Catégorie : Communiqué de presse

  • CP / Procès climatique contre TotalEnergies : l’action judiciaire continue devant la cour d’appel 

    Paris, 10 novembre 2023 – Dans le contentieux climatique porté par 6 associations et 15 collectivités territoriales contre TotalEnergies, une décision du tribunal judiciaire de Paris du 6 juillet 2023 a jugé l’action irrecevable. Cette décision reposant sur une interprétation contestée et inquiétante de la loi sur le devoir de vigilance et des dispositions relatives au préjudice écologique, la coalition a décidé de poursuivre les débats sur la recevabilité de l’action devant la cour d’appel de Paris.

    En janvier 2020, une coalition d’associations et de collectivité territoriales* a assigné TotalEnergies devant le tribunal judiciaire de Nanterre, rejointe depuis par les collectivités de Paris, New-York, Poitiers et Amnesty International France. L’objectif est de contraindre la compagnie pétrolière à prendre les mesures nécessaires pour s’aligner avec l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris, conformément à la loi sur le devoir de vigilance.

    Dans une ordonnance du 6 juillet 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a déclaré l’action judiciaire irrecevable. Une décision inquiétante alors que plusieurs autres actions judiciaires fondées sur la loi sur le devoir de vigilance ont également été jugées irrecevables pour  des motifs largement contestés par les milieux académiques et les organisations de la société civile.

    Déterminées à contraindre la major pétro-gazière française à respecter ses obligations en matière climatique, les associations et collectivités de la coalition déposent aujourd’hui leurs conclusions auprès de la cour d’appel.

    Dans la décision du 6 juillet 2023, le juge a considéré que TotalEnergies n’aurait pas régulièrement été mise en demeure au motif que les demandes formulées dans l’assignation n’étaient pas strictement identiques à celles du courrier de mise en demeure envoyé à la multinationale en juin 2019.

    Bien que la loi sur le devoir de vigilance n’impose aucune phase de « discussion » ou de « conciliation » obligatoire entre les entreprises et les associations ou personnes affectées, cette ordonnance prétexte un manque de dialogue pour juger irrecevable l’action judiciaire. Alors que la coalition a interpellé, échangé et rencontré les dirigeants de l’entreprise avant la mise en demeure, ce qui n’est aucunement imposé par la loi, le juge n’a pas pris en compte ces échanges préalables.

    Le juge a considéré par ailleurs que les collectivités n’auraient pas intérêt à agir, au motif que les effets du changement climatique seraient mondiaux, et pas limités à leur territoire.

    Le devoir de vigilance oblige pourtant les multinationales à prévenir les risques d’atteintes aux droits humains, à la santé et à l’environnement causés par leurs activités.

    La coalition entend contester la restriction de l’accès à la justice opérée par cette décision. La décision du tribunal dans cette affaire va à l’encontre de l’esprit du législateur, et des nombreux rapports soulignant l’urgence climatique. La coalition se tourne aujourd’hui vers  la cour d’appel pour faire reconnaître la recevabilité  de ses demandes afin que l’impact des activités de TotalEnergies sur le dérèglement climatique puisse enfin être jugé.

    L’appel soulève également la question de l’impartialité de cette décision d’irrecevabilité, à la suite de la publication d’informations concernant de possibles liens familiaux entre le juge de la mise en état et un haut cadre de TotalEnergies.

    La décision de la cour d’appel est attendue en 2024.

    Pour en savoir plus : L’action des associations et collectivités jugée irrecevable, une décision inquiétante (Juillet 2023)

    Les pages dédiées au dossier : Sherpa ; Notre Affaire À Tous

    Notes

    Associations membres de la coalition : Notre Affaire À Tous, Sherpa, Les Eco-Maires, France Nature Environnement, ZEA. 

    Collectivités membres de la coalition :  Arcueil, Bayonne, Bègles, Bize-Minervois, Centre Val de Loire, Correns, Est-Ensemble Grand Paris, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran, Vitry-le-François ; Depuis septembre 2022 : Paris, New-York, Poitiers.

    Intervenante accessoire volontaire : Amnesty International France.

    Contacts presse

    Sherpa : Théa Bounfour, Chargée de plaidoyer et contentieux
    thea.bounfour@asso-sherpa.org

    Notre Affaire À Tous : Vincent Bezaguet, Chargé de campagne
    vincent.bezaguet@notreaffaireatous.org

  • CP/ Notre Affaire À Tous alerte 26 entreprises multinationales françaises sur leurs manquements en matière de vigilance climatique 

    Mercredi 8 novembre 2023 – Alors que les tribunes de dirigeants et responsables RSE de grandes entreprises se multiplient (1) en amont de la COP28, demandant une régulation plus forte et claire de leurs activités au nom de la lutte contre le changement climatique, l’association Notre Affaire à Tous interpelle 26 multinationales françaises sur leurs manquements en matière de vigilance climatique. 

    Le respect des engagements climatiques de la France, et en particulier sa juste part dans les efforts d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre mondiales, doit nécessairement passer par la régulation et la mise en conformité des multinationales françaises, actives partout dans le monde, avec les objectifs de l’Accord de Paris. Selon le Gouvernement, les entreprises ont même la responsabilité d’assurer “la moitié des efforts” nécessaires à la transition écologique. 

    Les 26 entreprises analysées dans le Benchmark 2023 de la vigilance climatique des multinationales françaises, et interpellées aujourd’hui par courrier, peuvent, à elles seules, agir sur au moins 10% des émissions mondiales. Bien loin des discours qui cherchent à démontrer que la France ne pourrait agir que sur 1% des émissions mondiales, les multinationales françaises doivent prendre leurs responsabilités et enclencher une révolution dans leurs activités, stratégies et critères de réussite, afin que les objectifs de l’Accord de Paris soient collectivement atteints. Cette obligation explicite est notamment ancrée depuis 2022 dans la directive européenne sur le reporting extra-financier (Corporate Sustainability Reporting Directive) (2). 

    Le cas des banques est notamment révélateur du poids des acteurs français dans la transition et la planification écologique mondiale. La France est le premier pays européen à soutenir des projets d’extraction de “bombes climatiques” partout sur la planète, via les 154 milliards de dollars de soutiens financiers que les banques françaises ont apportés aux entreprises planifiant ou exploitant ces projets incompatibles avec l’Accord de Paris (3). 

