Catégorie : Responsabilité des multinationales

  • Notre Affaire à Tous. Les stratégies contentieuses d’une requérante au service de la justice environnementale

    Article rédigé par :
    Christel Cournil* – Professeure des universités en droit public ; Membre du laboratoire LASSP, Sciences Po Toulouse, Université Toulouse Capitole ; Membre du projet ANR Proclimex.
    Brice Laniyan – Docteur en droit public à l’université Panthéon-Sorbonne (Paris 1) (ISJPS-UMR 8103) ; Juriste chez Notre Affaire à Tous.

    Note : Reproduction strictement non commerciale, exceptionnelle autorisée à titre gracieux.
    Christel Cournil, Brice Laniyan. « Notre Affaire à Tous. Les stratégies contentieuses d’une requérante au service de la justice environnementale », Revue du Droit Public, n°2, 30 juin 2025, page 31. Accessible ici : https://www.labase-lextenso.fr/revue/RDP/2025/2

    Depuis une trentaine d’années en France, les ONG environnementales ont intégré le recours au droit dans leurs stratégies d’action, professionnalisant leurs pratiques jusqu’à faire de la justice une arène politique. L’association Notre Affaire à Tous incarne cette dynamique en développant des contentieux stratégiques pour influencer l’évolution du droit en faveur de la justice climatique. Par ses actions diverses, elle vise à contraindre l’État à respecter ses obligations écologiques, à stopper des projets « climaticides » et à lutter contre les inégalités socio-environnementales.

    L’arme contentieuse n’a pas toujours figuré au répertoire d’actions collectives [1] des organisations non gouvernementales de protection de l’environnement (ONGE) qui ont longtemps privilégié le plaidoyer par le truchement d’actions de terrain aussi singulières que médiatiques. Depuis une trentaine d’années, les ONGE ont affiné leurs stratégies [2] en développant de nouvelles capacités d’action [3] telles que la sensibilisation du politique à la science, mais aussi des capacités d’influence dans la construction, la mise en œuvre ou le renforcement du droit de l’environnement [4] à la fois par la protestation, la persuasion, la pression et l’expertise constructive. Leurs répertoires d’action se sont enrichis en se professionnalisant [5] toujours plus, notamment face au défi de l’urgence climatique.

    En France, les associations de défense de l’environnement ont bien compris la force de « l’arme du droit » [6], celle-ci devenant une énième corde à leur arc. En se diversifiant [7], leurs répertoires d’action collective se sont progressivement juridicisés et judiciarisés. Certaines ONGE ont mis en place des actions particulièrement sophistiquées en recourant au droit – moyen de contestation comme les autres. Ces associations agissent par le biais de trois fenêtres. D’abord, lors de la phase pré-normative, elles participent souvent à alerter sur un enjeu singulier et peuvent alors édifier un discours sur les besoins de droits (nouveaux droits ou modifications du droit). Ensuite, dans la phase clef de l’élaboration [8] de la norme, elles exercent une influence « discursive » en cherchant à insérer des concepts, des mots dans les textes au sein des négociations internationales [9] par la diplomatie « des couloirs » lors des COP ou lors des phases de session et débats parlementaires nationaux [10] en impactant la fabrique du droit. Enfin, en aval, les ONGE n’hésitent plus à saisir le juge pour s’assurer de l’application de la norme juridique. Aujourd’hui, « la justice comme arène » [11] est bien ancrée dans la panoplie des répertoires juridiques. Suivant le modèle popularisé par l’Affaire du Siècle et l’affaire Grande-Synthe, de nouvelles actions contentieuses « en carence structurelle » [12] sont régulièrement portées à l’appréciation des juridictions administratives sur des thématiques diverses : développement des énergies renouvelables [13], déserts médicaux [14], contrôle au faciès [15], mal-logement [16], manque de « haltes soins addictions » (ou « salles de shoot ») [17]… Et indiscutablement la construction de recours dit « stratégiques » [18] est progressivement devenue une forme de participation politique dans la cité pour certaines ONGE dont la benjamine Notre Affaire à Tous [19].

    Créée en 2015, Notre Affaire à Tous est une association de protection de l’environnement qui utilise le droit comme un levier stratégique pour protéger le vivant et lutter contre la triple crise environnementale (climat-biodiversité-pollution). L’association est née d’un vide dans le paysage associatif français. Aucune association de protection de l’environnement ou de défense des droits de l’Homme ne s’était encore donnée comme raison d’être la défense de la justice climatique [20] dans sa dimension juridictionnelle. C’est pour combler ce manque, et surtout pour tenter « d’importer » en France le contentieux gagné aux Pays-Bas par la fondation Urgenda, que Marie Toussaint [21] et d’autres jeunes juristes et avocats ont créé cette structure singulière qu’est Notre Affaire à Tous. L’intention première de l’association était d’influencer la fabrique du droit en tentant d’orienter les cadres normatifs en vue d’obtenir des résultats probants pour renforcer la lutte climatique et ainsi contenir les effets délétères des changements climatiques. Et grâce à ses actions, en 10 ans d’existence, « l’activisme légal et juridictionnel » est devenu particulièrement intense en matière de justice climatique.

    L’association a toutefois considérablement diversifié son répertoire d’actions juridiques depuis sa création avec des activités de contentieux et de plaidoyers menées tant au niveau local, national, européen et international ; des contributions extérieures devant le Conseil constitutionnel, des amicus curiae devant la Cour européenne des droits de l’Homme, des soumissions auprès des comités onusiens, une soumission lors de l’examen périodique universel du Conseil des droits de l’Homme, un benchmark de la vigilance climatique, la mise en place d’un programme d’éducation et de sensibilisation juri- dique à travers des procès simulés… Néanmoins, l’« ADN » de Notre Affaire à Tous reste la conception de « contentieux stratégiques ». Ainsi nommés et systématisés par la doctrine anglo-saxonne, fruit d’une stratégie plurielle de plaidoyer – politique, éthique, sociale et juridique –, ce type d’actions désigne les cas dans lesquels un requérant engage une action en justice avec une ambition dépassant le cadre strict du litige. Bien que l’objet premier du contentieux soit la défense de son intérêt personnel, son objectif secondaire est de favoriser une évolution politico-juridique. Cela peut se traduire par la reconnaissance d’une illégalité, d’une réparation ou, plus largement, par l’obtention d’une nouvelle interprétation du droit, susceptible de profiter à tous [22]. Dès lors, l’avantage différentiel de l’association s’exprime, avant tout, dans l’identification et l’usage des fondements juridiques et des voies de droit qui seront les plus à même de susciter, par voie jurisprudentielle, la production d’un droit plus protecteur du vivant. Notre Affaire à Tous cherche à repousser les frontières du droit et à poser les premiers précédents juridiques. L’association est devenue, suivant l’expression de Marc Galanter, un « utilisateur fréquent du droit » [23] (repeat players) [24] qui a su développer un savoir-faire dans la conception de recours stratégiques en matière climatique et environnementale.

    Nous reviendrons essentiellement sur les intentions stratégiques de l’association à porter la cause climatique et environnementale devant le juge administratif en tant que requérante de plus en plus aguerrie. L’objet de cette contribution est de proposer une systématisation des principaux objectifs contentieux portés devant le juge administratif par l’association, et ici présentés en quatre directions « tactiques ». L’association a choisi de faire préciser par le juge les obligations de com- portement de l’État en matière de lutte climatique et de biodiversité (I), de mettre fin à certains projets locaux inutiles, climaticides ou polluants (II), d’engager la sortie fossile par la diversification contentieuse (III) et, enfin, de promouvoir la lutte contre les pollutions massives locales et les inégalités socio-environnementales (IV).

    I. Faire préciser les obligations de comportements étatiques en matière environnementale par le contentieux systémique

    L’un des moyens de porter un plaidoyer puissant sur la justice climatique a été de contester le manque d’ambition des États devant les juges. C’est la voie que l’association Notre Affaire à Tous a choisi de prendre en France avec L’Affaire du siècle, s’inscrivant ainsi dans une tendance contentieuse mondiale [25]. En effet, la reconnaissance de la « justiciabilité » des questions climatiques impulsée par la célèbre affaire Urgenda a provoqué un effet d’entraînement avec l’émergence d’environ une centaine d’actions dirigées contre des pouvoirs publics [26] dans le monde.

    Dans ce type de contentieux, les juges considèrent que la prise de décision en matière climatique relève en principe du pouvoir politique, lequel détient une légitimité électorale et bénéficie d’une marge d’appréciation variable dans la définition des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) ainsi que dans le choix des moyens concrets pour les atteindre [27]. Comme le rappelle la Cour européenne des droits de l’Homme dans Klimaseniorinnen, cette sphère d’action du pouvoir politique doit cependant s’exprimer dans les limites de l’État de droit [28], lesquelles sont souvent définies ou précisées par voie jurisprudentielle. En redéfinissant les relations normatives entre les différents pouvoirs dans le cadre de ces litiges, le juge s’affirme comme un acteur stratégique qui – disposant de son propre agenda – est susceptible de répondre aux exigences de justice climatique et sociale exprimées par la société civile. Le juge et le procès deviennent les moyens par lesquels la société civile s’intègre à la gouvernance climatique, contestant ainsi les politiques d’un gouvernement ou les décisions stratégiques d’une entreprise. C’est dans cette perspective stratégique [29] que Notre Affaire à Tous, accompagnée de trois autres associations (la Fondation pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France et Oxfam France), a saisi en 2019 le tribunal administratif (TA) de Paris en initiant L’Affaire du siècle [30].

    L’ambition politico-juridique des associations requérantes était de faire reconnaître l’insuffisance des actions de l’État en matière climatique et d’obtenir du juge qu’il lui enjoigne de prendre toutes mesures utiles pour réduire les émissions de GES à un niveau compatible avec le maintien du réchauffement planétaire en deçà de l’objectif de température fixé par l’accord de Paris. L’ambition contentieuse du recours était de trouver un fondement juridique contraignant à l’action de l’État en matière de lutte climatique et « climatiser » la responsabilité administrative [31]. Il s’agissait de faire imputer à l’État le dommage lié au surplus fautif d’émissions de GES consécutif au dépassement du premier budget-carbone couvrant la période 2015-2018 et de le considérer à l’origine d’un préjudice objectif causé à l’environnement et d’un préjudice moral causé aux associations. Pour ce faire, Notre Affaire à Tous et les autres associations de l’Affaire du siècle ont développé une double stratégie contentieuse en intervenant dans un autre contentieux climatique – concomitant et très similaire – mené devant le Conseil d’État par la ville de Grande-Synthe et son ancien maire Damien Carême (affaire Grande- Synthe [32]). L’objectif pour les associations étant de dupliquer dans un recours pour excès de pouvoir l’argumentaire juridique relatif à la reconnaissance d’une obligation étatique de comportement en matière de lutte climatique.

    Rendu moins de trois mois après le premier arrêt Grande-Synthe du Conseil d’État reconnaissant implicitement une obligation contraignant à l’action de l’État en matière de lutte climatique, le premier jugement de l’Affaire du siècle avant- dire droit du 3 février 2021 [33] du TA de Paris a fait nettement avancer l’idée de justice climatique défendue par Notre Affaire à Tous. Le tribunal y consacre explicitement une obligation générale de lutte contre le changement climatique [34]. Celle-ci permettant aussi au juge de constater l’existence d’un dommage environnemental [35] résultant du surplus d’émissions de GES autorisé par la loi qu’il impute à l’inaction de l’État. Le jugement reconnaît alors une faute de l’État et indemnise le préjudice moral des associations à hauteur d’un euro. Il admet de surcroît la recevabilité des demandes en indemnisation du préjudice écologique tout en précisant pour la première fois, devant le juge administratif, les conditions dans lesquelles il pourra être invoqué et réparé, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles actions. Si le tribunal refuse néanmoins l’indemnisation financière d’un euro symbolique, la stratégie contentieuse des associations requérantes consistait à utiliser cette demande d’indemnisation du préjudice écologique comme le moyen d’obtenir une injonction réparatrice. L’idée était donc de réparer et de faire cesser le préjudice écologique par l’obtention de « mesures supplémentaires », dans l’esprit de l’article 1252 du Code civil [36].

