part s’élevant aux trois quarts pour le ferroviaire.

    De la même façon, plusieurs stratégies nationales voient le jour, telles que la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), ou l’objectif affiché de « zéro artificialisation nette » (10). Mais ces objectifs ambitieux paraissent en opposition avec la multiplication des axes routiers.

    Dès lors il convient de s’interroger sur la transcription de tels objectifs. En effet, la multiplication des axes routiers que nous avons évoquée s’inscrit en opposition avec la ligne stratégique de la France.

    3. L’encadrement normatif des projets routiers

    Une stratégie nationale pour des règlementations locales : une différence d’échelle problématique

    L’Autorité environnementale souligne un axe de réponse à ces incohérences : « Ce cercle vertueux se heurte à des questions d’échelle. À l’évidence, l’échelle d’un projet ponctuel est rarement la seule pertinente pour procéder à cette évaluation. Inversement, le niveau national ou européen ne constitue pas non plus le seul bon niveau, car il ne tient pas assez compte des besoins locaux et régionaux de mobilité » (11).

    Ce problème d’échelle est essentiel en ce qui concerne les projets routiers, qui sont majoritairement conçus et mis en œuvre à l’échelle des collectivités. La problématique est donc celle de la transposition d’objectifs peu contraignants à l’échelle des projets. 

    L’Autorité environnementale estime ainsi que « la prise en compte des enjeux environnementaux, notamment les objectifs de la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou encore la réduction des risques sanitaires environnementaux, n’est pas placée à un niveau suffisant dans la construction d’infrastructures routières ».

    Mais la problématique peut aussi se lire dans le sens inverse, aucun objectif de zéro artificialisation ne peut être concrétisé si les collectivités ne se l’approprient pas. 

    En effet, le respect de ces objectifs apparaît comme étant piloté à l’échelle nationale et chacun semble s’attendre à ce que leur résultat advienne de lui-même, alors que ce n’est qu’en l’appliquant à l’échelle des collectivités qu’il a une chance de se concrétiser. 

    Mais, « Les moyens des collectivités pour élaborer leurs plans et les concrétiser sont limités et il existe des inégalités territoriales en termes de ressources financières, humaines, d’expertise ou de tissu économique. Les contraintes peuvent être d’ordre budgétaire mais aussi émaner des priorités d’arbitrages au sein des collectivités. Ceci a des implications sur l’élaboration des plans mais également sur leur suivi et leur évaluation. De même, cela limite la capacité des collectivités à coordonner les ambitions et actions aux échelles nationale, régionale et locale ». 

    Ainsi, nous retrouvons l’écueil classique dans la mise en place des politiques environnementales, que l’on rencontre également dans le domaine des plans Écophytos, ou dans le traitement des passoires énergétiques. Une politique environnementale ambitieuse mais malheureusement, dénuée des moyens nécessaires pour atteindre les objectifs fixés. 

    La reconnaissance par le juge de l’utilité publique des projets routiers

    Au delà du trafic routier, la construction, la présence et l’entretien des infrastructures routières consomment des ressources naturelles, impactent les milieux naturels et rejettent des émissions dans l’air. Il est donc intéressant d’analyser la jurisprudence en matière de construction d’infrastructures routières.

    Une route traverse nécessairement des terrains privés (notamment agricoles), par conséquent ces projets conduisent  à un certain nombre d’expropriations. Pour autoriser celles-ci, le projet en cause doit être déclaré d’utilité publique, soit par arrêté préfectoral, soit par décret ministériel, en fonction de l’importance du projet. 

    Le juge administratif opère un contrôle des déclarations d’utilité publique (DUP) d’après la théorie jurisprudentielle du « bilan coûts/avantages », selon laquelle une opération ne peut légalement être déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d’ordre social ou l’atteinte à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs par rapport à l’intérêt qu’elle présente (Conseil d’État, Ass., 28 mai 1971, n° 78825, « Ville Nouvelle Est »). 

    Le coût du projet pour la collectivité, l’environnement et la sécurité des passagers sont les trois éléments clés d’appréciation du bilan coûts/avantages d’une DUP concernant un projet de construction d’infrastructure routière. Mais, on peut noter une part de subjectivité du juge sur l’effet de contre-balance des inconvénients, notamment environnementaux, par rapport au coût économique et/ou la sécurité des usagers. De ce constat résulte une timidité du juge à annuler les DUP concernant de grands projets d’infrastructure routière. 

