Catégorie : Appel pour une Constitution écologique

  • Notre Constitution Ecologique

    Notre Constitution Ecologique

    Présentation

    Nous œuvrons pour une réforme ambitieuse de la Constitution française pour y inscrire une obligation de préservation de la biodiversité et de lutte contre le changement climatique dans le cadre des limites planétaires, ainsi qu’un principe de non-régression. En droit interne, la Constitution est la source de droit qui figure au sommet de la hiérarchie des normes: cela suppose que toutes les lois adoptées, toutes les mesures légales, les décrets, les décisions, les règlements, doivent être conformes à la Constitution. L’importance de l’inscription de l’écologie et de la solidarité dans la Constitution est donc déterminante : plus qu’une avancée symbolique et politique, il s’agit aussi d’une étape nécessaire vers la transition écologique et le renversement des mentalités que nous devons adopter face à l’urgence climatique !

    Objectifs

    • Renforcer le droit de l’environnement dans le bloc de constitutionnalité : Il est urgent d’intégrer la protection de l’environnement et de la biodiversité et la lutte contre le dérèglement climatique dans la Constitution. Cependant, il faut le faire sans avoir à modifier la Charte de l’environnement, au risque de voir amoindrir la portée de principes, comme ceux de précaution, de prévention et de pollueur-payeur qui y ont été inscrits en 2004.
    • Inscrire les limites planétaires dans la Constitution : La planète et l’ensemble du Vivant doivent être préservés. Ne prenons pas plus de ressources que ce que la planète peut nous offrir.
    • Consacrer le principe de non-régression : Face à l’urgence, il est nécessaire de faire toujours mieux pour la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique.

    Comment ?

    En partenariat avec CliMates, le REFEDD et le WARN, Notre Affaire à Tous a lancé, en avril 2018, l’Appel pour une Constitution Écologique, signé par près de 100.000 personnes et une centaine d’organisations ! En mai 2021, l’organisation Noé a rejoint le collectif Notre Constitution Écologique. La pétition appelait à l’inscription dans la Constitution de la lutte contre le changement climatique, la préservation de la biodiversité, des limites planétaires ainsi que du principe de non-régression, entre autres. Mais cette réforme constitutionnelle, annoncée dès 2017 par le gouvernement, a sans cesse été repoussée.

    La Convention Citoyenne pour le Climat, composée de 150 citoyen·nes tiré·es au sort qui avaient pour objectif de définir des mesures pour réduire d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre de la France d’ici 2030, dans un esprit de justice sociale, a été l’occasion de poursuivre notre action pour une réforme constitutionnelle. Dès son lancement en octobre 2019, nous avons porté nos revendications pour une Constitution Écologique afin de les voir figurer dans les propositions retenues par les 150, que le Président de la République s’était engagé à porter fidèlement.

    En juin 2020, la Convention Citoyenne présente ses 149 mesures structurantes parmi lesquelles le projet, porté par le collectif Notre Constitution Écologique, de modification du préambule (rejetée d’office par Emmanuel Macron) et de l’article 1er de la Constitution, avec la formulation suivante : « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ».

    En décembre 2020, lors d’une réunion avec les membres de la Convention Citoyenne pour le Climat, Emmanuel Macron a annoncé la tenue d’un référendum pour modifier l’article 1er de la Constitution dans les termes proposés par les 150, si la réforme était d’abord adoptée par le Parlement : pour cela l’Assemblée Nationale et le Sénat doivent adopter, chacun leur tour, le projet de réforme constitutionnelle dans les mêmes termes. Faute d’un accord entre les deux chambres, le projet de réforme constitutionnelle a été de nouveau abandonné par l’exécutif et les parlementaires.

    Nos actions

    La réforme de la Constitution abandonnée au Parlement

    L’inscription dans la Constitution de la préservation de l’environnement et de la lutte contre le dérèglement climatique a été débattue aux Parlements en 2021. Suite à des débats législatifs loin d’être à la hauteur des enjeux et incapables de se mettre d’accord sur des termes identiques, les parlementaires et l’exécutif ont finalement de nouveau renoncé au projet de réforme constitutionnelle le 6 juillet 2021.

    La Convention Citoyenne pour le Climat

    La Convention Citoyenne pour le Climat a été lancée en octobre 2019. Notre Constitution Écologique a déposé une contribution volontaire auprès de la Convention Citoyenne pour le Climat pour défendre la modification de la Constitution. Après neuf mois de travail en groupes thématiques, les citoyen·nes ont formulé 149 propositions, dont la réforme de l’article 1er de la Constitution, défendue par Notre Affaire à Tous et Notre Constitution Écologique.

    Appel pour une Constitution Écologique

    « La France est une République indivisible, laïque, démocratique, sociale, solidaire et écologique. » Cela vous semble évident ? Pourtant, ces deux dernières valeurs ne sont pas encore inscrites dans notre Constitution. Vous entendez parler du dérèglement climatique du matin au soir ?  Et pourtant, les réponses apportées ne sont toujours pas à la hauteur des enjeux. Il est temps d’exiger des élu·es et de la justice française le respect de l’environnement ! 

    Nos ressources

    Vous aussi, vous pouvez agir : rejoignez-nous !

    Nous comptons aller beaucoup plus loin et nous avons besoin de vous ! Que vous soyez artiste, journaliste, scientifique, association ou entreprise, devenez les ambassadeurs de l’Appel pour une Constitution Écologique !

    Je signe la pétition

    Nos autres actions


  • Réforme de la Constitution : faute de consensus, les sénateurs mettent fin à la révision constitutionnelle

    Communiqué de presse, mardi 6 juillet 2021

    Le gouvernement a annoncé aujourd’hui vouloir mettre “un terme au processus de révision constitutionnelle” suite au vote lundi 5 juillet des sénateurs et sénatrices qui n’ont pas su se mettre d’accord sur un texte identique avec les députés.

    La version approuvée par l’Assemblée proposait d’inscrire que la République « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique ». Le Sénat a de son côté proposé d’écrire que la République « agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004 ».

    Un manque de volonté général à l’origine de l’abandon du projet de loi

    Incapables de se mettre d’accord sur des termes identiques, les parlementaires ont mis en échec l’intégration de la protection de l’environnement dans la Constitution toujours plus – et laissent ainsi s’échapper une occasion rare de changer la donne dans la lutte contre la crise climatique et environnementale.

    Notre Constitution Écologique, collectif engagé dans cette réforme depuis 2018, dénonce un processus législatif très loin d’être à la hauteur des alertes scientifiques et des signaux quotidiens de l’urgence d’agir.

    Au cœur du rejet du projet de réforme par le Sénat, le terme ‘garantit’ a fait l’objet de débats expéditifs où, faute de précisions sur sa portée en termes d’obligation de résultat pour la France par le gouvernement, les sénateurs et sénatrices ont fait valoir des arguments contradictoires et en partie contredits par le Conseil d’Etat, relevant moins d’une approche juridique sérieuse que d’une position idéologique.

    Notre Constitution Écologique dénonce une réforme constitutionnelle prise en otage et minée depuis le début par des manœuvres politiques ayant l’échéance électorale pour toile de fond, à l’heure où les partis politiques de tous bords déclarent pourtant que l’écologie est l’affaire de toutes et tous.

    A l’heure où le monde se dirige vers un réchauffement global de +3°C, soit bien au-delà de l’objectif de 1,5°C prévu par l’Accord de Paris, qu’une ville au Canada (Lytton) a fini en cendres et a été rayée de la carte après avoir connu une chaleur record de 49,5°C, et que des chaleurs semblables sont annoncées en Europe, un tel manque de volonté politique est regrettable et incompréhensible. L’exécutif et les sénateurs ne semblent toujours pas saisir l’ampleur de la crise écologique et climatique qui se déroule sous nos yeux.

    S’agissant d’un texte constitutionnel, la navette parlementaire entre les deux chambres aurait pu en principe se poursuivre autant que nécessaire, mais faute d’un accord, la réforme constitutionnelle ne sera proposée ni au référendum, ni en Congrès. Le gouvernement et les parlementaires n’auront pas su sortir le projet de réforme constitutionnelle de l’impasse et permettre à la France de devenir le premier pays européen à se doter d’une véritable Constitution écologique prévoyant une obligation de lutte contre le changement climatique.

