Catégorie : Actualités

  • Empreinte carbone, pourquoi la France doit faire le bilan

    La France, sous couvert du respect de ses engagements du Protocole de Kyoto, a en réalité un impact plus élevé aujourd’hui sur le phénomène de réchauffement climatique mondiale, qu’elle n’en avait en 1990 ! En effet, les chiffres montrent que de 1990 à 2007, l’empreinte carbone par français a augmenté de 5 %, alors que dans le même temps, le niveau moyen des émissions sur le territoire de la France, diminuait de 15 %.

    L’empreinte carbone, définition et chiffres clefs

    Selon la définition donnée par le Commissariat au Développement Durable, “le calcul de l’empreinte carbone d’une population vise à estimer la quantité de GES émise pour satisfaire sa consommation au sens large (biens, services, utilisation d’infrastructures), en tenant compte des émissions liées aux importations et aux exportations. Cette empreinte permet ainsi d’apprécier la pression exercée à l’échelle planétaire sur le climat (bien public mondial) par la population du pays considéré”.

    Les chiffres connus sont encore assez fluctuants. En fonction des schémas choisis, les résultats peuvent, en effet, être très différents. Alors que la méthodologie retenue par le Commissariat au Développement Durable fait état d’une augmentation de l’empreinte carbone française à hauteur de 4.7 % entre 1990 et 2010, une étude fondée sur une méthodologie différente (Paillat, Adam et Wilmotte, 2011) estime que celle-ci aurait en fait augmenté de 25 % entre 1990 et 2010.

    D’après l’estimation retenue par le Commissariat au Développement Durable : rapportée à la taille de la population, l’empreinte carbone d’un Français est donc en moyenne de 12,2 t CO2 e, contre 8,2 t pour les mêmes GES émit sur le territoire, soit une augmentation de près de 50% de la moyenne “officielle”.

    Ces chiffres, même s’ils peuvent encore être précisés, mettent en évidence que la France n’est pas parvenue à diminuer ses émissions au niveau mondial, contrairement à ce que pourrait laisser croire les relevés effectués dans le cadre du Protocole de Kyoto (qui ne s’applique qu’aux émissions produites sur le territoire national et dans des secteurs définis par la convention).

    Un phénomène mondial de transfert des émissions de GES

    Etant donné la désindustrialisation croissante que connaît le territoire francais malgré l’accroissement continu de la demande finale intérieure, il faut partir du principe que la courbe de l’empreinte carbone n’est pas prête de s’inverser.

    Plus important, il faut observer que depuis 1990, l’année de base des engagements du Protocole de Kyoto, certaines études démontrent l’existence d’un phénomène de « transfert » des émissions de CO2 de l’ensemble des états membres à la convention, vers des pays tiers. Les premiers ont stabilisé leurs émissions sur leur territoire, alors que les émissions de CO2 liées à leurs importations en provenance des pays hors du protocole n’ont, quant à elles, jamais cessé d’augmenter. L’ensemble de ces émissions “transférées” aurait plus que doublé depuis 1990.

    Ce phénomène démontre la nécessité d’une démarche mondiale en matière de lutte contre les émissions de GES, car comme le rappelle France Stratégie dans son rapport d’avril 2016, « l’Humanité doit parvenir, dans la seconde moitié de ce siècle, à un monde qui absorbe autant de carbone qu’il en émet« .

    Or, il existe encore un décalage entre l’objectif de limiter à 2°C l’augmentation de la température et les engagements – insuffisants – pris par les différents pays pour 2030.

    Les nouveaux objectifs chiffrés de la France, actuellement en cours d’élaboration au niveau de l’Union européenne, ne doivent pas nous faire oublier l’objectif de neutralité carbone, le seul objectif scientifiquement et intellectuellement admissible afin de se donner les moyens nécessaires pour stabiliser la température à +2°C.

     

  • CP : Il faut réouvrir le débat autour de l’utilité de la centrale de Flamanville

    Notre affaire à tous, aux côtés de sept autres associations, a engagé un recours afin de voir annuler la prolongation des travaux de l’EPR de Flamanville, entaché d’irrégularité faute notamment d’enquête publique, indispensable pour garantir le droit à l’information sur les conditions sécuritaires, économiques et environnementales.

    Alors que le délai initial de réalisation du chantier de Flamanville venait de toucher à sa fin, le gouvernement a publié le 24 mars dernier, un décret prolongeant celui-ci de 3 années supplémentaires, faisant passer à 13 ans la durée de mise en route de l’EPR, et cela sans aucune consultation du public.

    Pourtant, la dernière consultation publique sur le projet de construction de l’EPR de Flamanville remonte à 2006. Cette centrale, qui devait au départ être mise en route en 2012, a depuis vu son coût tripler atteignant désormais les 8.5 milliards d’euros, et les mauvaises surprises techniques se cumuler.

    La presse s’est encore récemment fait l’écho des alertes que l’ASN envoyait depuis plusieurs années à EDF et Areva sur l’incapacité technique de l’usine Creusot Forge à réaliser des pièces conformes pour la construction des équipements destinés aux installations nucléaires. Les scientifiques ne sont toujours pas parvenus à mesurer de manière certaine la résistance de la cuve de Flamanville, qui présente des malfaçons susceptibles de la rendre impropre à résister en cas d’accident nucléaire.

    Dans ces conditions, l’association Notre Affaire à tous réclame que le décret prolongeant l’autorisation de création de l’EPR soit annulé. Au regard des obligations découlant de l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui précise que “toute personne a le droit […] de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement”, l’association Notre affaire à tous soutient que le débat autour de l’utilité de ce projet doit être réouvert et que soit réalisée une nouvelle enquête publique avant toute décision de prolongation du chantier.

    Il est grand temps de sortir de l’exception nucléaire, qui justifie des procédures exceptionnelles, non pas plus mais moins transparentes que pour les très encadrées installations classées. La protection de cette industrie française ne peut faire fi des règles minimales de sécurité ni de démocratie.

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    Contact Presse :

    Marine Calmet (juriste) : 06.89.24.03.99

    Marie Toussaint (présidente) : 06.42.00.88.68

    Retours presse :

    EPR de Flamanville : huit associations saisissent la justiceOuest France, 19 avril 2017
    Huit associations ont lancé ce mardi une procédure pour faire arrêter le chantier du réacteur nucléaire EPR à Flamanville (Manche), a-t-on appris auprès de Greenpeace, une des associations à l’origine de ce recours.

    Greenpeace et sept autres associations tentent de faire stopper le chantier de l’EPR

    France 3 Normandie, 19 avril 2017

    Huit associations ont lancé mardi une procédure pour faire arrêter le chantier du réacteur nucléaire EPR à Flamanvill, selon Greenpeace, une des associations à l’origine de ce recours.

    Recours d’associations pour stopper le chantier de l’EPR de FlamanvilleEurope 1, 19 avril 2017

    En l’absence de réponse satisfaisante dans les deux mois, les associations déposeront ensuite un recours contentieux devant le Conseil d’Etat

    EPR de Flamanville: 8 associations déposent un recours pour stopper le chantierL’express, 19 avril 2017
    Greenpeace, France nature environnement, l’Observatoire du nucléaire et d’autres associations ont lancé mardi 18 avril une procédure pour faire arrêter les travaux.

    DOCUMENT. Greenpeace veut débrancher l’EPR de FlamanvilleLe Parisien, 18 avril 2017
    Avec sept autres associations de défense de l’environnement, l’organisation attaque le décret autorisant la construction du réacteur nucléaire de Flamanville. Un recours gracieux pour commencer.

    Nucléaire : Greenpeace annonce un recours contre l’EPRLe Monde, 19 avril 2017
    Associée à sept autres associations, l’ONG accuse EDF d’avoir dissimulé des informations quant aux problèmes de composants fournis par l’usine du Creusot.

    L’Obs : http://tempsreel.nouvelobs.com/planete/20170419.OBS8177/8-associations-deposent-un-recours-pour-stopper-le-chantier-de-l-epr-de-flamanville.html
    France Info : http://france3-regions.francetvinfo.fr/normandie/manche/nord-cotentin/greenpeace-sept-autres-associations-tentent-faire-stopper-chantier-epr-1235893.html

    France Bleu : https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/des-associations-ecologistes-demandent-l-arret-du-chantier-epr-de-flamanville-1492590556
    Reporterre : https://reporterre.net/Greenpeace-et-sept-associations-deposent-un-recours-contre-l-EPR

  • Réchauffement des océans, transition dans le logement, modèles climatiques du GIEC… Notre affaire à tous à l’écoute des experts !

