Catégorie : Communiqué de presse

  • PFAS dans la Vallée de la chimie : rejet en appel sans jugement au fond, les victimes des polluants éternels face à l’injustice

    PFAS dans la Vallée de la chimie : rejet en appel sans jugement au fond, les victimes des polluants éternels face à l’injustice

    Communiqué de presse de Notre Affaire à Tous – Lyon, 15 janvier 2024 – Les victimes des PFAS (« polluants éternels ») de la Vallée de la chimie ne trouveront pas justice aujourd’hui. Dans le cadre d’un référé pénal environnemental lancé en mai 2023 par Notre Affaire à Tous – Lyon, 10 associations et syndicats ainsi que 47 victimes, la Cour d’appel de Lyon rejette la requête sans se pencher sur le fond de l’affaire, en considérant que les victimes n’avaient pas le droit de faire appel, niant leur droit à un recours effectif ! Cette décision est un message inquiétant pour les victimes des PFAS partout en France, mais aussi pour l’effectivité du droit de l’environnement et la protection de la santé publique.

    En une ligne, le juge d’appel renvoie les requérants à la porte, les considérant irrecevables, contre l’avis du procureur général. C’est une posture tout à fait contraire à l’esprit du texte du référé pénal environnemental. Pour Me Louise Tschanz du cabinet Kaizen Avocat, « cette décision de justice viole le droit à un recours effectif des victimes, alors même qu’il s’agit d’une pollution d’une gravité exceptionnelle, à la fois par son ampleur (au moins 200 000 personnes impactées) et par la nature des substances toxiques déversées dans l’environnement (polluants éternels). C’est inexplicable et consternant ». Les requérants avaient choisi de faire appel à la suite d’une décision de première instance de novembre 2023, qui rejetait la requête en arguant, à tort, que plus aucune infraction n’était constatée.

    Ce jugement nie une situation pourtant évidente : les rejets de PFAS d’Arkema ont fait de la Vallée de la chimie le plus gros hot spot français en termes de contamination aux PFAS. Le professeur en chimie environnementale de l’Université de Montréal, Sébastien Sauvé, a même déclaré que la Vallée de la Chimie représente : « un aperçu du pire – ou de l’un des pires scénario que l’on peut avoir en termes de contamination » (source : France 3 Auvergne-Rhône-Alpes). L’ARS Rhône-Alpes a elle-même, pour la première fois ce lundi 15 janvier (source : Le Monde), demandé des mesures correctives à une cinquantaine de communes concernées, situées pour la plupart dans la Vallée de la chimie. Il est essentiel que l’entreprise Arkema mette fin à la pollution et paie, au regard du principe pollueur-payeur.

    L’arrêt des rejets de PFAS et l’établissement d’un état des lieux de la contamination constituent une étape fondamentale dans le combat contre les pollutions éternelles de la Vallée de la chimie. Il est essentiel que le pollueur responsable de ces pollutions finance la connaissance de la contamination. Ainsi, les associations et victimes requérantes se réservent la possibilité de demander la cassation de ce jugement d’appel, pour – enfin – obtenir une décision sur le fond.

    Par ailleurs, le combat ne s’arrête pas à cette décision en référé. La mobilisation autour du référé a déjà servi de déclencheur à une prise de consciences locale forte. Une fois ces analyses établies et l’ampleur du problème confirmée, il sera impératif d’établir les responsables de ce scandale sanitaire et environnemental et de réparer les préjudices. Les pouvoirs publics et les entreprises doivent associer les associations, syndicats et représentant-es du corps médical et de la protection de l’environnement afin d’inventer collectivement des cadres de long-terme pour que ces pollutions industrielles ne puissent plus prendre cette ampleur. Pour l’association, « nous sommes face à un scandale sanitaire du même acabit que l’amiante ou le chlordécone. L’air, l’eau, la terre, la nourriture du quotidien sont touchées et contaminées pour des décennies. La santé et la protection de l’environnement sont des biens communs, qui ne doivent être sacrifiés au profit de calculs économiques, et la justice doit prendre sa responsabilité dans ce qui se joue dans la Vallée de la chimie ».

    Associations, syndicats et victimes étaient réunies pour l’audience d’appel le 07 décembre 2023, devant la Cour d’appel de Lyon. Crédit : Notre Affaire à Tous- Lyon.

    Liste des associations et syndicats requérants :

    Notre Affaire à Tous – Lyon, Notre Affaire à Tous, Agribio Rhône Loire, Alternatiba ANV Rhône, Réseau AMAP AURA, Bien-Vivre à Pierre-Bénite, Fédération Syndicale Unitaire, La Ruche de l’écologie, Les Amis de l’Ile de la Table-Ronde, le Réseau Environnement Santé. 

    Pour plus d’informations sur la situation de la Vallée de la chimie et notre action : voir notre page Internet.

    Contacts presse

    Emma Feyeux, Notre Affaire à Tous – Lyon : emma.feyeux@notreaffaireatous.org

    Pour les questions juridiques – Me Louise Tschanz, Cabinet Kaizen Avocat : louise.tschanz@kaizen.avocat.fr

  • Mayotte : La justice reconnaît les atteintes aux droits fondamentaux causées par la crise de l’eau mais choisit d’attendre la pluie.

