Catégorie : Inégalités climatiques

  • 14 mai 2020 – Pollutions et santé

    Les impacts sanitaires des dégradations environnementales et du changement climatique sont multiples. Dans ce 10e numéro de IMPACTS – La revue de presse des inégalités climatiques, nous nous concentrons sur les pollutions de l’air, des sols et de l’eau et leurs répercussions sur notre santé. Nous l’avons vu, le coronavirus a joué le rôle de révélateur et d’accélérateur des inégalités. Après avoir étudié les liens entre crise sanitaire et crise climatique le mois dernier, nous revenons sur un enjeu de santé publique majeur : les pollutions et leurs impacts inégaux sur la santé des citoyen-nes. Bien que la pollution ne soit pas un impact climatique, elle nécessite d’être étudiée lorsque l’on traite des liens entre santé et environnement.

    En France, la pollution de l’air engendre 48 000 décès prématurés par an. A l’heure de la crise sanitaire, les vulnérabilités dues à la pollution doivent être étudiées, surtout lorsqu’il semble que la pollution de l’air est un facteur aggravant dans la diffusion du virus du Covid-19. Pour l’Agence Européenne de l’Environnement (AEE), la Lombardie et la Plaine du Pô, deux des régions les plus polluées d’Europe, ont été gravement touchées par le coronavirus. Face à ces chiffres et constats alarmants quelles conséquences sur les populations, leurs droits et les inégalités ?

    Pour combattre les inégalités sociales climatiques et environnementales, il nous faut les connaître. C’est le sens de cette revue de presse élaborée par les bénévoles de Notre Affaire à Tous, qui revient chaque mois sur les #IMPACTS différenciés du changement climatique, sur nos vies, nos droits et ceux de la nature.

    La pollution : une question sociale et environnementale

    Certaines populations sont plus fragiles que d’autres et ont une sensibilité accrue à la pollution atmosphérique. Il s’agit des enfants, dont le développement de l’appareil respiratoire se poursuit jusqu’à 8 ans, des personnes âgées dont les défenses immunitaires sont amoindries (dans le monde, 75 % des décès attribuables à la pollution atmosphérique surviennent chez des personnes de plus de 60 an), ainsi que les asthmatiques et les personnes souffrant d’insuffisances respiratoires. Le nombre d’enfants asthmatiques a d’ailleurs doublé en vingt ans. 

    Les plus pauvres sont également les premières victimes de la pollution. Ils vivent dans des territoires plus exposés aux pollutions au dioxyde d’azote et au bruit. Les pollutions industrielles en particulier affectent en premier lieu les plus pauvres, parce que l’implantation d’industries pollueuses fait baisser les prix du logement, mais également parce que c’est dans les quartiers déjà habités par des populations défavorisées que l’on implante des industries polluantes.

    Par exemple, selon Eloi Laurent “pour 1% de population d’origine étrangère en plus, une commune voit augmenter de près de 30% la probabilité de voir s’installer sur son territoire un incinérateur”. Les lieux de vie des plus pauvres étant plus souvent subis que choisis, ceux-ci sont plus exposés aux pollutions, se trouvant à proximité de routes, de décharges, de zones d’épandage etc. 

    Selon un rapport du CESE de 2015, les installations industrielles à risques sont réparties très inégalement sur le territoire français : quelques régions, qui concentrent souvent les plus hauts taux de pauvreté, en accueillent une majorité. C’est le cas du nord de la région parisienne, de la vallée de la Seine, des grandes agglomérations du Nord-Pas-de-Calais et des territoires modestes de la région marseillaise et des Outre-Mer.

    Selon l’association Respire et l’OMS, les ménages à faibles revenus qui vivent dans des zones plus exposées et ont un accès limité aux infrastructures de santé sont aussi plus sensibles aux effets des pollutions de l’air. Le concept de justice environnementale aux Etats-Unis est d’ailleurs né, dès les années 1970, du constat que les inégalités dans l’exposition aux risques environnementaux étaient couplées d’une mise à l’écart des minorités raciales dans la conception et la mise en oeuvre des politiques environnementales.

    De l’implantation de sites d’enfouissement de déchets dangereux à des déversements de déchets toxiques dans certains quartiers, ces phénomènes touchent d’abord et avant tout les minorités ethniques : Africain-Américains, Hispaniques, populations autochtones… Les personnes les plus impactées face aux diverses pollutions sont donc les plus vulnérables socialement : ouvriers par rapport aux cadres, femmes et enfants par rapport aux hommes… La lutte contre les dégradations environnementales doit s’allier avec la lutte contre les inégalités sociales. Car l’une ne peut aboutir sans l’autre.

    La pollution de l’air

    Les liens entre pollution de l’air et santé Selon Santé publique France, “Même à de faibles niveaux, l’exposition aux polluants peut provoquer, le jour même ou dans les jours qui suivent, des symptômes irritatifs au niveau des yeux, du nez et de la gorge mais peut également aggraver des pathologies respiratoires chroniques”. A plus long terme, et même avec des niveaux de concentration faible, les conséquences sur la santé peuvent être bien plus importantes : la pollution de l’air accroît les risques de maladies respiratoires comme la pneumonie, les maladies chroniques comme les cancers du poumon et les maladies cardio-vasculaires. Des normes et autorités de régulations existent à l’échelle nationale et européenne. En mars 2020, les Etats membres de l’Unions Européenne ont validé les mesures préconisées par la Commission notamment sur le durcissement des règles sur les limites de concentration des polluants (selon les recommandations de l’OMS). 

    AirParif a d’ailleurs réalisé un état des lieux des normes et régulations sur la pollution de l’air en Europe. Pourtant, ces directives sont peu souvent respectées. 

    Pollution de l’air subie au travail : les risques pour les travailleurs. Dans le métro, la pollution de l’air est encore trop peu prise en compte. A Paris par exemple, la RATP met en danger la santé des travailleurs et des usagers. En effet, sur les quais et dans les couloirs du métro, les taux d’exposition aux particules fines “oscillent entre 91 et 207 micro-grammes(µg)/m³ d’air pour les particules PM10”. Pourtant l’OMS a fixé le seuil critique à 50µg/m³ pas plus de trois jours par an, “car ces particules sont capables de pénétrer et de se loger profondément à l’intérieur du système respiratoire”. Alors qui est impacté par les particules fines PM10 et PM2,5 ? Les conducteurs bien sûr mais aussi les agents de manœuvre, les contrôleurs, les personnes au guichet, les agents de sécurité… Tous subissent une exposition démesurée à cette pollution dans leur environnement de travail quotidien

    Quelles conséquences sur la santé ? Selon les métiers, certaines personnes vont souffrir plus que la moyenne de cancers ou de maladies cardiovasculaires. Les inégalités d’exposition à la pollution au travail sont bien réelles. Par exemple, les “deux tiers des ouvriers déclarent respirer des fumées ou des poussières sur leur lieu de travail contre un cadre supérieur sur dix”. D’autres chiffres alarmants concernant l’exposition aux nuisances sonores ou aux risques infectieux ont été étudiés par l’Observatoire des Inégalités. Les inégalités sociales face aux risques environnementaux sont encore trop peu abordées. Pourtant, “Le travail c’est aussi le bruit, la chaleur, les poussières ou la manipulation de produits qui donnent le cancer. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’au cours des années récentes les écarts se sont accrus”. 

    Aujourd’hui, un salarié sur trois subit la pollution de l’air au travail. Ouvriers des usines, chauffeurs-livreurs, personnels des transports publics et privés, travailleurs confrontés à l’amiante, agriculteurs confrontés aux pesticides, éleveurs industriels, personnels des stations services. La liste est longue et les inégalités règnent. 

    Pollution de l’air liée à l’agriculture : les risques pour les travailleurs agricoles. Dans les métiers agricoles particulièrement, les risques d’exposition aux pollutions sont élevées. Face à la crise du coronavirus, le Ministère de l’agriculture a lancé un appel à volontaires pour rejoindre les exploitations agricoles en manque de main-d’oeuvre étrangère. En plus de contrats précaires, il s’agit là de métiers difficiles voire dangereux exercés par des personnes sans aucune expérience dans le secteur. En guise de protection, des combinaisons, lunettes et gants de protection sans aucune formation ni sur leur utilisation ni sur le degré de toxicité des produits auxquels les travailleurs sont exposés. Face à ces risques de pollutions liées aux pesticides, l’association Phyto victimes a été créée en 2011 pour “rendre justice aux professionnels victimes des pesticides, et lutter contre la sous-évaluation des conséquences sanitaires des pesticides”. 

    Pollution de l’air dans les ménages : les risques pour les femmes et les enfants. Les femmes et les enfants sont également en première ligne face aux diverses pollutions. En effet, selon l’OMS, la pollution de l’air à l’intérieur des habitations concerne plus particulièrement les femmes. “Plus de la moitié des décès dus à la pneumonie chez les enfants de moins de cinq ans peuvent être attribués à la pollution de l’air intérieur”.  

    La pollution de l’air dans les écoles doit aussi être étudiéeL’association Respire sortait en mai 2019 un rapport sur la pollution dans les établissements scolaires de région parisienne ainsi qu’une carte interactive à partir de données fournies par Airparif (qui a d’ailleurs sorti une carte sur l’impact des mesures de confinement sur la pollution). En septembre 2019, une étude de l’Alliance pour la santé et l’environnement rapportaient des expositions continues à la pollution atmosphérique dans six établissements scolaires parisiens. Des résultats inquiétants pour près de 1000 écoliers de la capitale.

    Pollution de l’eau douce en France

    L’impact de la pollution de l’eau est sous-estimé, selon la Banque mondiale. Dans son dernier rapport, l’institution se penche sur l’impact environnemental, sanitaire et économique de deux polluants universels, les nitrates et le sel. L’eau minérale est quant à elle plus épargnée par la pollution. Des tests ont détecté des résidus de pesticides, de phtalates et de médicaments dans ces sources pourtant réputées pures. Pollutions dues à l’agriculture L’agriculture est à l’origine des deux tiers de la pollution de l’eau potable en France. « Selon l’UFC-Que choisir, 1,7 million de Français reçoit encore une eau non conforme à la législation”. 69% des cas de pollution des eaux vient de l’agriculture. En cause ? Les pesticides qui représentent 60% de cette pollution agricole. En France, cette pollution touche environ 700 000 personnes, notamment dans le bassin parisien, le Nord, la vallée du Rhône et le Sud-Ouest.