    Le samedi 18 mars dernier, Notre affaire à tous a reçu quatre experts en vue d’alimenter notre dossier sur la lutte contre le dérèglement climatique. La première d’une session d’auditions visant à accroître notre connaissance des faits climatiques et à avancer vers le dépôt de notre recours ! Avec Emmaüs France, Bloom, Negawatt et un climatologue du GIEC. Retrouvez ici les vidéos des auditions – si elles sont incomplètes, c’est que le reste arrive bientôt !

     

    Tour d’horizon de la contribution du bâtiment au dérèglement climatique – Frédéric Amiel, Emmaüs France

    Nous comptons en France 7,5 millions de passoires thermiques, posant ainsi à la fois la problématique sociale et la question environnementale. Les choix étatiques effectués de développement de l’électrique notamment eurent un impact profond et réel sur les émissions du secteur du bâtiment en France, aussi bien que du droit à l’emploi. La question du logement est ainsi à la croisée des chemins de la justice sociale et environnementale, et engage la responsabilité de l’Etat, actionnaire à 85% d’EDF, ainsi que de l’Union européenne notamment quant aux processus et législation afin de développer la construction durable, la rénovation thermique et les partenariats à mettre en place en ce sens. Il est notamment observé que le privé n’investit guère dans la rénovation, et qu’un investissement public accru est nécessaire. L’organisation renovons.org ainsi que la Fondation Abbé Pierre ont fait un travail particulièrement ambitieux pour chiffrer cette contribution du logement au dérèglement climatique.

    Mais ce n’est pas tout : Emmaüs France, nous indique Frédéric Amiel, s’intéresse également à la question de l’économie circulaire, du réemploi et du recyclage. Ainsi, le textile n’est que peu valorisé en France, alors même que des technologies permettent de valoriser les vieux tissus en laine d’isolation. La filière des déchets électroniques n’est que peu structurée, tandis que la lutte contre l’obsolescence programmée fait encore le cas de peu de contraintes législatives et réglementaires. Les meubles sont trop souvent considérés comme des déchets, alors même que la France pourrait déployer une politique plus ambitieuse en la matière, et ainsi protéger les ressources et notamment les forêts qui contribuent à la lutte contre le dérèglement climatique. Le Club de Rome a notamment publié un rapport montrant qu’une politique ambitieuse d’économie circulaire serait à même de réduire de 60% les émissions de gaz à effet de serre en Suède. Et en France ?

    Tour d’horizon des rapports océans et climat – Frédéric Le Manach, Bloom

    Le petit guide pour éviter de dire de grosses bêtises de l’association Bloom le montre : l’océan est le régulateur du climat de la planète : 98% de la biosphère, 97% de l’eau, produit 50% de l’oxygène de que l’on respire et absorbe 50% du CO2. Parmi les victoires de la COP21, l’inclusion de l’océan.

    Depuis 1900, le niveau de l’océan a grimpé de plus de 20 cm et va encore s’élever de 80 cm d’ici 2100 impactant ainsi les îles du Pacifique, les Pays-Bas, l’intensité des tempêtes, engendrant également des migrations importantes.

    Le dérèglement climatique impacte aussi les courants marins : l’océan est le tampon du climat de la terre car absorbe la chaleur et la rejette (gulfstream). En traversant l’Atlantique le courant va relâcher l’excès de chaleur. Le réchauffement climatique va influencer les précipitations, changer la salinité de l’eau, changer la température de l’eau, les précipitations… Le dérèglement climatique impacte aussi les coraux, zone de reproduction des poissons. Alors que nous observons la mort des coraux dans la grande barrière de corail par le phénomène de blanchissement (90% de la grande barrière de corail est touchée), et que l’océan s’acidifie en absorbant le CO2 au contact de l’air, nous ne sommes aujourd’hui en mesure de calculer avec précision les impacts réels que ces modifications climatiques et biosphériques auront sur nos réalités quotidiennes mais les communautés du Pacifique seront assurément touchées.

    En France, 2 zones majeures risquent de subir les effets de l’augmentation du niveau de l’océan : la Camargue, la Gironde, (développement de constructions sur le littoral). Il y a eu un développement des constructions sur des marécages sans penser à la montée des eaux. D’autres impacts se feront sentir dans les DOM TOM, qui contiennent des récifs coralliens, notamment dans les Caraïbes. On voit déjà les migrations de poissons tropicaux qu’on ne voyait pas il y a 20 ans, idem en Bretagne.

    Les poissons jouent également un très grand rôle sur le climat : certains poissons des bas fonds de l’océan absorbent et stockent le carbone. Ils remontent à la surface pour se nourrir en période nocturne et absorbent le carbone. Or, ces poissons migrent : on estime à 40 % de pertes de poissons dans les zones tropicales migrant vers l’Europe. Alors qu’ils contribuent à la lutte contre le dérèglement climatique, les poissons sont donc également les sujets d’une grande injustice environnementale, puisqu’ils disparaîtront des pays ayant le moins contribué au dérèglement pour aller vers les pays les plus fortement émetteurs.

    Il faut suivre les objectifs de développement durable fixés par l’ONU en 2015. Objectifs 14, qui touchent à l’océan montre qu’il y a plein de mesures détaillées sur les méthodes de pêche destructrices. La France ne respecte pas ces objectifs, et de nouvelles techniques de pêche (électrique, senne danoise…) se développent dans les pays frontaliers avec un fort lobbying sur la Commission européenne. Faiblement émettrices de CO2, ces techniques apparaissent ainsi avec un regard de court-terme plus vertueuse que la pêche traditionnelle. Cette dernière, en protégeant océans et poissons, soutiennent pourtant beaucoup plus et sur le long terme la lutte contre le dérèglement climatique.

    Un tour d’horizon climatique, avec Hervé Le Treut, climatologue du GIEC, et Benoit Lebot, de Negawatt

    Pour ces deux experts du climat, la transition énergétique et écologique n’est plus une option.

    Au cœur du Sahara, on trouve des images gravées sur la pierre, nous rappelant qu’il y a 6000 ans, le Sahara était vert. « Nous sommes la première génération à savoir, nous sommes la dernière génération à pouvoir » . Or, plus nous tardons à engager la transition, plus dure elle sera.

    Notre objectif doit être de décarboner la France en 35 ans, en s’appuyant sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, en divisant par deux les émissions actuelles et en réduisant de manière substantielle la concentration de CO2 dans l’atmosphère (la limite à ne pas dépasser était estimée à 350ppm, nous en sommes aujourd’hui à plus de 400). Le scénario négawatt 2017-2050 détaille les mesures à engager en ce sens, assurant également la sortie du nucléaire et alertant sur l’accompagnement nécessaire pour la transition des emplois concernés.

    Historiquement, la connaissance du dérèglement climatique est en effet très récente : les premières mesures du réchauffement climatique apparaissent en 1957, et un premier programme de recherche est lancé en 1980. Le GIEC apparaît en 1988, en amont du Sommet de la Terre de Rio qui n’arrête rien, puisque les émissions explosent dans les années 90s avec le développement des pays du Sud.

    Des modèles climatiques sont alors mis en place par plusieurs groupes de chercheurs, dont les résultats divergent. Ces modèles restent encore aujourd’hui le seul outil véritable pour analyse le dérèglement climatique, et sont donc sujets à controverse, même si les nouvelles technologies et les satellites nous permettront dans les années à venir de disposer de calculs beaucoup plus fins des évolutions climatiques partout dans le monde.

    Il est par ailleurs essentiel de tenir compte de l’effet temporel des émissions de gaz à effet de serre : ils restent longtemps dans l’atmosphère. Ce que nous faisons aujourd’hui impacte ainsi le futur, tout comme nous sommes profondément impactés par les émissions des décennies passées.

    En termes de contraintes, il est difficile d’ancrer la responsabilité des Etats dans ces modèles climatiques. C’est pourquoi les COP pour le climat ont fixé des trajectoires d’émissions de gaz à effet de serre comme éléments contraignants de lutte contre le dérèglement climatique. Le relais médiatique de ces scénarii scientifiques ont également leurs méfaits : alors que plusieurs recherches montraient qu’en poursuivant la trajectoire actuelle, nous atteindrions +6°C, un chiffre inférieur a finalement été retenu par la presse. Avec une raison majeure : celle de l’acceptation sociale, car le meilleur scénario de baisse des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que celui promu par Hansen pour limiter le réchauffement à 1°C, aura d’énormes impacts sur nos vies, notre consommation et les emplois qui en sont issus.

    Quelques objectifs et actions :

    D’abord, décarboner complètement nos économies d’ici la fin du siècle. C’est faisable, et cela permettrait de créer de l’emploi partout.

    Mais également, garder en tête que, contrairement aux choix court-termistes actuels, s’en prendre d’abord au plus dur et ensuite au plus simple est une véritable nécessité.

    Enfin, s’appuyer sur les nombreuses analyses prouvant que le coût de l’action est bien moins élevé que le coût de l’inaction !