    Communiqué de presse des associations Notre Affaire à Tous et Mayotte a soif, Paris, 29 décembre 2023 – Dans le cadre d’un référé-liberté lancé par les associations Notre Affaire à Tous et Mayotte a soif, et soutenu par une quinzaine de Mahorais.e.s, le Conseil d’État reconnaît en appel l’impact de la crise de l’eau sur les droits fondamentaux les plus essentiels des Mahorais tels que la dignité humaine et le droit à la santé. Pour autant, la justice ne s’estime pas compétente pour imposer à l’Etat d’agir plus vite et plus efficacement, alors même qu’elle reconnaît la crise et ses “conséquences extrêmement lourdes pour la population”.

    Cette décision confirme un constat évident, mais reste décevante pour les requérant.e.s qui espéraient que  l’État soit contraint à faire le nécessaire pour mettre fin aux atteintes aux droits fondamentaux. Le tribunal, comme l’Etat, semblent considérer que miser sur  l’arrivée rapide de la pluie constitue une mesure à la hauteur des drames quotidiens que connaissent les habitant.e.ss de l’île.

    Les mesures déployées jusqu’à présent par les services de l’État, pourtant manifestement insuffisantes et inadaptées, laissent donc les Mahorais.e.s sans autres solutions que de faire la queue par milliers et chaque jour, sous des températures ressenties de 38°C, dans des points de distribution trop rares et aux stocks insuffisants. L’épidémie de gastro-entérite continue, les écoles continuent de fermer faute de cuves remplies, les alertes aux métaux lourds dans l’eau au sud-est de Mayotte se répètent, les tours d’eau comme le gel des prix ne sont toujours pas respectés… Face à cette réalité, le Conseil d’Etat estime que l’action de l’Etat est suffisante.

    Avec cette décision, la Justice  retire aux Mahorais.e.s et aux habitant.e.s des autres territoires d’Outre-Mer, dont la plupart subissent également des problématiques d’accès à l’eau potable, tout espoir d’une amélioration rapide de leur situation.  

    Si une décision en réponse à la crise mahoraise était une étape essentielle pour répondre à l’urgence, les problèmes d’accès à l’eau à Mayotte, comme dans les autres territoires d’Outre-Mer, sont structurels. La juge le reconnaît : la crise “révèle un certain nombre de défaillances dans l’organisation et la gestion de l’eau dans ce département”, et appelle à “des efforts renforcés pour identifier les moyens d’action afin de prévenir autant que possible et limiter les conséquences des tensions sur l’approvisionnement en eau potable à Mayotte, en tenant compte des vulnérabilités particulières et des spécificités du territoire concerné”. Sans politique de long-terme adaptée aux spécificités ultramarines, la question se reposera de façon accrue l’année prochaine et à toutes les prochaines saisons sèches.

    Pour plus d’informations sur la situation mahoraise et le référé :

    Contact presse

    Emma Feyeux, Notre Affaire à Tous : emma.feyeux@notreaffaireatous.org

  • L’Affaire du Siècle – Décision du tribunal administratif : l’État n’a pas exécuté le jugement de 2021

    Communiqué de presse – Ce vendredi 22 décembre, le tribunal administratif de Paris a rendu son jugement suite à l’audience du 8 décembre dernier. Bien que les juges reconnaissent que le jugement de 2021 n’a pas été exécuté et que les baisses récentes d’émissions sont en partie dues à des facteurs extérieurs à l’action de l’État, ils rejettent les demandes d’exécution des organisations de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Oxfam France), qui se réservent le droit de faire appel de cette décision.

    Le tribunal administratif de Paris rend une décision qui fait volontairement l’impasse sur le non-respect de l’échéance fixée en 2021, sur le retard climatique pris depuis la condamnation, en raison de l’effondrement des puits de carbone, et sur l’origine des baisses récentes d’émissions de gaz à effet de serre, liées à des facteurs conjoncturels et extérieurs à l’action de l’État. 

    Le Tribunal émet pourtant plusieurs réserves importantes : 

    • Il reconnaît que la réparation du préjudice écologique n’était pas complète à la date du 31 décembre 2022 et que l’État n’a donc pas respecté l’injonction qui lui était faite. Cependant, il considère que le retard pris peut être considéré comme rattrapé en 2023.  
    • Il reconnaît également que les baisses récentes d’émissions sont en partie dues à des facteurs extérieurs à l’action de l’État. Selon les juges, bien que la pandémie de covid-19 ou la crise énergétique aient contribué à la baisse des émissions de gaz à effet de serre, il ne lui appartient pas de déterminer leur impact sur la trajectoire française.
    • Enfin, le Tribunal refuse également de prendre en compte le retard pris par la France sur ses objectifs climatiques du 2ème budget carbone, en raison d’un effondrement des puits de carbone ayant induit sur la période 2019-2022, entre 83 et 92 MtCO2eq de surplus d’émissions, en méconnaissance des objectifs que l’État s’était lui-même fixés.