    Les pesticides se répandent notamment avec l’agriculture intensive. Bon nombre de rivières, de nappes phréatiques et de nappes souterraines sont déjà touchées en France. Le confinement n’a d’ailleurs pas empêché la pollution des rivières en Bretagne. Certains agriculteurs en ont profité pour faire de l’épandage à outrance. Pollutions dues à l’industrie La France est accusée par ses voisins belges de « négligence » pour avoir omis d’alerter sur une grave pollution fluviale qui a eu lieu le 9 avril. Qualifiée de « catastrophe environnementale », cette pollution émane de l’usine Tereos à Cambrai à partir de laquelle 100 000 mètres cubes d’eau de lavage des betteraves sucrières se sont déversés dans l’Escaut, asphyxiant tout sur leur passage. D’autre part, en Normandie, une usine du groupe Servier a aussi été à l’origine d’une pollution de l’eau. Plus de 20 000 personnes ont été privées d’eau potable après la découverte de N-Nitrosomorpholine dans un captage d’eau à Bolbec (Seine-Maritime). Enfin, nos médicaments polluent aussi les rivières. De plus en plus de résidus chimiques issus de traitements utilisés en médecine humaine et animale se retrouvent dans la nature et dans l’eau.

    Pollution et confinement : quel bilan ?

    La qualité de l’air est l’un des enjeux majeurs à reconquérir dans nos villes. Si le confinement a permis, en un peu plus d’une semaine, de réduire la pollution de l’air dans l’agglomération parisienne de 20 à 30 % par rapport à un mois de mars « normal », selon un bilan provisoire publié par Airparif, cela ne doit pas cacher la réalité de la situation. Bien que la pollution due au trafic routier ait baissée durant le confinement, de nombreuses autres sources d’émissions polluantes sont, elles, restées actives. Cela explique des épisodes de pollution qui se sont déclarés dans diverses régions, comme dans le Norden Normandie, ou en Bretagne.

    Les principales sources de pollution semblent être le chauffage au bois et l’activité agricole. Une procédure d’alerte pour pollution aux particules fines a d’ailleurs été enclenchée le 25 avril dans la Manche et en Seine-Maritime. Ce sont principalement les activités liées à l’agriculture, notamment les épandages, ou encore la combustion de la biomasse (brûlage de déchets verts) qui ont été responsables de ces dégradations de la qualité de l’air. Pendant le confinement, les agriculteurs ont bénéficié d’un changement de la réglementation sur les zones d’épandage qui leur a été très favorable : sous certaines conditions, les zones de non-traitement ont pu être réduites de 10 mètres à 5 mètres pour la ZNT en arboriculture, viticulture, petits fruits et de 5 mètres à 3 mètres pour les autres cultures… “Non seulement les gens, déjà inquiets pour leur santé, ne peuvent s’éloigner lorsqu’ils sont incommodés, mais le télétravail et le chômage leur laissent tout loisir d’assister, par la fenêtre, aux ballets des tracteurs”. 

    Toutefois, en réduisant la pollution de l’air, le confinement aurait tout de même évité 11 000 décès en Europe en un mois. En France, ce chiffre s’élève à 1230 sur la période du confinement, grâce à une réduction des concentrations en particules fines (moins 10% du niveau moyen) et de dioxyde d’azote (moins 40% du niveau moyen). Cela montre l’importance de considérer la pollution de l’air comme un réel problème de santé publique et de mettre en place des politiques ambitieuses pour réduire ses effets. Pour rappel, c’est chaque année en Europe plus de 400 000 morts prématurées à cause des particules fines et du dioxyde d’azote selon l’Agence européenne de l’environnement.

    Dans Libération, on peut lire que la baisse de la circulation automobile a eu un effet sur la qualité de l’air notamment dans les zones denses où se concentrent les véhicules. Place de l’Opéra à Paris ou au tunnel de la Croix-Rousse à Lyon, “la concentration d’oxydes d’azote (NOx) a diminué drastiquement depuis le début du confinement”. Une diminution de 30% de la concentration de NOx a été enregistrée à Lille. A Nantes, le chiffre s’élève à 75% entre la 1ere quinzaine de mars et 2nde.

    Autre type de polluants particulièrement nocifs, les particules fines n’ont quant à elles perdu en concentration que plus tardivement. En cause ? Chauffage au feu de bois et épandage d’engrais. “A Paris, c’est l’agriculture non-biologique qui était responsable du taux élevé”. La météo clémente des premières semaines de confinement a aussi favorisé cette concentration de particules PM10 et PM2,5.

    Face à ces risques environnementaux : que peut la justice ?

    Dans les tribunaux, ces dernières années, la faute de l’Etat a été reconnue à plusieurs reprises face à la pollution de l’air. Dès 2017, le Conseil d’Etat enjoignait le gouvernement de “prendre toute les mesures nécessaires” contre la pollution de l’air. En 2019, deux tribunaux franciliens ont également reconnu la faute de l’Etat. 

    Le tribunal administratif de Montreuil a jugé que celui-ci avait commis “une faute du fait de l’insuffisance des mesures prises en matière de qualité de l’air pour remédier au dépassement, entre 2012 et 2016, dans la région Ile-de-France, des valeurs limites de concentration de certains gaz polluants”. Puis, le tribunal administratif de Paris a donné raison à trois requérants, vivant à Paris depuis 20 ans et souffrant de pathologies respiratoires. Au niveau européen également, en 2018, la Commission européenne a renvoyé la France et 5 autres Etats membres devant la Cour de Justice de l’Union Européenne pour non-respect de la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 sur la qualité de l’air. 

    Récemment, le 9 mars 2020, des parents d’élèves de l’école Michel-Servet à Lyon, accompagnés par Greenpeace (située à la sortie du tunnel de la Croix-Rousse, zone particulièrement polluée de la métropole) ont lancé une action en justice contre la ville, la métropole et l’Etat contre l’insuffisance de l’action pour lutter contre la pollution de l’air. Une autre action qui avait pour but de protéger les enfants d’une école, a elle connu une victoire récente. Il s’agit d’un recours déposé en janvier à la Cour Administrative d’Appel de Paris. La FCPE de Seine-Saint-Denis et l’association Vivre à Pleyel, accompagnées par GéoAvocats, demandaient qu’un projet d’échangeur autoroutier sur l’A86 à Pleyel soit revu afin que la concentration du trafic routier aux abords du groupe scolaire Pleyel/Anatole France soit réduite. Le 5 mai, le juge des référés a rendu son verdict suspendant l’arrêté du préfet d’Ile-de-France. 

    Enfin, en plein coeur de l’épidémie, l’association Respire avait déposé un référé-liberté au Conseil d’Etat sur les liens entre pollution de l’air et coronavirus en demandant “l’application immédiate des dispositions prévues (arrêté du 7 avril 2016) en cas de pic de pollution en particulier dans le cadre des activités agricoles, qui restent, en ces temps de confinement, cause de pollution”. L’association Respire demandait que soit reconnue la carence de l’État à réglementer les épandages générateurs d’ammoniac créant une pollution atmosphérique susceptible d’aggraver l’épidémie de coronavirus. Pour l’association, le rejet de la requête le 20 avril par le Conseil d’Etat va à l’encontre de la santé publique.

    Quels liens entre pollutions et changement climatique ?

    Si le dioxyde de carbone, principal gaz à effet de serre, n’atteint pas la santé humaine (dans les quantités usuelles), les liens entre polluants atmosphériques et changements climatiques existent bien. D’un côté, la pollution de l’air contribue au changement climatique. Certains polluants font actuellement l’objet de recherche sur leur rôle dans le réchauffement climatique : c’est le cas par exemple du carbone suie, émis par les moteurs à combustion, qui serait le deuxième facteur de réchauffement climatique dans le monde, après le CO2 (Voir le rapport complet de Airparif). 

    En retour, le changement climatique aggrave aussi la pollution atmosphérique. L’augmentation des températures favorisent la production d’ozone et les feux de forêts et augmentent la désertification (ce qui amplifie la présence de particules de sable dans l’air). “De plus, sous l’effet de la chaleur, certains gaz comme les composants organiques volatils et les oxydes d’azote (NO et NO2) se transforment en ozone (O3), un gaz irritant très puissant qui déclenche certaines maladies respiratoires et cardiovasculaires”. Enfin, le changement climatique est également la cause d’un allongement de la saison des pollens dans les pays du Nord et du déplacement de végétation dans de nouvelles zones ce qui favorise le développement des allergies.

    D’ailleurs, en 20 ans, le nombre d’allergies liées au pollen a triplé dans l’Hexagone. Ce sont 20% des adolescents et plus de 30% des adultes qui sont touchés, selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. 

    L’association AirParif affirme donc que les actions pour lutter contre le changement climatique et les pollutions atmosphériques doivent être synchronisées, en particulier les politiques visant à réduire la consommation énergétique permettant de progresser sur les deux plans. “A l’inverse, certaines stratégies menées de manière indépendante pour réduire l’un peut voir un impact négatif pour l’autre : le chauffage individuel au bois, l’évaluation des véhicules uniquement sur le CO2…”.

    En plein coeur de la crise sanitaire, les soignant-es ont voulu rappeler que la plus grande menace sur notre santé est le changement climatique, dans une tribune publiée le 9 mai par Reporterre. Notre droit à la santé est déjà gravement menacé par les dégradations environnementales. Il y a urgence vitale à agir.

    Pollutions, santé et liberté d’informer

    Informer sur les différentes pollutions, c’est bien évidemment s’attacher aussi à démontrer les responsabilités, en se basant sur des faits scientifiques et des enquêtes de terrain. Or, dans certains cas, cette liberté d’informer portée par des journalistes est mise à mal par certains secteurs industriels puissants. La bande-dessinée Algues vertes, l’histoire interdite retrace l’enquête menée par Inès Léraud en collaboration avec Pierre Van Hove sur les causes et conséquences des algues vertes en Bretagne, pollution due au secteur agroalimentaire. Malgré de nombreuses enquêtes sur plusieurs décennies et des preuves scientifiques à foison, peu de mesures sont prises contre la propagation de cette pollution. Ses conséquences néfastes pour la santé (pouvant entraîner jusqu’à la mort) ne sont aujourd’hui pas encore adressées par les pouvoirs publics.


    78% des Européens pensent que les problèmes environnementaux ont un effet direct sur leurs vies quotidiennes et leur santé. Les impacts sanitaires des dégradations environnementales et du changement climatique sont multiples. Ces prochains mois, la revue de presse IMPACTS cette diversité de phénomènes.

  • 2 avril 2020 – Numéro spécial crise sanitaire de IMPACTS


    Dans le contexte de la crise du Covid-19, Notre Affaire à Tous sort aujourd’hui un numéro spécial de la revue de presse des inégalités climatiques #IMPACTS. Les risques sanitaires du réchauffement de la planète, de la perte de la biodiversité et des dégradations environnementales sont multiples : canicules, pollutions, maladies infectieuses… Nombreuses seront les victimes. 

