Catégorie : Multinationales

  • AG de BNP : des engagements pour le climat qui se font toujours attendre

    Au lendemain de la parution du rapport annuel Banking On Climate Chaos, dans lequel nous apprenons que BNP poursuit ses financements à l’expansion des énergies fossiles, nous étions présent·es à l’Assemblée générale annuelle de la banque pour lui demander de rendre des comptes.

    Malgré ce qu’elle prétend, BNP n’a pas fermé la porte à l’expansion des énergies fossiles

    Cette Assemblée générale s’est tenue au lendemain de la publication du rapport annuel Banking On Climate Chaos, l’analyse mondiale la plus large et détaillée sur les financements aux énergies fossiles. Ce rapport est publié par 8 organisations dont Reclaim Finance, et soutenu par 589 organisations dont les Amis de la Terre France.

    Dans cette nouvelle édition, nous apprenons que BNP Paribas était, entre 2021 et 2023, la première banque française à avoir soutenu financièrement l’expansion des énergies fossiles, avec un total de 23,9 milliards de dollars. BNP continue d’entretenir des liaisons dangereuses avec Total, en témoignent d’importantes transactions financières – BNP était entre 2021 et 2023 le premier financeur mondial de Total –, mais aussi le siège de Jean Lemierre, président de BNP, au Conseil d’administration de la multinationale. Par ailleurs, les financements toxiques de BNP dépassent les frontières. Elle est en effet l’un des principaux financeurs de Saudi Aramco, premier producteur mondial de pétrole et de gaz. Mais le mastodonte pétrolier saoudien n’est pas le seul partner in crime de BNP. La major pétro-gazière italienne Eni, impliquée dans pas moins de 11 bombes climatiques, a aussi profité, en décembre 2023, d’un prêt de 3 milliards de dollars auquel a participé BNP. Avec au total 10,3 milliards de dollars accordés entre 2021 et 2023, BNP Paribas se hisse au rang de 3e financeur mondial des majors et des grandes entreprises publiques pétrolières et gazières.

    C’est essentiellement via les prêts et les émissions d’obligations que BNP Paribas continue de soutenir le développement des énergies fossiles. Ainsi, si la banque s’est engagée à ne plus soutenir de projets de pétrole et de gaz, elle continue de nous conduire tout droit vers un monde à + 4 °C, à travers ses financements aux entreprises actives dans des projets de production et de transport d’énergies fossiles.

    Les scientifiques et étudiant·es à l’AG de la banque d’un monde qui brûle

    Suite à leur tribune publiée fin 2023, les quelques 1240 étudiant·es qui déclaraient alors refuser de travailler pour BNP Paribas aussi longtemps que la banque financera le développement des énergies fossiles, n’avaient pas obtenu de réponse à leurs préoccupations. Pour faire entendre leurs voix, une cinquantaine d’étudiant·es ont, en amont de l’AG, soumis des questions publiques à la direction de BNP. Émilie et Hermès, étudiant·es à l’école CentraleSupélec, ont même été contraint·es de devenir actionnaires et se sont rendu·es à l’AG ce 14 mai 2024.
     
     La communauté scientifique – avec le collectif Scientifiques en Rébellion – s’est elle aussi invitée à la « fête », après avoir demandé à plusieurs reprises des comptes à BNP. 600 scientifiques et des membres du GIEC avaient en effet déjà appelé le Conseil d’administration de BNP Paribas à mettre un point final à ses soutiens à l’expansion des énergies fossiles, dans une lettre et des questions publiques. Le simple rappel par les scientifiques présents dans l’AG des conclusions claires du GIEC et de l’Agence internationale de l’énergie, selon lesquels aucun nouveau projet d’énergies fossiles ne doit être financé pour avoir une chance de limiter le réchauffement climatique bien en-dessous de 2°C, a été accueilli par des huées des actionnaires (1).

    Face à nos interpellations, des réponses insuffisantes

    Aux questions des étudiant·es, des scientifiques, comme de nos ONG, la même réponse de BNP (2).

    D’une part, la banque semble d’accord avec le consensus scientifique, puisqu’elle déclare : « notre objectif est que nos financements ne puissent en aucun cas contribuer à de nouvelles capacités pétro-gazières » (3). La banque reconnaît ainsi la nécessité de mettre fin aux financements indirects du développement des énergies fossiles, via les financements non-fléchés ou généraux aux entreprises responsables de ce développement. Mieux encore, en réponse à nos questions écrites, la banque dit « s’abstenir de participer aux émissions obligataires conventionnelles du secteur pétrolier et gazier » (4). Cependant, elle n’inscrit pas cette déclaration comme un engagement ferme dans une politique sectorielle ou dans son plan de vigilance. Elle laisse ainsi ouverte la possibilité d’émettre de futures obligations à des entreprises qui développent des nouveaux projets fossiles. Où sont les garanties que ses financements n’augmenteront pas à l’avenir ? De plus, il s’agirait de prendre un tel engagement sur l’ensemble de ses services financiers, y compris les prêts, qui représentaient 54 % des financements de BNP Paribas à l’expansion fossile entre 2021 et 2023.

    BNP a certes diminué en 2023 ses financements à l’industrie du pétrole et du gaz et, grâce à la pression citoyenne, semble enfin reconnaître la nécessité de sortir des énergies fossiles. Mais elle doit aller plus loin encore, en actant fermement et définitivement la fin de toute forme de soutien aux développeurs de projets d’énergies fossiles. BNP ferait ainsi figure de cheffe de file et inciterait l’ensemble des acteurs du secteur financier à opérer le nécessaire virage vers une finance durable. Alors, dans l’objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050 telle qu’elle s’y est engagée en rejoignant la Glasgow Financial Alliance For Net Zero (GFANZ) en 2021, et étant donné que des progrès ont été faits et que la banque semble aller vers la bonne direction, pourquoi camper sur une logique de choix au cas par cas et ne pas traduire cette tendance prometteuse dans un engagement ferme sur la fin de tout soutien à l’expansion des énergies fossiles ?

    Le directeur de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, déclarait sous serment au Sénat début mai que sa banque « ne finance plus l’expansion des hydrocarbures » (5). Les chiffres montrent sans appel que c’est faux, BNP doit désormais s’employer en faire une réalité.

    Alors que les impacts des dérèglements climatiques sont de plus en plus prégnants et dramatiques, nous appelons BNP Paribas à poursuivre ses progrès et à aller plus loin, en s’engageant fermement et officiellement à cesser toute forme de soutien à l’expansion de l’industrie du pétrole et du gaz.