    Le second jugement du 14 octobre 2021 [37] imposa un calendrier d’exécution aux ministres compétents pour prendre, avant le 31 décembre 2022, toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et à prévenir l’aggravation des dommages au titre du surplus fautif de 15 Mt CO2eq. Non contentes des actions étatiques initiées dans le laps laissé par le juge, telles des vigies de l’action gouvernementale, les associations ont engagé un nouveau contentieux inédit : celui du suivi de l’exécution de l’action climatique. Toutefois, par un jugement du 22 décembre 2023 [38], le juge de l’exécution du TA de Paris a refusé de prononcer les mesures d’exécution supplémentaires demandées par les requérantes, alors même que la réparation du préjudice restant n’a pas été jugée complète avec un reliquat compris entre 3 et 5 Mt CO2eq. La quantification du préjudice écologique demeure une opération difficile qui a été enfermée dans l’approche arithmétique choisie par le tribunal en 2021 et de laquelle il ne peut sortir dans son office limité du suivi de l’exécution. C’est désormais la cour d’appel de Paris (après le refus de compétence du Conseil d’État en décembre 2024 [39]) qui tranchera les ultimes demandes des associations, notamment leur demande d’astreintes d’un montant total d’1 milliard et 102,5 millions d’euros correspondant au coût social du carbone. C’est au prix d’une longue bataille juridique de plus de six années que la coalition de l’Affaire du Siècle est parvenue à faire constater l’inaction climatique par un juge, a contribué à la « climatisation » du droit de la responsabilité administrative et à faire « pression » sur l’État pour que celui-ci mette son pouvoir de réglementation au service de la cause climatique.

    Forte de cette expérience résultant de savoir-faire de juristes et experts [40] dans ce contentieux climatique complexe, l’association Notre Affaire à Tous a très vite capitalisé [41] cet acquis en reprenant, avec quatre autres organisations (Pollinis, Association nationale pour la protection des eaux et rivières (ANPER-TOS), Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) et Biodiversité sous nos pieds), les mêmes lignes stratégiques pour engager la première action en justice au monde en carence fautive contre un État pour son inaction face à l’effondrement de la biodiversité (L’Affaire justice pour le Vivant [42]). L’objectif est semblable : faire reconnaître une obligation de comportement en matière de protection du vivant, l’existence d’un préjudice écologique résultant d’une contamination généralisée de l’eau, des sols et de l’air par les pesticides et la faute de l’État. Les associations ont ici aussi obtenu gain de cause [43] puisque le TA de Paris reconnaît des lacunes dans les procédures d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des pesticides, mises en évidence par les associations, et considère que ces manquements relèvent de la responsabilité de l’État. Il établit un lien de causalité direct entre les insuffisances dans l’évaluation des risques et le déclin de la biodiversité. Et concernant l’injonction, le tribunal impose à l’État un délai pour mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires afin de respecter les objectifs de réduction des pesticides fixés par les plans Ecophyto. Non satisfaites sur leurs demandes tendant à revoir les méthodologies d’évaluation des risques liés aux pesticides, contrairement à ce que préconisait d’ailleurs la rapporteure publique, les associations ont fait appel en 2024 et s’engageront sans aucun doute dans un nouveau contentieux du suivi de l’exécution du jugement inédit de 2023.

    II. Mettre fin aux projets locaux « climaticides », inutiles ou polluants

    Partout dans le monde, la contestation de projets d’ouvrages publics ou privés ayant un impact important sur la soutenabilité du système climatique s’est peu à peu développée, attestant d’une diversification des procès climatiques. La construction d’un oléoduc [44] entre le Canada et les États-Unis, l’extension d’un aéroport en Autriche [45] ou au Royaume-Uni [46], l’ouverture de mines de charbon à ciel ouvert en Nouvelle-Galles du Sud en Australie [47] ou encore d’une centrale thermique à charbon à Lephalale en Afrique du Sud [48] ont été portées à l’appréciation de juges nationaux. Cette tendance à contester les projets dits « climaticides » va sans doute s’intensifier dans les prochaines années, y compris en France ; ce qui n’a pas échappé à l’association Notre Affaire à Tous qui en a fait un axe stratégique.

    Dans un premier temps, Notre Affaire à Tous s’est s’associée à d’autres organisations non gouvernementales et « influenceurs » [49] pour lancer un projet citoyen intitulé SuperLocal [50], qui a eu pour fonction de mettre en réseau des luttes locales contre toutes sortes de projets polluants en France [51]. Si cette campagne a été médiatique et a développé une forme singulière de mobilisations sociales et environnementales en fédérant des collectifs de riverains, elle a ensuite permis à Notre Affaire à Tous d’identifier des projets locaux permettant d’être contestés devant le juge administratif sur la base d’un argumentaire défendant la soutenabilité du système climatique. Il s’agit pour elle de porter l’attention du juge sur la nécessité pour les autorités locales d’adopter une « lecture climatique » des décisions locales d’urbanisme et d’amener ces dernières à une progressive « climatisation du droit de l’urbanisme » dans les différents documents territoriaux (schéma de cohérence territoriale (SCOT), plan local d’urbanisme, permis de construire, etc.). De surcroît, l’ambition est d’inciter les porteurs de projets à réaliser des études d’impacts plus four- nies intégrant pleinement les impacts négatifs au regard d’une des neuf limites planétaires. Dès lors, aux côtés de l’Association contre l’allongement de la piste de l’aéroport Caen-Carpiquet, Notre Affaire à Tous a déposé en 2019 un recours gracieux et un recours pour excès de pouvoir afin d’annuler le SCOT de Caen métropole permettant l’extension du site. De la même façon, l’association a soutenu [52] un recours contre un projet d’agrandissement du centre commercial ou est venue en appui d’un recours visant au retrait d’un permis de construire sur un projet local (projet Tropicalia). En mai 2020, 14 associations déposaient, aux côtés de Notre Affaire à Tous, un recours demandant l’annulation du SCOT de Roissy définissant l’aménagement du territoire de Roissy Pays de France qui visait à la fois l’urbanisation du Triangle de Gonesse et l’aménagement d’un terminal 4 à l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle. En 2021, le gouvernement demandait au groupe ADP d’abandonner ce projet d’extension et de lui en présenter un nouveau, plus cohérent avec les objectifs de lutte climatique et de protection de l’environnement.

    Plus récemment, à propos du projet d’autoroute A69 et à l’initiative du collectif La Voie Est Libre, l’association Notre Affaire à Tous et 13 autres associations sont intervenues devant le TA de Toulouse dans ce dossier sensible, initié en mai 2023. Elles souhaitaient appuyer un argumentaire sur les enjeux de démocratie environnementale dans la procédure d’autorisation de ce type de grands projets d’infrastructures. Les associations estimaient que les travaux de la liaison autoroutière Castres-Toulouse avaient débuté en l’absence d’études sérieuses par l’État et d’alternatives routières et ferroviaires mettant à mal tout le processus décisionnel. Sur le fond du dossier, alors que le rapporteur public s’était prononcé en faveur de l’annulation totale de l’autorisation environnementale du projet et a confirmé l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM), le TA de Toulouse [53] a (chose rare) rouvert l’instruction du dossier sur un fait « nouveau » mentionné par l’État dans sa note en délibéré. L’État a immédiatement fait appel de cette décision tout en obtenant de la cour administrative d’appel de Toulouse [54], l’autorisation de reprendre les travaux en attendant l’issue de cette action en justice. Ce dossier est loin d’être clos et atteste surtout d’une stratégie de contestation contentieuse collective qui cible localement les projets inutiles, climaticides ou polluants ou encore, dernièrement, les décrets qui encouragent le détricotage du droit de l’environnement, connu aussi sous le nom de « greenbackslash réglementaire ». En ce sens, Notre Affaire à Tous et l’association Zero Waste France ont initié un triple recours gracieux et contentieux [55] demandant notamment l’annulation des décrets d’application de la loi relative à l’Industrie verte ; des décrets publiés [56] entre les deux tours des législatives. Les associations estimant que le principe du pollueur-payeur et le principe de non-régression sont mis à mal et que la protection des espèces sera fragilisée avec l’introduction de la possibilité de reconnaître de manière anticipée l’existence d’une RIIPM de dérogation à la réglementation sur les espèces protégées. Récemment, Notre Affaire à Tous a réalisé une intervention volontaire dans le cadre d’une demande de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) présentée lors d’un recours pour excès de pouvoir introduit par l’association Préservons la forêt des Colettes à l’encontre du décret du 5 juillet 2024 [57] qualifiant d’intérêt national majeur le projet d’extraction et de transformation de lithium par la société Imérys dans l’Allier. La QPC a été transmise avec succès par le Conseil d’État [58] au Conseil constitutionnel pour juger de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 411-2-1 du Code de l’environnement (RIIPM). Toutefois, dans sa décision du 5 mars 2025 [59], ce dernier n’a reconnu aucune inconstitutionnalité.

    III. Engager la « sortie fossile » par la diversification contentieuse

    Face à l’inertie des États sur la « sortie fossile », la lenteur et les vicissitudes de la coopération internationale, les engagements volontaires insuffisants et non respectés des entreprises les plus émettrices, notamment les Carbon majors, des ONGE ont choisi – non sans difficulté – des voies secondaires en convoquant les juges nationaux pour responsabiliser certains acteurs privés systémiques. L’objectif avoué de ces actions stratégiques est de contraindre les entreprises les plus émettrices à réorienter leurs stratégies d’entreprises vers la décarbonation de l’économie et la sortie des énergies fossiles. Il est attendu de ces acteurs privés systémiques qu’ils fassent leur part dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris et contribuent au maintien de l’augmentation de la température moyenne à 1,5 °C. Pour les ONGE, cela passe par la reconnaissance par voie jurisprudentielle d’obligations de comportement en direction des acteurs privés ; des obligations de comportement directement inspirées de celles appliquées à l’État dans les contentieux du type L’Affaire du siècle et l’affaire Grande-Synthe. Participant à cette dynamique contentieuse naissante en Europe, Notre Affaire à Tous s’est alors tournée vers le juge judiciaire. En s’appuyant notamment sur la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance et l’article 1252 du Code civil, l’association a assigné TotalEnergies [60] et la banque BNP Paribas [61] pour manquement à leur devoir de vigilance climatique, avec l’ambition que ces deux multinationales cessent de participer au développement de nouvelles capacités de pétrole et de gaz. Notre Affaire à Tous souhaite ainsi défendre une « ligne de crête » stratégique essentielle : celle d’étendre les obligations pesant sur les États en direction d’acteurs économiques [62]. Le but est de faire jouer l’effet horizontal des droits fondamentaux dans les contentieux climatiques visant les acteurs non étatiques. Il s’agit de surcroît de capitaliser et étendre les acquis des décisions rendues par le juge administratif devant le juge judiciaire.

    D’autres types de contentieux [63] visant à l’opérationnalisation de la « sortie fossile » émergent devant le juge administratif avec pour ambition d’annuler ou de revoir à la baisse toutes nouvelles exploitations de combustibles fossiles jugées « climaticides ». Le Conseil d’État a réalisé une interprétation décisive qui a inscrit clairement l’amorce de la « sortie fossile » dans le cas de délivrance de nouveaux permis de recherche d’hydrocarbures depuis la loi Hulot. La société d’extraction pétrolière European Gas Limited – qui s’était vu refuser en 2017 un permis exclusif de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux dits « permis Bleue Lorraine Nord » par la ministre de l’Environnement – a entamé un long contentieux [64] qu’elle vient de perdre. Le Conseil d’État a confirmé [65] que l’Administration pouvait refuser un permis de recherche d’hydrocarbures et cette interprétation a entraîné des conséquences sur une des dernières demandes de forage déposées en France, notamment celle sur la commune de La Teste-de-Buch par la société canadienne Vermillion Energy qui s’est vue refuser par le Préfet de Gironde le 6 juin 2025, la possibilité de creuser huit nouveaux puits pétroliers sur son site du Cazeaux. Dans ce contexte, Notre Affaire à Tous a souhaité intervenir dans un contentieux en cours devant le juge administratif visant justement à l’extension d’un forage pétrolier. En janvier 2024, la préfecture de Seine-et-Marne avait accordé à la compagnie pétrolière Bridge Énergies l’autorisation de forer deux nouveaux puits de pétrole à Nonville. La régie municipale Eau de Paris et la Ville de Paris ont alerté du risque de pollution des nappes phréatiques par des hydrocarbures. Opposées au projet, elles ont déposé un recours visant à annuler le décret autorisant ces nouveaux puits. Notre Affaire à Tous et plusieurs ONGE (Les Amis de la Terre France, France Nature Environnement Île-de-France et Seine-et-Marne, Reclaim Finance et le Réseau Action Climat) ont usé, ici encore, de la procédure de l’intervention volontaire en soutien de ce recours. La stratégie contentieuse étant d’apporter au juge des fondements juridiques complémentaires permettant de dénoncer l’argument de la captation des émissions de carbone avancé par Bridge Energies pour vanter la prétendue neutralité carbone de son projet ; technologie jugée par le collectif ONGE comme non-maîtrisée et très coûteuse. Notre Affaire à Tous a souhaité mobiliser un argumentaire inédit mettant en lumière l’impact que ce nouveau projet pétrolier a et aura dans le temps long sur les générations futures. La Cour européenne de Strasbourg [66], la Cour constitutionnelle allemande [67], le juge administratif [68] comme le Conseil constitutionnel [69] commençant à y être sensibles dans de récentes décisions. De surcroît, l’idée des associations est de défendre in fine que l’interdiction de tout nouveau forage découle de l’obligation étatique de lutte climatique [70] (ici l’obligation de garantir la « sortie fossile ») qui pèse sur l’État français au nom de ces engagements internationaux et du respect des droits de l’Homme, y compris dans une lecture intergénérationnelle. L’État devant faire sa juste part (fair share) [71] de la lutte climatique en interdisant sur son territoire tout « projet climaticide ».