    Il est impératif que l’Etat français, via des réglementations contraignantes et un contrôle de l’application de ces lois, et les entreprises françaises les plus émettrices, via la mise en œuvre de mesures de vigilance adaptées, activent tous les leviers possibles pour garantir une réduction forte des émissions territoriales et extra-territoriales, et ainsi oeuvrer à une atténuation des impacts du dérèglement climatique, notamment en France qui est l’un des pays les plus impactés par la crise climatique en Europe (4). 

    Les courriers d’interpellation à la Société Générale, Crédit Agricole, Carrefour ou encore Stellantis-PSA, visent à apporter un éclairage sur les défaillances de leurs plans de vigilance et les mesures à prendre urgemment afin de se mettre en conformité avec la loi, qu’il s’agisse d’une meilleure identification des risques que leurs activités font peser sur le climat, d’une reconnaissance plus claire de leur responsabilité individuelle à agir ou encore de mesures concrètes de vigilance adaptées à la hauteur et à la temporalité des enjeux humains et environnementaux que soulèvent la crise climatique. 

    Pour retrouver les analyses de chacune des 26 entreprises.
    Pour retrouver les enseignements principaux.
    Pour retrouver l’ensemble du rapport Benchmark de la vigilance climatique 2023.
    Pour retrouver un extrait de courrier envoyé (Crédit Agricole). Et sa pièce jointe.

    Notes

    (1) https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/17/developpement-durable-nous-sommes-au-fait-des-limites-du-systeme-sur-lequel-est-ancree-la-creation-de-valeur-de-nos-entreprises_6194950_3232.html ou encore https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/cop28-plus-d-une-centaine-d-entreprises-appellent-les-gouvernements-a-s-attaquer-aux-energies-fossiles_6139953.html?mc_cid=f15b7f4db5&mc_eid=da394c3653 

    (2) La CSRD a été adoptée définitivement (déjà en 2022 – en cours de transposition). Elle demande l’élaboration d’un modèle économique compatible avec 1,5°C (scope 1 -3).

    (3) Les bombes climatiques émettraient quatre fois le budget carbone restants de l’humanité pour contenir le réchauffement climatique à 1.5°C : https://www.theguardian.com/environment/2023/oct/31/france-carbon-bomb-projects-banks-fossil-fuels-climate

    (4) L’ONG Germanwatch classe la France au 27ème rang des pays les plus touchés dans son indice des risques climatiques entre 2000 et 2019, soit l’un des pays les plus impactés d’Europe avec l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. 

    Courriers d’interpellation par secteur

    Energie

    Financier

    Agroalimentaire

    Transport

    Construction

    Industriel

    Contact presse

    Marine Coynel – chargée de communication :
    marine.coynel@notreaffaireatous.org

  • CP / L’Affaire du Siècle : l’inaction climatique de l’État chiffrée et versée au dossier

    L’Affaire du Siècle, communiqué de presse, le 3 novembre 2023. L’Affaire du Siècle présente aujourd’hui au juge un rapport d’expertise et un mémoire juridique visant à apporter de nouvelles preuves chiffrées de l’inaction climatique de l’Etat depuis la condamnation d’octobre 2021 et à justifier la demande d’astreinte d’un milliard d’euros formulée par les associations en juin dernier.

    Le rapport, produit par le collectif d’experts éclaircies (version intégrale et résumé disponibles ici), vient apporter des preuves quant au non-respect du jugement de 2021 par l’Etat. Celui-ci entend compléter, d’une part les données quantitatives produites par le CITEPA qui permettent une analyse arithmétique de la compensation du préjudice écologique, et d’autre part les analyses du Haut Conseil pour le Climat (HCC) et de la Cour des comptes européenne qui s’interrogent tous deux sur l’origine et la durabilité des récentes baisses d’émissions. 

    Exécution du jugement de 2021 : le compte n’y est définitivement pas

    Les baisses d’émissions observées en 2022 sont dues principalement à des effets purement conjoncturels, à savoir un hiver particulièrement doux et la crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine. Cette affirmation est désormais confirmée par les calculs du rapport d’expertise produit ce jour selon lequel 92% des émissions en baisse pour l’année 2022 dans le secteur de l’industrie manufacturière et de la construction et 66% dans le secteur de l’usage des bâtiments sont dues aux facteurs purement circonstanciels. En l’absence de politiques structurelles de l’Etat, hors baisses conjoncturelles sur 2022, les émissions auraient, au contraire, augmenté dans ces deux secteurs, et au global, entre 2021 et 2022.

    En s’attribuant le mérite de ces baisses d’émissions, le gouvernement et le chef de l’Etat mentent aux français.e.s et cherchent à tromper les juges. C’est irresponsable car cela entretient l’illusion d’une action suffisante alors que les conséquences de leur inaction seront catastrophiques.

    Des baisses d’émissions subies et injustes pour les plus vulnérables

    Depuis la condamnation de 2021, les seuls leviers structurants de baisses d’émissions qui ont été activés relèvent de la sobriété. Cependant, il s’agit majoritairement d’une « sobriété subie » et pas du résultat de politiques publiques. Ainsi, les baisses d’émissions découlent de la baisse du pouvoir d’achat des ménages causé par l’inflation des prix. Pour L’Affaire du Siècle, cette sobriété subie n’est pas acceptable car elle n’est pas pérenne et est socialement injuste.

    Une analyse purement arithmétique de la mise en œuvre du jugement ne peut suffire

    L’intérêt du rapport réside aussi dans le fait qu’une approche arithmétique seule ne permettrait pas de comprendre si ce sont les mesures sectorielles prises par la Première Ministre et les ministres compétents, telles qu’ordonnées par le tribunal – qu’elles soient suffisantes ou non pour compenser le préjudice d’un point de vue arithmétique – qui sont à l’origine des baisses d’émissions constatées.  

    Dans la lignée des travaux réalisés par plusieurs acteurs institutionnels (CITEPA, HCC, Cour des comptes européenne), le rapport propose une approche qualitative des récents efforts climatiques de l’Etat, qui prend en compte non seulement l’éventuelle compensation arithmétique du retard pris, mais également l’incidence de facteurs extérieurs à l’action publique sur cette compensation. 