    Pour Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France : « Après la victoire historique de 2021 reconnaissant la responsabilité de l’État, le tribunal affirme aujourd’hui que l’État n’a pas entièrement exécuté sa décision. Le Tribunal doit aller au bout de son raisonnement et prendre en considération le rôle des pouvoirs publics dans la trajectoire climatique de la France. Nous nous réservons le droit de faire appel pour que cette responsabilité soit reconnue et que l’État mette en place de réelles politiques climatiques structurelles. »

    Pour Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous : « Par cette décision, le Tribunal accepte l’idée que l’État aurait compensé le préjudice sans réelle intention de le faire. Si le préjudice a été compensé, c’est par l’effet du covid, de la météo et des conséquences de la guerre en Ukraine, et pas par une action réelle et durable de l’État. La justice doit être plus ambitieuse face à l’inaction climatique des gouvernements. »

    Pour Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France : « Nous sommes plus que jamais déterminé·es à faire respecter la condamnation de l’État de 2021, ainsi que les engagements climatiques de la France. L’action de l’État est bien trop timide et parfois même climaticide comme en témoignent les récents reculs concernant le terminal méthanier du Havre ou la sortie du charbon. Les objectifs climatiques ne seront pas tenus sans politiques publiques ambitieuses et en ne misant que sur une transition subie par les plus modestes. 2,3 millions de personnes ont soutenu notre recours juridique : nous ne lâcherons rien. »

    Notes aux rédactions

    Photos de l’Affaire du Siècle et de l’audience du 8 décembre disponibles ici

    Rappel chronologique des grandes étapes du dossier juridique de l’Affaire du Siècle : 

    • 18 décembre 2018 : demandes préalables et lancement de la pétition Affaire du Siècle
    • 14 octobre 2021 : condamnation de l’État pour inaction climatique par le Tribunal administratif de Paris
    • 31 décembre 2022 : délais pour l’État pour se mettre en conformité avec le jugement
    • 14 juin 2023 : dépôt de la demande d’astreinte par les organisations de l’Affaire du Siècle
    • 3 novembre 2023 : versement du rapport commandé au Collectif Éclaircies au dossier juridique 
    • 8 décembre 2023 : audience
    • 22 décembre 2023 : jugement 

    Contacts presse

    Notre Affaire à tous – Justine Ripoll : justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • La cour d’appel valide l’intérêt à agir de Notre Affaire à Tous face au greenwashing de TotalEnergies

    Communiqué de presse, Paris, le 13 décembre 2023 – La cour d’appel de Paris confirme la recevabilité de l’association Notre Affaire à Tous dans l’action en justice contre TotalEnergies pour pratiques commerciales trompeuses, initiée en mars 2022 aux côtés de Greenpeace France et des Amis de la Terre France. Cette deuxième victoire d’étape confirme le jugement rendu en 1ère instance le 16 mai 2023 qui a ouvert la voie aux débats de fond sur la publicité mensongère et le greenwashing de TotalEnergies.

    Le 2 mars 2022, les associations Greenpeace France, les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous, avec le soutien de l’association ClientEarth, ont intenté une action en justice contre TotalEnergies pour publicité mensongère et greenwashing. La multinationale est accusée d’avoir mené une campagne de greenwashing, prétendant s’engager dans la lutte contre les changements climatiques tout en continuant ses activités axées sur les énergies fossiles.

    Les associations avaient alors dénoncé cette opération de communication trompeuse au regard de la réalité : TotalEnergies continue de dépendre à 90% des énergies fossiles et de consacrer 80% de ses investissements à ces activités. Le procès met également en lumière les allégations fallacieuses de la multinationale sur son ambition de « neutralité carbone » et le caractère prétendument écologique du gaz fossile et de la biomasse.

    TotalEnergies avait dans un premier temps soulevé plusieurs moyens d’irrecevabilité, qui ont cependant été rejetés par le tribunal judiciaire de Paris le 16 mai 2023, excepté la recevabilité de l’intervention volontaire de l’association Clientearth. TotalEnergies a alors fait appel de l’intérêt à agir de Notre Affaire à Tous.

    La cour d’appel a finalement rejeté les arguments de la multinationale pétro-gazière vendredi 8 décembre et confirme que l’association, aux côtés de Greenpeace France et les Amis de la Terre, a donc bien un intérêt à agir pour poursuivre en justice des acteurs pour pratiques commerciales trompeuses et plus largement en protégeant les consommateurs, dès lors que cela porte sur des enjeux climatiques et environnementaux.

    “TotalEnergies est au courant depuis plus d’un demi siècle de l’impact de ses activités sur le climat, mais continue de produire en toute impunité de la désinformation pour protéger ses activités climaticides. Comme à son habitude, la multinationale a de nouveau tenté toutes les manœuvres dilatoires possibles, mais cette décision confirme l’intérêt à agir de Notre Affaire à Tous en matière de greenwashing ” déclare Jérémie Suissa, délégué général de l’association Notre Affaire à Tous

    Contact presse

    Vincent Bezaguet, Chargé de Campagne : vincent.bezaguet@notreaffaireatous.org

  • Devoir de vigilance : un accord trouvé au niveau européen, fortement affaibli par le lobbying des multinationales

    Communiqué de presse, Paris, le 14 décembre 2023 – Les négociateurs et négociatrices des trois institutions européennes – Parlement, Conseil de l’UE et Commission – sont parvenu·e·s tôt ce matin à un accord politique sur la directive sur le devoir de vigilance des entreprises. S’il marque un tournant pour la régulation des entreprises multinationales en Europe, cet accord reste insuffisant à bien des égards, y compris du fait de l’obstruction de la France concernant le secteur financier et les obligations climatiques.