    Contacts presse

    Justine Ripoll, 06 42 21 37 36, justine.ripoll@notreaffaireatous.org
    Pauline Simon, 06 59 37 82 81, presse@noe.org

  • La réforme de la Constitution abandonnée au Parlement

    La réforme de la Constitution abandonnée au Parlement

    Notre Constitution Écologique se mobilise depuis 2018 pour voir aboutir une réforme constitutionnelle à la hauteur des enjeux écologiques et climatiques. La Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) a repris le projet de modification de l’article 1er de la Constitution, donnant l’occasion de voir l’inscription dans la Constitution de la préservation de l’environnement et de la lutte contre le dérèglement climatique débattue par les parlementaires. Suite à des débats législatifs loin d’être à la hauteur des enjeux et incapables de se mettre d’accord sur des termes identiques, les parlementaires et l’exécutif ont finalement de nouveau renoncé au projet de réforme constitutionnelle le 6 juillet.

    Lors d’une réunion avec les membres de la CCC en décembre 2020, Emmanuel Macron a annoncé la tenue d’un référendum pour modifier l’article 1er de la Constitution, si la réforme était d’abord adoptée par le Parlement. En effet, tel que le prévoit la Constitution française, pour qu’une initiative de réforme de la Constitution soit soumise aux citoyens et citoyennes par référendum, l’Assemblée Nationale et le Sénat doivent adopter, chacun leur tour, le “projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement” dans les mêmes termes.

    Présenté à l’Assemblée Nationale en janvier 2021, dans les mêmes termes que ceux proposés par la CCC, le texte a été adopté sans amendements par les député.es le 16 mars : « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ». Si l’absence d’amendements qui auraient pu réduire la portée de cette réforme était une bonne nouvelle, l’occasion d’améliorer le projet de réforme a été manquée, faute d’inscrire également le principe de non-régression et les limites planétaires.

    Début mai, les sénateurs et sénatrices devaient à leur tour examiner le projet de réforme constitutionnelle. En amont et dès l’ouverture de l’examen du texte, le collectif Notre Constitution Écologique s’est mobilisé, aux côtés de personnalités engagées et d’élus, pour rencontrer les sénateurs et les interpeller sur l’importance du maintien du terme « garantit ».

    L’importance du maintien des termes : un double enjeu démocratique et environnemental

    Inscrire la « garantie » de la protection de l’environnement et de la biodiversité et la « lutte » contre le dérèglement climatique dans l’article 1er de la Constitution constituerait une avancée par rapport à la Charte de l’environnement de 2004, qui a valeur constitutionnelle mais ne mentionne pas, par exemple, le climat. En effet, au-delà des références spécifiques au climat et à la biodiversité, le projet de réforme constitutionnel avec le terme « garantit », tel que porté par la CCC et soutenu par Notre Affaire à Tous, aurait pour avantage d’obliger l’Etat à agir et à fournir des résultats en matière de protection de l’environnement.

    A cet enjeu environnemental, s’ajoutait l’enjeu démocratique : pour que ce projet de loi constitutionnelle soit soumis au vote citoyen par référendum, le projet de réforme devait être voté dans les mêmes termes par les deux chambres (Sénat et Assemblée Nationale).

    En adoptant une version différente du texte le 10 mai, la majorité sénatoriale de droite et centriste, a enterré la possibilité d’un référendum mais également les perspectives d’une réforme réellement ambitieuse de la Constitution. Bien loin de la version proposée par le CCC et adoptée par les député.es, le Sénat s’est positionné pour une formulation qui n’impose aucune garantie de résultats à l’Etat : « La République préserve [au lieu de “garantit”] l’environnement ainsi que la diversité biologique et agit [au lieu de “lutte”] contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004 ».

    De nouveau les 22 juin et 5 juillet, l’Assemblée Nationale et le Sénat respectivement ont voté en 2ème lecture des formulations revues à la marge mais toujours différentes l’une de l’autre. L’Assemblée Nationale, se targuant d’un « compromis », a proposé « Elle garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique. », tandis que le Sénat a réitéré son opposition au terme « garantit » en choisissant de voté la formulation « Elle agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004. ».

    Un vote pris en otage des intérêts économiques et des manœuvres politiques

    S’opposant à toute responsabilité renforcée de l’Etat dans la lutte climatique, et soulignant le soi-disant danger de voir la préservation de l’environnement primer sur les libertés et droits fondamentaux, les sénateurs et sénatrices font valoir des arguments contradictoires et souvent contredits par l’avis du Conseil d’Etat lui-même, pourtant cité à de nombreuses reprises comme étant à la base de leur rejet d’un projet de réforme constitutionnelle ambitieux.

    En effet, les reformulations par les sénateurs de la proposition de la CCC se sont focalisées sans surprise sur le maintien ou non du terme « garantit », clé dans l’ambition de ce texte. Alors qu’à les entendre, ce terme n’aurait pas sa place dans la Constitution car il en résulterait une obligation directe de résultats et une primauté sur les autres droits, on le trouve pourtant déjà à plusieurs reprises dans la Constitution de 1958, notamment sur la garantie de l’égalité entre les sexes, l’expression pluraliste des opinions, l’égal accès à l’instruction, à la fonction publique etc.

    Le collectif Notre Constitution Écologique ne peut que dénoncer un débat législatif très loin d’être à la hauteur des enjeux et de l’urgence environnementale

    Loin d’être à la hauteur du défi et des engagements climatiques de la France, le débat est pris en étaux entre les manœuvres politiques de l’exécutif d’une part, et de la majorité LR au Sénat d’autre part. L’exécutif et les député.es LREM souhaitent se donner une caution écologique et démocratique à quelques mois des présidentielles – et ainsi faire oublier leur triste et inquiétant bilan dans la lutte contre les dérèglements environnementaux et climatiques (retour des néonicotinoïdes, loi climat et résilience etc.). Les sénateurs et sénatrices LR et centristes refusent d’offrir cette opportunité à Emmanuel Macron. Une position largement prévisible par l’exécutif, qui remet en question la sincérité de départ du projet présenté par le gouvernement à l’Assemblée Nationale. Sous couvert de débats juridiques plus que discutables, les deux camps se renvoient la faute de l’échec du projet de réforme, pour mieux masquer leur manque d’ambition environnementale commun et leur opposition à la remise en question des intérêts économiques à court terme des grandes entreprises.

    Le projet de réforme constitutionnelle ainsi dans l’impasse a finalement été abandonnée par l’exécutif le 6 juillet. Les parlementaires et l’exécutif laissent s’échapper une occasion rare de changer la donne dans la lutte contre la crise climatique et environnementale. Notre Constitution Ecologique dénonce un manque de volonté généralisé.

  • CP / Le collectif Notre Constitution Écologique se mobilise avant l’examen du projet de loi constitutionnel au Sénat

    Communiqué de presse, mardi 27 avril 2021

    L’Appel pour une Constitution Écologique fête ses 3 ans ! Lancé le 24 avril 2018, notre Appel a franchi la barre des 100.000 signatures. Au même moment, le Sénat s’apprête à étudier le projet de loi constitutionnelle issu de la Convention Citoyenne pour le Climat. A cette occasion, Notre Constitution Écologique sort une vidéo pour rappeler les enjeux autour de cette réforme et prévoit une mobilisation début mai avant les débats au Sénat.

    L’occasion de voir aboutir une proposition phare de la Convention Citoyenne pour le Climat.

    Notre Constitution Écologique se mobilise depuis 2018 pour voir aboutir une réforme constitutionnelle à la hauteur des enjeux écologiques et climatiques. Mais cette réforme constitutionnelle, annoncée dès 2017 par le Gouvernement, a sans cesse été repoussée, jusqu’à ce que la Convention Citoyenne reprenne l’idée d’une modification de l’article 1er de la Constitution, avec la formulation suivante : 

    « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ».

    « Il s’agit là d’ériger la préservation de l’environnement, et plus particulièrement de la biodiversité et du climat, comme les enjeux majeurs de notre époque et comme principes méritant une protection plus solide, à l’abri des changements de majorité. »

    Une proposition votée par l’Assemblée nationale et prochainement par le Sénat

    Cette proposition a été transcrite dans le projet de loi constitutionnelle adopté sans amendement par les députés le 16 mars dernier. À compter du 5 mai, les sénateurs étudieront à leur tour ce projet de loi. 

    Bien que nous ayons souhaité voir inscrits le principe de non-régression et les limites planétaires dans le texte, afin de doter la France d’une Constitution écologique encore plus ambitieuse, nous espérons, à minima, que le texte sera conservé, notamment le terme “garantit” qui est gage d’efficacité de la proposition. 