    Loin d’avoir pris en compte la gravité de la condamnation d’octobre 2021, les gouvernements successifs persistent à mener une politique de « sobriété subie », injuste socialement et peu pérenne, une politique inefficace et néfaste pour les engagements climatiques de la France

    La clôture d’instruction est fixée à ce vendredi 3 novembre, mais pourra être rouverte par le tribunal pour permettre aux ministères de répondre.

    Contacts presse

    Les équipes de Greenpeace, Oxfam et Notre Affaire à tous, les juristes et les experts d’éclaircies se tiennent disponibles pour interviews.

    Marika Bekier – Responsable presse, Oxfam France : mbekier@oxfamfrance.org
    Justine Ripoll – Responsable de campagne, Notre Affaire à Tous : justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Notes aux rédactions

    Le rapport d’éclaircies (avec un résumé exécutif et une explication de la méthodologie) en téléchargement.

    Les organisations de l’Affaire du siècle ont fait appel au collectif d’expert.e.s éclaircies.

    Le nouveau mémoire juridique en téléchargement.

  • CP / France – Afrique du Sud : neuf ONG demandent au gouvernement de condamner le jeu dangereux de TotalEnergies

    Paris, le 11 octobre 2023 – Alors que dimanche 15 octobre, la coupe du monde de rugby verra s’affronter en quarts de finale la France et l’Afrique du Sud, les téléspectateurs du monde entier subiront le matraquage publicitaire du sponsor officiel TotalEnergies sans savoir que cette entreprise irresponsable accélère le déclenchement de bombes climatiques en Afrique, et notamment en Afrique du Sud.

    Aujourd’hui, neuf associations (1) dénoncent la mascarade de « consultation publique » qui vient de démarrer en Afrique du Sud à propos des projets d’exploration et de production de TotalEnergies et demandent au gouvernement français de retirer le soutien qu’il apporte à la Major française à travers les « Partenariats pour une transition énergétique juste » ainsi que de condamner publiquement tous les investissements de TotalEnergies dans de nouveaux projets fossiles.

    En totale contradiction avec les conclusions du GIEC et les recommandations de l’Agence internationale de l’énergie (2), qui appellent à ne développer aucun nouveau projet d’extraction de charbon, de pétrole ou de gaz, TotalEnergies développe une stratégie expansionniste agressive en Afrique, et notamment en Afrique du Sud, où la multinationale souhaite ouvrir de nouveaux champs gaziers en offshore profond. Les côtes occidentales et méridionales sud-africaines sont ainsi menacées par une série de projets offshore qui pourraient voir le jour à des profondeurs allant de 200 à 3200 mètres de profondeur, et qui menacent des hotspots de biodiversité, les corridors de migration des baleines, la pêche artisanale et l’économie du littoral.

    Loin de renoncer à ses investissements mortifères après un an de mobilisation de la société civile en France et en Afrique du Sud et malgré une pétition réunissant près de 100 000 signatures, TotalEnergies vient au contraire d’accélérer les procédures en engageant une « consultation publique » pour développer deux immenses champs gaziers dans les eaux d’Afrique du Sud. Le 22 septembre 2023, les citoyens sud-africains découvraient ainsi une étude d’impact environnemental de plus de 3000 pages, qu’ils sont censés lire et commenter dans un délai de trente jours, le délai de clôture de la consultation étant fixé au 25 octobre 2023. Trente maigres jours concédés aux citoyens, scientifiques, associations et élus locaux pour se prononcer sur un projet déterminant pour la biosphère, alors qu’une première lecture des documents soumis à consultation révèle qu’en plus de la demande déposée officiellement par TotalEnergies pour l’exploitation des champs gaziers de Luiperd et Brulpadda s’ajoute un projet surprise : une nouvelle campagne d’exploration offshore de grande ampleur (3), dénotant la voracité insatiable du géant pétrolier pour les projets climaticides. 

    Nos neuf associations ont écrit à la Première ministre Elisabeth Borne pour demander au gouvernement français de condamner publiquement tous les nouveaux projets fossiles menés par TotalEnergies, de dénoncer les processus antidémocratiques qui accompagnent les projets d’expansion fossiles, et de conditionner l’implication de la France dans des « Partenariats pour une transition énergétique juste » à l’abandon des investissements dans de nouveaux projets fossiles, y compris gaziers en raison de l’entêtement de l’Élysée à présenter le gaz, une énergie strictement fossile, comme une « énergie de transition » dans le cadre du Partenariat établi avec l’Afrique du Sud lors de la COP26 à Glasgow (4).

    Après un été qui a vu les phénomènes climatiques extrêmes se multiplier, alors que la planète enregistre un nouveau record de chaleur pour les mois de septembre et d’octobre, le gouvernement ne peut laisser TotalEnergies instrumentaliser la coupe du monde de rugby et greenwasher ses choix dramatiques pour un monde dont la trajectoire, à l’image du ballon de rugby, ne tourne pourtant déjà plus rond.

    Notes

    1.  BLOOM, The Green Connection, 350.org, Amis de la Terre France, Chilli, Greenpeace France, Mouvement Laudato Si, Notre affaire à Tous et Surfrider Foundation Europe
    2. GIEC (2023), Climate change 2023. Synthesis report, B.5.3 ; AIE (2021) Net Zero by 2050. A roadmap for the global energy sector, chapitre 3.2 ; AIE (2023) Net Zero Roadmap : A Global Pathway to Keep the 1.5°C Goal in Reach, chapitre 2.2.2.
    3. TEEPSA (2023) Environmental and Social Impact Assessment (ESIA) for the offshore production right and environmental autorisation applications for Block 11B/12B. Final Scoping Report. Executive Summary.
    4. Élysée (2022) Partenariats pour une transition énergétique juste en Afrique.
  • Nos propositions pour une meilleure prise en compte de la santé environnementale par la justice française

    Publication d’un livre blanc

    Une cinquantaine de personnes, avocats, étudiants, professionnels du droit ou de la santé environnementale, était réunie ce jeudi 5 octobre au tribunal judiciaire de Paris à l’occasion de la publication d’un livre blanc proposant de nouvelles pistes pour améliorer la prise en charge judiciaire des victimes de problématiques de santé environnementale.

