Catégorie : Communiqué de presse

  • Commission d’enquête du Sénat sur TotalEnergies : réaction des associations écologistes

    Commission d’enquête du Sénat sur TotalEnergies : réaction des associations écologistes

    Communiqué, le 19 juin 2024 – La commission d’enquête du Sénat sur les moyens mobilisés et mobilisables par l’État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique de la France a rendu public son rapport final.

    Les associations saluent le diagnostic sévère et sans appel posé sur la stratégie climaticide de TotalEnergies ; elles regrettent cependant le manque d’ambition de la plupart des 33 recommandations du rapport, notamment en termes de mesures contraignantes pour obliger le groupe à respecter les objectifs fixés par l’Accord de Paris.

    Au cours des six derniers mois, les expertes et experts ainsi que les scientifiques auditionnés ont démontré que la stratégie d’expansion fossile de TotalEnergies était un accélérateur de la crise climatique et une menace pour les droits humains, en pointant du doigt sa volonté d’augmenter sa production d’hydrocarbures et de renforcer notamment ses activités dans le gaz naturel liquéfié. D’autres ont également mis en lumière le manque de transparence concernant le lobbying exercé par le groupe sur les responsables politiques, et la porosité des liens entre les dirigeants de TotalEnergies et la machine étatique, voire le soutien de la diplomatie française à sa stratégie internationale.
    A l’inverse, Patrick Pouyanné et les autres responsables de la major pétrolière auditionnés ont défendu coûte que coûte la stratégie “climatique” et les pratiques actuelles du groupe, sans aucune volonté de changement malgré leurs impacts dramatiques. L’intervention de Bruno Le Maire a témoigné d’un manque patent de volonté politique de réguler cette multinationale pour l’engager concrètement dans la sortie progressive des énergies fossiles.

    Pour nos associations, ce rapport a le mérite d’ouvrir le débat au sein d’une des instances démocratiques clefs du pays sur l’impérieuse nécessité d’une reprise en main par l’État de son rôle de régulateur des multinationales, et en particulier du secteur des énergies fossiles. Il n’était pas gagné d’avance que ce rapport soit adopté au vu des fractures au sein de la commission d’enquête, et il est donc le fruit de difficiles compromis. Dès lors, les associations soulignent l’intérêt de certaines recommandations concrètes, comme l’arrêt des importations de GNL russe aux niveaux français et européen, ainsi que des mesures affirmant le besoin de plus de transparence ou de plus de régulation par l’Etat pour permettre la sortie des énergies fossiles. Mais elles déplorent que la majorité sénatoriale de droite se soit efforcée de diminuer le niveau d’ambition des recommandations du rapport et ait choisi de faire l’impasse sur des enjeux majeurs comme la question de la taxation des superprofits de la major pétro-gazière.

    Pour Edina Ifticène, chargée de campagne Énergies fossiles à Greenpeace France :
    Deux visions opposées se dégagent des auditions et des travaux de la commission d’enquête. D’une part, l’industrie et ses soutiens politiques qui balayent d’un revers de main la responsabilité de TotalEnergies dans la crise climatique, d’autre part, celles et ceux qui alertent sur les risques de plus en plus tangibles que cette logique fait peser sur notre avenir et rappellent l’État à son devoir de protection de l’intérêt général.
    La solution ne peut pas être de se défausser sur les seuls citoyennes et citoyens, qui payent l’énergie au prix fort, en leur intimant de réduire leur consommation. L’État doit instaurer des contraintes politiques fortes obligeant l’industrie fossile à réduire son empreinte carbone et à payer pour les dommages déjà causés. En cette période d’instabilité politique, ce clivage rappelle qu’il est essentiel d’avoir une nouvelle majorité politique volontaire sur cette question.
    ” 

    Pour Justine Ripoll, responsable de campagnes pour Notre Affaire à Tous :
    L’État français faillit à ses obligations en ne régulant pas la trajectoire climatique de TotalEnergies. Dans les années 90, le lobbying et la désinformation de la major nous ont collectivement fait perdre des décennies précieuses pour prévenir l’aggravation du dérèglement climatique. Nous avons aujourd’hui un constat démocratique sans appel et des solutions sur la table pour corriger cette erreur historique et protéger enfin les générations futures.

    Pour Soraya Fettih, chargée de campagnes France pour 350.org :
    Fruit d’un long travail de mobilisation de la société civile française, la commission d’enquête sénatoriale sur TotalEnergies a conclu ses travaux mais nous laisse sur notre faim. Si elle reconnaît la nécessité pour l’État de faire preuve de plus de vigilance sur les activités de l’entreprise, elle reste bien trop timide dans ses recommandations sur le rôle régulateur de l’État pour imposer une vraie transition énergétique juste et compatible avec l’urgence climatique. Si la Commission suggère, à raison, de faire contribuer les entreprises fossiles au Fonds pertes et dommages, elle ne va pas jusqu’à proposer la taxation de leurs super profits indécents qui pourrait permettre de lutter aussi contre la précarité énergétique dont souffre un·e Français·e sur cinq. C’est une occasion manquée de prendre le gouvernement au mot, la France co-pilotant une initiative internationale sur la taxation pour générer des revenus pour le climat et le développement. Elle pourrait montrer l’exemple en s’attaquant dès maintenant aux profits de l’industrie fossile. Il est grand temps que nos dirigeants mettent fin à cette impunité.”

    Pour Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales Réseau Action Climat France :
    “Le gouvernement français doit faire preuve de cohérence. Il ne peut pas prôner la fin des énergies fossiles lors des sommets internationaux comme les COP et, en même temps, fermer les yeux sur les actions de TotalEnergies. Lors de la COP28, la France, comme tous les autres pays, s’est engagée à sortir des énergies fossiles. Aujourd’hui, pour espérer rester crédibles, les paroles doivent être suivies d’actes. Il est urgent de contraindre TotalEnergies à respecter l’Accord de Paris. Fermons le robinet des énergies fossiles pour éviter les coûts des pertes et dommages liés au changement climatique et aux efforts d’adaptation. Nous avons pris assez de retard et nous devons agir maintenant pour garantir un avenir vivable.”

