Catégorie : Droit européen et international de l’environnement

  • Le droit international face à l’urgence climatique : le point sur ce que les États ont soutenu devant la Cour internationale de Justice

    Le 23 juillet 2025, la Cour internationale de Justice (CIJ) rendra un avis consultatif très attendu sur les obligations juridiques des États en matière de changement climatique. Saisie par l’Assemblée générale des Nations Unies, la Cour devra répondre à deux questions déterminantes : quelles sont les obligations des États, en vertu du droit international, face à la crise climatique ? Quelles sont les conséquences juridiques en cas de manquement ?

    Bien que non contraignant, cet avis consultatif constitue une interprétation faisant autorité du droit international. Intervenant après la publication de l’avis consultatif historique de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIADH) sur l’urgence climatique et les droits humains le 3 juillet dernier, il pourrait redéfinir les contours du régime international applicable au climat, notamment en matière de prévention des dommages, de droits humains, de responsabilité étatique, et de coopération.

    Le processus de l’adoption de l’avis consultatif a déjà marqué l’histoire de la CIJ : 91 États ont déposé des mémoires écrits, et 97 ont pris part aux audiences orales. Ce rapport en synthétise les principales lignes de clivage et met en lumière les positions clefs portées par les États devant la Cour.

    1. Les obligations des États en vertu du droit international en matière climatique

    Les contributions des États sur la question des obligations juridiques se structurent principalement autour de cinq grands axes : le droit applicable (A), les droits humains (B), le principe de prévention (C), le principe des responsabilités communes mais différenciées (D), et les obligations des États à l’égard des acteurs privés (E).

    Quatre de ces thématiques ont concentré l’essentiel des développements : les droits humains ont fait l’objet du plus grand nombre d’arguments (87), suivis par les discussions sur le droit applicable (77), puis sur le principe de prévention et le principe des responsabilités communes mais différenciées (58). Cette hiérarchie reflète une dynamique argumentative forte en faveur d’une interprétation intégrée et interdisciplinaire du droit international applicable en matière climatique — croisant normes environnementales, obligations de prévention et droits fondamentaux.

    Thématiques les plus évoquées dans les contributions étatiques s’agissant des obligations des États en matière climatique :

    1. Les normes applicables aux obligations des États en matière climatique

    Un nombre très substantiel d’États (46) ont soutenu que les obligations climatiques des États s’ancrent dans un corpus juridique international bien plus large que le seul régime conventionnel (CCNUCC, Protocole de Kyoto, Accord de Paris). Selon eux, ces obligations trouvent également leur source dans le droit international coutumier, le droit international de l’environnement, le droit international des droits de l’homme, le droit de la mer, le droit des conflits armés, ou encore le droit international relatif aux catastrophes. Plusieurs États — Mexique, Micronésie, Gambie notamment — ont également soutenu que les obligations découlant des traités climatiques existent, ou doivent être interprétées comme existant, en harmonie avec d’autres sphères du droit international. D’autres — le Chili, le Costa Rica, la France, le Guatemala et la Gambie — ont explicitement réfuté l’idée que les instruments climatiques sont une lex specialis, affirmant que ceux-ci doivent être interprétés de manière compatible avec les engagements juridiques internationaux existants. De manière convergente, la Barbade, le Burkina Faso, les Palaos, la République démocratique du Congo, la Gambie, le Soudan et l’Uruguay ont affirmé que les traités climatiques ne sauraient supplanter ni écarter les autres normes internationales applicables.

    Cette position majoritaire s’inscrit dans la continuité de l’avis consultatif de la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIADH) du 3 juillet dernier, qui affirme non seulement l’unité du droit international applicable aux enjeux climatiques, mais surtout la reconnaissance de normes impératives (jus cogens) protégeant l’environnement, au fondement des obligations des États [1]. 

    À l’inverse, un groupe minoritaire de 19 États a défendu une lecture étroite des obligations climatiques, cantonnées au régime conventionnel. L’Afrique du Sud, le Brésil, les États-Unis, la France, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan et Singapour ont ainsi soutenu que les obligations des États en matière de changement climatique relèvent essentiellement des traités climatiques existants. Certains États sont allés encore plus loin, en allant jusqu’à qualifier les traités climatiques existants de lex specialis, excluant par là même toute application parallèle d’autres normes juridiques internationales. C’est notamment la position de l’Arabie saoudite, de la Russie, de la Chine, de l’Inde, de l’Iran, du Koweït, du Japon et du Royaume-Uni. Enfin, d’autres États comme l’Allemagne, l’Australie, le Canada et la Corée du Sud ont présenté un argument distinct mais similaire, estimant que d’autres sources du droit international (par exemple, le droit international des droits de l’homme) doivent être interprétées à la lumière des obligations établies par le régime conventionnel climatique.

    1. La protection des droits humains 

    La question de la protection des droits humains face à la crise climatique a occupé une place centrale dans de nombreuses contributions étatiques et est un enjeu majeur de l’avis à venir de la CIJ, dont le rôle premier n’est pas la protection des droits humains. Dix États l’ont ainsi appelée à reconnaître la pertinence du droit à un environnement sain, la Slovénie estimant que ce droit constitue une condition préalable à la jouissance des autres droits humains – comme l’a  d’ailleurs rappelé la CIADH le 3 juillet dernier. La CIADH a en outre consacré le droit autonome à un climat sain, découlant du droit à un environnement sain [2]. 

    Les États n’ont toutefois pas été unanimes dans leurs contributions : l’Arabie saoudite a jugé le droit à un environnement sain “non pertinent”, tandis que les États-Unis et la Russie ont soutenu qu’il n’est actuellement pas consacré par le droit international.

    En outre, certains petits États insulaires en développement (PEID), tels que le Vanuatu, les Fidji et Tuvalu, ont souligné l’importance de protéger leur droit à l’autodétermination face à une élévation extrême du niveau de la mer. La Roumanie est allée plus loin, affirmant que ces PEID ont non seulement le droit, mais aussi l’obligation positive, d’agir pour préserver leur existence en tant qu’États.

    Le Vanuatu et les Îles Cook ont quant à eux estimé que les interdictions de discrimination raciale et de genre sont applicables dans le contexte du changement climatique. L’Albanie a adopté une approche plus large, demandant à la Cour de déterminer les obligations des États à travers cette perspective intersectionnelle.

    Dix États ont estimé que les obligations des États en matière de droits humains dans le contexte du changement climatique s’appliquent extraterritorialement, tandis que cinq États (dont la Corée du Sud, les États-Unis et la Russie), ont considéré que ces obligations ne s’étendent qu’aux individus se trouvant sur le territoire de l’État ou relevant de sa juridiction. D’autres États ont tenté de définir des critères d’applicabilité extraterritoriale. L’Albanie a soutenu que l’application extraterritoriale ne peut avoir lieu que sous deux conditions : (i) il doit exister un lien de causalité clair entre la violation alléguée et l’acte ou l’omission de l’État, et (ii) la conduite en cause a eu un impact direct et prévisible sur les droits humains d’un individu. Certains ont également argumenté que les droits humains ne peuvent s’appliquer extraterritorialement que dans des circonstances exceptionnelles, telles que s’agissant du jus cogens (le Canada), en matière de discrimination raciale (les Îles Cook), pour le droit à l’autodétermination (la Micronésie) ou encore pour le droit à l’eau (la Namibie).

    Enfin, seize États ont soutenu que les droits des générations futures doivent être reconnus et protégés au moyen d’obligations incombant aux États, notamment au titre de l’Accord de Paris. Le Pérou a ainsi estimé que le respect de l’équité intergénérationnelle exige que les États entreprennent des mesures d’adaptation et d’atténuation tandis que la France a plaidé pour la prise en compte de ce principe dans la détermination des contributions déterminées au niveau national (CDN).

    Comme souligné par la CIADH dans son avis consultatif du 3 juillet [3], le principe d’équité intergénérationnelle est déjà pris en compte par diverses institutions et tribunaux internationaux, dont la Cour internationale de justice [4], le Tribunal international du droit de la mer [5], la Cour européenne des droits de l’homme [6], en sus des tribunaux nationaux. À ce titre, la CIADH a précisé que le droit à un climat sain doit bénéficier aux générations futures [7].

    La protection des générations futures ne semble néanmoins toujours pas faire consensus, l’Allemagne et la Russie ayant affirmé que les actes ou omissions commis à l’encontre de « personnes abstraites » futures ne pouvaient constituer des violations des traités relatifs aux droits humains applicables. 

    1. Le principe de prévention et les obligations de due diligence 

    Trois axes de débat principaux se sont dégagés quant à la portée et à la nature juridique du principe de prévention qui impose aux États l’obligation d’éviter de causer des dommages environnementaux. Ce principe est reconnu comme l’une des pierres angulaires du droit international de l’environnement.

    Premièrement, la question de l’extension du principe aux dommages transfrontières causés par les émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES) — c’est-à-dire au-delà des seuls États voisins — a suscité des positions contrastées. Vingt-deux États ont plaidé en faveur d’une interprétation élargie, incluant les effets globaux des émissions, indépendamment de la proximité géographique entre États. À l’inverse, certains États — notamment l’Arabie saoudite, l’Australie, le Canada, les pays nordiques et le Royaume-Uni — ont soutenu que le principe de prévention ne saurait s’appliquer aux émissions de GES ni, plus largement, à la problématique du changement climatique. Une telle approche s’inscrit en porte-à-faux avec l’avis rendu par la Cour interaméricaine des droits de l’homme le 3 juillet 2025 : elle a en effet considéré que, bien que le principe de prévention ait été historiquement formulé dans le cadre des relations interétatiques, les obligations qu’il implique sont analogues à celles découlant du devoir général de prévenir les violations des droits de l’homme. Dès lors, un État est tenu d’adopter des mesures préventives tant à l’égard des activités susceptibles de porter atteinte aux droits humains que de celles comportant un risque environnemental au-delà de son territoire [8].

    Deuxièmement, plusieurs divergences sont apparues quant à l’applicabilité temporelle du principe de prévention. La Micronésie et Nauru ont plaidé pour une application du principe aux émissions historiques de GES, considérant qu’il ne saurait être limité aux seules émissions récentes. La France, pour sa part, a proposé une approche plus nuancée, invitant la Cour à déterminer à partir de quelle date une obligation juridique de prévention est apparue. Selon elle, une telle analyse implique : (i) d’identifier le moment où le droit international a évolué d’un devoir de prévention circonscrit aux dommages transfrontières entre États voisins vers une obligation à portée globale ; et (ii) de déterminer la période à partir de laquelle les États ont eu une connaissance suffisante du caractère dommageable des émissions de GES.

    Troisièmement, la nature de l’obligation découlant du principe de prévention a été discutée. Alors que la Barbade a défendu l’existence d’une obligation de résultat, les Émirats arabes unis et le Japon ont, au contraire, soutenu qu’il s’agissait d’une obligation de comportement de moyens.

    S’est également posée la question du niveau de “due diligence” requise dans la mise en œuvre de cette obligation de prévention. Trois États — les Bahamas, le Costa Rica et les Philippines — ont soutenu que les États doivent faire preuve de diligence raisonnable dans la réduction de leurs émissions de GES, par l’adoption de mesures proactives proportionnées à leurs capacités et fondées sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles, notamment celles du GIEC. Le Mexique a précisé cette analyse en identifiant quatre critères interdépendants permettant d’apprécier le respect de cette diligence : (i) l’élaboration et la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national (CDN) ; (ii) la prise en compte des pertes et préjudices ; (iii) l’allocation de ressources financières ; et (iv) le transfert de technologies ainsi que le renforcement des capacités. Les Seychelles ont, pour leur part, souligné qu’une diligence suffisante implique une mise en œuvre effective des CDN avec une ambition croissante, tandis que la Gambie a mis l’accent sur la nécessité de réaliser des évaluations d’impact environnemental.

    Enfin, sept États — dont la France — ont plaidé pour une due diligence renforcée. Antigua-et-Barbuda a proposé que des exigences de diligence accrues soient imposées aux grands émetteurs historiques, tandis que la Suisse a limité une telle exigence renforcée aux principaux émetteurs actuels. Cette approche a été critiquée par les États-Unis, qui ont contesté toute base juridique permettant d’imposer des obligations différenciées en matière de diligence entre États.

    1. Le principe des responsabilités communes mais différenciées

    Conformément au principe des responsabilités communes mais différenciées (common but differentiated responsibilities – CBDR), lié à l’équité intergénérationnelle, il est attendu des États qu’ils assurent une répartition équitable des charges liées à l’action climatique et aux impacts climatiques, en tenant compte de leur contribution historique aux causes du changement climatique et de leurs capacités respectives [9].

    Ce principe a été au cœur de débats, tout comme il l’avait été en amont de la publication de l’avis consultatif de la CIADH, aussi bien s’agissant de sa définition que de sa portée. Seize États ont affirmé que les États développés — ceux disposant de ressources plus importantes et portant historiquement une responsabilité disproportionnée dans les émissions mondiales de GES — sont tenus de prendre l’initiative dans la lutte contre le changement climatique, notamment par le biais du renforcement des capacités, de l’assistance financière et/ou du transfert de technologies. Certains États, comme la Roumanie, ont toutefois considéré que la responsabilité historique ne devait pas être prise en compte pour définir les obligations juridiques des États au titre du principe CBDR. De même, la distinction entre État développé et État en développement a été débattu, la République démocratique du Congo, les Bahamas et les Émirats arabes unis estimant que la Cour devait prendre en compte les capacités évolutives des économies émergentes, bien que classées à ce jour comme « États en développement ». Nauru a en outre demandé à la CIJ de tenir compte des vulnérabilités géographiques des pays enclavés et montagneux. 