    LE CONSTAT : SANTÉ ET ENVIRONNEMENT SONT INTERDÉPENDANTS, LA JUSTICE MANQUE DE MOYENS

    Il est aujourd’hui clair que les dégradations et pollutions environnementales ont de forts impacts sur la santé humaine. A l’heure où près d’une personne sur quatre dans le monde décède en raison de facteurs environnementaux (source : OMS), il est impératif que la justice trouve les moyens de mieux comprendre ces situations et de les prendre en charge. Les principaux responsables de ces pollutions arrivent encore trop souvent à échapper à leurs responsabilités faute d’une réponse judiciaire suffisante.

    DES VICTIMES DE POLLUTIONS CONFRONTÉES À DE MULTIPLES PROBLÈMES JURIDIQUES

    Or, il reste très compliqué de faire reconnaître ce lien de causalité auprès du juge, et donc de faire avancer la problématique de la santé environnementale devant la justice. Les victimes des pollutions diffuses et multifactorielles sont particulièrement mal prises en compte, puisqu’à cette complexité de l’établissement du lien de causalité, s’ajoutent le coût exorbitant des expertises, la rareté des sachants en matière de santé environnementale et le manque de formation des juges à ces enjeux. Pourtant, des premières avancées sur les maladies professionnelles à la récente décision prévoyant  l’indemnisation d’enfants victimes de pollution de l’air, il semble que la justice a les moyens de se saisir du sujet.

    Pour contribuer à une meilleure prise en compte de la santé environnementale, Notre Affaire à Tous – Lyon, Kaizen Avocat et le Réseau Environnement Santé publient un livre blanc à destination des professionnels du droit et de la santé environnementale, afin que ceux-ci puissent se saisir plus facilement de cette question, en comprendre les enjeux et utiliser les jurisprudences et réflexions dans leurs dossiers.

    Sept recommandations qui iraient dans le sens d’une meilleure prise en compte juridique des enjeux de santé environnementale y sont formulées, issues d’expériences contentieuses et d’entretiens réalisés auprès d’avocats, de magistrats et d’autres professionnels du droit et de la santé environnementale. 

    #1 : Appliquer les principes de précaution et d’action préventive à l’ensemble des politiques, européenne et nationale,

    #2 : Réduire l’exposition de l’ensemble des citoyens à tous les polluants,

    #3 : Améliorer la réparation des préjudices subis par les victimes de pollutions et prévoir un suivi médical sur le long-terme,

    #4 : Octroyer des provisions aux victimes de pollution pour les frais de justice,

    #5 : Rendre effectif l’accès aux informations de santé environnementale,

    #6 : Augmenter les moyens des services d’inspection et des magistrats dédiés à la justice environnementale,

    #7 : Intégrer les toxicologues en qualité d’experts judiciaires.

    A l’heure où les dégâts sanitaires dus à la crise écologique vont être de plus en plus graves et coûteux, il est urgent que l’institution judiciaire évolue dans le sens d’une meilleure prise en charge de la santé environnementale, et que les moyens de cette évolution lui soient donnés rapidement.

    Pour plus d’informations : consulter le livre blanc ou sa synthèse.

    Contacts presse : 

    Emma Feyeux, Présidente de Notre Affaire à Tous – Lyon : emma.feyeux@notreaffaireatous.org

    Pour les questions juridiques sur le livre blanc :
    Me Louise Tschanz, Kaizen avocat : louise.tschanz@kaizen.avocat.fr

  • CP / Bercy, pas de profits sur le dos des droits humains !

    Une statue gonflable de plus de 10 mètres de haut, représentant la justice poignardée dans le dos, est érigée devant Bercy, pour demander au gouvernement français de cesser de faire primer les profits économiques sur les droits humains et l’environnement : ces derniers mois, le ministère de l’économie a en effet fait pression pour affaiblir le projet de directive européenne sur le devoir de vigilance, notamment en ce qui concerne le secteur financier et les obligations climatiques des entreprises.

    Via cette action, nos associations et syndicats se mobilisent pour sauver l’ambition de cette directive qui pourrait enfin réguler les multinationales et apporter plus de justice aux personnes affectées dans le monde, en leur donnant accès aux tribunaux européens. 

    Paris est la première étape d’un tour d’Europe qu’effectuera la statue dans le cadre de la campagne européenne “Justice is everybody’s business”, dont la majorité de nos organisations sont membres. 

    Le choix du lieu est bien sûr hautement symbolique : les voix des personnes demandant aux décideur.ses politiques de ne pas vider de son sens la directive sur le devoir de vigilance des entreprises s’élèvent devant Bercy, représentation du pouvoir et des décisions économiques. 

    En février 2022 s’ouvrait un moment historique pour lutter contre l’impunité des multinationales, lorsque la Commission Européenne publiait enfin une proposition de directive pour imposer des obligations contraignantes aux entreprises européennes pour prévenir et faire cesser les violations des droits humains et les dommages environnementaux qui se produisent dans leurs chaînes de valeur mondiales.

    Alors que les négociations en trilogue – entre la Commission, le Conseil et le Parlement – ont commencé cet été, ce temps fort de justice est en danger du fait de la position de certains Etats membres dont la France.

    Bien que pionnière avec la loi sur le devoir de vigilance adoptée en 2017, la France fait pression pour affaiblir différents aspects du texte : elle a notamment poussé le Conseil à adopter une exclusion de facto du secteur financier (1), ce qui empêcherait d’autres pays de tenir légalement responsables des banques comme BNP Paribas, qui financent impunément l’expansion des énergies fossiles. La France est également parmi les Etats demandant de rejeter les améliorations apportées au texte par le Parlement européen en termes de renforcement des obligations climatiques et de la responsabilité juridique à y associer.

    La présidence espagnole du Conseil de l’UE sera chargée dans les prochaines semaines de demander aux Etats membres ce qu’ils sont prêts à concéder au Parlement mais aussi leurs lignes rouges. Alors que dans quelques jours les ministres européens de l’économie et des finances se réunissent à Santiago de Compostela, nous nous mobilisons à Paris pour appeler les Etats membres dont la France, à réhausser l’ambition qu’ils portent dans les négociations. 