    Pour Juliette Renaud, coordinatrice des Amis de la Terre France :
    “La multiplicité des auditions tenues lors de cette commission d’enquête a permis de mettre en lumière non seulement l’étendue des conséquences néfastes des activités de Total, mais aussi la faiblesse de l’État dans sa volonté de réguler cette multinationale. Les solutions existent pourtant et, au-delà des constats, nous regrettons que les recommandations du rapport ne soient pas plus ambitieuses, notamment pour mettre fin à la diplomatie économique en soutien à Total et au lobbying débridé de cette entreprise. De même, alors que le rapport contient une recommandation sur l’arrêt des projets d’hydrocarbures en Azerbaïdjan, les preuves et témoignages sur les violations des droits humains liées au projet EACOP en Ouganda semblent avoir laissé de marbre les sénateurs conservateurs, aveuglés par leur complaisance avec la multinationale.
    Néanmoins, certaines préconisations sont plus concrètes et doivent être maintenant suivies d’actes : alors que la commission d’enquête recommande d’inclure le GNL russe aux produits énergétiques sous sanctions européennes, l’État doit sortir de son silence et prendre position pour le paquet de sanctions négocié en ce moment même à Bruxelles. Ces sanctions doivent couvrir les importations et les opérations de transbordement qui permettent à la Russie d’exporter plus de GNL à travers le monde.

    Pour Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance :
    Si la commission a souligné le rôle central de la finance dans les orientations du secteur énergétique, les sénateurs sont globalement passés à côté du sujet. Hormis quelques recommandations bienvenues concernant la gouvernance des entreprises, ils s’en tiennent à des formulations qui révèlent la démission du politique face à l’urgence de la réorientation des flux financiers. Ils auraient par exemple dû rebondir sur les récentes annonces de BNP Paribas et du Crédit Agricole, qui se sont engagés à ne plus soutenir les obligations conventionnelles pour le secteur pétro-gazier, en imposant cette mesure à tous les acteurs financiers français, au lieu de seulement les inciter à aller plus loin en matière de décarbonation des portefeuilles. Les autres recommandations sont du même acabit, faisant apparaître au mieux un soutien timoré à des mesures en discussion au niveau européen et international, comme la mise en place de taux différenciés. L’ensemble des mesures est très loin de l’ampleur des normes requises pour éviter un emballement du climat et une crise économique et financière majeure.” 

    contact presse

    Justine Ripoll – justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    English version : press release

  • Victoire d’étape dans le procès climatique contre TotalEnergies

    Communiqué de presse, Paris, 18 juin – Dans le contentieux climatique engagé par 6 associations et 15 collectivités territoriales contre TotalEnergies, la cour d’appel de Paris a jugé l’action judiciaire recevable. La Cour met fin à une controverse procédurale qui risquait de priver d’effectivité la loi sur le devoir de vigilance et ouvre la voie à l’examen judiciaire du fond de l’affaire. Excepté pour la ville de Paris, la Cour juge toutefois l’action des collectivités territoriales irrecevables.

    En janvier 2020, une coalition d’associations et de collectivités territoriales (1) a assigné TotalEnergies en justice, rejointe depuis par les collectivités de Paris, New-York, Poitiers et Amnesty International France. L’objectif est de contraindre la compagnie pétrolière à prendre les mesures nécessaires pour s’aligner avec l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris, conformément à la loi relative au devoir de vigilance.

    Le 6 juillet 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a déclaré l’action judiciaire irrecevable selon une interprétation contestée et inquiétante de la loi sur le devoir de vigilance. La coalition s’est tournée vers la cour d’appel.

    Pour la coalition, la décision de ce jour ouvre la voie au premier procès climatique contre une multinationale en France. Après plusieurs années de procédure, la multinationale va désormais devoir justifier du respect de ses obligations en matière climatique. 

    Vers un jugement au fond sur le devoir de vigilance

    Le tribunal judiciaire avait considéré que TotalEnergies n’avait pas régulièrement été mise en demeure, au motif que les demandes formulées dans l’assignation n’étaient pas strictement identiques à celles du courrier de mise en demeure envoyé à la multinationale. 

    La cour d’appel a au contraire estimé que TotalEnergies avait été suffisamment avertie avant d’être assignée. Elle a considéré que les demandes présentées au juge devaient se rattacher par un lien suffisant avec celles figurant dans la mise en demeure, s’agissant des risques d’atteintes visés. La Cour a également reconnu qu’il revenait au juge de contrôler le respect par une entreprise de ses obligations au titre de son devoir de vigilance et de porter une appréciation sur les mesures demandées. 

    Cette décision vient mettre fin à une interprétation restrictive de la loi qui, à rebours de l’objectif poursuivi par le législateur de faciliter l’accès à la justice pour les victimes de violations de droits humains et d’atteintes à l’environnement, offrait un échappatoire aux entreprises. 

    Les décisions dans les affaires EDF/Mexique et Suez/Chili ont également été rendues par la cour d’appel. La Cour a jugé l’action recevable dans l’affaire EDF/Mexique, le juge estimant que l’assignation et la mise en demeure pouvaient viser des plans de vigilance différents. En revanche, la Cour a jugé irrecevable l’action des associations dans l’affaire Suez/Chili.