    L’appréciation de la portée du principe CBDR n’a pas fait l’unanimité : alors que l’Équateur a soutenu qu’il impose une obligation de diligence aux États, les contraignant à prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire les émissions de GES de manière proportionnée à leurs contributions historiques, le Canada a affirmé que le CBDR ne crée pas d’obligations juridiques pour les États. Des divergences d’opinion peuvent également être notées quant aux obligations concernées par le principe : certains ont pu avancer qu’il devait éclairer l’interprétation des obligations liées au climat en général tandis que d’autres ont cherché à le cantonner à l’Accord de Paris, voire à minimiser son importance au sein de l’Accord (il ne constituerait pas un principe global selon les États-Unis).  

    Les États étaient également divisés sur l’existence d’une obligation de financement en vertu du droit international. Alors que le Costa Rica et le Kenya ont soutenu que les États ont une obligation juridique de fournir une compensation pour les pertes et préjudices liés au changement climatique, l’Allemagne a affirmé que cette compensation devrait rester purement volontaire.

    1. La responsabilité des acteurs privés

    Plusieurs contributions ont porté sur les obligations des États à l’égard des acteurs privés dans la lutte contre le changement climatique. Comme l’a rappelé la CIADH le 3 juillet dernier, “il ne fait aucun doute que les entreprises sont appelées à jouer un rôle fondamental dans la lutte contre l’urgence climatique” et sont tenues de le faire [10]. Les instances internationales sont unanimes à ce propos : ce ne sont pas seulement les États, sujets de droit naturels du droit international public, mais également les entreprises qui ont des “obligations et responsabilités en ce qui concerne le changement climatique et ses impacts […] sur les droits humains” [11].

    Onze États ont ainsi affirmé leur obligation de réglementer la conduite des acteurs privés relevant de leur juridiction afin de prévenir les dommages, certains mentionnant plus spécifiquement une obligation de réglementer la conduite des acteurs privés générant des émissions de GES ou portant atteinte aux droits humains. 

    Des arguments ont également été avancés concernant l’importance de prévoir des cadres juridiques contraignants dans le contexte de la régulation des activités des acteurs privés opérant sur le territoire d’un État (Serbie), ainsi que la nécessité de garantir l’exercice d’une diligence raisonnable — en particulier concernant les impacts environnementaux négatifs — tout au long des chaînes d’approvisionnement des acteurs privés (Namibie).

    1. Les conséquences juridiques 

    La seconde question posée à la CIJ concernant les conséquences juridiques en cas de manquement aux obligations a suscité de nombreuses discussions sur le cadre juridique de applicable, avec pas moins de 54 contributions sur le sujet (A), ainsi que sur les enjeux de causalité, d’attribution et de responsabilité historique et collective, sur lesquels 29 argumentaires ont été formulés (B), suivies par l’enjeu de la réparation des dommages climatiques (21) (C), et, enfin, de la cessation et de la non-répétition des manquements (3) (D).

    Thématiques les plus évoquées dans les contributions étatiques s’agissant des conséquences juridiques en cas de manquement aux obligations :

    1. Le cadre juridique applicable

    Les États ont été divisés sur le cadre juridique de référence applicable pour déterminer les conséquences juridiques d’une violation de leurs obligations climatiques. 

    De nombreux États (43) ont affirmé que le droit international général de la responsabilité des États s’applique en cas de manquement. L’Arabie saoudite, le Canada, la Chine, la France, le Japon, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni ont au contraire soutenu que les conséquences juridiques doivent être plus strictement déduites des mécanismes de conformité prévus par le régime conventionnel climatique. Enfin, l’Afrique du Sud et l’Espagne ont plaidé pour un examen au cas par cas de la question des conséquences juridiques.

    1. Les enjeux de causalité, d’attribution et de responsabilité historique et collective

    Les enjeux de la causalité se sont avérés aussi centraux que controversés. L’Australie, l’Espagne, les États-Unis, le Koweït et le Timor-Leste ont affirmé que la réparation des préjudices liés au changement climatique nécessite l’établissement d’un lien de causalité clair entre les émissions de GES et le dommage en question, tandis que la France a soutenu que les critères de causalité doivent être définis au cas par cas. Les pays nordiques sont allés plus loin, affirmant que la causalité ne peut être traitée de manière abstraite. En réponse, l’Albanie, Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, le Belize, le Guatemala et la Zambie ont soutenu que l’engagement de la responsabilité pour obtenir réparation ne devait pas être exclu par les difficultés à établir la causalité. Leur position s’inscrit dans la lignée de l’avis de la CIADH du 3 juillet, qui a souligné la possibilité de présumer un lien de causalité entre les émissions de GES et la dégradation du système climatique, ainsi que celui existant entre cette dégradation et les risques qu’elle engendre sur les systèmes naturels et les populations [12].

    La question de l’attribution d’un dommage climatique à un ou plusieurs États a également fait l’objet de débats. Si la Russie a soutenu que cela est impossible, le Chili, le Costa Rica, le Ghana et les Samoa ont affirmé qu’une telle attribution peut être établie sur la base d’un consensus scientifique reconnu.

    Enfin, des divergences de positionnement peuvent être constatées s’agissant du caractère individuel ou collectif de la responsabilité étatique. Six États (Micronésie, République démocratique du Congo, Samoa, Comores, Vietnam et Zambie) ont affirmé que le droit international coutumier fournit un cadre pour traiter à la fois la responsabilité collective et individuelle. Allant dans ce sens, Nauru et le Népal ont suggéré que la nature composite de la responsabilité des États en matière climatique signifie que les États développés ont un devoir collectif de compenser les dommages causés par leurs émissions historiques.

    La Russie et le Japon se sont opposés à ce point de vue, soutenant qu’il ne fallait accorder qu’une considération limitée — voire aucune — aux émissions historiques dans la détermination de la responsabilité étatique. L’Australie a quant à elle soutenu que le droit de la responsabilité des États ne reconnaît pas de responsabilité collective pour les dommages climatiques.

    1. La réparation des dommages climatiques

    Dix États ont avancé que la réparation des dommages climatiques peut notamment être assurée en contribuant aux fonds de lutte contre le changement climatique, en offrant des ressources financières pour soutenir les efforts d’adaptation, d’atténuation et de relocalisation, en soutenant la recherche scientifique régionale, en garantissant le maintien du statut d’État pour les États touchés, en procédant à des transferts technologiques et en utilisant des mécanismes de réparation innovants tels que l’allègement et l’annulation de la dette, ainsi que les échanges dette-climat. 

    L’Égypte, l’Équateur, la Jamaïque et Sainte-Lucie ont quant à eux soutenu que le caractère discrétionnaire des mécanismes de pertes et dommages (Loss and Damage) dans le cadre de la CCNUCC ne peut se substituer à une réparation intégrale, y compris à une indemnisation, en vertu du droit international. Cette position fait échos à celle de la CIADH qui a, d’une part, affirmé que la responsabilité internationale engendrée par la violation du droit à un climat sain entraîne l’obligation de réparer intégralement le dommage causé [13], et, d’autre part, a averti que, compte tenu de l’ampleur des impacts prévus, le Fonds Loss and Damage mis en place dans le contexte de la COP27 nécessiterait “des ressources extraordinairement élevées pour remplir sa fonction” [14].

    Enfin, les Fidji et la Micronésie se sont déclarées favorables à une différenciation des réparations entre les réparations dues aux États, en particulier aux PEID, les réparations dues aux peuples, y compris les peuples autochtones, et les réparations dues aux individus, y compris les détenteurs de droits des générations actuelles et futures.

    1. La cessation et la non-répétition des manquements

    Trois États ont élaboré sur les obligations de cessation et de non-répétition s’inscrivant dans le cadre du droit de la responsabilité des États. Les Fidji ont estimé que la cessation exige une réduction immédiate des émissions de GES ainsi que le démantèlement des structures systémiques alimentant de telles émissions, tandis que le Ghana a soutenu que les États doivent cesser et s’abstenir d’adopter des lois, politiques et pratiques qui soutiennent les émissions de GES, en particulier la production d’énergies fossiles. Afin de garantir la non-répétition, le Vanuatu a affirmé que les États doivent engager des réformes politiques, réglementaires et législatives et empêcher les acteurs non étatiques relevant de leur juridiction, y compris les entreprises, de causer de nouveaux dommages climatiques.

    La CIADH a rappelé à ce titre qu’il est “du devoir de l’État de surveiller et de contrôler, au minimum, la prospection, l’extraction, le transport et le traitement des combustibles fossiles, la fabrication de ciment, les activités agro-industrielles” [15].

    Notes et références :

    [1] CIADH, Urgence climatique et droits humains, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025,  §  290 et 291 et suiv. sur le caractère jus cogens de l’obligation de ne pas causer des dommages irréversibles au climat et à l’environnement.

    [2] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 300 et suiv. La Cour affiche la volonté de “doter l’ordre juridique interaméricain d’un fondement propre, qui permette de délimiter clairement les obligations spécifiques des États face à la crise climatique et d’exiger leur respect de manière autonome par rapport aux autres devoirs liés à la protection de l’environnement”.

    [3] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 305.

    [4] CIJ, Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, Avis consultatif du 8 juillet 1996, § 29.

    [5] TIDM, Changement climatique et droit international, Avis consultatif du 21 mai 2024, § 166.

    [6] CEDH, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz et autres c. Suisse, n° 53600/20, 9 avril 2024, § 410-420.

    [7] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 311 : “bien que le droit international des droits humains reconnaisse à toute personne des droits inaliénables, son fondement éthique et normatif transcende les habitants de la planète dans le présent et s’étend également à l’humanité en tant que communauté morale et juridique qui perdure dans le temps”.

    [8] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 276.

    [9] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 310.

    [10] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 345.

    [11] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 346 ; Working Group on the issue of human rights and transnational corporations and other business enterprises, « Information Note on Climate Change and the Guiding Principles on Business and Human Rights, 2023 », p. 5.

    [12] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 553.

    [13] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 303.

    [14] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 201.

    [15] CIADH, avis consultatif OC-23/17, 3 juillet 2025, § 353.

  • Appel à l’adoption d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à un environnement propre, sain et durable

    Aux Ministres des Affaires étrangères et aux Représentants permanents des Etats membres du Conseil de l’Europe

    Nous, organisations de la société civile, mouvements sociaux, [et organisations de peuples autochtones] signataires de cette lettre, appelons à la reconnaissance rapide du droit humain à un environnement propre, sain et durable par le biais d’un protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cette demande représente une priorité fondamentale pour les enfants, les jeunes et de nombreux autres parties prenantes à travers le continent et elle est soutenue par une large coalition d’organisations [œuvrant pour les droits de l’homme, la protection de l’environnement, l’égalité des sexes, l’inclusion sociale, ainsi que des syndicats et des organisations religieuses].

    Les effets néfastes de la triple crise planétaire – changement climatique, pollution et  perte de la biodiversité – affectent l’ensemble des habitants des États membres du Conseil de l’Europe. À l’échelle du continent, la pollution atmosphérique est responsable de la mort prématurée de plus de 300 000 personnes chaque année. L’accélération de la crise climatique alimente des vagues de chaleur sans précédent, des sécheresses prolongées, des inondations répétées, l’élévation du niveau de la mer et des incendies de forêt ayant des conséquences dévastatrices sur  les communautés et les écosystèmes. De la mer Méditerranée jusqu’au cercle polaire, des écosystèmes entiers s’effondrent et de nombreuses communautés souffrent des conséquences de la perte irréversible de la biodiversité, qui affecte l’approvisionnement en eau potable, contribue à la détérioration de la qualité de l’air, met en péril la sécurité alimentaire, affaiblit la résilience des communautés et menace la pérennité des traditions culturelles. En conséquence, les jeunes générations grandissent désormais en étant confrontées à de nouvelles formes d’anxiété. Ces crises exacerbent les inégalités existantes et portent gravement atteinte  aux droits de l’homme des individus déjà en situation de marginalisation. 

    Dans quarante-deux États parmi les quarante-six États membres du Conseil de l’Europe, le droit à un environnement propre, sain et durable est déjà protégé par les constitutions, les législations, les décisions de justice de chaque pays ou parce que ces États sont parties à la convention d’Aarhus. L’ampleur des préjudices subis par les populations en Europe ainsi que la nécessité  d’une approche unifiée dans l’interprétation et la mise en œuvre du droit à un environnement propre, sain et durable rendent impératif pour le Conseil de l’Europe de prendre sans tarder des mesures décisives en vue de l’adoption d’un cadre juridique contraignant qui reconnaisse et protège le droit à un environnement propre, sain et durable.

    L’adoption d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme serait la réponse la plus forte et la plus efficace, fondée sur les droits de l’homme, à la crise environnementale, comblant ainsi une lacune dans la protection des droits de l’homme, clarifiant les mesures politiques requises et en incitant  une responsabilité accrue, ce qui est indispensable pour la protection des générations actuelles et futures. Elle renforcerait et consoliderait la protection juridique du droit à un environnement propre, sain et durable dans toute l’Europe, garantissant ainsi la jouissance de tous les droits de l’homme. Cela conférerait également aux gouvernements du continent de normes juridiques additionnelles afin de défendre leurs politiques contre les violations et les procédures judiciaires abusives initiées par les entreprises.

    Le droit à un environnement propre, sain et durable a été reconnu par des organismes internationaux et régionaux. Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a reconnu ce droit par une résolution en octobre 2021, et l’Assemblée générale des Nations unies a fait de même en juillet 2022. De manière notable, tous les États membres du Conseil de l’Europe ont voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies. Lors du Sommet de Reykjavik du Conseil de l’Europe, tous les chefs d’État et de gouvernement des quarante-six membres du Conseil se sont engagés à « renforcer [leur] travail au Conseil de l’Europe sur les aspects de l’environnement liés aux droits de l’homme, sur la base de la reconnaissance politique du droit à un environnement propre, sain et durable en tant que droit de l’homme ». Ce droit de l’homme est reconnu dans les principaux traités relatifs aux droits de l’homme dans d’autres régions du monde, notamment dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et dans le Protocole additionnel de 1988 à la Convention américaine relative aux droits de l’homme.