    L’enjeu est double. Intégrer ce terme précis dans la Constitution, obligerait l’État à agir et à fournir des résultats en matière de protection de l’environnement. De plus, pour que ce projet de loi constitutionnelle soit soumis au vote citoyen, le projet de réforme doit être voté dans les mêmes termes par les deux chambres (Sénat et Assemblée Nationale). Les députés ont déjà validé la proposition de la CCC en conservant le terme “garantir”, il est donc fondamental que le Sénat vote la proposition dans les mêmes termes ! 

    “Aujourd’hui, grâce à cette proposition, nous avons enfin l’opportunité d’avoir une Constitution écologique !”

    Appel à mobilisation

    À quelques jours de l’ouverture des débats au Sénat, Notre Constitution Écologique publie une vidéo faisant intervenir citoyens de la Convention Citoyenne, juristes, comédiens, scientifiques et autres acteurs de la société civile pour rappeler les enjeux autour de cette réforme et soutenir notre mobilisation à venir

    Pour le collectif Notre Constitution Écologique :“Alors que les débats sur la loi Climat ont pris fin à l’Assemblée nationale, et que le projet de loi qui en sort n’est pas à la hauteur des objectifs climatiques que la France s’est fixée, ce projet de loi constitutionnel est une occasion pour les sénateurs d’agir de manière concrète et ambitieuse, avant qu’ils examinent à leur tour le reste des propositions de la Convention Citoyenne.”

    Contacts presse

    • Anne-Sophie Lahaye, 06.72.69.66.18, anne-sophie.lahaye@protonmail.com
    • Judith Lachnitt, 06.64.93.62.33, judith.lachnitt@sciencespo-lyon.fr
    • Cécilia Rinaudo, 06 86 41 71 81, cecilia.rinaudo@notreaffaireatous.org

    Un projet mené par :

  • CP / Réforme Constitutionnelle : Les député.e.s confirment la proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat mais restent trop timides pour faire émerger une véritable République écologique

    Communiqué de presse

    Ce mardi 16 mars 2021, lors d’un vote solennel, les député.e.s ont adopté, sans amendements, le projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement. Si l’absence d’amendements qui auraient pu réduire la portée de cette réforme est une bonne nouvelle, l’occasion d’instaurer une véritable République écologique est encore manquée, faute d’inscrire le principe de non-régression et les limites planétaires à l’article 1er. Nous resterons mobilisé.e.s pour une réforme constitutionnelle à la hauteur des enjeux lors des débats à venir au Sénat.

    Les député.e.s ont officiellement validé la modification de l’article 1er en retenant la formulation suivante: “la France garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique« . La proposition de la Convention citoyenne a ainsi été heureusement maintenue, malgré les critiques de certains parlementaires conservateurs qui refusent une formulation ayant des implications concrètes.

    Notre Constitution Écologique souligne l’importance du maintien du terme “garantit”, qui implique une quasi-obligation de résultat incombant à la République , et donc à l’Etat, pour préserver l’environnement et lutter contre le dérèglement climatique. Chaque mot a son importance et il aurait été regrettable que les député.e.s suivent les avis du Conseil d’Etat, qui recommandait l’emploi de termes moins contraignants tels que “favorise” (avis du 29 mai 2019) ou “préserve” (avis du 14 janvier 2021), ce qui aboutirait à une formulation creuse et une réforme constitutionnelle purement symbolique.

    Notre Constitution Écologique regrette toutefois que les député.e.s ne soient pas allés plus loin en inscrivant également le principe de non-régression à l’article 1er, comme nous l’avions suggéré lors de nos auditions devant la Commission du développement durable et la Commission des lois en février dernier (voir à cet égard notre contribution déposée auprès de la Commission du développement durable), alors même que plusieurs amendements allant dans ce sens ont été soumis au vote.

    Pour rappel, notre proposition de modification de la Constitution, formulée dès 2018 suite à l’annonce de la réforme constitutionnelle par le Gouvernement en juillet 2017, proposait de modifier l’article 1er en inscrivant non seulement une obligation d’agir pour la préservation de la diversité biologique et la lutte contre les changements climatiques, dans le cadre des limites planétaires, mais également un principe de non-régression en référence aux générations futures. 

    Dans sa décision relative à l’Affaire du Siècle rendue le 3 février dernier, le tribunal administratif de Paris a pourtant ouvert la voie vers une République écologique en reconnaissant la responsabilité de l’Etat français pour carence fautive dans le respect de ses engagements en matière de lutte contre le changement climatique qu’il s’est lui-même fixés. Cependant, la récente décision du Conseil d’Etat rendue lundi 15 mars, qui confirme le retour temporaire des néonicotinoïdes et, au passage, un certain conservatisme dont fait preuve la juridiction suprême, démontre l’urgence et la nécessité d’inscrire explicitement le principe de non-régression dans la Constitution.

    Les débats se poursuivront au Sénat dès avril, où le texte risque d’être dénaturé, à en croire les propos du Président Larcher qui semble privilégier le terme “agit” à “garantit”. A celles et ceux qui souhaitent affaiblir ce texte, nous souhaitons rappeler que l’urgence environnementale exige l’action, et que la République a pour obligation de garantir et préserver les droits fondamentaux des citoyens, y compris leur droit à un environnement sain (et à un climat stable).

    En attendant le vote des sénateurs, Notre Constitution Écologique poursuit la mobilisation et invite tous les citoyen.ne.s et élus locaux à soutenir l’Appel pour une Constitution écologique: https://www.notreconstitutionecologique.org/

    Contacts presse

  • La Convention Citoyenne pour le Climat : un nouvel essor pour la réforme de la Constitution

    La genèse de la Convention Citoyenne pour le Climat

    La Convention Citoyenne pour le Climat a vu le jour à la suite du « grand débat national », convoqué en réponse à la crise des Gilets Jaunes. Annoncée par le Président de la République le 25 avril 2019, elle a reçu le mandat de « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 ».

    La Convention est composée de 150 citoyen·nes tiré·es au sort et représentatif·ves de la population française. C’est une véritable « France en miniature ».

    Répartis en cinq groupes de travail (Consommer, Produire et travailler, Se déplacer, Se loger, Se nourrir) les citoyen·nes ont pendant neuf mois rencontré de nombreux·ses experts (chercheurs, société civile, entreprises…) et élaboré des propositions de lois et de règlements tendant à réduire l’impact climatique de la France.

    Notre contribution

    Notre Affaire à Tous, avec le collectif Notre Constitution Écologique, a soumis aux citoyen·nes une contribution volontaire sur la modification de la Constitution. Nous leur avons ainsi proposé le texte clé en main de notre réforme idéale de la Constitution. Celle-ci fait entrer dans la Constitution les valeurs de l’écologie et de la solidarité, ainsi que la protection de la biodiversité et du climat dans le cadre des limites planétaires comme objectifs de la République. Tous nos règlements et lois sont conditionnés par le texte fondamental qu’est la Constitution. Avoir une Constitution écologique est donc une nécessité pour des politiques respectueuses de la planète dans son ensemble.

    Les interventions

    Valérie Cabanes, présidente d’honneur de Notre Affaire à Tous et juriste internationale, a été auditionnée par les citoyen·nes pour exposer sa vision de la modification de la Constitution. Elle estime que réformer la Constitution nous permettrait de changer de paradigme dans notre société française.

    Le résultat du travail des citoyen·ne·s

    Le travail des citoyen·nes a abouti à 149 propositions structurantes, qui ont été votées lors d’un dernier weekend plénier, du 19 au 21 juin 2020, par l’ensemble des tiré·es au sort. À l’issue de ce vote, seule une proposition a été rejetée.

    La modification de la Constitution a été largement adoptée par les citoyen·nes. Iels ont choisi la voie du référendum pour faire adopter cette réforme, faisant ainsi confiance à l’ensemble des Français.

    La proposition de modifier la Constitution a suscité certaines critiques dans l’opinion publique. Notre Affaire à Tous, qui travaille sur ce sujet depuis des années, a souhaité apporter une réponse argumentée et juridique à certaines de ces critiques, démontrant qu’il est possible et souhaitable d’amender notre texte fondamental.

  • Décryptage sur l’écocide et la réforme de la Constitution portées par la Convention Citoyenne pour le Climat

    Article co-écrit par Paul MOUGEOLLE et Marine YZQUIERDO, membres de Notre Affaire à Tous, avec la collaboration de Marie TOUSSAINT et Valérie CABANES, co-fondatrices de l’association.