    La directive sur le devoir de vigilance des entreprises vise à obliger les grandes entreprises européennes (ou actives en Europe) à mettre en œuvre des mesures pour prévenir certaines atteintes aux droits humains et à l’environnement résultant de leurs activités et de celles de leurs filiales et chaînes d’approvisionnement.

    Si cette directive marque une étape importante dans la protection des droits des travailleur·se·s et des communautés affectées par les activités des multinationales, nos organisations déplorent son manque d’ambition sur plusieurs points cruciaux : définition étroite des atteintes à l’environnement et des dommages couverts par la directive, exclusion de l’Accord de Paris, exclusion des services financiers de l’obligation générale de vigilance, etc.

    Alors que la France était pionnière en matière de devoir de vigilance en Europe avec une loi adoptée dès 2017, le gouvernement français, répondant aux sirènes des lobbies, s’est évertué à contrer la position du Parlement européen et de la majorité des États membres, en plaidant pour l’exclusion des services financiers ou encore contre la reconnaissance des droits des peuples autochtones. 

    L’accord trouvé exclut ainsi tous les services financiers de l’obligation générale de vigilance, renvoyant leur inclusion à une future législation aussi incertaine que lointaine. Il s’agit d’une exclusion incompréhensible alors que ces services sont couverts par la loi française sur le devoir de vigilance, BNP Paribas faisant d’ailleurs l’objet de deux actions en justice sur ce fondement. Dans le reste de l’UE, cette exclusion pourrait permettre aux acteurs financiers de continuer à soutenir des projets et entreprises dangereux pour l’environnement et les droits humains sans avoir à rendre de compte.

    Le Parlement européen a néanmoins réussi à obtenir l’inclusion de certaines mesures visant à faciliter l’accès à la justice des personnes affectées, notamment en termes d’accès aux preuves et sur la capacité des associations et syndicats de représenter les victimes. Mais ces mesures restent bien insuffisantes face au parcours du combattant auquel font face les victimes dans le cadre des procédures judiciaires face à des multinationales.

    Le texte comprend aussi l’obligation pour les grandes entreprises d’adopter un plan de transition climatique et de le rendre effectif. Cependant, le contrôle du contenu des plans et de leur mise en œuvre reste particulièrement flou et déterminera l’effectivité du dispositif.

    Après finalisation au niveau technique, le texte devrait être soumis au vote du Conseil de l’UE et du Parlement européen en début d’année prochaine, avant les prochaines élections européennes en juin 2024. Il devra ensuite être transposé dans chacun des États membres.

    La société civile, engagée pour mettre fin à l’impunité des multinationales, reste donc plus que jamais mobilisée et vigilante quant aux prochaines étapes, notamment de transposition de la directive au niveau national, afin de garantir le respect des droits des personnes affectées et de l’environnement.

    Contacts presse :

    ActionAid France :
    Maelys Orellana, maelys.orellana@actionaid.org

    Amis de la Terre France :
    Juliette Renaud, juliette.renaud@amisdelaterre.org

    CCFD-Terre Solidaire :
    Clara Alibert, c.alibert@ccfd-terresolidaire.org ;
    Sophie Rebours, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org

    Notre Affaire à Tous :
    Brice Laniyan, brice.laniyan@notreaffaireatous.org

    Reclaim Finance :
    Olivier Guérin, olivier@reclaimfinance.org

    Sherpa :
    Lucie Chatelain lucie.chatelain@asso-sherpa.org

    Oxfam France :
    Stanislas Hannoun, shannoun@oxfamfrance.org

  • Audience du 8 décembre : le rapporteur public refuse d’examiner la responsabilité de l’État dans les baisses d’émissions

    L’Affaire du Siècle, communiqué de presse, 8 décembre 2023

    Les associations de l’Affaire du Siècle alertent sur les conclusions du rapporteur public qui ne vont pas dans le sens d’une exécution effective de la condamnation de l’État français pour inaction climatique prononcée en 2021. Le rapporteur préconise au tribunal administratif de Paris de faire l’impasse sur l’origine des baisses récentes d’émissions, liée à des facteurs conjoncturels et extérieurs à l’action de l’État, mais également de ne pas considérer le retard climatique pris depuis la condamnation de 2021.

    Lors de l’audience du 8 décembre 2023, le rapporteur public conclut à une exécution du jugement de 2021 par l’État. S’il reconnaît la logique et la pertinence des arguments des associations, il ne conseille pas au tribunal administratif de les prendre en compte dans sa décision. Certes, reconnaît-il, les baisses d’émissions sont dues à des facteurs exogènes et conjoncturels, les rares mesures prises par l’État n’ont pas pu avoir d’effet avant le 31 décembre 2022, et dans le même temps, les puits de carbone s’effondrent, entraînant un nouveau surplus d’émissions, mais ces éléments ne font, selon le rapporteur, pas partie du jugement de 2021. 

    Le tribunal peut choisir de ne pas suivre ces conclusions. C’est ce qu’ont plaidé les avocats de l’Affaire du Siècle lors de cette audience du 8 décembre. Ils ont rappelé que deux visions et définitions du préjudice écologique se font face : celle de l’État et du rapporteur, qui définissent le préjudice écologique comme étant équivalent au surplus de 15 Mgt d’émissions, s’oppose à celle des associations, et selon elles à celle du tribunal en 2021, qui définissait clairement le préjudice comme les conséquences “liées” ou “nées” de ce surplus d’émissions. 

