Catégorie : Inégalités climatiques

  • Un an après sa création, une nouvelle publication pour le JIEC !


    Ce jeudi 28 novembre, le JIEC – Journalistes d’Investigation sur l’Écologie et le Climat – dévoile une quatrième publication commune ! Le JIEC c’est quoi ? Initié par Notre Affaire à Tous en juillet 2018, ce groupe est composé de journalistes de cinq médias (Politis, Bastamag, La Revue Projet, Mediapart, Reporterre) pour documenter les conséquences du dérèglement climatique sur les populations, les territoires et la nature ! 


    Lire leurs articles

    Pour l’anniversaire de la première série d’articles, sortie le 27 novembre 2018, le JIEC étudie le climato-scepticisme en France ! Dans les sphères politique, scientifique, médiatique et le monde des affaires, des personnalités doutent toujours de l’urgence climatique, voire nie totalement le phénomène… Le travail d’investigation mené par le JIEC pointe du doigt ces scientifiques (Mediapart), médias (Politis), politiques (Reporterre) et entreprises (Bastamag) qui jouent le jeu de l’inaction et profitent de l’impunité des grands pollueurs ! Leur travail d’investigation a permis d’identifier trois catégories de nouveaux climatosceptiques : les climato-faussaires, les climato-relativistes et les climato-hypocrites. Tous leurs articles sont à retrouver sur le site du JIEC

    Notre partenariat sans précédent, alliant des journalistes de cinq médias que sont Politis, Bastamag, Mediapart, La Revue Projet et Reporterre, et une association, Notre Affaire à Tous s’est renforcé tout au long de l’année 2019 ! La volonté de documenter les impacts du changement climatique sur le territoire français devient de plus en plus forte à mesure que les témoins et victimes se font de plus en plus visibles : inondations, canicules, sécheresses, incendies, hausse du niveau de la mer sont tant de phénomènes aux conséquences désastreuses pour les populations… 

    Il y a un an, le JIEC publiait conjointement une première série de portraits, qui a permis de mettre des premiers visages sur des témoins de différents territoires, de la région parisienne à La Réunion, en passant par les vignobles du Sud Ouest, et le littoral Atlantique, montrant les conséquences immédiates de l’inaction de l’Etat. Cette documentation s’est renforcé en avril, avec une deuxième publication qui a permis de faire entendre la voix de celles et ceux qui sont encore aujourd’hui inaudibles, contrairement aux personnalités étudiées dans cette nouvelle enquête.

    Pourtant, depuis novembre 2018, la réalité de l’urgence climatique a gagné du terrain : plus de deux millions de citoyennes et citoyens ont apporté leur soutien à l’Affaire du Siècle. Les foules ont aussi pris d’assaut les rues de France pour dire ensemble : stop à la destruction du climat ! La convergence des mouvements et des générations s’est formée pour dire que nous n’avons pas le temps d’attendre et que la perpétuation des inégalités climatiques est une atteinte aux droits humains.

    Pour Notre Affaire à Tous, c’est ensemble, grâce à l’action collective, que nous parviendrons à faire advenir la justice climatique et environnementale. Nous remercions le JIEC pour ce travail précieux et cette collaboration rare entre association et médias.

  • 7 novembre 2019 – Quelles conséquences sur les populations et les territoires ultramarins français face au dérèglement climatique et aux dégradations environnementales ?

    Quelles conséquences sur les populations et les territoires ultramarins français face au dérèglement climatique et aux dégradations environnementales ? Ces territoires sont particulièrement vulnérables, de fait de leurs localisations et leur isolement par rapport à la métropole. Ils abritent pourtant une biodiversité exceptionnelle. 

    Ce numéro de la revue de presse se concentre sur les territoires français hors métropole : de la Guyane à la Guadeloupe en passant par la Nouvelle-Calédonie, la Réunion ou encore St-Pierre-et-Miquelon, ces territoires font face à des inégalités climatiques et environnementales prégnantes. Quels impacts sur les droits fondamentaux et le vivant dans ces territoires ? 

    Pour combattre les inégalités, sociales et climatiques, il nous faut les connaître. C’est le sens de cette revue de presse élaborée par les bénévoles de Notre Affaire à Tous, qui revient chaque mois sur les #IMPACTS différenciés du changement climatique, sur nos vies, nos droits et ceux de la nature.

    Les DOM-TOM seront plus touchés par le changement climatique que la Métropole. La géographe Virginie Duvat, professeure à l’université de La Rochelle et auteure-contributrice au rapport spécial du GIEC sur les océans, décrit les enjeux majeurs auxquels doivent faire face ces régions françaises. Selon elle, « l’élévation du niveau de la mer, le réchauffement et l’acidification des océans, et l’intensification des tempêtes vont combiner leurs effets sur ces territoires ». À terme, les Caraïbes, comme les atolls du Pacifique mais aussi les îles de l’Océan Indien sont menacés de disparition. 

    Alors que les territoires d’outre-mer français représentent quasiment 0% des émissions de gaz à effet de serre de la France, ils sont les plus vulnérables et les premiers impactés. Au delà de leur position géographique, le combat est non seulement celui de la justice climatique mais aussi de la justice sociale. Le prisme de l’histoire coloniale est à prendre en compte dans l’étude de ces inégalités climatiques. 

    Ces inégalités s’illustrent d’ailleurs par l’ouragan Irma de septembre 2017. A Saint-Martin, un appel à la grève générale a été lancé, le 11 avril 2019, par des syndicats et des collectifs pour dénoncer les suites de l’ouragan, avec des revendications concernant les reconstructions, le maintien du service public, ou encore la résolution d’un conflit social à la collectivité. Symbole des inégalités, Saint-Martin cumule aléas climatiques et forte vulnérabilité, exposée à des cyclones de plus en plus intenses et fréquents, et l’insuffisance des mesures de prévention et réduction des risques. Les populations s’en relèvent difficilement à cause d’un accompagnement post-catastrophe trop faible et la lenteur de la reconstruction

    Les conséquences du changement climatique sur la santé des populations dans les territoires ultramarins français se font également sentir. En 2014, des chercheurs ont établi un lien direct entre l’ucère de Buruli et le changement climatique en Guyane. Il s’agit d’une infection qui connaît des pics lors des épisodes El Niño, de plus en plus fréquents.

    Le territoire de St-Pierre-et-Miquelon est particulièrement concerné par la hausse du niveau des océans. Météo France remarque qu’après une élévation stable durant plusieurs millénaires, l’élévation du niveau de la mer s’est accélérée significativement au XXe siècle. Et les territoires ultramarins sont, en tout état de cause, les premiers concernés. Le portail Drias – Les futurs du climat propose d’ailleurs des projections climatiques pour encourager l’adaptation de nos sociétés.  

    Le scientifique Guy Claireaux cherche à montrer l’impact du comportement anthropocène sur le climat, en prenant l’exemple de St-Pierre-et-Miquelon. Il est effectivement possible d’observer que les effets du réchauffement climatique sur les côtes, tels que la submersion et le recul du trait de côte, sont aggravés par la hausse des phénomènes extrêmes et l’élévation du niveau de la mer. Xénia Philippenko écrit d’ailleurs une thèse en cherchant à partir du cas d’étude de Saint-Pierre-et-Miquelon, à élaborer une approche « bottom-up », c’est-à-dire qui parte du contexte territorial pour élaborer des stratégies d’adaptation différentes. Des projets d’adaptation sont effectivement nécessaires dans ce littoral, compte tenu de sa vulnérabilité face aux risques de recul du trait de côte et de submersion marine dans un contexte de changement climatique et d’occurrence possible de tsunamis. 

    L’enjeu de la montée des eaux inquiètent aussi près de 80% des Polynésiens, d’après une enquête menée par l’agence Alvea menée en juillet 2019Pour Franck Courchamp, docteur en écologie et directeur de recherche au CNRS, « sur les 120 îles totalement submergées d’ici la fin du siècle dans le scénario optimiste, on a à peu près 30% qui viennent de Nouvelle-Calédonie, 30% de Polynésie française ». Mais, avant même une potentielle submersion, la hausse du niveau de la mer conduit déjà à une salinisation importante des eaux souterraines, rendant l’accès à l’eau potable compliqué. 

    En septembre 2019, le GIEC publiait un rapport spécial sur les océans et les zones glacées prévoyant des conséquences irréversibles de la montée des eaux sur les outre-mers. Une étude récente paru dans Nature Communications révèle d’ailleurs que le nombre de personnes qui seront impactées par la hausse du niveau des mers d’ici 2050 a été sous-estimé. Mais à l’élévation du niveau de la mer s’ajoute le réchauffement des eaux. En Guyane par exemple, la mer s’est réchauffé de 1°C sur les trente dernières années. Ce phénomène a notamment des conséquences sur la pêche à la crevette, puisque les stocks ont considérablement diminué. Les phénomènes El Niño et La Niña sont également une cause de ce déclin.

    Dans les Antilles françaises, l’Ouragan Irma a fait des ravages en septembre 2017, causant la mort de 15 personnes et endommageant 95% du bâti à Saint-Martin et Saint-Barthélémy. Ces épisodes extrêmes deviennent de plus en plus fréquents et intenses au fil des années. En cause ? Le dérèglement du climat planétaire. 

    En Polynésie française, les coraux sont un des éléments principaux de l’écosystème de la région et sont fortement touchés par le réchauffement des océans. Or, ceux-ci sont une barrière naturelle qui protège les côtes de l’érosion et des vagues trop importantes. D’après le rapport du GIEC paru en octobre 2018 et Valeriano Parravicin, directeur d’études à l’école pratique des hautes études, « si l’on perd les coraux, en 2100, on pourrait avoir des vagues deux fois plus grandes dans les lagons ». 

    Les coraux de la Polynésie Française sont donc mis en danger. On remarque dès maintenant une accélération de leur blanchissement à cause des températures trop élevées de l’Océan Pacifique. Malgré ces effets, les décideurs politiques ne semblent pas comprendre l’ampleur de l’urgence, puisque le Parlement Européen a voté, le 4 avril dernier, une loi pour subventionner le secteur de la pêche pour la période 2021-2027, qui aura notamment des effets désastreux sur la biodiversité des “régions ultrapériphériques européennes”, dont la Guadeloupe, La Réunion, Mayotte, La Guyane, La Martinique, Saint Martin.  