    A cette occasion, nos organisations publient aujourd’hui un document d’analyse (2) détaillant les failles du projet de directive européenne à la lumière des premières actions en justice fondées sur la loi française sur le devoir de vigilance, et faisant des recommandations aux décideurs pour arbitrer au mieux entre les différentes versions du texte.

    Contacts

    Notes

    1. Voir l’enquête de l’Observatoire des multinationales : “La France a-t-elle torpillé le « devoir de vigilance » européen pour complaire au CAC40 et à BlackRock ?”, 4 juillet 2023
    2. Directive européenne sur le devoir de vigilance et contentieux français – Enseignements et recommandations, septembre 2023
  • CP / Procès climatique contre TotalEnergies : l’action des associations et collectivités jugée irrecevable, une décision inquiétante

    Paris, 6 juillet 2023 – Dans le contentieux climatique engagé contre TotalEnergies par une coalition d’associations et de collectivités (1), le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a jugé l’action en justice irrecevable. Reposant sur une interprétation inquiétante de la loi sur le devoir de vigilance et des dispositions relatives au préjudice écologique, cette décision vient restreindre l’accès à la justice pour les associations et collectivités. Après plusieurs années de procédure, le tribunal refuse d’examiner l’impact des activités de TotalEnergies sur le dérèglement climatique. 

    En janvier 2020, une coalition d’associations et de collectivités a assigné TotalEnergies devant le tribunal judiciaire de Nanterre. Rejointe en septembre 2022 par trois collectivités supplémentaires et Amnesty International France, la coalition demande que la pétrolière soit contrainte de prendre les mesures nécessaires pour s’aligner avec l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris, conformément à la loi sur le devoir de vigilance (2).

    La procédure a tout d’abord été retardée par TotalEnergies qui a contesté, sans succès, la compétence du tribunal judiciaire au profit du tribunal de commerce. Depuis 2022, le dossier est confié au juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Paris, désormais seul compétent pour juger les affaires relatives au devoir de vigilance, chargé de trancher certaines questions de procédure.  

    Dans une ordonnance rendue ce jour, le juge de la mise en état a déclaré l’action judiciaire irrecevable. Une décision inquiétante alors que plusieurs autres actions judiciaires fondées sur la loi sur le devoir de vigilance ont également été déclarées irrecevables ces derniers mois : Projets Tilenga et EACOP en février, affaire Suez/Chili en juin, et EDF Mexique en décembre.  

    Le juge a considéré que TotalEnergies n’aurait pas régulièrement été mise en demeure au motif que les demandes formulées dans l’assignation n’étaient pas strictement identiques à celles du courrier de mise en demeure envoyé à la multinationale en juin 2019. Cette condition de la stricte identité entre les demandes de la mise en demeure et celles de l’assignation n’existe tout simplement pas dans la loi sur le devoir de vigilance.    

    Bien que la loi sur le devoir de vigilance n’impose aucune phase de « discussion » ou de « conciliation » obligatoire entre les entreprises et les associations ou personnes affectées, cette ordonnance ainsi que les précédentes décisions, prétextent un manque de dialogue pour juger irrecevables les actions judiciaires. Alors que la coalition a interpellé, échangé et rencontré les dirigeants de l’entreprise avant la mise en demeure, ce qui n’est aucunement imposé par la loi, le juge n’a pas pris en compte ces différents échanges préalables, considérant que « de simples réunions ne peuvent constituer un avertissement solennel ». D’autant plus que TotalEnergies n’a manifesté aucune volonté de dialogue et d’avancée en amont de l’action judiciaire.

    Le juge a aussi considéré que certaines associations et collectivités étaient irrecevables faute d’intérêt à agir en justice au titre de la prévention du préjudice écologique, en contradiction frontale avec la position du Conseil d’État dans la décision Grande-Synthe (3). Alors que l’action au titre du préjudice écologique est ouverte à « toute personne ayant intérêt ou qualité à agir », telles que « les associations » et « les collectivités territoriales », cette décision vient restreindre leur possibilité de saisir la justice pour prévenir les risques de dommages graves à l’environnement  causés par les activités d’une multinationale. En définitive, cette décision empêche à nouveau la tenue d’un débat judiciaire sur l’inaction climatique d’une multinationale. 

    Le juge considère par ailleurs que les collectivités n’auraient pas d’intérêt à agir, au motif que les effets du changement climatique seraient mondiaux, et pas limités à leur territoire. Ouvrir l’accès à la justice aux collectivités en matière climatique rendrait le contentieux « impossible à maîtriser », alors même qu’il s’agit aujourd’hui de la seule action engagée devant le juge judiciaire par des communes exposées aux effets de la catastrophe climatique. 

    Le devoir de vigilance oblige pourtant les multinationales à prévenir les risques d’atteintes aux droits humains, à la santé et à l’environnement causés par leurs activités. La coalition déplore donc fortement cette décision, qui va à l’encontre des nombreux rapports soulignant l’urgence climatique (4). 

    Les associations et collectivités étudient les suites judiciaires à donner à cette ordonnance. La coalition reste convaincue que la voie judiciaire est indispensable pour lutter contre l’impunité des multinationales en matière de dérèglement climatique. Malgré des premières décisions très décevantes sur les actions fondées sur le devoir de vigilance, les organisations et collectivités engagées dans la coalition continueront à mobiliser les leviers juridiques pour que les acteurs du dérèglement climatique aient à répondre des conséquences de leurs activités à l’échelle planétaire comme à l’échelle locale.   

    Contact presse

    Marine Coynel, chargée de communication chez Notre Affaire à Tous

    marine.coynel@notreaffaireatous.org

    Notes

    (1) Sherpa, Amnesty International France, France Nature Environnement, Notre Affaire à Tous, ZEA, les Eco Maires et les villes de Paris, New York, Arcueil, Bayonne, Bègles, Bize-Minervois, Centre Val de Loire, Champneuville, Correns, Est-Ensemble Grand Paris, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran et Vitry-le-François.