    Notes

    (1) Face aux ambiguïtés de la politique climatique de BNP Paribas, les scientifiques demandent à nouveau des comptes, communiqué de presse du 14 mai 2024, Scientifiques en Rébellion

    (2) Réponses de BNP Paribas aux questions écrites : aux scientifiques – aux étudiant·es – à L’Affaire BNP.

    (3) Laurence Pessez, directrice RSE, lors de l’AG de BNP Paribas.

    (4) Réponses de BNP Paribas aux questions écrites à L’Affaire BNP : https://invest.bnpparibas/document/ag-2024-questions-ecrites-des-amis-de-la-terre-reponses-du-conseil-dadministration, p. 2

    (5) Vidéo TotalEnergies : audition de BNP Paribas

  • Décryptage : un an après son assignation en justice, BNP Paribas appelée à mettre un point final à l’expansion des énergies fossiles

    Décryptage : un an après son assignation en justice, BNP Paribas appelée à mettre un point final à l’expansion des énergies fossiles

    Après avoir mis en demeure BNP Paribas en octobre 2022 (1), nos associations Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France ont assigné la banque en justice pour non-respect de son devoir de vigilance en matière climatique en février 2023 (2). Ce procès est inédit car c’est la première fois qu’une banque est appelée à passer devant le juge pour sa contribution aux changements climatiques.

    Un peu plus d’un an après notre recours, il y a des avancées ! BNP Paribas a mis à jour sa politique climatique, mais est-ce suffisant pour crier victoire ?

    Afin que la banque se mette en conformité avec la loi sur le devoir de vigilance, nous lui demandons de cesser de toute urgence d’accorder de nouveaux soutiens financiers directs ou indirects au développement de projets pétroliers et gaziers.

    Dans le viseur : les entreprises qui ouvrent de nouveaux projets d’énergies fossiles telles que, parmi les plus agressives, Saudi Aramco, Total ou Shell. On les appelle des “développeurs”. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC), comme l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et les Nations unies, ces groupes œuvrent dangereusement contre la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C et même à 2 °C, et l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 – objectifs pourtant inscrits noir sur blanc dans les politiques de BNP Paribas, et qui apparaissent si chers à la banque dans sa communication.

    Une banque peut apporter 3 principaux types de soutien financier au développement des énergies fossiles. Cela peut être directement via un financement de projet, mais cela peut également passer par un financement à un développeur, que ce dernier peut utiliser librement – le financement n’étant pas dédié à un projet spécifique. Ces financements généraux peuvent prendre la forme d’une émission d’obligations ou d’actions, ou d’un prêt – appelé aussi crédit.

    Est-ce que BNP Paribas arrête les financements dédiés aux nouveaux projets pétro-gaziers ? Oui… et non

    En mai 2023, BNP Paribas a pris l’engagement d’arrêter tous les financements de projets “de développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers” (3).

    On décrypte :

    C’est une étape à relativiser car ces soutiens financiers directs ne représentent que 3,6 % du financement de BNP au secteur fossile – en 2022 (4). BNP peut ainsi continuer à soutenir les entreprises qui portent ces nouveaux projets pétro-gaziers. Si ces financements d’entreprises sont qualifiés d’indirects, ils représentent bien le principal levier de soutien à l’expansion – et de loin.

    Par ailleurs, BNP Paribas n’a à ce jour exclu de ses financements directs que les projets d’exploration et de production de pétrole et gaz, mais ne s’est pas engagée sur le reste de la chaîne de valeur de cette industrie. Notamment, elle peut encore accorder des financements dédiés à de nouveaux terminaux de gaz liquéfié (GNL), gazoducs ou oléoducs liés à des réserves “conventionnelles” (5). Or ces projets jouent un rôle clé dans l’expansion du secteur : c’est notamment le cas des nouveaux projets de GNL, qui n’ont pas leur place dans le scénario qui vise la neutralité carbone d’ici 2050 de l’AIE. 

    Est-ce que BNP arrête les nouvelles émissions d’obligations ou d’actions des développeurs ? Toujours pas

    BNP Paribas a affirmé n’avoir “participé à aucune nouvelle émission obligataire au secteur pétrolier et gazier depuis mi-février 2023” (6). Début février 2023 en effet, la banque avait participé à l’émission d’importantes obligations pour les géants Saudi Aramco et BP – respectivement d’un montant total de 4,5 et 2,5 milliards de dollars.

    On décrypte :

    C’est une bonne nouvelle ! Car les émissions d’obligations représentent un important levier de financement, notamment pour les grandes majors pétro-gazières. Et car BNP Paribas contribue largement à ces transactions : entre 2016 et 2022, 37 % des financements de la banque à l’industrie des énergies fossiles étaient liés à des émissions d’obligations (7).

    Malheureusement, en expliquant ne plus avoir participé à une émission obligataire au secteur récemment, BNP semble reconnaître le problème que posent ces services financiers… mais ne s’engage pas pour autant à renoncer à cette pratique nocive dans le futur. Il est donc impératif que ce constat très récent se traduise dans une mesure ferme et officielle, au sein d’une politique sectorielle. C’est d’autant plus urgent que ce type de financements représente souvent des montants élevés, et peut courir sur des années voire des décennies, engageant la responsabilité de BNP Paribas à moyen et long termes. Par ailleurs, BNP Paribas n’a fait aucune communication sur la fin des nouvelles émissions d’actions – bien que celles-ci représentent une part bien moins significative des financements de la banque aux développeurs.

    Est-ce que BNP arrête les nouveaux prêts aux développeurs ? Non plus

    La question est simple : est-ce que BNP a arrêté d’octroyer de nouveaux prêts à des entreprises qui, comme Total, prévoient de nouveaux projets de pétrole et gaz ? C’est pourtant là que la communication de BNP Paribas se complique encore. Or quand c’est flou, il y a un loup. La banque communique sur plusieurs éléments relatifs à ses activités de prêts : certains relevant de son flux de nouveaux crédits – c’est-à-dire les nouveaux prêts émis sur une année donnée –, et d’autres sur son stock de crédits existants – c’est à dire les prêts déjà en cours, mais qui peuvent dater de plusieurs années (8).

    1. En ce qui concerne son flux de crédits – c’est à dire ce qu’il faut principalement regarder quand on s’intéresse aux nouveaux soutiens de la banque aux développeurs –, BNP Paribas affirme que :

    Pour réduire la partie « fossile » de son portefeuille, BNP Paribas a considérablement réduit sa production de nouveaux crédits au secteur pétrolier et gazier en 2023.  Par exemple, à fin 2023, le rapport entre les flux de financement octroyés par BNP Paribas aux acteurs spécialisés dans l’extraction et la production pétrolière et gazière et les flux de financement liés aux projets d’énergies renouvelables s’établit à 1 sur 11.”