    Le gouvernement ne peut décemment prétendre qu’il respecte ses objectifs climatiques alors qu’il se cache derrière la baisse des émissions liée à des facteurs qui n’ont rien à voir avec son action, à savoir la crise énergétique et un hiver 2022-2023 particulièrement doux. Pendant ce temps, il multiplie les petits pas et les reculs sur le climat. Au-delà du bilan comptable, il est impératif de vérifier que l’État est volontairement à l’origine de la baisse des émissions de CO2”, déclare Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.

    En pleine COP 28, nous sommes déçus des conclusions du rapporteur public qui ne sont pas à la hauteur des enjeux et moins ambitieuses que le jugement de 2021 qui, lui, allait dans le sens de la responsabilité de l’État. Ces conclusions dépolitisent complètement l’action étatique. Le tribunal peut encore se saisir de cette opportunité historique pour marquer le droit climatique au-delà des frontières françaises”, affirme Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France. 

    Quand 2,3 millions de personnes ont demandé à nos côtés au tribunal de regarder de plus près l’action climatique de l’État, que le gouvernement jugeait satisfaisante, la justice leur a donné raison. Après une condamnation historique en 2021, le tribunal doit être à la hauteur des attentes encore fortes des citoyen·nes et se donner les moyens de faire respecter sa décision”, ajoute Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous.  

    La dernière décision du Conseil d’État de mai 2023 va également dans le sens des associations : il faut urgemment garantir un meilleur suivi et une évaluation qualitative de l’action climatique de la France.

    Le jugement est désormais attendu dans les prochaines semaines. La date n’est pas communiquée en amont aux parties.

    Contacts presse

    Les équipes de Notre Affaire à Tous, de Greenpeace France et d’Oxfam France et leurs juristes se tiennent disponibles pour les interviews. 

    Marika Bekier – Responsable presse, Oxfam France :
    mbekier@oxfamfrance.org 

    Cécile Cailliez – Responsable communication, Greenpeace France :
    cecile.cailliez@greenpeace.org

    Justine Ripoll – Responsable de campagne, Notre Affaire à Tous :
    justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Notes aux rédactions

    Photos de l’Affaire du Siècle libres de droits pour la presse disponibles sur ce lien (des photos prises après l’audience seront ajoutées directement sur cette plateforme).

    Rappel chronologique des grandes étapes du dossier juridique de l’Affaire du Siècle : 

    • 18 décembre 2018 : demandes préalables et lancement de la pétition Affaire du Siècle
    • 14 octobre 2021 : condamnation de l’État pour inaction climatique par le Tribunal administratif de Paris
    • 31 décembre 2022 : délais pour l’État pour se mettre en conformité avec le jugement
    • 14 juin 2023 : dépôt de la demande d’astreinte par les organisations de l’Affaire du Siècle
    • 3 novembre 2023 : versement du rapport commandé au Collectif Éclaircies au dossier juridique 
    • 8 décembre 2023 : audience
    • Fin décembre : jugement 
  • CP / La justice sourde à la soif de Mayotte : les associations font appel devant le Conseil d’État

    Communiqué de presse des associations Notre Affaire à Tous et Mayotte a soif, Mamoudzou, 28 novembre 2023 – Ce samedi 25 novembre, alors que la préfecture de Mayotte annonçait que l’île entrait « dans la période la plus critique de la crise de l’eau », le tribunal administratif de Mayotte a rejeté le référé-liberté porté par Notre Affaire à Tous, Mayotte a soif ainsi qu’une quinzaine de Mahorais.e.s. Par ce rejet, le juge refuse d’établir une responsabilité et élude complètement la réalité : les mesures actuelles sont manifestement insuffisantes et seul l’Etat peut agir pour renverser une tendance qu’il a lui-même aggravée par son inaction depuis des années. Ce n’est pas acceptable, à l’heure où persistent les atteintes aux droits fondamentaux causées par la crise de l’eau et l’insuffisance de l’action de l’État et de ses services. Les associations et requérant.e.s font appel de cette décision, afin de porter devant le Conseil d’État le sujet du manque d’action de l’État pour garantir l’accès à l’eau potable à Mayotte, carence visiblement marquée d’un prisme discriminatoire à l’encontre des citoyen.ne.s d’Outre-Mer.

    Le tribunal administratif de Mayotte concède pourtant que la « situation d’urgence n’est pas contestable ». Dans son ordonnance de rejet, il souligne également que, si la cause première de la crise de l’eau actuelle est la sécheresse particulièrement importante cette année, cette dernière révèle « un certain nombre de défaillances dans l’organisation et la gestion du service en charge de la gestion de l’eau dans ce département depuis plusieurs années ». Malgré ces constats évidents, le tribunal conclut ensuite que les demandes des associations et requérant.e.s sont insuffisamment fondées, notamment au regard des mesures déployées par l’État en réponse à la crise (voir notre dossier de presse).