    À la lumière de la reconnaissance régionale et mondiale croissante de ce droit, nous sommes convaincus qu’un protocole additionnel renforcerait les obligations existantes en matière de respect, de protection et de mise en œuvre du droit de l’homme à un environnement propre, sain et durable. Le protocole inspirerait également d’autres normes législatives et politiques plus progressistes . Il encouragerait les États membres du Conseil de l’Europe qui n’ont pas encore reconnu juridiquement ce droit à le faire, promouvant ainsi une responsabilité équitable et partagée entre les États dans la protection d’un environnement sain.

    La triple crise planétaire et l’impact croissant de la dégradation de l’environnement sur les droits de l’homme ont entraîné une augmentation du nombre d’affaires connexes devant la Cour européenne des droits de l’homme, une tendance qui devrait se poursuivre. Alors que la Cour a déjà affirmé l’obligation des États de protéger les droits de l’homme existants – tels que le droit à la vie (article 2) et le droit à la vie privée et familiale (article 8) – contre les risques environnementaux, créant ainsi un corpus croissant de jurisprudence en matière de droits de l’homme environnementaux, un protocole additionnel consoliderait la jurisprudence de la Cour et la rendrait plus cohérente, contribuant ainsi à une plus grande sécurité juridique.

    La protection explicite du droit à un environnement propre, sain et durable dans le cadre de la Convention européenne des droits de l’homme clarifierait les obligations positives des États en matière de mise en place de mesures et de politiques de protection. Cela contribuerait à éviter les atteintes aux droits de l’homme qui affectent la jouissance d’autres droits tels que ceux contenus dans la Convention, notamment le droit à la vie, à la vie privée et familiale, et l’interdiction des traitements cruels, inhumains et dégradants, ainsi que d’autres droits tels que la santé, l’alimentation, l’eau et la culture. La protection de ce droit est particulièrement essentielle pour les personnes les plus exposées aux atteintes à l’environnement, comme les enfants, les jeunes, les femmes, les peuples autochtones, les minorités dans chaque pays, les personnes en situation de pauvreté, les personnes handicapées, les personnes âgées, les réfugiés et les migrants, les personnes déplacées et tout autre groupe touché de manière disproportionnée.

    La reconnaissance de ce droit essentiel compléterait et renforcerait le cadre juridique existant, en affirmant l’importance fondamentale d’un environnement propre, sain et durable pour tous les aspects de la dignité humaine, de l’égalité et de la liberté. Conformément à la nature subsidiaire du système de protection de la Convention, cela permettrait à la Cour de maintenir sa jurisprudence actuelle en matière d’environnement tout en fournissant une base juridique supplémentaire dans les affaires impliquant des États qui ratifieront le protocole additionnel.

    Sous l’égide d’un protocole juridiquement contraignant, la protection du droit à un environnement propre, sain et durable enverrait un message fort tant au niveau national qu’international, démontrant et réaffirmant l’engagement des États membres à faire face à la triple crise planétaire. Elle enverrait également un message de solidarité sans équivoque aux défenseurs de l’environnement et des droits de l’homme qui paient actuellement un lourd tribut pour leurs activités de plaidoyer.

    Face à des crises sans précédent, le temps est venu pour le Conseil de l’Europe de remplir et de réaffirmer son mandat de promotion de la démocratie, de la primauté du droit et des droits de l’homme dans tous les États membres en reconnaissant et en protégeant le droit à un environnement propre, sain et durable par l’adoption d’un protocole à la Convention européenne des droits de l’homme.

  • Numéro 18 de la newsletter des affaires climatiques – Le projet de directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises

    Chères lectrices, chers lecteurs,

    En cette rentrée déjà bien avancée, nous vous proposons un panorama riche des dernières actualités des contentieux climatiques et environnementaux en France et à travers le monde.

    D’abord, en focus, le projet de directive européenne sur le devoir de vigilance qui pourrait être utilisé comme nouveau fondement à des recours contre les sociétés qui ne respecteraient pas ce devoir.

    Ensuite, vous trouverez un état des lieux des procès climatiques aux USA, la derivative action de l’ONG Client Earth contre la société Shell, et les premiers recours pour greenwashing en Grande-Bretagne.

    En matière de contentieux environnementaux, enfin, dans le troisième chapitre de notre série sur le sujet, nous aborderons la place de la consultation des communautés autochtones dans le triangle du lithium. Également, le recours victorieux de membres d’une population autochtone d’Australie contre  l’autorisation gouvernementale d’un projet d’extraction de gaz offshore.

    Enfin, en contentieux environnemental interne, le recours justice pour le vivant ; la première condamnation de l’Etat en matière de dommage causé par la pollution de l’air et une question prioritaire de constitutionnalité qui accepte la limitation de la liberté d’entreprendre pour la mise en œuvre de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.

    Très bonne lecture à toutes et tous,

    Et, si vous souhaitez participer à la rédaction de la prochaine newsletter, c’est par ici.

    Sandy Cassan-Barnel, référente du groupe de travail veille-international.

    Focus : La directive sur le devoir de vigilance – CSDDD

    Depuis la publication des Principes Directeurs pour les droits humains et les entreprises, ou le guide OCDE à l’attention des entreprises multinationales en 2011, on assiste à une volonté de développer des standards et d’édicter des normes contraignantes pour aligner les activités économiques avec les objectifs de développement durable du XXIs. La France en 2017 durant la présidence de François Hollande, et par la suite l’Allemagne ont été à l’initiative de lois nationales sur le devoir de vigilance des entreprises en matière environnementale et de protection des droits humains. Ces législations ont imposé des obligations de vigilance aux entreprises afin qu’elles identifient et préviennent les risques d’atteinte à l’environnement et des violations de droits humains qui peuvent être causés par leurs activités économiques. 


    La Commission, le Conseil européen ont adopté, entre février 2022 et juin 2023, trois versions différentes d’une directive sur le devoir de vigilance (ci-après CSDDD) qui a vocation à s’appliquer aux grandes entreprises européennes. Ces textes poursuivent le même objectif, celui d’imposer des obligations de vigilance raisonnables aux grandes entreprises en matière de protection de l’environnement et des droits humains. En revanche, leur contenu diffère sur certaines dispositions.

    Affaires climatiques

    Le directeur de Shell poursuivit pour sa stratégie climatique

    Il s’agit de l’une des affaires les plus innovantes et commentées en droit du changement climatique cette année. En février 2023, l’organisation ClientEarth engage une action contre le conseil d’administration de Shell PLC (‘Shell’) et contre 11 directeurs à titre individuel. L’innovation réside en ce qu’il s’agit d’une derivative action, à savoir une action exercée par ClientEarth en tant qu’actionnaire de Shell. Pour l’instant, l’action a échoué à un stade préliminaire, mais ClientEarh a fait appel.

    Les villes américaines demandent des comptes aux compagnies pétrolières

    Depuis 2017, plus d’une dizaine de procès ont été intentés par des États et localités américains à l’encontre des principales compagnies pétrolières, telles que BP, Chevron, ConocoPhillips, Exxonmobil et Shell… La voie contentieuse devient un moyen d’expression alternatif afin de dénoncer l’incapacité des gouvernements à répondre aux vulnérabilités des populations et des territoires qui sont directement confrontés aux effets des changements climatiques. Ce recours au prétoire s’inscrit dans une démarche que l’on pourrait qualifier de « bottom up » permettant de faire émerger de nouveaux mécanismes de lutte contre le dérèglement climatique.

    Décisions de l’autorité de régulation de la publicité anglaise sur le greenwashing d’entreprises pétrolières : Shell, Petronas, Repsol

    L’autorité britannique de publicité (ASA) a rendu trois avis le 7 juin 2023 sanctionnant des publicités de Shell, Repsol et Petronas du fait de l’omission d’informations matérielles importantes sur leurs activités dans les énergies fossiles. En effet, les trois publicités faisaient référence à des énergies renouvelables et/ou à des mesures de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre sans mentionner que leur activité principale et leur business model correspondaient au développement des énergies fossiles. Le jury a conclu que cela pouvait induire les consommateurs en erreur sur la nature des activités des trois entreprises fossiles.

    Affaires environnementales

    Chapitre 3 : la licence sociale dans le triangle du lithium

    Dans les articles précédents, les risques environnementaux résultant de l’exploitation de lithium dans les trois pays du triangle de lithium ont été abordés. Le défi d’articuler les modèles de développement a été constaté entre les tenants de la promotion des projets miniers, et ceux du développement d’autres activités telles que le tourisme.

    1ere condamnation Etat responsabilité pollution de l’air

    Dans un jugement avant-dire droit du 7 février 2022, le tribunal administratif de Paris avait ordonné une expertise afin de déterminer l’existence d’un lien de causalité entre la pollution de l’air et les dommages des victimes. Le 16 juin 2023, en se fondant sur cette expertise reconnaissant l’existence de ce lien de causalité, le Tribunal administratif de Paris a condamné l’État à indemniser une enfant victime de la pollution de l’air. Il s’agit, ici, du premier cas de condamnation à la réparation de préjudices subis par des particuliers qui résultent d’une pollution de l’air.

    Application par CC de l’OVC de protection de l’environnement

    Le Conseil constitutionnel était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité dans laquelle était invoquée, notamment, l’atteinte à la liberté d’entreprendre. En procédant à un contrôle de proportionnalité, il constate que cette atteinte est limitée et justifiée par la mise en œuvre de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement.

    Recours Justice pour le Vivant

    Après le climat et la pollution de l’air, l’État français est désormais aussi condamné en matière de biodiversité, dans le cadre du recours baptisé « Justice pour le Vivant », qui oppose cinq associations environnementales à l’État et Phyteis, le syndicat de l’agrochimie en France. 

    Par un jugement historique rendu le 29 juin 2023, le Tribunal administratif de Paris reconnaît l’existence d’un préjudice écologique lié à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, dont l’État est responsable. Une première mondiale. Il reconnaît également les insuffisances du processus d’évaluation et d’autorisation des pesticides, qui ne permettent pas une réelle protection de la biodiversité, ainsi qu’un lien de causalité direct entre celles-ci et le préjudice écologique constaté. Les juges n’ont toutefois pas suivi la principale demande des ONG et les recommandations de la rapporteure publique. En effet, le tribunal n’ordonne pas à l’État de revoir les méthodologies d’évaluation des risques qui, pourtant, souffre de nombreuses lacunes. Bien que l’État n’ait pas été condamné sur ce dernier point, cette décision marque un véritable tournant dans la lutte contre l’effondrement de la biodiversité en France.

    Recours victorieux d’australiens contre l’autorisation gouvernementale pour un projet d’extraction de gaz offshore

    Le 21 septembre 2022, la Cour fédérale d’Australie énonce que la validation du plan environnemental développé par une entreprise dans le cadre d’un projet gazier est illégale si toutes les parties prenantes  affectées par ledit projet n’ont pas été préalablement consultées. Cette décision est rendue à la suite de l’action en justice intentée par un leader de la communauté autochtone Munupi des îles Tiwi contre la  National Offshore Petroleum Safety and Environmental Management Authority (NOPSEMA) et Santos  Ltd, car un projet gazier développé par l’entreprise n’a pas fait l’objet d’une consultation des membres  du clan Munupi, une communauté autochtone qui vit sur les terres concernées.

  • Numéro 17 de la newsletter des affaires climatiques – L’avis consultatif devant les juridictions internationales : un outil pour faire avancer le droit du climat ?

    Chères lectrices, chers lecteurs,

    Le contentieux climatique et environnemental est plus dynamique que jamais. Tous les jours ou presque, un tribunal à travers le monde est appelé à se prononcer sur le sujet, une requête est introduite ou, à tout le moins, un article est rédigé sur le sujet.

    Les bénévoles du groupe vous proposent, encore une fois, un travail de qualité.

    Vous pourrez, ainsi, lire en focus un article sur les demandes d’avis consultatif devant les juridictions internationales en matière climatique étayé d’entretiens de trois experts sur le sujet.

    Dans la partie consacrée aux contentieux climatiques, vous retrouverez un article sur le jugement de la Cour de District d’Amsterdam contre KLM et la décision sur le recours climat Tchèque, une première!

    En matière de contentieux environnementaux, vous aurez l’occasion de lire, les deux premiers chapitres d’une trilogie sur l’encadrement juridique des mines de lithium en Argentine, Chili et Bolivie. La décision du TGI de Paris sur l’affaire du Chlordécone sera analysée. Enfin, vous pourrez accéder au commentaire de la décision du tribunal judiciaire de Paris sur le plan de vigilance de Total en Ouganda.

    Nous vous souhaitons une très bonne lecture,

    Et si vous souhaitez rejoindre notre groupe de travail, c’est par ici !

    Sandy Cassan-Barnel
    Référente du groupe veille-international.

    Sommaire

    Focus : L’avis consultatif devant les juridictions internationales : un outil pour faire avancer le droit du climat ?

    Affaires Climatiques

    • Décision de la Cour de district d’Amsterdam contre KLM pour violation droit de la consommation
    • Tribunal municipal de Prague (République Tchèque) ONG Klimaticka zaloba vs. L’Etat de la République Tchèque, le 15 juin 2022

    Affaires Environnementales

    • Décision TGI Paris 6 janvier 2023 Chlordécone 
    • La Cour de cassation reconnaît la compétence du tribunal judiciaire pour juger la plainte des associations au nom du non-respect de la loi sur le devoir de vigilance contre le plan de vigilance de Total en Ouganda (28/02: il y aura un premier jugement sur le fond, je le couvrirai pour la newsletter)
    • Le triangle du lithium

    Focus : L’avis consultatif devant les juridictions internationales : un outil pour faire avancer le droit du climat ?

    Depuis cinq ans, le monde a vu les contentieux climatiques se multiplier de façon exponentielle. Des affaires sont portées en justice contre des États et des entités privées devant des tribunaux internationaux et nationaux sur tous les continents. Depuis quelques mois, le changement climatique a également fait l’objet de demandes d’avis consultatifs auprès de juridictions internationales. Or l’avis consultatif, une opinion juridique émise par un tribunal sur une ou plusieurs questions portées devant lui, n’a en principe pas de force contraignante. Pourquoi, alors, ce moyen est-il employé ? À quoi sert-il ? Qui peut le demander et qui peut participer à la procédure ? Les lecteurs du Focus de Notre Affaire À Tous pourraient-ils y contribuer ? Dans ce Focus, nous nous penchons, à titre d’exemple, sur la procédure des avis consultatifs dans certaines juridictions internationales susceptibles de recevoir de telles demandes relatives au climat. Nous analyserons leur intérêt juridique, avant d’examiner une initiative récente devant la Cour interaméricaine des droits de l’homme cherchant à clarifier, par le biais d’un avis consultatif, les obligations juridiques internationales des États relatives au changement climatique au regard des droits humains. 