    Les impacts du changement climatique sur la biodiversité de ces territoires sont très visibles. Dans les Caraïbes par exemple, les sargasses sont devenues un véritable cauchemar. Il s’agit de végétaux marins hautement toxiques qui s’amoncellent et sèchent sur les plages. D’après une étude parue dans la Revue Sciences, la masse de sargasses en juin 2018 était de plus de 20 millions de tonnes et s’étendait sur 8 850 kilomètres de long

    Quelles sont les causes de la prolifération de ces végétaux marins ? Frédéric Ménard explique que “le phénomène des sargasses est probablement lié au réchauffement climatique”Le réchauffement des eaux créerait un milieu favorable à la prolifération, tandis que l’activité humaine autour du fleuve Amazone et les quantités d’eaux polluées qui y sont déversées seraient un facteur déterminant dans la croissance de ces algues néfastes pour la santé et l’environnement. Une Martiniquaise explique à Libération que “Les békés ont quitté les mornes du François et du Robert, mais les pauvres n’ont nulle part où aller”. Le phénomène accentue alors encore un peu plus les inégalités. 

    Après une grande crise de sargasses en 2015 et deux ans d’accalmie, les Antilles ont de nouveau été envahies. Les élus antillais ont donc tiré la sonnette d’alarme, comme le sénateur de la Guadeloupe Dominique Théophile. Pourtant, la faible réactivité des pouvoirs publics face à l’ampleur du phénomène met en lumière les inégalités de traitement persistantes entre les outre-mer et la métropole et les défis de l’accès aux droits. Lors de la conférence internationale sur les sargasses qui s’est tenue en Guadeloupe fin octobre 2019, Edouard Philippe a promis une aide “dans la durée” contre ces algues brunes toxiques. Reste à voir ce qu’il en restera dans les faits.

    En plus du réchauffement climatique, les archipels polynésiens ont aussi subis des dégâts environnementaux liés aux essais nucléaires menés dans la région dans la seconde moitié du XXe siècle. Ces essais nucléaires ont des impacts sur les populations locales, que ce soit sur leur santé ou leur environnement, et l’opacité qui règne sur ces expérimentations ne permet pas d’en avoir une vision complète encore aujourd’hui. 

    Un autre exemple d’injustice environnementale subie par les outre-mers est perçu en Martinique et Guadeloupe. En effet, le chlordécone, pesticide toxique interdit aux Etats-Unis depuis les années 1970 et classé parmi les « cancérogènes probables » par l’OMS en 1979 a été interdit en métropole en 1990 mais a continué d’être utilisé pendant des années dans les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe. Emmanuel Macron a même reconnu en 2018 qu’il s’agissait d’un “scandale environnemental”. Cette utilisation a créé une pollution durable des sols et une réelle catastrophe sanitaire. Un rapport s’alarme d’ailleurs de “la dégradation généralisée” des masses d’eau en Guadeloupe. Du point de vue sanitaire, le chlordécone augmente le risque de naissance prématurée et influe sur le développement cognitif et moteur des enfants. Le chlordécone augmente également le risque de cancer de la prostate, dont le nombre en Guadeloupe est l’un des plus élevés au monde. La contamination des sols et des eaux à la chlordécone impactent aussi durement le secteur économique et notamment les pêcheurs. 

    Enfin, les exploitations minières dans les territoires ultramarins français causent de nombreux problèmes environnementaux et sociaux. En Nouvelle-Calédonie, les mines de nickel font partie du paysage quotidien. La plus grande île de l’archipel concentre 25% des ressources mondiales de ce métal. La biodiversité exceptionnelle du territoire, l’une des plus riches de la région Pacifique, est sacrifiée au profit de cette ressource. Les dégradations environnementales liées à cette exploitation minière sont catastrophiques. Malgré les dispositions du code minier qui impose aux industriels la revégétalisation des sites miniers, les milieux sont complètement détruits. En 2006 déjà, 20000 hectares de terres étaient dégradées à cause de ces mines. Et, comme le démontre Catherine Larrère, les dégradations de l’environnement, « les pollutions de l’air, de l’eau et la répartition des sites dangereux ou toxiques affectent, en priorité, les plus pauvres », dans son livre Les inégalités environnementales

    Enfin, en Guyane, de graves problèmes environnementaux sont dûs à l’orpaillage illégal ainsi que l’exploitation minière. L’orpaillage illégal est un fléau pour l’environnement et la santé. Les populations autochtones en sont les premières victimes. En outre, les permis d’exploitation minièredélivrés par le gouvernement français, sont un réel danger pour le territoire guyanais, menaçant les forêts tropicales humides et la biodiversité. Ceux-ci sont en totale incohérence avec l’Accord de Paris et les recommandations du GIEC qui préconisent de mettre un terme à l’exploitation des énergies fossiles.

    Retrouvez le prochain numéro de notre revue de presse sur les impacts du changement climatique dans un mois !

  • 3 octobre 2019 – Quelles conséquences sur les populations et les territoires suite à des vagues de chaleur ?

    Quelles conséquences sur les populations et les territoires suite à des vagues de chaleur ? Canicules, sécheresses, pénuries d’eau.. Selon les lieux de vie, les métiers et les conditions socio-économiques, les impacts ressentis de ces épisodes varient, ce qui en fait une véritable question de justice.  

    Ce numéro de la revue de presse se concentre sur les épisodes de canicules ayant eu lieu en France durant l’été 2019, comment celles-ci ont été appréhendées et quelles solutions peuvent être mises en place pour y faire face. Quels impacts ont les canicules sur les droits fondamentaux ? 

    Pour combattre les inégalités, sociales et climatiques, il nous faut les connaître. C’est le sens de cette revue de presse élaborée par les bénévoles de Notre Affaire à Tous, qui revient chaque mois sur les #IMPACTS différenciés du changement climatique, sur nos vies, nos droits et ceux de la nature.

    Quel lien entre canicules et changement climatique ? Le réchauffement climatique augmente la probabilité des vagues de chaleur, ainsi que leur intensité. L’été 2019 a été marqué par deux épisodes exceptionnels de canicule du 24 juin au 7 juillet, puis du 21 au 27 juillet. Plus de la moitié des stations de Météo-France ont enregistré des records de température durant cette période estivale, et cela ne va pas s’améliorer ! Pour Climate Analytics, même avec un réchauffement limité à 2°C, « la probabilité de canicules de plus de deux semaines devrait augmenter de 4% en moyenne« .  

    En effet, les résultats des nouveaux modèles climatiques français du GIEC viennent d’être publiés. Ils permettent d’analyser plus précisément les évolutions du climat. Et la conclusion est sans appel : les cycles caniculaires seront de plus en plus fréquents. Et ces épisodes ont des conséquences humaines et matérielles dramatiques. Bien que cela corresponde à 10 fois moins de décès qu’en 2003 grâce à la prévention et à la mobilisation des acteurs de terrain, ces deux vagues de chaleur ont tout de même provoqué 1500 décès supplémentaires en France

    Les non-humains sont également touchés. Une adaptation est nécessaire notamment pour les élevages, touchés de plein fouet par les conséquences dramatiques de l’allongement des épisodes caniculaires. Un constat alarmant qui touche aussi l’irrigation agricole : ainsi, dans l’Hérault, le conseil départemental a voté un « schéma irrigation » de 310 millions d’euros pour soutenir agriculteurs et viticulteurs. Ainsi, le Gouvernement semble vouloir s’adapter financièrement : il propose par exemple un effort financier pour le projet de loi de Finances (500 millions d’euros de crédits alloués à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France). 

    Et la France n’est pas le seul pays touché : un rapport publié par l’ONU le 22 septembre dernier, présente un état du climat mondial particulièrement inquiétant puisque la planète vient de vivre ses cinq plus chaudes années jamais enregistrées. En France et en Europe, les records de chaleur sont tombés ces mois de juin et juillet 2019, l’Europe semble suffoquer. Le mois de juillet a d’ailleurs été “le mois le plus chaud jamais enregistré dans le monde”.

    D’après le programme Copernicus  Climate Change Service, « le mois de juin a été le plus chaud jamais enregistré en Europe avec des températures moyennes supérieures de plus de 2°C aux normales », le 27 juin étant la journée la plus chaude enregistrée pour un mois de juin en France.

    Cette canicule de l’été 2019 s’est traduite en France, d’après les chiffres du ministère des Solidarités et de la Santé, par 1 500 morts. Or, ce nombre est vu comme une bonne nouvelle, puisqu’il est dix fois moins important que lors de la canicule de 2003 qui avait fait 15000 morts. Cela révèle deux choses. D’une part, qu’il y a une acceptation des conséquences des décès liés aux épisodes climatiques extrêmes, et d’autre part qu’il est possible d’agir pour les réduire. 

    Tout le monde n’est pas égal devant la chaleur, et les premiers touchés par cette canicule sont les plus de 75 ans qui représentent la moitié des personnes décédées. Dix décès sont survenus dans un environnement de travail et concernent des hommes travaillant en extérieur. Ce chiffre montre que les secteurs les plus exposés sont le BTP, la restauration et le monde agricole. Les livreurs à vélo sont également vulnérables à des températures extrêmes. La santé et la sécurité des travailleurs et notamment dans les professions en extérieur, sont donc mises en danger. Le code du travail indique que tout employeur doit prendre en considération les « ambiances thermiques », mais aucun seuil de température n’est fixé dans la loi

    Dans les zones urbaines et notamment les plus grandes villes, les personnes âgées sont touchées et les fichiers recensant les personnes vulnérables sont très inégaux d’une ville à l’autreLes vagues de chaleur frappent plus fortement les quartiers populaires, créant ainsi de nouvelles inégalités. Aux inégalités économiques et sociales s’ajoutent les inégalités environnementales dues au bruit, aux transports, à la pollution et à la chaleur. En effet, « les endroits végétalisés où les habitations sont espacées sont moins chauds que ceux qui sont minéralisés et très denses. Lorsque l’on croise ces données avec la répartition socio-économique de la population, on constate que les quartiers populaires subissent plus que les autres les fortes chaleurs. Une chaleur accrue, qui est doublée d’une isolation des logements aléatoires et d’une mobilité réduite ». 

    Dès les années 1990, ces inégalités face aux canicules étaient déjà documentées, des études montrant que celles-ci exacerbent les inégalités socio-économiques déjà existantes. Ainsi, la canicule de juillet 1995 qui avait frappé Chicago, atteignant un maximum de 46°C, avait provoqué de 500 à 700 victimes. Ces victimes étaient en grande partie des populations pauvres, racisées et vivant dans des quartiers populaires. Quand, quelques semaines plus tard, une seconde vague de chaleur aussi intense que la première arrive, les autorités publiques sont cette fois préparées et on ne compte « que » deux victimes. 