    La Cour a également jugé que les demandes au titre de la prévention du préjudice écologique étaient recevables. Contrairement à ce que soutenait le juge de la mise en état, l’action peut se fonder à la fois sur le devoir de vigilance et sur le préjudice écologique. La cour ouvre ainsi la voie à un débat sur les mesures devant être adoptées par TotalEnergies pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre impactant le climat. 

    Un accès restreint pour les collectivités 

    Si la ville de Paris s’est vue reconnaître un intérêt à intervenir (2), la Cour a cependant jugé irrecevable l’action des autres collectivités territoriales. Celles-ci n’auraient pas suffisamment démontré l’existence d’une atteinte ou d’un retentissement particulier du réchauffement climatique sur leur territoire. Ainsi, la Cour opère une restriction du droit d’agir en matière climatique même si elle ne ferme pas totalement la porte à l’action des collectivités territoriales. 

    La coalition examinera comment les collectivités territoriales jugées irrecevables pourront continuer à s’impliquer dans ce procès historique qu’elles ont participé à construire.

    Signataires : Notre Affaire à Tous, Sherpa, France Nature Environnement, ZEA, Amnesty International France et les villes de Paris, Arcueil, Bègles, Bize-Minervois, Correns, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran, Vitry-le-François

    Notes

    Les trois décisions concernant les affaires :  EDF/Mexique, Suez/Chili et TotalEnergies/Changement climatique seront analysées lors d’un webinaire organisé par les trois coalitions le mardi 9 juillet de 18h à 19h30. Inscriptions sur : https://bit.ly/3Xqxig4  

    (1)  Sherpa, Amnesty International France, France Nature Environnement, Notre Affaire à Tous, ZEA, les Eco Maires et les villes de Paris, New York, Arcueil, Bayonne, Bègles, Bize-Minervois, Centre Val de Loire, Correns, Est-Ensemble Grand Paris, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran et Vitry-le-François.

    (2) La ville de Paris a rejoint l’action en justice en septembre 2022 en tant qu’intervenante volontaire, ce qui lui permet de soutenir les prétentions des demanderesses sans formuler de demandes propres.  

    Contacts presse

    Sherpa : Théa Bounfour, chargée de contentieux et de plaidoyer, thea.bounfour@asso-sherpa.org

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll, responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • Bien vivre à Pierre-Bénite, PFAS contre terre et Notre Affaire à Tous, demandent l’annulation et la suspension par la justice de l’extension de l’activité PFAS de Daikin​

    Communiqué de Notre Affaire à Tous, Bien vivre à Pierre-Bénite et PFAS contre terre, 3 juin 2024, 4 juin 2024 – Vendredi 31 mai 2024, Bien vivre à Pierre-Bénite avec les contributions du collectif PFAS contre terre et de Notre Affaire à Tous, dépose un recours contentieux à l’encontre de l’arrêté préfectoral du 1er février 2024 laissant DAIKIN CHEMICALS FRANCE étendre son activité sur le site d’Oullins-Pierre-Bénite. La suspension immédiate, pour défaut d’étude d’impact, est également demandée. Il est irresponsable de laisser cet industriel producteur de PFAS  augmenter sa production alors qu’il se situe dans la zone la plus contaminée de France  par les “polluants éternels” (Le Monde). 

    L’arrêté préfectoral contesté (n° DDPP-DREAL 2024-19) prend acte de l’extension et adopte des prescriptions complémentaires accordées à la société Daikin concernant l’exploitation d’une nouvelle unité de production et stockage de produits chimiques. L’arrêté autorise ainsi des rejets supplémentaires de substances chimiques dans l’air et accorde à l’industriel un délai de 36 mois pour proposer un plan de substitution, et non directement la substitution des produits PFAS. Il prévoit également l’impossibilité technico-économique à cette substitution. La journaliste Emilie Rosso (France 3 région AURA), avait révélé le 3 avril 2024 dernier que les produits concernés seraient le bisphénol A fluoré et l’hexafluoropropylène (HPF), deux PFAS. 

    Cette extension fait suite à la relocalisation de l’activité de DAIKIN depuis les Pays-Bas, due à une plus forte réglementation dans ce pays. Il est également nécessaire que la France et l’Europe se dotent d’une réglementation plus exigeante pour protéger les citoyen.nes et donner la priorité à la santé environnementale. 

    Depuis l’émission Vert de Rage révélant la contamination aux PFAS du sud de Lyon, citoyen.nes, associations, syndicats et politiques se mobilisent pour l’interdiction des PFAS et pour établir les responsabilités dans la pollution du sud de Lyon. Le 30 mai dernier, le Sénat a adopté la proposition de loi interdisant l’utilisation de PFAS dès 2026 pour les textiles d’habillement (2030 pour les autres textiles), les produits de fart et les cosmétiques. ​​Les polluants éternels sont à l’origine de graves problèmes pour la santé : cancers, problèmes liés à la thyroïdes, infertilité… Il est donc incompréhensible qu’au moment où la société demande l’interdiction des PFAS, DAIKIN en augmente ses rejets dans l’air. 

    Citation de Jean Paul Massonnat, membre de Bien vivre à Pierre-Bénite : « L’association Bien vivre à Pierre-Bénite a décidé d’attaquer en justice un arrêté qui ne met pas toutes les chances du côté de la population. Après 2 ans de découverte du scandale de la contamination par les PFAS, il est grand temps que les organismes ou les personnes chargés de nous protéger remplissent efficacement leur mission, et rétablissent une confiance qu’ils n’auraient jamais dû perdre. Difficile d’imaginer qu’un industriel agrandisse de 1400m² son unité de production sans inconvénient ? Nous sommes privés d’une enquête environnementale qui aurait permis de lever le voile sur des activités maintenues volontairement dans l’obscurité. Nous, riverains, exigeons de la transparence.”