    Affaires climatiques

    Décision de la Cour de district d’Amsterdam contre KLM pour violation droit de la consommation.

    L‘ONG néerlandaise Fossilvrij, soutenue par Reclame Fossilvrij et ClientEarth, a porté plainte en juillet 2022 contre KLM-Airfrance pour communication trompeuse, considérée comme du greenwashing.

    Cette plainte est l’une des premières remettant en cause les déclarations de compensation carbone d’une entreprise du secteur de l’aviation.

    Fossil Vrij demande à KLM de cesser ses allégations commerciales sur l’aviation durable afin de ne pas induire en erreur le consommateur sur l’impact des produits dépendants des énergies fossiles. Pour cela, la plainte repose sur deux bases juridiques distinctes: le droit de la consommation en matière d’allégations commerciales trompeuses (article 193 de la section 6 du code de la publicité néerlandais) et l’article 6:162 du Code Civil néerlandais instaurant l’obligation d’agir selon un standard de soin non écrit.

    Dans sa plainte, le demandeur s’attaque à KLM en raison de sa campagne « Fly Responsibly ». Cette campagne enfreindrait droit néerlandais du fait qu’elle donne l’impression au consommateur que voler en avion est compatible avec un mode de vie durable. Il souligne, dans un premier temps, l’impossibilité de la conciliation entre la croissance économique du secteur de l’aviation et la lutte contre le changement climatique. Puis, dans un deuxième temps, le plaignant accuse KLM de renforcer l’impression chez le consommateur que voler peut être durable grâce à son service de compensation carbone et le développement d’un carburant d’aviation alternatif.

    Dans une décision du 7 juin 2023, le tribunal de district d’Amsterdam a confirmé l’intérêt à agir des demandeurs. Une décision sur le fond n’est pas attendue avant 2024.

    Tribunal municipal de Prague (République Tchèque)ONG Klimaticka zaloba vs. L’Etat de la République Tchèque, le 15 juin 2022

    L’ONG Klimaticka zaloba avec d’autres plaignants ont intenté une action en justice contre l’Etat de la République Tchèque en raison de son inaction en matière de lutte contre la crise climatique et des violations des droits de l’homme qui en résultent. Ils sollicitent une protection contre l’ingérence illégale (au sens de l’art. 82 et 87 de la loi 2002 du code de justice administrative tchèque, cf partie Moyens) alléguée de l’Etat  en demandant au tribunal  d’enjoindre à l’Etat de prendre des mesures adéquates et nécessaires pour protéger contre les effets néfastes du changement climatique et conduisant notamment à une réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. 

    Le tribunal municipal de Prague a rendu son jugement en statuant que l’ingérence de l’Etat caractérisée par l’inaction en matière climatique était illégale et a enjoint ce dernier de prendre des mesures nécessaires dans les meilleurs délais. Néanmoins, le jugement a été très récemment annulé en cassation par la Cour administrative suprême et l’affaire est renvoyée de nouveau devant le tribunal municipal de Prague. 

    Affaires environnementales

    Décision TGI Paris 6 janvier 2023 Chlordécone

    Deuxième volet de l’affaire chlordécone, l’ordonnance de non-lieu en date du 2 janvier 2023 met fin à plus de quinze ans d’investigations. À l’issu des 321 pages de la décision, les parties civiles sont déboutées dans leurs multiples prétentions et aucune responsabilité pénale n’est retenue à l’encontre des personnes mises en cause. Néanmoins, les juges pointent les carences du système pénal pour faire face à ce « scandale sanitaire » et des comportements jugés asociaux des personnes impliquées dans cette affaire, ayant entraîné une contamination « durable, généralisée et délétère »1 pour les milieux et les habitants de Guadeloupe et de Martinique. Entre lucidité et manque d’audace de la part des juges d’instruction, les explications apportées à l’appui de cette ordonnance de non-lieu doivent être autant de leçons plaidant en faveur d’une évolution du droit de l’environnement. Cela concerne également la collecte des preuves en vue de futurs contentieux liés aux produits phytosanitaires et à la pollution des milieux.

    La Cour de cassation reconnaît la compétence du tribunal judiciaire pour juger la plainte des associations au nom du non-respect de la loi sur le devoir de vigilance contre le plan de vigilance de Total en Ouganda

    Association Les Amis de la Terre France et al. c/ S.A. Total est la première affaire portée sur la base de la loi sur le devoir de vigilance. Plusieurs ONG ont saisi le juge des référés afin d’obliger Total à respecter ses obligations de vigilance dans le cadre d’un super projet pétrolier en Ouganda. L’affaire, qui dure depuis 2019, a rencontré de nombreux obstacles
    procéduraux et s’est soldée par une ordonnance d’irrecevabilité en février 2023. L’absence de précisions juridiques quant aux mesures de vigilance que les entreprises doivent prendre risque de poser des problèmes importants dans la mise en œuvre effective de la loi sur le devoir de vigilance.

    Le Triangle du Lithium et les enjeux socio-environnementaux de la transition énergétique

    Au Nord du Chili et de l’Argentine, au Sud de la Bolivie se trouve le triangle du lithium. Cette région connue comme la Puna est située à plus de 3000 mètres au-dessus du niveau de la mer dans la cordillère des Andes. C’est une zone aride avec des salars et des saumures où on trouve une matière première très importante pour la transition énergétique : le lithium. Cette matière première est utilisée, entre autres, pour la fabrication des batteries pour les voitures électriques, ou des panneaux solaires.

    Le lithium, n’est pas une source d’énergie, mais une matière première qui permet la fabrication des matériaux où l’on peut facilement stocker de l’énergie. Le lithium est une matière première « critique » pour développer les énergies renouvelables et une économie à bas charbon. De ce fait, plusieurs projets miniers menés par des entreprises chinoises, japonaises, canadiennes, américaines et quelques entreprises européennes ont lieu dans le triangle du lithium. Certains parlent même du lithium comme le nouvel or blanc. De fait, il y a une ruée vers le lithium, car le contrôle des mines et de toute la chaine de valeur de cette matière première est un enjeu pour les pays qui souhaitent aligner leur matrice énergétique avec l’accord de Paris.

    En revanche, les projets miniers de lithium ne sont pas soumis à un régime harmonisé. Les 3 pays du Triangle du lithium ont leur propre cadre réglementaire résultant de certains choix politiques. Or, les 3 pays sont confrontés à des enjeux socio-environnementaux similaires. D’une part, les méthodes d’extraction du lithium peuvent porter atteinte à certains objectifs environnementaux tels que la protection des ressources aquatiques et la protection de la biodiversité. Les projets de lithium peuvent avoir un impact sur des zones protégés par la communauté internationale tel que des zones humides qui sont sur la liste des sites Ramsar ou des réserves de la biosphère de l’Unesco. D’autre part, le lithium est situé dans des zones où des communautés autochtones sont présentes. Il y a donc des risques de conflits sociaux entre les entreprises minières avec les peuples autochtones des 3 pays.

    Ceci pose la question de comment concilier l’objectif d’atténuer et adapter notre modèle économique au changement climatique avec d’autres objectifs socio-environnementaux de notre temps.

    Ce décryptage vise donc à donner une vision globale du sujet en traitant certains des principaux enjeux socio-environnementaux des projets miniers. Il est divisé en plusieurs chapitres qui seront publiés entre cette newsletter et la newsletter qui sera publiée fin 2023.

    -Le Chapitre 1 : un bref résumé du cadre réglementaire qui s’applique aux projets de lithium dans les 3 pays du triangle du Lithium;

    -Le Chapitre 2 : Les projets de lithium et les zones protégées par la communauté internationale;

    -Le Chapitre 3 : (à paraître en fin d’année) : les projets de lithium et le respect des droits des communautés autochtones;

    -Le Chapitre 4 : (à paraître en fin d’année). Nous discuterons les différents standards ESG contraignants ou de droit souple qui pourraient s’appliquer aux projets miniers de lithium.

  • Numéro 15 de la newsletter des affaires climatiques – Droits de la nature et accès à la Justice, les exemples novateurs de l’Inde, la Colombie et l’Équateur Exemplaire

    Chères lectrices, chers lecteurs,

    Après cette pause estivale, nous espérons toutes et tous vous retrouver en bonne forme. L’équipe du groupe de travail veille-international n’a, quant à elle, pas chômé afin de vous informer sur l’évolution du droit climatique et environnemental. Elle a travaillé en collaboration avec le groupe “droits de la nature”, suite à la sortie de l’ouvrage “Les droits de la nature, vers un nouveau paradigme de protection du vivant” afin de vous offrir une vue d’ensemble des outils juridiques existant, en droit comparé, permettant un début de protection de ces droits, que vous retrouverez dans le focus de notre lettre.


    Vous pourrez lire, par ailleurs, nos articles sur la jurisprudence récente en matière de contentieux climatique: une nouvelle décision Grande-Synthe et le people’s climate case. Ainsi qu’en matière de contentieux environnemental : une décision de la Haute Cour de Madras; le Président indonésien condamné pour négligence dans la protection de l’air; une décision de la Cour constitutionnelle d’Equateur sur les droits de la nature. Enfin, vous pourrez, également, accéder à l’analyse de la circulaire visant à consolider le rôle de la justice en matière environnementale. Pour participer à la rédaction de cette lettre, n’hésitez pas à rejoindre le groupe veille-international en adhérent à l’association.

    Nous vous souhaitons une très bonne lecture,
     

    Sandy Cassan-Barnel
    Référente du groupe veille-international

    Sommaire

    Focus – Droits de la nature et accès à la Justice, les exemples novateurs de l’Inde, la Colombie et l’Équateur

    Podcast

    Affaires Climatiques 

    Affaires Environnementales 

    Focus

    Droits de la nature et accès à la Justice : les exemples novateurs de l’Inde, la Colombie et l’Equateur

    Les droits de la Nature, parce qu’ils tendent à permettre de vivre dans un environnement sain, contribuent à garantir la jouissance des droits humains et à renforcer la démocratie environnementale. Au-delà de la reconnaissance – par la jurisprudence, ou par les textes – de la personnalité juridique des éléments de la Nature devenant sujets et non plus objets de droit, la question de leur représentation est cruciale. Il est traditionnellement distingué, en l’état de l’avancée du mouvement des droits de la Nature à travers le monde, deux voies – non-exhaustives- de représentation : la première reprend le modèle de la tutelle avec la nomination de représentants; la seconde se construit autour d’une procédure permettant à toute personne physique ou morale d’ester en justice en cas d’atteinte portée à un élément naturel et au nom de celui-ci. Ceci soulève nombre de questions relatives à la qualité et à l’intérêt à agir de ces “gardiens de la Nature”, et donc plus largement, la problématique de l’accès à la justice.

    Podcast

    Sandy Cassan-Barnel, juriste bénévole pour Notre Affaire à Tous, revient sur une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 18 février dernier. 
     

    Par quatre décrets du 7 juin 2021 le 1er Ministre Jean Castex a accordé à la Compagnie Minière de Boulanger la prolongation, sur une superficie réduite, des concessions de mines de métaux précieux situées sur une partie du territoire de la commune de Roura (Guyane).

    L’association FNE a saisi le juge administratif d’un recours en excès de pouvoir contre ces décrets. L’association demanderesse fait valoir le défaut de mise en œuvre d’une procédure de participation du public. Mais, également, la contradiction des articles L. 142-7 à L. 142-9, L. 144-4 du code minier et L. 123-19-2 .1 du code de l’environnement avec les articles 1er, 2, 3 et 7 de la Charte de l’environnement, les articles 1er, 4 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 et l’article 34 de la Constitution.

    Affaires Climatiques

    Conseil d’Etat français, Affaire commune de Grande-Synthe c. le ministre de la transition écologique et solidaire, 12 février 2021, 428177

    Cet arrêt traite de la demande conjointe d’annulation du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique à l’initiative de la commune de Grande-Synthe et de son ancien Maire, agissant à titre personnel. Cette affaire, bien qu’indépendante du recours plus médiatisé visant à enjoindre l’État à respecter les Accords de Paris, s’inscrit dans un intérêt certain que porte cette ville des Hauts-de-France pour les questions environnementales et climatiques. Elle illustre également la limite juridique des recommandations qui, contrairement aux Accords de Paris, n’ont pas fait l’objet d’un engagement exprès de la part de l’État français. Celles-ci ont, de fait, une portée juridique très limitée voire nulle.

    Cour de justice de l’Union européenne, 25 mars 2021, C-565/19Armando Ferrão Carvalho e.a./ Parlement et Conseil “The People’s Climate Case”

    People’s Climate Case est une procédure initiée par 10 familles venant du Portugal, d’Allemagne, de France, d’Italie, de Roumanie, du Kenya, du Fiji et Sáminuorra, une association de jeunes Saami, contre les institutions de l’Union européenne. Ils souhaitent que la Cour ordonne au Parlement et au Conseil de fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus ambitieux.

    Affaires Environnementales

    Circulaire du ministre de la justice CRIM 2021-02/G3-11/05/2021 visant à consolider le rôle de la justice en matière environnementale du 11 mai 2021

    La circulaire vise à améliorer le contentieux de l’environnement, qui est aujourd’hui peu efficace, notamment en matière pénale : sur les 20 000 affaires traitées chaque année par les parquets, 75 % se terminent par une mesure alternative aux poursuites et les condamnations prononcées ne représentent qu’un pourcent du nombre total de condamnations.