    Retrouvez ici les comptes-rendus complets des auditions menées et les présentations des intervenants. Les vidéos seront bientôt disponibles.

  • Compte-rendu intégral des auditions du 18 mars 2017

    Introduction

    NAAT –  Marie Toussaint, présidente fondatrice

    NAAT a été fondée dans la suite du mouvement écocide, pour agir sur les questions juridiques de la responsabilité de l’être humain sur toutes les questions environnementales. En premier lieu, NAAT a voulu s’attaquer à la question du climat. Dans ce cadre, il est intéressant de recevoir des experts sur la question de la responsabilité de la France/des Etats dans le changement climatique. Remerciements à la maison des acteurs et à Leandro Varison, de la fondation France-libertés.

    Léandro Varison – Fondation France liberté

    La Fondation Danièle Mitterrand – France liberté a été créée il y a 30 ans pour défendre les droits humains, notamment le droit à l’eau et le droit des peuples et des minorités.

    1er intervenant : Frédéric AMIEL – Responsable du Plaidoyer chez Emmaüs France

    Emmaüs n’est pas un mouvement spécialisé dans la question climatique, mais est une association environnementale grâce à son traitement de la question du logement (fondation Abbé Pierre) et du réemploi. (premier acteur du réemploi en France, notamment pour les meubles)

    Problème des « Passoires thermiques » et la question de l’impact d’une inaction en matière de rénovation des logements mal isolés : accueil et moyen de se réinsérer dans la société de personnes exclues et le devenir de ces personnes dans la pauvreté face à des événements climatiques extrêmes et l’accueil des réfugiés, qui ne se déplacent plus pour les mêmes raisons. Auparavant, on avait des réfugiés politiques ou des gens qui fuyaient des guerres ou des famines et aujourd’hui ces gens fuient des situations qui sont à la jonction des ces problématiques (guerres pour l’accès aux ressources).

    Emmaüs n’a pas eu le temps de chiffrer l’impact carbone des « passoires thermiques » (cf. rapport annuel de la fondation ; mais Renovons et la Fondation Abbé Pierre ont fait ce travail). Mais sur la question de la rénovation thermique, il y a un bénéfice pour les personnes et pour le climat qui est flagrant. Si on engage un tel programme aujourd’hui, on ira dans le bon sens. Emmaüs préconise d’arrêter de traiter les problématiques en silo, séparément mais de travailler ensemble. Selon l’association, l’organisation de l’Etat et de l’Europe doit nécessairement s’adapter à un travail en coopération sur des enjeux transversaux.

    Ce n’est pas juste une question sociale, écologique ou environnementale, ni un défi, c’est une problématique liée. Les acteurs associatifs se rendent compte que ces questions sont liées et qu’il y a un intérêt à travailler ensemble. Il faut que l’organisation de l’État ainsi que l’Europe, prennent conscience de la même chose, et qu’ils considèrent ces enjeux comme transversaux et non spécifiques.

    7,5 millions de passoires thermiques. Problématiques du chauffage électrique, difficultés à construire des habitations à basse consommation. Programme d’investissement mixte. Les propriétaires qui ont les moyens rechignent à rénover (10% de propriétaires pauvres, les lobbys des propriétaires riches utilisent les propriétaires pauvres pour faire reculer des échéances de rénovation, qui les forceraient à investir dans la rénovation). Confrontation entre le droit de propriété et au droit à l’accès à un logement (droit de propriété indéboulonnable donc vrai chantier juridique sur cette question).

    Sur la question du réemploi : récupération et revente. Par exemple : la question du recyclage du verre, alors qu’on avait une filière de consigne fonctionnelle.

    3 grandes filières dans le réemploi: (remarque : paquet économie circulaire en discussion au niveau européen).

    • Filière textile : la plus problématique, difficile de revaloriser les déchets textiles…le relais a développé des systèmes de laines d’isolation,
    • Filière des déchets électroniques : niches, filière qui est en train de se mettre en place. En effet, les gens ont du mal à savoir où apporter leurs produits électroniques, les modes de consommation ont changé (renouvellement du matériel électronique plus fréquent) mais les gens continuent de garder leurs produits défectueux chez eux, car ils ne savent pas où les mettre et qu’ils n’ont pas pris l’habitude de les recycler. Il y a aussi le problème de l’obsolescence programmée (enjeu de la pérennisation des appareils électroniques.) Ex : ateliers du bocage… peu de visibilité de prospective (manque de connaissance sur la filière), Est-ce qu’on résiste à cette dynamique pour créer des produits plus facile à réparer et à utiliser ? Il y a un équilibre à trouver pour savoir quelle orientation prendre. On a besoin d’évaluations sur l’impact de l’extraction des ressources et sur les droits des personnes dans les pays de production : choisir entre soit un modèle de recyclage efficace, soit la pérennisation des produits électroniques. C’est un enjeu important sur lequel on n’a que peu de visibilité prospective.
    • Filière des déchets d’ameublement : un meuble qui n’est plus utilisé peut souvent encore être utilisé et n’est pas forcément hors d’usage ( Ex : Meubles en bois). Comment éviter la concurrence avec la production d’énergie (réduction en plaquette pour les chaudières à bois)? à quel moment on décide qu’un meuble est un déchet ? c’est une vraie question de filière. Puis autre problème : la qualité des meubles : tendance à réaménager un appartement à chaque déménagement, avec des meubles dont la durée de vie est de plus en plus courte (quelques années). On met beaucoup de meubles sur le trottoir alors qu’ils sont toujours réutilisables. Bois de mauvaise qualité donc difficile à réparer etc. durabilité des objets. Travail à faire auprès des acteurs de la filière industrielle (type IKEA) pour remettre en cause les pratiques.

    Et la question des acteurs des filières de réemploi (question plus politique). En effet, il se crée un « marché » du réemploi…pas forcément envie de voir arriver une forme de mercantilisation et de financiarisation de la filière du réemploi. Un des grands combat dans le cadre du paquet économie circulaire, c’est la place des acteurs (importance des acteurs de l’ESS) et les deux questions sont aujourd’hui traitée de deux manières (les acteurs de la filière de l’ESS et le réemploi). En France le rôle des acteurs solidaires est bien reconnu, on compte sur la France pour appuyer cela auprès de l’UE. Ajd la question de la réévalualisation solidaire et celle du réemploi sont traitées de façon distinctes alors qu’elles devraient l’être ensemble.

    Quels sont les obstacles que rencontrent les acteurs comme Emmaüs ? 

    La rénovation énergétique n’est pas gagnante du point de vue du capital. En France, politique de la construction en neuf et pas dans la rénovation. Et question du rôle des financements privés. Parc social privé : il faut le pousser à investir dans la rénovation thermique, or ils n’y ont pas vraiment intérêt. Le problème est que ce sont les locataires qui gagnent à la rénovation thermique (le propriétaire exige souvent une participation pour les travaux qui contrevient au à l’obligation du clos et du couvert). Et idée : annexer les taux d’intérêts à la qualité de la rénovation. L’équipe de Renovons.org est particulièrement pointue sur ces sujets et devrait être questionnée dans le cadre du recours.

    Quelle responsabilité de l’Etat ? Responsabilité  de l’Etat sur le développement du chauffage électrique. La nature de la production électrique en France est un problème. Le bas cout de l’électricité à conduit à produire des logements mal isolés. Ensemble de conséquence en cascade (Le CLER). Edf est une entreprise publique (Etat actionnaire à 85%). Au moment du lancement du nucléaire en France, on ne s’est pas du tout posé la question de la ressource du nucléaire (aujourd’hui comptabilisé en énergie produite mais en matériau importé). cf. Pays qui ont interdit le chauffage électrique (Belgique, Danemark) au nom de inefficacité énergétique.

    L’Effort porte sur la construction du bâti. Il faut construire. Incitation à l’acquisition dans le neuf (et pas forcément dans l’ancien rénové). Comment inciter les personnes à aller vers de l’ancien rénové ? Et pas du neuf? La prise de risque de l’Etat est certaine. L’effet démultiplicateur dans un Etat comme la France ne viendra qu’avec une politique de planification de l’Etat. L’efficacité énergétique requiert une planification de l’Etat (le développement des initiatives privés pourraient nuire à l’efficacité politique. La loi de transition énergétique est une première étape mais ce n’est pas suffisant. Renvoie à la responsabilité des acteurs notamment à EDF qui se comporte comme un agent autonome et qui ne va pas dans le sens de l’Etat.

    Quid d’une loi pour imposer l’utilisation de bois dans les construction ? Lutte d’influence entre les cimentiers et les producteurs de bois français (pour écouler leurs produits). Mais en ce qui concerne le bois : il faut se poser la question de la disponibilité de la ressource bois. Aujourd’hui, le bois proviens principalement des forêts publiques… la demande conduit à exercer une trop forte Pression sur la foret publique.