    Citation de Camille Panisset, secrétaire de Notre Affaire à Tous – Lyon  : “Pour les riverains mobilisés depuis deux ans contre la pollution aux PFAS, l’extension de l’activité de DAIKIN prouve une nouvelle fois l’irresponsabilité des industriels et la complaisance de la Préfecture face à l’augmentation des rejets de PFAS nocifs pour leur santé et le vivant en général. La situation lyonnaise est en total décalage avec la prise de conscience nationale du scandale des PFAS, au moment même où le législateur s’en saisit. ” 

    Le collectif PFAS contre terre apporte son soutien à cette action en justice, par une pétition : “Cette nouvelle unité de production est un véritable scandale dans le scandale car rendue opérationnelle par l’État dans le mépris total des populations riveraines contaminées. La préfecture affirme que « cette unité ne conduit pas à des rejets [de molécules PFAS] dans l’eau » alors que ce sont les rejets aériens qui sont dénoncés s’agissant de Daikin. Est-ce cela le « crime industriel facilité par l’État ? ». 

    Initiative citoyenne, Bien vivre à Pierre-Bénite, PFAS contre terre et Notre Affaire à Tous sont mobilisés au nom du principe de précaution pour annuler cet arrêté préfectoral incompréhensible qui fait monter d’un cran la mobilisation et la colère des riverains. La demande de suspension sera examinée par le Tribunal administratif de Lyon le 17 juin prochain. 

    Contact presse

    Marine Coynel, chargée de communication de Notre Affaire à Tous :
    marine.coynel@notreaffaireatous.org

  • Affaire du Siècle : un pourvoi en cassation pour une justice climatique cohérente et ambitieuse

    Communiqué de presse, 21 mai 2024 – Face au maintien d’une politique environnementale inadaptée et à la décision inquiétante du Tribunal administratif de Paris de ne pas utiliser tous les leviers à sa disposition pour évaluer la trajectoire climatique de la France, les organisations de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire À Tous, Greenpeace France, Oxfam France) avaient annoncé leur pourvoi en cassation il y a quelques semaines. Aujourd’hui, elles déposent leur mémoire complémentaire au Conseil d’Etat. 

    En décembre 2023, le Tribunal administratif de Paris a statué que l’État avait respecté le jugement de 2021, car le surplus d’émissions de gaz à effet de serre a été compensé, bien qu’avec un an de retard. En choisissant d’adopter une vision simpliste du jugement de 2021, le tribunal se refuse à prendre en compte de nombreux paramètres pourtant déterminants dans l’évaluation des engagements climatiques de l’Etat. C’est la raison pour laquelle les organisations de l’Affaire du Siècle demandent au Conseil d’Etat de réexaminer l’exécution de la condamnation de 2021 à la lumière de ces paramètres – en cohérence avec les constats de la condamnation renouvelée de l’Etat en mai 2023

    Tout d’abord, le Tribunal administratif de Paris n’a pas pris en compte l’origine des baisses récentes d’émissions ayant permis de compenser le retard pris entre 2015 et 2018. Or, rien qu’en 2021 et 2022, ces baisses étaient dues à 74% à des facteurs conjoncturels (1). L’Etat avait été jugé comme responsable du préjudice, c’est donc bien à lui de le réparer et il ne devrait pas pouvoir profiter de facteurs extérieurs, comme la crise du Covid ou l’inflation, pour atteindre cet objectif. C’est la responsabilité de l’Etat dans la réparation qui devrait être jugée et non pas la réparation elle-même. 

    Le jugement de 2021 ordonnait également à l’Etat de prendre des mesures pour prévenir l’aggravation dudit préjudice. Pourtant, dans sa décision de décembre 2023, le tribunal a refusé de prendre en compte l’absence de mesures structurelles pour prévenir et compenser la diminution considérable de la capacité d’absorption des puits de carbone ces dernières années, qui s’est traduite depuis la condamnation de 2021 par une aggravation du préjudice écologique.

    Pour finir, les Ministères n’ont pas eu à prouver avec certitude que les mesures prises vont permettre à la France de respecter les objectifs climatiques fixés. D’après les organisations de l’Affaire du Siècle, le tribunal aurait dû exiger ces preuves et ne pas fonder son jugement sur une “tendance” avancée par l’Etat. Ces preuves sont d’autant plus nécessaires que les données environnementales semblent indiquer que sans l’effet des facteurs conjoncturels, les émissions vont de nouveau augmenter et que le préjudice écologique tendra à s’aggraver dans le futur.

    Une jurisprudence dangereuse pour l’avenir de la justice climatique 

    Ce pourvoi en cassation est important car la décision du Tribunal administratif de Paris représente une jurisprudence inquiétante. Pour Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France, “elle laisse penser qu’une transition climatique non-planifiée est une solution suffisante à la crise environnementale. Elle permet à l’Etat de profiter d’événements conjoncturels, comme une météo clémente, un conflit armé ou une crise économique majeure, pour ne pas avoir à rehausser son ambition climatique et ne pas mener de politiques publiques plus fortes”. 

    De plus, comme le rappelle Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France, “le manque de mesures structurantes et ambitieuses de l’Etat condamne la France à subir les conséquences du changement climatique, et ce de manière plus violente pour les populations déjà précaires”

    Les organisations estiment que le Tribunal administratif de Paris ne s’est pas laissé le temps et les moyens de bien examiner l’exécution du jugement de 2021 et qu’elles n’ont donc pas eu le droit à un procès équitable.