    (2) La première décision du Conseil d’Etat N° 427301 du 19 novembre 2020 a accordé l’intérêt à agir dans un contentieux climatique contre l’Etat à la ville de Grande-Synthe mais aussi à Paris, Grenoble et Notre Afffaire A Tous, trois organisations requérantes dans le présent contentieux. Plus précisément, la décision du Conseil d’Etat n’impose pas la particularité du préjudice écologique aux collectivités et associations demanderesses

    (3) La première décision du Conseil d’Etat N° 427301 du 19 novembre 2020 a accordé l’intérêt à agir dans un contentieux climatique contre l’Etat à la ville de Grande-Synthe mais aussi à Paris, Grenoble et Notre Afffaire A Tous, trois organisations requérantes dans le présent contentieux. Plus précisément, la décision du Conseil d’Etat n’impose pas la particularité du préjudice écologique aux collectivités et associations demanderesses

    (4) UN-HLEG, Integrity matters net zero commitments by businesses financial institutions, cities and region, novembre 2022 ; AIE, Net Zero by 2050, A Roadmap for the Global Energy Sector, mai 2021. 

  • CP / Pesticides et effondrement de la biodiversité : un jugement historique condamne l’Etat français

    Paris, le 29 juin 2023. Le Tribunal administratif de Paris a rendu un verdict historique dans le cadre du recours Justice pour le Vivant qui oppose 5 ONG environnementales à l’Etat et Phyteis, le lobby de l’agrochimie en France. La justice reconnaît pour la première fois la responsabilité de l’Etat dans l’effondrement du Vivant, et ses insuffisances dans l’évaluation des risques des pesticides.

    Cette journée marque un tournant dans la lutte contre l’effondrement de la biodiversité en France. Alors que l’on constate un déclin de 76 % à 82 % des insectes volants au cours des 27 dernières années en Europe[1], une diminution de 57 % des oiseaux des milieux agricoles depuis 1980[2], le jugement rendu aujourd’hui par le Tribunal administratif reconnaît, pour la première fois, l’existence d’un préjudice écologique résultant d’une contamination généralisée de l’eau, des sols et de l’air par les pesticides et de l’effondrement du vivant et la faute de l’Etat français dans cette situation. 

    Le tribunal reconnaît les failles des procédures d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des pesticides, démontrées par les associations, et juge que ces failles relèvent de la responsabilité directe de l’Etat. Il reconnaît également un lien de causalité direct entre les insuffisances de l’évaluation des risques et le déclin de la biodiversité. 

    Le tribunal n’ordonne toutefois pas à l’Etat de revoir les méthodologies d’évaluation des risques – contrairement à ce que préconisait la rapporteure publique, estimant qu’il ne peut être établi juridiquement avec certitude qu’une meilleure évaluation permettrait de « modifier significativement la nature ou le nombre [des pesticides] mis sur le marché ». Sur ce dernier point, les associations feront appel devant la Cour administrative d’appel de Paris, et introduiront, en parallèle, un nouveau recours devant le Conseil d’Etat pour obtenir la mise en œuvre de cette décision.

    Le tribunal donne par ailleurs à l’État jusqu’au 30 juin 2024 pour : 

    • Prendre toutes les mesures utiles pour respecter les objectifs de réduction des pesticides prévus par les plans Ecophyto ; 
    • Protéger réellement, comme la loi l’y oblige déjà, les eaux souterraines du territoire français des effets des pesticides et de leur résidus

    «  La justice a tranché : après des décennies d’inaction, l’Etat est enfin reconnu coupable de l’effondrement de la biodiversité par son incapacité à mettre en œuvre une évaluation des risques des pesticides réellement protectrice du Vivant. Mais c’est aussi sa capacité à agir et la possibilité de renverser cette situation dramatique que cette décision met en lumière. Les solutions pour inverser la tendance existent, il faut les mettre en place de toute urgence. » commentent les associations.

    La responsabilité de l’Etat et le préjudice qui en résulte, est caractérisé par : une contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des sols et des eaux par les pesticides ; le déclin de la diversité et de la biomasse de nombreuses espèces (pollinisateurs et autres insectes, amphibiens, reptiles, oiseaux, organismes aquatiques, vers de terre, ainsi que de nombreuses autres espèces composant la faune et la flore terrestre et aquatique) ; et, plus généralement, la détérioration des chaînes trophiques et de l’ensemble des écosystèmes indispensables à la vie humaine, animale et végétale. 

    POLLINIS, Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds, ANPER-TOS et l’ASPAS, les 5 ONG environnementales du collectif Justice pour le Vivant, ont fait des propositions fondées sur la science pour faire évoluer les méthodologies d’évaluation des pesticides avant leur mise sur le marché. 

    Face à la gravité de la situation, elles appellent d’ores et déjà le gouvernement à prendre ses responsabilités. Il doit revoir d’urgence les procédures d’évaluation des risques, réévaluer la dangerosité des près de 3 000 produits phytopharmaceutiques homologués en France [4], retirer du marché les substances problématiques, et s’assurer que de nouvelles substances toxiques pour le vivant n’y fassent pas leur entrée. 

    Les ONG se tiennent à la disposition des ministres concernés, des parlementaires souhaitant comprendre les implications de cette condamnation pour les prochains projets de loi de planification agricole et solliciteront l’ANSES pour lui présenter des solutions rapidement déployables.

    « Il s’agit d’une première étape indispensable pour enrayer l’extinction en cours. Face à l’urgence de la situation, L’Etat peut et doit maintenant mener les transformations nécessaires rapidement, en s’appuyant sur la science indépendante et de manière transparente », rappellent les associations.

    Contact presse

    Justine Ripoll – Notre Affaire à Tous

    justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    Sources

    [1] Cour des comptes, Le soutien à l’agriculture biologique, Rapport public thématique, juin 2022, p. 203

    [2] Birdlife International, Etat des Populations d’Oiseaux dans le Monde, 2022

    [3] Rigal, S et al. PNAS, Farmland practices are driving bird populations decline across Europe 2023. https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2216573120
    [4] ephy.anses.fr

  • CP / Courrier à la Première Ministre : La France ne doit pas abandonner son ambition en matière de Zéro artificialisation nette

    A l’occasion de l’ouverture des débats à l’assemblée nationale sur la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, Notre Affaire à Tous, le Réseau Action Climat, la Fondation pour la Nature et l’Homme, la Ligue pour la Protection des Oiseaux, et Humanité et Biodiversité, ont souhaité adresser leur inquiétudes et leurs demandes quant aux ambitions du dispositif ZAN.