    Et ensuite, il faut se poser la question de la provenance du bois : utilisation de  bois tropical et boréal.

    Se poser la question de la ressource. La partie exploitable du bois doit être réfléchie, c’est à partir de là qu’il faut l’utiliser dans la construction. Il faut d’abord identifier de combien de bois on dispose pour ensuite fixer des objectifs, et non pas l’inverse. Aujourd’hui on fixe des objectifs sans se poser la question de la ressource !

    En aire urbaine, la question des logements vides, problème de la spéculation immobilière. (pays bas etc.). augmentation du prix des loyers, empêche d’investir dans la rénovation.

    Sur le réemploi, y a-t-il qqchose d’utilisable pour NAAT ?

    Question de obsolescence programmée (question des garanties, des services après-vent incitent à créer des produits qui vont tomber en panne. La réglementation actuelle incite à une forme de surconsommation, de surproduction de biens, incite les producteurs à créer des produits qui vont tomber en panne. Vraie question réglementaire à adopter.

    Etude du club de Rome montrant que l’économie circulaire permettrait de réduire de 60% les émissions de gaz à effet de serre.

     

    2eme intervenant : Frederic Le Manach – Directeur scientifique chez Bloom 

    Lien entre océan et climat. Le petit guide pour éviter de dire de grosses bêtises. L’océan est le régulateur du climat de la planète. 98% de la biosphère. 97% de l’eau, produit 50% de l’oxygène de que l’on respire et absorbe 50% du CO2. Pour la première fois dans la COP21, on a inclut l’océan. Le niveau de l’océan. Depuis 1900, le niveau de l’océan a grimpé de plus de 20 cm et il va monter de 80 cm d’ici 2100. iles du pacifique rasées, les pays bas… en période de tempête, ça peut raser un paysage (exemples : xynthia, le Bangladesh…). Va créer des migrations importantes.

    Sur les courants marins : l’océan est le tampon du climat de la terre car absorbe la chaleur et la rejette (gulfstream). Circulation thermohaline. En traversant l’Atlantique le courant va relâcher l’excès de chaleur. Le réchauffement climatique va influencer les précipitations, changer la salinité de l’eau, changer la température de l’eau, cela va influencer forcément les courants.  Influence les précipitations, le réchauffement climatique va changer la température de l’eau.

    Les phénomènes climatiques (el nino). Impact sur les coraux qui sont une zone de reproduction des poissons ou de nurserie. Mort des coraux dans la grande barrière de corail par le phénomène de blanchissement.

    Acidification de l’océan… L’océan absorbe le CO2 au contact de l’air, cela fait diminuer le PH de l’eau, elle devient donc acide. Cela impacte aussi les coraux, le calcaire se forme de moins en moins bien (impact sur les coraux et les algues composé de calcaire). Ajd plus de 90 % de la grande barrière de corail est touchée. 50 % de la barrière est morte. Cette année on retrouve aussi un phénomène de blanchissement sans précédents. Les communautés locales du pacifique en dépendent. Remplacement d’espèces dans l’océan…

    Certains poissons des bas fond de l’océan absorbent et stockent le carbone (le séquestre). Les communautés de poissons au fond de l’océan (-1500m), remontent pour se nourrir en période nocturne et absorbe le carbone. Quand ils redescendent au fond de l’océan, ils vont séquestrer le carbone qui était en surface (par leurs déjections, en se faisant manger, etc.). C’est le seul moyen de séquestrer le carbone Donc il faut laisser tranquille ses poissons en profondeur. Aux UK, ces poissons stockent autant de carbone que les usines de stockage à 1 milliard d’euros.

    Les poissons migrent. Ils sont à la température de leur milieu ambiant ; (sang froid). Suivent les massent d’eau qui leur convienne le mieux. Des scientifiques ont montré que dans la ceinture tropicale, il allait y avoir 40 % de pertes de poissons qui allaient migrer en Europe. Plus on va vers les pôles, plus on va récupérer le poisson en provenance de l’équateur. Injustice climatique car les responsables du réchauffement vont récupérer les poissons qui migrent (alors qu’ils pêchent dans les zones tropicales depuis les 70s à cause de la surpêche).

    En France, 2 zones majeures risquent de subir les effets de l’augmentation du niveau de l’océan : la Camargue, la Gironde, (développement de constructions sur le littoral). Il y a eu un développement des constructions sur des marécages sans penser à la montée des eaux.

    En France d’autres impacts vont avoir lieu dans les DOM TOM, qui contiennent des récifs coralliens, notamment dans les Caraïbes. On voit déjà les migrations de poissons tropicaux qu’on ne voyait pas il y a 20 ans, idem en Bretagne.

    Humidité ambiante qui pourrait se développer. Outre-mer : massif corallien (caraïbes). On peut voir des poissons tropicaux en méditerranée…

    Il faut suivre les objectifs de développement durable fixés par l’ONU en 2015. Objectifs 14, qui touchent à l’océan montre qu’il y a plein de mesures détaillées sur les méthodes de pêche destructrices. La France ne respecte pas du tout ces objectifs.

    Méthodes de pèches destructrices… on fait tout l’inverse. Technique de pêche électrique… interdite en Europe depuis 98… 10% de la flotte… équipé d’électrode… et la senne danoise (filet qui encercle les bancs de poissons.

    Pêche électrique, un lobby néerlandais cherche à pousser l’UE à supprimer l’interdiction de cette pêche. Problème que cela consomme moins de carburant, cet argument est très utilisé pour favoriser cette technique de pêche.

    Phénomène de la Senne Danoise (filet qui encercle les bancs de poissons), engin de pêche utilisé au fond de l’océan, deux câbles métalliques vibrent, phénomène d’attraction du poisson, non sélectif. Des millions d’euros de subvention sont accordés pour tester ces nouvelles méthodes.

    La pêche artisanale, plus vertueuse, a, malheureusement, un bilan carbone plus mauvais que ces techniques industrielles.

     

    3eme intervenant : Benoit Lebot – Association Negawatt

    La transition énergique n’est plus une option. Il faut pour cela bien cerner pourquoi face à la lutte contre le changement climatique, la transition est nécessaire.

    Ce qui nous sépare de la dernière glaciation (environ – 10 000 ans) se résument à quelques degrés (-5°C) par rapport à la moyenne des températures d’aujourd’hui. Avec -5°C notre planète avait un tout autre visage : la couche de glace du pole Nord s’entendait sur une grosse partie de l’Amérique du nord, de l’Europe et de l’Asie. Les océans étaient plus bas de 120m par rapport au niveau d’aujourd’hui, le Sahara était une forêt tropicale, etc…

    La changement climatique en cours, généré par les activités humaines pourrait engager un réchauffement de quelques degrés en moins de un siècle, entrainant une nouvelle physionomie de la terre qu’il est difficile d’appréhender.

    Ce changement climatique est  la conséquence de renforcement de l’effet de serre, renforcement généré par une accélération des activités humaines depuis moins de deux siècles seulement. Les conséquences du changement climatique sont déjà perceptibles avec au moins trois paramètres qui changent : Augmentation du régime des précipitations, dilatation des océans, augmentation de la température moyenne à la surface de la terre.

    Afin de limiter ce changement climatique, il convient de réduire drastiquement ses causes. L’amplification de l’effet de serre est dû à la fois par le recours massifs à des ressources d’énergie carbonée que sont le charbon minéral, le pétrole et le gaz, et d’autre part par à la déforestation et à l’usage des sols (agriculture et intrants pour la production agricole). Réduire le changement climatique impose de dé-carboner l’ensemble des secteurs économiques.

    Il se trouve par ailleurs que les états les plus vulnérables aujourd’hui au changement climatique sont ceux qui y ont le moins contribué.

    « Nous sommes la première génération à savoir, nous sommes la dernière génération à pouvoir ».

    Décarboner le secteur de l’énergie est parfaitement possible et à notre portée. L’effort consiste à promouvoir la sobriété énergétique, augmenter l’efficacité énergétique, recourir aux énergies renouvelables, et encourager la séquestration (reboiser massivement).

    L’Association négawatt propose une trajectoire pour on peut décarboner en 35 ans la France.

    Le monde négawatt 2017-2050. Les bénéfices du scénario Negawatt vont bien au-delà de la réduction des gaz à effet de serre. La transition énergétique permet de réduire les pollutions locales – notamment de l’air dans les villes-, d’améliorer la productivité sur les chaines de production industrielle, d’assurer l’indépendance énergétique du pays, de contribuer à des créations d’emplois massif sur le long terme…

    Benoit LEBOT Negawatt Notre Affaire à Tous 18 Mars 2017

    4ème intervenant : Hervé Le Treut –  Climatologue du GIEC

    Retour très rapide sur l’historique du climat :

    1957 : premières mesures du réchauffement climatique

    1980 : premier programme de recherche pour le climat

    1988 : GIEC

    1992 : sommet de la Terre Rio suivie d’une augmentation brutale à partir des 90s venant de la Chine. Un plafonnement est ainsi institué car les pays en développement se sont mis à émettre.