    On décrypte :

    Tout comme les nouvelles émissions d’obligations, BNP semble reconnaître le problème que posent les prêts aux développeurs mais ne s’engage pas pour autant à renoncer à cette pratique nocive dans le futur. Même si la banque communique sur une baisse de ses prêts en 2023, elle continue de laisser la porte ouverte à de nouveaux prêts aux entreprises qui ouvrent des nouveaux champs de pétrole et gaz. C’est pourtant une ligne rouge si la banque souhaite respecter les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat et l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 : chaque nouvel euro accordé à un développeur est un euro de trop.

    Ainsi, en décembre 2023, BNP Paribas a contribué à un prêt de 3 milliards de dollars pour la major pétro-gazière italienne Eni (9). Si ce prêt, un sustainability linked loan (SLL), est censé être lié à l’atteinte d’objectifs climatiques, notamment de développement des renouvelables, rien ne garantit qu’il sera fléché vers un projet d’énergies renouvelables d’Eni. Par ailleurs, ces dernières sont cosmétiques pour Eni : l’entreprise investit moins de 7 centimes dans les énergies renouvelables pour chaque euro dépensé dans les énergies fossiles.

    La politique actuelle de BNP prévoit qu’elle n’accordera plus de crédits – faisant ici encore l’impasse sur les activités obligataires notamment – aux entreprises privées exclusivement actives dans l’exploration et production pétrolière, appelées “indépendants pétroliers” (10). C’est dans cette définition volontairement limitée que le bât blesse : BNP met de côté une partie restreinte de l’industrie, pour se laisser la possibilité d’en soutenir encore de nombreux acteurs, qualifiés de “diversifiés” par la banque. Parmi ces acteurs, on retrouve les grandes majors et entreprises d’Etat, fers de lance de l’expansion des hydrocarbures et clients importants de la banque. BNP Paribas s’est ainsi classée 1er financeur mondial des 9 majors européennes et américaines (11) entre 2016 et 2022 (12).

    Enfin, le ratio “1 sur 11” semble impressionnant mais il gomme une part importante des activités nocives de BNP : celle-ci ne parle encore une fois que des “acteurs spécialisés”. Autrement dit, cela ne concerne pas tous les développeurs, et notamment pas les majors pétro-gazières comme Total et Eni ou les entreprises publiques comme Saudi Aramco. Or comme on l’a expliqué ci-dessus, ces entreprises sont parmi les plus problématiques au regard de leurs investissements prévus dans les énergies fossiles, et notamment dans de nouveaux projets d’exploration et de production de pétrole et de gaz.

    1. En ce qui concerne son stock – ou exposition – de crédits, BNP Paribas affirme que : 

    Entre fin septembre 2022 et fin septembre 2023, BNP Paribas a baissé de 6,4 milliards d’euros son stock de crédits aux énergies fossiles, passant de 23,7 à 17,3 milliards d’euros. Le Groupe a pour objectif que sonstock des expositions de crédit à la production d’énergies bas carbone représente 90 % du stock des expositions de crédit à sa production d’énergies, et 10 % aux énergies fossiles en 2030.

    On décrypte : 

    BNP Paribas semble avec cette cible de réduction de son stock de crédits aux énergies fossiles reconnaître la nécessité d’engager une sortie des pétrole et gaz. Mais le compte n’y est toujours pas. Si cet engagement contraindra vraisemblablement la possibilité pour BNP Paribas de multiplier les nouveaux prêts au secteur, BNP Paribas maintient dans le même temps de nouveaux soutiens aux entreprises qui développent de nouveaux projets d’énergies fossiles – en atteste son prêt de décembre 2023 à Eni. La banque pourrait ainsi décider de privilégier certains de ses clients, et ce en dépit de leurs plans d’expansion dans les pétrole et gaz. Cela pose de lourds risques climatiques : un prêt accordé aujourd’hui et participant au développement d’un nouveau projet d’énergies fossiles ne figurera pas obligatoirement dans les encours de la banque en 2030, même si cette infrastructure continuera à polluer bien au-delà de 2030. 

    Finalement, pointons du doigt que le ratio entre stock de crédits à la production d’énergies bas carbone et stock de crédits aux énergies fossiles avancé par BNP Paribas est biaisé et peu exploitable. Déjà, car les périmètres associées au bas carbone d’une part, et aux énergies fossiles d’autre part, rendent cette comparaison incohérente. La banque inclut dans le “bas carbone” – donc dans les secteurs “verts” à faire croître – des secteurs aux impacts écologiques critiquables, tels que le nucléaire ou les biocarburants. Elle exclut par contre des “énergies fossiles” des pans entiers de l’industrie, et notamment les activités de transport, d’export – dont le GNL -, ainsi que de production d’électricité – centrales à gaz et au fioul. 

    Enfin, rappelons-le, il n’est question ici que des prêts. En se focalisant sur certains services financiers et pas d’autres dans le calcul de ce ratio, BNP omet volontairement les émissions d’obligations ou d’actions, quand ces modes de financement sont prépondérants dans le secteur des énergies fossiles. 

    BNP Paribas semble évoluer dans ses pratiques et politiques sur les énergies fossiles. Mais ces avancées restent trop largement insuffisantes et incertaines, en rythme et en ampleur au regard de son devoir de vigilance climatique, dès lors qu’elles ne permettent pas de garantir l’arrêt de tout nouveau service financier aux entreprises qui développent les pétrole et gaz, et parient ainsi contre la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C. Continuer à soutenir de telles entreprises est un jeu à somme négative, qui engage la responsabilité de BNP Paribas. C’est pourquoi, Les Amis de la Terre France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France poursuivent leur action en justice contre BNP Paribas.

    Notes

    (1) Les Amis de la Terre France, 2022. Climat : BNP Paribas mise en demeure de stopper ses soutiens aux nouveaux projets d’énergies fossiles.

     (2) L’Affaire BNP, 2023. L’Affaire BNP revient : nous attaquons officiellement BNP en justice.

    (3) L’Affaire BNP, 2023. Les nouveaux engagements climatiques de BNP : beaucoup de bruit pour des effets très limités.

    (4) Le Monde, 2023. « Bombes carbone » : pourquoi les banques françaises peuvent financer les énergies fossiles malgré leurs engagements climat.