    Reporterre a aussi étudié les situations particulières des prisonniers et des sans-abris qui subissent de plein fouet les conséquences des vagues de chaleur. Des associations comme La Croix Rouge et Genepi s’attachent à combattre ces inégalités.

    Au mois de juillet 2019, des records de chaleur ont été battus dans une cinquantaine de villes en France. Pour exemple, Paris, qui n’avait dépassé la barre des 40°C qu’une seule fois en 1947 avec 40,4°C bat son record absolu avec 42,6°C enregistrés au mois de juillet. 

    Un jour de canicule, les écarts de température entre une métropole et sa plus proche campagne peuvent atteindre plus de 10°CAlors comment l’expliquer ? En milieu rural, durant la journée les plantes utilisent le soleil et l’eau du sol pour la photosynthèse, puis restituent l’atmosphère l’eau puisée dans le sol. La nuit, cette « évopotranspiration » s’arrête. En revanche, dans les villes les rayons de soleil se retrouvent emmagasinés par les surfaces bétonnées et imperméables, qui, la nuit tombée, relâchent la chaleur accumulée. Résultat de cette chaleur ? Une utilisation de plus en plus massive de la climatisation qui est elle-même néfaste pour l’environnement et contribue à la surchauffe urbaine. 

    La densité de l’activité humaine en ville ainsi que l’organisation et l’aménagement des territoires urbains accentuent l’effet de chaleur. La superficie, les matériaux de construction utilisés, la géométrie des bâtiments et des rues sont autant de facteurs ayant un impact sur la chaleur. Solène Marry, docteure en urbanisme explique dans Le Monde, que le tissu urbain joue à cet égard un rôle important. Dans les villes avec des rues sinueuses, la chaleur s’évacue plus facilement. Le choix des matériaux de construction et de leur couleur a aussi un impact. « Par une journée ensoleillée de 26°C, un toit exposé au soleil peut atteindre une température de 80°C si sa couleur est foncée, 45 °C si sa couleur est blanche et seulement 29°C s’il est couvert de végétaux ».  

    Les grandes villes deviennent donc de vrais îlots de chaleur, ce qui implique de repenser nos villes. Cependant, des solutions existent, comme la végétalisation des villes. Le paysagiste Jean Marc Bouillon qualifie d’ailleurs l’arbre de « brumisateur » ou de « climatiseur » urbain. La ville de Paris projette d’ailleurs d’intégrer des forêts urbaines au paysage, à l’instar du quartier d’affaire d’Otemachi à Tokyo. A Los Angeles, une autre solution a été mise en place : l’installation de revêtements clairs au sol, puisqu’une surface blanche renvoie les rayons de soleils sans les accumuler. À Montréal encore, la municipalité a entrepris de « désasphalter » certaines zones, notamment pour verdir les petites rues résidentielles. En parallèle de la végétalisation des sols, ou lorsque celle-ci s’avère difficile, il est aussi possible de couvrir certains murs ou certaines toitures de végétaux, permettant ainsi de réduire la chaleur émise par les bâtiments.

    Résultats des épisodes caniculaires estivaux ? En septembre, 88 départements français faisaient encore face à un important déficit hydrique, leur obligeant à restreindre leur utilisation d’eau. Cette sécheresse qui n’en finit pas est multiple : météorologique, agricole et hydrique. Malgré la pluie qui est revenue à la fin septembre, le problème est loin d’être réglé, et il faudra attendre 2020 avant une recharge efficace des nappes phréatiques et des sols artificiels. La ville de Guéret fait d’ailleurs face à une menace importante quant à son approvisionnement en eau potable, menace toute particulière pour les agriculteurs. 

    Vu du ciel, les conséquences du manque de pluie est palpable : herbe jaunie, plans d’eau à sec, forêts brûlées… Face à ces événements, la France ne paraît donc pas prête pour faire face aux chocs climatiques, qui sont pourtant inévitables. C’est ce que montre un rapport sénatorial sur l’adaptation au changement climatique en France.

    Retrouvez le prochain numéro de notre revue de presse sur les impacts du changement climatique dans un mois !

  • 19 septembre 2019 : Newsletter n°4 : Les Affaires climatiques dans l’Union Européenne

    Pour le quatrième numéro de la newsletter des affaires climatiques, Notre Affaire à Tous met en lumière les actions en justice pour le climat en Europe ! Du People’s Climate Case, à l’affaire Urganda aux Pays-Bas, en passant par la Norvège, l’Irlande et l’Autriche, nous montrons que le mouvement pour la justice climatique prend une place toute particulière dans l’Union Européenne. 

    L’ambition de cette newsletter ? Donner les moyens à toutes et tous de comprendre les enjeux de telles actions en justice face à l’urgence climatique ! Abonnez-vous pour recevoir, chaque mois, les actualités et informations sur ces affaires qui font avancer, partout dans le monde,nos droits et ceux de la nature face aux dégradations environnementales et climatiques : le combat qui se joue dans les tribunaux est bien celui de la défense des pollués face aux pollueurs, nouvel enjeu du XXIe siècle.

    « Giudizio Universale », ou « jugement universel » en français est une campagne réunissant citoyens, scientifiques, juristes, associations, centres de recherche et médias indépendants, dont l’objectif est de former le premier recours contre l’Etat italien. Le collectif reproche à la politique de ce dernier d’être trop peu ambitieuse en matière de lutte de contre le changement climatique. 

    Ainsi, avec cette action en justice il est demandé au gouvernement italien de reconnaître la gravité de la situation et d’agir en conséquence. Egalement, le collectif demande au juge de caractériser les violation des droits de l’Homme que cause le changement climatique. Enfin, l’Etat italien doit se conformer aux Accords de Paris et aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés par le GIEC. En 2007, le GIEC demandait aux pays développés de réduire leurs émissions de 25% à 40% d’ici 2020. Or, en 2017, les émissions de l’Italie n’avaient été réduite que de 17,4% par rapport à 1990. En somme, l’Italie est bien loin des objectifs fixés pour maintenir le réchauffement climatique sous le seuil de +1,5°C par rapport à la période préindustrielle.  

    Le 25 octobre 2018, Greenpeace Allemagne et plusieurs agriculteurs déposent un recours devant les juridictions administratives allemandes reprochant à l’Etat allemand de ne pas respecter ses obligations en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. 

    Le recours est porté par des familles d’agriculteurs biologiques, 13 personnes au total, qui subissent les conséquences du changement climatique. Ils ont subi des dommages suite aux inondationsgrêles et vagues de chaleur. Leur préjudice s’évalue jusqu’à 50% de pertes de récolte au cours de l’année 2018 par rapport aux années précédentes. En plus de ces évènements météorologiques extrêmes de plus en plus forts et fréquents, les requérants résidant sur le littoral de la Mer du Nord appréhendent la montée du niveau de la mer. Enfin, ils relèvent tous un préjudice futur lié aux pénuries d’eau à venir. Ils reprochent à l’Etat Fédéral allemand une violation du respect de plusieurs dispositions fondamentales, dont la Loi fondamentale allemande et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, en ne respectant pas les obligations de réduction des émissions de gaz à effet de serre.  

    Le 2 février 2017, la Cour administrative fédérale autrichienne statue sur la construction d’une troisième piste d’atterrissage à l’aéroport de Vienne. Elle rejette l’autorisation environnementale approuvant ce projet au motif qu’il ne répondait pas à l’intérêt général. La cour innove en ce qu’elle reconnaît la protection de l’environnement comme composante de l’intérêt général : il était nécessaire, en l’espèce, de donner la priorité à la lutte contre le réchauffement climatique. Cela supposait de refuser la construction de la troisième piste qui eût induit des émissions de gaz à effet de serre supplémentaires. La cour fonde sa décision, entre autres, sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne. 

    Cependant, la Cour constitutionnelle annule la décision de la cour administrative fédérale au motif qu’il n’appartient qu’au législateur de définir ce qui relève de l’intérêt général.

    En France, la température moyenne a augmenté d’environ 1,4°C depuis 1900. Cette augmentation a des conséquences dommageables tant pour l’environnement que la santé et la sécurité humaine. Or l’Etat français s’est engagé à respecter de nombreuses obligations relatives à la lutte contre le changement climatique. Ainsi, 4 associations (Notre Affaire à Tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme, Oxfam France et Greenpeace France), ont assigné l’Etat français en justice devant les tribunaux administratifs. Elles demandent au juge d’enjoindre l’Etat d’agir, et de reconnaître un principe général d’obligation de lutte contre le changement climatique.  

    Le 17 décembre 2018, les 4 organisations adressent une demande préalable à l’Etat français, lui demandant d’agir pour atteindre les objectifs légalement fixés de lutte contre le changement climatique. Le 14 mars 2018, en l’absence d’une réponse satisfaisante par l’Etat, elles déposent un recours en carence fautive devant les juridictions administratives. Le recours en carence fautive sanctionne l’inaction de l’administration alors qu’elle se trouve tenue d’agir. 

    En 2015, la Fondation Urgenda, organisation de protection de l’environnement, et 886 citoyens néerlandais ont demandé aux juges de reconnaître un devoir de diligence qui s’imposerait aux Pays-Bas. L’enjeu de court-terme : le rehaussement des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 17 à 25% à horizon 2020 par rapport à l’année 1990. L’enjeu réel : l’instauration d’une obligation de protéger les citoyens et la nature du réchauffement climatique et des activités polluantes, au nom de la solidarité entre les citoyens néerlandais, avec les citoyens du monde, et avec l’ensemble du vivant. 

    Le 24 juillet 2015, le tribunal de La Haye a donné raison aux requérants. Il a souligné la « gravité des conséquences du changement climatique et du risque majeur qu’un changement climatique se produise ». Dans la foulée de cette décision, de très nombreux partis politiques se sont réunis pour proposer la loi climatique la plus ambitieuse des pays développés : en visant 95% de réduction d’émissions de gaz à effet de serre à horizon 2050. Le 9 octobre 2018, la Cour d’Appel de la Haye a confirmé cette décision historique : en se fondant sur la Convention européenne des droits de l’homme, elle a conclu que les droits humains devaient être protégés et que juges et citoyens avaient bel et bien leur mot à dire pour préserver ce droit essentiel. 