    La Convention Citoyenne pour le Climat est un exemple de démocratie participative inédit et certaines des mesures proposées ouvrent la voie vers une révolution juridique. Certaines de ces propositions telles que la reconnaissance du crime d’écocide et la modification de l’article 1er de la Constitution font pourtant l’objet de vives critiques. La proposition de soumettre ces deux mesures à référendum engendre également une levée de boucliers.

    Notre Affaire à Tous (NAAT), qui est à l’origine de ces deux propositions (aux côtés de Wild Legal pour l’écocide, et de la FNH au départ puis de Climates, le REFEDD et WARN en ce qui concerne la modification de l’article 1er de la Constitution), souhaite répondre à ces différentes critiques. Si elles ont au moins le mérite de nourrir le débat et de mettre en lumière des mesures emblématiques, ces critiques demeurent néanmoins contestables juridiquement, parfois contre-productives et quelquefois davantage liées à un enjeu politique que juridique. 

    Notre Affaire à Tous souhaite rappeler que l’objectif de ces propositions vise simplement à renforcer la protection de l’environnement, de la nature et du vivant, au-delà de tout débat idéologique.

    Si la France agit et adopte une législation efficace en matière d’écocide, un précédent important et absolument pionnier sera posé en matière de protection de la nature. A l’image de l’abolition de l’esclavage, il est temps de prendre nos responsabilités et d’intégrer nos nouvelles valeurs fondamentales communes dans notre droit pénal. L’expérience de la Convention Citoyenne pour le Climat l’a démontré : les citoyens français sont prêts à voter en faveur de l’incrimination de l’écocide afin de mettre hors la loi les comportements destructeurs de notre environnement. Montrons l’exemple à l’échelle de la France afin que l’humanité toute entière nous suive et protège la Terre et ses limites planétaires!

    A la suite des échanges intervenus le 29 juin entre les 150 citoyen.ne.s et le président de la République, ce dernier s’est dit prêt à intégrer l’écocide dans le droit français en revoyant toutefois la rédaction actuelle, et s’est montré favorable à une modification de l’article 1er de la Constitution, rejetant cependant la révision du préambule. Notre Affaire à Tous se réjouit de tels propos et considère également que “le temps est venu de faire, d’agir”, à condition de conserver l’esprit initial des textes lors du travail de réécriture. Voici donc nos réponses aux principales critiques (liste non exhaustive).

    1. SUR LA RECONNAISSANCE DU CRIME D’ÉCOCIDE

    Pour rappel, la Convention Citoyenne pour le Climat propose de :

    • reconnaître et définir le crime d’écocide comme “toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées”;
    • reconnaître et définir le délit d’imprudence caractérisé d’écocide comme suit: “Constitue un délit d’imprudence caractérisé d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou un règlement ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires”;
    • obliger les multinationales à publier un plan de vigilance en prenant en compte la problématique des limites planétaires à des fins de prévention: Ainsi, “l’absence de mesures adéquates et raisonnables relatives à l’identification et la prévention de la destruction grave d’un écosystème ou du dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires” constituerait une violation de la loi sur le devoir de vigilance ainsi qu’un délit d’imprudence d’écocide si celui-ci était caractérisé;
    • créer une Haute autorité des limites planétaires afin de promouvoir et  garantir la mise en œuvre de cette législation.

    Les principales critiques entendues

    “L’intention de nuire est difficile à établir.”

    Notre Affaire à Tous : La proposition de loi sur l’écocide ne prévoit pas la nécessité de prouver l’intention de nuire mais seulement la “connaissance” des conséquences des actes incriminés. C’est bien là toute la spécificité de notre définition du crime d’écocide, qui est d’avoir choisi le principe de la connaissance d’une haute probabilité d’atteinte à la sûreté à la planète, plutôt que celui de l’intention. En effet, le changement climatique et l’érosion de la biodiversité conduisent la planète vers un état auquel nul n’est préparé : il met en danger nombre d’écosystèmes, la survie de nombreuses espèces animales et végétales et les conditions de vie de l’humanité. L’objectif du crime d’écocide doit être de répondre à la crise écologique et climatique en cours en permettant de poser un cadre normatif de ce qui est tolérable pour préserver un écosystème terrestre habitable pour le plus grand nombre. 

    Nous sommes conscients des importants débats de fond que cela soulève au regard du principe fondamental de notre code pénal selon lequel “ll n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.” Cela reviendrait à reconnaître un crime (le crime d’écocide) de nature non intentionnelle, comme cela était le cas avant 1994. 

    Notre Affaire à Tous est donc disposée à affiner la définition du crime d’écocide pour caractériser les dommages écologiques graves causés de manière intentionnelle et constituant un crime, sans pour autant devoir reconnaître une intention de nuire, si et seulement si le délit d’imprudence d’écocide est maintenu dans le dispositif et que l’esprit initial du texte est préservé. Ce délit d’imprudence permettra effectivement de garantir l’efficacité de l’incrimination ainsi que sa fonction dissuasive (voir notre deuxième réponse ci-dessous). 

    Ensuite, intégrer le concept des limites planétaires au dispositif relatif au devoir de vigilance des multinationales permettra de renforcer considérablement la fonction préventive de la protection extra-territoriale de l’environnement (voir notre troisième réponse ci-dessous).  

    “Il faut prouver l’élément intentionnel alors que beaucoup de dégâts causés à l’environnement sont le résultat d’une négligence.”

    Notre Affaire à Tous : L’élément intentionnel n’a pas besoin d’être démontré dès lors que serait caractérisé le délit d’imprudence, faute non-intentionnelle que les 150 citoyens proposent de reconnaître et de définir pour compléter le dispositif. Caractériser le délit d’imprudence ne nécessiterait donc pas de démontrer une intention de provoquer un écocide ou le franchissement des limites planétaires, mais seulement la prévisibilité du dommage ainsi qu’un manquement à une obligation de prudence préétablie par la loi, telle que l’obligation générale de vigilance environnementale découlant de la Charte de l’environnement (décision n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011 du Conseil constitutionnel).

    “L’écocide ne satisferait pas à l’exigence de précision de la loi pénale. Pour envoyer quelqu’un en prison, il faut une incrimination précise. C’est le principe de légalité et de clarté.”

    Notre Affaire à Tous En premier lieu, il est important de clarifier un certain malentendu à cet égard. Notre proposition initiale, reprise par les 150 citoyens de la Convention, avait défini directement dans la loi les limites planétaires ainsi que les seuils respectifs. Le comité légistique de la Convention Citoyenne a par la suite demandé aux 150 citoyens de synthétiser leur proposition, les obligeant ainsi à enlever les seuils chiffrés relatifs aux limites planétaires. C’est ce même comité légistique qui vient par la suite  critiquer son absence de précision !

    En second lieu, les limites planétaires font l’objet d’une définition scientifique assez précise (voir les travaux de l’équipe internationale de 28 scientifiques dirigée par Johan Röckstrom et Will Stefen, publiés en 2009 et réactualisés en 2015).  Ce concept de limites planétaires est d’ailleurs utilisé à plusieurs reprises au niveaux européen et français. Ainsi, l’Agence Européenne de l’Environnement a publié le 17 avril dernier un rapport sur le respect/irrespect par l’Europe des limites planétaires. Ensuite, le concept de limites planétaires a récemment été utilisé  par le gouvernement français dans son rapport sur l’état de l’environnement en France, publié par le Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) le 24 octobre 2019, qui indique que six des neuf limites planétaires sont déjà dépassées. Dans ce rapport, le concept des limites planétaires a été décliné au territoire de la France. 

    En outre, la notion des limites planétaires figure déjà dans la loi, à l’article L110-1-1 du code de l’environnement (modifié par la Loi n°2020-105 du 10 février 2020 – art. 2) qui dispose que “ La transition vers une économie circulaire vise à atteindre une empreinte écologique neutre dans le cadre du respect des limites planétaires et à dépasser le modèle économique linéaire […]”.

    Avant cela, dans son discours devant la communauté internationale lors de la COP23 de Bonn en 2017, le président de la République a lui-même évoqué le franchissement du “seuil de l’irréversible” et le risque que les équilibres de la planète ne se rompent. Cet effet de seuils doit être inscrit dans le droit afin de permettre aux institutions de notre État de cadrer les activités qui menacent ces équilibres planétaires.

    Il convient à présent d’investir dans la mise en oeuvre d’outils permettant de surveiller l’évolution des limites planétaires et de les  adapter à l’action des entreprises, dans la continuité de l’initiative prise par l’Oréal, qui souhaite “transformer [son] activité et l’inscrire dans les limites planétaires.”