    (5) BNP Paribas a adopté des restrictions sur le financement de certains projets liés aux pétrole et gaz non-conventionnels – gaz de schiste, sables bitumineux, pétrole brut extra-lourd – et issus des régions arctiques et amazoniennes. 

    (6) BNP Paribas, 2024. Financement de l’énergie : la transformation du business model de BNP Paribas s’accélère, confirmée par différents classements.

    (7) Les Amis de la Terre France, 2023. Nouveaux chiffres : BNP, meilleure amie des énergies fossiles

    (8) Par exemple, BNP a pu faire un prêt à Total en 2022 qui dure 3 ans, qui apparaît encore dans son stock fin 2023.

    (9) Reclaim Finance, 2024. Publication Twitter

    (10) BNP Paribas, 2023. Politique pétrole et gaz.

    (11) BP, Chevron, ConocoPhillips, Equinor, Eni, Exxon, Repsol, Shell et Total.

    (12) Les Amis de la Terre France, 2023. Nouveaux chiffres : BNP, meilleure amie des énergies fossiles

  • Responsabilité des multinationales en Europe : la directive sur le devoir de vigilance des entreprises est adoptée par le Parlement européen

    Communiqué de presse, 24 avril 2024 – Ce mercredi, lors de la session plénière qui se déroule actuellement à Strasbourg, les députés européens ont voté pour le texte de compromis visant à instaurer un “devoir de vigilance” pour les entreprises multinationales. Il s’agit d’un pas historique vers la régulation des acteurs privés en matière de droits humains et de vigilance climatique. 

    Cette directive impose aux entreprises multinationales d’adopter des mesures de prévention, d’atténuation et de remédiation des atteintes aux droits humains et à l’environnement qui pourraient survenir le long de leur chaîne d’activités. La directive prévoit l’instauration d’une autorité nationale de contrôle désignée par chaque État membre. La responsabilité civile des entreprises pourra également être engagée dans certaines hypothèses. En matière climatique, la directive impose aux entreprises assujetties d’adopter un plan de transition (article 15), mais sans prévoir la possibilité d’engager leur responsabilité civile sur ce fondement, suite aux pressions des lobbies. 

    7 ans après l’adoption de la loi française sur le devoir de vigilance et 11 ans jour pour jour après la catastrophe du Rana Plaza, cette directive est une avancée importante, bien qu’insuffisante, dans la régulation des multinationales par les puissances publiques. L’Europe envoie un message aux autres continents qui hésiteraient à adopter des règles du jeu plus strictes pour les acteurs économiques. 

    Une directive attaquée de toutes parts, entre les conflits inter-institutionnels et l’immixtion des acteurs privés 

    Les eurodéputé.e.s se sont prononcé.e.s en faveur de la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises (CSDDD) approuvée le mois dernier par le Conseil de l’UE. Fruit d’un accord trouvé in extremis suite à un retournement de la position de plusieurs États membres, dont la France, cette directive a été attaquée et affaiblie tout au long du processus législatif qui dure depuis plus de 2 ans.

    Alors que la position du Parlement, votée en juin 2023, avait permis de réhausser l’ambition de la directive proposée par la Commission, puis amendée par le Conseil de l’UE, les négociations institutionnelles ont conduit à de nombreux reculs, au premier rang desquels l’exclusion du secteur financier et la définition étroite des atteintes à l’environnement. 

    Les réticences des États comme l’Allemagne ou la France, en écho au lobbying économique intensif des multinationales, ont contribué à déplacer le débat vers des préoccupations de compétitivité, occultant les questions de protection de droits humains et de l’environnement. Bien que la France se soit toujours affichée publiquement comme pionnière en matière de devoir de vigilance grâce à la loi de 2017 et en soutien d’une régulation européenne, elle a en réalité toujours défendu une version largement édulcorée de la directive. Soutenant l’exclusion des services financiers (prêts, obligations…), alors même que la loi française permet d’engager la responsabilité des acteurs financiers, elle a œuvré à réduire le champ d’application de la directive jusqu’au bout. 

    À force d’affaiblissements, l’accord voté aujourd’hui au Parlement européen pourrait s’avérer moins protecteur que la loi française de 2017 relative au devoir de vigilance des entreprises. L’enjeu sera désormais d’assurer une transposition en droit français capable de maintenir un niveau élevé de protection. L’article 15 relatif aux obligations climatiques devra en particulier être transposé de sorte à instaurer des obligations renforcées pour les entreprises, notamment sur les mesures à mettre en œuvre pour assurer la compatibilité de leur stratégie et modèle économique à l’Accord de Paris et les mécanismes de contrôle du respect de ces obligations. 

    Le 15 mai, le texte devra faire l’objet d’une approbation formelle par le Coreper, avant d’être voté par le Conseil de l’UE afin que les ministres donnent leur accord final.

    Contact presse

    Justine Ripoll, responsable de campagnes de Notre Affaire à Tous :
    justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • Mobilisation devant une enseigne Naturalia à Paris pour dénoncer les pratiques liées à la déforestation du groupe Casino en Amérique du Sud

    Mobilisation devant une enseigne Naturalia à Paris pour dénoncer les pratiques liées à la déforestation du groupe Casino en Amérique du Sud

    Communiqué de presse, Paris, le 18 mars 2024 – Ce samedi 16 mars, une mobilisation citoyenne a eu lieu entre 11h et 12h devant un magasin Naturalia à Paris, une enseigne du groupe Casino. Les représentant·e·s de peuples autochtones brésiliens Dinamam Tuxá, avocat et coordinateur exécutif de l’APIB et Eliane Bakairi, présidente de la FEPOIMT, ont pu dénoncer la déforestation et l’accaparement des terres en Amérique du Sud. Cette action a été organisée par les associations Envol Vert, Mighty Earth et Notre Affaire à Tous.

    Le 3 mars 2021, une coalition d’organisations représentatives des peuples autochtones brésiliennes et colombiennes (COIAB, FEFIPA, FEPOIMT et OPIAC) et d’associations internationales (Canopée, CPT, Envol Vert, FNE, Mighty Earth, Notre Affaire à Tous et Sherpa) ont assigné Casino en justice pour manquement à son devoir de vigilance. Elles reprochent à la chaîne de supermarchés de n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour exclure la viande bovine liée à la déforestation et à l’accaparement de territoires autochtones de sa chaîne d’approvisionnement au Brésil et en Colombie.