    Madame la Première Ministre,

    La proposition de loi actuellement en discussion devant le Parlement menace profondément la réalisation de l’objectif de zéro artificialisation nette. Mesure phare de la loi climat et résilience, cette mesure est particulièrement stratégique pour permettre à la France de tenir ses engagements en matière climatique et environnementale, et constitue le cœur des arguments avancés par l’État dans les procès climatiques dont il est l’objet pour justifier son action climatique.

    La loi climat et résilience de 2021 a posé un objectif de zéro artificialisation nette en 2050, imposant une étape de réduction de l’artificialisation des sols à échéance 2031 de moitié par rapport à la décennie précédente (2011-2021). La proposition de loi sénatoriale relative au dispositif ZAN menace ces objectifs en délaissant la force contraignante du dispositif et en multipliant les dérogations à la comptabilisation des espaces artificialisés.

    Les associations de défense de l’environnement demandent à ce que soit maintenue la force contraignante élevée et chiffrée que fixe la loi climat et résilience, notamment en inscrivant explicitement dans la loi la compatibilité des SCoTs, PLUi, et cartes communales avec les SRADDETs (1) afin de garantir l’atteinte des objectifs fixés nécessaires à la préservation des sols. Afin de répondre aux craintes des territoires concernant la création d’une forme de tutelle de la Région, nous proposons également de revoir la manière dont la territorialisation du ZAN est réalisée, en donnant la responsabilité aux territoires de trouver un accord, éventuellement arbitré par l’Etat. 

    Sans mesure concrète de réduction de l’artificialisation des sols, celle-ci continuerait sur un rythme de 20 000 hectares par an (France Stratégie). Ce développement priverait les sols de leur capacité à stocker le carbone, amplifierait l’érosion de la biodiversité, et aggraverait les risques climatiques (inondations, incendies…) comme cela a été récemment le cas lors des inondations en Emilie-Romagne.

    Ces mesures sont indispensables, au vu du constat des politiques d’aménagement passées qui, malgré l’affichage croissant d’exigence de sobriété foncière, ne sont pas parvenues à réduire suffisamment le rythme de l’artificialisation des sols face au développement économique des territoires.

    Pourtant, l’Etat ainsi que les parlementaires enclenchent à bas bruit l’abandon du dispositif ZAN consacré par la loi climat et résilience, en détricotant exigence par exigence, et en accordant de multiples dérogations. Si le dispositif initial nécessitait effectivement des adaptations  afin de prendre en compte les contraintes de l’échelon local, les avancées réglementaires et législatives précédemment acquises font actuellement l’objet d’un réel retour en arrière.

    En effet, afin que le dispositif ZAN soit opposable et  territorialisé à petite échelle, la loi Climat et résilience prévoit d’accorder à la région, et notamment à travers le Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), d’importantes prérogatives en matière d’orientations d’aménagement pour une gestion économe des sols. Pour en assurer l’effectivité, la première version du décret d’application de la loi (2)(relatif à la territorialisation) impose un « rapport de compatibilité » entre les SCOTs et les règles du SRADDET fixant des objectifs chiffrés, ce afin de permettre d’assurer la déclinaison territorialisée de ces objectifs. Ce « rapport de compatibilité  » permet de s’assurer que les documents locaux d’urbanisme respectent l’esprit des objectifs régionaux qui découlent eux-mêmes de la loi climat et résilience

     Ce mécanisme est la pierre angulaire de l’effectivité de l’objectif ZAN. 

    Nous constatons avec la plus grande inquiétude que les discussions actuellement en cours, notamment la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires, envisagent  une  régression très problématique du dispositif en remettant en cause le rapport de compatibilité au profit d’un rapport de simple « prise en compte ». Cela signifierait que les documents d’urbanisme locaux pourraient déroger aux  orientations fondamentales de la norme supérieure, le SRADDET, en justifiant de l’intérêt d’une opération particulière. Cette évolution correspondrait finalement à transformer une obligation en simple recommandation, ce qui, en somme,  reviendrait à un abandon de l’objectif ZAN. Si la difficulté résidait dans le fait que le décret SRADDET contredirait la loi, nous vous invitons à modifier la loi pour y inscrire explicitement le lien de compatibilité. 

    Le décret d’application relatif à la territorialisation de l’objectif ZAN, actuellement en révision, quant à lui, participe également à l’abandon du dispositif ZAN en transformant l’obligation d’édicter de telles règles en simple possibilité ; et en supprimant l’exigence de fixer des objectifs chiffrés de réduction du rythme de l’artificialisation des sols à échelle infrarégionale dans les règles du SRADDET. En cela, le nouveau décret prend seulement acte du fait que certaines régions ont appliqué les dispositions de la loi climat, quand d’autres ne l’ont pas fait. 

    La planification écologique qui vous est confiée impose  de consolider les objectifs clés de la loi climat et résilience, et pour ce faire de garantir la force contraignante des mesures de réduction de l’artificialisation des sols et de les préciser au travers de chiffres applicables à échelle locale. Les reculs aujourd’hui envisagés, conjugués aux nombreuses dérogations votées au Sénat, conduiraient à un abandon de fait de l’objectif ZAN.

    A terme, l’incapacité du Gouvernement à maintenir l’exigence de sobriété foncière renforcera la vulnérabilité des territoires et des populations aux impacts du dérèglement climatique. Les premiers réfugiés climatiques français sont apparus en février 2023 du fait de la montée des eaux (3) qui entraine des risques sur déjà plus de 800 communes (4), tandis qu’au cours du même mois de février, la communauté de communes du Pays de Fayence a suspendu tous les permis de construire pour 5 ans, pour cause de sécheresse, avant que le préfet du Var confirme ce choix dans un courrier du 10 mars (5). Si le ZAN doit être la politique qui planifie la fin de l’étalement urbain, nous devons avoir à l’esprit que les sécheresses portent en elles le risque d’impossibilités d’urbanisation de fait, brutales, non concertées. Que deviendront les quotas d’artificialisation des territoires frappés par les sécheresses et l’impossibilité de construire davantage ?