    Les tribunaux ont le pouvoir de faire agir les décideurs politiques

    Depuis plus de dix ans, plusieurs recours juridiques ont montré dans le monde entier que la justice était un des leviers pour faire face à la crise climatique. Le dernier en date est la victoire historique de l’association suisse Aînées pour la protection du climat devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme. En condamnant la Suisse pour inaction climatique, la Cour Européenne des Droits de l’Homme reconnaît que le changement climatique constitue une menace pour les droits fondamentaux des citoyens et citoyennes. “Cette décision est un signal fort envoyé aux Etats mais également aux juridictions nationales. Nous demandons à la justice française qu’elle se montre à la hauteur des enjeux démocratiques et des attentes des citoyens et citoyennes, comme elle l’avait fait en 2021”, conclut Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous. 

    Notes

    (1) Rapport du collectif éclaircies : “L’Etat a-t-il réparé le préjudice écologique ? Analyse des causes conjoncturelles et structurelles des réductions d’émissions 2021-2022” – 2023. Rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat : “Acter l’urgence, engager les moyens” – 2023

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    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll – justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • Deux ans après le début du scandale des PFAS : mobilisation collective à Lyon et nouvelle étape judiciaire  

    Communiqué de presse de Notre Affaire à Tous, 14 avril 2024 – Ce lundi 13 mai 2024, deux ans après la diffusion du reportage de “Vert de rage” qui a révélé une contamination d’ampleur aux polluants éternels (PFAS) dans la Vallée de la chimie au sud de Lyon. Notre Affaire à Tous a invité les collectifs locaux à faire le bilan de ces deux premières années de lutte. Cette soirée marque ainsi une étape importante de ce combat historique dans la région, berceau de la mobilisation nationale sur les PFAS. L’occasion pour l’association d’annoncer une nouvelle étape sur le plan juridique, puisqu’en parallèle du référé pénal environnemental lancé il y a deux ans, elle se constitue aujourd’hui partie civile aux côtés de cinq associations et trente-quatre victimes dans la procédure pénale en cours. Retour sur cette soirée de mobilisation.

    En présence d’une cinquantaine de riverain.e.s concernées par cette contamination, mais aussi d’acteurs institutionnels, scientifiques et politiques, la soirée a débuté par une table-ronde réunissant Martin Boudot (le réalisateur de Vert de rage), Gwenola Le Naour (sociologue ayant suivi les mobilisation citoyennes) et Stéphanie Escoffier (requérante contre l’entreprise Arkema, habitant Oullins et dont le lait maternel a été contaminé). Plusieurs collectifs locaux, environnementalistes, de riverain.e.s, ou de désobéissance civile, ont ensuite pris la parole pour témoigner de leurs actions de mobilisation contre les PFAS et leurs producteurs. Ces échanges ont permis de mettre en lumière les nombreux modes d’action, dont plusieurs sur lesquels se positionne déjà Notre Affaire à Tous depuis deux ans et pour les mois à venir.

    Dès mai 2022, Notre Affaire à Tous, notamment via son groupe lyonnais, s’est engagée dans une démarche judiciaire en portant un référé collectif contre Arkema, une des deux entreprises productrices de PFAS. A travers ce recours, Notre Affaire à Tous et les 56 co-requérants du référé (agriculteurs locaux, syndicats, mères de famille et victimes malades de la pollution, associations de riverains…) souhaitent faire appliquer le principe pollueur-payeur et établir les preuves de la contamination dans le plus grand hotspot français, aux frais de l’entreprise. Aujourd’hui, c’est à nouveau aux côtés de 39 requérants que l’association souhaite porter la voix de la société civile au sein de l’enquête pénale ouverte, afin de demander réparation des préjudices subis par les riverain.e.s et l’environnement. Cela marque une nouvelle étape dans la lutte contre les PFAS vers la fin de l’impunité des industriels à l’origine de ce scandale.

    Par ailleurs, Notre Affaire à Tous s’engage pour qu’un tel scandale ne se reproduise pas et pour remettre les citoyen.ne.s au cœur de la connaissance et de la gouvernance des risques industriels. L’association publie ainsi un manifeste pour la création d’un institut écocitoyen local, fruit d’un travail collectif construit au fil d’ateliers éco-citoyens menés dans la Vallée de la chimie depuis 2022, sur lesquels nous nous sommes appuyées pour formuler cinq propositions visant à alimenter les discussions locales

    Pour Emma Feyeux, présidente de Notre Affaire à Tous – Lyon, “les rencontres que nous avons organisées avec les citoyen.ne.s et la société civile de la région lyonnaise nous l’ont démontré de manière limpide : pour sortir du piège mortel des pollutions industrielles, il faut associer les citoyen.ne.s et les scientifiques à la prise de décision. Le modèle d’institut écocitoyen a déjà fait ses preuves, il est temps que notre territoire, champion national des pollutions PFAS, se donne les moyens d’aller de l’avant”. 

    Aux États-Unis, le scandale date du début des années 2000 : les discussions contentieuses et réglementaires ne sont pas encore terminées. En France, deux ans après la révélation du scandale, les avancées sont encore timides, la proposition de loi encore en discussion a été vidée d’une grande partie de son ambition par les lobbies industriels, et les freins sont encore nombreux pour traiter le problème à la hauteur des enjeux sanitaires et environnementaux qu’il engage.

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    Emma Feyeux, Présidente de Notre Affaire à Tous – Lyon : emma.feyeux@notreaffaireatous.org

  • Pesticides : l’agrochimie vole (encore) au secours de l’État pour garantir son inaction, confirmée par le plan Ecophyto 2030 

    Communiqué de presse, Paris, lundi 06 mai 2024 – Phyteis, le lobby de l’agrochimie en France, a confirmé ce vendredi 3 mai sa volonté d’intervenir, en appel, dans le recours Justice pour le Vivant introduit par un collectif de cinq ONG contre l’inaction de l’Etat face à l’effondrement de la biodiversité en cours. Comme en première instance, l’industrie apporte son soutien au gouvernement pour assurer que rien ne change au modèle d’évaluation, d’autorisation et d’usage des pesticides en France. Le plan Ecophyto 2030, annoncé aujourd’hui, symbolise les renoncements de l’État et son choix de l’inaction face à l’effondrement de la biodiversité. 