    Casino, Naturalia et la déforestation

    Le groupe Casino possède en France les magasins Naturalia, enseigne de distribution spécialisée dans les produits issus de l’agriculture biologique et du commerce équitable. Leur objectif est de séduire une clientèle sensible aux enjeux environnementaux et soucieux d’avoir une consommation responsable. Des valeurs pourtant bien éloignées des activités reprochées au groupe Casino en Amérique du Sud dans de nombreux rapports. Le dernier en date, réalisé par InfoAmazonia, estime que la chaîne d’approvisionnement du groupe français a causé des dommages matériels estimés à 54,3 millions d’euros sur le seul territoire autochtone Uru-Eu-Wau-Wau. Un résultat qui ne refléterait qu’une infime partie de l’impact du groupe Casino et de ses chaînes d’approvisionnement dans ses activités passées.

    L’APIB et FEPOIMT à Paris pour défendre leurs droits 

    Les représentant·e·s de peuples autochtones Dinamam Tuxá et Eliane Xunakalo se sont déplacé·e·s à Paris afin d’alerter sur les violations de leurs droits causées par des entreprises françaises. Parmi les nombreuses rencontres organisées avec des associations et responsables politiques au cours de ce voyage, notamment au Sénat et au ministère de l’Écologie, iels ont également souhaité s’exprimer directement aux citoyen·ne·s français·se·s lors de cette mobilisation. Ce samedi 16 mars, Eliane Xunakalo a pu décrire les effets de la déforestation sur les peuples autochtones en déclarant que « nous devons examiner et repenser le mode de production qui détruit nos vies ».

    Les prochaines étapes du procès

    Alors que le groupe Casino a été assigné en justice il y a trois ans, le procès se cantonne pour l’heure aux questions de procédure. Une prochaine audience dématérialisée est prévue le 21 mars 2024 au cours de laquelle la coalition espère obtenir une première date de plaidoirie afin de conclure cette première étape de l’assignation. Suite à cela, les questions de fond, notamment les demandes au groupe Casino et les revendications des peuples autochtones pourront enfin être entendues par la justice française.

    Contacts presse

    Envol Vert : Baptiste Vicard, chargé de plaidoyer – b.vicard@envol-vert.org

    Notre Affaire à Tous : Vincent Bezaguet, chargé de campagne – vincent.bezaguet@notreaffaireatous.org

  • Devoir de vigilance européen : les États membres adoptent un texte ressuscité grâce à la mobilisation, mais affaibli par les lobbies

    Devoir de vigilance européen : les États membres adoptent un texte ressuscité grâce à la mobilisation, mais affaibli par les lobbies

    Communiqué de presse, 15 mars 2024 – Les États membres de l’Union européenne ont finalement trouvé un accord pour établir un devoir de vigilance européen pour les entreprises. En dépit de concessions importantes aux lobbies, cet accord politique ouvre la voie à l’adoption d’une législation européenne protégeant les droits humains, l’environnement et le climat.

    En décembre 2023, les États membres et le Parlement européen avaient trouvé un accord sur le devoir de vigilance des entreprises et la directive était prête à être adoptée. Las, l’Allemagne trahissait ensuite son engagement et annonçait son abstention sur le texte, avant que l’Italie et la France, par diverses manœuvres, ne viennent davantage menacer l’adoption du texte au Conseil de l’Union européenne.

    Alors que la France s’était engagée à soutenir cette Directive, elle avait finalement demandé de remonter significativement les seuils d’application, au dernier instant et en prenant de court tous ses interlocuteurs. Loin d’explorer des « voies de compromis » entre États membres, le décalage entre les déclarations publiques du gouvernement et sa position dans les négociations mettait en danger l’adoption du texte.

    Si l’accord trouvé aujourd’hui doit être salué, plusieurs modifications opérées au dernier instant pour satisfaire les Etats-membres récalcitrants sont néanmoins à déplorer.

    Par exemple, la directive prévoyait initialement d’assujettir les entreprises de plus de 500 salariés et disposant d’un chiffre d’affaires de 150 millions d’euros au devoir de vigilance. Désormais, le champ d’application est plus restreint : seront seules concernées les entreprises de plus de 1 000 salariés et comptant un chiffre d’affaires de 450 millions d’euros, soit une réduction des deux tiers du nombre d’entreprises couvertes. 

    Un tel remaniement du texte pour satisfaire les exigences de quelques États membres (dont la France) après l’aboutissement des trilogues, est un coup dur porté aux institutions européennes, à la veille des élections de juin prochain.

    Ce vote, qui n’est qu’un premier pas dans la bonne direction, démontre que rien n’est jamais acquis en matière de protection des droits humains et de l’environnement.

    Le texte validé aujourd’hui par les États membres au Conseil doit encore être voté au Parlement européen avant son adoption finale.

    Signataires

    Contacts presse

    Sherpa : Lucie Chatelain – Responsable contentieux et plaidoyer, lucie.chatelain@asso-sherpa.org

    Amis de la Terre France : Marcellin Jehl – Chargé de contentieux et plaidoyer, marcellin.jehl@amisdelaterre.org

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll – Responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    CCFD-Terre Solidaire : Sophie Rebours – Responsable relations médias, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org

  • Devoir de vigilance européen : l’heure de vérité pour la France !

    Communiqué de presse, Paris, 11 mars 2024 – En fin d’année dernière, les institutions européennes parvenaient à un accord historique pour établir un devoir de vigilance pour les entreprises en matière de droits humains, d’environnement et de climat. Aujourd’hui, l’adoption de cette directive par le Conseil de l’Union européenne est entravée par la volte-face de plusieurs États membres et l’absence de soutien clair de la France en ce moment pourtant décisif.

    Plusieurs années de négociations, un soutien massif des citoyennes et citoyens et un compromis finalement trouvé en décembre dernier entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen : tout cela pourrait n’avoir servi à rien, et la directive sur le devoir de vigilance des entreprises ne jamais voir le jour.

    Plusieurs États membres, dont l’Allemagne et l’Italie, ont en effet torpillé le processus, en retirant leur soutien après l’accord trouvé en trilogues.

    Ajoutant à la confusion, la France entretient un double discours inacceptable, affirmant approuver le texte ou « chercher des voies de compromis » à qui veut l’entendre, mais s’abstenant de le soutenir au Conseil, alors que chaque vote compte et peut faire basculer la position d’autres États hésitants.

    Alors que plusieurs États membres, dont l’Espagne et les Pays-Bas, prennent régulièrement position en faveur du texte et tentent de rallier leurs partenaires, la France reste obstinément muette et choisit l’ambiguïté, comme le 28 février 2024, quand la majorité qualifiée nécessaire à l’adoption de la directive n’a pas été atteinte.