    Dès 2015, en amont de la COP21, des professionnels de la santé, réunis dans l’Alliance mondiale pour le climat et la santé, appelaient à l’adoption d’un accord international ambitieux sur le changement climatique, afin de protéger la santé des populations. Dans la mesure où il aggraverait la survenance de crises sanitaires, le changement climatique devient une question primordiale de santé publique. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) rappelle d’ailleurs que les changements climatiques seront la cause de 250 000 décès par an. Depuis le début du confinement, une multitude d’articles ont été publiés sur les similarités entre crise sanitaire et crise climatique et la nécessité d’une relance post-crise socialement et écologiquement juste. 

    Aujourd’hui, plus que jamais, au travers de cette revue de presse, notre souhait est d’identifier les liens étroits entre santé et environnement, les droits menacés par le dérèglement climatique du point de vue sanitaire et les liens entre la crise que nous vivons et celle à venir. Pour combattre les inégalités, sociales et climatiquesil nous faut les connaître. C’est le sens de cette revue de presse élaborée par les bénévoles de Notre Affaire à Tous, qui revient chaque mois sur les #IMPACTS différenciés du changement climatique, sur nos vies, nos droits et ceux de la nature.



    L’épidémie du Covid-19 souligne l’impact des activités humaines sur la nature et les répercussions que celles-ci engendrent : la déforestation, dégradation majeure de l’environnement au profit d’intérêts économiques, a des conséquences directes sur la santé humaine. Elle est liée à 31% des épidémies comme Ebola ou encore les virus Zika et Nipah.

    En effet, parce que “la majorité des nouvelles maladies infectieuses vient des animaux sauvages”, la déforestation favorise la propagation des virus chez les humains. Selon l’OMS, 60% des maladies infectieuses humaines sont zoonotiques, c’est-à-dire qu’elles se transmettent des animaux vertébrés vers les humains, et inversement. Source : Organisation mondiale de la santé animale.

    L’impact des dégradations humaines sur l’environnement entraîne des déséquilibres environnementaux qui ont des conséquences directes sur la santé animale et humaine, profondément interdépendantes. Un rapport des Nations Unies de 2016 pointait déjà du doigt le risque sanitaire des maladies zoonoses en raison de la destruction des écosystèmes.

    En perturbant les écosystèmes, en coupant des arbres, en forçant les animaux à migrer plus près des villes ou encore en les tuant, nous libérons des virus de leurs hôtes naturels qui doivent alors trouver de nouveaux hôtes : souvent, les humains. Le Covid-19 en est la preuve. Bien que la mondialisation et la mobilité humaine favorisent le déplacement des virus aux quatre coins du globe, le changement climatique renforce toujours plus la propagation de ces maladies infectieusesLe dernier rapport de la revue médicale The Lancet, sorti en novembre 2018 affirme que le dérèglement climatique produit des changements dans la transmission de maladies vectorielles ou hydriques. Par exemple, en 2016, “la capacité vectorielle mondiale pour la transmission du virus de la dengue a atteint son plus haut niveau jamais enregistré”. Le rapport Lancet Countdown met en lumière de multiples risques que pose le changement climatique sur la santé humaine : chocs cardiovasculaires, propagation de virus, pénuries alimentaires. Il insiste enfin particulièrement sur les vulnérabilités dues à la pollution de l’air, un phénomène d’autant plus capital qu’il semble être un facteur aggravant du virus du Covid-19. L’Agence Européenne pour l’Environnement (AEE) observe que la France et l’Italie, deux des pays les plus touchés par l’épidémie sont d’ailleurs les plus pollués en particules fines d’Europe. Nos modes de vie urbains sont au coeur de ces dégradations : on peut lire dans Le Temps que la pandémie de coronavirus est partie de Wuhan, “une ville qui a subi fin 2019 près de deux mois d’un niveau exceptionnel aux particules fines PM2.5”.



    De nouvelles maladies risquent aussi d’émerger avec le dégel du pergélisol. En plus de rejeter massivement du protoxyde d’azote au moment de sa fonte, troisième gaz à effet de serre le plus préoccupant, ce sol, normalement gelé en permanence, pourrait perdre jusqu’à 70% de sa surface d’ici 2100, selon le GIEC. 

    Dans Actu Environnement, on peut lire que “la fonte de la cryosphère et la hausse des températures augmentent le risque d’exposition à des pathogènes humains, laissant craindre que la pandémie de Covid-19 ne soit que la première des épidémies à venir si le dérèglement du climat n’est pas enrayé”. Après des centaines voire des milliers d’années, des maladies dont nous pensions être protégé-es vont refaire surface avec la fonte des calottes glaciaires et du pergélisol. Ce phénomène va également modifier la propagation des virus. C’est notamment le cas de la maladie du charbon, l’anthrax, qui a causé la mort d’un enfant en Sibérie en 2016, alors que la maladie avait disparu de la région depuis 75 ans. Les volontés des industries minières et pétrolières en Arctique, outre la catastrophe que leurs activités engendreraient sur l’environnement, pourraient réveiller des virus enfouis dans les sous-sols. De nombreuses maladies infectieuses existantes se propagent aussi plus facilement avec le réchauffement climatique. En tête des maladies liées au climat ? Le choléra, dont la bactérie est liée à 9 composantes climatiques, et la maladie de Lyme, liée à 7 facteurs climatiques. Cette dernière risque de se propager plus facilement : une étude de 2014 montre que les taux de reproduction et les aires de répartition des tiques, vecteurs de la maladie de Lyme, vont augmenter à mesure que les températures se réchauffent. Températures, humidité, niveau de précipitations, tous ces aléas peuvent être responsables de telles propagations, qui concernent surtout les maladies vectorielles.

    La dengue, le chikungunya, le zika, la fièvre jaune, maladies provenant du moustique-tigre, gagnent de nouveaux territoires chaque année, dont le Lot-et-Garonne, département désormais “classé en niveau 1 du plan national anti-dissémination de ces virus”. En 2019, la dengue a particulièrement touché l’Ile de la Réunion. Enfin, c’est en 2014 qu’une première étude établissait le lien direct entre changement climatique et émergence d’une maladie avec l’ulcère de Buruli en Guyane, infection qui connaît des pics épidémiques lors des épisodes El Niño. 

    Même si les liens entre réchauffement planétaire et diffusion des épidémies divisent encore les chercheurs, il est nécessaire que les politiques de lutte contre le changement climatique prennent mieux en compte la question sanitaire. Sinon, c’est prendre le risque de connaître des pandémies telles que celle du Covid-19, sources majeures d’inégalités à toute échelle. Au niveau mondial, des réseaux de chercheurs et de professionnels de santé se forment pour une réelle protection des populations face à ces risques. Une “conférence mondiale relative à l’impact des changements climatiques sur la santé” a notamment été organisée en 2019 par la Croix-Rouge.


    Cette crise est-elle l’occasion de redonner un coup d’accélérateur à la lutte contre le dérèglement climatique ? A court-terme, il semblerait que la crise ait des effets positifs sur l’environnement : des images de la NASA ont montré une diminution flagrante de la pollution en Chine dès les premières semaines de confinement. Les émissions de dioxyde d’azote (NO2) ont diminué entre 10 et 30% entre le 2 février et le 1er mars 2020 comparé à la même période en 2019. A Venise, l’eau des canaux est redevenue limpide, grâce à une activité touristique au point mort. Des dauphins ont fait leur retour dans un port de SardaigneCes images, bien que réjouissantes de prime abord, cachent une réalité beaucoup moins glorieuse.

    Pour François Gemenne, la crise du coronavirus est “une bombe à retardement pour le climat” : relance économique qui suscitera un boom des émissions de gaz à effet de serre, climat au second plan de toute décision politique au profit de reprises d’activités climaticides… il semble aujourd’hui essentiel d’apprendre des crises, qui, malgré leurs différences, ont des origines et des conséquences parfois similaires. Le think tank I4CE vient d’ailleurs de publier une note pour permettre l’investissement post-crise en faveur du climat.

    Le manque d’anticipation de la crise sanitaire rappelle aussi avec tristesse le manque de moyens alloués à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique. Si nous continuons sur cette voie, le manque d’anticipation aura certainement des effets bien plus dévastateurs que la pandémie du Covid-19. Aujourd’hui, encore trop peu d’études sont réalisées au sujet de l’adaptation des territoires et des êtres vivants aux changements climatiques. En France par exemple, la région Nouvelle-Aquitaine est une des seules à avoir étudié les impacts socio-économiques et naturels de la dégradation de l’environnement, grâce au travail du Comité Scientifique Régional AcclimaTerra.


    Si la maladie touche tout le monde, nous n’y sommes pas confrontés de la même manière. Partout dans le monde, la pandémie est un grand révélateur des inégalités”. Au début du confinement l’économiste Lucas Chancel discutait de ces enjeux dans une interview pour France Culture. En effet, les inégalités sociales sont exacerbées par la crise sanitaire. Les plus démuni-es sont les plus touché-es et souvent délaissé-es : migrant-espersonnes âgées et isoléesdétenustravailleurs précairesfemmes occupant des métiers à risques et sous-rémunérés (hôtesses de caisse, infirmières, aides-soignantes), personnes sans domicile fixe, etc. Face au manque de ressources et à la précarité, de nombreuses personnes s’adaptent difficilement au confinement : le mal-logement est d’ailleurs un fléau qui se révèle encore plus en cette période exceptionnelle. 

    Les rapports annuels de la Fondation Abbé Pierre sont révélateurs du manque de prise en compte des mal-logés, alors que le phénomène de surpeuplement des logements touche 9 millions de personnes en France, un chiffre qui augmente depuis 10 ans. La période de confinement pose évidemment la question du droit à un logement digne. Si nous faisons le lien entre mal logement et lutte contre le changement climatique, c’est la question de la précarité énergétique qui nous vient à l’esprit. Il y a actuellement près de 7 millions de personnes en situation de précarité énergétique selon l’Observatoire national de la précarité énergétique, subissant à la fois le froid et le chaud et se ruinant en facture énergétique. Ce phénomène est aussi source de maladies plus fréquentes, comme l’asthme, les bronchites ou autres maladies respiratoires. 

    Les enfants issus de familles plus précaires pâtiront également plus de cette période de confinement : les inégalités entre élèves vont se creuser car les cours à la maison dépendent à la fois de la capacité des parents à prendre le relais des enseignant-es mais aussi de l’accès à internet, à partir duquel les outils pédagogiques sont mis à disposition. 