    Pourtant, la situation des Mahorais.e.s s’aggrave, preuve de la faiblesse et de l’inadaptation de ces mesures. Une nouvelle fois, la préfecture a ainsi appelé la population à baisser sa consommation, alors que cette dernière est déjà bien inférieure à des besoins de base en eau. De plus, les mesures mises en œuvre renforcent des inégalités de fait. Depuis le 20 novembre, la distribution de l’équivalent d’un litre d’eau en bouteille par personne a commencé. Or, au-delà de l’insuffisance évidente de cette quantité pour les besoins d’hydratation et d’hygiène, Mayotte a soif dénonce la logistique de la distribution des bouteilles d’eau. Elle ne tient pas compte de la réalité des habitant.e.s : obligation de se déplacer, de se rendre disponible à des heures compliquées pour les personnes travaillant ou avec des enfants scolarisés, de faire la queue debout – parfois pendant des heures -,  etc.  

    C’est précisément par son échec à mettre en place des mesures suffisantes pour atteindre un accès à l’eau potable de base (équivalent à 100 L / jour / personne) que l’État se rend responsable des atteintes aux libertés fondamentales des Mahorais.e.s. Pour Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire À Tous, « les mesures déployées par l’État ces dernières semaines restent insuffisantes pour apporter une réponse décente aux difficultés dramatiques auxquelles font face les habitant.e.s de l’île. Surtout, ces mesures prises dans l’urgence, par à-coups et sans vision de long terme ne constituent en aucune manière un plan global de sortie de crise ». C’est précisément à ce besoin que devrait répondre le déclenchement du plan ORSEC eau potable demandé par les requérant.e.s, et dont la plus-value est bien de constituer un document de « planification et de gestion de crise ». Pour Racha Mousdikoudine, présidente de l’association Mayotte a soif, ce plan est « un dispositif qui permet d’identifier les problématiques engendrées par la pénurie d’eau et d’apporter ainsi des mesures correctives indispensables à la gestion de la crise. Il n’est donc pas substituable aux mesures prises par l’État au compte-goutte. Ce plan est le garant d’une meilleure coordination de tous les acteurs en place », qui fait défaut depuis des années à Mayotte.

    Pour plus d’informations sur la situation mahoraise et le référé :

    Contacts presse

    Notre Affaire à Tous, Emma Feyeux : emma.feyeux@notreaffaireatous.org
    Mayotte a soif, Racha Mousdikoudine : contact@mayotteasoif.fr

  • CP / Justice pour le Vivant : en appel, les ONG demandent au juge d’obliger l’Etat à améliorer l’évaluation des risques des pesticides

    Ce lundi 20 novembre, les ONG de Justice pour le Vivant ont transmis leurs arguments à la cour administrative d’appel de Paris dans leur mémoire complémentaire. Elles entendent prouver la nécessité de revoir la méthodologie de l’évaluation des risques des pesticides et obliger l’Etat à agir sur ce point afin de lutter efficacement contre l’effondrement de la biodiversité. 

    Les ONG portant le recours Justice pour le Vivant, POLLINIS, Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds, l’ASPAS et ANPER-TOS ont déposé leur mémoire complémentaire, après avoir fait appel d’une partie de la décision. Elles souhaitent compléter la victoire partielle obtenue lors du jugement en première instance et obliger l’Etat à corriger les failles de la méthodologie d’évaluation des risques des pesticides, préalable indispensable pour enrayer l’effondrement de la biodiversité en France.

    Le 29 juin dernier, le tribunal administratif avait rendu une décision historique en reconnaissant pour la première fois le préjudice écologique lié à l’effondrement de la biodiversité causé par les pesticides. Il a également condamné l’Etat à renouer avec les objectifs des plans Ecophyto d’ici le 30 juin 2024 et à respecter les obligations de protection des eaux souterraines. Cependant, et bien qu’une carence de l’Etat ait été reconnue à ce sujet, les ministères visés n’ont pas été condamnés à combler les failles des procédures d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des pesticides. C’est pour obtenir une victoire sur cet élément central que les ONG ont décidé de faire appel.

    « Le gouvernement peut proposer de nouveaux plans Ecophyto… S’il ne revoit pas l’évaluation des risques des pesticides, il n’arrêtera pas l’effondrement en cours de la biodiversité, et les objectifs drastiques de réduction resteront, comme depuis 2018, des promesses non tenues, déclarent les associations. Face à l’ampleur de l’effondrement de la biodiversité, il est urgent d’agir et de corriger les failles reconnues par le tribunal en première instance. »

    La reconnaissance des failles de l’évaluation des risques lors du jugement en première instance n’a pour le moment pas entraîné de réaction de l’Etat, qui a également fait appel de la décision. Rejetant l’ensemble du jugement, le gouvernement se refuse à agir et persévère dans son déni de responsabilité. L’appel de la décision n’étant pas suspensif, il est cependant toujours tenu de renouer avec les objectifs définis par les plans Ecophyto d’ici le 30 juin 2024.

    L’IMPORTANCE DE REVOIR L’ÉVALUATION DES RISQUES DES PESTICIDES

    Il existe bel et bien un lien de causalité direct et certain entre le déclin de la biodiversité et les failles de la procédure d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des pesticides. De nombreuses études scientifiques (1) permettent d’établir l’existence de toute une série d’effets des pesticides – chroniques, sublétaux, indirects, cocktails, etc. – et de voies d’exposition qui ne sont pas, ou pas suffisamment, pris en compte par l’Anses dans le cadre de l’évaluation des risques. Ces mêmes études démontrent pourtant l’ampleur que ces effets peuvent avoir sur la survie des populations d’espèces non ciblées par les pesticides. Obliger l’Etat à agir sur ce point est indispensable pour enrayer l’effondrement de la biodiversité en cours.