    Décision n°253-20-JH/22 de la Cour constitutionnelle d’Equateur, 27 janvier 2022, singe Estrellita

    La Cour constitutionnelle reconnaît, pour la première fois, que les animaux peuvent, même individuellement, bénéficier des droits de la Nature et se prévaloir de droits tels que le droit à la vie ou à l’intégrité physique, en tant que partie intégrante de la Nature.

    Le Président Indonésien jugé coupable pour négligence dans la protection du droit à un air sain

    Le Président indonésien Joko Widodo, d’autres membres du gouvernement, ainsi que des élus locaux, ont été déclarés coupables de négligence dans le respect du droit des citoyens à respirer un air sain, par une décision tribunal de Jakarta-Centre rendue le 16 septembre 2021. Alors que Jakarta demeure l’une des villes les plus polluées du monde, l’inaction de ces personnalités a été reconnue comme une négligence dans l’enrayement de la pollution de l’air de la capitale indonésienne. Après deux longues années d’instance et huit reports de l’affaire, les juges de Jakarta ont confirmé le droit de tout citoyen à vivre dans un air sain, tout en condamnant les pouvoirs publics à prendre des mesures rigoureuses en la matière. Cette décision de principe en faveur de la protection de l’environnement sur le territoire indonésien, s’inscrit dans la lignée d’autres décisions nationales où les juges mettent en œuvre leurs pouvoirs de coercition afin de réprimer l’inertie des pouvoirs publics.

    MADRAS HIGH COURT, MADURAI BRANCH
    A.Periyakaruppan vs. The Principal Secretary to Government, Revenue Department, The Additional Chief Secretary and Commissioner of Revenue Administration, Chennai.
     

    Dans une décision sur un litige administratif concernant une sanction envers un fonctionnaire, la cour s’est emparée de la question de la personnalité juridique de la nature pour déclarer les droits fondamentaux de la « Mère Nature ».

  • Numéro 15 de la newsletter des affaires climatiques – Droits de la nature et accès à la Justice, les exemples novateurs de l’Inde, la Colombie et l’Équateur Exemplaire

    Chères lectrices, chers lecteurs,

    Après cette pause estivale, nous espérons toutes et tous vous retrouver en bonne forme. L’équipe du groupe de travail veille-international n’a, quant à elle, pas chômé afin de vous informer sur l’évolution du droit climatique et environnemental. Elle a travaillé en collaboration avec le groupe “droits de la nature”, suite à la sortie de l’ouvrage “Les droits de la nature, vers un nouveau paradigme de protection du vivant” afin de vous offrir une vue d’ensemble des outils juridiques existant, en droit comparé, permettant un début de protection de ces droits, que vous retrouverez dans le focus de notre lettre.


    Vous pourrez lire, par ailleurs, nos articles sur la jurisprudence récente en matière de contentieux climatique: une nouvelle décision Grande-Synthe et le people’s climate case. Ainsi qu’en matière de contentieux environnemental : une décision de la Haute Cour de Madras; le Président indonésien condamné pour négligence dans la protection de l’air; une décision de la Cour constitutionnelle d’Equateur sur les droits de la nature. Enfin, vous pourrez, également, accéder à l’analyse de la circulaire visant à consolider le rôle de la justice en matière environnementale. Pour participer à la rédaction de cette lettre, n’hésitez pas à rejoindre le groupe veille-international en adhérent à l’association.

    Nous vous souhaitons une très bonne lecture,
     

    Sandy Cassan-Barnel
    Référente du groupe veille-international

    Sommaire

    Focus – Droits de la nature et accès à la Justice, les exemples novateurs de l’Inde, la Colombie et l’Équateur

    Podcast

    Affaires Climatiques 

    Affaires Environnementales 

    Focus

    Droits de la nature et accès à la Justice : les exemples novateurs de l’Inde, la Colombie et l’Equateur

    Les droits de la Nature, parce qu’ils tendent à permettre de vivre dans un environnement sain, contribuent à garantir la jouissance des droits humains et à renforcer la démocratie environnementale. Au-delà de la reconnaissance – par la jurisprudence, ou par les textes – de la personnalité juridique des éléments de la Nature devenant sujets et non plus objets de droit, la question de leur représentation est cruciale. Il est traditionnellement distingué, en l’état de l’avancée du mouvement des droits de la Nature à travers le monde, deux voies – non-exhaustives- de représentation : la première reprend le modèle de la tutelle avec la nomination de représentants; la seconde se construit autour d’une procédure permettant à toute personne physique ou morale d’ester en justice en cas d’atteinte portée à un élément naturel et au nom de celui-ci. Ceci soulève nombre de questions relatives à la qualité et à l’intérêt à agir de ces “gardiens de la Nature”, et donc plus largement, la problématique de l’accès à la justice.

    Podcast

    Sandy Cassan-Barnel, juriste bénévole pour Notre Affaire à Tous, revient sur une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 18 février dernier. 
     

    Par quatre décrets du 7 juin 2021 le 1er Ministre Jean Castex a accordé à la Compagnie Minière de Boulanger la prolongation, sur une superficie réduite, des concessions de mines de métaux précieux situées sur une partie du territoire de la commune de Roura (Guyane).

    L’association FNE a saisi le juge administratif d’un recours en excès de pouvoir contre ces décrets. L’association demanderesse fait valoir le défaut de mise en œuvre d’une procédure de participation du public. Mais, également, la contradiction des articles L. 142-7 à L. 142-9, L. 144-4 du code minier et L. 123-19-2 .1 du code de l’environnement avec les articles 1er, 2, 3 et 7 de la Charte de l’environnement, les articles 1er, 4 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 et l’article 34 de la Constitution.

    Affaires Climatiques

    Conseil d’Etat français, Affaire commune de Grande-Synthe c. le ministre de la transition écologique et solidaire, 12 février 2021, 428177

    Cet arrêt traite de la demande conjointe d’annulation du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique à l’initiative de la commune de Grande-Synthe et de son ancien Maire, agissant à titre personnel. Cette affaire, bien qu’indépendante du recours plus médiatisé visant à enjoindre l’État à respecter les Accords de Paris, s’inscrit dans un intérêt certain que porte cette ville des Hauts-de-France pour les questions environnementales et climatiques. Elle illustre également la limite juridique des recommandations qui, contrairement aux Accords de Paris, n’ont pas fait l’objet d’un engagement exprès de la part de l’État français. Celles-ci ont, de fait, une portée juridique très limitée voire nulle.

    Cour de justice de l’Union européenne, 25 mars 2021, C-565/19Armando Ferrão Carvalho e.a./ Parlement et Conseil “The People’s Climate Case”

    People’s Climate Case est une procédure initiée par 10 familles venant du Portugal, d’Allemagne, de France, d’Italie, de Roumanie, du Kenya, du Fiji et Sáminuorra, une association de jeunes Saami, contre les institutions de l’Union européenne. Ils souhaitent que la Cour ordonne au Parlement et au Conseil de fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus ambitieux.

    Affaires Environnementales

    Circulaire du ministre de la justice CRIM 2021-02/G3-11/05/2021 visant à consolider le rôle de la justice en matière environnementale du 11 mai 2021

    La circulaire vise à améliorer le contentieux de l’environnement, qui est aujourd’hui peu efficace, notamment en matière pénale : sur les 20 000 affaires traitées chaque année par les parquets, 75 % se terminent par une mesure alternative aux poursuites et les condamnations prononcées ne représentent qu’un pourcent du nombre total de condamnations.

    Décision n°253-20-JH/22 de la Cour constitutionnelle d’Equateur, 27 janvier 2022, singe Estrellita

    La Cour constitutionnelle reconnaît, pour la première fois, que les animaux peuvent, même individuellement, bénéficier des droits de la Nature et se prévaloir de droits tels que le droit à la vie ou à l’intégrité physique, en tant que partie intégrante de la Nature.

    Le Président Indonésien jugé coupable pour négligence dans la protection du droit à un air sain

    Le Président indonésien Joko Widodo, d’autres membres du gouvernement, ainsi que des élus locaux, ont été déclarés coupables de négligence dans le respect du droit des citoyens à respirer un air sain, par une décision tribunal de Jakarta-Centre rendue le 16 septembre 2021. Alors que Jakarta demeure l’une des villes les plus polluées du monde, l’inaction de ces personnalités a été reconnue comme une négligence dans l’enrayement de la pollution de l’air de la capitale indonésienne. Après deux longues années d’instance et huit reports de l’affaire, les juges de Jakarta ont confirmé le droit de tout citoyen à vivre dans un air sain, tout en condamnant les pouvoirs publics à prendre des mesures rigoureuses en la matière. Cette décision de principe en faveur de la protection de l’environnement sur le territoire indonésien, s’inscrit dans la lignée d’autres décisions nationales où les juges mettent en œuvre leurs pouvoirs de coercition afin de réprimer l’inertie des pouvoirs publics.

    MADRAS HIGH COURT, MADURAI BRANCH
    A.Periyakaruppan vs. The Principal Secretary to Government, Revenue Department, The Additional Chief Secretary and Commissioner of Revenue Administration, Chennai.
     

    Dans une décision sur un litige administratif concernant une sanction envers un fonctionnaire, la cour s’est emparée de la question de la personnalité juridique de la nature pour déclarer les droits fondamentaux de la « Mère Nature ».

  • Numéro 15 de la newsletter des affaires climatiques – Droits de la nature et accès à la Justice, les exemples novateurs de l’Inde, la Colombie et l’Équateur Exemplaire

    Chères lectrices, chers lecteurs,

    Après cette pause estivale, nous espérons toutes et tous vous retrouver en bonne forme. L’équipe du groupe de travail veille-international n’a, quant à elle, pas chômé afin de vous informer sur l’évolution du droit climatique et environnemental. Elle a travaillé en collaboration avec le groupe “droits de la nature”, suite à la sortie de l’ouvrage “Les droits de la nature, vers un nouveau paradigme de protection du vivant” afin de vous offrir une vue d’ensemble des outils juridiques existant, en droit comparé, permettant un début de protection de ces droits, que vous retrouverez dans le focus de notre lettre.


    Vous pourrez lire, par ailleurs, nos articles sur la jurisprudence récente en matière de contentieux climatique: une nouvelle décision Grande-Synthe et le people’s climate case. Ainsi qu’en matière de contentieux environnemental : une décision de la Haute Cour de Madras; le Président indonésien condamné pour négligence dans la protection de l’air; une décision de la Cour constitutionnelle d’Equateur sur les droits de la nature. Enfin, vous pourrez, également, accéder à l’analyse de la circulaire visant à consolider le rôle de la justice en matière environnementale. Pour participer à la rédaction de cette lettre, n’hésitez pas à rejoindre le groupe veille-international en adhérent à l’association.

    Nous vous souhaitons une très bonne lecture,
     

    Sandy Cassan-Barnel
    Référente du groupe veille-international

    Sommaire

    Focus – Droits de la nature et accès à la Justice, les exemples novateurs de l’Inde, la Colombie et l’Équateur

    Podcast

    Affaires Climatiques 

    Affaires Environnementales 

    Focus

    Droits de la nature et accès à la Justice : les exemples novateurs de l’Inde, la Colombie et l’Equateur

    Les droits de la Nature, parce qu’ils tendent à permettre de vivre dans un environnement sain, contribuent à garantir la jouissance des droits humains et à renforcer la démocratie environnementale. Au-delà de la reconnaissance – par la jurisprudence, ou par les textes – de la personnalité juridique des éléments de la Nature devenant sujets et non plus objets de droit, la question de leur représentation est cruciale. Il est traditionnellement distingué, en l’état de l’avancée du mouvement des droits de la Nature à travers le monde, deux voies – non-exhaustives- de représentation : la première reprend le modèle de la tutelle avec la nomination de représentants; la seconde se construit autour d’une procédure permettant à toute personne physique ou morale d’ester en justice en cas d’atteinte portée à un élément naturel et au nom de celui-ci. Ceci soulève nombre de questions relatives à la qualité et à l’intérêt à agir de ces “gardiens de la Nature”, et donc plus largement, la problématique de l’accès à la justice.

    Podcast

    Sandy Cassan-Barnel, juriste bénévole pour Notre Affaire à Tous, revient sur une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 18 février dernier. 
     

    Par quatre décrets du 7 juin 2021 le 1er Ministre Jean Castex a accordé à la Compagnie Minière de Boulanger la prolongation, sur une superficie réduite, des concessions de mines de métaux précieux situées sur une partie du territoire de la commune de Roura (Guyane).

    L’association FNE a saisi le juge administratif d’un recours en excès de pouvoir contre ces décrets. L’association demanderesse fait valoir le défaut de mise en œuvre d’une procédure de participation du public. Mais, également, la contradiction des articles L. 142-7 à L. 142-9, L. 144-4 du code minier et L. 123-19-2 .1 du code de l’environnement avec les articles 1er, 2, 3 et 7 de la Charte de l’environnement, les articles 1er, 4 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 et l’article 34 de la Constitution.

    Affaires Climatiques

    Conseil d’Etat français, Affaire commune de Grande-Synthe c. le ministre de la transition écologique et solidaire, 12 février 2021, 428177

    Cet arrêt traite de la demande conjointe d’annulation du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique à l’initiative de la commune de Grande-Synthe et de son ancien Maire, agissant à titre personnel. Cette affaire, bien qu’indépendante du recours plus médiatisé visant à enjoindre l’État à respecter les Accords de Paris, s’inscrit dans un intérêt certain que porte cette ville des Hauts-de-France pour les questions environnementales et climatiques. Elle illustre également la limite juridique des recommandations qui, contrairement aux Accords de Paris, n’ont pas fait l’objet d’un engagement exprès de la part de l’État français. Celles-ci ont, de fait, une portée juridique très limitée voire nulle.

    Cour de justice de l’Union européenne, 25 mars 2021, C-565/19Armando Ferrão Carvalho e.a./ Parlement et Conseil “The People’s Climate Case”

    People’s Climate Case est une procédure initiée par 10 familles venant du Portugal, d’Allemagne, de France, d’Italie, de Roumanie, du Kenya, du Fiji et Sáminuorra, une association de jeunes Saami, contre les institutions de l’Union européenne. Ils souhaitent que la Cour ordonne au Parlement et au Conseil de fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus ambitieux.