    Pendant 20 ans, le seul outil qui a permis de dire que le climat allait changer fut les modèles scientifiques d’évolution climatique. La plus grande difficulté qui s’est présentée aux scientifiques : les GES restent longtemps dans l’atmosphère, ayant un impact sur le climat de nombreuses années après avoir été émis. La moitié des émissions de GES reste ainsi un siècle dans l’atmosphère. Le réchauffement d’aujourd’hui est la conséquence des émissions d’il y a 10, 20, 30 ans…

    Il y a environ 10 modèles climatiques et ils ne disent pas tous la même chose, bien qu’en 2007, il est désormais affirmé que le « réchauffement climatique est sans équivoque ». Les medias jouent un très grand rôle sur la manière dont ces modèles sont traités : ainsi, alors que le chiffre de +6°C a longtemps été évoqué par les scientifiques au vu de ces modèles, les medias demandant des chiffres ont écrété et diminué ce risque en reprenant un chiffre inférieur dans leurs articles.

    Il est ainsi complexe de contraindre les Etats sur ces modèles et au niveau de °C : mieux vaut contraindre les Etats sur des trajectoires de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Or, les contributions actuelles des Etats (exprimées notamment lors des COP21 et COP22) ne suffisent pas à rester sous le seuil des deux degrés…

    Parmi les scénarii possibles pour juguler le dérèglement climatique, les plus ambitieux posent clairement la question sociale : combien d’emplois sommes-nous à même de détruire ou de convertir afin d’atteindre nos objectifs ? A quel point sommes-nous prêts à modifier nos manières de produire, de consommer, de détruire ? Parmi les scénarii les plus ambitieux, sur la base notamment du rapport de James Hansen de la NASA, il s’agit d’aller vers des émissions négatives dans les pays développés, grâce notamment à la captation du carbone (possible par certaines technologies mais aussi par la photosynthèse). Un objectif réaliste : supprimer d’ici la fin du siècle l’utilisation des énergies fossiles.

    La difficulté est bel et bien politique : car la facilité et le court-terme permettent d’agir dans les secteurs où il est facile de réduire les émissions, là où l’urgence et la nécessité imposeraient plutôt de commencer par les secteurs les plus difficiles à faire évoluer.

    Il convient ainsi de garder en tête que le cout de la non action va etre collossal, par rapport au cout de l’action !

    LeTreut-Mars-2017

  • EPR de Flamanville, la confiance est définitivement brisée

    Le 31 mars dernier, des documents révélés par franceinfo montrent que, dès 2005, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avait alerté EDF ainsi que Areva sur de nombreux écarts et problèmes de qualité sur les produits de l’usine Creusot Forge. Or, c’est là qu’a été fabriquée la cuve de l’EPR de Flamanville.

    Alertée il y a 12 ans de probables défauts de fabrication, Areva n’a effectué des tests qualitatifs qu’en 2014, lors de l’installation de la cuve dans le bâtiment du réacteur. La société en référait alors à l’ASN qui publia laconiquement sur son site internet : “L’ASN a été informée par AREVA d’une anomalie de la composition de l’acier dans certaines zones du couvercle et du fond de la cuve du réacteur de l’EPR de Flamanville”.

    Jusque-là, et malgré des suspicions avancées, le projet du réacteur EPR avait donc pu poursuivre sa progression sans jamais être inquiété ni devoir donner de gage sur sa sécurité.

    C’est toute la chaîne de contrôle du nucléaire francais qui est aujourd’hui mise en cause.

    Un processus de contrôle aberrant

    Il y a un an, l’association Notre Affaire à tous et le Comité de Réflexion d’Information et de Lutte Anti Nucléaire (CRILAN) attaquaient l’arrêté du 30 décembre 2015, qui autorise les fabricants d’appareils sous pression nucléaire à déroger à leurs obligations essentielles de sécurité.

    En effet, le texte en question permet à un fabricant, dont le produit n’est pas conforme aux normes essentielles de sécurité, de déposer une demande de validation auprès de l’ASN, accompagnée d’une analyse assurant que les “risques sont suffisamment prévenus ou limités”.

    C’est également le schéma de contrôle mis en place concernant les anomalies présentes sur la cuve de l’EPR de Flamanville. Ces dernières pourraient ainsi être purement et simplement validées par l’ASN en septembre. Impensable, surtout lorsque l’on imagine la catastrophe que représenterait la rupture de la cuve en cas d’accident nucléaire.

    Pour l’association Notre Affaire à Tous, autoriser une cuve potentiellement fragilisée, c’est faire courir des risques insensés à la population. Nous demandons aux juges d’annuler ce chèque en blanc que le gouvernement semble avoir signé aux acteurs du nucléaire sur le dos de la sécurité des Français.es.

    Nous allons obliger l’Etat à nous donner une réponse !

    Pour l’instant, le gouvernement n’a pas souhaité répondre aux arguments que nous avons soulevés devant le Conseil d’Etat. Nous sommes donc contraints de sommer l’administration de conclure.

    Pour l’association Notre affaire à tous, le système mis en place est à l’origine des scandales à répétition qui frappent l’industrie du nucléaire. La loi laisse aux industriels le soin de déclarer leur défaillance, au lieu de garantir le respect effectif des normes essentielles de sécurité.

    L’ASN est ensuite placée devant le fait accompli. Or, on peut légitimement douter de la possibilité pour l’autorité de sûreté nucléaire française de prendre une décision qui s’impose pourtant, mais qui aurait pour conséquence de condamner financièrement le projet de l’EPR francais.

    Alors qu’AREVA et EDF sont menacés financièrement, la politique de l’atome, incapable de reconnaître ses erreurs, entraîne le contribuable et le citoyen dans sa chute.

    Ce rapport de forces économique et politique constitue un réel danger pour la sécurité dans les centrales nucléaires françaises, mais aussi pour la protection des populations vivant en France, pour nos voisins européens et pour les générations futures.

    Marine Calmet

  • Donald Trump relance des projets d’oléoducs au mépris de l’environnement

    Donald Trump a décidé, fin janvier, de relancer un immense projet d’oléoduc qui avait été bloqué par son prédécesseur Barack Obama, au nom de la lutte contre le changement climatique. Dans la foulée, il renouvelle son soutien à un second projet de pipeline, visant à transporter le pétrole du Dakota du nord à l’Illinois.

    Piétiner les avancées sociales et environnementales de l’ancien locataire de la Maison blanche devient une habitude pour l’administration Trump. Pendant sa campagne, il n’avait eu de cesse de critiquer l’accord de Paris sur le climat. Fraîchement élu, il a fait le choix de placer Scott Pruitt, fervent défenseur des énergies fossiles, à la tête de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA). Un choix ironique qui pourrait prêter à rire si les conséquences n’étaient pas si dramatiques. Fin janvier, Donald Trump a signé un décret ouvrant la voie à la réalisation d’un projet d’oléoduc controversé, baptisé Keystone XL. Long de 1900 km, il doit transporter le pétrole canadien depuis les sables bitumeux de l’Alberta, à l’ouest du Canada, jusqu’au Nebraska, au centre des Etats-Unis, d’où il serait acheminé dans les raffineries américaines du Golfe du Mexique. Pas moins de 830 000 barils par jour pourraient ainsi être transportés.

    Ecologie versus croissance économique

    L’aboutissement du projet reste suspendu à une renégociation avec la société canadienne TransCanada, tel que l’a souligné Donald Trump lors de la signature du décret : « Nous allons renégocier certains des termes et, s’ils le veulent, nous verrons si cet oléoduc peut être construit ». Le premier ministre canadien Justin Trudeau a quant à lui manifesté sa grande satisfaction, vantant les mérites d’un tel projet pour la croissance économique et les emplois générés. Mais du côté du voisin américain, les réactions se révèlent plus contrastées : si le camp des républicains applaudit des deux mains, les démocrates et les écologistes déplorent un mépris revendiqué des enjeux climatiques. Et surtout…un terrible pas en arrière : en novembre 2015, après plus de sept années de controverse et de mobilisation citoyenne, Barack Obama avait enfin consenti à enterrer le projet de l’oléoduc, au nom de la lutte contre le changement climatique. Quelques semaines avant la tenue de la conférence de Paris sur le climat (COP21), il avait fortement revendiqué sa décision : « Il faut agir maintenant, pas plus tard, pas un jour. Maintenant ! ». Des paroles fortes aujourd’hui jetées aux oubliettes.