    IV. Promouvoir la lutte contre les pollutions massives locales et les inégalités socio-environnementales

    À l’aide d’un riche maillage associatif et de riverains impactés par des pollutions diffuses, Notre Affaire à Tous a diversifié sa stratégie d’activisme juridictionnel. Les contentieux liés aux per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont symptomatiques de cette évolution. L’enquête journalistique du Forever Pollution Project identifiait en 2024 plus de 900 sites pollués par les PFAS en France [72]. Cette contamination d’ampleur – que la chercheuse Lieselot Bisschop n’hésite pas à qualifier de « crime industriel facilité par l’État » (state-facilitated corporate crime) [73] – s’explique par les insuffisances du régime légal encadrant ces substances qui repose sur une approche fragmentée traitant chaque molécule de manière isolée et continuellement en décalage des avancées scientifiques. La pollution du sud de la métropole lyonnaise et de sa zone industrielle a donné lieu à un contentieux inédit de santé environnementale prénommé l’affaire Vallée de la chimie [74], initié notamment par Notre Affaire à Tous et son groupe local de Lyon en 2023. La procédure du « référé pénal environnemental » prévue à l’article L. 216-13 du Code de l’environnement a d’abord été choisie et testée, sans résultat probant devant le juge judiciaire. L’association s’est ensuite constituée partie civile aux côtés de 6 autres associations et 34 victimes dans la procédure pénale. Puis, à la suite de l’autorisation d’une nouvelle unité de production de la société Daikin par les autorités préfectorales en février 2024, Notre Affaire à Tous est intervenue cette fois dans la procédure initiée par l’association Bien-Vivre-à-Pierre-Bénite et le collectif d’habitant·e·s PFAS contre Terre devant le juge administratif, en appuyant l’argumentaire du référé-suspension de l’arrêté contesté. Si le TA de Lyon a émis un jugement favorable aux riverains conta- minés qui a conduit à la suspension de l’activité de Daikin en juin 2024, le juge des référés a précisé que l’extension autorisée étant substantielle, il y avait lieu de la soumettre à autorisation environnementale et donc à une évaluation environnementale. La publication d’un nouvel arrêté préfectoral complémentaire en octobre 2024 a néanmoins acté la reprise de l’extension de l’activité de Daikin [75]. Enfin, l’étape prochaine est d’impulser une dynamique contentieuse collective (action collective) pour les « victimes de masse » en tentant d’obtenir réparation des préjudices des riverains du Site de Pierre-Bénite, du plus gros hot spot français de contamination de PFAS [76]. Si l’activisme juridictionnel en matière de PFAS n’a pas encore apporté de résultats performatifs sur le plan du contentieux administratif et judiciaire, la médiatisation de ces actions a suscité une prise de conscience du grand public, mais surtout de l’exécutif (Plan d’action ministériel sur les PFAS 2023-2027) et du travail parlementaire [77]. 

    Enfin, l’un des plus récents axes stratégiques de Notre Affaire à Tous consiste à lutter contre les inégalités socio-environnementales encore invisibilisées en France à la différence d’autres pays, dont les États-Unis qui ont construit une justice environnementale à travers une série de procès menés par/pour des minorités raciales ou des populations précaires impactées par des graves pollutions [78]. C’est donc par le détour de la défense de l’accès à l’eau des Mahorais qu’une action contentieuse a été initiée en 2023, par Notre Affaire à Tous, l’association Mayotte a soif ainsi que 15 victimes mahoraises, sous la forme d’un référé-liberté et sur la base d’un argumentaire périphérique, néanmoins inédit de « discrimination environnementale » [79]. Le TA de Mayotte [80] puis le Conseil d’État [81] n’y ont toutefois pas été réceptifs ; ce dernier ayant rejeté en décembre 2023 la requête des associations qui demandaient au préfet de Mayotte de déclencher le plan ORSEC « eau potable » et de mettre en place un plan d’urgence sanitaire pour faire face à la crise de l’eau, estimant ainsi que les mesures prises par l’État étaient suffisantes pour répondre à la situation. Sur cette même question, l’action de Notre Affaire à Tous se déploie désormais à l’international avec une « plainte » déposée auprès de rapporteurs spéciaux dans le cadre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’Homme. Dans cette même dynamique socio-environnementale, l’association Notre Affaire à Tous, au sein du collectif L’Affaire du Siècle et aux côtés de sinistrés [82], a déposé tout récemment un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État. Ce recours vise à dénoncer la carence structurelle des pouvoirs publics dans la planification de l’adaptation au changement climatique, notamment à travers le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3). Les requérants, directement touchés par des inégalités sociales, environnementales et territoriales, subissent des situations dramatiques : refus d’indemnisation de la part des assureurs, conditions de vie insalubres dans des logements devenus inhabitables lors des vagues de chaleur, ou encore dégradations liées au retrait-gonflement des argiles (RGA) ou aux inondations. Ce recours stratégique revêt une portée systémique. Il entend faire reconnaître le manquement des autorités à leur obligation d’adaptation au changement climatique, fondée à la fois sur le droit climatique et les droits fondamentaux, et demande en conséquence la correction du dispositif existant.

    Conclusion

    La diversité des répertoires d’action juridique de la requérante Notre Affaire à Tous témoigne d’une forte capacité d’initiatives contentieuses et débouche sur des succès comme des échecs illustrant un apprentissage continu qui stimule en retour son activisme juridictionnel. Sur le fond, la forte politisation des argumentaires juridiques mobilisés dessine plusieurs « lignes de crêtes » défendues dans ces actions contentieuses aux véhicules procéduraux variés (recours indemnitaire, recours pour excès de pouvoir, intervention volontaire, référé liberté, référé pénal environnemental, assignation, etc.). L’association semble ainsi œuvrer – à sa manière – à amorcer en France un « contentieux de la juste transition » socio-écologique déjà identifié et théorisé [83] ailleurs dans le monde.

    Notes

    *NDA : L’autrice précise son implication dans l’association depuis 2017 ; elle y est administratrice depuis 2019.

    [1] Au sens de Charles Tilly qui a théorisé sur le répertoire d’action collective dans le cadre des mobilisations contestataires.

    [2] N. Berny, Défendre la cause de l’environnement. Une approche organisationnelle, 2019, PU Rennes, Res Publica.

    [3]  J.-F. Morin et A. Orsini, Politique internationale de l’environnement, 2015, Presses de Sciences Po.

    [4]  S. Lavallée, « Les organisations non gouvernementales, catalyseurs et vigiles de la protection internationale de l’environnement ? », in É. Canal-Forgues (dir.), Démocratie et diplomatie environnementales – Acteurs et processus en droit international, 2015, Pedone, p. 65 à 94.

    [5] S. Ollitrault, « Les ONG, des outsiders centraux des négociations climatiques ? », Revue internationale et stratégique 2018, vol. 109, n° 1, p. 135 à 143.

    [6] L. Israël, L’arme du droit, 2020, Presses de Sciences Po.

    [7] S. Ollitrault, Militer pour la planète : sociologie des écologistes, 2008, PU Rennes.

    [8] J.Olivier, « Les nouveaux acteurs du droit de l’environnement. Le rôle de l’UICN dans l’élaboration du droit de l’environnement », RJE 2005, n° 3, p. 274 à 296.

    [9] M. Betsill et E. Corell, « NGO influence in international environmental negotiations : a framework for analysis », Global environmental politics 2001, vol. 1, n° 4, p. 65 à 85.

    [10] R. Léost et M. Piederrière, « La contribution de France Nature Environnement à l’élaboration de la loi Grenelle 2 », RJE 2010, vol. 5, n° spécial, p. 13. V. RAC, travail sur le projet de la loi française Climat résilience, 2021 ; RAC, « Le climatomètre », sur le suivi parlementaire : https://climatometre.org/ 

    [11] L. Israël, L’arme du droit, 2020, Presses Sciences Po, p. 73.

    [12] A. Goin et L. Cadin, « Le juge ne peut pas tout », AJDA 2023, p. 2105.

    [13] CE, 6 nov. 2024, n° 471039, Sté Éolise : Lebon.

    [14] « L’UFC-Que Choisir attaque l’État pour inaction : déserts médicaux », Le Monde, 21 nov. 2023.

    [15] CE, 11 oct. 2023, n° 454836, Amnesty International France et a. : Lebon.

    [16] « L’État attaqué en justice pour non-respect des lois sur l’hébergement des sans-abris et le logement opposable », Le Monde, 13 févr. 2025. 

    [17]  « Salles de shoot : l’État attaqué en justice pour son “inaction” concernant l’avenir du dispositif », Le Monde, 14 avr. 2025.

    [18] C. Cournil et A. S. Denolle (dir.), Le droit : une arme au service du vivant ? Plaidoyers et contentieux stratégiques, 2024, Pedone. 

    [19] Pour une présentation plus complète de l’association, v. C. Cournil, « Notre affaire à tous et l’arme du droit. Le combat d’une ONG pour la justice climatique », in V. de Boillet et a. (dir.), Environnement, climat. Principes, droits et justiciabilité, 2024, Helbing Lichtenhahn Verlag, p. 171 à 197.

    [20] L. Laigle, « Justice climatique et mobilisations environnementales », VertigO, mars 2019, vol. 19, n° 1, https://doi.org/10.4000/vertigo.24107

    [21] Marie Toussaint est militante écologiste, juriste de l’environnement et, depuis mai 2019, députée européenne sur la liste Europe Écologie Les Verts.

    [22] V. Lefebve, « Le “contentieux stratégique” entre logiques instrumentale et émancipatrice. Réflexions à partir de quelques évolutions jurisprudentielles récentes dans le domaine de la lutte contre la pauvreté », Working Paper 2019, cité in J. Ringelheim et V. Van Der Plancke, « Contentieux stratégique et mobilisations judiciaires. L’action en justice comme forme de participation politique ? », in A. Bailleux et M. Messiaen (dir.), À qui profite le droit ? Le droit, marchandise et bien commun, 2020, Anthemis, p. 193 à 220.

    [23] Cette traduction est de Diane Roman, La cause des droits, 2022, Dalloz.

    [24] M. Galanter, « Why the “Haves” Come Out Ahead : Speculations on the Limits of Legal Changes », Law and Society Review 1974, 9 (1), p. 95 à 160 (trad. « Pourquoi c’est toujours les mêmes qui s’en sortent bien ? : réflexions sur les limites de la transformation par le droit », Droit et société 2013/3, n° 85, p. 575 à 640).

    [25] C. Cournil et L. Varison (dir.), Les procès climatiques : du national à l’international, 2018, Pedone ; C. Cournil, Les grandes affaires climatiques, Confluence des droits, 2020, DICE.

    [26] 81 actions dirigées contre des pouvoirs publics en 2022. J. Setzer et C. Higham, « Global Trends in Climate Change Litigation : 2023 Snapshot », Grantham Research Institute 2023, p. 3, n° 5. V. aussi C. Higham, J. Setzer et E. Bradeen, « Challenging government responses to climate change through framework litigation », Grantham Research Institute 2022, p. 16.

    [27] CEDH, 9 avr. 2024, n° 53600/20, VereinKlimaseniorinnen Schweiz et a. c/ Suisse, § 543.

    [28] CEDH, 9 avr. 2024, n° 53600/20, § 412.

    [29] B. Laniyan, « Perspective et méthodologie de Notre Affaire À Tous dans l’élaboration de recours climatiques stratégiques », in C. Cournil et A.-S. Denolle (dir.), Le droit : une arme au service du vivant ? Plaidoyers et contentieux stratégiques, 2024, Pedone, p. 221 à 240.