    En troisième lieu, le reproche de l’imprécision est à relativiser au regard des autres incriminations  déjà reconnues par le droit pénal français, peu précises dans leur formulation également. Ainsi en va-t-il par exemple du crime contre l’humanité, inscrit à l’article 212-1 du code pénal, qui dispose au 11° que “Les autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique.” De même, le code de l’environnement réprime le déversement de “substances quelconques” dans l’eau.

    Le droit de l’environnement a d’ailleurs ceci de particulier qu’il permet une pollution dans une certaine mesure : tel pourcentage de particules fines dans l’air, de dioxyde de soufre dans l’eau, de monoxyde de carbone dans les bâtiments, etc. Sont ainsi établies des “valeurs limites” à ne pas dépasser. Les limites planétaires sont parfaitement en ligne avec cet esprit, sauf qu’elles sont établies à l’échelle globale. Ces valeurs posent alors certaines questions juridiques liées à la causalité : à partir de quand la contribution d’un certain acteur devient est-elle illégale ? Nous avons choisi de caractériser l’illégalité de la contribution lorsqu’elle participe manifestement et de manière non négligeable aux limites planétaires (voir aussi la réponse question ci-dessous sur le fait de pouvoir poursuivre des individus pour écocide). 

    Si le caractère global des limites planétaires constituait un obstacle rédhibitoire aux yeux de certains juristes, Notre Affaire à Tous se dit prête à revoir la définition du dispositif pénal de l’écocide afin d’en dissocier le concept des limites planétaires. Notre Affaire à Tous considère toutefois que le concept des limites planétaires a tout intérêt à être intégré dans le droit, afin de renforcer sa fonction préventive et globale. 

    L’inscription dans la loi de l’écocide et des limites planétaires et la création d’une Haute Autorité permettrait d’investir dans ces instruments scientifiques, de créer et mobiliser les données disponibles, enfin de promouvoir le respect des limites planétaires comme outil de gouvernance au niveau global.

    “Pourquoi défendre la création d’une Haute autorité des limites planétaires alors que les agences de l’environnement crient déjà famine ?”

    Notre Affaire à Tous : De telles critiques, qui rejoignent celles faites sur la faiblesse de l’application de la législation environnementale déjà existante, revêtent un enjeu politique une fois de plus. Si on s’en tient à ces critiques, le manque de moyens disponibles devrait justifier la non reconnaissance d’un nouveau crime environnemental, pour lequel les moyens ne seraient pas accessibles pour sa mise en oeuvre.

    Il est certain que la criminalité environnementale fait l’objet d’un manque d’investissement et de priorisation politique, et ce depuis le début. Tous les experts le soulignent : manque de moyens pour détecter les infractions, absence de traitement des infractions repérées, classement sans suite pour la plupart et, lorsqu’elles sont traitées, ces infractions environnementales donnent plus souvent lieu à une remise de peine comparé à la moyenne, tandis que les amendes sont toujours très faibles par rapport aux enjeux. Quant à la coopération internationale en matière de lutte contre la criminalité environnementale, elle est balbutiante, et des réseaux structurés ne sont mis en place au niveau européen que depuis deux ans.

    C’est une raison de plus pour reconnaître l’écocide. Hisser les atteintes à l’environnement à ce niveau de l’échelle pénale entraînerait un besoin d’investissement accru dans le traitement de la criminalité environnementale et pourrait ainsi bénéficier, par ruissellement, à l’ensemble des infractions en la matière. 

    Nous sommes bien conscients que la reconnaissance du crime d’écocide implique un changement de paradigme avec une approche systémique qui révolutionnerait le droit de l’environnement, dans lequel la Haute Autorité aurait par exemple un rôle de vigie des limites planétaires  des lois et permettrait de veiller à adopter des politiques publiques cohérentes en prenant en compte les effets écosystémiques des limites planétaires .

    “L’empreinte carbone d’un français moyen est d’environ 11 tonnes d’équivalent CO2 par an, bien au-dessus de ce que la planète est capable d’absorber. Est-ce à dire que nous pourrions tous être condamnés ?”

    Notre Affaire à Tous : Il s’agit là d’un faux débat. Au regard du libellé de notre proposition, pour que l’écocide soit caractérisé, il faudrait un acte ou un comportement contribuant en un dépassement “manifeste et non négligeable.” Donc un particulier ou une petite entreprise dont l’empreinte carbone serait excessive ne rentrerait pas dans le champ d’application de l’incrimination. Le but est de viser les personnes ayant du pouvoir, une influence sur le cours des événements telles que les multinationales qui agissent en connaissance des conséquences de leurs activités, décisions et choix d’investissements. C’est notamment  le cas avec l’obtention de permis de polluer, comme les permis d’exploitation minière entraînant largement un dépassement du quota des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit donc de poser un cadre contraignant pour diriger les investissements industriels rapidement vers des énergies propres, qui permettrait de faire respecter la loi et les engagements internationaux de la France qui visent à protéger l’environnement, décarboner l’économie, etc., tout en donnant un pouvoir aux présidents et directeurs généraux vis-à-vis de leurs actionnaires.

    Cet encadrement des activités des multinationales est nécessaire lorsqu’on sait que plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre émaneraient indirectement de seulement 100 entreprises (selon un rapport de l’ONG internationale Carbon Disclosure Project), avec en première lignes les producteurs d’énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole). Ces entreprises ont une responsabilité morale et juridique particulière en matière de transition énergétique. Elles doivent mettre toutes les mesures en oeuvre afin de contribuer à l’accès universel à une énergie propre. Jusqu’ici, elles ne le font pas. Plus grave même, bien souvent elles s’y opposent. En effet, les compagnies pétrolières ont par exemple minimisé pendant des années les risques liés au changement climatique alors qu’elles avaient parfaitement connaissance des dangers, grâce à des études menées en interne. Récemment, elle ont même dépensé plus de 250 millions d’euros depuis 2010 en lobbying auprès de l’Union européenne afin de mettre en place une stratégie de pression pour faire échec aux actions en faveur du climat.Il est temps que ce comportement cesse et qu’il devienne pénalement répréhensible. Une telle législation sur l’écocide permettra de contribuer à faire cesser l’impunité en matière de protection du climat et des autres limites planétaires.

    “Le risque de “populisme pénal”. La société de consommation engendre de forts impacts environnementaux. On veut donc modifier cette société de consommation via le droit pénal ?”

    Notre Affaire à Tous : Nous ne recherchons pas à faire peser la responsabilité d’une certaine destruction environnementale collective sur certains acteurs en particuliers, simplement pour rechercher un bouc-émissaire. Cependant, les temps sont graves. La nature à l’échelle locale et l’écosystème global de notre planète sont gravement en périls. Leurs dérèglements menacent autant notre existence que celle du vivant en général. De nombreuses fautes ont par ailleurs été commises : les exemples de politiques et d’entreprises qui ignorent la science et le respect de nos besoins les plus élémentaires sont légions. Il est dès lors selon nous absolument nécessaire d’introduire dans notre droit pénal un dispositif fort et efficace entraînant un changement de paradigme. Des sanctions réellement dissuasives participeront grandement à ce changement de mentalité. La France, en adoptant une législation sur l’écocide serait pionnière en la matière et entraînerait avec certitude ses voisins européens ainsi que la communauté internationale dans son sillage.

    Le but de l’écocide n’est pas de reporter la sanction pénale sur des habitudes de consommation et des comportements individuels spécifiques tels que l’achat de biens matériels ou l’utilisation de produits à usage unique ou polluant. S’il est essentiel de devoir adopter un mode de consommation plus résilient, sobre et local, la transformation de notre mode de consommation passe au préalable par la responsabilisation de la production primaire. Le plaidoyer en faveur de l’écocide entend prévenir, réprimer et sanctionner les structures à l’origine d’un “dommage écologique grave” à travers leurs actions, comme par exemple une déforestation massive et illégale ou le déversement de déchets nucléaires en haute mer ou de produits hautement toxiques dans des rivières. 

    2. SUR LA MODIFICATION DE LA CONSTITUTION

    Pour rappel, la Convention Citoyenne pour le Climat propose:

    • d’ajouter dans le préambule que “La conciliation des droits, libertés et principes qui en résultent ne saurait compromettre la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’humanité;
    • d’ajouter à l’article premier que “la République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique”;
    • de créer un Défenseur de l’environnement, à l’image du Défenseur des droits

    LES PRINCIPALES CRITIQUES ENTENDUES

    2.1. Concernant le préambule

    “Cette phrase revient à préciser que le social et l’économie « ne saurait compromettre » la préservation de l’environnement. Or, une conception bien plus positive et enthousiasmante du développement durable consiste à défendre l’idée que la protection de l’environnement est une [chance] – et non une contrainte – pour le développement social et économique.”