    Un second projet de pipeline relancé

    Toujours dans la logique de sacrifier l’écologie sur l’autel des intérêts économiques, un second projet de pipeline est relancé : le « Dakota Access pipeline », dont l’objectif est de transporter l’or noir du Dakota du nord, pôle majeur de production de gaz et de pétrole de schiste aux Etats-Unis, vers un centre de distribution dans l’Illinois. Les Amérindiens et les écologistes mènent depuis des mois une lutte acharnée contre cet oléoduc déjà globalement construit. La tribu sioux de Standing Rock s’oppose en effet à ce qu’il passe sur les sites sacrés où sont enterrés ses ancêtres, menaçant de surcroît les sources d’eau potable. Il s’agit pour les Sioux d’une attaque caractérisée contre leur communauté et leur habitat.

    En avril 2016, un campement de résistance bientôt rejoint par des milliers d’opposants est installé sur les rives du Missouri, marquant un tournant dans la lutte inégale menée contre la société texane Energy Transfer partners, soutenue par les élites politiques locales. Mais la mobilisation grandissante relayée à l’international finit par payer : en décembre dernier, les travaux sont suspendus et la secrétaire adjointe aux travaux civils de l’armée de terre annonce par voie de communiqué la décision du gouvernement d’« entreprendre une étude d’impact environnementale complète » et d’« étudier des tracés alternatifs ». La victoire est de courte de durée. Sans surprise, Donald Trump a ouvert la voie à la reprise rapide des travaux. La bataille promet de se poursuivre en justice.

    Par Elodie Crézé

  • Taux d’actualisation, prix unique du carbone, marché de quotas…Comment les économistes réchauffent la planète selon Antonin Pottier

    Antonin Pottier, auteur du livre “Comment les économistes réchauffent la planète” sorti en 2016 aux Editions Seuil a disséqué les méthodes de l’analyse économique appliquées au changement climatique et les solutions économiques proposées pour y faire face : taux d’actualisation, prix unique du carbone, marché de quotas, etc… Cet ouvrage illustre avec clarté le manque d’ancrage des théories économiques, qui argumentent à partir d’un monde idéal, loin des réalités du réchauffement planétaire.

    Cet ouvrage commence par une petite blague :

    Le naufrage de leur navire a laissé un Physicien, un Chimiste et un Économiste seuls sur une île inhospitalière. Les trois rescapés ont sauvé de l’épave quelques boîtes de conserve mais ils ne peuvent les ouvrir. Après réflexion, le physicien propose de jeter les boîtes de conserve depuis le haut d’une falaise. Il a calculé que l’énergie dissipée lors du choc au sol provoquerait leur ouverture mais projetterait les trois quarts du contenu dans le sable. Le Chimiste préfère tremper les boîtes dans l’eau de mer : après vingt jours au fond de l’eau, la corrosion par le sel sera suffisante pour les ouvrir et en récupérer le contenu. Enfin, l’Économiste prend la parole : “Supposons que nous ayons un ouvre-boîte”.

    Notre Affaire à tous : Comment vous est venu l’idée de déconstruire le mode de pensée de l’Économiste” ?

    Antonin Pottier : Je cherchais à comprendre pourquoi l’action contre le changement climatique était si lente à se mettre en place. Il m’est apparu que les outils économiques jouaient un rôle dans notre incapacité à agir et que, loin d’être neutres, ils empêchaient de prendre au sérieux le réchauffement climatique et de proposer des solutions opératoires. Ce blocage entraîné par le mode de pensée de l’Économiste agit selon moi à deux niveaux, celui du diagnostic et celui des solutions. Au niveau du diagnostic, les calculs des dommages économiques du changement climatique le font apparaître comme un phénomène bénin, rapidement effacé par quelques années de croissance. Au niveau des solutions, l’Économiste se concentre sur une solution simple: il suffit de mettre un prix sur les émissions de CO2 et de laisser faire ensuite les incitations économiques pour baisser les émissions. Pour être efficace ce prix doit, dit-on, être unique dans tous les pays et tous lessecteurs. Cette prétendue solution n’est pas opératoire. Au niveau européen, le marché de quotas de CO2 a connu de graves dysfonctionnements et n’a pas permis de réduire les émissions. Au niveau des négociations internationales, viser un prix unique du CO2 entrave toute action: soit le prix est trop bas et il ne déclenche aucune transformation dans les pays développés, soit le prix est trop haut et inacceptable pour les pays en développement. Pour sortir de ce dilemme, il faut des prix différenciés et plus généralement toute une palette de mesures qui accompagnent ou qui remplacent les prix.

    NAAT : Vous posez la question : “Quelle est la vision du monde qui permet d’être à l’aise avec des dommages d’au plus une dizaine de point du PIN (produit intérieur net) pour une hausse de 6°C ?”

    A. P. : Comme les évaluations économiques des dommages donnaient ces chiffres, je me suis effectivement demandé dans quelle vision du monde ces résultats n’étaient pas délirants. S’ils le sont pour les scientifiques de la nature, c’est parce que pour eux, 6°C de plus représente un bouleversement considérable pour les espèces vivantes et détruirait les fragiles associations qui lient les espèces aux autres. Ce qui survivrait à ce carnage est imprévisible et les assemblages de vie qui se formeraient sont rigoureusement inimaginables. Pour l’Économiste en revanche, les sociétés humaines peuvent s’abstraire de la nature et s’adapter à de nouvelles conditions. L’essentiel est de saisir les opportunités offertes par le changement et cela grâce à des marchés en parfait état de marche. En somme, des marchés impeccablement huilés sont le seul moyen pour la société de résister aux chocs. En creux, avec ce genre de chiffres, l’Économiste exprime sa confiance aveugle dans la résistance de l’économie de marché, organisation sociale née il y a à peine deux siècles.

    NAAT : Pourtant les premiers effets sociétaux du changement climatique sont déjà bien présents aujourd’hui 

    A. P. : Les premiers effets du réchauffement sont effectivement visibles et en premier lieu dans la production agricole des pays les moins développés. Ceux-ci sont incapables de faire face aux effets négatifs du réchauffement et cela crée de fortes tensions sociales. Des réactions en chaîne peuvent se produire lorsque les tensions amplifient les fractures politiques, ethniques ou religieuses préexistantes. Un exemple tragique d’un tel enchaînement est la guerre civile en Syrie qui est en partie la conséquence d’une sécheresse hors-norme qui a frappé la région. Mais on peut aussi citer des exemples moins sanglants comme la submersion progressive des petites îles du Pacifique, menaçant les habitants et leur culture. La diversité et l’ampleur des bouleversements sociaux sont très mal exprimées par une perte de PIB. Appréhender les effets du réchauffement par les pertes de production cache toutes les expériences humaines liées au bouleversement du climat et révèle l’aveuglement des économistes.

    NAAT : Vous abordez dans votre livre la question du “taux d’actualisation”, de quoi s’agit-il ?

    A. P. : Le taux d’actualisation est essentiel pour comparer des bénéfices futurs avec des coûts actuels. D’une certaine manière, il correspond au prix que l’on donne au futur. Plus le taux est fort, moins le futur a d’importance. En prenant un taux inférieur à 2%, l’économiste Nicholas Stern justifiait des politiques climatiques ambitieuses. Mais pour la plupart des économistes, le taux d’actualisation choisie par la puissance publique devrait coïncider avec le taux d’intérêt observé usuellement sur les marchés, entre 4% et 6%, ce qui condamne toute action contre le réchauffement. Cela revient à aligner une décision politique, qui met en jeu l’avenir de la collectivité, avec des décisions prises par les individus pour eux-mêmes, dans leurs achats ou leurs placements d’épargne.

    NAAT : Pourtant les décisions politiques devraient avoir plus de force que les décisions prises par les marchés ?

    A. P. : Les décisions politiques, prises après délibération dans un cadre démocratique, ont une légitimité supérieure aux transactions marchandes. Mais le discours économique exerce un attrait certain sur les décideurs politiques qui se veulent hommes d’action. D’une part parce qu’il propose des leviers facilement actionnables, traduisibles en mesures directes. D’autre part, parce qu’il affranchit de la décision, puisque le niveau de prix est dicté par le calcul économique. Le prix du carbone devient l’outil rêvé, alors qu’en réalité il est horriblement difficile à mettre en place. Des réponses sectorielles peuvent être plus effectives et efficaces mais elles sont difficiles à défendre face à une solution globale et prétendument simple. Or c’est justement l’illusion de l’ouvre-boîte !

    Par Marine Calmet

  • Criminaliser l’écocide, un enjeu pour demain ?