    [30] C. Cournil et M. Fleury, « De “l’Affaire du siècle” au “casse du siècle” ? », La Revue des droits de l’Homme, actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 7 févr. 2021.

    [31] C. Cournil et M. Fleury, « De “l’Affaire du siècle” au “casse du siècle” ? », La Revue des droits de l’Homme, actualités Droits-Libertés, https://doi.org/10.4000/ revdh.11141, mis en ligne le 7 févr. 2021.

    [32] CE, 19 nov. 2020, n° 427301, Cne Grande-Synthe : Lebon, p. 406 – CE, 1er juill. 2021, n° 427301, Cne Grande-Synthe : Lebon, p. 201, concl. S. Hoynck – CE, 10 mai 2023, n° 467982, Cne Grande-Synthe et a. : H. Delzangles, « Le premier “recours climatique” en France : une affaire à suivre ! », AJDA 2021, p. 217 ; R. Radiguet, « Objectif de réduction des émissions de gaz… à effet normatif ? », JCP A 2020, 2337 ; C. Huglo, « L’obligation climatique en France et l’affaire de Grande-Synthe », EEI mars 2021, n° 3, dossier 12.

    [33] TA de Paris, 3 févr. 2021, nos 1904967, 1904968, 1904972 et 1904976, Assoc. Oxfam France et a.

    [34] C. Cournil et M. Fleury, « De “l’Affaire du siècle” au “casse du siècle” ? », La Revue des droits de l’Homme, actualités Droits-Libertés, https://doi.org/10.4000/ revdh.11141, mis en ligne le 7 févr. 2021.

    [35] Cons. 16.

    [36] « Indépendamment de la réparation du préjudice écologique, le juge, saisi d’une demande en ce sens par une personne mentionnée à l’article 1248, peut prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir ou faire cesser le dommage ».

    [37] TA de Paris, 14 oct. 2021, nos 1904967, 1904968, 1904972 et 1904976, Assoc. Oxfam France et a.

    [38] TA de Paris, 22 déc. 2023, n° 2321828/4-1, Assoc. Oxfam France et a.

    [39] CE, 13 déc. 2024, n° 492030.

    [40] C. Cournil, « Experts et expertises au sein des procès climatiques : objectiver, prouver, convaincre », in C. Cournil (dir.), Expertises et argumentaires juridiques. Contribution à l’étude des procès climatiques, Confluence des droits, Aix-en- Provence, 2024, DICE, p. 107 à 130, en ligne : https://books.openedition.org/ dice/17372.

    [41] A.-S. Denolle, « Le recours “biodiversité – Justice pour le Vivant”, prolonger les premiers contentieux climatiques français », in C. Cournil (dir.), Expertises et argumentaires juridiques. Contribution à l’étude des procès climatiques, Confluence des droits, Aix-en-Provence, 2024, DICE, p. 269 à 283.

    [42] https://lext.so/m6_p72.

    [43] TA Paris, 29 juin 2023, n° 2200534/4-1, Notre Affaire À Tous, Pollinis, Assoc. Biodiversité sous nos pieds, ANPER-TOS et ASPAS.

    [44] Indigenous Environmental Network c/ US Department of State, 2018-2019.

    [45] TA fédéral autrichien, 2 févr. 2017, n° W109 2000179-1/291E, Vienna-Schwechat Airport Expansion. C. const. autrichienne, 29 juin 2017, nos E 875/2017-32 et E 886/2017-31, Vienna Schwechat Airport expansion.

    [46] CA Angleterre, 27 févr. 2020, n° C1/2019/1053 (rejet de l’agrandissement de l’aéroport de London-Heathrow).

    [47] T. des affaires foncières et environnementales de l’État de Nouvelle-Galles du Sud, 8 févr. 2019, Gloucester Resources Limited c/ Minister for Planning (rejet de l’autorisation d’exploitation d’une mine de charbon).

    [48] High Court of South Africa, 8 mars 2017, n° 65662/16, Earthlife Africa Johannesburg c/ Ministre des affaires environnementales et a.

    [49] Le mouvement et la chaîne YouTube Partager C’est Sympa.

    [50] Campagne Superlocal : https://lext.so/u9bm0A.

    [51] Extensions d’aéroports, nouveaux centres commerciaux, fermes usines, autoroutes, complexes touristiques, fermetures de petites lignes de train et de services publics, etc.

    [52] Soutien au recours porté par les associations Alternatiba Rosny, Bondy Écologie, Le Sens de l’Humus, Murs à Pêches-Map et le MNLE 93 Nord Est Parisien contre le projet d’extension du centre commercial Rosny 2 en mars 2020.

    [53] TA Toulouse, 27 févr. 2025, nos 2303544, 2304976 et 2305322.

    [54] CAA Toulouse, 4e ch., 28 mai 2025, n° 25TL00597 – CAA Toulouse, 4e ch., 28 mai 2025, n° 25TL00642 – CAA Toulouse, 4e ch., 28 mai 2025, n° 25TL00653.

    [55] Recours déposé le 7 janvier 2024.

    [56] D. n° 2024-708, 5 juill. 2024 – D. n° 2024-742, 6 juill. 2024 – D. n° 2024-704, 5 juill. 2024.

    [57] D. n° 2024-740, 5 juill. 2024.

    [58] CE, 9 déc. 2024, n° 497567.

    [59] Cons. const., QPC, 5 mars 2025, n° 2024-1126.

    [60] L’affaire TotalEnergies-Climat : TJ Paris, 6 juill. 2023, n° 22/03403 – CA Paris, 5-12, 18 juin 2024, n° 23/14348 – CA Paris, 18 juin 2024, n° 21/22319 – CA Paris, 18 juin 2024, n° 23/10583 : Dalloz actualité, 1er juill. 2024, obs. A.-M. Ilcheva ; Dalloz actualité, 21 juin 2024, obs. A. Stevignon et B. Laniyan.

    [61] Trois associations (Notre Affaire À Tous, Les Amis de la Terre France et Oxfam France) ont mis en demeure, le 26 octobre 2022, puis assigné, le 23 février 2023, le groupe BNP Paribas devant le tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de la loi relative au devoir de vigilance et d’autres dispositions du Code civil (l’af- faire BNP). Ce recours a, par ailleurs, inspiré une nouvelle action aux Pays-Bas où Milieudefensie a mis en demeure la Banque ING de se conformer à son devoir de diligence climatique. B. Laniyan, « La mise en demeure de la Banque ING par Milieudefensie, prémisse d’un nouveau contentieux climatique », La Revue des droits de l’Homme, actualités Droits-Libertés, 2 avr. 2024.

    [62] Ce type de contentieux climatique contre les entreprises, notamment le plus emblématique d’entre eux opposant l’ONGE Milieudefensie à Shell, a directement inspiré la création de l’article 22 de la directive relative au devoir de vigilance dite directive CS3D. Cette disposition impose aux entreprises – atteignant certains seuils – de publier et mettre en œuvre un plan de transition climatique qui organise l’alignement de leur modèle d’affaires sur l’objectif 1,5 °C fixé par l’accord de Paris.

    [63] C. Cournil, « La sortie fossile : la voie juridictionnelle », RJE n° 1, 2025, p. 107-122.

    [64] TA de Strasbourg, 22 juill. 2020, n° 1703642 – CAA Nancy, 29 déc. 2022, n° 20NC02931 – CE, 24 juill. 2024, n° 471780.

    [65] CE, 18 déc. 2019, n° 421004, cons. 6.

    [66] CEDH, 9 avr. 2024, n° 53600/20, VereinKlimaseniorinnen Schweiz et a. c/ Suisse, § 419.

    [67] C. const. allemande, 24 mars 2021, nos 1 BvR 2656/18, 1 BvR 78/20 et 1 BvR 96/20, pt 193.

    [68] CE, 5e-6e ch. réunies, 2 août 2023, n° 467370, Assoc. Meuse nature environnement et a. – CE, 3e-8e ch. réunies, 3 oct. 2024, n° 494941.

    [69] Cons. const., DC, 12 août 2022, n° 2022-843 – Cons. const., QPC, 27 oct. 2023, n° 2023-1066, Assoc. Meuse nature environnement et a. : H. Avvenire, « Environnement et droit des générations futures. Don’t look up », RDP juin 2024, n° RDP200d6.

    [70] Intervention volontaire dans l’instance n° 2404456, Mémoire complémentaire du 18 novembre et 20 décembre 2024. V. TA Melun, 30 janv. 2025, n° 2404456, § 37.

    [71] Sur cette question, v. European Scientific Advisory Board on Climate Change, « Scientific advice for the determination of an EU-wide 2040 climate target and a greenhouse gas budget for 2030-2050 », 15 juin 2023, https://lext.so/K6c8_S.

    [72] https://foreverpollution.eu/

    [73] « Révélations sur la contamination massive de l’Europe par les PFAS, ces polluants éternels », Le Monde, févr. 2023 : https://lext.so/0jA1-E.

    [74] A. Clerc, « L’utilisation du référé pénal environnemental dans la Vallée de la chimie », in C. Cournil et A.-S. Denolle (dir.), Le droit : une arme au service du vivant ? Plaidoyers et contentieux stratégiques, 2024, Pedone, p. 109 à 124.

    [75] TA Lyon, 13 sept. 2024, n° 2407723. Le juge des référés a rejeté la demande de suspension de l’arrêté de la préfète du Rhône du 14 mai 2024 qui a imposé des prescriptions complémentaires à l’exploitant à la suite de l’installation.

    [76] Cabinet Kaizen avocat, assoc. Notre Affaire à Tous et PFAS contre Terre, communiqué de presse, 3 févr. 2025, à Oullins-Pierre-Bénite. V. le site de l’action collective : https://lext.so/a4dOeH ; Guide d’information citoyen, « Toutes et tous impacté·e·s par les PFAS : ensemble pour obtenir réparation de nos préjudices », janv. 2025, p. 21.

    [77] Prop. L. n° 161, visant à protéger la population des risques liés aux PFAS, et la récente loi du 27 février 2025 visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS).

    [78] V. les travaux du juriste américain Robert Bullard et notamment son ouvrage Dumping in Dixie : Race, Class, and Environmental Quality.

    [79] Cette idée est défendue dans un récent rapport de Notre Affaire à Tous, « Soif de justice : Agir contre les discriminations environnementales d’accès à l’eau potable dans les territoires dits d’Outre-mer », juin 2025, 92 p.

    [80] TA Mayotte, 25 nov. 2023, n° 2304427.

    [81] CE, 26 déc. 2023, n° 489993.

    [82] V., en ce sens, le détail de l’action : https://lext.so/q0ReB9.

    [83] A. Savaresi, J. Setzer, S. Bookman et a., « Conceptualizing just transition litigation », Nat Sustain 2024, n° 7, p. 1379 à 1384.

  • Devoir de vigilance européen : au Conseil, la stratégie du pire.

    Les représentant·e·s des États membres de l’Union européenne ont adopté hier soir la position du Conseil sur l’Omnibus I – proposé en février dernier par la Commission. Loin d’être un compromis entre simplification et maintien d’une régulation effective des entreprises, cette position vide dramatiquement de son sens l’objet du devoir de vigilance européen (CSDDD) : prévenir et réparer les atteintes aux droits humains et à l’environnement commises par les multinationales. Cet accord, qui établit la position du Conseil pour les futures négociations avec le Parlement européen, confirme le « business as usual » promu par les lobbies économiques et l’extrême droite, avec la complicité de certains États membres, dont la France.

    Alors que de nombreux acteurs (société civile, syndicats, entreprises, économistes, Banque centrale européenne) avaient alerté sur les conséquences délétères de l’Omnibus I, le Conseil de l’Union européenne a décidé de se murer dans une vision erronée de la simplification de la vie des entreprises. 