    Affaires Environnementales

    Circulaire du ministre de la justice CRIM 2021-02/G3-11/05/2021 visant à consolider le rôle de la justice en matière environnementale du 11 mai 2021

    La circulaire vise à améliorer le contentieux de l’environnement, qui est aujourd’hui peu efficace, notamment en matière pénale : sur les 20 000 affaires traitées chaque année par les parquets, 75 % se terminent par une mesure alternative aux poursuites et les condamnations prononcées ne représentent qu’un pourcent du nombre total de condamnations.

    Décision n°253-20-JH/22 de la Cour constitutionnelle d’Equateur, 27 janvier 2022, singe Estrellita

    La Cour constitutionnelle reconnaît, pour la première fois, que les animaux peuvent, même individuellement, bénéficier des droits de la Nature et se prévaloir de droits tels que le droit à la vie ou à l’intégrité physique, en tant que partie intégrante de la Nature.

    Le Président Indonésien jugé coupable pour négligence dans la protection du droit à un air sain

    Le Président indonésien Joko Widodo, d’autres membres du gouvernement, ainsi que des élus locaux, ont été déclarés coupables de négligence dans le respect du droit des citoyens à respirer un air sain, par une décision tribunal de Jakarta-Centre rendue le 16 septembre 2021. Alors que Jakarta demeure l’une des villes les plus polluées du monde, l’inaction de ces personnalités a été reconnue comme une négligence dans l’enrayement de la pollution de l’air de la capitale indonésienne. Après deux longues années d’instance et huit reports de l’affaire, les juges de Jakarta ont confirmé le droit de tout citoyen à vivre dans un air sain, tout en condamnant les pouvoirs publics à prendre des mesures rigoureuses en la matière. Cette décision de principe en faveur de la protection de l’environnement sur le territoire indonésien, s’inscrit dans la lignée d’autres décisions nationales où les juges mettent en œuvre leurs pouvoirs de coercition afin de réprimer l’inertie des pouvoirs publics.

    MADRAS HIGH COURT, MADURAI BRANCH
    A.Periyakaruppan vs. The Principal Secretary to Government, Revenue Department, The Additional Chief Secretary and Commissioner of Revenue Administration, Chennai.
     

    Dans une décision sur un litige administratif concernant une sanction envers un fonctionnaire, la cour s’est emparée de la question de la personnalité juridique de la nature pour déclarer les droits fondamentaux de la « Mère Nature ».

  • Numéro 15 de la newsletter des affaires climatiques – Droits de la nature et accès à la Justice, les exemples novateurs de l’Inde, la Colombie et l’Équateur

    Chères lectrices, chers lecteurs,

    Après cette pause estivale, nous espérons toutes et tous vous retrouver en bonne forme. L’équipe du groupe de travail veille-international n’a, quant à elle, pas chômé afin de vous informer sur l’évolution du droit climatique et environnemental. Elle a travaillé en collaboration avec le groupe “droits de la nature”, suite à la sortie de l’ouvrage “Les droits de la nature, vers un nouveau paradigme de protection du vivant” afin de vous offrir une vue d’ensemble des outils juridiques existant, en droit comparé, permettant un début de protection de ces droits, que vous retrouverez dans le focus de notre lettre.


    Vous pourrez lire, par ailleurs, nos articles sur la jurisprudence récente en matière de contentieux climatique: une nouvelle décision Grande-Synthe et le people’s climate case. Ainsi qu’en matière de contentieux environnemental : une décision de la Haute Cour de Madras; le Président indonésien condamné pour négligence dans la protection de l’air; une décision de la Cour constitutionnelle d’Equateur sur les droits de la nature. Enfin, vous pourrez, également, accéder à l’analyse de la circulaire visant à consolider le rôle de la justice en matière environnementale. Pour participer à la rédaction de cette lettre, n’hésitez pas à rejoindre le groupe veille-international en adhérent à l’association.

    Nous vous souhaitons une très bonne lecture,
     

    Sandy Cassan-Barnel
    Référente du groupe veille-international

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    Focus – Droits de la nature et accès à la Justice, les exemples novateurs de l’Inde, la Colombie et l’Équateur

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    Affaires Climatiques 

    Affaires Environnementales 

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    Droits de la nature et accès à la Justice : les exemples novateurs de l’Inde, la Colombie et l’Equateur

    Les droits de la Nature, parce qu’ils tendent à permettre de vivre dans un environnement sain, contribuent à garantir la jouissance des droits humains et à renforcer la démocratie environnementale. Au-delà de la reconnaissance – par la jurisprudence, ou par les textes – de la personnalité juridique des éléments de la Nature devenant sujets et non plus objets de droit, la question de leur représentation est cruciale. Il est traditionnellement distingué, en l’état de l’avancée du mouvement des droits de la Nature à travers le monde, deux voies – non-exhaustives- de représentation : la première reprend le modèle de la tutelle avec la nomination de représentants; la seconde se construit autour d’une procédure permettant à toute personne physique ou morale d’ester en justice en cas d’atteinte portée à un élément naturel et au nom de celui-ci. Ceci soulève nombre de questions relatives à la qualité et à l’intérêt à agir de ces “gardiens de la Nature”, et donc plus largement, la problématique de l’accès à la justice.

    Podcast

    Sandy Cassan-Barnel, juriste bénévole pour Notre Affaire à Tous, revient sur une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 18 février dernier. 
     

    Par quatre décrets du 7 juin 2021 le 1er Ministre Jean Castex a accordé à la Compagnie Minière de Boulanger la prolongation, sur une superficie réduite, des concessions de mines de métaux précieux situées sur une partie du territoire de la commune de Roura (Guyane).

    L’association FNE a saisi le juge administratif d’un recours en excès de pouvoir contre ces décrets. L’association demanderesse fait valoir le défaut de mise en œuvre d’une procédure de participation du public. Mais, également, la contradiction des articles L. 142-7 à L. 142-9, L. 144-4 du code minier et L. 123-19-2 .1 du code de l’environnement avec les articles 1er, 2, 3 et 7 de la Charte de l’environnement, les articles 1er, 4 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 et l’article 34 de la Constitution.

    Affaires Climatiques

    Conseil d’Etat français, Affaire commune de Grande-Synthe c. le ministre de la transition écologique et solidaire, 12 février 2021, 428177

    Cet arrêt traite de la demande conjointe d’annulation du Plan National d’Adaptation au Changement Climatique à l’initiative de la commune de Grande-Synthe et de son ancien Maire, agissant à titre personnel. Cette affaire, bien qu’indépendante du recours plus médiatisé visant à enjoindre l’État à respecter les Accords de Paris, s’inscrit dans un intérêt certain que porte cette ville des Hauts-de-France pour les questions environnementales et climatiques. Elle illustre également la limite juridique des recommandations qui, contrairement aux Accords de Paris, n’ont pas fait l’objet d’un engagement exprès de la part de l’État français. Celles-ci ont, de fait, une portée juridique très limitée voire nulle.

    Cour de justice de l’Union européenne, 25 mars 2021, C-565/19Armando Ferrão Carvalho e.a./ Parlement et Conseil “The People’s Climate Case”

    People’s Climate Case est une procédure initiée par 10 familles venant du Portugal, d’Allemagne, de France, d’Italie, de Roumanie, du Kenya, du Fiji et Sáminuorra, une association de jeunes Saami, contre les institutions de l’Union européenne. Ils souhaitent que la Cour ordonne au Parlement et au Conseil de fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre plus ambitieux.

    Affaires Environnementales

    Circulaire du ministre de la justice CRIM 2021-02/G3-11/05/2021 visant à consolider le rôle de la justice en matière environnementale du 11 mai 2021

    La circulaire vise à améliorer le contentieux de l’environnement, qui est aujourd’hui peu efficace, notamment en matière pénale : sur les 20 000 affaires traitées chaque année par les parquets, 75 % se terminent par une mesure alternative aux poursuites et les condamnations prononcées ne représentent qu’un pourcent du nombre total de condamnations.

    Décision n°253-20-JH/22 de la Cour constitutionnelle d’Equateur, 27 janvier 2022, singe Estrellita

    La Cour constitutionnelle reconnaît, pour la première fois, que les animaux peuvent, même individuellement, bénéficier des droits de la Nature et se prévaloir de droits tels que le droit à la vie ou à l’intégrité physique, en tant que partie intégrante de la Nature.

    Le Président Indonésien jugé coupable pour négligence dans la protection du droit à un air sain

    Le Président indonésien Joko Widodo, d’autres membres du gouvernement, ainsi que des élus locaux, ont été déclarés coupables de négligence dans le respect du droit des citoyens à respirer un air sain, par une décision tribunal de Jakarta-Centre rendue le 16 septembre 2021. Alors que Jakarta demeure l’une des villes les plus polluées du monde, l’inaction de ces personnalités a été reconnue comme une négligence dans l’enrayement de la pollution de l’air de la capitale indonésienne. Après deux longues années d’instance et huit reports de l’affaire, les juges de Jakarta ont confirmé le droit de tout citoyen à vivre dans un air sain, tout en condamnant les pouvoirs publics à prendre des mesures rigoureuses en la matière. Cette décision de principe en faveur de la protection de l’environnement sur le territoire indonésien, s’inscrit dans la lignée d’autres décisions nationales où les juges mettent en œuvre leurs pouvoirs de coercition afin de réprimer l’inertie des pouvoirs publics.

    MADRAS HIGH COURT, MADURAI BRANCH
    A.Periyakaruppan vs. The Principal Secretary to Government, Revenue Department, The Additional Chief Secretary and Commissioner of Revenue Administration, Chennai.
     

    Dans une décision sur un litige administratif concernant une sanction envers un fonctionnaire, la cour s’est emparée de la question de la personnalité juridique de la nature pour déclarer les droits fondamentaux de la « Mère Nature ».

  • CP / Directive sur le devoir de vigilance des entreprises : la proposition enfin dévoilée par la Commission doit impérativement être améliorée

    Paris, le 23 février 2022 – Après de nombreux reports, la Commission européenne vient de publier sa proposition de directive imposant aux entreprises un devoir de vigilance en matière d’atteintes aux droits humains et à l’environnement. Si elle marque une première étape attendue de longue date par la société civile, cette proposition présente en l’état une série de lacunes qui menacent sérieusement sa portée. Il revient désormais au Parlement et au Conseil d’améliorer le texte.

    Cinq ans après l’adoption de la loi pionnière sur le devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d’ordre, la proposition de la Commission était attendue de toute part depuis l’annonce, en avril 2020, d’une directive sur le sujet par le Commissaire européen à la justice, Didier Reynders. Le Parlement européen avait lui-même, en mars 2021, adopté à une forte majorité une résolution appelant la Commission à légiférer.

    Comme la loi française, la proposition de la Commission prévoit de contraindre les entreprises à mettre en place des mesures de prévention des atteintes aux droits humains et à l’environnement commises par leurs filiales, leurs fournisseurs et leurs sous-traitants directs et indirects [1]. En cas de manquement, leur responsabilité pourrait être engagée, et elles pourraient être tenues d’indemniser les personnes affectées.

    Si nous saluons la publication de ce texte, il comporte en l’état de nombreuses failles qui pourraient remettre en question l’effectivité du devoir de vigilance. Le lobbying intense des organisations patronales européennes semble avoir laissé sa marque. [2]

    En particulier, la proposition repose largement sur l’adoption de codes de conduite par les entreprises, l’insertion de clauses dans les contrats avec leurs fournisseurs et le recours à des audits privés et à des initiatives sectorielles. Or c’est précisément l’inefficacité de ces mesures qui a mené nos organisations, il y a plus de dix ans, à plaider pour un devoir de vigilance contraignant. Ces dispositions sont autant de failles dans lesquelles les entreprises pourraient s’engouffrer pour échapper à toute responsabilité.

    Les demandes de la société civile visant à garantir l’accès à la justice et à la réparation pour les personnes affectées n’ont été qu’en partie entendues. Même si les entreprises pourront être tenues responsables en cas de dommage, en l’état actuel du texte, la charge de la preuve repose encore sur les victimes, à qui il revient de démontrer que l’entreprise a manqué à ses obligations. De plus, la possibilité aujourd’hui prévue par loi française de saisir le juge, avant tout dommage, afin qu’il enjoigne à une entreprise de respecter ses obligations de prévention, n’est pas explicitement envisagée dans la proposition de la Commission.

    La Commission propose en outre une approche très restrictive en matière environnementale, qui pourrait exclure du champ de la directive certaines atteintes à l’environnement aujourd’hui couvertes par la loi française [3]. Elle se limite à imposer aux entreprises d’établir un plan en matière climatique, et passe donc complètement à côté de l’urgence à réguler les trajectoires climaticides des grandes entreprises. 

    Enfin, contrairement aux ambitions initiales de la Commission européenne, cette proposition ne prévoit pas non plus de réforme en profondeur de la gouvernance des grandes entreprises. 

    Après de longs mois d’attente, il revient désormais au Parlement européen et aux Etats membres d’amender la proposition de la Commission et de négocier le texte. Nos organisations continueront de se mobiliser pour que les dispositions finales de la directive permettent de mettre fin à l’impunité des multinationales et facilitent l’accès à la justice pour les personnes affectées.

    Notes

    [1] La directive proposée s’appliquerait aux entreprises comptant plus de 500 salariés et un chiffre d’affaires annuel supérieur à 150 millions d’euros. Dans certains secteurs à risques (textile, agriculture, extractif), ce seuil serait abaissé. Son champ d’application serait donc bien plus large que celui de la loi française, qui ne concerne actuellement que les grandes entreprises de plus de 5000 salariés en France, ou 10 000 dans le monde.