    Dans l’émission de France Culture « La Grande table », diffusée fin octobre, Valérie Cabanes*, juriste et cofondatrice de l’association Notre affaire à tous, est venue expliquer le concept d’écocide et la nécessité de le criminaliser pour assurer la survie des générations futures. Quelques jours plus tard, elle était de nouveau l’invitée de France culture dans l’émission « Les Nouvelles vagues », aux côtés de Marie Toussaint, présidente de Notre affaire à tous et de Christophe Bonneuil, historien des sciences et de l’environnement.

    Non, le monde ne tourne pas rond. Et les illustrations de cet état de délabrement sont criantes, énumérées à l’antenne de France Culture par Valérie Cabanes, juriste, porte-parole du mouvement Ecocide on Earth et cofondatrice de Notre affaire à tous : « Nous avons franchi un certain nombre de limites planétaires, définies par le Stockholm Resilience centre en 2009, au-delà desquelles la vie n’est plus en capacité de se régénérer».

    Ces limites planétaires, les voici : les principales sont le changement climatique qui est devenu irréversible et qui va devenir intolérable pour de nombreuses populations et le seuil d’érosion de la biodiversité qui a été dépassé, nous entraînant dans une 6e extinction des espèces. Celui de l’acidification de l’océan menace la vie marine. La pollution des sols et les rejets écotoxiques compromettent la santé des générations à venir. Enfin, la déforestation massive se poursuit.

    Un tableau peu réjouissant qui s’accompagne d’une pluie de conséquences dramatiques. « Dans les décennies qui viennent, s’alarme Valérie Cabanes lors de l’émission « Les Nouvelles vagues », on s’attend à 60 millions de réfugiés climatiques d’Afrique subsaharienne et 250 millions dans le monde entier d’ici 2050. Et si l’on garde ce cap industriel qui nous mène vers +3° à + 4°, c’est probablement une personne sur sept devra quitter son domicile. » En cause, les sécheresses à répétition, la famine, la montée des eaux…

    « Nous sommes la nature »

    Face à ces prévisions apocalyptiques, la juriste exhorte à sortir d’un état de sidération, voire de déni. Surtout, il est essentiel de repenser notre rapport à la nature : « Nous sommes la nature. Il n’y a pas l’homme exclu de son environnement. L’humain est interdépendant de tous les cycles écologiques […] A partir du moment où l’on s’exclut de cet environnement-là, on se conduit d’une manière qui met en danger les conditions d’existence des générations à venir. » Plus encore, pour l’historien Christian Bonneuil, « ce que nous vivons n’est pas juste une crise écologique globale, mais un basculement géologique, un basculement pour la terre ».

    L’urgence est constituée, et les juristes de l’association Notre affaire à tous militent pour une reconnaissance de l’écocide** – terme qui désigne cette atteinte portée à l’habitabilité de la terre – comme 5ème crime reconnu par la Cour pénale internationale. « L’écocide nous oblige à sortir du champ juridique actuel, à établir de nouvelles valeurs, à créer de nouveaux sujets de droits », tels que « la reconnaissance de droits à l’écosystème terre », mais aussi la prise en compte de «l’intérêt des générations futures », développe Valérie Cabanes. Il deviendrait alors possible, grâce à un nouveau cadre juridique contraignant, d’ester en justice au nom de l’écosystème terre et au nom du droit des générations futures à jouir d’un environnement sain. Autrement dit, criminaliser l’écocide permettrait d’engager « la responsabilité pénale des dirigeants des multinationales », « discipliner les activités industrielles qui polluent et menacent de façon globale l’existence des personnes actuelles et celles à venir ».

    Bien que la bataille juridique se livre à l’échelle des grandes instances internationales, sa présidente Marie Toussaint a précisé également – à l’antenne de l’émission « Les Nouvelles vagues » – qu’à l’échelle nationale, l’association Notre affaire à tous agit aussi pour que « la France œuvre autant qu’elle le doit du fait de sa responsabilité historique pour ne pas dépasser le réchauffement planétaire de 1,5°C, ainsi que nous y incite l’Accord de Paris. »

    « Pays les plus vulnérables »

    Reste que les militants de ce mouvement doivent faire face aux oppositions des grandes puissances, prêtes à tout pour défendre leurs intérêts. Pour Valérie Cabanes, l’espoir repose en partie sur la Cour pénale internationale, dans la mesure où, contrairement à l’ONU, les Etats qui en sont signataires sont égaux dans leurs votes. « Or, sur les 124 Etats parties de la CPI, plus des 2/3 ont la volonté de créer un cadre contraignant pour l’activité des multinationales et des états complices ou qui les subventionnent. Pour adopter un amendement au Statut de Rome, il faut obtenir 2/3 des votes des Etats parties à la CPI ». Ainsi, « l’espoir vient des pays les plus vulnérables ». En attendant, et face aux obstacles politiques, économiques et juridiques qui se dressent, « nous demandons aux juges d’être courageux et de créer des jurisprudences, de façon à ce que le droit évolue vers la reconnaissance de l’écocide dans le droit international », enjoint la juriste.

    Si le mot écocide est d’ores et déjà accepté au scrabble, le voir inscrit dans le droit international reste un défi à la charge de la société civile. Pour qu’un jour proche, des tribunaux comme celui, symbolique, qui a jugé la firme Monsanto à la Haye fin octobre 2016, deviennent enfin réalité.

    Par Elodie Crézé

     

    *Valérie Cabanes est l’auteure de l’ouvrage « Un nouveau droit pour la terre, pour en finir avec l’écocide », publié aux éditions du Seuil (2016).

    ** Terme employé pour la première fois en 1966 pour qualifier le crime de guerre qu’a constitué l’usage d’un défoliant appelé «agent orange», par l’armée américaine lors de la guerre du Vietnam

    A écouter :

    La Grande table, France culture : « Écocide : faut-il repenser les droits de la Terre ? » émission du 21 octobre 2016

    Les Nouvelles vagues, France culture : « Pour en finir avec l’«écocide» » émission du 31 octobre 2016

  • Changement climatique au Pérou: l’action de David contre Goliath

    Traduit de l’allemand (retrouvez l’article d’origine sur Euractiv)

    C’est le premier recours de la sorte en Europe – et cela pourrait bien aller plus loin. Un agriculteur péruvien a poursuivi le géant de l’énergie RWE (“Rheinisch-Westfälisches Elektrizitätswerk”, conglomérat allemand de la région du Rhin-Westphalie), qu’il tient pour co-responsable du changement climatique sur sa terre natale.

    Crédit photo Edubucher

    Le guide de montagne péruvien Saúl Luciano Lliuya avait un grand objectif – moins sur le plan financier, mais pour le moins symbolique. Il voulait faire en sorte que la société d’énergie RWE soit condamnée à payer une partie des sommes nécessaires à la protection contre les effets du changement climatique dans sa région. Mais son action en dommages-intérêts contre le géant de l’énergie a échoué. C’est ce qu’a décidé le “Landgericht” (équivalent du tribunal de grande instance régional) de la ville d’Essen ce jeudi.

    Ceci pourrait cependant ne pas être le fin mot de l’histoire

    En effet, le tribunal a néanmoins consenti à faire un pas en avant et à suivre l’argumentation de l’agriculteur sur le plan moral. Bien qu’il constate l’absence de «causalité juridique», il n’exclut pas l’existence d’une «causalité scientifique». L’avocate de Lliuyas, Roda Verheyen a annoncé que son client ferait « probablement » appel de la décision devant la Haute cour de la ville de Hamm. Dans ce cas, il faudra que le demandeur apporte la preuve dans le détail que les agissements de la société RWE impliquent sa responsabilité pour la mise en danger de la propriété de Luciano Lliuya.

    Celui-ci s’est montré confiant, il espère qu’un tribunal allemand lui donnera la chance « de démontrer que RWE est conjointement responsable de notre situation dangereuse ».

    Ce recours qui est largement passé inaperçu dans l’opinion publique est le premier de la sorte en Europe. Dans la région d’origine de l’agriculteur péruvien, la ville de 120.000 habitants Huara, est menacée par un risque important d’inondation en raison de la fonte massive des glaciers. Le GIEC attribue la fonte des glaciers dans les Andes au changement climatique. À Huara, les études estiment que jusqu’à 50.000 personnes pourraient être victimes d’un tsunami dévastateur si un effondrement glacier survenait sur le lac Palcacocha .

    Le lac, à quelques kilomètres au-dessus de la ville, a vu sa taille quadrupler depuis 2003. Avec le changement climatique, le risque que de grands blocs de glace se détachent du glacier et tombent dans le lac, augmente significativement. Pour éviter le danger d’un raz-de-marée, il serait indispensable de régulièrement pomper de grandes quantités d’eau dans le lac par un nouveau système de drainage et de consolider les digues autour du lac ou d’en construire de nouvelles.

    Dans sa poursuite civile déposée fin 2015, Lliuya réclamait que RWE soit condamnée à financer les mesures de protection sur le glacier au-dessus de la ville andine à hauteur de sa contribution au réchauffement climatique. Sa démarche est soutenue par l’association environnementale Germanwatch.