    Le droit à l’eau aussi est impacté : l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est nécessaire pour effectuer les “gestes barrières” et lutter contre la propagation du coronavirus. Or, 1% de la population française n’a pas accès à l’eau, notamment les populations précaires et marginalisées en métropole, et les Outre-Mer qui subissent de plein fouet cette inégalité. 

    Par ailleurs, le projet de loi de l’Etat français instituant un “état d’urgence sanitaire” engendrera des mesures exceptionnelles restreignant les libertés fondamentales comme la liberté d’aller et venir, la liberté de réunion ou encore la liberté d’entreprendre. Si les effets des mesures de confinement permettent à la fois de ralentir la propagation du virus et de diminuer la présence de polluants qualifiés de nocifs pour les êtres vivants, il est difficile de considérer que de telles mesures exceptionnelles et restrictives des libertés pourraient faire partie de la solution pour garantir le droit à un environnement sain. 

    Aux Etats-Unis, les populations afro-américaine, latino-américaine et autochtones sont les trois catégories de populations les plus affectées par les crises sanitaires. Ces communautés vivent à la fois dans des zones peu prises en compte dans les politiques publiques, souvent situées dans les endroits les plus pollués et leurs emplois ne garantissent souvent aucun jour d’arrêt maladie. Pour le Dr. Melissa Clark, le racisme et la pauvreté sont des facteurs aggravants en période de crise sanitaire, qui les rend plus vulnérables que la moyenne et plus touchées par des maladies chroniques. Le développement des maladies est directement lié à l’environnement socio-économique des populations. Ces communautés vulnérables sont aussi celles qui sont le plus impactées par le changement climatique. C’est d’ailleurs suite au constat que leurs situations sociale, économique, politique rendaient difficile la contestation de projets polluants que le terme de justice environnementale est né aux Etats-Unis. Ainsi, la phrase de Lucas Chancel pourrait en tout point de vue être appliquée au changement climatique. Car celui-ci touchera tout le monde, mais plus durement et en premier lieu les personnes les plus vulnérables, les conséquences du réchauffement climatique étant étroitement liées à des variables sociales, culturelles et institutionnelles, aggravant les inégalités.


    En tant qu’association qui travaille avec détermination contre la crise climatique, nous sommes solidaires des personnes affectées par cette pandémie et celles qui sont en première ligne pour la combattre. Quand il s’agit de protéger les modes de vie et les droits fondamentaux, toutes les crises doivent être traitées de manière égale. Nous devons y répondre aujourd’hui, aplatir la courbe du coronavirus tout en retenant les leçons de la crise sanitaire.

    78% des Européens pensent que les problèmes environnementaux ont un effet direct sur leurs vies quotidiennes et leur santé. Les impacts sanitaires des dégradations environnementales et du changement climatique sont évidemment multiples et ne se cantonnent pas à l’apparition de maladies infectieuses. Ces phénomènes seront explorés dans les numéros de IMPACTS ces prochains mois.

  • La justice climatique, partout sur les territoires !

    7 et 8 mars 2020 : Notre Affaire à Tous en région Rhône-Alpes !

    Rencontres avec citoyennes et citoyens qui s’engagent pour la justice climatique, rendez-vous avec des professionnels du droit, retrouvailles avec un allié de longue date et visite des membres de notre groupe local à Lyon : un weekend intense !

    L’Affaire du Siècle des régions ?

    Ce weekend nous a permis de rencontrer des personnes inspirantes, déterminées à chercher la justice pour la protection de leur futur et celui de leurs enfants. Réuni-es dans un collectif de 25 personnes appelé “Parents pour la planète”, ces parents se sont rassemblés en octobre 2019 à l’initiative de Hélène Fléchet, soucieuse de l’avenir de ses enfants dans la Drôme, département particulièrement vulnérable à la sécheresse et au stress hydrique.

    Après l’envoi d’une lettre à des parents d’élèves de son département, elle est parvenue à former ce collectif unique ! 

    Visage et témoin direct des impacts du changement climatique sur leur territoire, le collectif a lancé une pétition rassemblant à ce jour 55 000 signatures. Le futur de leurs enfants est au centre de leur action. Ces citoyennes et citoyens espèrent que leur action juridique sera suivie par d’autres et aura un effet “boule de neige” sur tous les territoires ! Leur action a d’ailleurs déjà des répercussions : A Lyon et dans le Lot, des parents d’élèves sont en en train d’initier des actions similaires. 

    L’Affaire du Siècle, l’action en justice contre l’inaction climatique de l’Etat français a été facteur de sensibilisation sur les obligations climatiques des pouvoirs publics, et de celles de protection des droits fondamentaux des citoyennes et citoyens. Au travers de recours face aux grands projets inutiles et imposés partout sur les territoires, d’appels pour une constitution écologique, d’actions en justice face aux pollueurs majeurs, françaises et français se saisissent des outils juridiques pour protéger leurs droits et ceux de la planète.

    Les témoins du changement climatique sont nombreux

    Et pour cause : les personnes impactées par le changement climatique sont de plus en plus nombreuses, en France et dans le monde. Ce sont les femmes, les personnes les plus précaires, les personnes âgées, les jeunes et futures générations qui sont en première ligne du changement climatique et qui subiront d’abord des atteintes à leurs conditions de vie et leurs droits fondamentaux. 

    Notre séjour drômois nous a d’ailleurs permis de rendre visite à Maurice Feschet, un visage révélateur des impacts du changement climatique en France. Lavandiculteur à la retraite, Maurice, 73 ans, est engagé depuis mai 2018 dans une action en justice contre le manque d’ambition climatique de l’Union Européenne à l’horizon 2030. Avec 10 autres plaignant-es (des familles d’Europe et du monde et une association de jeunesse autochtone en Suède), il agit pour la protection de ses droits fondamentaux à la vie, à la santé, au logement, au travail et à la propriété. Cette action, c’est le People’s Climate Case

    Nous accompagnons Maurice depuis deux ans dans sa quête de justice, pour lui et sa famille, qui subissent les conséquences économiques du réchauffement climatique. Car en 6 ans, la famille a perdu 44% de ses revenus liés à la récolte de lavande. 

    Malgré une décision défavorable en première instance, la famille ne perd pas espoir et continue à demander justice tout en sensibilisant les communautés alentours à la nécessité d’agir pour notre futur. Lors de notre visite, Maurice Feschet nous a expliqué les étapes de la production de lavande, les outils nécessaires et les problèmes que lui et sa famille rencontrent depuis une décennie à cause des sécheresses à répétition dans la Drôme provençale. 

    Visite du groupe local de Notre Affaire à Tous à Lyon

    Sur le chemin de la Drôme, nous avons aussi rendu visite le groupe local Lyonnais aux 34ème salon-rencontres de l’alter-écologie Primevère à Eurexpo Lyon. C’était l’occasion, par la tenue d’un stand et notre participation à une conférence, de promouvoir le droit comme moyen d’action dans notre combat pour instaurer une justice climatique et sociale. De nombreux citoyen-nes, souvent signataires de l’Affaire du Siècle, sont venus nous solliciter pour des actions locales ou témoigner de l’impact du changement climatique sur leur vie. 

    Ce fut également l’occasion de solidifier nos relations avec les autres associations de protection de l’environnement locales présentes au salon pour unir nos forces et protéger ensemble nos droits et ceux de la nature. Vous pouvez contacter le groupe local à cette adresse : lyon@notreaffaireatous.org

  • 25 février 2020 – Les villes françaises face au changement climatique ?

    Les villes françaises face au changement climatique ? Les impacts du dérèglement du climat sont visibles partout. Et les milieux urbains n’y échappent pas. Quelles sont les conséquences du changement climatique sur les modes de vie des citadin-es français-es ? Canicules et îlots de chaleur, pics de pollutions, surdensification, atteintes à la santé publique et aux conditions de travail, précarité énergétique… Autant de signaux révélateurs de fortes inégalités au sein des villes françaises. 

    Ce 8e numéro de #IMPACTS, la revue de presse des inégalités climatiques s’inspire de l’enquête “Vivre les fournaises urbaines” sur les vécus climatiques dans 5 villes du sud de la France réalisée par Guillaume Faburel de l’Université Lyon 2, durant l’été 2019. Cette enquête montre notamment un sentiment d’injustice face aux impacts du changement climatique. A l’heure où les prévisions estiment à 70% la part de la population urbaine mondiale en 2050 et où l’Agence Européenne de l’Environnement vient de publier une série de cartographies sur les impacts auxquels devront faire face les européen-nes d’ici 2100, il est indispensable de préparer les villes à des changements d’ampleur inégalée. 

    Pour combattre les inégalités, sociales et climatiquesil nous faut les connaître. C’est le sens de cette revue de presse élaborée par les bénévoles de Notre Affaire à Tous, qui revient chaque mois sur les #IMPACTS différenciés du changement climatique, sur nos vies, nos droits et ceux de la nature.

    L’été 2019 en France a été le théâtre de deux fortes vagues de chaleur. Elles ont touché les milieux urbains de plein fouet. Les personnes touchées par la précarité énergétique et le mal logement étaient malheureusement aux premières loges de ces phénomènes. Selon la loi Grenelle II, un ménage est en état de précarité énergétique s’il consacre plus de 8% de ses revenus à ses dépenses d’énergie. En France, près de 7 millions de personnes souffrent de ce phénomène et les moins aisées sont les plus touchées. L’ADEME estime que 70% des personnes en situation de précarité énergétique appartiennent aux 25% de ménages les plus modestes et 65% vivent en ville. Les urbains seraient donc fortement touchés par cette précarité. Pour la Fondation Abbé Pierre, ce phénomène est une illustration des inégalités et un facteur aggravant de la pauvreté. 

    La précarité énergétique est souvent associée à la difficulté de se chauffer l’hiver. L’article de Mediapart “Voyage au coeur de la précarité énergétique dans le 93” montre que dépenser “tout son argent en factures d’électricité, grelotter dans son lit, avoir des températures plus basses à l’intérieur que dehors” sont autant de problèmes auxquels font face ces “victimes invisibles” des logements inadaptés au changement climatique. 

    Cependant les fortes chaleurs d’été touchent tout autant les habitant-es des “passoires thermiques”. Et dans le contexte du réchauffement climatique, les périodes des canicules sont amenées à se multiplier. Les impacts sanitaires liés au changement climatique sont notamment flagrants en milieu urbain. En effet, parmi les décès attribués à la canicule de 2003, à Paris “41% vivaient dans une pièce unique et 36% dans des chambres de bonnes”. Et, le milieu urbain engendre souvent plus d’isolement, notamment chez les retraités. Par opposition aux villages où le lien social est très marqué, les urbains habitant seuls sont plus en proie à l’isolement et risquent plus d’être oubliés en cas de problème de santé, notamment en période de canicule. 