    Notre Affaire à Tous : Cet ajout dans le préambule rejoint un important arrêt rendu par le Conseil constitutionnel le 31 janvier dernier (décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020) qui a reconnu que la protection de l’environnement, « patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle » qui peut justifier une “atteinte” à la liberté d’entreprendre. Cette décision, qui constitue une avancée majeure pour la protection de l’environnement, montre bien que la liberté d’entreprendre, et donc les intérêts économiques, ne peuvent pas toujours primer sur la protection de l’environnement.

    Au regard de la crise écologique sans précédent que nous traversons, nous appelons même à aller plus loin et à un renversement des normes, en affirmant que le droit de l’environnement doit primer sur les intérêts économiques, et non l’inverse. Nous parlons ici des intérêts économiques, et non de l’ensemble des droits et libertés visés dans le préambule, en particulier les droits humains.

    Ensuite, une telle révision aurait pu constituer une première étape vers la reconnaissance des droits de la nature, tout comme la proposition de créer un défenseur de l’environnement (à l’image de l’ombudsman), afin de reconnaître l’interdépendance des humains avec le reste du vivant. Nous n’allons pas jusqu’à affirmer, comme l’ont laissé penser certains commentaires, que les droits de la nature doivent primer sur les droits humains, mais qu’il existe une interdépendance, et non une hiérarchie,  entre les deux.

    Dans un contexte de “verdissement” des constitutions dans le monde et même de constitutionnalisation des droits de la nature (comme en Equateur), cet ajout dans le préambule aurait été bienvenu.

    2.2. Concernant l’article 1er

    “La proposition de modifier l’article 1er de la Constitution est, pour l’essentiel, une reprise d’une proposition défendue par le Gouvernement depuis 2018.”

    Notre Affaire à Tous : Certes, un projet de réforme constitutionnelle avait été annoncé  par le gouvernement en juillet 2017, qui visait à inscrire “l’impératif de lutte contre le changement climatique à l’article 34, qui définit le domaine de la loi”. Cette démarche de l’insertion de la lutte climatique dans l’article 34 a été critiquée de manière unanime et a été qualifiée de “greenwashing constitutionnel” par les associations. C’est pourquoi nous avons proposé de modifier l’article 1er de la Constitution et lancé l’Appel pour une Constitution Écologique en avril 2018 (voir notre proposition de loi initiale).  

    En juillet 2018, les députés ont réussi à voter le texte suivant: “La République agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques.” Mais les débats ont sans cesse été interrompus (affaire Benalla, Grand Débat,…) et la réforme a finalement été reportée sine die. C’est donc une bonne chose que cette modification de l’article 1er de la Constitution soit maintenant portée par la Convention Citoyenne pour avoir une chance d’aboutir. A cet égard, il est important de rappeler que la Convention Citoyenne propose le verbe “garantit” alors que le gouvernement proposait le verbe “favorise” sans son dernier projet de loi constitutionnelle du 29 août 2019, c’est bien là la grande différence! “Garantir” est bien plus contraignant que “favoriser”. 

    Comme le Conseil d’Etat l’a indiqué dans un précédent avis du 29 mai 2019, lorsque le gouvernement avait encore pour intention de modifier lui-même cet article de la Constitution: “l’affirmation d’un principe d’action imposerait une obligation d’agir à l’Etat, au niveau national ou international, comme aux pouvoirs publics territoriaux. Il serait susceptible d’avoir des conséquences très lourdes et en partie imprévisibles sur leur responsabilité, notamment en cas d’inaction.” Au regard de la crise environnementale, nier la nécessité d’introduire une véritable obligation d’agir nous apparaît scandaleuse. L’Etat n’a d’autre choix que de répondre avec force et vigueur contre la destruction de notre maison commune. 

    “La protection de l’environnement est déjà inscrite au sein du bloc de constitutionnalité grâce à la Charte de l’environnement (loi constitutionnelle du 1er mars 2005) et d’une rédaction d’une qualité nettement supérieure à ce que propose le rapport qui sera soumis à la Convention citoyenne pour le climat.”

    Notre Affaire à Tous : La Charte de l’environnement est un bon instrument mais elle est présente des lacunes pour plusieurs raisons. Premièrement, il n’y a pas de référence explicite au climat dans la Charte. Deuxièmement, les dispositions de la Charte n’instituent pas toutes un droit ou une liberté, et par conséquent ne permettent pas toujours la saisine du Conseil par le biai d’une question prioritaire de constitutionnalité. C’est notamment le cas des sept premiers alinéas qui précèdent l’article premier. Troisièmement, très peu de jurisprudences constitutionnelles abordent vraiment la lutte contre les changements climatiques et il n’y a donc pas d’enseignements sur la pertinence de la Charte dans la lutte climatique pour le moment. Enfin, la Charte est un bon instrument avec une grande force d’interprétation de ses principes, à condition toutefois d’en avoir une interprétation ambitieuse par les juges.

    Tout repose donc sur l’interprétation des juges, et avoir l’inscription de la lutte contre le dérèglement climatique, en plus de la préservation de la biodiversité et de l’environnement, à l’article 1er de la Constitution, ne ferait plus aucun doute et réduirait la marge d’interprétation de certains juges qui n’oseraient pas faire une interprétation poussée de la Charte de l’environnement.

    “Il serait préférable de réfléchir à la manière de mieux faire appliquer et respecter la Charte de l’environnement plutôt que de prendre le risque, au mieux d’une redondance des mêmes notions au sein du bloc de constitutionnalité, au pire d’un affaiblissement de la Charte de l’environnement.”

    Notre Affaire à Tous :  Il s’agit d’inscrire de manière univoque la lutte contre le dérèglement climatique qui ne figure nulle part dans la Charte, laissant ainsi un grand pouvoir d’interprétation aux juges.

    “Le rapport abandonne la proposition d’inscription du principe de non régression au sein du bloc de constitutionnalité qui aurait pourtant pu être débattue.”

    Notre Affaire à Tous : C’est en effet un aspect que nous regrettons. Il faut néanmoins garder en tête que le comité légistique de la Convention Citoyenne a tenté de réduire la portée des propositions des 150 citoyens en les “lissant” autant que possible de manière à écarter certaines formulations.

    “Plus grave, cette proposition de révision comporte un risque sérieux de régression du droit de l’environnement. Ainsi, elle propose d’extraire les notions de « biodiversité » et « climat » de celle d’environnement qui, jusqu’à présent, les comprenait.”

    Notre Affaire à Tous : La proposition inclut les 3 notions biodiversité, environnement et dérèglement climatique. En quoi cela risque t-il de créer une régression du droit de l’environnement qui est déjà en nette régression? Il n’a pas fallu attendre cette critique pour constater un affaiblissement du droit de l’environnement. Beaucoup de mesures gouvernementales sont prises qui, sous couvert de “simplification” du droit, font régresser de nombreuses dispositions environnementales. 

    On peut notamment citer le projet de loi ASAP, qui consacre “le fait accompli” en permettant aux préfets d’autoriser des travaux de construction industrielle en anticipant sur la délivrance de l’autorisation environnementale nécessaire (à la condition que le permis de construire ait été délivré et l’enquête publique réalisée), ou encore qui prévoit que l’avis donné par l’autorité environnementale ne pourra plus être réactualisé en fonction de l’évolution du dossier. Figurent aussi les atteintes à la participation du public avec le pouvoir confié aux préfets de dispenser d’enquête publique, au profit d’une simple consultation électronique, les projets ne nécessitant pas d’évaluation environnementale. De telles mesures constituent manifestement une régression, voire une “destruction” (selon les experts) du droit de l’environnement. 

    De même, le décret du 8 avril 2020 généralise le droit des préfets à déroger à de nombreuses normes réglementaires, notamment en matière environnementale. Un tel dispositif permettrait notamment l’accélération des dispositifs procéduraux dans l’implantation de projets destructeurs de l’environnement. Ce décret a d’ailleurs été attaqué devant le Conseil d’Etat par plusieurs associations, dont Notre Affaire à Tous.

    Affirmer que cette proposition de modification de la Constitution constitue un “risque sérieux de régression du droit de l’environnement” paraît donc totalement absurde et de mauvaise foi au regard des mesures précitées voulues par le Gouvernement.