    Les sommes réclamées représentent environ 17.000 euros. La société RWE, qui est un des plus grands émetteurs de CO2 en Europe, refuse de payer.

    Responsabilité historique, irresponsabilité juridique

    Selon une étude de 2014, la société d’énergie serait responsable d’environ un demi pour cent de toutes les émissions de gaz à effet de serre qui ont été globalement émises par l’action humaine depuis le début de l’industrialisation !

    Klaus Milke, président de l’association allemande Germanwatch, explique le nœud de la question : “Est ce que les principaux responsables du changement climatique peuvent écarter leur responsabilité, avec pour seul argument qu’il existe un grand nombre de coresponsables ? Pour les personnes directement touchées par le changement climatique, cela revient à en faire des victimes à la fois dépourvue de soutien matériel mais aussi de recours juridique, dit-il. Ce serait un argument en faveur de l’irresponsabilité collective. »

    Pour l’association Notre affaire à tous, ce recours met en lumière le décalage actuel entre les outils juridiques disponibles et les besoins ressentis par les victimes du changement climatique. Malgré la responsabilité scientifique évidente des grands émetteurs, le juge reste encore dépourvu d’instruments assez neufs pour rendre une justice équilibrée et trouver des solutions innovantes.

    Ce recours est emblématique de toute l’ingéniosité des défenseurs de la justice climatique. Qu’ils soient agriculteurs ou écoliers, avocats ou parents, face au refus de la société industrialisée d’agir et de réparer ses erreurs, il faut croire que la justice verra se former des recours toujours plus créatifs pour mettre les entreprises et les Etats face à leurs responsabilités.

  • Le droit à l’eau, un nouvel outil juridique face aux industries extractivistes ?

    Le droit à l’eau, un nouvel outil juridique face aux industries extractivistes ?

    A l’occasion de la publication du rapport « Droit à l’eau et industries extractives : la responsabilité des multinationales », l’association France Libertés et l’Observatoire des multinationales ont tenu une conférence le 30 mai dernier afin de présenter leurs conclusions.

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    « C’est l’aboutissement d’un long partenariat : dix-huit mois de recherches », souligne Olivier Petitjean de l’Observatoire des multinationales. Cette association dont la mission est d’analyser les impacts sociaux, environnementaux et économiques des grandes entreprises françaises, a étudié plusieurs dizaines de cas rassemblant les problématiques de l’eau et de l’activité extractiviste. « Nous nous sommes intéressés à ce secteur parce qu’on annonce actuellement la reprise des exploitations de gaz de schiste et de gaz de couche en France, notamment en Lorraine», souligne Olivier Petitjean. En Guyane, des gisements d’or sont souvent exploités illégalement, à grands frais pour l’environnement.

    Qu’est ce que l’extractivisme ?

    « C’est un modèle qui est basé sur l’excès. Il repose sur la captation d’une grande quantité de ressources, notamment en eau »

    Alice Richomme de l’association France Libertés a tenu à rappeler que l’extractivisme est la première étape du modèle économique actuel, reposant également sur le productivisme et le consumérisme.

    L’extractivisme est un terme négatif utilisé pour dénommer ces pratiques parce qu’elles mettent en péril le droit à un environnement sain, le droit à l’eau, qu’elles détruisent également le lien social, économique et la santé des populations directement affectées par son développement. A titre d’exemple, la lutte des populations équatoriennes contre l’entreprise pétrolière Chevron qui refuse toujours d’indemniser les victimes de ses forages destructeurs pour l’environnement local.

    Les scientifiques Thibaud Saint-Aubin et Théo Roche de l’association Ingénieurs Sans Frontières se sont penchés sur les impacts de la mine, le sanctuaire de l’activité extractiviste. Conclusion : « la mine durable et responsable est un mythe ! » On retrouve sur tous les projets des conséquences environnementales majeures liées à la destruction des espaces naturels et à la contamination de ces milieux. « Le projet du géant minier Alpha coal en Australie ravage la grande barrière de corail« , rappelle Thibaud pour n’en citer qu’un.

    Mais quel est le rapport avec l’eau ?

    La question de l’eau revient systématiquement quand on étudie des projets extrativistes. Leurs impacts sont graves et la plupart du temps irréversibles, « une mine à une durée de vie limitée de 10 ans, mais elle peut condamner définitivement les ressources en eau », rappelle Olivier Petitjean. Au-delà du simple risque inhérent de pollution, l’industrie extractiviste peut conduire à la destruction du cycle de l’eau et à la disparition de la continuité écologique en raison de la construction de barrages hydroélectriques nécessaires pour alimenter la mine en énergie.

    « Prendre en compte ces réalités environnementales nécessite de se projeter sur le long terme, une perspective qui n’existe pas pour les multinationales »

    Les auteurs du rapport constatent que les formes de régulation qui existent ne sont pas appliquées sur le terrain et restent au stade formel. Le rapport de forces entre les entreprises et les communautés locales est le plus souvent totalement disproportionné. Les opposants aux projets industriels font l’objet de pressions, parfois économiques et juridiques, mais également physiques. A ce propos, Alice Richomme soulignait qu’en 2014, le nombre d’activistes morts pour avoir défendu l’environnement s’élevait à plus de 900 dans la dernière décennie selon les chiffres de l’ONG Global Witness.

    Droit à l’eau : un outil juridique et un droit politique :

    Le 28 juillet 2010, l’Assemblée générale des Nations unies reconnaissait « le droit à l’eau potable salubre et propre«  comme un droit fondamental de l’Homme. Mais depuis, il faut constater que son application est restée limitée.

    Pour les auteurs du rapport, le droit à l’eau « peut jouer un rôle pour permettre aux communautés ou aux collectivités locales de limiter les impacts d’un projet extractif, voire empêcher qu’il voit le jour« . Mais cela nécessite une traduction juridique opérationnelle de ce principe afin de permettre aux populations touchées de s’en saisir.

    L’accès à cette ressource vitale ne peut être compris comme la seule fourniture d’eau potable. Une conception élargie doit comprendre la garantie de l’autonomie des peuples à accéder aux réserves et l’innocuité de leur utilisation pour les populations locales. En effet, une eau contaminée condamne les moyens de subsistance traditionnels, tel que la pêche ou l’agriculture.

    Mountain top removal
    Technique du « mountain top removal » : les gisements sont exploités en décapitant les montagnes

    On peut d’ores et déjà constater des victoires environnementales grâce à la reconnaissance d’un droit à l’eau opposable aux entreprises. C’est le cas de la condamnation de l’entreprise gazière américaine ExxonMobil dans les Appalaches sur le fondement du Clean Water Act américain, adopté en 1972. Le rapport cite également un cas français, dans lequel le maire de la ville de Guitrancourt a fait reconnaître d’ »utilité publique » les ressources en eau pour s’opposer à l’exploitation d’une carrière de calcaire dangereuse pour les réserves aquifères. Mais l’Etat a parallèlement déclaré la mine d’utilité publique… Un bras de fer s’est donc engagé entre le droit à l’eau des populations locales et l’industrie du calcaire.

    En France, quelles perspectives pour le droit à l’eau ?

    Après un travail mené en concertation avec la fondation France Libertés et la Coalition Eau, des députés ont déposé une proposition de loi visant le « droit humain à l’eau potable et à l’assainissement ». Elle sera discutée à l’Assemblée nationale le 14 juin prochain. Ce texte reconnaît « le droit pour chaque personne, de disposer chaque jour d’une quantité suffisante d’eau potable pour répondre à ses besoins élémentaires« . Pour l’instant, il vise principalement l’accès « financier » à l’eau et prévoit des mesures sociales pour assurer à chacun des moyens budgétaires suffisants et un accès à des équipements sanitaires.

    Mais la proposition de loi reflète tout de même une évolution des mentalités par rapport au droit à l’eau. Dans le domaine de la responsabilité des entreprises, le texte s’appuie sur l’article L. 210-1 du code de l’environnement qui prévoit que l’eau « fait partie du patrimoine commun de la nation« , pour justifier la taxation des industriels producteurs d’eau en bouteille (qui bénéficient quasi-gratuitement de cette ressource) pour financer les mesures sociales garantissant l’accès « réel » à l’eau.

    La proposition de loi prévoit également d’inscrire dans le Code de la santé publique, l’obligation pour les collectivités d’installer des points d’eau potable destinés à l’accès public, gratuit et non discriminatoire « en vue de mettre en œuvre le droit de vivre dans un environnement équilibré, d’assurer la salubrité publique et la dignité de tous « . Cette formulation ouvre un champ de perspectives nouvelles pour la protection de l’environnement et d’un droit élargi à l’eau.

    A suivre !