    Une évaluation adéquate des risques permettrait nécessairement de mieux déterminer la toxicité des pesticides avant toute mise sur le marché et de mieux gérer les risques associés :

    • Une tribune publiée le 12 octobre dans le Monde par un collectif de chercheurs, dont Céline PELOSI, directrice de recherche à l’INRAE, dénonçait par exemple les effets délétères du glyphosate sur l’ADN et la reproduction des vers de terre, et l’inadéquation des tests menés pour évaluer ces risques, dans le cadre du renouvellement de l’autorisation de l’herbicide. 
    • Le cas de l’évaluation des effets des néonicotinoïdes sur les abeilles est particulièrement révélateur de l’importance de mener une évaluation adéquate des risques. C’est seulement parce qu’à titre exceptionnel, les autorités réglementaires françaises et européennes ont pris en compte des tests supplémentaires par rapport à ceux prévus par les procédures d’évaluation en vigueur, que leurs effets délétères pour les abeilles, jusqu’alors ignorés, ont pu être mis en évidence et pris en compte. Ce précédent montre comment une meilleure évaluation des risques peut conduire à l’identification et à l’interdiction de produits responsables de l’extinction de la biodiversité.   

    Note

    (1)  Plusieurs études et rapports institutionnels mentionnant ces effets sont consultables ici : https://justicepourlevivant.org/admin/wp-content/uploads/2023/04/bibliographie-recours-jplv.pdf

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    Notre Affaire à Tous – Justine Ripoll : justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • CP / Dangerosité des sites industriels : Notre Affaire à Tous conteste l’opacité organisée par le gouvernement 

    CP / Dangerosité des sites industriels : Notre Affaire à Tous conteste l’opacité organisée par le gouvernement 

    Paris, 23 novembre 2023 – Alors que la France est déjà épinglée par l’Union Européenne parce qu’elle ne garantit pas suffisamment l’accès à l’information environnementale, le gouvernement choisit de restreindre encore davantage ce droit. Par une instruction du 12 septembre 2023 transmise à ses services de préfecture, il élargit de manière injustifiée et illégale le champ des informations non-communicables relatives aux sites industriels potentiellement dangereux pour l’environnement et la santé (ICPE). L’association Notre Affaire à Tous dépose ce jour un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d’État pour faire annuler cet acte restreignant encore une fois le droit à l’information des citoyen.ne.s et, par là, la protection de notre environnement et de notre santé.

    Le gouvernement considère que ces informations potentiellement sensibles peuvent faciliter la commission d’actes de malveillance dans les ICPE, sans pour autant justifier de la réalité de ce risque. Sur cette base, il laisse la liberté « aux industriels d’identifier les informations sensibles », et aux préfectures de « refuser la consultation ou la communication si cela porte atteinte notamment à la sûreté de l’État, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes ». Les communications portant sur ces sites dangereux pourraient donc désormais être « réalisées après occultation ou disjonction des informations sensibles, ou potentiellement sensibles », sans que ces rétentions ne soient signalées. Des informations sur des éléments potentiellement dangereux pour l’environnement ou la santé, reconnus par la Commission d’accès aux documents administratifs comme devant rester communicables, pourraient donc désormais devenir secrets, comme par exemple les quantités de substances dangereuses effectivement présentes sur le site à un instant donné en situation normale. Ces informations ont pourtant maintes fois par le passé permis d’éviter des catastrophes et de contraindre les industriels à revoir leurs procédures de sécurité. 

    Cette instruction va dans le sens contraire de la réalisation d’un des principes fondamentaux du droit de l’environnement, et plus encore de la santé environnementale : le droit à l’information, et avec lui, le droit à la participation et à l’accès à la justice. Pourtant, l’accès à l’information environnementale est un droit capital consacré de longue date par le code de l’environnement. Il a même acquis une valeur constitutionnelle en étant intégré à la Charte de l’environnement. Il est aussi protégé au niveau international par la Convention d’Aarhus de 1998, ratifiée par la France et reprise au niveau européen par la directive 2003/4/CE du 28 janvier 2003. 

    Alors que l’urgence écologique ne va qu’en s’intensifiant et que les risques – particulièrement industriels – pour la santé environnementale sont de plus en plus inquiétants (on pense par exemple au scandale des “polluants éternels”), restreindre l’accès aux informations sur ces sujets constitue un signal très clair envoyé aux industriels. Le gouvernement préfère diaboliser les lanceurs d’alertes que permettre un meilleur contrôle collectif des sites dangereux. . Cela s’inscrit dans la droite ligne du détricotage du droit de l’environnement auquel le gouvernement procède depuis plusieurs années, comme avec la loi et le décret ASAP. Par ce recours, Notre Affaire à Tous réaffirme la nécessité de  garantir l’accès des citoyens et citoyennes aux informations de santé publique et de faire du droit de l’environnement un droit protecteur et non un cadre incontrôlé de laisser-faire pour les industriels.