    Et le constat est encore pire pour les personnes sans domicile fixe pour qui l’accès à l’eau devient un véritable casse tête en période de chaleurs extrêmes. Des associations, comme le Samu social organisent d’ailleurs des distributions de bouteilles d’eau dans de nombreuses villes. L’été serait plus meurtrier que l’hiver pour les sans-abris, d’après France Info

    Face à ces constats alarmants, l’isolation des passoires thermiques est une solution. En plus d’améliorer le bien-être et la santé des habitants, cela permettrait de faire baisser leur facture énergétique. Des bienfaits pour le portefeuille et le climat ! En effet, accélérer la rénovation des passoires énergétiques est un enjeu crucial pour le climat. Pour l’architecte Philippe Rahm “pour lutter contre le réchauffement climatique, changez vos fenêtres” : il explique que cela permettrait de réduire les émissions de CO2 de 15%. Si l’on va plus loin, isoler thermiquement les murs et le toit d’une épaisseur de laine de 25cm permettrait de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 32,4 %.

    Les villes sont en première ligne des effets du changement climatique : elles sont les plus touchées par les fortes chaleurs, notamment liées à la pollution de l’air, à la densité de l’habitat, au manque d’espaces verts et à la minéralisation des sols, le tout dans un contexte de grignotage urbain. On parle d’îlot de chaleur urbain, parce qu’il existe de forts écarts de températures entre la ville et son environnement périphérique moins urbanisé. Pour lutter contre ce phénomène les espaces verts sont vitaux ! 

    Pour une majorité d’habitant-es ayant répondu à l’enquête “Vivre les fournaises urbaines” de l’Université Lyon 2, il existe deux causes principales aux ressentis de fournaises et d’injustices : les dynamiques métropolitaines d’urbanisation, qui passent par une densification à outrance, ainsi que l’hyper concentration des bâtiments et des populations. Et ces dynamiques s’accompagnent souvent d’une disparition remarquée d’espaces de respiration et de décompression : les friches, les espaces verts, les franges non-construites des villes. Pour un étudiant habitant dans les quartiers Nord de Marseille par exemple, “une ville par définition c’est très minéral. Alors ça ne donne pas beaucoup d’espaces de repos, à part des parcs, un peu chez soi. Je pense que c’est bien pour un moment de sa vie mais on n’est pas fait pour vivre en ville entouré de béton”. La deuxième cause réside plutôt dans l’inaction des institutions et des politiques publiques sur les enjeux climatiques urbains. 

    Une chronique publiée sur le site des Nations Unies fait état des bienfaits apportés par les espaces verts aux villes mais aussi des inégalités qui découlent de leur répartition. Les espaces verts sont des “îlots de fraîcheur” et des refuges en cas de forte chaleur. Ils contribuent aussi à l’amélioration de la qualité de l’air et sont donc nécessaires à la bonne santé des citadins. Cependant, les études montrent que les populations les plus défavorisées en milieu urbain vivent dans des quartiers où les espaces verts sont rares ou peu accueillants et insécurisés. Un article publié dans Sciences et Avenir fait le même constat : les personnes les plus touchées par le réchauffement climatique sont souvent des personnes âgées, habitant dans des quartiers populaires disposant de peu d’espaces verts.

    Le changement climatique a déjà des impacts importants sur notre santé et en particulier dans les villes. Les deux épisodes de canicule de l’été 2019 ont fait 1435 victimes en France, touchant particulièrement les enfants de moins de 4 ans et les personnes de plus de 65 ans. Les principales causes de décès sont la déshydratation, et l’aggravation des maladies existantes. L’isolement, l’ébriété, la grossesse, le mal logement et le travail en extérieur sont des facteurs aggravants. Mais les impacts du changement climatique sur notre santé ne se limitent pas aux canicules. La multiplication des épisodes de précipitations extrêmes gagnent aussi en intensité. L’urbanisation et l’imperméabilisation des sols jouent un rôle majeur dans l’exposition aux risques d’inondations et de crues qui peuvent entraîner des montées des eaux très rapides notamment en milieu urbain. Les inondations ont fait 13 morts dans le sud-est à l’automne 2019 et ont emporté 11 personnes dans l’Aude un an plus tôt. Conséquence ? De nombreuses victimes ont développé un « stress post-traumatique ». 

    L’augmentation moyenne des températures a aussi des conséquences sur les allergies. C’est le cas pour les pollens qui touchent près de deux fois plus d’adultes qu’il y a vingt ans (près de 20% des adultes sont allergiques). Cela s’explique par le fait que la saison pollinique des graminées est de plus en plus longue à cause de l’augmentation des températures (par exemple 4,5% par an à Nice depuis 1989). Les allergies aux acariens devraient elles aussi augmenter. En effet, les moisissures prolifèrent avec la chaleur. La densité des acariens est d’ailleurs plus forte en ville, là où la température moyenne est la plus élevée. La chaleur a aussi permis l’arrivée et le développement du moustique tigre, porteur du virus tropical Zika qui a su s’adapter au milieu urbain en colonisant une multitude de récipients et d’éléments d’origine anthropique retenant ou stockant l’eau (fût, bidon etc.). 

    Enfin, les températures élevées favorisent la production de polluants atmosphériques tels que l’ozone. La pollution de l’air dont souffrent les habitant-es des métropoles comme Lille, Paris ou Lyon a des effets de nature respiratoire : symptômes irritatifs, asthme, mais aussi de nature cardio-vasculaire comme les infarctus. Les plus menacé-es par la pollution de l’air sont les personnes âgées, les nourrissons et les jeunes enfants.

    Peut-on continuer à travailler lorsque des vagues de chaleur s’installent ? Les salarié-es du bâtiment et travaux publics sont parmi les plus menacé-es. Durant l’été 2019, dans la Drôme et l’Ardèche, les ouvriers ont dû adapter leurs journées de travail. Avec “les pieds dans le goudron et la tête au soleil” dans des températures extérieures oscillant entre 37°C et 41°C, les conditions de travail devenaient rapidement insoutenables. 

    Mais que dit notre droit ? Le Code du travail prévoit que l’employeur doit “assurer la sécurité” et “protéger la santé” de ses salarié-es. L’employeur est ainsi tenu de prendre des mesures “pour tenir compte du changement des circonstances”, notamment en cas de forte chaleur. En revanche, le Code du travail ne précise pas de température au-dessus de laquelle les salarié-es peuvent cesser le travail. L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) donne obligation à l’employeur d’adapter le travail lorsque les températures dépassent 33°C. Cette mesure se traduit souvent, pour les ouvriers du BTP, par le début des journées de travail aux heures les moins chaudes de la journée, comme le matin très tôt. De plus, l’employeur peut aussi changer la nature des activités à réaliser si celles-ci sont trop physiques. Un local de repos adapté aux fortes chaleurs doit être mis à disposition des employé-es, ainsi que 3 litres d’eau par jour. De plus, la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) prévoit l’évacuation des locaux de travail lorsque la température dépasse 34°C

    Pour anticiper les effets des périodes de fortes chaleur sur les conditions de travail, l’ANSES préconise notamment de sensibiliser les travailleurs aux effets du changement climatique sur la santé, mais aussi d’intégrer le changement climatique dans les démarches d’évaluation et de prévention des risques professionnels. Enfin, les élèves peuvent aussi être victimes des fortes chaleurs dans leurs écoles. L’épisode de canicule de la fin juin 2019 s’est déclaré au moment des épreuves du bac et du brevet. Le Brevet a d’ailleurs été reporté de quelques jours. Une meilleure isolation thermique des bâtiments scolaires serait une solution pour faire face aux conséquences du dérèglement climatique. 

    Outre les chaleurs, certaines villes françaises sont également menacées de disparaître dans quelques décennies à cause de l’élévation du niveau de la mer. Les prévisions actuelles du GIEC montre d’ailleurs que la côte rochelaise, dont la ville de La Rochelle, est gravement menacée par ce phénomène.

  • CP / Enquête inédite sur les vécus et engagements climatiques dans 5 villes du Sud de la France

    Communiqué de presse – 14 février 2020

    Après des partenariats avec associations et journalistes, Notre Affaire à Tous s’associe au monde universitaire pour souligner l’urgence à agir face au dérèglement climatique. L’enquête “Vivre les fournaises urbaines”, réalisée avec le géographe Guillaume Faburel (Université Lyon 2), trois doctorant.e.s et des étudiantes en sciences sociales, est le fruit de notre alliance unique et essentielle pour penser de nouveaux milieux et territoires de vie plus écologiques.

    Pour étudier la question essentielle des vécus climatiques et des engagements écologiques dans cinq métropoles et villes moyennes du sud de la France, un géographe, des doctorants et des étudiantes ont réalisé 130 entretiens qualitatifs durant l’été 2019. Cette enquête souligne la volonté des habitant.e.s de se mobiliser aujourd’hui pour réclamer la justice et pour que chacun paie la juste part face aux causes et effets inégaux du changement climatique.

    Des chiffres forts soulignent cette demande de justice : 70% des enquêté.e.s expliquent observer des évolutions du climat au quotidien dans les villes concernées et 56% des personnes interrogées affirment que le changement climatique a des effets concrets sur les modes de vie quotidiens.

    Pour Clothilde Baudouin de Notre Affaire à Tous : “En 2019, nous avons été témoin d’une mobilisation sans précédent pour la protection du vivant. Nous avons voulu montrer que la lutte contre le changement climatique est aussi et surtout une lutte pour la justice sociale : 88% des habitant-es sont conscients que l’inaction est injuste et que les inégalités climatiques sont réelles. Nous sommes convaincu-es que la réalité des ces inégalités a un potentiel de mobilisation fort : l’enquête permet de mettre en lumière l’urgence climatique, qui porte dès maintenant atteinte aux conditions de vie”. 

    Pour Guillaume Faburel, professeur de géographie à l’Université Lyon 2 et coordinateur de l’enquête : “Ce travail confirme plusieurs grandes tendances : le rôle croissant des ressentis climatiques dans la prise de conscience écologique, l’impact jugé négatif des politiques urbaines de densification des grandes villes et le besoin de transformation radicale des sociétés actuelles, la défiance non moins croissante à l’endroit des acteurs économiques (et politiques) et dès lors les souhaits et engagements individuels, par l’autolimitation voire la déconsommation. N’aurions-nous pas là une décroissance en germe, motivée par des enjeux de justice sociale et écologique ?”