    • Décidant d’aller au-delà de la proposition déjà moins-disante de la Commission européenne, le Conseil propose de relever les seuils d’application du devoir de vigilance européen. Reprenant l’argumentaire de la France, le Conseil voudrait que ce dernier ne s’applique qu’aux sociétés de plus de 5000 salarié·e·s et réalisant plus d’1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Le nombre de sociétés concernées s’en trouverait réduit à peau de chagrin. 
    • En proposant de limiter le devoir de vigilance aux seuls partenaires commerciaux directs (tout en prétendant suivre une « approche fondée sur les risques »), le Conseil condamne l’effectivité du dispositif : cette limitation aurait des conséquences catastrophiques sur le terrain, les violations des droits humains et les atteintes à l’environnement les plus graves ayant souvent lieu au-delà du premier rang de partenaires commerciaux.
    • La responsabilité civile, pilier fondamental du devoir de vigilance, n’est pas non plus épargnée. Très loin d’une simplification, le Conseil s’aligne sur la proposition de la Commission de ne plus harmoniser le régime de responsabilité civile, ce qui conduirait à une fragmentation des régimes juridiques selon les États membres, au détriment à la fois des victimes et des entreprises. 
    • Enfin, les États membres ont pris la liberté d’affaiblir davantage le volet climatique de la directive sur le devoir de vigilance européen. Alors que cette dernière faisait obligation aux entreprises d’adopter et de mettre en œuvre des plans de transition climatique, la position du Conseil revient nettement sur le niveau d’ambition de ces plans. Les entreprises resteraient libres de ne pas mettre en œuvre leurs engagements si les efforts demandés leur semblent déraisonnables. 

    De plus, le Conseil donne son accord pour réduire considérablement le périmètre de la directive sur le reporting de durabilité (CSRD). Cette position aboutirait à l’exclusion de milliers d’entreprises européennes de ce dispositif et favoriserait le greenwashing.

    Cette séquence renvoie à un constat tout aussi bouleversant : la politique se coupe des citoyen·ne·s et le basculement des instances européennes vers l’extrême droite se concrétise. 

    Le Conseil, une nouvelle fois, a cédé à la pression des lobbies – MEDEF, FBF et autres – qui profitent de l’instabilité actuelle pour imposer leur agenda de dérégulation. Les intérêts privés prennent le pas sur les droits fondamentaux et l’avenir de la planète. 

    Au-delà de ses impacts environnementaux et sociaux, la séquence s’inscrit dans un contexte où l’extrême droite gagne du terrain en Europe et se félicite ouvertement de cette offensive contre le Pacte vert. 

    Nos organisations dénoncent également le silence délibéré des dirigeant·e·s français·es face à l’opinion de la grande majorité des citoyen·ne·s et aux demandes des organisations de la société civile. Ni Emmanuel Macron, ni François Bayrou n’ont accepté de dialoguer à ce sujet avec la société civile.

    Face à ce panorama funeste, nos organisations appellent le Parlement européen, et tous les acteurs de la société ayant pris position contre l’Omnibus I, à s’unir pour combattre cette approche réactionnaire. 

    Contacts presse :

    Amis de la Terre France : Marcellin Jehl, Juriste et chargé de plaidoyer, marcellin.jehl@amisdelaterre.org

    CCFD-Terre Solidaire : Sophie Rebours, Responsable relations médias, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org 

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll, Responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Oxfam France : Stanislas Hannoun, Responsable Justice fiscale et inégalités, shannoun@oxfamfrance.org

    Reclaim Finance : Olivier Guérin, Chargé de plaidoyer réglementation européenne, olivier@reclaimfinance.org

  • Commission d’enquête du Sénat sur TotalEnergies : réaction des associations écologistes

    Commission d’enquête du Sénat sur TotalEnergies : réaction des associations écologistes

    Communiqué, le 19 juin 2024 – La commission d’enquête du Sénat sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique de la France a rendu public son rapport final.

    Les associations saluent le diagnostic sévère et sans appel posé sur la stratégie climaticide de TotalEnergies ; elles regrettent cependant le manque d’ambition de la plupart des 33 recommandations du rapport, notamment en termes de mesures contraignantes pour obliger le groupe à respecter les objectifs fixés par l’Accord de Paris.

    Au cours des six derniers mois, les expertes et experts ainsi que les scientifiques auditionnés ont démontré que la stratégie d’expansion fossile de TotalEnergies était un accélérateur de la crise climatique et une menace pour les droits humains, en pointant du doigt sa volonté d’augmenter sa production d’hydrocarbures et de renforcer notamment ses activités dans le gaz naturel liquéfié. D’autres ont également mis en lumière le manque de transparence concernant le lobbying exercé par le groupe sur les responsables politiques, et la porosité des liens entre les dirigeants de TotalEnergies et la machine étatique, voire le soutien de la diplomatie française à sa stratégie internationale.
    A l’inverse, Patrick Pouyanné et les autres responsables de la major pétrolière auditionnés ont défendu coûte que coûte la stratégie “climatique” et les pratiques actuelles du groupe, sans aucune volonté de changement malgré leurs impacts dramatiques. L’intervention de Bruno Le Maire a témoigné d’un manque patent de volonté politique de réguler cette multinationale pour l’engager concrètement dans la sortie progressive des énergies fossiles.

    Pour nos associations, ce rapport a le mérite d’ouvrir le débat au sein d’une des instances démocratiques clefs du pays sur l’impérieuse nécessité d’une reprise en main par l’État de son rôle de régulateur des multinationales, et en particulier du secteur des énergies fossiles. Il n’était pas gagné d’avance que ce rapport soit adopté au vu des fractures au sein de la commission d’enquête, et il est donc le fruit de difficiles compromis. Dès lors, les associations soulignent l’intérêt de certaines recommandations concrètes, comme l’arrêt des importations de GNL russe aux niveaux français et européen, ainsi que des mesures affirmant le besoin de plus de transparence ou de plus de régulation par l’Etat pour permettre la sortie des énergies fossiles. Mais elles déplorent que la majorité sénatoriale de droite se soit efforcée de diminuer le niveau d’ambition des recommandations du rapport et ait choisi de faire l’impasse sur des enjeux majeurs comme la question de la taxation des superprofits de la major pétro-gazière.

    Pour Edina Ifticène, chargée de campagne Énergies fossiles à Greenpeace France :
    Deux visions opposées se dégagent des auditions et des travaux de la commission d’enquête. D’une part, l’industrie et ses soutiens politiques qui balayent d’un revers de main la responsabilité de TotalEnergies dans la crise climatique, d’autre part, celles et ceux qui alertent sur les risques de plus en plus tangibles que cette logique fait peser sur notre avenir et rappellent l’État à son devoir de protection de l’intérêt général.
    La solution ne peut pas être de se défausser sur les seuls citoyennes et citoyens, qui payent l’énergie au prix fort, en leur intimant de réduire leur consommation. L’État doit instaurer des contraintes politiques fortes obligeant l’industrie fossile à réduire son empreinte carbone et à payer pour les dommages déjà causés. En cette période d’instabilité politique, ce clivage rappelle qu’il est essentiel d’avoir une nouvelle majorité politique volontaire sur cette question.
    ” 

    Pour Justine Ripoll, responsable de campagnes pour Notre Affaire à Tous :
    L’État français faillit à ses obligations en ne régulant pas la trajectoire climatique de TotalEnergies. Dans les années 90, le lobbying et la désinformation de la major nous ont collectivement fait perdre des décennies précieuses pour prévenir l’aggravation du dérèglement climatique. Nous avons aujourd’hui un constat démocratique sans appel et des solutions sur la table pour corriger cette erreur historique et protéger enfin les générations futures.

    Pour Soraya Fettih, chargée de campagnes France pour 350.org :
    Fruit d’un long travail de mobilisation de la société civile française, la commission d’enquête sénatoriale sur TotalEnergies a conclu ses travaux mais nous laisse sur notre faim. Si elle reconnaît la nécessité pour l’État de faire preuve de plus de vigilance sur les activités de l’entreprise, elle reste bien trop timide dans ses recommandations sur le rôle régulateur de l’État pour imposer une vraie transition énergétique juste et compatible avec l’urgence climatique. Si la Commission suggère, à raison, de faire contribuer les entreprises fossiles au Fonds pertes et dommages, elle ne va pas jusqu’à proposer la taxation de leurs super profits indécents qui pourrait permettre de lutter aussi contre la précarité énergétique dont souffre un·e Français·e sur cinq. C’est une occasion manquée de prendre le gouvernement au mot, la France co-pilotant une initiative internationale sur la taxation pour générer des revenus pour le climat et le développement. Elle pourrait montrer l’exemple en s’attaquant dès maintenant aux profits de l’industrie fossile. Il est grand temps que nos dirigeants mettent fin à cette impunité.”

    Pour Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales Réseau Action Climat France :
    “Le gouvernement français doit faire preuve de cohérence. Il ne peut pas prôner la fin des énergies fossiles lors des sommets internationaux comme les COP et, en même temps, fermer les yeux sur les actions de TotalEnergies. Lors de la COP28, la France, comme tous les autres pays, s’est engagée à sortir des énergies fossiles. Aujourd’hui, pour espérer rester crédibles, les paroles doivent être suivies d’actes. Il est urgent de contraindre TotalEnergies à respecter l’Accord de Paris. Fermons le robinet des énergies fossiles pour éviter les coûts des pertes et dommages liés au changement climatique et aux efforts d’adaptation. Nous avons pris assez de retard et nous devons agir maintenant pour garantir un avenir vivable.”

    Pour Juliette Renaud, coordinatrice des Amis de la Terre France :
    “La multiplicité des auditions tenues lors de cette commission d’enquête a permis de mettre en lumière non seulement l’étendue des conséquences néfastes des activités de Total, mais aussi la faiblesse de l’État dans sa volonté de réguler cette multinationale. Les solutions existent pourtant et, au-delà des constats, nous regrettons que les recommandations du rapport ne soient pas plus ambitieuses, notamment pour mettre fin à la diplomatie économique en soutien à Total et au lobbying débridé de cette entreprise. De même, alors que le rapport contient une recommandation sur l’arrêt des projets d’hydrocarbures en Azerbaïdjan, les preuves et témoignages sur les violations des droits humains liées au projet EACOP en Ouganda semblent avoir laissé de marbre les sénateurs conservateurs, aveuglés par leur complaisance avec la multinationale.
    Néanmoins, certaines préconisations sont plus concrètes et doivent être maintenant suivies d’actes : alors que la commission d’enquête recommande d’inclure le GNL russe aux produits énergétiques sous sanctions européennes, l’État doit sortir de son silence et prendre position pour le paquet de sanctions négocié en ce moment même à Bruxelles. Ces sanctions doivent couvrir les importations et les opérations de transbordement qui permettent à la Russie d’exporter plus de GNL à travers le monde.

    Pour Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance :
    Si la commission a souligné le rôle central de la finance dans les orientations du secteur énergétique, les sénateurs sont globalement passés à côté du sujet. Hormis quelques recommandations bienvenues concernant la gouvernance des entreprises, ils s’en tiennent à des formulations qui révèlent la démission du politique face à l’urgence de la réorientation des flux financiers. Ils auraient par exemple dû rebondir sur les récentes annonces de BNP Paribas et du Crédit Agricole, qui se sont engagés à ne plus soutenir les obligations conventionnelles pour le secteur pétro-gazier, en imposant cette mesure à tous les acteurs financiers français, au lieu de seulement les inciter à aller plus loin en matière de décarbonation des portefeuilles. Les autres recommandations sont du même acabit, faisant apparaître au mieux un soutien timoré à des mesures en discussion au niveau européen et international, comme la mise en place de taux différenciés. L’ensemble des mesures est très loin de l’ampleur des normes requises pour éviter un emballement du climat et une crise économique et financière majeure.” 

    contact presse

    Justine Ripoll – justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    English version : press release

  • Victoire d’étape dans le procès climatique contre TotalEnergies

    Communiqué de presse, Paris, 18 juin – Dans le contentieux climatique engagé par 6 associations et 15 collectivités territoriales contre TotalEnergies, la cour d’appel de Paris a jugé l’action judiciaire recevable. La Cour met fin à une controverse procédurale qui risquait de priver d’effectivité la loi sur le devoir de vigilance et ouvre la voie à l’examen judiciaire du fond de l’affaire. Excepté pour la ville de Paris, la Cour juge toutefois l’action des collectivités territoriales irrecevables.

    En janvier 2020, une coalition d’associations et de collectivités territoriales (1) a assigné TotalEnergies en justice, rejointe depuis par les collectivités de Paris, New-York, Poitiers et Amnesty International France. L’objectif est de contraindre la compagnie pétrolière à prendre les mesures nécessaires pour s’aligner avec l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris, conformément à la loi relative au devoir de vigilance.

    Le 6 juillet 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a déclaré l’action judiciaire irrecevable selon une interprétation contestée et inquiétante de la loi sur le devoir de vigilance. La coalition s’est tournée vers la cour d’appel.

    Pour la coalition, la décision de ce jour ouvre la voie au premier procès climatique contre une multinationale en France. Après plusieurs années de procédure, la multinationale va désormais devoir justifier du respect de ses obligations en matière climatique. 