    Pour rappel, un tel projet doit faire l’objet d’une enquête publique et d’une étude d’impact avant d’être déclaré d’utilité publique. Or il ressort de la jurisprudence du Conseil d’État qu’une étude d’impact sera considérée comme illégale si ses « inexactitudes, omissions ou insuffisances […] ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative » (12).

    De plus, on peut relever que l’impact environnemental n’est que lapidairement invoqué et semble secondaire compte tenu des avantages résultant du coût pour la collectivité, d’une baisse des nuisances liées au bruit et à la pollution, et de la sécurité routière des usagers. A titre d’exemple le Conseil d’État considère que les inconvénients environnementaux tels que l’impact sur les sols agricoles et les paysages, l’augmentation des nuisances sonores dans certains endroits et l’émission des gaz à effet de serre due à la circulation à vitesse élevée ne retire pas au projet son caractère d’utilité publique compte tenu de la part réduite de financement public (grâce au régime de la concession) et des mesures prises afin de réduire les effets dommageables pour l’environnement (13). 

    L’impact financier pour les collectivités publiques est donc souvent un élément décisif permettant au juge administratif de prononcer l’annulation ou pas d’un arrêté ou d’un décret de déclaration d’utilité publique. Ainsi, le décret portant déclaration d’utilité publique de la LGV Poitiers-Limoges a été annulé pour des motifs tenant au financement du projet, mais pas pour ses effets sur l’environnement (14). En effet, l’évaluation de la rentabilité économique et sociale du projet est inférieure au niveau habituellement retenu par le Gouvernement pour apprécier si une opération peut être regardée comme utile, en principe, pour la collectivité. L’étude d’impact est aussi critiquée car elle ne contient aucune information précise relative au mode de financement et à la répartition envisagés pour ce projet. 

    Même s’il est déjà arrivé que le Conseil d’État annule une DUP lorsque le projet multiplie les atteintes à l’environnement (15), celles-ci sont tout de même mieux prises en compte par les juges du fond. A titre d‘exemple, dans une décision de la Cour administrative d’appel de Nancy (16), le juge a considéré que compte tenu des inconvénients d’ordre financier, environnemental et patrimonial qu’elle comporte, la réalisation d’une autoroute ne présente pas le caractère d’utilité publique. La Cour administrative d’appel de Versailles a également annulé le projet de création d’une infrastructure de liaison pour des motifs environnementaux (17). 

    Cependant, cela ne signifie pas pour autant que ces juridictions minorent les considérations économiques. Ainsi la Cour administrative d’appel de Lyon a annulé l’arrêté déclarant d’utilité publique le projet d’aménager une voie communale sur une distance de 980 mètres en considérant que, « sans qu’il y ait lieu de rechercher si les atteintes à la propriété privée seraient excessives, le coût du projet doit tant au regard du trafic attendu que de la capacité financière de la commune, être regardé à lui seul comme excessif au regard du faible intérêt de l’opération, et comme de nature à lui retirer son caractère d’utilité publique » (18). 

    En conclusion, il ressort de la jurisprudence administrative qu’il est difficile d’obtenir l’annulation d’un arrêté ou d’un décret de déclaration d’utilité publique. Et même lorsque le juge prononce une telle annulation, celui-ci retient rarement des motifs uniquement environnementaux. 

    4. Le monde d’après : mode d’emploi

    Appliquer effectivement le droit de l’environnement

    On peut regretter que le juge administratif ne se soit pas saisi plus vigoureusement des enjeux environnementaux. Pourtant, force est de constater que la conception des projets routiers se fait largement sans prendre en compte l’environnement. 

    C’est le constat que dresse l’Autorité environnementale dans une note consacrée aux projets d’infrastructure routière en 2019. Saisie des plus importants dossiers impliquant des aménagements routiers, elle relève « pour la plupart, malgré des améliorations récentes, des lacunes significatives persistantes », tant en ce qui concerne la qualité des études d’impact que la prise en compte de l’environnement par les projets (19). 

    Ce constat d’insuffisance concerne notamment les études de trafic (qui fondent la justification du projet), ainsi que la quasi-absence de propositions « de mesures d’évitement, de réduction ou de compensation des émissions de gaz à effet de serre, malgré les engagements pris par la France d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon de 2050 et en dépit du constat récent que les émissions du secteur des transports se remettent à augmenter ». 