    Pour les doctorant-e-s Loriane Ferreira (Université Lyon 2, UMR Triangle), Karl Berthelot (EHESS) et Fabian Lévêque (Université Lyon 2, UMR Triangle) : “Ce qui nous a le plus frappé dans cette enquête, c’est que la plupart des habitant-e-s ne sont pas dupes du discours ambiant que l’adaptation généralisée aux gestes écologiques individuels du quotidien, comme trier ses déchets ou changer sa manière de se déplacer, aura un quelconque impact significatif pour lutter contre le changement climatique. Elles et ils ont été nombreux-euses à demander un changement urgent de trajectoire civilisationnelle, nécessaire pour repenser l’organisation sociale, politique et économique de nos sociétés.”

    Pour Mathilde Girault (Post-doctorante, UMR Triangle) :Les résultats de cette enquête m’ont étonnée car ils donnent à voir le couplage qu’opèrent les habitant·e·s entre une réflexivité écologique sur leurs pratiques quotidiennes et une lecture structurelle des responsabilités du changement climatique – qui relèveraient de la soumission des orientations politiques à un modèle économique (capitalisme, touristification…). Loin de se dégager des enjeux écologiques ou de privilégier une stratégie des “petits gestes”, les habitant·e·s construisent une critique sociale existentielle. 

    Contacts presse

    • Clothilde Baudouin : Notre Affaire à Tous, clothilde.baudouin@notreaffaireatous.org ; 06 09 73 39 39 Guillaume Faburel : Université Lyon 2, UMR Triangle, guillaume.faburel@univ-lyon2.fr ; 06 87 21 29 04
  • Une enquête inédite sur les vécus climatiques

    Une enquête inédite sur les vécus climatiques

    L’année 2019 a été celle du réveil climatique. Pour venir appuyer les nombreuses mobilisations qui se sont développées pour la justice sociale et écologique, et ainsi protéger le vivant, Notre Affaire à Tous a voulu créer un consortium entre sphères universitaire et associative. Car c’est en rassemblant nos expertises que nous sommes plus forts et entendus par celles et ceux que nous voulons voir agir. L’enquête « Vivre les fournaises urbaines » est le fruit d’une alliance unique et essentielle entre Notre Affaire à Tous et l’Université Lyon 2 et l’UMR Triangle pour penser de nouveaux milieux et territoires de vie plus écologiques.

    En juin et juillet 2019, le géographe Guillaume Faburel, trois doctorant.e.s (Fabian Lévêque, Karl Berthelot, Loriane Ferreira), une post-doctorante (Mathilde Girault) et huit étudiantes ont mis à profit leurs expertises pour étudier la question primordiale des vécus climatiques et des engagements écologiques de 130 habitant.e.s de cinq métropoles et villes moyennes du sud de la France. Les habitant.e.s se mobilisent aujourd’hui pour réclamer la justice et pour que chacun paie la juste part face aux causes et effets inégaux du changement climatique.

    Montpellier, Marseille, Toulouse, Narbonne, Nîmes… Autant de villes méridionales dans lesquelles les habitant.e.s s’activent, se rencontrent, ressentent et agissent pour construire une société dans laquelle de réelles actions protègent l’environnement. L’enquête souligne une fois de plus l’urgence à agir et vient soutenir les mobilisations citoyennes qui ont eu lieu en France et dans le monde en 2019. Des chiffres forts soulignent d’ailleurs cette urgence : 70% des enquêté.e.s expliquent observer des évolutions du climat au quotidien dans les villes concernées, 56% des personnes interrogées affirment que le changement climatique a des effets concrets sur les modes de vie quotidiens. La sensation de vivre dans une fournaise urbaine est omniprésente et suscite divers sentiments : suffocation, asphyxie, impuissance, face à des villes grossissantes dans lesquelles se côtoient hyperconcentration du bâti, imperméabilisation des sols, pratiques de surconsommation, accélération des flux et affluences touristiques. 

    A l’impuissance s’ajoute le sentiment d’injustice. Parce que les premières victimes sont celles qui ont déjà peu de voix dans la décision publique : ce sont les plus précaires, les plus fragiles, qui subissent en premier les impacts du changement climatique, souvent sans faire la une des journaux. Et le constat est flagrant : pour 88% des habitant.e.s interrogé.e.s, les inégalités climatiques et environnementales sont réelles : ce sont les personnes âgées, les milieux populaires, les jeunes et futures générations qui vont voir ou voient déjà leurs milieux et qualité de vie se dégrader (précarité énergétique, santé de personnes vulnérables…). Ces inégalités concernent aussi l’accès à l’information et aux possibilités d’interpellation des élu.e.s.

    Ces sentiments d’impuissance et d’injustice donnent lieu à de la colère et à de nouvelles formes d’engagement, plus personnels et ordinaires, souvent en constellations. Face à la densification urbaine, face à des projets qui ne prennent en compte ni les attentes ni les besoins des citoyen.ne.s, le manque de confiance, les craintes voire la défiance face aux institutions nationales et locales ne cessent de grandir. En plus des “petits gestes” écologiques de plus en plus enjoints par les autorités (tri des déchets, consommation raisonnée de l’eau…), une partie des habitant.e.s interrogé.e.s construisent en fait progressivement une critique sociale et existentielle et redéfinissent sur cette base leur engagement politique. 

    Ces nouveaux engagements moins affiliés repolitisent les personnes via l’autonomie relative : c’est-à-dire une autolimitation des besoins et une déconsommation des pratiques afin de repenser des modes de vie polluants. L’engagement tel que conçu par un tiers des répondant-es montre la « volonté d’une transformation profonde et radicale des sociétés actuelles » et de leur développement productiviste.

    Les élections municipales approchent. A l’heure où 6 français.e.s sur 10 sont déjà directement concerné.e.s par les risques climatiques, nous n’avons plus le temps d’attendre. Les citoyen.ne.s français.e.s n’ont plus confiance en les capacités d’action de leurs dirigeant.e.s, voire ne se font plus guère d’illusions sur de telles volontés. En cause, la défaillance des politiques publiques face au changement climatique, à ses impacts inégalitaires et plus largement aux crises écologiques

    Les revendications des citoyen.ne.s et des habitant.e.s de ces cinq villes du sud de la France doivent être prises en compte. Cette enquête essentielle participe à mettre en lumière la nécessité de protéger les droits fondamentaux, ceux de l’habiter digne de la terre, et le droit des humains et des non-humains à un futur viable sur la planète Terre.

    Deux événements de restitution de l’enquête

    A Marseille, le 19 février 2020

    A Montpellier, le 24 février 2020

    Pour toute question, vous pouvez envoyer un mail à contact@notreaffaireatous.org

  • Une enquête inédite sur les vécus climatiques dans cinq grandes villes françaises

    L’année 2019 a été celle du réveil climatique. Pour venir appuyer les nombreuses mobilisations qui se sont développées pour la justice sociale et écologique, et ainsi protéger le vivant, Notre Affaire à Tous a voulu créer un consortium entre sphères universitaire et associative. Car c’est en rassemblant nos expertises que nous sommes plus forts et entendus par celles et ceux que nous voulons voir agir. L’enquête « Vivre les fournaises urbaines » est le fruit d’une alliance unique et essentielle entre Notre Affaire à Tous et l’Université Lyon 2 et l’UMR Triangle pour penser de nouveaux milieux et territoires de vie plus écologiques.

    En juin et juillet 2019, le géographe Guillaume Faburel, trois doctorant.e.s (Fabian Lévêque, Karl Berthelot, Loriane Ferreira), une post-doctorante (Mathilde Girault) et huit étudiantes ont mis à profit leurs expertises pour étudier la question primordiale des vécus climatiques et des engagements écologiques de 130 habitant.e.s de cinq métropoles et villes moyennes du sud de la France. Les habitant.e.s se mobilisent aujourd’hui pour réclamer la justice et pour que chacun paie la juste part face aux causes et effets inégaux du changement climatique.

    Montpellier, Marseille, Toulouse, Narbonne, Nîmes… Autant de villes méridionales dans lesquelles les habitant.e.s s’activent, se rencontrent, ressentent et agissent pour construire une société dans laquelle de réelles actions protègent l’environnement. L’enquête souligne une fois de plus l’urgence à agir et vient soutenir les mobilisations citoyennes qui ont eu lieu en France et dans le monde en 2019. Des chiffres forts soulignent d’ailleurs cette urgence : 70% des enquêté.e.s expliquent observer des évolutions du climat au quotidien dans les villes concernées, 56% des personnes interrogées affirment que le changement climatique a des effets concrets sur les modes de vie quotidiens. La sensation de vivre dans une fournaise urbaine est omniprésente et suscite divers sentiments : suffocation, asphyxie, impuissance, face à des villes grossissantes dans lesquelles se côtoient hyperconcentration du bâti, imperméabilisation des sols, pratiques de surconsommation, accélération des flux et affluences touristiques. 

    A l’impuissance s’ajoute le sentiment d’injustice. Parce que les premières victimes sont celles qui ont déjà peu de voix dans la décision publique : ce sont les plus précaires, les plus fragiles, qui subissent en premier les impacts du changement climatique, souvent sans faire la une des journaux. Et le constat est flagrant : pour 88% des habitant.e.s interrogé.e.s, les inégalités climatiques et environnementales sont réelles : ce sont les personnes âgées, les milieux populaires, les jeunes et futures générations qui vont voir ou voient déjà leurs milieux et qualité de vie se dégrader (précarité énergétique, santé de personnes vulnérables…). Ces inégalités concernent aussi l’accès à l’information et aux possibilités d’interpellation des élu.e.s.

    Ces sentiments d’impuissance et d’injustice donnent lieu à de la colère et à de nouvelles formes d’engagement, plus personnels et ordinaires, souvent en constellations. Face à la densification urbaine, face à des projets qui ne prennent en compte ni les attentes ni les besoins des citoyen.ne.s, le manque de confiance, les craintes voire la défiance face aux institutions nationales et locales ne cessent de grandir. En plus des “petits gestes” écologiques de plus en plus enjoints par les autorités (tri des déchets, consommation raisonnée de l’eau…), une partie des habitant.e.s interrogé.e.s construisent en fait progressivement une critique sociale et existentielle et redéfinissent sur cette base leur engagement politique. 

    Ces nouveaux engagements moins affiliés repolitisent les personnes via l’autonomie relative : c’est-à-dire une autolimitation des besoins et une déconsommation des pratiques afin de repenser des modes de vie polluants. L’engagement tel que conçu par un tiers des répondant-es montre la « volonté d’une transformation profonde et radicale des sociétés actuelles » et de leur développement productiviste.