    Vers un jugement au fond sur le devoir de vigilance

    Le tribunal judiciaire avait considéré que TotalEnergies n’avait pas régulièrement été mise en demeure, au motif que les demandes formulées dans l’assignation n’étaient pas strictement identiques à celles du courrier de mise en demeure envoyé à la multinationale. 

    La cour d’appel a au contraire estimé que TotalEnergies avait été suffisamment avertie avant d’être assignée. Elle a considéré que les demandes présentées au juge devaient se rattacher par un lien suffisant avec celles figurant dans la mise en demeure, s’agissant des risques d’atteintes visés. La Cour a également reconnu qu’il revenait au juge de contrôler le respect par une entreprise de ses obligations au titre de son devoir de vigilance et de porter une appréciation sur les mesures demandées. 

    Cette décision vient mettre fin à une interprétation restrictive de la loi qui, à rebours de l’objectif poursuivi par le législateur de faciliter l’accès à la justice pour les victimes de violations de droits humains et d’atteintes à l’environnement, offrait un échappatoire aux entreprises. 

    Les décisions dans les affaires EDF/Mexique et Suez/Chili ont également été rendues par la cour d’appel. La Cour a jugé l’action recevable dans l’affaire EDF/Mexique, le juge estimant que l’assignation et la mise en demeure pouvaient viser des plans de vigilance différents. En revanche, la Cour a jugé irrecevable l’action des associations dans l’affaire Suez/Chili.

    La Cour a également jugé que les demandes au titre de la prévention du préjudice écologique étaient recevables. Contrairement à ce que soutenait le juge de la mise en état, l’action peut se fonder à la fois sur le devoir de vigilance et sur le préjudice écologique. La cour ouvre ainsi la voie à un débat sur les mesures devant être adoptées par TotalEnergies pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre impactant le climat. 

    Un accès restreint pour les collectivités 

    Si la ville de Paris s’est vue reconnaître un intérêt à intervenir (2), la Cour a cependant jugé irrecevable l’action des autres collectivités territoriales. Celles-ci n’auraient pas suffisamment démontré l’existence d’une atteinte ou d’un retentissement particulier du réchauffement climatique sur leur territoire. Ainsi, la Cour opère une restriction du droit d’agir en matière climatique même si elle ne ferme pas totalement la porte à l’action des collectivités territoriales. 

    La coalition examinera comment les collectivités territoriales jugées irrecevables pourront continuer à s’impliquer dans ce procès historique qu’elles ont participé à construire.

    Signataires : Notre Affaire à Tous, Sherpa, France Nature Environnement, ZEA, Amnesty International France et les villes de Paris, Arcueil, Bègles, Bize-Minervois, Correns, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran, Vitry-le-François

    Notes

    Les trois décisions concernant les affaires :  EDF/Mexique, Suez/Chili et TotalEnergies/Changement climatique seront analysées lors d’un webinaire organisé par les trois coalitions le mardi 9 juillet de 18h à 19h30. Inscriptions sur : https://bit.ly/3Xqxig4  

    (1)  Sherpa, Amnesty International France, France Nature Environnement, Notre Affaire à Tous, ZEA, les Eco Maires et les villes de Paris, New York, Arcueil, Bayonne, Bègles, Bize-Minervois, Centre Val de Loire, Correns, Est-Ensemble Grand Paris, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran et Vitry-le-François.

    (2) La ville de Paris a rejoint l’action en justice en septembre 2022 en tant qu’intervenante volontaire, ce qui lui permet de soutenir les prétentions des demanderesses sans formuler de demandes propres.  

    Contacts presse

    Sherpa : Théa Bounfour, chargée de contentieux et de plaidoyer, thea.bounfour@asso-sherpa.org

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll, responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • AG de BNP : des engagements pour le climat qui se font toujours attendre

    Au lendemain de la parution du rapport annuel Banking On Climate Chaos, dans lequel nous apprenons que BNP poursuit ses financements à l’expansion des énergies fossiles, nous étions présent·es à l’Assemblée générale annuelle de la banque pour lui demander de rendre des comptes.

    Malgré ce qu’elle prétend, BNP n’a pas fermé la porte à l’expansion des énergies fossiles

    Cette Assemblée générale s’est tenue au lendemain de la publication du rapport annuel Banking On Climate Chaos, l’analyse mondiale la plus large et détaillée sur les financements aux énergies fossiles. Ce rapport est publié par 8 organisations dont Reclaim Finance, et soutenu par 589 organisations dont les Amis de la Terre France.

    Dans cette nouvelle édition, nous apprenons que BNP Paribas était, entre 2021 et 2023, la première banque française à avoir soutenu financièrement l’expansion des énergies fossiles, avec un total de 23,9 milliards de dollars. BNP continue d’entretenir des liaisons dangereuses avec Total, en témoignent d’importantes transactions financières – BNP était entre 2021 et 2023 le premier financeur mondial de Total –, mais aussi le siège de Jean Lemierre, président de BNP, au Conseil d’administration de la multinationale. Par ailleurs, les financements toxiques de BNP dépassent les frontières. Elle est en effet l’un des principaux financeurs de Saudi Aramco, premier producteur mondial de pétrole et de gaz. Mais le mastodonte pétrolier saoudien n’est pas le seul partner in crime de BNP. La major pétro-gazière italienne Eni, impliquée dans pas moins de 11 bombes climatiques, a aussi profité, en décembre 2023, d’un prêt de 3 milliards de dollars auquel a participé BNP. Avec au total 10,3 milliards de dollars accordés entre 2021 et 2023, BNP Paribas se hisse au rang de 3e financeur mondial des majors et des grandes entreprises publiques pétrolières et gazières.

    C’est essentiellement via les prêts et les émissions d’obligations que BNP Paribas continue de soutenir le développement des énergies fossiles. Ainsi, si la banque s’est engagée à ne plus soutenir de projets de pétrole et de gaz, elle continue de nous conduire tout droit vers un monde à + 4 °C, à travers ses financements aux entreprises actives dans des projets de production et de transport d’énergies fossiles.

    Les scientifiques et étudiant·es à l’AG de la banque d’un monde qui brûle

    Suite à leur tribune publiée fin 2023, les quelques 1240 étudiant·es qui déclaraient alors refuser de travailler pour BNP Paribas aussi longtemps que la banque financera le développement des énergies fossiles, n’avaient pas obtenu de réponse à leurs préoccupations. Pour faire entendre leurs voix, une cinquantaine d’étudiant·es ont, en amont de l’AG, soumis des questions publiques à la direction de BNP. Émilie et Hermès, étudiant·es à l’école CentraleSupélec, ont même été contraint·es de devenir actionnaires et se sont rendu·es à l’AG ce 14 mai 2024.
     
     La communauté scientifique – avec le collectif Scientifiques en Rébellion – s’est elle aussi invitée à la « fête », après avoir demandé à plusieurs reprises des comptes à BNP. 600 scientifiques et des membres du GIEC avaient en effet déjà appelé le Conseil d’administration de BNP Paribas à mettre un point final à ses soutiens à l’expansion des énergies fossiles, dans une lettre et des questions publiques. Le simple rappel par les scientifiques présents dans l’AG des conclusions claires du GIEC et de l’Agence internationale de l’énergie, selon lesquels aucun nouveau projet d’énergies fossiles ne doit être financé pour avoir une chance de limiter le réchauffement climatique bien en-dessous de 2°C, a été accueilli par des huées des actionnaires (1).

    Face à nos interpellations, des réponses insuffisantes

    Aux questions des étudiant·es, des scientifiques, comme de nos ONG, la même réponse de BNP (2).

    D’une part, la banque semble d’accord avec le consensus scientifique, puisqu’elle déclare : « notre objectif est que nos financements ne puissent en aucun cas contribuer à de nouvelles capacités pétro-gazières » (3). La banque reconnaît ainsi la nécessité de mettre fin aux financements indirects du développement des énergies fossiles, via les financements non-fléchés ou généraux aux entreprises responsables de ce développement. Mieux encore, en réponse à nos questions écrites, la banque dit « s’abstenir de participer aux émissions obligataires conventionnelles du secteur pétrolier et gazier » (4). Cependant, elle n’inscrit pas cette déclaration comme un engagement ferme dans une politique sectorielle ou dans son plan de vigilance. Elle laisse ainsi ouverte la possibilité d’émettre de futures obligations à des entreprises qui développent des nouveaux projets fossiles. Où sont les garanties que ses financements n’augmenteront pas à l’avenir ? De plus, il s’agirait de prendre un tel engagement sur l’ensemble de ses services financiers, y compris les prêts, qui représentaient 54 % des financements de BNP Paribas à l’expansion fossile entre 2021 et 2023.

    BNP a certes diminué en 2023 ses financements à l’industrie du pétrole et du gaz et, grâce à la pression citoyenne, semble enfin reconnaître la nécessité de sortir des énergies fossiles. Mais elle doit aller plus loin encore, en actant fermement et définitivement la fin de toute forme de soutien aux développeurs de projets d’énergies fossiles. BNP ferait ainsi figure de cheffe de file et inciterait l’ensemble des acteurs du secteur financier à opérer le nécessaire virage vers une finance durable. Alors, dans l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050 telle qu’elle s’y est engagée en rejoignant la Glasgow Financial Alliance For Net Zero (GFANZ) en 2021, et étant donné que des progrès ont été faits et que la banque semble aller vers la bonne direction, pourquoi camper sur une logique de choix au cas par cas et ne pas traduire cette tendance prometteuse dans un engagement ferme sur la fin de tout soutien à l’expansion des énergies fossiles ?

    Le directeur de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, déclarait sous serment au Sénat début mai que sa banque « ne finance plus l’expansion des hydrocarbures » (5). Les chiffres montrent sans appel que c’est faux, BNP doit désormais s’employer en faire une réalité.

    Alors que les impacts des dérèglements climatiques sont de plus en plus prégnants et dramatiques, nous appelons BNP Paribas à poursuivre ses progrès et à aller plus loin, en s’engageant fermement et officiellement à cesser toute forme de soutien à l’expansion de l’industrie du pétrole et du gaz.

    Notes

    (1) Face aux ambiguïtés de la politique climatique de BNP Paribas, les scientifiques demandent à nouveau des comptes, communiqué de presse du 14 mai 2024, Scientifiques en Rébellion

    (2) Réponses de BNP Paribas aux questions écrites : aux scientifiques – aux étudiant·es – à L’Affaire BNP.

    (3) Laurence Pessez, directrice RSE, lors de l’AG de BNP Paribas.

    (4) Réponses de BNP Paribas aux questions écrites à L’Affaire BNP : https://invest.bnpparibas/document/ag-2024-questions-ecrites-des-amis-de-la-terre-reponses-du-conseil-dadministration, p. 2

    (5) Vidéo TotalEnergies : audition de BNP Paribas

  • Décryptage : un an après son assignation en justice, BNP Paribas appelée à mettre un point final à l’expansion des énergies fossiles

    Décryptage : un an après son assignation en justice, BNP Paribas appelée à mettre un point final à l’expansion des énergies fossiles

    Après avoir mis en demeure BNP Paribas en octobre 2022 (1), nos associations Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France ont assigné la banque en justice pour non-respect de son devoir de vigilance en matière climatique en février 2023 (2). Ce procès est inédit car c’est la première fois qu’une banque est appelée à passer devant le juge pour sa contribution aux changements climatiques.

    Un peu plus d’un an après notre recours, il y a des avancées ! BNP Paribas a mis à jour sa politique climatique, mais est-ce suffisant pour crier victoire ?

    Afin que la banque se mette en conformité avec la loi sur le devoir de vigilance, nous lui demandons de cesser de toute urgence d’accorder de nouveaux soutiens financiers directs ou indirects au développement de projets pétroliers et gaziers.

    Dans le viseur : les entreprises qui ouvrent de nouveaux projets d’énergies fossiles telles que, parmi les plus agressives, Saudi Aramco, Total ou Shell. On les appelle des “développeurs”. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC), comme l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et les Nations unies, ces groupes œuvrent dangereusement contre la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C et même à 2 °C, et l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 – objectifs pourtant inscrits noir sur blanc dans les politiques de BNP Paribas, et qui apparaissent si chers à la banque dans sa communication.

    Une banque peut apporter 3 principaux types de soutien financier au développement des énergies fossiles. Cela peut être directement via un financement de projet, mais cela peut également passer par un financement à un développeur, que ce dernier peut utiliser librement – le financement n’étant pas dédié à un projet spécifique. Ces financements généraux peuvent prendre la forme d’une émission d’obligations ou d’actions, ou d’un prêt – appelé aussi crédit.