    10 familles européennes du Portugal, de France, d’Allemagne, d’Italie et de Roumanie, ainsi que des familles du Kenya et des Fidji, accompagnées par l’association de jeunesse Saminuorra de Suède, ont assigné le Parlement et le Conseil européen en mai 2018 devant la Cour de Justice de l’Union Européenne afin de voir reconnaître la responsabilité de l’Union pour son incapacité à protéger ses citoyens en ayant autorisé un niveau trop élevé d’émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2030. 

    Si le tribunal reconnaît dans son ordonnance du 8 mai 2019 les impacts du changement climatique comme menaçant les droits humains des plaignants, il déclare pourtant l’irrecevabilité de la requête en ce que les familles et les jeunes affectés par le changement climatique n’avaient pas le droit de recourir aux tribunaux pour contester les objectifs climatiques européens. Le 11 juillet 2019, les requérants ont fait appel de la décision du Tribunal de l’Union Européenne. 

    Dans cette affaire, les requérants veulent annuler le décret royal du gouvernement norvégien qui attribue des licences de production de pétrole dans la mer de Barents. Ils basent leur raisonnement sur des interprétations de l’article 112 de la Constitution norvégienne. Le tribunal ne les a pas suivies sur le fond mais a, en revanche, estimé qu’il découle des travaux préparatoires de l’article 112 de la Constitution un droit à l’environnement sain. Ce droit est opposable pour contester une décision publique.  

    La Cour rend sa décision le 4 janvier 2018 en faveur du gouvernement norvégien. Elle décide que l’article 112 de la constitution est une disposition légale, ce qui signifie qu’elle peut être utilisée pour annuler une décision. Cependant, la décision dans cette affaire ne viole pas l’article 112 de la Constitution. Le juge estime en effet que le risque de dommage environnemental et climatique est suffisamment encadré. Les associations ont fait appel.

    En juillet 2017, le gouvernement irlandais a publié un plan national d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, à la suite de l’Accord de Paris, avec un horizon à 2050. L’association “Friends of the Irish Environment” a déposé un recours contre ce plan devant la Haute Cour Irlandaise au motif qu’il serait en contradiction avec le plan d’action climatique irlandais et la loi sur l’atténuation des émissions de carbone de 2015, la Constitution irlandaise ainsi que la Convention Européenne des Droits de l’Homme. 

    Les droits à la vie, à la vie privée et à la vie de famille qu’elle reconnaît sont particulièrement menacés. L’association demande à la Haute Cour d’enjoindre le gouvernement irlandais de mettre en place un nouveau plan. La Haute Cour Irlandaise a entendu l’affaire le 22 janvier 2019 et l’affaire est en cours d’examen.

    Le lundi 4 mars 2019, le Tribunal de l’Union Européenne a été saisi par un groupe d’individus et d’organisations non-gouvernementales d’un recours en annulation qui concerne la qualification de la biomasse forestière en tant que carburant renouvelable dans la Directive de 2018 sur les énergies renouvelables révisée de l’Union européenne (connue sous le nom de RED II). 

    Les demandeurs soutiennent que RED II accélérera la déforestation massive et augmentera considérablement les émissions de gaz à effet de serre sans tenir compte des émissions de CO2 provenant de la combustion de bois. En effet, les centrales au bois émettent plus de CO2 par unité d’énergie générée que les centrales au charbon, mais RED II considère ces émissions comme nulles. Le traitement de la biomasse forestière en tant qu’énergie renouvelable à teneur en carbone zéro ou zéro dans RED I et RED II a augmenté et continuera d’augmenter la pression de la récolte sur les forêts d’Europe et d’Amérique du Nord afin de répondre à la demande croissante de biomasse au sein de l’Union Européenne. 


  • CP / Les familles du People’s Climate Case font appel de la décision du Tribunal de l’Union Européenne, qui avait jugé l’affaire irrecevable

    Par sa décision du 8 mai 2019, la Cour de Justice de l’Union Européenne reconnaissait que les familles et associations requérantes dans le cas du People’s Climate Case étaient affectées par le réchauffement climatique. Cependant, elle jugeait l’affaire irrecevable car n’étant pas les seules touchées par le réchauffement climatique, le critère de l’effet direct et personnel ne leur permettait pas de saisir les juridictions européennes.

    Ce jeudi 11 juillet, l’ensemble des plaignant-es ont décidé de faire appel de la décision de la Cour qui va à l’encontre de la protection de chaque individu et de l’accès à la justice pour les citoyen-nes et associations de l’Union Européenne.

    Aujourd’hui, 10 familles, aux côtés de l’association suédoise de la jeunesse Saami Saminuorra font appel de la décision du Tribunal de l’Union Européenne dans le cadre du People’s Climate Case. Ce recours inédit avait été lancé face aux législateurs Européens  contre l’insuffisance des objectifs climatiques de l’UE à l’horizon 2030 et ses manquements à protéger des droits fondamentaux de ces citoyen-nes. L’appel conteste l’interprétation restreinte du tribunal de première instance de “l’effet direct et personnel”. 

    Le Tribunal de première instance – Tribunal de l’Union Européenne – a reconnu que les familles et l’association de jeunesse saami sont impactées par le changement climatique, mais a rejeté l’affaire affirmant que les plaignant-es ne pouvaient pas être protégé-es par la loi européenne car ils ne pouvaient se prémunir du critère d’un effet direct et personnel pour agir.

    Roda Verheyen, avocate coordinatrice de l’affaire, a déclaré : “Le Tribunal de l’Union Européenne a refusé d’assurer l’accès à la justice pour les familles et les jeunes frappé-es par les impacts dévastateurs du changement climatique, essentiellement sur le fait que de nombreuses autres personnes sont également affectées par la crise climatique. Cette affirmation ne respecte pas la logique même des droits fondamentaux, qui prévoit d’accorder une protection à tout individu. Nous espérons que la Cour de justice de l’Union Européenne créera un précédent et fera évoluer son interprétation des traités européens dans le contexte du changement climatique, afin de protéger les citoyen-nes de cette crise”. 

    Dans deux mois, le Parlement européen et le Conseil européen devraient fournir une réponse écrite à l’appel, qui sera ensuite suivie de la décision de la Cour de justice de l’Union Européenne. Si le cas est rejeté une seconde fois, cela prouverait que les cours européennes sont incapables de fournir une protection légale aux citoyen-nes dans le contexte du changement climatique.

    Maurice Feschet, représentant la famille plaignante française, lavandiculteur qui a vu ses récoltes subir les conséquences de sécheresses et vagues de chaleur à répétition dit : 

    Les dirigeants européens restent aveugles face à la crise climatique, alors que les citoyen-nes souffrent de plus en plus des vagues de chaleur, sécheresses et incendies. Les tribunaux, chargés d’assurer la protection des citoyens, et ce même lorsque les décideurs publics ne jouent pas leur rôle, ne doivent pas sous estimer les impacts du réchauffement climatique sur les droits humains. Ils doivent prendre en compte avec beaucoup de sérieux nos requêtes et réparer les manquements des gouvernements européens”.

    Alors que les plaignant-es européen-nes font face à une porte pour l’instant fermée, les recours climatiques se multiplient. En Italie, et suite à l’Affaire du Siècle, initiée en France par Notre Affaire à Tous, un groupe de citoyen-nes, d’associations, de chercheurs et de médias indépendants ont décidé de porter une affaire climatique visant le gouvernement. Les Etats membres de l’Union Européenne ont défini une trajectoire peu ambitieuse en matière climatique, mettant notre futur en danger, même s’ils la respectaient. Ils doivent maintenant être tenus responsables pour leur inaction face au réchauffement climatique. 

    Le mois dernier, les dirigeants européens ont échoué à s’accorder sur l’objectif d’atteindre zéro émissions nettes de gaz à effet de serre en 2050, ainsi que sur le renforcement de la politique climatique européenne à l’horizon 2030.

    Pour Marie Pochon, coordinatrice de Notre Affaire à Tous :L’accès à la justice doit être garanti pour toutes et tous. Nous faisons face aujourd’hui à un droit qui n’est pas adapté à la crise climatique qui menace nos droits les plus fondamentaux et menace la vie et la dignité des plus vulnérables. Partout dans le monde, les citoyen-nes réussissent à obtenir des condamnations à l’encontre de leurs gouvernements alors que les traités internationaux semblent impuissants à imposer des sanctions, cela en tendant la main aux juges. Nous irons jusqu’au bout en soutien à ces plaignant-es et aux nombreux-ses autres victimes des impacts de l’inaction climatique.

    A ce jour, plus de 210 000 personnes de tous les pays d’Europe ont apporté leur soutien aux familles plaignantes du People’s Climate Case, que tou-tes les citoyen-nes peuvent continuer à soutenir sous ce lien.

    Rappel du contexte :

    10 familles et l’association de jeunesse Saami Saminuorra ont décidé de faire appel de la décision rendue par la Cour de Justice de l’Union Européenne de rejeter le recours du People’s Climate Case (ECLI:EU:T:2019:324). Cet appel a été déposé le 11 juillet 2019. 

    Le People’s Climate Case, a saisi en mai 2018 la Cour de Justice de l’Union Européenne contre le parlement européen, le conseil européen ainsi que les législateurs de l’Union avec pour argument le fait que la trajectoire visant la réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990  est insuffisante pour protéger des vies et les droits fondamentaux des populations victimes du réchauffement climatique.

    Dans sa décision du 8 mai 2019, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rejeté le recours pour des raisons de procédure. En utilisant une interprétation stricte “de l’effet direct et personnel” selon le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE, Article 263), la cour a fermé sa porte aux plaignant-es. Selon les interprétations de la cour depuis les années 1960, lorsqu’un-e citoyen-ne est considéré-e comme “directement concerné-e“ par le droit communautaire, de manière particulière, il ou elle peut saisir la CJUE.

    Les plaignant-es (qui incluent des grands parents, parents et enfants) ont mis en avant les effets du réchauffement climatique perçus individuellement, au regard des impacts sur leur quotidien, leurs revenus et leur santé. Mais le fait que tout le monde soit affecté par le réchauffement climatique d’une façon différenciée au vu de leur situation (âge, empoi, état de santé, etc) ne permet pas à la cour de considérer que les plaignant-es ont été touché-es individuellement. 

    Les plaignant-es ont donc décidé de faire appel en défendant le fait que “l’effet direct et personnel” doit être appliqué au regard de la réalité du réchauffement climatique. En cas d’atteinte aux droits humains, l’accès à la justice  au niveau européen doit être permise, et ce, dans la mesure où il n’y a pas de recours possible au niveau national.