    Pire, la France a profité de la situation pour imposer la remontée des seuils d’application (réduisant drastiquement le nombre d’entreprises couvertes), forçant la Présidence belge du Conseil à rouvrir des négociations sur un texte déjà considérablement affaibli par l’influence des lobbys. La stratégie française fragilise l’équilibre général du texte, met en péril son adoption, et compromet le processus démocratique et législatif européen.

    Le Président de la République, Emmanuel Macron, avait pourtant appelé cette directive de ses vœux lors de la Présidence française du Conseil, et l’accord trouvé en décembre avait été salué par la majorité présidentielle.

    Alors que les États doivent se prononcer sur ce texte cette semaine lors d’une réunion du Conseil, nos organisations appellent fermement la France à dire publiquement et sans équivoque qu’elle est en faveur de cette directive. Nous exhortons aussi le gouvernement français à engager l’ensemble de ses partenaires européens, dont l’Italie, à faire de même.

    L’heure est venue pour la France de se montrer à la hauteur de ses engagements européens, d’être cohérente avec son propre engagement en faveur du devoir de vigilance, initié par la loi française de 2017, et de ne pas manquer cette occasion historique pour la protection des droits humains, de l’environnement et du climat.

    Signataires

    Contacts presse

    Sherpa : Lucie Chatelain – Responsable contentieux et plaidoyer, lucie.chatelain@asso-sherpa.org

    Amis de la Terre France : Juliette Renaud – Coordinatrice, juliette.renaud@amisdelaterre.org

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll – Responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

    FIDH (Fédération internationale pour les droits humains) : Gaelle Dusepulchre – Deputy Director – Business, Human Rights and Environment, gdusepulchre@fidh.org

    Oxfam France : Stanislas Hannoun – Responsable campagnes Inégalité, shannoun@oxfamfrance.org

    CCFD-Terre Solidaire : Sophie Rebours – Responsable relations médias, s.rebours@ccfd-terresolidaire.org

  • Procès climatique contre TotalEnergies : audience décisive devant la cour d’appel 

    Procès climatique contre TotalEnergies : audience décisive devant la cour d’appel 

    Communiqué de presse, Paris, le 4 mars Dans le contentieux climatique porté par 6 associations et 15 collectivités territoriales contre TotalEnergies, une audience cruciale se tiendra demain devant la cour d’appel de Paris. Alors que le tribunal judiciaire de Paris a jugé l’action irrecevable, l’affaire sera examinée conjointement aux dossiers EDF/Mexique et Suez/Chili, par une nouvelle chambre de la cour d’appel spécialement créée pour les contentieux relatifs au devoir de vigilance des multinationales. 

    En janvier 2020, une coalition d’associations et de collectivités (1) a assigné TotalEnergies en justice. Rejointe en septembre 2022 par trois villes supplémentaires et Amnesty International France, la coalition demande que la pétrolière soit contrainte de prendre les mesures nécessaires pour s’aligner avec l’objectif 1,5°C de l’Accord de Paris, conformément à la loi sur le devoir de vigilance (2).

    Une audience à forts enjeux pour le devoir de vigilance

    Le 6 juillet 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a déclaré l’action judiciaire irrecevable selon une interprétation contestée et inquiétante de la loi sur le devoir de vigilance. Déterminées à contraindre la major pétro-gazière française à respecter ses obligations en matière climatique, les associations et collectivités de la coalition ont interjeté appel de cette décision.

    L’affaire est appelée à l’audience du 5 mars devant la cour d’appel de Paris. Signe de l’importance des enjeux pour la juridiction, l’affaire sera examinée par une nouvelle chambre créée spécialement pour juger en appel des affaires relatives au devoir de vigilance et à la responsabilité environnementale des entreprises. L’audience portera également sur les affaires Suez/Chili et EDF/Mexique, elles aussi déclarées irrecevables pour des motifs procéduraux controversés. 

    Une coalition déterminée face à l’urgence climatique

    La cour d’appel doit se prononcer sur la recevabilité de l’action, préalable indispensable avant une décision sur le fond. Cette décision, très attendue compte tenu de l’urgence climatique, intervient après la condamnation de Shell aux Pays-Bas, une affaire historique qui avait déjà souligné l’importance des mécanismes judiciaires pour contraindre les multinationales à réduire leurs émissions de GES.

    Le tribunal judiciaire de Paris a considéré que TotalEnergies n’aurait pas été régulièrement mis en demeure, prétextant un manque de dialogue avec l’entreprise. La loi sur le devoir de vigilance n’impose pourtant aucune phase de « discussion » ou de « conciliation » obligatoire entre les entreprises et les associations, ou personnes affectées, avant la saisine de la justice. En outre, le premier juge n’a pas pris en compte les différents échanges préalables intervenus entre la coalition et les dirigeants de l’entreprise avant la mise en demeure. 

    L’appel concerne également l’intérêt à agir des collectivités territoriales, dont l’action a été jugée irrecevable par le tribunal judiciaire, alors qu’elles sont aujourd’hui en première ligne face aux nombreux enjeux d’adaptation et d’atténuation des impacts du changement climatique.

    L’appel soulève également la question de l’impartialité de cette décision d’irrecevabilité, à la suite de la publication d’informations concernant de possibles liens familiaux entre le juge de la mise en état et un haut cadre de TotalEnergies.

    La coalition reste pleinement mobilisée afin que l’impact des activités de TotalEnergies sur le dérèglement climatique puisse enfin être jugé. La date de rendu de la décision devrait être annoncée à l’issue de de l’audience. 

    Notes

    (1) Sherpa, Amnesty International France, France Nature Environnement, Notre Affaire à Tous, ZEA, les Eco Maires et les villes de Paris, New York, Arcueil, Bayonne, Bègles, Bize-Minervois, Centre Val de Loire, Champneuville, Correns, Est-Ensemble Grand Paris, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran et Vitry-le-François.

    (2) Loi du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordres. L’action judiciaire se fonde également sur la prévention des dommages à l’environnement (art. 1252 Code civil).