    L’Autorité se rend bien compte que « la prise en compte de l’environnement intervient de fait après les choix les plus structurants ». Elle relève que la recherche de variantes au projet permettant d’éclairer ce choix devrait prendre en compte « l’ensemble des modes de déplacement possibles pour satisfaire les besoins de mobilité, au lieu de reposer sur des options relevant du seul mode routier », alors même que « le respect du principe de participation du public à la décision se fonde en grande partie sur la qualité de la présentation des variantes et des hypothèses d’utilisation de l’infrastructure à l’avenir » (20).

    Bien que la France soit signataire de l’Accord de Paris, et qu’elle vise la neutralité carbone en 2050 après l’adoption de son Plan Climat en 2017, l’Autorité environnementale relève que les maîtres d’ouvrage des projets routiers « n’intègrent pas véritablement cette orientation ».  Dans les projets de modification d’infrastructure, ceux-ci « arguent ainsi de l’absence d’effet de l’infrastructure sur le trafic […] pour justifier la neutralité de l’infrastructure en matière d’émissions de gaz à effet de serre ». Certains projets vont même jusqu’à suggérer « que ces émissions de gaz à effet de serre seraient en diminution, du fait de l’amélioration de la fluidité d’un trafic sous l’hypothèse postulée mais quasiment jamais démontrée que celui-ci n’augmenterait pas ».

    A en croire certains maîtres d’ouvrage, construire des routes n’augmenterait donc pas le trafic. Ceux-ci considèrent que « la baisse des émissions de gaz à effet de serre relève implicitement de la seule responsabilité des autres parties prenantes, et notamment des constructeurs automobiles », alors que la neutralité carbone nécessite « les efforts de tous, y compris des gestionnaires et constructeurs d’infrastructure ainsi que des planificateurs de la mobilité […] ce qui suppose, au préalable, une impulsion volontariste et exemplaire à l’échelle du réseau national […] et du réseau concédé par l’Etat et au stade de prise des décisions d’aménagement des infrastructures ». 

    En fait, même les suppléments d’émissions de gaz à effet de serre et de consommation d’énergie liées aux fonctionnalités mêmes des projets ne sont pas évalués […], « ce qui semble anachronique et est contraire aux dispositions du code de l’environnement relatifs à l’évaluation environnementale des projets d’infrastructure de transport », ce qui importe lorsque l’on sait que « La phase de construction de l’infrastructure est également source d’émissions de [gaz à effet de serre], parfois à un niveau important (ouvrages souterrains, grands remblais nécessitant des liants à la chaux…). Le maître d’ouvrage n’indique que très rarement quelles mesures il prend pour limiter ces émissions liées aux travaux » (21).

    Réduire notre dépendance à la route

    La dépendance aux travaux routiers dépend directement de notre dépendance aux déplacements automobiles. Il est toutefois possible d’agir dans une certaine mesure pour s’en émanciper. Cela passe principalement par le recours accru aux modes de transport alternatif :  transports collectifs,  fret ferroviaire et fluvial, covoiturage et pour les petits déplacements, vélo,  trottinette, marche à pied.

    Les enjeux de la mobilité alternative sont multiples : le gain de temps dans les embouteillages, la baisse des budgets des ménages sur les déplacements individuels, diminution de la pollution de l’air. 

    De nombreuses pistes afin de jouer sur ces facteurs ont d’ores et déjà vu le jour. La gratuité des transports en commun dans la collectivité de Grande Synthe en est un exemple criant. Des plaidoyers concernant des restrictions publicitaires sur les véhicules les plus polluants (SUV), un développement de l’intermodalité accru (Vélo-Train) ainsi que la suggestion par la Convention Citoyenne pour le Climat de plafonner la vitesse autoroutière à 110/km sont autant de proposition visant à réduire notre attachement aux mobilités individuelles et carbonées. 

    Si ces alternatives sont envisagées, et poussées par des politiques publiques ambitieuses, les projets actuels n’en paraîtront que moins légitimes et deviendront injustifiables.

    Lutter contre les projets en cours

    • Quelles luttes ont lieu contre ces projets ? Pour quels résultats ?

    Autour de ces projets routiers, des collectifs d’habitants se forment la plupart du temps. Les arguments échangés sont souvent les mêmes : l’objectif d’améliorer le cadre de vie des habitants et l’attractivité du territoire affiché par la collectivité s’oppose à tous les inconvénients présentés par le nouveau tracé, que ce soit en termes d’intérêts particuliers (expropriation, déplacement des nuisances…) ou d’intérêt général (coût, artificialisation des sols, coupure des continuités écologiques…).