    [2] Voir le rapport “Tirées d’affaire ? Le lobbying des multinationales contre une législation européenne sur le devoir de vigilance”, juin 2021

    [3] Les atteintes à l’environnement se limitent, d’une part, à des violations de certaines normes de droit international limitativement énumérées dans une annexe. D’autre part, la Commission retient une approche anthropocentrique du dommage environnemental conditionnée à ce que la dégradation de l’environnement ait des répercussions sur certains droits humains (droit à l’eau, à la santé etc.).  

    Contacts presse :

    ActionAid France – Maelys Orellana – maelys.orellana@actionaid.org – 06 34 26 54 17

    Amis de la Terre France – Léa Kulinowski – lea.kulinowski@amisdelaterre.org – 07.57.18.68.71

    Amnesty international France – Véronique Tardivel  – vtardivel@amnesty.fr – 06 76 94 37 05

    CCFD-Terre Solidaire – Sophie Rebours – s.rebours@ccfd-terresolidaire.org – 07 61 37 38 65 

    Collectif Ethique sur l’étiquette – Nayla Ajaltouni – n.ajaltouni@ethique-sur-etiquette.org – 06 62 53 34 56

    Notre Affaire à Tous – Justine Ripoll – justine.ripoll@notreaffaireatous.org – 06 42 21 37 36

    Oxfam France – Stanislas Hannounshannoun@oxfamfrance.org – 07 69 17 49 63

    Sherpa – Lucie Chatelain – lucie.chatelain@asso-sherpa.org – 07 80 90 37 97

    Note aux rédactions

    • Recommandations de nos organisations ayant porté la loi française sur le devoir de vigilance

    Les associations et syndicats membres du Forum citoyen pour la RSE ayant défendu l’adoption de la loi française sur le devoir de vigilance ont publié en décembre 2020 une série de recommandations pour que le législateur européen puisse s’inspirer des forces et corriger les faiblesses du dispositif français.

    • Rappel du processus européen en cours sur le devoir de vigilance

    Mars 2017 : La loi sur le devoir de vigilance est promulguée en France

    Avril 2020 : Didier Reynders, commissaire européen à la justice, annonce une législation européenne sur le sujet

    Mars 2021 : Le Parlement européen adopte à 504 voix une résolution qui indique à la Commission la voie à suivre

    Juin 2021 : Après la désignation de Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, en tant que co-responsable du texte, la Commission européenne annonce un report de la publication de la proposition de directive à l’automne 2021

    Septembre 2021 : La Commission européenne repousse la publication à décembre 2021

    Décembre 2021 : Après un nouvel avis négatif du Comité d’examen de la réglementation, la Commission reporte à nouveau la publication en février 2022

    • Affaires en cours en France


    Les plans de vigilance publiés par les entreprises et les différents contentieux engagés sur le fondement de la loi française sur le devoir de vigilance sont compilés sur le site www.plan-vigilance.org.

  • Le climat s’installe à Strasbourg : Les enseignements des premières requêtes portées devant la Cour européenne des droits de l’Homme

    Article écrit par Christel Cournil et Camila Perruso, en ligne sur HAL, publié avec l’autorisation de la revue.

    Partout dans le monde (1) de réelles stratégies contentieuses se dessinent pour pousser tant les pouvoirs publics que les «Carbon majors» à aller plus loin dans la lutte climatique. Plus d’un millier de «procès climatiques» (2) ont été intentés jusqu’ici. En se saisissant de «l’arme du droit» pour contraindre les Etats et les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre («GES»), la société civile concourt à redessiner les premiers traits d’une métamorphose de leur responsabilité tout en souhaitant impulser par ricochet des réactions politiques (3).

    En Europe, la célèbre affaire Urgenda (4), le procès «colibri» (5) a marqué incontestablement un tournant. Bien que sa portée directe soit limitée à la politique d’atténuation des changements climatiques des Pays-Bas à l’horizon 2020, cette décision a participé à subjectiver l’Etat comme un des acteurs de la justice climatique et à objectiver la responsabilité qui en découle. Depuis en Europe, on a assisté à une multiplication de recours contre les Etats avec les mêmes types de demandes de reconnaissance d’insuffisance des cadres réglementaires et d’injonction à corriger à la hausse les objectifs climatiques. Encore dernièrement, la Cour constitutionnelle allemande et la Hague District Court au Pays-Bas ont rendu des décisions décisives pour la justice climatique et particulièrement riche d’enseignements sur le plan des obligations climatiques, de la due diligence, des droits de l’Homme et des générations futures touchées par la menace climatique (6).


    La finalité de ces contentieux climatiques n’est pas tant de chercher une indemnisation que de concourir au durcissement du droit posé ou de faire évoluer son interprétation à l’occasion du procès. Il s’agit surtout de soumettre au pouvoir judiciaire des demandes d’injonctions réparatrices de portée plus générale dépassant ainsi le cas d’espèce. Si sa fonction première est de résoudre les litiges des parties en présence, par ses décisions invoquant des principes de portée générale, le juge participe aussi au renforcement de l’effectivité du droit et concourt in fine à faire «bouger les lignes». En effet, placé au cœur de problématiques environnementales complexes et contraint de trancher les litiges et de
    «démêler les conflits», le juge contribue à redessiner les rapports de force en présence, à définir une meilleure compréhension et application des cadres normatifs tout en œuvrant inévitablement à leurs transformations dans le respect de l’Etat de droit.

    Si ces actions contentieuses ont été majoritairement engagées devant les tribunaux nationaux, elles changent depuis peu d’échelles en s’orientant également vers les organes supranationaux : d’abord devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme (7), puis le juge de l’Union européenne (8) et les Comités onusiens (9) (Comité des droits de l’homme, CDH et Comité sur les droits des enfants, CDE). Ce sont désormais les prétoires en charge de la protection des droits de l’homme qui questionnent la pertinence «des droits de l’homme au service de la lutte climatique» (10). Cette nouvelle génération de contentieux climatiques place incontestablement les droits fondamentaux (11) au cœur des argumentaires judiciaires. Et si le système onusien des droits de l’homme œuvre depuis 2008 sur le sujet (12) notamment dans une perspective d’approche catégorielle des droits de l’homme en prenant en compte les vulnérabilités, de son côté le Conseil de l’Europe a également manifesté de l’intérêt pour la thématique dans les travaux de son Assemblée parlementaire qui a proposé des réflexions prospectives sur la protection des déplacés climatiques ou récemment sur l’adoption d’un protocole sur le droit à l’environnement sain. Il était donc prévisible que la Cour européenne des droits de l’homme devienne la nouvelle «arène judiciaire» à apprécier les obligations climatiques des Etats.


    Le juge européen, Tim Eicke (13), souligne que même si jusqu’à présent aucune décision spécifique sur les changements climatiques n’a été rendue, plus de 300 décisions et arrêts tranchent des questions environnementales. Toutefois, si le juge de Strasbourg est accoutumé à traiter de ces enjeux, reste que la question climatique présente des spécificités et des problématiques inédites (urgence, obligation extraterritoriale, obligation de coopération, obligation collective, lien de causalité, intérêt à agir, etc.). A la fin de l’année dernière, deux requêtes ont été déposées devant la Cour et une troisième en 2021 ; elles ont toutes pour point commun de traiter du sort de «vulnérables» (I), tout en posant des défis au juge tant sur le plan de leur recevabilité (II) que de l’interprétation des enjeux de santé ou des obligations climatiques (III) pesant sur les Etats.

    I- Des catégories de vulnérables au cœur des espèces pendantes devant la Cour de Strasbourg

    Les deux affaires présentées à la Cour EDH traitent de la protection de catégorie de vulnérables. C’est d’ailleurs le point commun avec d’autres procès climatiques menés ailleurs dans le monde. Que ce soit par le biais de la condition de l’enfant ou celle de la femme âgée, les requérants insistent ici singulièrement sur leur vulnérabilité en documentant scientifiquement cette stigmatisation résultant des effets délétères du changement climatique sur leur condition de vie. Déposée le 7 septembre 2020 devant la Cour EDH, la première requête est portée par six jeunes portugais (14).

    Face aux fortes vagues de chaleur et aux incendies de forêt dévastateurs et meurtriers de 2017, ces jeunes s’appuient sur les pronostics scientifiques indiquant que la trajectoire actuelle d’augmentation de la température d’environ 3°C entraînera trente fois plus de décès en Europe occidentale d’ici la période 2071-2100. Afin de les préserver des risques d’atteintes à leur vie et d’assurer leur avenir, ils demandent que la Cour retienne la responsabilité de 33 Etats parties sur la base des articles 2, 8 et 14 de la CEDH15. En effet, les petits Portugais mettent en cause, en même temps, la responsabilité de tous les Etats parties à la CEDH en considérant qu’ils sont fautifs en raison de leur manquement à respecter les engagements de réduction de GES. A l’aide d’argumentaires orientés sur les obligations issues de l’Accord de Paris, les requérants s’appuient sur la mise en péril de leur avenir, en insérant la lutte climatique dans un contexte global et préventif de responsabilisation des Etats. C’est donc en l’inscrivant dans une perspective d’urgence que la Cour a décidé le 20 novembre 2020 de traiter la requête en priorité, en demandant à tous les Etats mis en cause d’y répondre.

    Puis, la seconde requête climatique déposée le 26 novembre 2020 devant la Cour EDH concerne les membres de l’association des Aînées pour la protection du climat (16) qui demandent au juge de Strasbourg de les protéger contre les conséquences des changements climatiques. Cette
    requête semble s’inscrire davantage dans les repères auxquels la juridiction est habituée dans sa jurisprudence environnementale, étant donné qu’un seul Etat est mis en cause. L’association suisse réunit plus de 1.800 femmes dont l’âge moyen est de 76 ans, et dont la mission est celle d’œuvrer pour les droits fondamentaux et de protéger le climat. Face aux vagues de chaleur de plus en plus fréquentes entraînées par les changements climatiques, les aînées considèrent être l’un des groupes les plus vulnérables. L’association a déjà mené un combat judiciaire au niveau national sans avoir obtenu satisfaction, leur demande ayant été rejetée par le tribunal fédéral suisse au printemps 202017. L’association s’est alors tournée vers l’organe supranational en s’appuyant sur la jurisprudence environnementale consolidée de la Cour de Strasbourg, leur requête se fondant sur les articles 6, 2 et 8 de la CEDH (18). Les requérantes suisses indiquent que l’Etat n’a pas mis en œuvre de mesures pour atteindre les objectifs climatiques fixés en droit international et en conformité avec les conclusions scientifiques, les exposant à des risques majeurs de mortalité et morbidité (19). En mars dernier, la Cour a décidé ici encore de donner la priorité à la requête en vertu de l’article 41.

    Enfin, soutenue par la collectif Fridays for Future, une troisième requête (20) a été déposée par l’avocate Michaela Krömer. Son client, un Autrichien atteint d’une forme de sclérose en plaques (syndrome d’Uhthoff) dépendante de la température (21), souhaite poursuivre son gouvernement en justice afin de le contraindre à agir davantage contre le changement climatique. Sorte de cas d’école et incontestablement un «contentieux stratégique», la crise climatique affecterait déjà sa vie quotidienne, sa dignité personnelle et son bien-être. Comme pour l’affaire des petits Portugais, la plainte a été portée directement (22) devant la Cour EDH, étant donné que selon le droit autrichien l’inaction de l’Alpine nation’s legislature ne semble pas pouvoir être contestée devant un tribunal au plan interne.

    II- Des conditions de recevabilité à dépasser dans l’affaire des petits Portugais

    A l’instar de la communication Greta et autres déposée devant le Comité des droits de l’enfant, les requérants n’ont pas mené en l’espèce de procédure contentieuse sur le plan interne et par conséquent, n’ont pas épuisé les voies de recours interne. La requête des petits Portugais est présentée directement devant la Cour EDH, sans passer par les prétoires nationaux. Or, la règle procédurale d’épuisement des voies de recours internes répond au principe de subsidiarité du contentieux international sur lequel repose l’idée que c’est d’abord le juge national qui est le garant de la protection des droits humains. Ce n’est qu’en cas de défaillance de ce dernier qu’une instance internationale est légitime pour intervenir (23). Cette règle peut néanmoins être assouplie si les personnes n’ont pas eu accès à un recours effectif sur le plan interne. En l’espèce, les requérants soulèvent trois principales raisons d’impossibilité de saisir toutes les juridictions nationales (24) des Etats mis en cause.

    Tout d’abord, ils arguent que, même en admettant avoir intérêt à agir dans ces différents Etats, ce serait une charge non seulement trop contraignante (voire trop coûteuse) mais également disproportionnée de devoir saisir tous les Etats mis en cause au préalable, les exonérant donc de cette exigence.

    Puis, les requérants considèrent que l’urgence climatique justifie le non-épuisement des voies de recours internes. En effet, une autre des dispenses de cette règle se réfère au dépassement des délais raisonnables du recours. En arguant qu’il y a une marge temporelle très limitée pour que la trajectoire 1,5°C puisse encore être respectée, les jeunes Portugais entendent qu’il y a un besoin exceptionnel pour que la Cour EDH reconnaisse la responsabilité des 33 Etats; selon eux, l’engagement de recours sur le plan interne prendrait trop de temps et ne permettrait pas de respecter ce délai raisonnable dont il est question (25).


    L’impossibilité d’épuiser les voies de recours internes est enfin fondée, selon les requérants, sur la mise en cause d’une pluralité d’Etats: puisqu’il n’est pas raisonnable d’aller chercher leur responsabilité individuellement alors qu’ils sont tous présumés responsables, la seule voie de recours trouvée est celle supranationale. Ce qui est donc en question, et qui constitue une condition de recevabilité, consiste à savoir si ces Etats ont juridiction pour répondre des violations des droits de l’homme soulevées. Les petits Portugais allèguent que les Etats européens mis en cause ont une responsabilité partagée (shared responsibility (26)) en ce qui concerne les changements climatiques. Dès lors, ils expliquent qu’ils relèvent de la juridiction du Portugal selon les termes de l’article 2 de la CEDH, ainsi que de la compétence extraterritoriale des autres 32 Etats, étant donné les circonstances particulières de l’affaire (27).