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    Emma Feyeux, Notre Affaire à Tous : emma.feyeux@notreaffaireatous.org

  • CP / Recours d’urgence pour l’accès à l’eau : Mayotte a soif et l’État regarde ailleurs

    Communiqué de presse des associations Notre Affaire à Tous et Mayotte a soif
    Mamoudzou, 16 novembre 2023

    Les habitantes et habitants de Mayotte affrontent actuellement un pic dans la crise qui les prive d’eau potable depuis des mois. Via un référé liberté, les associations Notre Affaire à Tous et Mayotte a soif ainsi que 15 victimes requérantes demandent au tribunal administratif de Paris de reconnaître l’impact de la crise sur les droits fondamentaux et la réponse insuffisante de l’État. Pour elles, la situation à Mayotte est le résultat de plusieurs années d’un désengagement de l’État sur ces questions et d’une inadaptation discriminatoire des politiques publiques déployées. Les associations espèrent que ce référé permettra d’ordonner en urgence à l’Etat de prendre des mesures de sortie de crise équitables, à la hauteur du drame sanitaire et humain qui se déroule sur l’île, et durablement adaptées aux problématiques propres à ce territoire français ultramarin.

    Depuis plus de sept mois, la crise de l’eau, qui s’aggrave progressivement depuis 2016, s’est intensifiée à Mayotte. Les Mahorais·e·s vivent désormais au rythme des coupures d’eau de plus de 48h et ne reçoivent souvent qu’une eau brune et odorante, déjà signalée impropre à la consommation à certains endroits par l’ARS, lorsque les robinets coulent à nouveau. Les conséquences sanitaires sont manifestes, selon Santé Publique France : épidémie de gastro-entérite, mais aussi risques d’épidémies de choléra, d’hépatite A, de fièvre typhoïde et de poliomyélite. L’agence nationale de santé publique évoque ainsi une « menace sanitaire importante », dans un contexte où l’hôpital de Mayotte manque déjà de soignant.e.s. 

    Par ailleurs, cette crise n’est pas seulement sanitaire. Plusieurs écoles et lycées ont été fermés faute d’eau potable pour les élèves et enseignant·e·s, et les tensions sociales ont repris autour du partage de cette ressource vitale dans le département le plus pauvre de France. Pour Racha Mousdikoudine, présidente de l’association Mayotte a soif, « les Mahorais vivent en situation de crise humanitaire ignorée, loin des standards d’un département français, et il est pourtant attendu d’elles et eux de continuer à remplir leurs obligations professionnelles, citoyennes et personnelles comme si de rien n’était, avec des répercussions sur leur dignité inimaginables pour toute personne qui ne le vit pas ».

    Mayotte a soif, et l’État regarde ailleurs. Pire, il laisse la situation s’empirer depuis des années. En se retirant progressivement de la gestion de l’eau sans tenir compte des particularités mahoraises, il a transféré des responsabilités et compétences de ce service public aux collectivités territoriales, au syndicat de la Mahoraise des Eaux (SMAE) qui fait l’objet de suspicions de corruption et de favoritisme depuis des années, et à l’entreprise Vinci dont des irrégularités sur leurs activités de travaux ont entraîné la suspension du versement des fonds européens entre fin 2020 et mars 2023. Force est de constater que l’État n’assure plus son rôle de pilote du bon fonctionnement de ce service public depuis des années. Même dans la crise actuelle, vouée à s’aggraver du fait des effets du dérèglement climatique, sa réponse ne suffit pas à protéger l’intégrité physique et psychologique de la population : 34 000 000 de litres par jour vont manquer à l’appel.

    Pourtant, l’eau n’est pas qu’un service public relevant de telle ou telle compétence administrative : c’est un droit fondamental, reconnu en droit international comme en droit français. Ce droit semble rester théorique à Mayotte, comme dans d’autres territoires d’Outre-Mer, faute d’une véritable volonté politique et d’instruments adaptés pour garantir sa mise en œuvre. Cette situation est révélatrice d’une attitude discriminatoire de l’État Français envers ces territoires : jamais on ne pourrait imaginer en France hexagonale qu’un département puisse connaître une telle pénurie d’eau sans que l’État n’en fasse une priorité absolue.

    Via ce référé-liberté, Notre Affaire à Tous et Mayotte a soif demandent notamment de :

    1 – Faire reconnaître l’impact de la crise sur les droits fondamentaux des Mahorais·e·s ;

    2 – Imposer à l’État et à ses services le déclenchement du plan d’urgence normalement prévu pour répondre à la crise : le plan ORSEC eau potable ;

    3 – Rétablir au plus vite la fourniture d’eau potable pour tou·.te·.s, en qualité et quantité suffisante, en priorité au sein des établissements scolaires et de santé ;

    4 – Savoir comment l’État compte gérer la crise sanitaire imminente déclenchée par la crise de l’eau actuelle, en commençant par établir un diagnostic des impacts sanitaires de la crise.

    Contacts presse

    Notre Affaire à Tous, Emma Feyeux : emma.feyeux@notreaffaireatous.org

    Mayotte a soif, Racha Mousdikoudine : contact@mayotteasoif.fr

    Pour les questions juridiques, Me Hilème Kombila hilemekombila@blcavocats.com