    Les moyens de l’appel :

    (1)  La Cour de Justice de l’Union Européenne a commis une erreur dans l’interprétation de la condition d’effet direct et personnel dans le sens où plus le nombre de personnes affectées par la législation européenne est important, moins celles-ci peuvent accéder à la justice devant les tribunaux européens. Ceci contredit la visée des droits fondamentaux qui est de garantir la protection au plus grand nombre d’individus.

    (2)   La Cour a commis une erreur de droit en négligeant que l’accès à la justice doit refléter la gravité du préjudice. En l’occurrence, il s’agit des impacts du changement climatique sur les plaignant-es.

    (3)   La CJUE a négligé la convention d’Aarhus. En 2017, l’ Aarhus Convention Compliance Committee a reconnu que les tribunaux européens violent les dispositions de la Convention d’Aarhus concernant l’accès à la justice en restreignant celui des personnes physiques et des ONGs en matière environnementale. La Cour de Justice de l’Union Européenne a méconnu cette reconnaissance et a une fois de plus décidé de bloquer l’accès à la justice pour des familles et associations (Sami youth association).   

    (4)   La CJUE a commis une erreur en affirmant que les plaignant-es ont d’autres moyens de contester les actes législatifs de l’Union Européenne. Les plaignant-es ne peuvent en effet pas contester la trajectoire de l’Union à l’horizon 2030 via les juridictions nationales, ni par d’autres moyens tels que ceux prévus à l’article 277 du TFUE.  

    (5) La CJUE a mal interprété la loi et a ajouté un critère sans base légale, en décidant que le critère de l’effet personnel devait également être rempli lorsque les plaignant-es demandent à la Cour de prendre des mesures d’injonctions (c’est à dire une ordonnance de la Cour qui vise à stopper les impacts du réchauffement climatique). L’argument de la Cour selon lequel le critère de l’effet direct et personnel doit être appliqué pour les mesures d’injonctions n’a pas de base dans les Traités. Le raisonnement de la Cour méconnaît le fait que des injonctions fondées sur des dommages existants ont été jugés recevables.

    (6)  Les requérant-es désapprouvent la décision de la Cour qui a refusé l’accès à la justice de l’association suédoise Saminuorra car l’association remplit les conditions d’accès à la justice des ONGs. Une association qui représente la somme des intérêts individuels de ses membres doit être en mesure de mener des actions judiciaires auprès de la CJUE. L’association Saminuorra remplit ces critères, et plus encore, ce type d’associations protège un ensemble qui est plus que la somme des intérêts individuels qui la compose. Elle porte de l’intérêt pour un bien commun qui en l’occurrence est la culture Saami.

  • 25 juin 2019 – La jeunesse face au changement climatique

    La première moitié de l’année 2019 a été marquée par de fortes mobilisations de la jeunesse pour le climat ! Mais qui sont ces jeunes qui se mobilisent et pourquoi ? Les jeunes et futures générations compteront parmi les populations les plus impactées par le dérèglement climatique. Ils et elles le ressentent d’ores et déjà, et se mobilisent contre l’inaction de nos gouvernants face à l’urgence. Leur slogan : “Pourquoi aller à l’école si leur futur n’est pas garanti et si la planète agonise ?

    Ce 4e numéro de #IMPACTS, la revue de presse des inégalités climatiques, se concentre sur ces jeunes français-es qui sont descendu-es dans les rues pour faire entendre leur voix et montrer que le dérèglement climatique aura une incidence sur leurs choix futurs : leurs ressentis face à ce constat sont forts et souvent empreints d’émotions les poussant à agir. Nous prendrons également une approche sociologique et ferons l’état des lieux de ce mouvement mondial de la jeunesse qui s’engage. 

    Pour combattre les inégalités, sociales et climatiques, il nous faut les connaître. C’est le sens de cette revue de presse élaborée par les bénévoles de Notre Affaire à Tous, qui revient chaque mois sur les #IMPACTS différenciés du changement climatique, sur nos vies, nos droits et ceux de la nature.

    C’est en février 2019, que la mobilisation des jeunes pour le climat a réellement commencé en France, avec une première grève scolaire du vendredi devant le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire, et la publication de leur manifeste de la jeunesse pour le climat ! L’objectif initial : donner toutes les semaines des “devoirs” à faire au gouvernement pour mettre fin à son inaction. Mais l’emballement pour la cause n’a vraiment émergé qu’à la venue à Paris, le 22 février, de Greta Thunberg, symbole et leader de cette jeunesse qui se mobilise ! Son célèbre “je veux que vous paniquiez” a mobilisé en masse et montré aux jeunes français-es qu’il est possible de faire entendre sa voix pour pointer la responsabilité des générations au pouvoir et le sort qu’ils réservent aux générations futures. 

    Le mois de février n’était que le début d’un mouvement en pleine expansion ! Le 15 mars a eu lieu une mobilisation historique, puisque plus d’1,8 millions ont manifesté ce jour-là, dans plus de 2000 villes de 100 pays différents ! En France, cette mobilisation “massive, apolitique et non-violente”, a réuni 50 000 personnes à Paris et 190 000 dans toute la France. Ce mouvement s’est encore renforcé, et le 24 mai 2019, la deuxième grève mondiale a eu lieu, deux jours avant les élections européennes. Ce sujet a d’ailleurs été au cœur des campagnes européennes en France et chez nos voisins, les partis écologistes, soutenus par des votants jeunes, ont fait de très bons scores.

    Cette génération ressent la finitude du monde. Ils et elles expriment leur colère envers la classe politique et le monde économique, en criant haut et fort “Nous sommes la nature qui se défend”. Leur colère face à l’irresponsabilité de celles et ceux qui, en 2050, serons morts est provoquée par le sentiment d’une injustice générationnelle. Mais leur engagement dans les rues, et dans les associations est-il en adéquation avec leurs modes de vie, caractéristiques de notre société occidentale ? C’est la question que posent des chercheurs aux jeunes et moins jeunes qui se sont mobilisé-es les 14, 15 et 16 mars

    Pour le chercheur en sciences politiques Luc Semal, la peur s’empare de nombreux jeunes face au risque d’effondrement et à la catastrophe écologique. Une grande partie de ces jeunes pensent que la catastrophe écologique se produira de leur vivant. Il souligne cependant que la peur n’est pas nécessairement une émotion paralysante et peut être une alerte rationnelle face à ce risque, et inciter à l’action volontariste. Ce catastrophisme peut en effet contribuer à esquisser une démocratie écologique

    Serait-ce donc la naissance d’une “génération climat”, caractérisée par la conscience de l’urgence climatique ? Cette jeunesse des rues ne s’arrête pas là et se politise, puisque, face à une politique des petits pas, ils et elles aspirent à un changement systémique. Leurs positions peuvent aussi parfois se radicaliser face à l’urgence, ce qui les mène à activer un nouveau levier d’action : la désobéissance civile. Devant les sièges des grands pollueurs comme la BNP Paribas, ou bien au siège de la Société Générale, où, au matin du 15 mars, une centaine de lycéen-nes se sont rassemblé-es pour dénoncer ses investissements massifs dans les énergies fossiles.

    Cette mobilisation avait déjà commencé aux Etats-Unis, avec le mouvement This is Zero Hour créé par Jamie Margolin, qui avait mis plusieurs dizaines de milliers de jeunes dans les rues et devant le Pentagone en juillet 2018. En Belgique, le mouvement a rapidement pris aussi, dès janvier 2018 avec des dizaines de milliers de personnes défilant dans les rues de Bruxelles à plusieurs reprises. Face à cela, des mouvements tels Fridays for Future ou Youth for Climate, se sont structurés et pris une ampleur importante.  

    Aujourd’hui très souvent mené-es par des jeunes femmes originaires de Suède avec Greta Thunberg – qui prévoit d’ailleurs de consacrer une année entière à la cause climatique en 2020 –, de Belgique avec Anuna de Wever, Kyra Gantois, Adelaïde Charlier, d’Australie, et de biens d’autres pays, ces milliers de jeunes restent déterminé-es à faire la grève tous les vendredis jusqu’à ce que nos dirigeant-es engagent des actions concrètes pour préserver leur avenir. Ces jeunes femmes reçoivent d’ailleurs de nombreuses menaces, dont le but est de les faire taire et de les décrédibiliser.  

    Il y a 27 ans déjà, les jeunes prennaient la parole face à l’inaction de leurs gouvernements. C’était le cas de Severn Cullis-Suzuki, qui est montée à la tribune du Sommet de la Terre à Rio en 1992 pour délivrer un message d’alerte sur l’état de la planète. Elle observe l’actuel mouvement des jeunes et perçoit leur volonté de transformer leur colère en action engagée pour le vivant. Aujourd’hui encore, en amont du G7 qui se tiendra à Biarritz au mois d’août, des délégués du “Youth 7”, un groupe d’engagement du G7 envers la jeunesse, appellent les dirigeant-es à redoubler d’efforts pour atteindre la neutralité carbone avant 2050, afin de protéger les droits des plus vulnérables, impactés durement par le dérèglement climatique.

    Ce mouvement est soutenu par de nombreuses personnalités du monde de la culture, mais aussi de nombreux scientifiques. 260 scientifiques et chercheurs de France, Belgique et Suisse, appelaient à descendre dans la rue avant le 15 mars, pour dénoncer l’inaction des pouvoirs publics face au dérèglement climatique. La célèbre climatologue française, Valérie Masson-Delmotte, co-présidente du GIEC, exhortait aussi lycéen-nes et étudiant-es à mettre la pression, face à l’insuffisance de la politique de la France. 

    Aussi et bien heureusement, le corps enseignant s’implique dans ce combat ! Le collectif “Les enseignant-es pour la planète”, formé en amont de la mobilisation mondiale du 16 mars, appelant à soutenir et se joindre aux élèves se mobilisant ! Des professeurs essaient aussi d’intégrer l’écologie aux programmes scolaires, car il est trop peu enseigné, de l’école à l’université. Mais il n’est pas toujours facile de sensibiliser les élèves à ces thématiques, comme en témoignent certains professeurs. 

    Les familles de ces jeunes sont aussi essentielles dans la réussite du mouvement : en effet, en Belgique, le 20 juin 2019, des grands-parents ont défilé dans les rues pour remplacer leurs petits-enfants en examen. Constatant l’ampleur de ce mouvement tout autant que la détermination des jeunes qui souhaitent insuffler force et exemple, la réponse du pouvoir politique et la réaction des gouvernements sont attendus.