    La mobilisation des habitants est souvent décisive dans la (non-)réalisation de ces projets. Les exemples sont nombreux (22). Parfois, elle permet de provoquer un référendum local (un outil toujours à la disposition des maires), voire de repousser ou d’empêcher la réalisation des travaux.

    Aujourd’hui, il existe plus d’une trentaine de projets routiers en cours en France (23). La carte des luttes en cours contre ces projets est à retrouver sur Reporterre.

    Fin 2019, Notre Affaire à tous a été saisie par deux associations concernant la construction de nouvelles routes départementales dans le Cantal (15) et dans le Nord (59). Ces associations mettent en cause l’intérêt à construire ces routes dans un contexte de crise environnementale. Les initiateurs locaux des projets mettent en avant la fluidité routière aux fins d’attractivité économique de ces territoires, mais plusieurs voix s’élèvent et contestent leur mise en oeuvre.

    Le contournement du village d’Ussel (500 habitants), dont l’activité économique perdure encore grâce au passage des routiers, empiéterait sur une zone Natura 2000 pour un gain de temps d’une minute sur le trajet entre Aurillac et l’autoroute A 75 pour rejoindre Clermont-Ferrand ou Montpellier d’un côté ou de l’autre… L’absurdité du projet avait déjà été dénoncée par Charlie Hebdo dans un article paru le 13 mars 2019.

    A l’autre bout de la France, les habitants de Maubeuge portent la même croix. Si l’utilité du projet reste encore à démontrer, le contournement nord de Maubeuge viendrait cette fois s’installer sur une zone humide, remarquable par sa biodiversité. 

    Autre point commun de ces deux luttes : l’absence d’écoute et de remise en question des projets par les élus départementaux, convaincus que la bétonisation des territoires encore préservés viendrait booster l’activité économique. Tant pis pour l’environnement ! 

    Entre le « Make the planet great again » et les projets routiers qui fourmillent sur le territoire français, difficile de s’y retrouver. Il conviendrait de mettre un terme à cette dissonance cognitive, en appliquant des outils aussi ambitieux que les annonces politiques.

    Notes

    1. Le 3 juillet 2020, le Conseil d’Etat va rendre sa décision sur le recours formé en octobre 2018, par 77 requérants pour dénoncer l’inertie du gouvernement à prendre des mesures relatives à la qualité de l’air. 
    2. Datalab, Chiffres clés du transport, Édition 2020
    3. En France, 34967 communes sont regroupées au sein de 1253 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, dont 975 sont compétents en matière de voirie
    4. Définition de l’artificialisation  des sols de l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers (OENAF), adaptée de CORINE Land Cover, source statistique d’analyse des changements d’affectation des sols européens
    5. Site du Gouvernement, Artificialisation des sols
    6.  « Qualité de l’air : Sources de pollution et effets sur la santé », Ministère des Solidarités et de la Santé, publié le 26 décembre 2018, mis à jour le 20 mai 2019
    7. « La pollution : des effets néfastes pour l’environnement et la santé », MtaTerre, mis à jour en janvier 2019
    8. Conclusions des assises de la mobilité du 13 décembre 2017 
    9. « Pollution de l’air : notre santé n’est toujours pas suffisamment protégée », Cour des comptes européenne, Rapport spécial n° FR- 2018-23, 11 septembre 2018 
    10. Pour atteindre cet objectif en 2030, il conviendrait à la fois de réduire de 70 % l’artificialisation brute des sols, et de renaturer 5500 hectares par an, selon France Stratégie (voir hyperlien).
    11. Note de l’Autorité environnementale sur les projets d’infrastructures de transport routières, n°2019-N-06, 23 janvier 2019 , pages 26-27 
    12. Conseil d’État, 10 juillet 2019 n° 423751 ; Conseil d’État, 30 janvier 2020, n° 419837
    13. Conseil d’État, 10 juillet 2019, n° 423751, précité
    14.  Conseil d’État, 15 avril 2016, n° 387475
    15. Voir par exemple : Conseil d’État, 10 juillet 2006, n° 288108, Association interdépartementale et intercommunale pour la protection du lac de Sainte-Croix les lacs et sites du Verdon
    16. Cour administrative d’appel de Nancy, 4 mai 2020, n° 18NC02252
    17. Cour administrative d’appel de Versailles, 23 janvier 2020, n° 17VE02091-17VE02109
    18. Cour administrative d’appel de Lyon, 30 novembre 2006, n° 03LY00749
    19. Note de l’Autorité environnementale sur les projets d’infrastructures de transport routières, page 3 
    20. Ibid. pages 4 et 15
    21. Ibid., page 17
    22. On peut citer par exemple les mobilisations autour de Porto Vecchio, Hèches, Les Sables d’Olonne, Lespares, parmi tant d’autres. 
    23. A titre d’exemples, on peut citer : « Grand contournement ouest » autoroutier, dit GCO à Strasbourg (Bas-Rhin); « Nouvelle route du littoral » à La Réunion ; 2×2 Beaupréau – St Pierre à Beaupréau-en-Mauges ; Avenue du Parisis à Deuil-la-Barre (Val-d’Oise) ; Barreau de raccordement à Charleville-Mézières (Ardennes) ; Construction d’un pont sur la Loire à Mardié (Loiret) ; Construction du pont d’Achères à Achères (Yvelines) etc…
  • Numéro 7 de la newsletter des affaires climatiques – Libertés fondamentales, protection de la santé et crise environnementale