    Phyteis s’invite une fois encore dans le recours Justice pour le Vivant, cette fois-ci en appel, en déposant ce vendredi 3 mai un mémoire en intervention pour défendre les intérêts des géants de l’agrochimie (Bayer-Monsanto, Syngenta-Chemchina, BASF…), et voler au secours du gouvernement. 

    Après le jugement historique rendu le 29 juin 2023 par le Tribunal administratif de Paris, qui a reconnu la responsabilité de l’État dans l’effondrement du Vivant, et ses insuffisances dans l’évaluation des risques sur les pesticides – POLLINIS, Notre Affaire à Tous, ANPER TOS, ASPAS et Biodiversité sous nos pieds – ont fait appel devant la Cour administrative d’appel de Paris pour obliger l’État à corriger les failles du système d’homologation des pesticides. Le gouvernement, condamné à réduire l’usage des pesticides sur son territoire, a, lui aussi, fait appel de la décision, et vient de proposer un nouveau plan Ecophyto qui ne permettra pas d’enrayer l’effondrement de la biodiversité

    « Cette nouvelle intervention de Phyteis, prouve que le système d’homologation des pesticides mis en œuvre répond aux impératifs économiques des firmes de l’agrochimie – et donne un accès libre sur le marché à des substances toxiques au détriment de la protection de la biodiversité. Tant qu’une « coalition » agrochimie – État perdure et que le gouvernement s’enfonce dans l’inaction, nous continuerons à défendre devant la justice la biodiversité et les intérêts du Vivant » martèlent les associations.

    Ecophyto 2030

    Dans sa décision du 29 juin 2023, le tribunal a enjoint l’État à prendre avant le 30 juin 2024 « toutes les mesures utiles » afin de respecter les objectifs de réduction de l’usage des pesticides notamment prévus par les plans Ecophyto et pour protéger, comme la loi l’y oblige, les eaux souterraines des pesticides et de leurs résidus.  L’appel de l’État refusant ce jugement et le contenu du plan Ecophyto 2030 démontrent son manque de volonté politique.

    « Le plan Ecophyto 2030 annoncé aujourd’hui ne limitera pas l’impact des pesticides sur la biodiversité, et ignore complètement le jugement de Justice pour le Vivant, dénoncent les associations. Il n’intègre aucune stratégie d’amélioration de l’évaluation des risques des pesticides en France, dont le Tribunal administratif avait pointé les limites, se fixant des objectifs à un échelon européen qu’il ne maîtrise pas alors qu’il a la possibilité d’agir dès maintenant au niveau national ; et il choisit l’indicateur HRI1 – dont l’adoption a été saluée par Phyteis –, qui ne permettra pas de mesurer de réelle diminution de l’usage des pesticides, alors qu’il a été condamné à renouer avec les précédents objectifs de réduction ».

    Une révision de l’évaluation des risques des pesticides est indispensable à toute politique de limitation de l’impact des pesticides sur la biodiversité, et une obligation soulignée par un récent arrêt (C-308/22) de la Cour de Justice de l’Union Européenne. Selon cet arrêt, l’Etat ne peut se contenter d’une évaluation des risques ne tenant pas compte « des données scientifiques disponibles les plus fiables ainsi que des résultats les plus récents de la recherche internationale« . 

    En première instance, Phyteis avait défendu le gouvernement avec zèle et avait usé de la stratégie du doute afin de brouiller les cartes et nier, malgré les études scientifiques établies, le rôle majeur des pesticides dans le déclin de la biodiversité. Symbole fort : l’avocat de Phyteis était le seul présent pour défendre le gouvernement le 1ᵉʳ juin 2023 lors de l’audience. Joignant à nouveau ses forces à celles du gouvernement, Phyteis a demandé à intervenir et a produit un mémoire dans chacune des deux procédures en appel – l’appel des associations et celui de l’État. Les associations de Justice pour le Vivant ont pour le moment un mois pour répondre à ces nouveaux éléments.

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    Justine Ripoll – responsable de campagnes :
    justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • A69 : Notre Affaire à Tous se joint au contentieux en cours contre l’autorisation environnementale pour dénoncer le déni de démocratie environnementale. 

    A69 : Notre Affaire à Tous se joint au contentieux en cours contre l’autorisation environnementale pour dénoncer le déni de démocratie environnementale. 

    Communiqué de presse, Paris, le 2 mai 2024 – Par des écritures déposées mardi 30 avril devant le tribunal administratif de Toulouse, l’association Notre Affaire à Tous devient intervenante volontaire dans le cadre du recours porté par une coalition d’associations – dont FNE Midi-Pyrénées, le Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), ATTAC Tarn et la Confédération paysanne – contre le projet  d’autoroute A69.

    Notre Affaire à Tous souligne que de nombreuses communes qui seront impactées par le projet n’ont pas été consultées dans le cadre de l’enquête publique. En outre, le dossier d’enquête publique mis à disposition du public était d’une particulière complexité et n’a pas permis au public de disposer d’une information claire et pertinente pour se prononcer. Enfin, avec 90% d’opposition, les préfets ne semblent pas avoir tenu compte des observations du public dans leur décision finale, de sorte que l’enquête publique est apparue de pure forme, sans permettre au public de pouvoir exercer une réelle influence. 

    Une intervention volontaire consiste à prendre part à un contentieux en cours devant la juridiction administrative en développant de nouveaux arguments venant étayer le recours initial. Notre Affaire à Tous a ainsi formé une intervention volontaire au soutien de la requête des associations devant le tribunal administratif de Toulouse, en mettant particulièrement en avant le déni de démocratie environnementale entachant le projet A69.