    Qui est cependant cette jeunesse qui se mobilise ? Pour Cécile Van de Velde, sociologue à l’Université de Montréal, ce qui frappe est d’abord l’extrême jeunesse des participants aux différentes marches et grèves pour le climat. Ensuite, de nombreuses études tendent à montrer que loin de représenter l’intégralité de la jeunesse française, les jeunes qui manifestent correspondent à des profils sociologiques bien définis. 

    Pour Maxime Gaborit et Yann Le Lann, du collectif Quantité Critique, qui a effectué une étude sociologique sur le profil des participants de moins de 25 ans pendant les mobilisations pour le climat d’octobre 2018 et de janvier 2019, “jusqu’ici les manifestations parisiennes ont montré une relative homogénéité des participants : les enfants de cadres y sont surreprésentés, ainsi que les professions intermédiaires”. Pour les sociologues, le mouvement lycéen pour le climat est, pour l’instant, à l’image de la mobilisation transgénérationnelle. Cependant, les marches se concentrant dans les grandes villes, il est nécessaire de relativiser ces chiffres. Propos nuancé également par une conscience populaire écologique, puisque les études menées sur les Gilets Jaunes, par exemple, ont montré qu’il n’y avait pas de défiance envers l’écologie, malgré un engagement de leur part qui se veut plus social qu’écologique. Enfin, même si ces jeunes viennent plutôt de milieux aisés, ils et elles semblent se former de plus en plus à ces enjeux, et monter en expertise. 

    Parmi cette mobilisation plutôt homogène, certains modes d’actions sont néanmoins intéressants à étudier. D’abord, le « Manifeste étudiant pour un réveil écologique« . Créé en octobre 2018, suite au constat que le fonctionnement actuel de nos sociétés nous conduit tout droit vers une catastrophe environnementale et humaine, ils et elles s’engagent à ne pas travailler pour des entreprises pollueuses et destructrices de l’environnement. A ce jour, ce sont plus de 30 000 étudiant-es qui refusent de travailler pour des employeurs qui ne respectent pas leurs convictions environnementalesComme le souligne Yann le Lann, le choix du terme “manifeste” n’est pas anodin venant d’élèves de “grandes écoles”, traditionnellement peu impliqué-es dans les mobilisations sociales. L’interpellation de leurs futurs employeurs sur leur responsabilité semble une démarche relativement nouvelle. 

    Une autre belle initiative : le Lobby de Poissy. C’est la très belle histoire d’une classe de CM2 de l’école Montaigne de Poissy dont l’institutrice a décidé d’intégrer le livre « Hubert Reeves nous explique la biodiversité » dans son projet pédagogique. La classe a ensuite gagné un concours lui permettant de rencontrer Hubert Reeves, puis se sont enchainées diverses rencontres avec des personnalités du monde politique ainsi que des journées avec des journalistes. Aujourd’hui, ces jeunes souhaitent présenter “une déclaration des droits de la planète et du vivant” ! Pour la réalisatrice Elsa Da Costa-Grangier qui travaille à une web série sur ces jeunes, il est essentiel de “filmer le berceau de l’engagement citoyen”, et montrer que ces jeunes ne veulent pas assister à la destruction de la planète devant la télé, sans avoir leur mot à dire !

  • 29 mai 2019 – Quels sont les impacts sociaux du dérèglement climatique ?

    Quels sont les impacts sociaux du dérèglement climatique ? Dans un contexte de crise sociale, avec les mobilisations des Gilets Jaunes et la prégnance du slogan : « Fin du monde, fin du mois, même combat », nous mettons en lumière les inégalités environnementales que subissent d’ores et déjà les citoyen-nes français-es. Sachant que réussir une transition écologique, signifie réussir une transition sociale. Santé, logement, participation et accompagnement : tous nos droits sont touchés, affectant d’abord les plus précaires et renforçant les inégalités

    Ce numéro de la revue de presse a pour but de présenter à la fois les impacts liés au changement climatique et aux dégradations environnementales, puisque celles-ci se cumulent et se renforcent. En effet, un monde affecté par le changement climatique est aussi un monde plus pollué : l’exposition moyenne aux particules fines, par exemple, a augmenté de 11,2% depuis 1990, selon The Lancet

    Pour combattre les inégalités, sociales et climatiques, il nous faut les connaître. C’est le sens de cette revue de presse élaborée par les bénévoles de Notre Affaire à Tous, qui revient chaque mois sur les #IMPACTS différenciés du changement climatique, sur nos vies, nos droits et ceux de la nature.  

    • Des impacts sur nos corps : allergies et maladies infectieuses, le duo menaçant

    Pourquoi une recrudescence des allergies ? D’une part car le réchauffement climatique a tendance à augmenter la quantité de pollen émise : plus les températures sont élevées sur une période donnée, plus la pollinisation des végétaux est précoce et les quantités de grains émises importantes. D’autre part, l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère entraîne un développement plus rapide et vaste des plantes. La répartition des espèce évolue aussi, à l’image de l’ambroisie, historiquement présente dans le sud et centre de l’Europe, qui commence à s’implanter en Europe du Nord. Les orages, dont la fréquence a tendance à augmenter avec le réchauffement climatique, peuvent aussi provoquer la fragmentation des grains de pollen et libérer des allergènes dans l’air, entraînant une exacerbation des crises d’asthmes. Parmi les personnes touchées, 63% n’ont pas d’antécédents d’asthme, d’après l’agence Santé Publique France. 

    Ainsi, la quantité de pollen concentrée dans l’atmosphère ne cesse de croître depuis 1987. Conséquence directe ? Le nombre d’allergies en France a triplé depuis 20 ans. Des impacts qui en entrainent d’autres, comme l’asthme allergique, souvent tardivement diagnostiqué, notamment chez les populations ayant le moins accès aux soins. 

    Les maladies infectieuses aussi se propagent avec le réchauffement climatique. En tête des maladies liées au climat ? Le choléra, dont la bactérie est liée à 9 composantes climatiques, et la maladie de Lyme, liée à 7 facteurs climatiques. Températures, humidité, niveau de précipitations, tous ces aléas peuvent être responsables de telles propagations, qui concernent surtout les maladies vectorielles. La dengue, le chikungunka, le zika, la fièvre jaune, maladies provenant du moustique-tigre, gagnent de nouveaux territoires chaque année. En 2019, la dengue a particulièrement touché l’Ile de la Réunion. C’est en 2014 qu’une première étude établissait le lien direct entre changement climatique et émergence d’une maladie avec l’ulcère de Buruli en Guyane, infection qui connait des pics épidémiques lors des épisodes El Niño.  

    Des maladies dont nous pensions être protégé-es vont aussi aussi refaire surface avec la fonte des calottes glaciaires, provoquée par la hausse du niveau des mers. Ce phénomène va également modifier la propagation des virus. La fonte du permafrost, le sol normalement gelé toute l’année, va menacer les populations en libérant des bactéries et virus oubliés, qu’ils emprisonnent depuis des millénaires. comme l’anthrax. Mais face aux multiples études, les chercheurs restent toutefois divisés quant au rôle du réchauffement planétaire sur la diffusion des épidémies.  

    • Impacts psychologiques du changement climatique 

    Le terme d’éco-anxiété a fait parler de lui ces derniers mois, mais de quoi s’agit-il ? Militant-es, scientifiques, citoyen-nes, de plus en plus de personnes se sentent angoissées et bouleversées face à l’urgence climatique : un stress aux conséquences physiques comme mentales. Le chercheur Per Espen Stoknes revient sur ce concept dans Marianne : il s’agit pour lui d’anxiété plus que de peur, car le phénomène est plutôt “invisible”, à la fois “partout et nulle part”. Pour éviter d’affronter l’angoisse d’une catastrophe climatique, les mécanismes de protection du cerveau sont multiples : fuite, dissonance cognitive, dénigrement des études, humour…, le risque étant que les personnes touchées arrêtent tout effort pour lutter contre ce phénomène global.  

    A l’échelle individuelle, cette “éco-anxiété” peut redéfinir des choix de vie, comme pour Xavier, un témoin interrogé par Francetvinfo : l’angoisse du changement climatique l’a conduit vers un métier plus en accord avec ses principes. Et les citoyen-nes ne sont pas les seul-es ! Les climatologues aussi ont le blues : ces scientifiques qui alertent la population depuis plus de 30 ans, voient les conséquences de l’inaction s’accentuer. Sans pour autant désespérer, puisqu’ils et elles mobilisent de plus en plus l’intelligence collective et s’efforcent à plus de pédagogie pour une meilleure prise de conscience. Le collectif « Labos 1point5 » s’inscrit dans cette tendance, pour une recherche qui respecte l’environnement. D’un autre côté, cette prise de conscience et la culpabilité qui peut en découler ont parfois des effets bénéfiques. Comme en Suède, où le “flygskam”, la honte de prendre l’avion, plombe le transport aérien dans le pays depuis le début de l’année, avec une baisse de 4,4% de passagers aériens.  

    En dehors de France, la recherche psychiatrique s’intéresse d’ailleurs de plus en plus aux effets du réchauffement climatique sur la santé mentale : c’est notamment aux Etats-Unis, à la suite de l’ouragan Katrina, que la recherche en psychiatrie s’est développée. D’autres études montrent de fortes corrélations entre taux de suicide et hausse des températures, notamment dues à des troubles de sommeil plus fréquents. De 20 % à 50 % des personnes exposées à une catastrophe naturelle ont un risque de développer des troubles psychologiques, notamment chez les populations aux ressources limitées. 

    Depuis la COP24, le dossier “Alerte Pollution” de FrancetvInfo s’intéressent aux témoins de pollutions. Une enquête participative qui donne la possibilité aux internautes de signaler des sites pollués près de chez eux. Elle a permis de rendre visibles des situations inquiétantes. Grâce à l’alerte donnée par un jardinier du parc floral de Paris, des taux de métaux lourds « néfastes pour la santé » y ont été détectés. Une question posée par un père de famille a également permis de s’interroger sur la toxicité des sols amortissants des aires de jeux dans les écoles. Les écoles d’Ile-de-France sont d’ailleurs très touchées, avec 682 établissements scolaires exposés à des niveaux de pollution dépassant les normes légales, selon un rapport de l’association Respire. En région parisienne toujours, plusieurs personnes se posaient la question des particules fines rejetées par les grilles de ventilation de la RATP, redoutant l’impact à long-terme sur la santé humaine : selon AirParif, l’organisme chargé de mesurer la qualité de l’air en Ile-de-France, la pollution aux particules fines coûte en moyenne six mois d’espérance de vie aux habitants, tant chez les passager-es que les salarié-es de la RATP, avec des pics aux heures de pointe. En bord de mer aussi les citoyen-nes s’inquiètent de la qualité de l’eau : comme dans le bassin d’Arcachon, dont les écosystèmes sont de plus en plus bouleversés par une augmentation du nombre d’habitants et de touristes. 