    Pour le septième numéro de la newsletter des affaires climatiques, Notre Affaire à Tous se concentre sur la protection de la santé et des libertés fondamentales face à la crise environnementale !  

    Cette newsletter fait notamment un focus sur la protection de la santé et de l’environnement dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, sur l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé et de l’environnement dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel et sur l’environnement et la santé dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme. Nous vous proposons également un panorama des affaires climatiques internationales de ces derniers mois (Massachussetts v. ExxonMobil, High Court of New Zealand, Smith v. Fonterra Co-Operative Group limited, Greenpeace Pologne c. PGE GiEK) et quelques affaires environnementales

    L’ambition de cette newsletter ? Donner les moyens à toutes et tous de comprendre les enjeux de telles actions en justice face à l’urgence climatique ! Abonnez-vous pour recevoir, chaque mois, les actualités et informations sur ces affaires qui font avancer, partout dans le monde,nos droits et ceux de la nature face aux dégradations environnementales et climatiques : le combat qui se joue dans les tribunaux est bien celui de la défense des pollués face aux pollueurs, nouvel enjeu du XXIe siècle.

    Focus santé et environnement

    Protection de la santé et l’environnement – Conseil Constitutionnel

    La constitutionnalisation de la santé et de l’environnement n’ont pas débuté à la même période. Il est aisé de donner une explication à cette situation : si la santé a toujours été une préoccupation des sociétés humaines, la question de la protection de l’environnement est une notion tout à fait moderne, qui n’a rencontré de véritable écho politique seulement dans les dernières décennies. Les deux notions sont, pourtant, indéniablement liées. Si, aujourd’hui, l’être humain s’intéresse à la protection de l’environnement, c’est d’abord pour protéger sa santé. 

    L’OVC de protection de la santé et de l’environnement

    La Loi sur la communication audiovisuelle du Conseil Constitutionnel a introduit la notion d’objectif à valeur constitutionnelle (OVC) en 1982. Dans un premier temps, le Conseil Constitutionnel y entendait « la sauvegarde de l’ordre public, le respect de la liberté d’autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d’expression socio-culturels ». Plusieurs décisions sont venues préciser le contenu, augmenter le champ ou exposer les conséquences de cette notion. L’octroi de ce statut a pour fondement le fait de mettre en œuvre des principes issus du bloc de constitutionnalité. Les OVC ne créent pas de droits mais constituent des buts à atteindre. Ils se traduisent par une obligation de moyen. Ce sont de précieux outils pour le législateur afin de justifier des dérogations limitées à des exigences constitutionnelles et surtout de les concilier entre elles.

    Environnement et santé dans la jurisprudence de la CEDH

    La Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ne contient aucune référence implicite ou explicite à l’environnement. Cela s’explique par le fait que la Convention a été signée par les Etats membres du Conseil de l’Europe en 1950, bien avant l’émergence de préoccupations environnementales sur la scène internationale. Si par la suite, plusieurs initiatives ont tenté de faire adopter un Protocole additionnel, consacrant le droit de vivre dans un environnement sain, rattaché à la Convention, ces dernières se sont toutes heurtées à la frilosité des organes politiques du Conseil de l’Europe. 