    Les élections municipales approchent. A l’heure où 6 français.e.s sur 10 sont déjà directement concerné.e.s par les risques climatiques, nous n’avons plus le temps d’attendre. Les citoyen.ne.s français.e.s n’ont plus confiance en les capacités d’action de leurs dirigeant.e.s, voire ne se font plus guère d’illusions sur de telles volontés. En cause, la défaillance des politiques publiques face au changement climatique, à ses impacts inégalitaires et plus largement aux crises écologiques

    Les revendications des citoyen.ne.s et des habitant.e.s de ces cinq villes du sud de la France doivent être prises en compte. Cette enquête essentielle participe à mettre en lumière la nécessité de protéger les droits fondamentaux, ceux de l’habiter digne de la terre, et le droit des humains et des non-humains à un futur viable sur la planète Terre.


    Lire le rapport final


    Lire la synthèse


    Lire le communiqué de presse

    Deux événements de restitution de l’enquête

    A Marseille, le 19 février 2020

    📌  RDV au Coco Velten, 16 Rue Bernard du Bois, 13001 Marseille

    ⏱ 19 février, à 18h30

    Plus d’informations sur l’événement Facebook

    A Montpellier, le 24 février 2020

    📌  RDV à La Carmagnole, 10 rue Haguenote, 34070 Montpellier

    ⏱ 24 février, à 20h00

    Plus d’informations sur l’événement Facebook

    Pour toute question, vous pouvez envoyer un mail à contact@notreaffaireatous.org

  • CP / Greta Thunberg se joint à la jeunesse autochtone Sami pour demander la justice climatique !

    Communiqué de presse – 7 février 2020

    Greta Thunberg, accompagnée par des activistes de Fridays for Future, se joint à la grève pour le climat organisée par la jeunesse autochtone Sami en Suède, qui a attaqué l’Union Européenne en justice pour manque d’ambition climatique à l’horizon 2030.

    Après avoir célébré hier la fête nationale Sami, l’association suédoise de la jeunesse Sami, Sáminuorra, organise aujourd’hui une grève pour le climat. Le mode de vie traditionnel du peuple autochtone Sami, basé sur l’élevage de rennes, est gravement menacé par les impacts dévastateurs de la crise climatique. Face à cela, l’association s’est engagée en mai 2018, avec 10 familles d’Europe et du monde, dans une action en justice inédite contre le manque d’ambition climatique de l’Union Européenne et le non-respect de leurs droits fondamentaux : le People’s Climate Case.

    Selon l’Institut suédois de météorologie et d’hydrologie, les conséquences du dérèglement climatique dans la région Arctique sont de plus en plus visibles à mesure que les conditions météorologiques deviennent plus extrêmes. Depuis 10 ans, la neige est parfois remplacée par la pluie à cause de saisons hivernales plus chaudes. Quand des températures très froides font suite à des périodes pluvieuses, le sol se transforme en une couche épaisse de glace à travers laquelle les rennes ne peuvent plus dénicher de nourriture. Les incendies estivaux et les changements récents dans les précipitations ont d’immenses conséquences sur le mode de vie traditionnel et la culture Sami.

    Pour Sanna Vannar, présidente de l’association de jeunesse Sáminuorra : “Chaque Sami souffre de la crise climatique. En tant que peuple autochtone, nos vies, nos traditions, notre culture dépendent de la nature. La nature devient chaque jour plus difficile à appréhender, que ce soit pour trouver du poisson ou pour rassembler nos troupeaux de rennes. La jeunesse Sami s’engage dans le combat pour la justice climatique sur ses terres traditionnelles, dans les rues et dans les tribunaux”.

    Pour Greta Thunberg : “Les solutions à la crise climatique doivent prendre en compte les savoirs et la sagesse des peuples autochtones. Nous avons beaucoup à apprendre de celles et ceux qui vivent avec et grâce à la nature depuis des milliers d’années. Nous vous soutenons dans votre lutte, car c’est aussi notre lutte”.

    Pour Maurice Feschet, qui accompagne la jeunesse Sami devant les tribunaux européens : “L’inaction climatique des dirigeant-es européen-nes met en péril la culture Sami et les jeunes générations. En tant que grand-père de 74 ans et co-plaignant des jeunes Sami dans le People’s Climate Case, je soutiens pleinement la jeunesse en Europe et dans le monde parce que la survie de nos communautés et cultures dépendent d’actions climatiques fortes”.

    L’inédit People’s Climate Case a été jugé inadmissible par le Tribunal européen en mai 2019 pour des raisons de procédure, alors même qu’il avait reconnu que le changement climatique comme une menace pour les droits humains. Le tribunal jugeait que les familles n’avaient pas d’intérêt à agir car elles n’étaient pas les seules à souffrir du changement climatique. Les familles et l’association de jeunesse Sami ont fait appel de la décision en juillet 2019.

    Wendel Trio, directeur de CAN Europe a déclaré : “Les dirigeants européens doivent comprendre que s’engager pour plus d’action climatique en améliorant l’objectif de réduction des émissions de GES à l’horizon 2030 n’est plus un débat politique ou technique. Il s’agit de la protection des droits des peuples autochtones, du droit à la vie des citoyen-nes, des modes de vie, des familles et de notre futur commun”. 

    Pour Clothilde Baudouin de Notre Affaire à Tous : “Nous continuerons de nous battre dans les tribunaux pour que les dirigeant-es prennent enfin la mesure de leur inaction climatique. Le People’s Climate Case a permis de mettre en lumière la diversité des familles affectées par les dégradations environnementales. Toutes les générations et communautés, à l’image des jeunes Sami et de Maurice Feschet, s’engagent dans les tribunaux et dans les rues car c’est ensemble que nous pouvons établir la justice climatique”. 

    Aujourd’hui, La commission européenne a une opportunité concrète pour proposer un objectif à l’horizon 2030 bien plus ambitieux, pour montrer que l’Union Européenne défend ses citoyen-nes.

    Contacts presse

    Goksen Sahin, CAN Europe Communications Coordinator, goksen@caneurope.org, +32 468 45 39 20

    Clothilde Baudouin, Notre Affaire à Tous ; clothilde.baudouin@notreaffaireatous.org ; 0609733939

  • 17 décembre 2019 – Les littoraux français face au dérèglement climatique : quels impacts pour les populations et les territoires ?

    Les littoraux français face au dérèglement climatique : quels impacts pour les populations et les territoires ? Après avoir examiné les territoires ultramarins il y a un mois, zoom sur le territoire métropolitain. Comment les vulnérabilités des habitant-es des littoraux et des régions sujettes à inondations sont-elles prises en compte ? 

    Ce 7e numéro de la revue de presse se concentre sur la vulnérabilité du territoire français métropolitain face à la montée du niveau des océans et aux inondations. Pourquoi ? Car, la France fait partie des pays européens les plus sujets à la submersion marine, avec 1,4 million de résident-es menacé-es.   

    Pour combattre les inégalités, sociales et climatiques, il nous faut les connaître. C’est le sens de cette revue de presse élaborée par les bénévoles de Notre Affaire à Tous, qui revient chaque mois sur les #IMPACTS différenciés du changement climatique, sur nos vies, nos droits et ceux de la nature.

    En France métropolitaine, plus de 1700 kilomètres de côtes sont impactés par l’érosion marine, équivalent à un quart des côtes. La France fait partie des pays européens les plus menacés par la submersion marine, avec la Belgique, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. En chiffres : 1,4 million de résident-es, 850 000 emplois, 165 000 bâtiments, 864 communes sont menacées, selon un rapport de la Fabrique Ecologique

    L’érosion du littoral aquitain a déjà des impacts réels sur les populations : à titre d’exemple, le tristement célèbre immeuble « Le Signal » sur la plage de Soulac-sur-Mer, dont les habitant-es, souvent retraités ou familles remboursant encore des emprunts immobiliers ont été contraints de quitter l’immeuble en 2014 et se reloger à leurs frais… Ce n’est que 4 ans plus tard, en 2018, que l’Assemblée nationale a voté l’indemnistation des 75 copropriétaires, à hauteur de 7 millions d’euros. Et les risques liés à l’élévation du niveau de la mer et aux catastrophes naturelles se font de plus en plus présents, pour preuve les récentes rafales de vent sur la Gironde.   

    À l’occasion du G7 à Biarritz en août 2019, 30 scientifiques ont réalisé une synthèse des recherches menées en région sur l’impact du changement climatique vis-à-vis des risques littoraux pour le compte de la région Nouvelle-Aquitaine. Ils font le constat que les défis liés aux risques physiques, aux mesures et aux stratégies d’adaptation en zones côtières sont au cœur des préoccupations scientifiques et politiques. Une autre étude, « Acclima Terra« , met également en exergue les conséquences du dérèglement climatique dans la région : élévation du niveau de la mer, multiplication des épisodes météorologiques extrêmes comme les tempêtes et les périodes de sécheresse. 

    Par conséquent, la région s’organise : ainsi, le 7 novembre, un exercice de grande ampleur était organisé dans le cadre du plan POLMAR pour former les agents des collectivités locales en cas de pollution marine. Une prise de conscience présente également au sein de la majorité : mandaté par le Premier Ministre, le député de Vendée Stéphane Buchou a remis son rapport sur la nécessaire adaptation des littoraux français au recul côtier, un phénomène aggravé par le changement climatique. Il devrait donner lieu à une loi très attendue par les élus locaux

    De manière similaire, l’élévation du niveau des mers aura des impacts sur la région méditerranéenne. Certaines villes comme Palavas-Les-Flots pouraient bien se retrouver les pieds dans l’eau. Pour Hervé Legoff, océanographe au CNRS, les « répercussions seront bien plus vastes qu’on ne peut l’imaginer ». Toujours dans le sud, en Occitanie, le Conseil Economique Social et Environnemental Régional Occitanie a fait une estimation des dommages causés par l’hypothèse d’une montée des eaux de 1 mètre, comme prévu par le GIEC. Des chiffres peu rassurants : « 11500 hectares agricoles perdus équivalant à 27 millions d’euros de perte, 34000 logements abritant 77000 habitants, 4600 entreprises impactées pour un montant de 52 millions d’euros, et 500 millions d’euros de dégâts pour les plages et les dunes ». 

    Outre les impacts sur les populations, la biodiversité pâti aussi du manque d’action contre le changement climatique. En Corse, la biodiversité sous-marine est changeante et certaines espèces sont menacées de disparition. C’est le cas de l’herbier de posidonie qui est pourtant indispensable à la capture du dioxyde de carbone et donc à la lutte contre le changement climatique.