    Signataires

    Sherpa, Notre Affaire à tous, Ville d’Arcueil, Vitry-le-François, Nanterre, Sevran, La Possession, Grenoble, Poitiers, Eco Maires, Amnesty International France, France Nature Environnement

    Contacts presse

    Sherpa – Théa Bounfour, chargée de contentieux et de plaidoyer, thea.bounfour@asso-sherpa.org
    Notre Affaire à Tous – Justine Ripoll, responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.org

  • La France frappe à nouveau pour couler la directive européenne sur le devoir de vigilance

    La France frappe à nouveau pour couler la directive européenne sur le devoir de vigilance

    Avant un vote crucial ce matin des ambassadeurs des pays de l’Union européenne, la France tente à nouveau de saboter l’adoption de la directive européenne sur le devoir de vigilance. A la dernière minute, la France pose aux négociateurs une exigence impossible à satisfaire qui remet en cause l’accord de compromis, résultat de plusieurs années de travail difficile par les Etats membres, le Parlement européen et la Commission. 

    Alors que les négociations en trilogue s’étaient terminées en décembre, ce compromis devait être ratifié par le Conseil mais le vote a déjà été reporté ces dernières semaines en raison du retrait du soutien de l’Allemagne.

    Las, lors d’un énième coup de théâtre le 27 février, la France met encore plus en péril l’adoption du texte en exigeant de modifier le périmètre de la directive et d’en exclure plus de 80% des entreprises concernées ; une demande d’abord introduite par Bruno Le Maire en personne, lors d’un voyage en catimini à Bruxelles. Le 20 février, il demandait en effet un entretien seul à seul avec le ministre de l’économie belge, dont le pays assure la présidence du Conseil, et formulait pour la première fois la demande de révision des seuils. Selon plusieurs sources, cette demande est devenue la position officielle de la France hier soir [1].

    Inspirée de la loi française de 2017, cette directive imposerait aux grandes entreprises opérant sur le marché européen de prévenir les violations des droits humains et la pollution de l’environnement dans leurs chaînes de valeur.

    Le texte de compromis prévoit une application aux entreprises de plus 500 salariés ; mais la France exigé à la dernière minute de remonter ce seuil au niveau de la loi française sur le devoir de vigilance, déjà en vigueur, fixé à 5 000 salariés, exemptant ainsi quelque 14 000 entreprises opérant sur le territoire européen. Le niveau des seuils en France a pourtant été considéré comme trop élevé par l’évaluation de cette loi commanditée par le gouvernement français en 2020, qui recommandait donc de les abaisser, ainsi que par un rapport d’information de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale et enfin un rapport d’information de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale co-rédigé par une députée de la majorité présidentielle [2].

    A noter également : ce volte-face français entre en contradiction totale avec toutes les demandes issues de la société civile, des syndicats, des associations, d’innombrables représentants d’entreprises et d’investisseurs, d’autorités financières, d’autorités religieuses et de nombreuses instances internationales.

    Les membres de la coalition européenne pour le devoir de vigilance demandent le maintien du seuil sur lequel les pays européens se sont accordés, et que la France s’est engagée encore récemment à appuyer politiquement lors de l’audition du ministre des Affaires étrangères, M. Stéphane Séjourné, à l’Assemblée Nationale le 14 février.

    Nous appelons le Président de la République, M. Emmanuel Macron, à défendre la position historique de la France dans ces négociations cruciales pour la protection des droits humains et de l’environnement, en assurant à ses partenaires européens le maintien d’une position française stable permettant l’adoption de cette directive.

    Notes

    [1] Ce n’est pas la première fois que la France demande des concessions substantielles dans ce dossier. C’est déjà elle qui a imposé l’exclusion des acteurs financiers du champ d’application de la directive sur les services financiers, contre les recommandations de nombreux représentants d’investisseurs et même contre l’avis de la Banque Centrale Européenne. Ces exigences ont été acceptées par les négociateurs afin de satisfaire le gouvernement français, parfois au détriment de la cohésion des négociations entre pays de l’Union européenne.

    [2] – La loi française retient un critère unique et des seuils particulièrement élevés (emploi direct ou indirect de 5 000 salariés pour les entreprises établies en France et de 10 000 salariés pour les entreprises étrangères ayant une activité en France). Le rapport sur l’évaluation de la loi française préconise d’« abaisser les seuils de salariés au-delà desquels une entreprise est assujettie au devoir de vigilance et [d’]introduire un nouveau critère d’assujettissement au devoir de vigilance lié au chiffre d’affaires, alternatif à celui du nombre de salariés ».

    – En 2022, les député.es Dominique Potier (Parti Socialiste, rapporteur de la loi sur le devoir de vigilance) et Coralie Dubost (LREM) ont conduit une mission d’information sur l’évaluation de la loi française, rapport adopté par la Commission des lois. Le rapport soulignait qu’« un abaissement des seuils est nécessaire », et que « les seuils trop élevés excluent de nombreuses entreprises dont l’activité présente des risques ».

    – En 2023, les députées Sophia CHIKIROU (la France Insoumise) et Mireille CLAPOT (Renaissance) ont présenté un rapport d’information à la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale. Le rapport souligne que les seuils de la loi française sur le devoir de vigilance sont trop élevés et que la proposition de directive de la Commission européenne, qui vise à s’appliquer aux entreprises basées ou opérant dans l’UE, employant plus de 500 personnes (contre 1 000 pour la loi française) et réalisant un chiffre d’affaires (CA) annuel net de 150 M€, va tout à fait dans le sens de la recommandation d’abaisser les seuils de salariés.

  • Directive sur le devoir de vigilance des entreprises : les États européens ne doivent pas faire volte-face !

    Paris, le 27 février 2024, Membres du Forum citoyen pour la RSE – En décembre dernier, les États membres et le Parlement européen sont parvenus à un accord essentiel sur la future Directive sur le devoir de vigilance des entreprises. Mais ce compromis est aujourd’hui en danger : sous la pression des lobbies, plusieurs États membres, dont l’Allemagne, menacent de bloquer le texte lors du vote du Conseil de l’Union européenne qui doit avoir lieu demain.

    Presque 4 ans après l’annonce de cette proposition de directive par la Commission européenne, et après l’aboutissement des trilogues en décembre, le vote prévu au Conseil pour valider le texte avant son adoption au Parlement ne devait être qu’une formalité.

    Cette formalité est néanmoins devenue une véritable épée de Damoclès, rendant incertaine l’adoption définitive de la directive en raison de divergences au sein du gouvernement allemand, qui pourraient conduire le pays à s’abstenir lors de ce vote. La position des autres États-membres serait, dans une telle hypothèse, décisive.

    S’il a été largement affaibli sous la pression des lobbies, ce texte constitue cependant une avancée majeure pour la régulation des entreprises multinationales dans de nombreux Etats membres. Il est donc crucial que la France le soutienne pleinement et que le gouvernement se mobilise maintenant au plus haut niveau pour intervenir auprès de l’ensemble de ses partenaires européens pour parvenir à son adoption.