    III- La demande de prise en compte des enjeux de santé et la difficile détermination des obligations climatiques

    Les enjeux «santé» liés aux changements climatiques sont au cœur des trois requêtes présentées à la Cour EDH. Les jeunes portugais évoquent même – comme dans l’affaire Greta – leur «éco-anxiété» face aux catastrophes naturelles et liée à la perspective de vivre dans un climat de plus en plus chaud pendant toute leur vie. Si la Cour a déjà traité des problématiques environnementales ayant des effets néfastes sur la santé dans lesquelles des mesures n’ont pas été efficacement adoptées par l’Etat, elle a toutefois indiqué qu’il ne lui appartenait pas de déterminer précisément les mesures qu’il aurait dû adopter pour réduire par exemple la pollution. En effet, la compétence de la Cour de Strasbourg se limite à la vérification de la mise en place de certaines mesures avec diligence raisonnable au sein de sa juridiction (28) (une obligation de diligence raisonnable, donc). La Cour EDH se remet à l’Etat s’agissant des détails de mise en œuvre.

    Même si la Cour se montre plus exigeante lorsqu’il est question du droit à la vie, elle considère qu’une charge impossible ou disproportionnée ne devrait pas être imposée aux autorités sans qu’une attention particulière ne soit accordée aux choix opérationnels qu’elles auraient mis en œuvre (29). Dès lors, dans ces nouvelles espèces climatiques, la Cour devra accepter de préciser la manière spécifique dont ces obligations de moyen des Etats doivent être appliquées s’agissant de la réduction des émissions de GES. Elle pourrait ainsi admettre de contrôler les trajectoires et les objectifs chiffrés intermédiaires pour atteindre cette dernière, mais aussi de déterminer si l’Etat a agi ou non avec diligence raisonnable dans la mesure où le lien avec d’éventuelles violations des droits de la Convention est prouvé.

    Par ailleurs, les plaignants mobilisent des sources exogènes à la CEDH, élargissant la portée des droits et des obligations qui en découlent. Ils appuient leurs arguments sur la Convention internationale sur les droits de l’enfant, sur les instruments du régime climat ou encore la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (30). Pour la Cour EDH, il s’agit d’un procédé auquel elle est habituée, celui de l’interprétation évolutive qui consiste aussi à établir le contenu des droits et des obligations de la CEDH à la lumière d’autres instruments. Il sera en revanche plus difficile – mais pas impossible – pour la Cour EDH de déterminer le contenu d’obligations climatiques qui ne sont pas développées ni dans la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques («CCNUCC») ni dans l’Accord de Paris, à l’instar des inventaires nationaux. En effet, un des éléments cruciaux de l’argumentaire des requérants pour mettre en cause 32 Etats (au-delà
    du Portugal), se fonde sur le fait qu’ils n’ont pas adopté des mesures administratives et législatives s’agissant des émissions de GES générées en dehors de leurs territoires en ce qui concerne l’importation de produits venant d’autres régions du monde (31). Or, la CCNUCC et l’Accord de Paris n’attribuent pas d’émissions provenant d’importations, car les inventaires se fondent sur les émissions générées à l’intérieur du territoire d’un Etat (32). Ce faisant, les requérants demandent à la Cour EDH d’aller plus loin par le biais de la CEDH, ce qui paraît encore incertain compte tenu de sa démarche de se servir d’autres instruments pour compléter ses dispositions – et non le contraire. Ce n’est du reste pas impossible que la Cour s’inspire du travail déjà entamé par les Comités onusiens (33) notamment sur la caractérisation d’obligations extraterritoriales en matière climatique.

    S’il ne fait plus de doute que certains organes de contrôle des droits de l’homme sont tout à fait réceptifs à la problématique environnementale, il reste encore à vérifier la manière dont la lutte climatique sera appréhendée et notamment lorsque sont en cause plusieurs Etats, comme demande la requête des jeunes Portugais. Si la Cour EDH accepte de se prononcer sur le fond de ces requêtes climatiques – et elle peut faire cet effort interprétatif en s’alignant à sa jurisprudence environnementale –, son jugement sera regardé avec attention par les différents juges nationaux déjà saisis sur les enjeux climatiques. Rappelons que si dans l’affaire Urgenda la Cour suprême néerlandaise a soutenu l’application de la jurisprudence de la Cour EDH aux changements climatiques, car ceux-ci présentent des risques réels et immédiats pour les personnes vivant aux Pays-Bas34, d’autres juges (35) ont réceptionné ces arguments avec plus ou moins de prudence. En France par exemple, alors que les
    parties l’y encourageaient dans leurs requêtes, le tribunal administratif de Paris (36) comme le Conseil d’Etat (37) n’ont pas fondé l’obligation climatique de l’Etat sur les stipulations de la CEDH, notamment sur ses articles 2 et 8 (38). En revanche récemment en Allemagne (39) et aux Pays-Bas (40), les juges nationaux ont réceptionné clairement les arguments portant sur les droits humains en obligeant tant l’Etat qu’une Carbon Majors à accentuer leur action en matière de réduction de GES. Et puisqu’ici la Cour n’a pas encore été saisie pour avis consultatif sur la base du Protocole 16, ce qui aurait permis d’avoir une première interprétation supranationale en matière climatique, il faudra donc attendre que la Cour de Strasbourg se prononce sur ces requêtes pour savoir jusqu’où les droits de l’homme peuvent servir la lutte climatique.

    Notes :

    1- Programme des Nations unies pour l’environnement, Global Climate Litigation Report 2020 : Status Review, 2021, 52 p.

    2 – C. Cournil (dir.), Les grandes affaires climatiques, éd. DICE, Confluences des droits, 2020 (https://dice.univ-amu.fr/sites/dice.univamu.fr/files/public/cdd10_-_les_grandes_affaires_climatiques_2.pdf).

    3- A. Wonneberger, R. Vliegenthart, «Agenda-Setting Effects of Climate Change Litigation: Interrelations Across Issue Levels, Media, and Politics in the Case of Urgenda Against the Dutch Government», Environmental Communication, 2021, 17 p.(https://doi.org/10.1080/17524032.2021.1889633).

    4- Cour d’appel de La Haye, 9 octobre 2018, Urgenda c. Pays-Bas, no 200.178.245/01 ; Suprême Cour des Pays-Bas, 12 décembre 2019, Hoge Raad, ECLI:NL:HR:2019:2006, 19/00135.


    5 – D. Missone, «Urgenda c. Pays-Bas (2019)», in C. Cournil (dir.), op. cit., p. 220.

    6- Federal Constitutional Court, décision du 24 mars 2021, no 1 BvR 2656/18, 1 BvR 96/20, 1 BvR 78/20, 1 BvR 288/20. Communiqué de presse : https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/EN/2021/bvg21-031.html et Hague District Court, 26 mai 2021, Les amis de la terre et al. c/ RoyalDutch Shell. La décision en ligne : https://uitspraken.rechtspraak.nl/inziendocument?id=ECLI:NL:RBDHA:2021:5339.

    7- Voir la pétition Inuit en 2005 et celle du peuple Athabaskan en 2013. C. Perruso et L. Varison, «La saisine du système interaméricain de protection des droits de l’homme en matière climatique, l’analyse des pétitions autochtones», in C. Cournil, L. Varison (dir.), Les procès climatiques: du national à l’international, Paris, Pedone, 2018, pp. 179-193. Voir aussi la dernière pétition présentée à cet organe : «Seeking to Redress Violations of the Rights of Children in Cité Soleil, Haiti», 2021.

    8- Affaires People’s Climate Case (aff. C-565/19 P) et Sabo (aff. C-297/20 P) devant le Tribunal et la Cour de justice de l’Union européenne.

    9- Voir l’affaire Ioane Teitiota c. Nouvelle-Zélande rendue par le CDH, 24 octobre 2019, CCPR/C/127/D/2728/2016, l’affaire des habitants des Îles du détroit de Torrès portée devant le CDH (https://www.clientearth.org/latest/latestupdates/news/human-rights-and-climate-change-world-first-case-to-protectindigenous-australians/) et la Communication déposée devant le Comité des droits de l’enfant le 23 septembre 2019, Chiara Sacchi et al. c. Argentine, Brésil, France Allemagne, Turquie (https://childrenvsclimatecrisis.org/wp-content/uploads/2019/09/2019.09.23-CRC-communication-Sacchi-et-al-v.-Argentinaet-al.pdf).

    10- C. Perruso, «Les droits de l’homme au service de la lutte climatique», in C. Cournil, La fabrique d’un droit climatique au service de la trajectoire «1.5», Paris, Pedone, 2021, pp. 243-264.

    11- C. Cournil, «Les droits fondamentaux au service de l’émergence d’un contentieux climatique contre l’Etat. Des stratégies contentieuses des requérants à l’activisme des juges», in M. Torre-Schaub et al. (dir), Quel(s) droit(s) pour les changements climatiques, Paris, Mare et Martin, 2018, pp. 185-215.

    12- C. Cournil, C. Perruso, «Réflexions sur “l’humanisation” des changements climatiques et la “climatisation” des droits de l’homme. Émergence et pertinence», La Revue des droits de l’homme, 14/2018.

    13- T. Eicke, «Human rights and climate change : what role for the European court of human rights», Discours inaugural annuel sur les droits de l’homme de l’Université Goldsmiths, prononcé en ligne le mardi 2 mars 2021.

    14- Requête déposée le 3 septembre 2020 devant la Cour EDH, dans l’affaire Cláudia Duarte Agostinho et autres c. le Portugal et 32 autres Etats (requête no 39371/20).

    15- Respectivement: droit à la vie, droit à la vie privée et familiale et interdiction de discrimination. Voir requête déposée devant la Cour EDH, préc., §§ 24-31.

    16- Requête déposée le 26 novembre 2020 devant la Cour EDH, dans l’affaire Association Aînées pour la protection du climat c. Suisse.

    17- R. Mahaim, «Les ainées pour la protection du climat c. Confédération Suisse», in C. Cournil (dir.), op. cit., pp. 169-180.

    18- Respectivement: droit au recours effectif, droit à la vie, droit à la vie privée et familiale. Voir requête déposée le 26 novembre 2020 devant la Cour EDH, dans l’affaire Association Aînées pour la protection du climat c. Suisse, § 16.

    19- Ibid.

    20- Voir la requête X. c. Autriche (https://www.michaelakroemer.com/wp-content/uploads/2021/04/rechtsanwaeltin-michaela-kroemer-klimaklagepetition.pdf).

    21- Ses muscles sont affectés lorsque les températures dépassent 25°C.

    22- Une requête constitutionnelle portant sur une demande d’invalidation de l’exemption de taxe des usagers des vols aériens a toutefois été introduite par le requérant. Elle a été rejetée pour défaut d’intérêt à agir. Voir §§ 57 à 59 de la requête.

    23- Article 35, § 1er, de la CEDH; article 7(e) du Protocole facultatif à la CIDE établissant une procédure de présentation de communications.

    24- Requête déposée devant la Cour EDH, préc., annexe, § 40.

    25- § 32.

    26- Annexe, §§ 10-13. Sur la responsabilité partagée, les requérants se fondent sur les articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, UN Doc. A/56/10, 2(2) ILC Yearbook, 2001, 26 et notamment sur le travail doctrinal : A. Nollkaemper, J. d’Aspremont, C. Ahlborn, B. Boutin, N. Nedeski, I. Plakokefalos, «Guiding Principles on Shared Responsibility in International Law», EJIL, 36, 31, 2020, pp. 15-72.

    27- Requête Duarte Agostinho déposée devant la Cour EDH, préc., annexe, §§ 14-16. Cette compétence est particulièrement discutée dans les tierces interventions déposées devant la Cour sur cette affaire. Elles éclairent le juge sur les possibilités d’extension de sa jurisprudence en matière climatique (dommages extraterritoriaux et l’interprétation du terme de juridiction).

    28- Cour EDH, 9 juin 2005, Fadeïeva c. Russie, requête no55723/00, § 178.

    29- Cour EDH (GC), 30 novembre 2004, Öneryildiz c. Turquie, requête no48939/99 § 71 ; Cour EDH, Budayeva et autres c. Russia, préc., § 128.

    30- Requête contre l’Autriche, préc., annexe § 43.

    31- Voir la Requête déposée par les jeunes Portugais, préc., annexe, §§ 5 et 20.

    32- O. W. Pedersen, «The European Convention of Human Rights and Climate Change – Finally!», EJIL:Talk!, 22 septembre 2020.

    33- Voir notamment la déclaration conjointe sur «les droits de l’homme et le changement climatique» du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femme, du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, du Comité des droits de l’enfant et du Comité des droits des personnes handicapées du 16 septembre 2019 (https://www.ohchr.org/en/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=24998&LangID=E#_edn8).

    34- Points 5.6.1-5.6.4. Voir O. De Schutter, «Changements climatiques et droits humains: l’affaire Urgenda», Rev. trim. dr. h., no 123, 2020, pp. 567-608.

    35- Voir les applications très différentes dans d’autres contentieux : Cour suprême de la Confédération helvétique, 5 mai 2020, Verein KlimaSeniorinnen Schweiz v. Bundesrat, 1C 37/2019 ; Cour suprême d’Irlande, Friends of the Irish environment, Appeal, no 205/19 ou encore devant la Cour d’appel d’Oslo et la Cour suprême norvégienne, Nature and Youth Norway and Föreningen Greenpeace Norden v. Ministry of Petroleum and Energy, 2020.

    36- Tribunal administratif de Paris, 3 février 2021, L’affaire du Siècle, nos 1904967,1904968, 1904972 et 1904976.

    37- Conseil d’Etat, 19 novembre 2020, Commune de Grande-Synthe, no 427301.

    38- Les requêtes n’étaient toutefois pas exclusivement orientées sur un argumentaire «droit de l’Homme» à la différence de l’affaire Duarte Agostinho plus ambitieuse sur ce volet-là.

    39- Décision du Federal Constitutional Court du 24 mars 2021, op. cit.

    40- Hague District Court, 26 mai 2021, Les amis de la terre et al. c/ Royal Dutch Shell, op. cit.