    Est-ce que BNP Paribas arrête les financements dédiés aux nouveaux projets pétro-gaziers ? Oui… et non

    En mai 2023, BNP Paribas a pris l’engagement d’arrêter tous les financements de projets “de développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers” (3).

    On décrypte :

    C’est une étape à relativiser car ces soutiens financiers directs ne représentent que 3,6 % du financement de BNP au secteur fossile – en 2022 (4). BNP peut ainsi continuer à soutenir les entreprises qui portent ces nouveaux projets pétro-gaziers. Si ces financements d’entreprises sont qualifiés d’indirects, ils représentent bien le principal levier de soutien à l’expansion – et de loin.

    Par ailleurs, BNP Paribas n’a à ce jour exclu de ses financements directs que les projets d’exploration et de production de pétrole et gaz, mais ne s’est pas engagée sur le reste de la chaîne de valeur de cette industrie. Notamment, elle peut encore accorder des financements dédiés à de nouveaux terminaux de gaz liquéfié (GNL), gazoducs ou oléoducs liés à des réserves “conventionnelles” (5). Or ces projets jouent un rôle clé dans l’expansion du secteur : c’est notamment le cas des nouveaux projets de GNL, qui n’ont pas leur place dans le scénario qui vise la neutralité carbone d’ici 2050 de l’AIE. 

    Est-ce que BNP arrête les nouvelles émissions d’obligations ou d’actions des développeurs ? Toujours pas

    BNP Paribas a affirmé n’avoir “participé à aucune nouvelle émission obligataire au secteur pétrolier et gazier depuis mi-février 2023” (6). Début février 2023 en effet, la banque avait participé à l’émission d’importantes obligations pour les géants Saudi Aramco et BP – respectivement d’un montant total de 4,5 et 2,5 milliards de dollars.

    On décrypte :

    C’est une bonne nouvelle ! Car les émissions d’obligations représentent un important levier de financement, notamment pour les grandes majors pétro-gazières. Et car BNP Paribas contribue largement à ces transactions : entre 2016 et 2022, 37 % des financements de la banque à l’industrie des énergies fossiles étaient liés à des émissions d’obligations (7).

    Malheureusement, en expliquant ne plus avoir participé à une émission obligataire au secteur récemment, BNP semble reconnaître le problème que posent ces services financiers… mais ne s’engage pas pour autant à renoncer à cette pratique nocive dans le futur. Il est donc impératif que ce constat très récent se traduise dans une mesure ferme et officielle, au sein d’une politique sectorielle. C’est d’autant plus urgent que ce type de financements représente souvent des montants élevés, et peut courir sur des années voire des décennies, engageant la responsabilité de BNP Paribas à moyen et long termes. Par ailleurs, BNP Paribas n’a fait aucune communication sur la fin des nouvelles émissions d’actions – bien que celles-ci représentent une part bien moins significative des financements de la banque aux développeurs.

    Est-ce que BNP arrête les nouveaux prêts aux développeurs ? Non plus

    La question est simple : est-ce que BNP a arrêté d’octroyer de nouveaux prêts à des entreprises qui, comme Total, prévoient de nouveaux projets de pétrole et gaz ? C’est pourtant là que la communication de BNP Paribas se complique encore. Or quand c’est flou, il y a un loup. La banque communique sur plusieurs éléments relatifs à ses activités de prêts : certains relevant de son flux de nouveaux crédits – c’est-à-dire les nouveaux prêts émis sur une année donnée –, et d’autres sur son stock de crédits existants – c’est à dire les prêts déjà en cours, mais qui peuvent dater de plusieurs années (8).

    1. En ce qui concerne son flux de crédits – c’est à dire ce qu’il faut principalement regarder quand on s’intéresse aux nouveaux soutiens de la banque aux développeurs –, BNP Paribas affirme que :

    Pour réduire la partie « fossile » de son portefeuille, BNP Paribas a considérablement réduit sa production de nouveaux crédits au secteur pétrolier et gazier en 2023.  Par exemple, à fin 2023, le rapport entre les flux de financement octroyés par BNP Paribas aux acteurs spécialisés dans l’extraction et la production pétrolière et gazière et les flux de financement liés aux projets d’énergies renouvelables s’établit à 1 sur 11.”

    On décrypte :

    Tout comme les nouvelles émissions d’obligations, BNP semble reconnaître le problème que posent les prêts aux développeurs mais ne s’engage pas pour autant à renoncer à cette pratique nocive dans le futur. Même si la banque communique sur une baisse de ses prêts en 2023, elle continue de laisser la porte ouverte à de nouveaux prêts aux entreprises qui ouvrent des nouveaux champs de pétrole et gaz. C’est pourtant une ligne rouge si la banque souhaite respecter les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat et l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 : chaque nouvel euro accordé à un développeur est un euro de trop.

    Ainsi, en décembre 2023, BNP Paribas a contribué à un prêt de 3 milliards de dollars pour la major pétro-gazière italienne Eni (9). Si ce prêt, un sustainability linked loan (SLL), est censé être lié à l’atteinte d’objectifs climatiques, notamment de développement des renouvelables, rien ne garantit qu’il sera fléché vers un projet d’énergies renouvelables d’Eni. Par ailleurs, ces dernières sont cosmétiques pour Eni : l’entreprise investit moins de 7 centimes dans les énergies renouvelables pour chaque euro dépensé dans les énergies fossiles.

    La politique actuelle de BNP prévoit qu’elle n’accordera plus de crédits – faisant ici encore l’impasse sur les activités obligataires notamment – aux entreprises privées exclusivement actives dans l’exploration et production pétrolière, appelées “indépendants pétroliers” (10). C’est dans cette définition volontairement limitée que le bât blesse : BNP met de côté une partie restreinte de l’industrie, pour se laisser la possibilité d’en soutenir encore de nombreux acteurs, qualifiés de “diversifiés” par la banque. Parmi ces acteurs, on retrouve les grandes majors et entreprises d’Etat, fers de lance de l’expansion des hydrocarbures et clients importants de la banque. BNP Paribas s’est ainsi classée 1er financeur mondial des 9 majors européennes et américaines (11) entre 2016 et 2022 (12).

    Enfin, le ratio “1 sur 11” semble impressionnant mais il gomme une part importante des activités nocives de BNP : celle-ci ne parle encore une fois que des “acteurs spécialisés”. Autrement dit, cela ne concerne pas tous les développeurs, et notamment pas les majors pétro-gazières comme Total et Eni ou les entreprises publiques comme Saudi Aramco. Or comme on l’a expliqué ci-dessus, ces entreprises sont parmi les plus problématiques au regard de leurs investissements prévus dans les énergies fossiles, et notamment dans de nouveaux projets d’exploration et de production de pétrole et de gaz.

    1. En ce qui concerne son stock – ou exposition – de crédits, BNP Paribas affirme que : 

    Entre fin septembre 2022 et fin septembre 2023, BNP Paribas a baissé de 6,4 milliards d’euros son stock de crédits aux énergies fossiles, passant de 23,7 à 17,3 milliards d’euros. Le Groupe a pour objectif que sonstock des expositions de crédit à la production d’énergies bas carbone représente 90 % du stock des expositions de crédit à sa production d’énergies, et 10 % aux énergies fossiles en 2030.

    On décrypte : 

    BNP Paribas semble avec cette cible de réduction de son stock de crédits aux énergies fossiles reconnaître la nécessité d’engager une sortie des pétrole et gaz. Mais le compte n’y est toujours pas. Si cet engagement contraindra vraisemblablement la possibilité pour BNP Paribas de multiplier les nouveaux prêts au secteur, BNP Paribas maintient dans le même temps de nouveaux soutiens aux entreprises qui développent de nouveaux projets d’énergies fossiles – en atteste son prêt de décembre 2023 à Eni. La banque pourrait ainsi décider de privilégier certains de ses clients, et ce en dépit de leurs plans d’expansion dans les pétrole et gaz. Cela pose de lourds risques climatiques : un prêt accordé aujourd’hui et participant au développement d’un nouveau projet d’énergies fossiles ne figurera pas obligatoirement dans les encours de la banque en 2030, même si cette infrastructure continuera à polluer bien au-delà de 2030. 

    Finalement, pointons du doigt que le ratio entre stock de crédits à la production d’énergies bas carbone et stock de crédits aux énergies fossiles avancé par BNP Paribas est biaisé et peu exploitable. Déjà, car les périmètres associées au bas carbone d’une part, et aux énergies fossiles d’autre part, rendent cette comparaison incohérente. La banque inclut dans le “bas carbone” – donc dans les secteurs “verts” à faire croître – des secteurs aux impacts écologiques critiquables, tels que le nucléaire ou les biocarburants. Elle exclut par contre des “énergies fossiles” des pans entiers de l’industrie, et notamment les activités de transport, d’export – dont le GNL -, ainsi que de production d’électricité – centrales à gaz et au fioul. 

    Enfin, rappelons-le, il n’est question ici que des prêts. En se focalisant sur certains services financiers et pas d’autres dans le calcul de ce ratio, BNP omet volontairement les émissions d’obligations ou d’actions, quand ces modes de financement sont prépondérants dans le secteur des énergies fossiles. 

    BNP Paribas semble évoluer dans ses pratiques et politiques sur les énergies fossiles. Mais ces avancées restent trop largement insuffisantes et incertaines, en rythme et en ampleur au regard de son devoir de vigilance climatique, dès lors qu’elles ne permettent pas de garantir l’arrêt de tout nouveau service financier aux entreprises qui développent les pétrole et gaz, et parient ainsi contre la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C. Continuer à soutenir de telles entreprises est un jeu à somme négative, qui engage la responsabilité de BNP Paribas. C’est pourquoi, Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France poursuivent leur action en justice contre BNP Paribas.

    Notes

    (1) Les Amis de la Terre France, 2022. Climat : BNP Paribas mise en demeure de stopper ses soutiens aux nouveaux projets d’énergies fossiles.

     (2) L’Affaire BNP, 2023. L’Affaire BNP revient : nous attaquons officiellement BNP en justice.

    (3) L’Affaire BNP, 2023. Les nouveaux engagements climatiques de BNP : beaucoup de bruit pour des effets très limités.

    (4) Le Monde, 2023. « Bombes carbone » : pourquoi les banques françaises peuvent financer les énergies fossiles malgré leurs engagements climat.

    (5) BNP Paribas a adopté des restrictions sur le financement de certains projets liés aux pétrole et gaz non-conventionnels – gaz de schiste, sables bitumineux, pétrole brut extra-lourd – et issus des régions arctiques et amazoniennes. 

    (6) BNP Paribas, 2024. Financement de l’énergie : la transformation du business model de BNP Paribas s’accélère, confirmée par différents classements.

    (7) Les Amis de la Terre France, 2023. Nouveaux chiffres : BNP, meilleure amie des énergies fossiles

    (8) Par exemple, BNP a pu faire un prêt à Total en 2022 qui dure 3 ans, qui apparaît encore dans son stock fin 2023.

    (9) Reclaim Finance, 2024. Publication Twitter

    (10) BNP Paribas, 2023. Politique pétrole et gaz.

    (11) BP, Chevron, ConocoPhillips, Equinor, Eni, Exxon, Repsol, Shell et Total.

    (12) Les Amis de la Terre France, 2023. Nouveaux chiffres : BNP, meilleure amie des énergies fossiles

  • Responsabilité des multinationales en Europe : la directive sur le devoir de vigilance des entreprises est adoptée par le Parlement européen

    Communiqué de presse, 24 avril 2024 – Ce mercredi, lors de la session plénière qui se déroule actuellement à Strasbourg, les députés européens ont voté pour le texte de compromis visant à instaurer un “devoir de vigilance” pour les entreprises multinationales. Il s’agit d’un pas historique vers la régulation des acteurs privés en matière de droits humains et de vigilance climatique. 

    Cette directive impose aux entreprises multinationales d’adopter des mesures de prévention, d’atténuation et de remédiation des atteintes aux droits humains et à l’environnement qui pourraient survenir le long de leur chaîne d’activités. La directive prévoit l’instauration d’une autorité nationale de contrôle désignée par chaque État membre. La responsabilité civile des entreprises pourra également être engagée dans certaines hypothèses. En matière climatique, la directive impose aux entreprises assujetties d’adopter un plan de transition (article 15), mais sans prévoir la possibilité d’engager leur responsabilité civile sur ce fondement, suite aux pressions des lobbies. 