    Pour rappel, cette directive avait été appelée de ses vœux en 2022 par Emmanuel Macron, après une résolution adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. L’accord trouvé en décembre 2023 a été célébré par la majorité présidentielle et le Ministre des affaires étrangères, Stéphane Séjourné, s’est récemment engagé auprès des députés français à le faire aboutir en l’état.

    Alors qu’un compromis a été trouvé, échouer à ce stade, à la veille des élections européennes, rendrait l’avenir de ce texte très incertain. Ce serait un désastre pour la démocratie européenne, pour les personnes et communautés affectées par les activités des multinationales, et pour la planète.

    Contacts

    Sherpa : Lucie Chatelain, Responsable contentieux et plaidoyer, lucie.chatelain@asso-sherpa.org

    ActionAid France : Maelys Orellana, Chargée de campagne, maelys.orellana@actionaid.org

    CCFD-Terre Solidaire : Clara Alibert, Chargée de plaidoyer, c.alibert@ccfd-terresolidaire.org

    Reclaim Finance : Olivier Guérin, EU Advocacy Officer, olivier@reclaimfinance.org

    Oxfam France : Léa Guerin, Chargée de plaidoyer, lguerin@oxfamfrance.org

    Amis de la Terre France : Juliette Renaud, Coordinatrice, juliette.renaud@amisdelaterre.org

    Notre Affaire à Tous : Justine Ripoll, Responsable de campagnes, justine.ripoll@notreaffaireatous.com

    Notes

    • Annoncée par le Commissaire européen à la justice Didier Reynders dès avril 2020, la proposition de Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité a été publiée par la Commission en février 2022.
    • Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont adopté leur position respective sur le texte en décembre 2022 et juin 2023, après quoi les négociations entre les trois institutions européennes (appelées “trilogues”) se sont engagées. Un accord politique a été trouvé le 14 décembre 2023.
    • La France étant dotée depuis 2017 d’une loi sur le devoir de vigilance, le gouvernement français s’est dit favorable à l’adoption d’une directive dès le début du processus. Il s’est cependant employé à affaiblir le texte proposé par la Commission sur plusieurs points, y compris l’inclusion des services financiers et de l’aval de la chaîne de valeur.
    • Ces dernières semaines, en dépit du soutien massif des citoyen·nes en faveur du texte et de l’accord politique trouvé en décembre, plusieurs lobbies (y compris le MEDEF et la CPME) ont à nouveau cherché à faire dérailler le processus.
  • Bombes climatiques : ClientEarth et Notre Affaire à Tous mettent en garde les banques françaises finançant les projets pétro-gaziers de Saudi Aramco

    Communiqué de presse, mardi 5 décembre 2023 – ClientEarth et Notre Affaire à Tous mettent en garde les banques françaises finançant et bénéficiant des nouveaux projets pétro-gaziers de Saudi Aramco. Ces interpellations font suite aux préoccupations des Nations Unies (1) concernant la contribution de BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale aux impacts, liés au changement climatique, sur les droits humains, causés par Saudi Aramco. Leurs soutiens aux entreprises ayant des projets d’expansion dans le domaine des combustibles fossiles les exposent à d’importants risques juridiques et réputationnels.

    En continuant de soutenir de tels clients, les banques françaises risquent de manquer à leur responsabilité de respecter les droits humains et s’exposent à d’importants risques juridiques et réputationnels. En effet, les clients du secteur de l’énergie qui continuent de développer de nouveaux projets fossiles ne peuvent être considérés comme alignés sur l’Accord de Paris ou comme effectuant une transition crédible vers des émissions nettes zéro d’ici à 2050, et sont par conséquent à l’origine d’impacts liés au changement climatique sur les droits humains.

    Les courriers officiels de mise en garde reçus par les 3 banques françaises font écho aux préoccupations des Nations Unies concernant leur contribution aux impacts liés au changement climatique sur les droits humains, causés par Saudi Aramco.

    Saudi Aramco est le plus grand émetteur de gaz à effet de serre : la société est responsable de 4,33 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone et de méthane, provenant des combustibles fossiles et du ciment, entre 1965 et 2018. Au lieu d’aligner sa stratégie commerciale sur les objectifs de l’Accord de Paris en réduisant rapidement sa production d’énergies fossiles, Saudi Aramco reste le plus grand producteur de pétrole brut au monde en termes de volume de production et prévoit même d’augmenter considérablement ses réserves de pétrole et de gaz. L’annonce par la société d’un objectif « net zéro » exclut la plus grande partie de son impact sur le climat sous la forme d’émissions indirectes scope 3, ce qui le rend incompatible avec l’objectif de l’Accord de Paris visant à réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’au moins 45 % d’ici à 2030 afin d’atteindre l’objectif net zéro d’ici à 2050.

    Les courriers rappellent également à BNP Paribas, Crédit Agricole et la Société Générale que les Nations Unies les ont d’ores et déjà alerté des impacts néfastes susceptibles de se matérialiser en Arabie saoudite, à l’aide de leurs soutiens financiers au géant pétro-gazier. De grandes parties du pays pourraient devenir inhabitables dans le cadre d’un scénario à fortes émissions, avec une chaleur et une humidité dépassant les seuils de tolérance humaine. La vague de chaleur cette année en Arabie saoudite a entraîné des températures supérieures à 50 ⁰C, et un stress thermique pour les pèlerins du Hadj. Selon les estimations, le nombre de décès liés à la chaleur dans la région nord-africaine et au Moyen Orient passera de la moyenne actuelle de 2,1 pour 100 000 habitants à plus de 100 pour 100 000 habitants d’ici 2100 dans le cadre de scénarios d’émissions élevées semblables aux trajectoires d’émissions actuelles. 

    Alors que les engagements pris sont encore très loin d’être suffisants pour garantir un impact réel sur l’expansion pétro-gazière mortifère des majors, ClientEarth et Notre Affaire à Tous listent également une série de demandes urgentes : les banques françaises doivent immédiatement mettre en place et appliquer une politique selon laquelle elles ne fourniront plus de services au bilan ou hors-bilan liés à des projets, ou à des entreprises impliquées dans des projets, qui impliquent une nouvelle exploration, une exploitation ou un développement de nouveaux projets fossiles, conformément à la norme NZE de l’AIE.

    (1) https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/300823/climat-l-onu-met-en-garde-le-plus-gros-petrolier-du-monde-et-ses-soutiens-francais

    Contact presse

    Notre Affaire à Tous : Brice Laniyan, brice.laniyan@notreaffaireatous.org