    Le but de l’enquête ? Alerter les autorités locales sur les dangers de la pollution. A Toulon par exemple, l’alerte sur la pollution des ferries a forcé la mairie à promettre des installations propres d’ici à 2020. Mais les promesses ne sont pas toujours concluantes, à l’instar de l’usine installée près de Gardanne et Bouc-Bel-Air, dans les Bouches-du-Rhône. A cela s’ajoute des règles qui ne sont pas toujours respectées. Des dépôts sauvages pleins d’amiante sont d’ailleurs signalés partout en France. Face à ces situations, des plaintes ont été déposées en Auvergne, où une laiterie est accusée de polluer une rivière depuis 40 ans, ou dans l’Aube où un ruisseau reçoit les déchets médicamenteux et des matières fécales d’une prison depuis des années. Une bonne nouvelle au milieu de tous ces constats ? En avril, la Cour de Cassation a ouvert, en théorie, l’indemnisation du préjudice d’anxiété à tous les travailleurs de l’amiante. 

    Face à tous ces impacts sanitaires, la Croix-Rouge organisait les 15 et 16 avril à Cannes, une conférence mondiale relative à l’impact des changements climatiques sur la santé, une “COP humanitaire’”, pour éveiller les consciences. Et pour en savoir plus sur tous ces impacts sanitaires, la revue médicale The Lancet, sortait en novembre 2018 un deuxième rapport sur ces questions : chocs cardiovasculaires, propagation de virus, pénuries alimentaires, un état des lieux détaillé des différents risques que pose le changement climatique sur la santé humaine. 

    Mais les impacts sociaux du changement climatique ne concernent pas seulement la santé : en effet, le droit au logement est lui aussi touché, notamment à cause de la précarité énergétique, situation qui concerne 7 millions de français et 26 millions d’européens. Ce phénomène est dû à une facture élevée à cause d’une mauvaise isolation thermique. Ces 7 millions de français dépensent plus de 8% de leurs revenusdans l’énergie, selon l’Observatoire national de la précarité énergétique. Les dangers ?Hausse du risque de dépression, d’asthme chez les enfants, de comportements à risques chez les adolescents. 

    Face à cela, des voix s’élèvent pour rendre obligatoire la rénovation des bâtiments. L’association Armec à Rennes, sensibilise aussi à la rénovation énergétique des logements, qui est une des mesures du plan climat de la métropole rennaise visant une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030 (par rapport à 2010). Cela représenterait environ 2 000 logements à rénover par an. Le Réseau Eco Habitat aussi aide les familles les plus modestes à engager des travaux de rénovation de leur habitation, et les accompagne pour solliciter les différentes aides. 

    Du côté de l’Etat, le plan national de rénovation énergétique des bâtiments, présenté par Nicolas Hulot, est loin d’avoir tenu ses promesses, puisqu’au lieu des 500 000 rénovations prévues par an, l’estimation est retombée à 40 000.

    Retrouvez le quatrième numéro de notre revue de presse sur les impacts du changement climatique dans un mois ! 

  • 30 avril 2019 – Etat des lieux des impacts territoriaux du changement climatique en France

    Pour le deuxième numéro de sa revue de presse, Notre Affaire à Tous vous propose un état des lieux des impacts territoriaux du changement climatique en France ! Les prochaines revues de presse seront envoyées de manière mensuelle et sur des thèmes précis : aggravations des inégalités sociales, impacts sur les perspectives de la jeunesse, effets des hausses de chaleur sur nos territoires et la biodiversité… Pour continuer à recevoir cette revue de presse, abonnez-vous, et rendez-vous le 28 mai pour le prochain numéro !  

    Nous avons aussi lancé un appel à témoins du changement climatique pour mettre des visages sur ces impacts et montrer la nécessité d’agir pour le climat et l’environnement. Témoignez, pour faire entendre votre voix et celle de toutes celles et ceux qui subissent un préjudice. 

    • Les chaînes de montagnes : sentinelles du climat en danger

    Les chaînes montagneuses sont mises en danger par les activités destructrices du climat. Selon le bilan climatique dans les Alpes du Nord de l’Observatoire régional des effets du changement climatique (ORECC), en 2018, “l’année 2018 enregistre un écart de +2.35°C par rapport à la normale 1961-1990 et de +2°C par rapport à 1981-2010. C’est l’année la plus chaude jamais enregistrée sur les Alpes françaises”. Les conséquences de ce réchauffement rapide ? “Les glaciers des Alpes risquent de fondre à 90% d’ici 2100”, selon une équipe de chercheurs suisses qui insistent sur la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre. 

    Les fontes des glaces vont aussi causer l’assèchement des cours d’eau et entraîner une potentielle émergence d’un conflit d’usage entre neige de culture et eau potable. Chaque année, 263 000 mètres cubes d’eau servent à la production de neige et permettent d’enneiger 35% du domaine. Pour l’heure, il n’y aurait pas de déficit en eau potable. 

    Le phénomène de la fonte des glaces se retrouve ailleurs dans le monde, de l’Alaska, à la Patagonie, en passant par les Alpes. Les glaciers “ont perdu plus de 9 000 milliards de tonnes de glace depuis 1961, contribuant à l’élévation du niveau des mers”. Et les glaciers continentaux seront les plus touchés par le réchauffement que les calottes glaciaires du Groenland ou de l’Antarctique.

    • L’Occitanie : entre sécheresses, inondations, et diminution de l’enneigement

    Avec un réchauffement attendu entre 2 et 7°C d’ici 2100, outre les impacts sur le tourisme, l’agriculture, ou la production hydroélectrique, la population devra se préparer à affronter davantage de phénomènes climatiques extrêmes, des risques naturels accrus, des réserves d’eau réduites et de qualité moindre, sans oublier les impacts sur la biodiversité. Le Pic du Midi a enregistré un record de chaleur, en été 2018, le plus chaud depuis 130 ans selon l’Observatoire des Pyrénées qui a relevé un record de plus de 100 jours sans gel. Météo France et des météorologistes espagnols ont montré qu’entre 1959 et 2010, “les températures moyennes dans les Pyrénées ont augmenté de 1,2 °C, bien que le réchauffement n’ait été ni constant, ni régulier.” 

    Les territoires et les populations de l’Occitanie aussi sont particulièrement touchés par le changement climatique. Dans les Pyrénées par exemple, on note une diminution de l’enneigement, avec ses répercussions sur les rivières. Par ailleurs, il est estimé que la Garonne devrait perdre jusqu’à 30 ou 40% de son débit, avec des effets déjà visibles aujourd’hui. La fréquence augmentée des intempéries vient en revanche la faire déborder plus souvent, entraînant, outre des dégâts matériels, des risques sanitaires, comme suite aux inondations dans l’Aude en octobre 2018. Ces événements extrêmes touchent aussi les cultures, notamment celle du vin.

    • Bretagne : adaptation du territoire face à l’érosion du littoral, et la pollution

    La Bretagne aussi fait face aux effets du changement climatique et des dégradations environnementales. C’est d’abord la hausse du niveau des mers qui inquiète, puisque une hausse de 1 mètre est prévue sur le littoral breton d’ici à 2100, ainsi qu’une hausse des coefficients de marées, provoquant l’érosion du littoral. Le rapport de l’Observatoire de l’environnement en Bretagne démontre que le climat est déjà impacté, notamment à cause des polluants venant de l’élevage de porcs ou du transport. 

    Ce sont aussi les dégradations environnementales comme la pollution qui entraînent une détérioration de la qualité de l’air breton et près de 3000 décès par an. 3 départements étaient d’ailleurs en alerte aux particules fines en ce début de mois d’avril. 

    Face à cela, collectivités, citoyens et associations agissent : à l’image de la métropole rennaise qui a adopté un plan climat ayant pour objectif de diviser par deux ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, ou encore l’agglomération lorientaise qui enclenche une dynamique collective contre le changement climatique, autour du label européen Cit’ergie. C’est aussi une cinquantaine de citoyens rennais volontaires qui tentent de contrôler eux-mêmes la qualité de l’air pour alerter et susciter une prise de conscience auprès des habitants.

    • Alerte sécheresse en avril, en Hauts-de-France : le symbole de l’urgence

    Depuis le 9 avril 2019, la région des Hauts-de-France, à l’exception du delta de l’Aa, se trouve en alerte sécheresse, et ce, jusqu’au 30 juin 2019. De lourdes restrictions sont ainsi imposées pour faire face au déficit pluviométrique : de l’interdiction de laver les véhicules pour les particuliers, à la restriction de l’irrigation pour les agriculteurs en passant par un objectif de réduction de consommation d’eau de 10% pour les industriels. 

    La préfecture de l’Aisne avait déjà restreint la consommation d’eau dans le département à la fin du mois d’octobre 2018 pour la même raison. Cette situation a un impact très fort notamment dans les zones agricoles : certains départements français ont d’ailleurs été reconnus en état de « calamité agricole » en décembre 2018

    L’hydrologue Emma Haziza alerte sur les risques d’accroissement des périodes de sécheresse, en alternance avec des épisodes d’inondations majeurs. Elle signale que « pour arrêter de subir, il faut revoir en profondeur la manière dont on pratique notre usage des sols en France ». Des solutions efficaces peuvent être mise en place, sur le modèle de la ville de Loos-en-Gohelle qui a profité de la révision du plan d’occupation des sols et est finalement devenu un modèle en matière de transition écologique et sociale.

    • La Nouvelle-Aquitaine face au danger de la mer

    L’érosion du littoral est la principale conséquence du réchauffement climatique en Nouvelle-Aquitaine. La hausse du niveau de l’Océan Atlantique provoque une diminution inexorable du trait de côte.Le Groupement d’Intérêt Public du Littoral Aquitain estime à 160 les logements menacés à court terme par l’érosion côtière et porte le chiffre à 5.800 d’ici 2050. Un des symboles de la problématique de l’érosion côtière ? Le Signal, un immeuble de 4 étages, qui à sa construction entre 1965 et 1970 à Soulac-sur-Mer, se trouvait à 200 mètres de l’océan. Depuis, “la plage a avancé de 4,5 mètres par an”. Mais dans les terres aussi, la problématique de la montée des eaux se fait déjà ressentir, comme dans le Marais Poitevin,largement en dessous du niveau de la mer, où le risque de submersion du territoire va augmenter. 