    Nonobstant l’absence d’un droit à l’environnement, à la faveur d’une approche évolutive tenant compte des évolutions de la société, le juge de Strasbourg a développé une jurisprudence en matière environnementale reposant principalement, mais pas uniquement, sur le nexus santé et environnement. Cette jurisprudence consacre une protection par ricochet d’un droit à l’environnement lorsque la dégradation de l’environnement peut compromettre l’exercice des droits garantis par la Convention. 

    Affaires climatiques internationales

    The Commonwealth of Massachussetts v. ExxonMobil Corporation

    En parallèle de l’action menée par l’État de New York, l’État du Massachusetts, par l’intermédiaire de sa procureure générale Maura Healey, a également intenté une action en justice contre ExxonMobil Corporation devant la Cour de son État, le 24 octobre 2019. A la différence du contentieux entre Exxon et l’État de New York, qui reposait uniquement sur la fraude en matière financière, Maura Healey a accusé le géant pétrolier d’avoir trompé les consommateurs du Massachusetts, en plus des investisseurs, sur les risques posés par son activité sur le changement climatique. 

    Exxon a riposté en demandant à ce que l’affaire soit jugée par un tribunal de droit fédéral, qui lui aurait été plus favorable. Lors d’une audience du 17 mars 2020, la Cour fédérale du Massachusetts a rejeté cette demande au motif que l’action repose sur des atteintes à la protection des consommateurs et des investisseurs du Massachusetts et non pas sur une action en réparation des dommages climatiques causés par Exxon, qui serait une question de droit fédéral. L’affaire va donc être jugée devant un juge de l’État du Massachusetts.

    Smith v. Fonterra co-operative Group Limited – New Zealand

    Michael John Smith, activiste climatique et descendant maori, a intenté un recours contre sept entreprises parmi les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre de Nouvelle-Zélande. Il ne demande pas réparation des préjudices subis mais plutôt la reconnaissance d’une responsabilité des défendeurs en tant que contributeurs au changement climatique et l’injonction de réduire leurs émissions jusqu’à la neutralité carbone à l’horizon 2030. 

    M. Smith a saisi la Haute Cour de Nouvelle-Zélande car il estime que les entreprises défenderesses, par leurs activités, contribuent au dérèglement climatique et mettent par là même en péril ses intérêts et ceux de sa communauté, principalement en raison de la montée des eaux et de l’érosion côtière induites par celui-ci. Le requérant affirme en effet que les conséquences du changement climatique se concrétiseront pour lui notamment par la perte de productivité et de valeur économique des terres, ainsi que par la perte matérielle de certaines d’entre elles, entraînant la disparition de sites culturels et spirituels. Lire la fiche d’arrêt >

    Greenpeace Pologne v. PGE GIEK – 11 mars 2020

    Devant le tribunal régional de Varsovie, Greenpeace Pologne a, le 11 mars 2020, déposé un recours contre la filiale GiEK de la plus grande entreprise publique Polska Grupa Energetyczna chargée de la majorité de la production d’électricité en Pologne. Avec une production essentiellement fondée sur l’exploitation du charbon, la Pologne se situe parmi les plus gros émetteurs de carbone de l’Union européenne. La requérante exige de la filiale la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre.

    A cette fin, en se fondant sur la loi polonaise sur la protection de l’environnement, Greenpeace demande la cessation de tout nouvel investissement dans les combustibles fossiles et la prise de mesures nécessaires afin de parvenir aux émissions zéro de ses centrales à charbon existantes d’ici 2030. Le contexte national peut être pris en compte dans le suivi de cette affaire. En effet, c’est la troisième fois que l’entreprise publique est traduite en justice pour des faits et sur des fondements juridiques similaires. Le climat particulièrement hostile à l’égard de l’indépendance de la justice polonaise doit également être pris en compte. Lire la fiche d’arrêt > 

    Affaires et actualités environnementales

    Contentieux des arrêtés anti-glyphosate

    Alors que l’autorisation européenne du glyphosate a fait l’objet d’une prolongation jusqu’en 2020, le calendrier d’une éventuelle interdiction anticipée d’utilisation en France demeure incertain. Dans ce cadre, des élus locaux sont intervenus afin d’interdire l’épandage sur le territoire de la commune. Les huit décisions examinées ici concernent huit communes du département de la Seine-Saint-Denis. Si l’issue en est variable en raison des spécificités des arrêtés concernés, le tribunal laisse pour autant ouverte la possibilité d’une telle action si tant est que des circonstances locales particulières soient établies. Néanmoins, il convient de noter que depuis l’adoption des arrêtés, des mesures de police spéciale ont été prises en vue de protéger les populations par le biais du décret N°2019-1500 et de l’arrêté du 27 décembre 2019. Ainsi, de telles mesures de police spéciale pourraient désormais remettre en cause la capacité d’intervention des élus.