    Ainsi, il nous semble crucial non pas d’affaiblir la portée du ZAN, mais au contraire de conforter le dispositif et de l’articuler avec les autres domaines de planification écologique, notamment concernant la ressource en eau. 

    Au regard des catastrophes climatiques qui touchent d’ores et déjà le territoire français, il est impératif d’imposer des mesures ambitieuses de sauvegarde de la biodiversité, principale alliée face à ces phénomènes. Il est par conséquent impensable d’abandonner l’objectif ZAN. C’est pourquoi nous vous demandons, Madame la Première Ministre, une décision politique forte pour préserver et réaffirmer l’importance des objectifs de “zéro artificialisation nette”. 

    Nous vous prions d’agréer, Madame la Première Ministre, l’expression de notre très haute considération. 

    Signataires

    Jérémie Suissa, Délégué Général (Notre Affaire à Tous)

    Morgane Créach, Directrice, Réseau Action Climat

    Matthieu Orphelin, Directeur Général, Ligue pour la Protection des Oiseaux, 

    Stéphanie Clément-Grandcourt, Directrice Générale, Fondation pour la Nature et l’Homme

    Sandrine Bélier, Directrice, Humanité et Biodiversité

    Copie à M. Christophe Béchu, Ministre de la transition écologique

    1.  ou les Plan locaux d’urbanisme (PLU) non soumis à un  SCOT
    2.  Article R 4251-8-1 du Code général des collectivités territoriales
    3. France TV Info, Réchauffement climatique : quand la mer grignote le littoral, 3 février 2023 , disponible sur : <https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/rechauffement-climatique-quand-la-mer-grignote-le-littoral_5638901.html>
    4. Décret n° 2022-750 du 29 avril 2022 établissant la liste des communes dont l’action en matière d’urbanisme et la politique d’aménagement doivent être adaptées aux phénomènes hydrosédimentaires entraînant l’érosion du littoral, disponible sur : <https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045726134>
    5. Courrier de M. Le préfet du Var, “ressource en eau et urbanisme sur le territoire de la communauté de communes du Pays de Fayence”, 10 mars 2023, disponible sur : <https://www.cc-paysdefayence.fr/wp-content/uploads/2023/03/PJ-3-Courrier-prefet-eau-urba-10.03.23-1.pdf >

    Contact presse

    Marine Coynel, Chargée de communication – Notre Affaire à Tous
    marine.coynel@notreaffaireatous.org

  • L’Affaire du Siècle demande une astreinte d’un milliard d’euros pour obliger l’État à agir 

    Ce mercredi 14 juin 2023, les organisations de l’Affaire du Siècle (Notre Affaire à tous, Greenpeace France et Oxfam France) ont déposé un nouveau mémoire au tribunal administratif de Paris. Elles constatent que l’État n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour réparer le préjudice écologique et demandent donc au tribunal de prononcer une astreinte financière de 1,1 milliard d’euros pour obliger l’État à agir.

    Action du collectif Affaire du Siècle devant le Tribunal Administratif de Paris le 14 juin 2023 dans le cadre du recours en justice pour inaction climatique. © Emeric Fohlen

    L’État n’a pas pris les mesures structurelles à la hauteur des enjeux et des besoins pour faire face au dérèglement climatique. C’est pourquoi l’Affaire du Siècle apporte un nouvel élément à la procédure qui l’oppose à l’État, représenté par plusieurs ministères du gouvernement. Les organisations demandent au tribunal administratif de Paris d’exiger de l’État qu’il prenne des mesures supplémentaires et de payer une somme de 1,1 milliard d’euros pour les neuf premiers semestres de retard déjà cumulés (122 millions d’euros pour chaque semestre de retard supplémentaire). L’objectif : forcer le gouvernement à prendre des mesures structurelles pour que la France réduise durablement ses émissions de gaz à effet de serre.

    Pour les organisations de l’Affaire du Siècle, « le gouvernement n’a pas exécuté la décision du juge prise en octobre 2021 puisqu’il n’a pas pris des mesures pour rattraper son retard. Or, plus la France tarde à mettre en place une véritable politique climatique à la hauteur des enjeux, plus la transition pour faire face aux impacts de l’inaction passée coûtera cher. En manquant à ses responsabilités aujourd’hui, le gouvernement vit à crédit des générations à venir. »


    Pour établir ce montant, les organisations se sont reposées sur la méthode Quinet, dite aussi de la « valeur de l’action pour le climat », qui a été définie par une commission d’expertise présidée par le haut-fonctionnaire Alain Quinet, à l’époque économiste au sein du cabinet du Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin.


    La valeur de l’action pour le climat évalue le coût au-dessus duquel il est plus cher de réparer l’impact de tonnes de CO2 émises que d’investir pour les éviter.

    Si le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa) a récemment calculé une baisse significative des émissions de CO2, cet effort n’est en effet pas imputable à des politiques structurelles qu’aurait prises le gouvernement pour redresser la situation, mais plutôt à des facteurs conjoncturels : les effets encore perceptibles de la crise sanitaire de 2020, un hiver particulièrement doux, la crise énergétique et l’inflation des prix ont favorisé une baisse significative de la consommation d’énergie, et donc des émissions de gaz à effet de serre.

    Le gouvernement a cependant affirmé à l’envi avoir bien rempli ses objectifs. Pourtant, il a refusé à l’Affaire du Siècle de consulter la liste des mesures mises en place, malgré l’intervention de la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) qui plaide en faveur des organisations.

    Dans un contexte où chacun peut désormais ressentir les impacts de la crise climatique, les organisations de l’Affaire du Siècle restent plus que jamais mobilisées et vigilantes pour faire en sorte que l’État prenne les mesures structurelles nécessaires pour protéger les citoyennes et les citoyens.

    © Emeric Fohlen

    Conférence de Presse de l’Affaire du Siècle à l’Académie du Climat à Paris le 14 juin 2023 dans le cadre du recours en justice pour inaction climatique. © Emeric Fohlen