    D’après une enquête réalisée par Germanwatch, une association allemande, la France se classe au 15e rang des 183 pays les plus à risque face au dérèglement climatique. Les inondations, comme les canicules et les tempêtes seront de plus en plus fréquentes. Et ces phénomènes se répètent : la décennie 2010 a connu de nombreux épisodes meurtriers. On pense notamment aux tempêtes Klaus et Xynthia, à l’ouragan Irma ou encore aux nombreuses inondations dans le sud de la France, de l’Aude au Var en passant par le Gard. La science a d’ailleurs confirmé le lien entre le changement climatique et les pluies extrêmes, en précisant que la préparation des infrastructures à ces événements doit être immédiate. 

    En octobre 2018, de graves inondations ont frappé l’Aude, faisant de multiples victimes, dont 15 morts, plus de 70 blessé-es et 27000 sinistré-es. Un peu plus d’un an après, les victimes sont toujours traumatisées par ces 6 mois de précipitations tombées en seulement trois heures. A Bize-Minervois, la catastrophe a provoqué une vague d’anxiété face à ces épisodes qui s’accentuent. Et le manque d’action ne fait qu’empirer la situation : dans une étude parue dans Climatic Change en 2018, les chercheurs affirment que l’augmentation de volume des pluies intenses pourrait dépasser 20% à l’horizon 2100. En plus de ce traumatisme, les habitant-es de l’Aude ont également dû faire face à un phénomène de pollution grave car les inondations ont provoqué des coulées d’arsenic, un “Tchernobyl chimique” dénonce un ancien chercheur du CNRS. 

    Quant à la gestion et la préparation de cet épisode extrême, de multiples faiblesses ont été pointées du doigt. Le résultat de ce manque d’anticipation ? Des dégradations à un coût total de 220 millions d’euros environ. Et un an après les inondations, les “compagnies d’assurance adressent des courriers où la hausse de la sinistralité est avancée pour justifier ces fins ou modifications de contrats”, une double peine pour les assurés

    Des inondations meurtrières qui ont refait parler d’elles fin novembre dans le Var. Cette fois-ci, plus qu’une catastrophe naturelle, la bétonisation incontrôlée des terres et le manque d’entretiens des cours d’eau sont en cause. Face aux risques d’inondations, le gouvernement a annoncé la volonté d’une prise en charge plus importante de l’Etat dans les travaux de réduction des risques. Des initiatives en aval de la catastrophe, n’empêchant pas les catastrophes en amont… Les crues de l’Argens sont pourtant connues depuis très longtemps. Chaque année depuis 2010, ce fleuve côtier fait des siennes, demandant qu’on lui rende le terrain conquis par le développement urbain, les zones d’activités commerciales et le tourisme. Pour l’INSEE, cette zone abrite 24 % de logements de plus en moyenne par km² que dans les zones non dangereuses. Cette artificialisation massive des sols ne fait qu’empirer les risques.

    En Corse aussi, la dangerosité des zones inondables inquiète. Mais les intempéries dévastatrices de la fin d’année 2018 ont donné des idées. Notamment à une architecte qui réfléchit à de nouveaux modes de construction des habitations. Elle affirme qu’il faut “modifier nos comportements et notre façon de penser et d’occuper l’espace”, par exemple avec des constructions sur pilotis.

    Les îles sont, du fait de leur géographie et de leur isolement, en première ligne face au changement climatique. Les îles françaises ne font pas figure d’exception. Même si l’on pense plus spontanément aux territoires insulaires d’Outre-mer, les territoires insulaires métropolitains sont aussi impactés. 

    En France, la pointe de Gatseau sur l’île d’Oléron est la plage où l’érosion est la plus forte en Europe. D’après le schéma de cohérence territorial du pays Marennes Oléron, localement la température moyenne a augmenté de 1°C depuis les années 1960 et le niveau marin a augmenté de 20 centimètres au cours du XXème siècle. La mer grignote de 10 à 11 mètres de dune en moyenne par an. Si cette érosion n’est pas une conséquence directe du changement climatique – mais le fait d’interactions entre la côte et l’embouchure – elle pourrait être aggravée par l’élévation du niveau de la mer. 

    Les impacts liés à ces phénomènes se font déjà ressentir. C’est le cas de Jean-François Périgné. Il est mytiliculteur sur l’île. La montée des eaux, l’acidification des océans et les événements climatiques extrêmes de plus en plus récurrents entraînent une diminution de ses récoltes depuis plusieurs années et son lieu de vie est menacé par la montée des eaux. Face à ces préjudices, il a décidé de soutenir l’Affaire du Siècle il y a un an, pour défendre son île, son activité, sa maison… 

    Une initiative essentielle face au manque d’action face à l’urgence. Une urgence une nouvelle fois exposée dans un récent rapport du GIEC qui alerte sur les impacts du réchauffement climatique sur l’océan et la cryosphère, indiquant que le niveau des mers et océans augmente deux fois plus vite qu’au XXème siècle et pourrait croître jusqu’à 1,10m à la fin du XXIème siècle. Les conséquences seraient évidemment désastreuses. Pour exemple, l’île de Ré serait coupée en deux, submergée par l’océan, quand la Camargue disparaîtrait purement et simplement.

    D’ailleurs, et ce n’est malheureusement plus un scoop, la Camargue est menacée par la montée des eaux, un des effets du changement climatique en France. Les digues construites dans la région dès le Moyen-Age coûtent 1,5 million d’euros par an. Pour le directeur du centre de recherche La Tour du Valat, il existe une alternative : laisser la mer gagner du terrain, créer une zone tampon et alléger la pression sur les zones plus sensibles. Il l’admet, il faudra accepter de perdre du territoire, des villages et des villes entières. Si la disparition de villes entières est largement documentée dans le monde, comme pour la ville de Jakarta, la situation l’est moins sur le territoire français. 

    Petit à petit, la Camargue est devenue une zone tampon face à la montée des eaux, dans laquelle des zones humides ont été restaurées. Des écosystèmes en bonne santé permettent d’accroître la résilience aux effets du changement climatique et de réduire les risques de catastrophes naturelles. L’enjeu est le suivant : “utiliser la capacité des zones humides à stocker temporairement l’eau de mer durant les événements de crues”. 

    Le Marais poitevin, deuxième zone humide la plus importante de France après la Camargue, est lui aussi menacé. Pour Eric Chaumillon, chercheur au CNRS, avec une altitude maximale de 5 mètres au-dessus du niveau de la mer sur toute la zone et une estimation d’une élévation des eaux de 30cm à 1 mètre, la région est une des plus vulnérables à l’élévation du niveau de la mer en France. Après la catastrophe de la tempête Xynthia, près de 1000 habitations en zone inondable ont été détruites par l’Etat. Comme pour la Camargue, le chercheur est en faveur de la création de zones tampons entre la mer et les habitations, pour protéger une partie de la zone.

  • CP / People’s Climate Case : L’UE réaffirme que les familles impactées par la crise climatique ne devraient pas avoir accès à la justice européenne

    Communiqué de presse – 6 décembre 2019

    Le 3 décembre, les institutions européennes (Parlement et Conseil européens) ont soumis leur réponse à l’appel de la décision en première instance du Tribunal européen relevant de l’inadmissibilité du People’s Climate Case. Malgré une volonté politique affichée de l’UE d’une plus ambitieuse politique climatique, les institutions affirment que les familles plaignantes et l’association de jeunesse Sami, qui subissent les conséquences dévastatrices du changement climatique, ne devraient pas être entendues par les tribunaux européens.

    Malgré l’urgence climatique déclarée par le Parlement européen en amont de la COP25, celui-ci répond aux familles plaignantes de manière contradictoire : “la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne réaffirme les droits dont jouit un individu. Cependant, ces droits n’ont pas de caractère “individuel” ou “personnel”.  Les droits fondamentaux des plaignants ne devraient donc pas être débattus dans un tribunal européen”. 

    Gerd Winter, avocat du People’s Climate Case déclare : “L’UE continue à défendre un paradoxe : plus les dégâts causés par l’inaction de l’UE sont importants et plus les victimes sont nombreuses, moins la protection des droits devrait être une priorité pour les cours européennes”.  

    Le Parlement et le Conseil soutiennent également que les plaignants devraient attaquer le manque d’ambition climatique de l’UE dans leurs juridictions nationales. Pourtant, dans leur recours, les familles plaignantes expliquent qu’une telle procédure n’est pas légalement possible, car un tribunal national ne peut prendre de décision que sur son objectif climatique individuel en tant qu’Etat membre. 

    Roda Verheyen, avocate principale du cas : “Les dirigeants de l’UE multiplient les déclarations reconnaissant l’amplitude de la crise climatique et l’importance d’actions climatiques plus fortes. Aujourd’hui, il est inacceptable que les institutions de l’UE repoussent les citoyens en dehors des juridictions européennes, au lieu de leur fournir une protection juridique”. 

    Dans le recours du People’s Climate Case, les familles et l’association de jeunesse Sami démontrent que l’objectif climatique de l’UE est insuffisant à l’horizon 2030 pour prévenir le changement climatique et protéger leurs droits fondamentaux à la vie, à la santé, au travail et à la propriété. Aujourd’hui, le Parlement européen appelle à une augmentation de l’objectif climatique de 40% à 55% de réduction des émissions de GES en 2030. Dans une lettre commune, un nombre croissant d’Etats membres soutient déjà ce nouvel objectif et incite le nouveau commissaire européen Frans Timmermans à l’adopter.

    En soutien au People’s Climate Case, Wendel Trio, directeur de CAN Europe déclare : “Le moment est venu pour les dirigeants européens de comprendre que l’urgence à agir concerne directement la vie et les droits fondamentaux des citoyens européens. Pour ces familles, le changement climatique est un combat quotidien. Elles ont mis leur confiance dans l’UE pour la protection de leur avenir et doivent être entendues. L’UE ne devrait pas avoir besoin d’une ordonnance du tribunal pour améliorer rapidement et substantiellement son objectif de réduction des émissions pour protéger leurs droits fondamentaux. 

    L’association CAN Europe appelle à une réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’UE d’au moins 65% comparé aux émissions de 1990. Cet objectif doit être atteint dans la première partie des années 2020 pour que l’UE affirme son leadership dans le combat contre le changement climatique.  

    En photo : ‘Faces of the Climate Fight”, un photo reportage montrant les visages d’activistes et de témoins du changement climatique, ici. Les images de meilleure qualité peuvent être téléchargées ici.

    Contact presse : 

    CAN Europe : Goksen Sahin, CAN Europe Communications Coordinator, goksen@caneurope.org, +32 468 45 39 20

    Notre Affaire à Tous : Clothilde Baudouin, clothilde.baudouin@notreaffaireatous.org, 06 09 73 39 39


    Le résumé juridique du People’s Climate Case en anglais est disponible sous ce lien

    Tous les documents juridiques sont disponibles sous ce lien