    Société Paris Clichy et autres, Conseil d’Etat

    La loi, expression de la volonté générale, a pendant longtemps était au-dessus de toute question de responsabilité. Toutefois, un État de droit tolère difficilement l’existence de telles situations d’irresponsabilité. Un régime de responsabilité de l’Etat du fait des lois s’est donc construit peu à peu. La décision d’Assemblée du 24 décembre 2019 Société Paris Clichy et autres du Conseil d’État, a apporté une pierre à cet édifice. Une première étape avait été franchie avec l’arrêt La Fleurette du Conseil d’État, rendu le 14 janvier 1938.

    Les juges du Palais Royal avaient alors consacré un régime juridique de responsabilité sans faute de l’Etat, sur le fondement de l’égalité des citoyens devant les charges publiques. Ce régime a pour but d’assurer la réparation de préjudices nés de l’adoption d’une loi sous deux conditions : la loi en cause ne doit pas avoir exclu la possibilité d’une indemnisation et le préjudice dont il est demandé réparation ne doit pas pouvoir être considéré comme une charge incombant normalement aux intéressés.

    Tribunal administratif de Lille, société SFR

    Le 3 février 2020, dans une ordonnance n° 2000255, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a considéré, sur la base de l’article R.2152-7 du code de la commande publique, que dans le cadre d’une procédure adaptée, et pour choisir l’offre économiquement la plus avantageuse, un critère reposant sur la prise en compte de l’impact écologique des processus internes du candidat, lorsque cette prise en compte est rendue objectivement nécessaire par l’objet du marché et la nature des prestations à réaliser, n’a pas d’effet discriminatoire. Une procédure de passation de marché public a été engagée par un groupement d’intérêt public (GIP) pour la location, l’installation et la maintenance de matériel de téléphonie et d’accès à internet. L’un des sous critères d’évaluation des offres étant rattaché aux « moyens apportés à l’impact écologique de la structure dans ses procédures ». La société SFR a vu son offre refusée et a introduit une demande de référé précontractuel devant le tribunal administratif de Lille.

    Etat des lieux de la criminalité environnementale

    L’European Environmental Bureau a publié son rapport sur l’état de la lutte contre la criminalité environnementale. Le rapport est essentiellement destiné aux autorités nationales et européennes chargées de la mise en œuvre des mesures et sanctions contre ces infractions, régies par la Directive UE 2008/99 sur la protection de l’environnement par le droit pénal.

    D’après le PNUE et INTERPOL, la criminalité environnementale est la quatrième entreprise illégale la plus lucrative au monde. Dans le cadre du Green Deal, la Commission Européenne affirmait l’impératif de renforcer la mise en œuvre de la législation environnementale et de l’assortir de sanctions effectives, dissuasives et proportionnées en cas de non-respect, comme le prévoit la Directive sur la criminalité environnementale. Cette directive fait actuellement l’objet d’une évaluation par la Commission Européenne, dont le but est d’estimer dans quelle mesure les règles européennes contribuent à lutter de manière effective contre la criminalité environnementale.

  • CP / Affaire du Siècle : 16 mois plus tard, l’Etat nie tout en bloc, tandis que deux autres ONG ajoutent des arguments au dossier

    Communiqué de presse – Vendredi 26 juin 2020


    Près de seize mois après le début de l’instruction, l’État répond enfin aux arguments déposés contre lui par Notre Affaire à Tous, la Fondation Nicolas Hulot, Greenpeace France et Oxfam France, dans le cadre de l’Affaire du Siècle. Dans son mémoire en défense, composé de 18 pages, l’État rejette les arguments présentés par les organisations co-requérantes et nie en bloc les carences pointées par l’Affaire du Siècle, alors qu’elles avaient été confirmées par le Haut conseil pour le climat. Cette réponse intervient alors que deux autres organisations – la Fondation Abbé Pierre et la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique – versent au tribunal leurs arguments en appui à l’Affaire du Siècle. 