    Notre Affaire à Tous s’appuie pour cela sur la Convention d’Aarhus et ses deux premiers piliers relatifs à l’information et à la participation du public au processus décisionnel, qui exige notamment que les observations du public concernant les questions environnementales soient dûment prises en considération.

    Dans un contexte de forte mobilisation des habitants contre un projet portant une  atteinte grave à la biodiversité et continuant à promouvoir un modèle climaticide, l’action en justice demeure le seul moyen à la disposition des défenseurs de l’environnement pour faire appliquer correctement le droit et ainsi espérer obtenir l’annulation du projet autoroutier.

    Alors que Michel Forst, rapporteur spécial des Nations Unies, a dénoncé les violences subies par les « écureuils » occupant pacifiquement les arbres car elles constituent une menace pour la démocratie, il importe de rappeler que le droit à l’information et à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement est fondamental et doit être respecté, afin que les habitants de Haute-Garonne et du Tarn puissent faire part de leur opposition à ce projet anachronique et climaticide.

    Or, comme le rappelle Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous : « Le projet d’A69 est une illustration flagrante de la logique de déni de démocratie environnementale dans laquelle s’enferme le gouvernement, qui a déclaré la guerre au droit de l’environnement. Il est temps que la Justice rappelle aux pouvoirs publics que les citoyens et citoyennes ont leur mot à dire dans les décisions relatives aux grands projets d’aménagement.  »

    Tandis qu’une commission d’enquête parlementaire sur le montage juridique et financier est en ce moment en train de démontrer les multiples irrégularités entourant la future A69, les porteurs de projet et l’État poursuivent pourtant les travaux de construction sans attendre que le tribunal administratif rende sa décision, attendue en principe cette année.

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    Marine YZQUIERDO, avocate et membre du conseil d’administration – marine.yzquierdo@notreaffaireatous.org

  • Responsabilité des multinationales en Europe : la directive sur le devoir de vigilance des entreprises est adoptée par le Parlement européen

    Communiqué de presse, 24 avril 2024 – Ce mercredi, lors de la session plénière qui se déroule actuellement à Strasbourg, les députés européens ont voté pour le texte de compromis visant à instaurer un “devoir de vigilance” pour les entreprises multinationales. Il s’agit d’un pas historique vers la régulation des acteurs privés en matière de droits humains et de vigilance climatique. 

    Cette directive impose aux entreprises multinationales d’adopter des mesures de prévention, d’atténuation et de remédiation des atteintes aux droits humains et à l’environnement qui pourraient survenir le long de leur chaîne d’activités. La directive prévoit l’instauration d’une autorité nationale de contrôle désignée par chaque État membre. La responsabilité civile des entreprises pourra également être engagée dans certaines hypothèses. En matière climatique, la directive impose aux entreprises assujetties d’adopter un plan de transition (article 15), mais sans prévoir la possibilité d’engager leur responsabilité civile sur ce fondement, suite aux pressions des lobbies. 

    7 ans après l’adoption de la loi française sur le devoir de vigilance et 11 ans jour pour jour après la catastrophe du Rana Plaza, cette directive est une avancée importante, bien qu’insuffisante, dans la régulation des multinationales par les puissances publiques. L’Europe envoie un message aux autres continents qui hésiteraient à adopter des règles du jeu plus strictes pour les acteurs économiques. 

    Une directive attaquée de toutes parts, entre les conflits inter-institutionnels et l’immixtion des acteurs privés 

    Les eurodéputé.e.s se sont prononcé.e.s en faveur de la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CSDDD) approuvée le mois dernier par le Conseil de l’UE. Fruit d’un accord trouvé in extremis suite à un retournement de la position de plusieurs États membres, dont la France, cette directive a été attaquée et affaiblie tout au long du processus législatif qui dure depuis plus de 2 ans.

    Alors que la position du Parlement, votée en juin 2023, avait permis de réhausser l’ambition de la directive proposée par la Commission, puis amendée par le Conseil de l’UE, les négociations institutionnelles ont conduit à de nombreux reculs, au premier rang desquels l’exclusion du secteur financier et la définition étroite des atteintes à l’environnement. 

    Les réticences des États comme l’Allemagne ou la France, en écho au lobbying économique intensif des multinationales, ont contribué à déplacer le débat vers des préoccupations de compétitivité, occultant les questions de protection de droits humains et de l’environnement. Bien que la France se soit toujours affichée publiquement comme pionnière en matière de devoir de vigilance grâce à la loi de 2017 et en soutien d’une régulation européenne, elle a en réalité toujours défendu une version largement édulcorée de la directive. Soutenant l’exclusion des services financiers (prêts, obligations…), alors même que la loi française permet d’engager la responsabilité des acteurs financiers, elle a œuvré à réduire le champ d’application de la directive jusqu’au bout. 

    À force d’affaiblissements, l’accord voté aujourd’hui au Parlement européen pourrait s’avérer moins protecteur que la loi française de 2017 relative au devoir de vigilance des entreprises. L’enjeu sera désormais d’assurer une transposition en droit français capable de maintenir un niveau élevé de protection. L’article 15 relatif aux obligations climatiques devra en particulier être transposé de sorte à instaurer des obligations renforcées pour les entreprises, notamment sur les mesures à mettre en œuvre pour assurer la compatibilité de leur stratégie et modèle économique à l’Accord de Paris et les mécanismes de contrôle du respect de ces obligations. 

    Le 15 mai, le texte devra faire l’objet d’une approbation formelle par le Coreper, avant d’être voté par le Conseil de l’UE afin que les ministres donnent leur accord final.