    7 ans après l’adoption de la loi française sur le devoir de vigilance et 11 ans jour pour jour après la catastrophe du Rana Plaza, cette directive est une avancée importante, bien qu’insuffisante, dans la régulation des multinationales par les puissances publiques. L’Europe envoie un message aux autres continents qui hésiteraient à adopter des règles du jeu plus strictes pour les acteurs économiques. 

    Une directive attaquée de toutes parts, entre les conflits inter-institutionnels et l’immixtion des acteurs privés 

    Les eurodéputé.e.s se sont prononcé.e.s en faveur de la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CSDDD) approuvée le mois dernier par le Conseil de l’UE. Fruit d’un accord trouvé in extremis suite à un retournement de la position de plusieurs États membres, dont la France, cette directive a été attaquée et affaiblie tout au long du processus législatif qui dure depuis plus de 2 ans.

    Alors que la position du Parlement, votée en juin 2023, avait permis de réhausser l’ambition de la directive proposée par la Commission, puis amendée par le Conseil de l’UE, les négociations institutionnelles ont conduit à de nombreux reculs, au premier rang desquels l’exclusion du secteur financier et la définition étroite des atteintes à l’environnement. 

    Les réticences des États comme l’Allemagne ou la France, en écho au lobbying économique intensif des multinationales, ont contribué à déplacer le débat vers des préoccupations de compétitivité, occultant les questions de protection de droits humains et de l’environnement. Bien que la France se soit toujours affichée publiquement comme pionnière en matière de devoir de vigilance grâce à la loi de 2017 et en soutien d’une régulation européenne, elle a en réalité toujours défendu une version largement édulcorée de la directive. Soutenant l’exclusion des services financiers (prêts, obligations…), alors même que la loi française permet d’engager la responsabilité des acteurs financiers, elle a œuvré à réduire le champ d’application de la directive jusqu’au bout. 

    À force d’affaiblissements, l’accord voté aujourd’hui au Parlement européen pourrait s’avérer moins protecteur que la loi française de 2017 relative au devoir de vigilance des entreprises. L’enjeu sera désormais d’assurer une transposition en droit français capable de maintenir un niveau élevé de protection. L’article 15 relatif aux obligations climatiques devra en particulier être transposé de sorte à instaurer des obligations renforcées pour les entreprises, notamment sur les mesures à mettre en œuvre pour assurer la compatibilité de leur stratégie et modèle économique à l’Accord de Paris et les mécanismes de contrôle du respect de ces obligations. 

    Le 15 mai, le texte devra faire l’objet d’une approbation formelle par le Coreper, avant d’être voté par le Conseil de l’UE afin que les ministres donnent leur accord final.

    Contact presse

    Justine Ripoll, responsable de campagnes de Notre Affaire à Tous :
    justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • Mobilisation devant une enseigne Naturalia à Paris pour dénoncer les pratiques liées à la déforestation du groupe Casino en Amérique du Sud

    Mobilisation devant une enseigne Naturalia à Paris pour dénoncer les pratiques liées à la déforestation du groupe Casino en Amérique du Sud

    Communiqué de presse, Paris, le 18 mars 2024 – Ce samedi 16 mars, une mobilisation citoyenne a eu lieu entre 11h et 12h devant un magasin Naturalia à Paris, une enseigne du groupe Casino. Les représentant·e·s de peuples autochtones brésiliens Dinamam Tuxá, avocat et coordinateur exécutif de l’APIB et Eliane Bakairi, présidente de la FEPOIMT, ont pu dénoncer la déforestation et l’accaparement des terres en Amérique du Sud. Cette action a été organisée par les associations Envol Vert, Mighty Earth et Notre Affaire à Tous.

    Le 3 mars 2021, une coalition d’organisations représentatives des peuples autochtones brésiliennes et colombiennes (COIAB, FEFIPA, FEPOIMT et OPIAC) et d’associations internationales (Canopée, CPT, Envol Vert, FNE, Mighty Earth, Notre Affaire à Tous et Sherpa) ont assigné Casino en justice pour manquement à son devoir de vigilance. Elles reprochent à la chaîne de supermarchés de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour exclure la viande bovine liée à la déforestation et à l’accaparement de territoires autochtones de sa chaîne d’approvisionnement au Brésil et en Colombie.

    Casino, Naturalia et la déforestation

    Le groupe Casino possède en France les magasins Naturalia, enseigne de distribution spécialisée dans les produits issus de l’agriculture biologique et du commerce équitable. Leur objectif est de séduire une clientèle sensible aux enjeux environnementaux et soucieux d’avoir une consommation responsable. Des valeurs pourtant bien éloignées des activités reprochées au groupe Casino en Amérique du Sud dans de nombreux rapports. Le dernier en date, réalisé par InfoAmazonia, estime que la chaîne d’approvisionnement du groupe français a causé des dommages matériels estimés à 54,3 millions d’euros sur le seul territoire autochtone Uru-Eu-Wau-Wau. Un résultat qui ne refléterait qu’une infime partie de l’impact du groupe Casino et de ses chaînes d’approvisionnement dans ses activités passées.

    L’APIB et FEPOIMT à Paris pour défendre leurs droits 

    Les représentant·e·s de peuples autochtones Dinamam Tuxá et Eliane Xunakalo se sont déplacé·e·s à Paris afin d’alerter sur les violations de leurs droits causées par des entreprises françaises. Parmi les nombreuses rencontres organisées avec des associations et responsables politiques au cours de ce voyage, notamment au Sénat et au ministère de l’Écologie, iels ont également souhaité s’exprimer directement aux citoyen·ne·s français·se·s lors de cette mobilisation. Ce samedi 16 mars, Eliane Xunakalo a pu décrire les effets de la déforestation sur les peuples autochtones en déclarant que « nous devons examiner et repenser le mode de production qui détruit nos vies ».

    Les prochaines étapes du procès

    Alors que le groupe Casino a été assigné en justice il y a trois ans, le procès se cantonne pour l’heure aux questions de procédure. Une prochaine audience dématérialisée est prévue le 21 mars 2024 au cours de laquelle la coalition espère obtenir une première date de plaidoirie afin de conclure cette première étape de l’assignation. Suite à cela, les questions de fond, notamment les demandes au groupe Casino et les revendications des peuples autochtones pourront enfin être entendues par la justice française.

    Contacts presse

    Envol Vert : Baptiste Vicard, chargé de plaidoyer – b.vicard@envol-vert.org

    Notre Affaire à Tous : Vincent Bezaguet, chargé de campagne – vincent.bezaguet@notreaffaireatous.org

  • Devoir de vigilance européen : les États membres adoptent un texte ressuscité grâce à la mobilisation, mais affaibli par les lobbies

    Devoir de vigilance européen : les États membres adoptent un texte ressuscité grâce à la mobilisation, mais affaibli par les lobbies

    Communiqué de presse, 15 mars 2024 – Les États membres de l’Union européenne ont finalement trouvé un accord pour établir un devoir de vigilance européen pour les entreprises. En dépit de concessions importantes aux lobbies, cet accord politique ouvre la voie à l’adoption d’une législation européenne protégeant les droits humains, l’environnement et le climat.

    En décembre 2023, les États membres et le Parlement européen avaient trouvé un accord sur le devoir de vigilance des entreprises et la directive était prête à être adoptée. Las, l’Allemagne trahissait ensuite son engagement et annonçait son abstention sur le texte, avant que l’Italie et la France, par diverses manœuvres, ne viennent davantage menacer l’adoption du texte au Conseil de l’Union européenne.

    Alors que la France s’était engagée à soutenir cette Directive, elle avait finalement demandé de remonter significativement les seuils d’application, au dernier instant et en prenant de court tous ses interlocuteurs. Loin d’explorer des « voies de compromis » entre États membres, le décalage entre les déclarations publiques du gouvernement et sa position dans les négociations mettait en danger l’adoption du texte.

    Si l’accord trouvé aujourd’hui doit être salué, plusieurs modifications opérées au dernier instant pour satisfaire les Etats-membres récalcitrants sont néanmoins à déplorer.

    Par exemple, la directive prévoyait initialement d’assujettir les entreprises de plus de 500 salariés et disposant d’un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros au devoir de vigilance. Désormais, le champ d’application est plus restreint : seront seules concernées les entreprises de plus de 1 000 salariés et comptant un chiffre d’affaires de 450 millions d’euros, soit une réduction des deux tiers du nombre d’entreprises couvertes. 

    Un tel remaniement du texte pour satisfaire les exigences de quelques États membres (dont la France) après l’aboutissement des trilogues, est un coup dur porté aux institutions européennes, à la veille des élections de juin prochain.

    Ce vote, qui n’est qu’un premier pas dans la bonne direction, démontre que rien n’est jamais acquis en matière de protection des droits humains et de l’environnement.

    Le texte validé aujourd’hui par les États membres au Conseil doit encore être voté au Parlement européen avant son adoption finale.

    Signataires

    Contacts presse

    Sherpa : Lucie Chatelain – Responsable contentieux et plaidoyer, lucie.chatelain@asso-sherpa.org

    Amis de la Terre France : Marcellin Jehl – Chargé de contentieux et plaidoyer, marcellin.jehl@amisdelaterre.org

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll – Responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    CCFD-Terre Solidaire : Sophie Rebours – Responsable relations médias, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org

  • Devoir de vigilance européen : l’heure de vérité pour la France !

    Communiqué de presse, Paris, 11 mars 2024 – En fin d’année dernière, les institutions européennes parvenaient à un accord historique pour établir un devoir de vigilance pour les entreprises en matière de droits humains, d’environnement et de climat. Aujourd’hui, l’adoption de cette directive par le Conseil de l’Union européenne est entravée par la volte-face de plusieurs États membres et l’absence de soutien clair de la France en ce moment pourtant décisif.

    Plusieurs années de négociations, un soutien massif des citoyennes et citoyens et un compromis finalement trouvé en décembre dernier entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen : tout cela pourrait n’avoir servi à rien, et la directive sur le devoir de vigilance des entreprises ne jamais voir le jour.

    Plusieurs États membres, dont l’Allemagne et l’Italie, ont en effet torpillé le processus, en retirant leur soutien après l’accord trouvé en trilogues.

    Ajoutant à la confusion, la France entretient un double discours inacceptable, affirmant approuver le texte ou « chercher des voies de compromis » à qui veut l’entendre, mais s’abstenant de le soutenir au Conseil, alors que chaque vote compte et peut faire basculer la position d’autres États hésitants.

    Alors que plusieurs États membres, dont l’Espagne et les Pays-Bas, prennent régulièrement position en faveur du texte et tentent de rallier leurs partenaires, la France reste obstinément muette et choisit l’ambiguïté, comme le 28 février 2024, quand la majorité qualifiée nécessaire à l’adoption de la directive n’a pas été atteinte.

    Pire, la France a profité de la situation pour imposer la remontée des seuils d’application (réduisant drastiquement le nombre d’entreprises couvertes), forçant la Présidence belge du Conseil à rouvrir des négociations sur un texte déjà considérablement affaibli par l’influence des lobbys. La stratégie française fragilise l’équilibre général du texte, met en péril son adoption, et compromet le processus démocratique et législatif européen.

    Le Président de la République, Emmanuel Macron, avait pourtant appelé cette directive de ses vœux lors de la Présidence française du Conseil, et l’accord trouvé en décembre avait été salué par la majorité présidentielle.

    Alors que les États doivent se prononcer sur ce texte cette semaine lors d’une réunion du Conseil, nos organisations appellent fermement la France à dire publiquement et sans équivoque qu’elle est en faveur de cette directive. Nous exhortons aussi le gouvernement français à engager l’ensemble de ses partenaires européens, dont l’Italie, à faire de même.

    L’heure est venue pour la France de se montrer à la hauteur de ses engagements européens, d’être cohérente avec son propre engagement en faveur du devoir de vigilance, initié par la loi française de 2017, et de ne pas manquer cette occasion historique pour la protection des droits humains, de l’environnement et du climat.

    Signataires

    Contacts presse

    Sherpa : Lucie Chatelain – Responsable contentieux et plaidoyer, lucie.chatelain@asso-sherpa.org

    Amis de la Terre France : Juliette Renaud – Coordinatrice, juliette.renaud@amisdelaterre.org

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll – Responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    FIDH (Fédération internationale pour les droits humains) : Gaelle Dusepulchre – Deputy Director – Business, Human Rights and Environment, gdusepulchre@fidh.org

    Oxfam France : Stanislas Hannoun – Responsable campagnes Inégalité, shannoun@oxfamfrance.org

    CCFD-Terre Solidaire : Sophie Rebours – Responsable relations médias, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org