    La région Nouvelle-Aquitaine a d’ailleurs fait l’objet de plusieurs études sous la direction du climatologue Hervé Le Treut, sur les impacts du changement climatique et sur l’anticipation des changements climatiques par les territoires et les populations.

    • Outre-Mer : les injustices climatiques en première ligne

    Les territoires et populations d’outre-mer sont aussi particulièrement touchés par le dérèglement du climat. La question des injustices climatiques y est encore plus prégnante. Alors que les territoires d’outre-mer français représentent quasiment 0% des émissions de gaz à effet de serre de la France, ils sont les plus vulnérables et les premiers impactés. Au delà de leur position géographique, le combat est non seulement celui de la justice climatique mais aussi de la justice sociale. Le prisme de l’histoire coloniale est à prendre en compte dans l’étude de ces inégalités climatiques. 

    Ces inégalités s’illustrent d’ailleurs par l’ouragan Irma de septembre 2017. A Saint-Martin, un appel à la grève générale a été lancé, jeudi 11 avril 2019, par des syndicats et des collectifs pour dénoncer les suites de l’ouragan, avec des revendications concernant les reconstructions, le maintien du service public, ou encore la résolution d’un conflit social à la collectivité. Symbole des inégalités, Saint-Martin cumule aléas climatiques et forte vulnérabilité, exposée à des cyclones de plus en plus intenses et fréquents, et l’insuffisance des mesures de prévention et réduction des risques. Les populations s’en relèvent difficilement à cause d’un accompagnement post-catastrophe trop faible et la lenteur de la reconstruction.

    Les impacts sur la nature aussi sont très visibles : les coraux de la Polynésie Française sont particulièrement menacés. On remarque dès maintenant une accélération de leur blanchissement à cause des températures trop élevées de l’Océan Pacifique. Malgré ces effets, les décideurs politiques ne semblent pas comprendre l’ampleur de l’urgence, puisque le Parlement Européen a voté, le 4 avril dernier, une loi pour subventionner le secteur de la pêche pour la période 2021-2027, qui aura notamment des effets désastreux sur la biodiversité des “régions ultrapériphériques européennes” (dont la Guadeloupe, La Réunion, Mayotte, La Guyane, La Martinique, Saint Martin).

  • 19 avril 2019 – Etat des lieux des impacts socio-économiques du dérèglement climatique

    Ce 19 avril 2019, Notre Affaire à Tous sort sa première revue de presse sur les impacts du changement climatique ! Notre souhait ? Mettre en lumière les conséquences du dérèglement du climat sur les territoires, les populations, le vivant. En partant du constat, qu’en France aussi, dès aujourd’hui, les dégradations environnementales et le bouleversement des équilibres de notre planète accentuent les vulnérabilités et renforcent les inégalités existantes. Dans un premier temps, cette revue de presse s’attèlera à faire un état des lieux des enjeux de justice climatique. Sur deux numéros, chacun envoyés à deux semaines d’intervalle, nous balayerons les impacts sociaux, économiques et territoriaux des changements climatiques. La revue de presse sera ensuite envoyée à tou-tes celles et ceux qui souhaitent s’y abonner de manière mensuelle. 

    Fin 2018, des journalistes de Basta Mag, Mediapart, Politis, Reporterre et la Revue Projet se sont associés, sous l’impulsion de Notre Affaire à Tous, et ont formé le JIEC – Journalistes d’Investigation sur l’Écologie et le Climat. Ils ont publié le 18 avril une deuxième série de portraits de témoins du changement climatique :

    Ils ont étudié l’impact du changement climatique sur la santé, à travers l’explosion du nombre d’allergies et de la réalité du stress post-traumatique causé par des catastrophes naturelles, de l’Aude à Saint-Martin. Ils sont allés à la rencontre de viciticulteur-rices et d’éleveurs laitiers, qui doivent sans cesse s’adapter à leurs milieux. Enfin, la jeunesse est mise en avant, car, inquiète de son avenir sur Terre, elle se mobilise, et ne laisse pas les destructeurs du climat lui voler son futur.

    I – Des conséquences sociales du changement climatique toujours plus visibles

    • La santé humaine, considérablement impactée

    Le GIEC a d’ailleurs reconnu cette menace importante, montrant que les problèmes de santé existants étaient aggravés et que d’autres survenaient avec ce phénomène. En période de canicule notamment, les impacts sur la santé vont “du coup de chaleur ou insolation à l’exacerbation de problèmes cardiaques existants ou encore le risque accru de lésions rénales dues à la déshydratation”.

    L’émergence de maladies est rendue favorable par la chaleur. La Réunion est particulièrement vulnérable à la dengue par exemple, même si cette maladie “s’étend à d’autres terres”, jusqu’en métropole. Causée par les piqûres du moustique tigre, elle fait partie des pathologies qui migrent avec le réchauffement climatique. Les maladies vectorielles comme la dengue ou le chikungunya comptent d’ailleurs parmi les principaux impacts sanitaires du réchauffement. Elles sont sont surveillés en France depuis le début des années 2000.

    Notre santé mentale, aussi, est altérée par le changement climatique : puisque “de 20 % à 50 % des personnes exposées à une catastrophe naturelle ont un risque de développer des troubles psychologiques”. Ses effets sont encore peu étudiés, alors même que les personnes les plus vulnérables sont les plus touchées. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), “dans les pays développés comme en développement, il apparaît que les sécheresses peuvent entraîner une augmentation du taux de suicide disproportionnée chez les hommes agriculteurs”.

    Les dégradations environnementales dûes notamment à la pollution ont aussi de graves effets sur la santé : un rapport de mars 2019 de l’association Respire fait un état des lieux de la pollution de l’air à proximité des établissements scolaires en Ile-de-France, accompagnée d’une carte interactive du niveau de pollution par école. Un quart des écoles sont particulièrement exposées. UNICEF France a d’ailleurs lancé une campagne “Pour chaque enfant, un air pur !” début avril, pour exposer les effets de l’air en ville sur les enfants.

    • Les logements, signes des inégalités environnementales

    Outre la santé, ce sont les lieux de vie des personnes et leur droit au logement qui sont inégalement touchés : la précarité énergétique touche aujourd’hui 5 millions de ménages en France. Certaines de ces personnes haussent le ton pour exiger la rénovation de leurs bâtiments.

    II – Des activités économiques mises en danger par le réchauffement planétaire

    Dans son rapport d’évaluation de 2014, le GIEC estime, avec un degré de confiance élevé, que le changement climatique va “remettre en cause certaines activités anthropiques courantes, notamment le fait de cultiver la terre ou de travailler en extérieur”. Mais les professionnels de ces secteurs ne se laissent pas abattre et tentent d’adapter leurs pratiques. 

    • Les métiers de la terre en ligne de mire du changement climatique

    La viticulture en est un exemple. Certains cépages comme le Merlot risquent de disparaître à l’horizon 2050. Face à cela, des chercheurs tentent dès aujourd’hui d’adapter les vignobles au changement. Les rendements des terres agricoles aussi sont particulièrement affectés, comme en Haute-Savoie où “les agriculteurs cherchent les solutions face au changement climatique” : de l’agroforesterie aux semences paysannes, ils tentent de s’adapter, tout en étant inquiets pour leur avenir. Ou encore dans la Drôme, où la famille Feschet qui a perdu 44% de ses revenus liés à la production de lavande ces 6 dernières années. Des stratégies d’adaptation se mettent en place, comme en Ardèche, où des agriculteurs réfléchissent à l’autonomie agricole “non pas à l’échelle de la ferme mais par zone de territoire, en construisant des partenariats avec d’autres paysans”, pour devenir résilients face au changement climatique. 

    C’est également l’activité des apiculteurs qui est en danger, puisque les abeilles, non seulement affectées par l’utilisation des pesticides, sont aussi touchées par la hausse des températures et donc des sécheresses. Les fleurs et la nature souffrent de ces changements, rendant la quête de nourriture des abeilles plus compliquée. Un couple d’apiculteurs du Morbihan a, par exemple, perdu 170 de ses 190 ruches en 2018.

    • Les activités liées au tourisme seront aussi affectées

    A la fois critiqué à l’international comme un des secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre, puisque contribuant à 8% des émissions mondiales, selon une étude de la revue Nature climate change, les professionnels du secteur subiront pourtant des pertes de revenus. 

    Dans les Alpes par exemple, il existe un fort risque de baisse de la fréquentation touristique en hiver comme en été. En hiver, en moyenne montagne à cause de la diminution de l’enneigement. Les années sans neige entraînent d’ailleurs “une baisse de 20 à 30% des revenus des moniteurs de ski”. En été aussi, dans les villes particulièrement, à cause de l’augmentation des températures, qui forment des îlots de chaleur urbains. La Haute-Savoie a d’ailleurs connu une sécheresse très rude en été 2018 : le lac d’Annecy a atteint son niveau le plus bas depuis 1947, ayant des impacts sur les revenus des professionnels du tourisme notamment les loueurs de bateaux et de pédalos. Il n’y a plus non plus de saisons pour l’alpinisme. Les professionnels de la montagne doivent dès lors adapter leurs pratiques.

    Dans deux semaines, nous reviendrons sur les impacts affectant les différents territoires français, et comment ceux-ci essayent de s’adapter ! 

  • Vécus climatiques, injustices écologiques et imaginaires du dérèglement

    Offre de mission : enquête et documentation autour des impacts des changements climatiques

    Participez à notre projets de documentation des impacts des changements climatiques !

    Nous avons lancé ce projet en mai 2018 pour documenter les impacts concrets des changements climatiques et de renforcer la sensibilisation du grand public. La France est déjà touchée par les changements climatiques et de nombreuses personnes en font déjà les frais, nous souhaitons leur donner la parole, rejoignez-nous pour cela !

    Notre partenariat avec l’Université de Lyon 2 permettra la réalisation d’une enquête qualitative cet été dans le sud de la France sur le ressenti des habitant-es par rapport aux effets des changements climatiques. Ces travaux pourront ensuite faire l’objet d’une publication et d’une restitution lors d’un événement public commun à l’automne. Par la suite nous pourrons peut-être former une coalition des personnes impactées en France et peser pour une réelle justice climatique !