    L’État rejette tout manquement à ses obligations

    Alors que 76% des français·e·s considèrent légitime que l’État soit contraint par la justice à agir pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris (1), le gouvernement demande au juge de rejeter la requête de l’Affaire du Siècle.  Dans sa réponse :

    • Il temporise sur ses objectifs fixés y compris pour 2020, faisant valoir que la période pour les atteindre n’est pas encore écoulée.
    • Il réfute toute responsabilité dans le changement climatique, écrivant, d’une part, que la France n’est qu’un pays parmi d’autres, et, d’autre part, que les français·e·s, par leurs comportements individuels, les collectivités territoriales et les entreprises aussi en sont responsables. Il omet par là de mentionner son rôle de régulateur et d’investisseur.
    • Il omet le lien entre changement climatique et atteinte aux droits humains protégés par la CEDH (droit à la vie et droit au respect de la vie privée et familiale) et conteste l’existence d’une obligation générale de lutte contre le changement climatique.
    • Il liste des mesures politiques récentes, dont il ne démontre pas les effets sur la réduction d’émissions de gaz à effet de serre dans la période applicable au recours (jusqu’à mars 2019). Certaines ont d’ailleurs été adoptées après le dépôt du recours.

    Les avocats de l’Affaire du Siècle produiront au cours des prochaines semaines un “mémoire en réplique” en réponse aux arguments de l’Etat.

     Pour les organisations co-requérantes : 

    “Le gouvernement ne semble pas enclin à saisir les opportunités qui se présentent à lui pour rectifier la trajectoire de son inaction, dans un contexte qui appelle pourtant à agir, comme en témoignent certaines mesures fortes votées le week-end dernier par la Convention citoyenne pour le climat, mesures pour la plupart réclamées par les organisations de la société civile depuis des années ”. 

    Le débat actuel sur le nouveau projet de loi de finances rectificative (PLFR3) est une nouvelle manifestation de l’inconséquence de l’État. En effet, à ce jour, il n’a demandé aucune contrepartie sociale ni environnementale ferme aux entreprises qu’il a soutenues dans la crise (aérien, automobile). Ce, malgré les recommandations très claires des experts du Haut Conseil pour le climat. Dans le PLFR3, les aides aux collectivités territoriales, qui portent pourtant 70% de l’investissement public, restent insuffisantes et exemptes de conditions écologiques ou sociales. 

    De nouveaux éléments apportés au dossier par deux autres organisations

    Les quatre co-requérantes sont désormais soutenues par deux autres organisations qui ajoutent des éléments supplémentaires permettant de démontrer l’inaction climatique de l’État : la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique sur les politiques publiques pour la conversion et le maintien des exploitations agricoles en bio et la Fondation Abbé Pierre sur le logement. 

    Pour la Fondation Nationale d’Agriculture Biologique :

    « Alors que les scientifiques s’accordent à dire que l’agriculture biologique répond à la fois aux enjeux environnementaux et à la sécurité alimentaire, l’État, lui, ne se donne pas les moyens de la développer et d’atteindre ses objectifs. Tant que les fonds publics continueront de soutenir un modèle agricole climaticide, la transition écologique restera un effet d’annonce ». 

    Pour la Fondation Abbé Pierre : 

    « Le changement climatique a des conséquences directes sur les conditions d’habitat de la population, tandis que les logements non rénovés gaspillent de l’énergie. Il est urgent d’investir massivement dans la rénovation énergétique globale des bâtiments et de placer la protection des habitants contre les risques sociaux et environnementaux au coeur des politiques du logement, d’urbanisme et d’aménagement ».

    Contacts presse

    • Fondation Nicolas Hulot : Paula Torrente – 07 87 50 74 90 – p.torrente@fnh.org
    • Greenpeace France : Kim Dallet – 06 33 58 39 46 – kim.dallet@greenpeace.org
    • Notre Affaire à Tous : Cécilia Rinaudo – 06 86 41 71 81 – cecilia@notreaffaireatous.org
    • Oxfam France : Noélie Coudurier – 06 17 34 85 68 – ncoudurier@oxfamfrance.org
    • Fondation Abbé Pierre : Anne Lambert de Cursay – 06 23 25 93 79 – alambertdecursay@fap.fr
    • Fédération Nationale d’Agriculture Biologique : William Lambert – 06 03 90 11 19 – lambertcommunication@gmail.com 

    Notes

    1. Selon un sondage BVA réalisé pour Greenpeace en juin 2020

    Une initiative menée par :