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    Justine Ripoll, responsable de campagnes de Notre Affaire à Tous :
    justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • Coupes budgétaires : Notre Affaire à Tous conteste devant le Conseil d’État le décret annulant 10 milliards d’euros de crédits

    Coupes budgétaires : Notre Affaire à Tous conteste devant le Conseil d’État le décret annulant 10 milliards d’euros de crédits

    Communiqué de presse – Notre Affaire à Tous s’associe à la requête introduite devant le Conseil d’État par l’Université Lyon 3 contestant la légalité du décret annulant 10 milliards de crédits. L’association dénonce ces coupes budgétaires arbitraires et contestables juridiquement, qui touchent particulièrement la protection de l’environnement.

    Notre Affaire à Tous s’inquiète de voir ainsi unilatéralement remis en cause les arbitrages et équilibres politiques votés moins de deux mois auparavant par les parlementaires, le tout en ayant eu recours à l’article 49-3 de la Constitution. La possibilité d’annuler des crédits doit être justifiée par un contexte exceptionnel et imprévisible, conduisant à une détérioration de l’équilibre budgétaire. Elle ne doit pas devenir un moyen pour le Gouvernement de faire passer des arbitrages budgétaires pour lesquels il n’obtient pas de majorité parlementaire. Pour l’association, une annulation de crédits d’une telle ampleur constitue une atteinte importante à la séparation des pouvoirs et remet en cause la souveraineté du parlement en matière budgétaire.

    La protection de l’environnement est la mission la plus touchée quantitativement par les annulations de crédits puisque ce sont plus de 2 milliards d’euros qui disparaissent, soit  plus de 10% des crédits prévus pour l’écologie dans le budget initial.

    Parmi les programmes les plus touchés, le programme MaPrimeRénov’ est ciblé par le gouvernement à hauteur de 1 milliard d’euros environ. Ce programme est pourtant présenté par le gouvernement lui-même comme la principale action pour la rénovation énergétique des habitations des Français.e.s. Le gouvernement souligne également que “MaPrimeRénov bénéficie davantage aux catégories de ressources modestes et très modestes qui représentent 68 % des bénéficiaires.” (1) Pour Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous, “Ces coupes budgétaires représentent “en même temps” une atteinte aux ambitions environnementales de l’État et une mesure particulièrement injuste socialement. Cette décision aurait dû faire l’objet d’un débat parlementaire.” 

    Note

    (1) Annexe au projet de loi de finances pour 2024, Effort financier de l’Etat en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments, p. 16

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    Adeline Paradeise, juriste en droit de l’environnement – adeline.paradeise@notreaffaireatous.org 

  • Décision historique pour le climat à Strasbourg : La CEDH condamne la Suisse et affirme la responsabilité climatique des Etats européens

    Communiqué de presse, 09 avril 2024 – Les décisions rendues ce matin dans les affaires Carême, “Ainées suisses pour le climat” et Duarte Agostinho, constituent un tournant dans la bataille juridique contre le réchauffement climatique. Ce qu’il faut retenir avant tout de ces décisions, c’est la reconnaissance par la Cour du changement climatique comme une menace pour les droits fondamentaux des citoyen.ne.s européen.ne.s.

    En dépit de conditions d’accès complexes et exigeantes, et face à des États dont la défense se résumait à plaider l’irrecevabilité procédurale des demandes, la CEDH a choisi de déployer des arguments de fond extrêmement denses et complets dans ses décisions “KLIMASENIORINNEN” et, dans une moindre mesure, “DUARTE AGOSTINHO” du 9 avril. La CEDH a ainsi choisi de traiter sur le fond la question de la responsabilité climatique des Etats signataires de la Convention, en en donnant une interprétation limpide. 

    Ainsi, pour la CEDH, “le changement climatique peut avoir des effets négatifs très importants sur les droits fondamentaux protégés par la convention”. Cette reconnaissance ouvre la voie à un nouveau champ contentieux devant la CEDH sur les questions climatiques, considérées comme une menace directe pour les droits fondamentaux. 

    Ces décisions consacrent, au niveau européen désormais, l’obligation d’agir pour les Etats dans la lutte contre le changement climatique, dans la continuité des décisions des tribunaux néerlandais (Urgenda), français (l’Affaire du Siècle, Grande-Synthe) ou encore belges (Klimaatzaak). Elles reconnaissent également que les générations futures paieront un lourd tribut, confirmant ainsi un principe reconnu par la Charte de l’environnement française et plus récemment par le Conseil constitutionnel français. 

    Un rappel à l’ordre est également effectué sur le plan scientifique, la Cour rappelant aux Etats l’insuffisance de leur prise en compte des preuves scientifiques de l’urgence absolue que représente la crise climatique. Pour la CEDH, “le changement climatique est un problème véritablement existentiel pour l’humanité”. 

    Pour Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous, “ces décisions sont historiques. Déjà acculés par de nombreuses décisions nationales, les États européens sont aujourd’hui avertis au plus haut niveau par une Cour suprême européenne et ne peuvent plus ignorer les tribunaux. La question climatique est une menace directe et immédiate pour les droits fondamentaux, il faut agir de manière beaucoup plus ambitieuse ou les contentieux se multiplieront.”

    Dans ces affaires, Notre Affaire A Tous, à l’origine notamment de l’Affaire du Siècle en France, a apporté son soutien aux jeunes Portugais.e.s de l’affaire Duarte Agostinho en présentant un Amicus Curiae à la CEDH. 

    Rendez-vous mercredi 17 avril de 19h à 20h pour un webinaire de décryptage avec Paul Mougeolle, juriste de Notre Affaire à Tous et Justine Ripoll, responsable des campagnes de Notre Affaire à Tous : « retour sur les décisions climatiques historiques de la CEDH Aînées suisses et Duarte Agostinho« .

    Inscription disponible ici :

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    Justine Ripoll, responsable des campagnes : justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Jérémie Suissa, délégué général : direction@notreaffaireatous.org