    3. SUR LA POSSIBILITÉ DE SOUMETTRE CES DEUX PROPOSITIONS À RÉFÉRENDUM

    Les critiques portent sur la mise en oeuvre de l’article 11 de la Constitution pour l’adoption de la proposition de loi sur l’écocide et sur  l’article 89 de la Constitution pour la révision de la Constitution.

    LES PRINCIPALES CRITIQUES ENTENDUES

    “Un référendum ne peut porter sur la législation pénale. La matière pénale est exclue de l’article 11 de la Constitution, comme de nombreux constitutionnalistes l’ont dores et déjà souligné. Il n’est donc pas possible d’organiser un référendum sur l’écocide en l’état actuel de la rédaction de l’article 11 de la Constitution. Il faudrait considérablement maltraiter l’interprétation de l’article 11 pour considérer un référendum sur l’écocide.”

    Notre Affaire à Tous : Pour rappel, l’article 11 prévoit que le référendum ne peut porter que sur certaines matières : « (…) tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.”

    S’il est vrai que l’article 11 ne mentionne pas la loi pénale, il ne l’interdit pas non plus. La proposition de la Convention Citoyenne porte par ailleurs sur une modification du code de l’environnement et non du code pénal. En outre, l’environnement a déjà été une manière d’élargir l’interprétation des règles et traités en matière pénale. Ainsi, à travers son arrêt “Commission v. Conseil” du 13 septembre 2005, la Cour de Justice des Communautés Européennes (aujourd’hui CJUE) avait donné raison à la Commission et élargi les compétences de l’Union Européenne à l’harmonisation de la législation pénale entre les Etats-Membres. Une décision qui sera ensuite validée par le Traité de Lisbonne, qui donne compétence pénale à l’Union Européenne. Ainsi, l’environnement, qui apparaît comme un nouveau défi pour le droit, a régulièrement été une source de modification et d’amélioration du droit et des jurisprudences ; situation qui pourrait se répéter ici.

    On en revient donc à un enjeu politique, car de l’interprétation des juges constitutionnels dépendra la validité juridique de la proposition de la Convention Citoyenne. Comme la science, le droit est le reflet de nos sociétés. Raison pour laquelle l’état de nécessité ou encore le préjudice écologique ont été “découverts” et appliqués en premier par des juges, alors que ces notions n’étaient pas encore consacrées par la loi.

    “L’article 89 précise qu’un référendum [portant sur la révision de la Constitution] ne peut être engagé sans l’accord des deux assemblées : Assemblée nationale et Sénat. Pour être précis, un référendum a déjà été organisé sur le fondement de l’article 11 et non de l’article 89 pour réviser la Constitution. En 1962, le général de Gaulle a en effet soumis à référendum, sur le fondement de l’article 11 de la Constitution, un projet de révision de l’article 6 de la Constitution afin de prévoir l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Toutefois, ce choix a suscité une très vive controverse et n’a été possible qu’en raison de circonstances historiques très particulières. Il est peu probable que l’actuel président de la République procède ainsi”

    Notre Affaire à Tous : Le président de la République aura le choix de la procédure en décidant soit de soumettre la révision à référendum, soit de faire approuver la révision par un vote parlementaire pour aboutir à un texte identique par les deux assemblées, nécessitant de la part du président de la République de convaincre les parlementaires. On en revient à nouveau à un choix politique.

    Enfin, de manière générale, un référendum portant sur ces questions serait l’occasion d’un large débat sur les liens entre le contrat social et le contrat naturel et le moyen de construire ensemble un chemin commun vers la transition écologique.

    Notes

    1- Définitions alternatives retenues par le comité légistique :

    • Constitue un crime d’écocide, toute action généralisée ou systématique ayant causé un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste et non négligeable d’au moins une des limites planétaires [définies à l’article L XXX du code de l’environnement] et dont l’auteur savait ou aurait dû savoir qu’il existait une haute probabilité de ce dépassement.” 
    • Constitue un crime d’écocide, toute action généralisée ou systématique ayant causé un dommage écologique étendu et durable à l’environnement naturel consistant en une grave dégradation des éléments ou des fonctions des écosystèmes ou en une grave altération des qualités essentielles des sols, de l’eau ou de l’air commise alors que son auteur savait ou aurait dû en savoir les effets.”

    2- Définition alternatives retenues par le comité légistique :

    • “Art. 522-2 – Constitue un délit d’imprudence d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi, le règlement ou une convention internationale ayant causé directement ou indirectement un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste des limites planétaires [au sens de l’article L.XXX du code de l’environnement], s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.”
    • “Art. 522-2 – Constitue un délit d’imprudence d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi, le règlement ou une convention internationale ayant causé directement ou indirectement un dommage étendu et durable à l’environnement naturel consistant en une grave dégradation des éléments ou des fonctions des écosystèmes ou en une grave altération des qualités essentielles des sols, de l’eau ou de l’air s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». 

    3- La proposition alternative du comité légistique consiste à regrouper le délit d’imprudence d’écocide avec le délit de manque de devoir de vigilance des multinationales. Le comité légistique confère par ailleurs à la Haute Autorité des Limites Planétaires la tâche d’accompagner “les entreprises tenues d’élaborer un plan de vigilance au sens de l’article L.225-102-4 du code de commerce afin de les aider à évaluer la compatibilité de leur plan à la protection des limites planétaires.” Le devoir de vigilance des multinationales en matière d’écocide n’a donc pas été supprimé à travers la proposition alternative du comité légistique. Il aurait été toutefois préférable de prévoir l’obligation pour les multinationales de concevoir un plan de vigilance conforme aux limites planétaires et d’assigner à la Haute Autorité la tâche de contrôler le respect de cette obligation.

    4- L’idée initiale, inspirée du mouvement End Ecocide on Earth, est en effet de reconnaître l’écocide au même niveau que les crimes internationaux (crime de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crime d’agression) en modifiant le Statut de Rome instituant la Cour Pénale Internationale.

    5- Depuis 1994 et l’entrée en vigueur du code pénal français, seuls les délits et les infractions peuvent être non intentionnels.

    6- Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’article 121-3, alinéa 1er, du code pénal.

    7- En effet, au regard de l’alinéa 2 de l’art. 121-3 du code pénal, « lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas d’imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. »

    8- Voir notamment l’interviwew d’Alexandra Palt, directrice générale de la Responsabilité sociétale et environnementale (RSE) et membre du Comex de L’Oréal: https://www.novethic.fr/actualite/entreprise-responsable/isr-rse/alexandra-palt-directrice-generale-de-la-responsabilite-societale-et-environnementale-l-oreal-doit-evoluer-dans-les-limites-planetaires-148713.html

    9- Afin d’envisager, en droit national, la poursuite des atteintes aux communs planétaires ou à un système écologique de la Terre, il conviendra de prévoir la possibilité d’appréhender les actes commis sur le territoire national comme le prévoient les articles 113-2 à 113-5 du Code pénal ainsi que les infractions commises hors du territoire de la République (articles 113-6 à 113-14 code pénal). Dans le cas d’un recours, le juge pourra ainsi disposer d’un outil d’appréciation indispensable pour ordonner les mesures qui s’imposent. Un tel cadre ouvrirait la voie à une justice préventive climatique, environnementale et sanitaire.

    10- Il s’agira ici de prendre en compte différents éléments tels que la personnalité de l’auteur, la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

    11- Cette révision du préambule de la Constitution a depuis été rejetée par le président de la République.

  • CP / Convention Citoyenne pour le Climat : réponses aux critiques sur l’écocide, la modification de la Constitution et le passage en référendum

    Communiqué de presse 

    Jeudi 9 juillet 2020 

    La Convention Citoyenne a voté le 21 juin dernier 150 propositions qu’elle a rendues publiques pour accélérer la lutte contre le réchauffement climatique, et certaines ouvrent la voie vers un véritable changement de paradigme. C’est notamment le cas des propositions de reconnaissance du crime d’écocide et de modification de la Constitution. Ces deux propositions font cependant l’objet de vives critiques. Face à ces réactions, Notre Affaire à Tous publie, ce jeudi 9 juillet, un argumentaire juridique pour défendre ces propositions et rappeler pourquoi elles sont nécessaires. Notre Affaire à Tous en appelle aussi à la responsabilité du gouvernement afin de faire avancer communément l’amélioration et l’adoption de ces textes sans pour autant en dénaturer l’esprit.


     “Imprécision”, “difficulté à prouver l’élément intentionnel du crime d’écocide”, “risque de populisme pénal”, “risque de redondance avec la Charte de l’environnement”, “risque de placer l’environnement au-dessus des autres valeurs”…  autant de critiques que Notre Affaire à Tous estime en grande partie injustifiées. Si ces critiques  ont au moins le mérite de nourrir le débat et de mettre en lumière des mesures emblématiques, elles demeurent néanmoins contestables juridiquement, parfois contre-productives et quelquefois davantage liées à un enjeu politique que juridique. 

    Cependant, les juristes de Notre Affaire à Tous n’en sont pas totalement insensibles et reconnaissent la nécessité d’élaborer les dispositifs les plus clairs et efficaces possible afin de réellement renforcer la protection de la nature et du vivant. Notre Affaire à Tous est décidée à faire adopter ces textes sans en dénaturer leur portée!

    Concernant l’intégration de l’écocide dans notre code pénal ainsi que la reconnaissance des limites planétaires, si la France agit et adopte une telle législation, un précédent absolument pionnier sera posé en matière de protection de la nature. A l’image de l’abolition de l’esclavage et de la reconnaissance des droits humains, Notre Affaire à Tous considère qu’il est temps d’intégrer ces nouvelles valeurs fondamentales communes dans notre droit positif. L’expérience de la Convention citoyenne pour le climat l’a démontré : les citoyens français sont prêts à voter en faveur de l’incrimination de l’écocide afin de mettre hors la loi les comportements destructeurs de notre environnement. 

    Ensuite, modifier l’article 1er de la Constitution tel que la Convention citoyenne le propose permettrait d’inscrire l’obligation d’agir pour la préservation de la biodiversité et la lutte contre les changements climatiques aux côtés des principes fondateurs de la République. Le choix des mots est important, et comme le Conseil d’Etat l’a indiqué dans un précédent avis du 29 mai 2019, lorsque le gouvernement avait encore pour intention de modifier lui-même cet article : “l’affirmation d’un principe d’action imposerait une obligation d’agir à l’Etat, au niveau national ou international, comme aux pouvoirs publics territoriaux. Il serait susceptible d’avoir des conséquences très lourdes et en partie imprévisibles sur leur responsabilité, notamment en cas d’inaction.” Au regard de la crise environnementale, nier la nécessité d’introduire une véritable obligation d’agir nous apparaît scandaleuse. L’Etat n’a d’autre choix que de répondre avec force et vigueur contre la destruction de notre maison commune. 

    Pour Marie Toussaint, de Notre Affaire à Tous : “ Il est urgent de discipliner les dirigeants économiques qui portent atteinte gravement à la nature et à la sûreté de la Terre en choisissant le profit à la vie. Telle est l’intention originelle de Notre affaire à tous lorsque nous avons rédigé cette première proposition de loi sur la reconnaissance de l’écocide et des limites planétaires au sein du droit pénal et du dispositif relatif au devoir de vigilance des sociétés mères et donneuses d’ordre”.

    Pour Marine Yzquierdo, qui s’occupe du plaidoyer concernant la modification de la Constitution au sein de Notre Affaire à Tous, “même si le dialogue intervenu le 29 juin dernier entre les 150 citoyen.ne.s et le président de la République est positif, il reste à s’assurer que de telles mesures aboutiront et ne seront pas vidées de leur substance lors de leur reformulation par le comité légistique. Notre Affaire à Tous continuera à soutenir les 150 citoyen.ne.s et à se mobiliser durant les prochaines étapes pour l’adoption de ces mesures emblématiques”, annonce 

    Notre Affaire à Tous publie donc, ce jeudi 9 juillet, un document de 13 pages répondant aux principales critiques contre l’écocide, la modification de la Constitution et le passage en référendum (liste non exhaustive). 


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  • Décryptage Convention Citoyenne pour le Climat  Exemplaire

    Décryptage Convention Citoyenne pour le Climat Exemplaire

    Article co-écrit par Paul MOUGEOLLE et Marine YZQUIERDO, membres de Notre Affaire à Tous, avec la collaboration de Marie TOUSSAINT et Valérie CABANES, co-fondatrices de l’association.

    La Convention Citoyenne pour le Climat est un exemple de démocratie participative inédit et certaines des mesures proposées ouvrent la voie vers une révolution juridique. Certaines de ces propositions telles que la reconnaissance du crime d’écocide et la modification de l’article 1er de la Constitution font pourtant l’objet de vives critiques. La proposition de soumettre ces deux mesures à référendum engendre également une levée de boucliers.

    Notre Affaire à Tous (NAAT), qui est à l’origine de ces deux propositions (aux côtés de Wild Legal pour l’écocide, et de la FNH au départ puis de Climates, le REFEDD et WARN en ce qui concerne la modification de l’article 1er de la Constitution), souhaite répondre à ces différentes critiques. Si elles ont au moins le mérite de nourrir le débat et de mettre en lumière des mesures emblématiques, ces critiques demeurent néanmoins contestables juridiquement, parfois contre-productives et quelquefois davantage liées à un enjeu politique que juridique. 

    Notre Affaire à Tous souhaite rappeler que l’objectif de ces propositions vise simplement à renforcer la protection de l’environnement, de la nature et du vivant, au-delà de tout débat idéologique.

    Si la France agit et adopte une législation efficace en matière d’écocide, un précédent important et absolument pionnier sera posé en matière de protection de la nature. A l’image de l’abolition de l’esclavage, il est temps de prendre nos responsabilités et d’intégrer nos nouvelles valeurs fondamentales communes dans notre droit pénal. L’expérience de la Convention Citoyenne pour le Climat l’a démontré : les citoyens français sont prêts à voter en faveur de l’incrimination de l’écocide afin de mettre hors la loi les comportements destructeurs de notre environnement. Montrons l’exemple à l’échelle de la France afin que l’humanité toute entière nous suive et protège la Terre et ses limites planétaires!

    A la suite des échanges intervenus le 29 juin entre les 150 citoyen.ne.s et le président de la République, ce dernier s’est dit prêt à intégrer l’écocide dans le droit français en revoyant toutefois la rédaction actuelle, et s’est montré favorable à une modification de l’article 1er de la Constitution, rejetant cependant la révision du préambule. Notre Affaire à Tous se réjouit de tels propos et considère également que “le temps est venu de faire, d’agir”, à condition de conserver l’esprit initial des textes lors du travail de réécriture. Voici donc nos réponses aux principales critiques (liste non exhaustive).

    1. Sur la reconnaissance du crime d’écocide

    Pour rappel, la Convention Citoyenne pour le Climat propose de :

    u003culu003e
    u003cli style=u0022font-weight: 400;u0022u003ereconnaître et définir le crime d’écocide comme “u003ciu003etoute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées”u003c/iu003e;u003c/liu003e
    u003cli style=u0022font-weight: 400;u0022u003ereconnaître et définir le délit d’imprudence caractérisé d’écocide comme suit: “u003ciu003eConstitue un délit d’imprudence caractérisé d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou un règlement ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétairesu003c/iu003e”;u003c/liu003e
    u003cli style=u0022font-weight: 400;u0022u003eobliger les multinationales à publier un plan de vigilance en prenant en compte la problématique des limites planétaires à des fins de prévention: Ainsi, “u003ciu003el’absence de mesures adéquates et raisonnables relatives à l’identification et la prévention de la destruction grave d’un écosystème ou du dépassement manifeste et non négligeable des limites planétairesu003c/iu003e” constituerait une violation de la loi sur le devoir de vigilance ainsi qu’un délit d’imprudence d’écocide si celui-ci était caractérisé;u003c/liu003e
    u003cli style=u0022font-weight: 400;u0022u003ecréer une Haute autorité des limites planétaires afin de promouvoir et  garantir la mise en œuvre de cette législation.u003c/liu003e
    u003c/ulu003e

    Les principales critiques entendues

    “L’intention de nuire est difficile à établir.”

    Notre Affaire à Tous : La proposition de loi sur l’écocide ne prévoit pas la nécessité de prouver l’intention de nuire mais seulement la “connaissance” des conséquences des actes incriminés. C’est bien là toute la spécificité de notre définition du crime d’écocide, qui est d’avoir choisi le principe de la connaissance d’une haute probabilité d’atteinte à la sûreté à la planète, plutôt que celui de l’intention. En effet, le changement climatique et l’érosion de la biodiversité conduisent la planète vers un état auquel nul n’est préparé : il met en danger nombre d’écosystèmes, la survie de nombreuses espèces animales et végétales et les conditions de vie de l’humanité. L’objectif du crime d’écocide doit être de répondre à la crise écologique et climatique en cours en permettant de poser un cadre normatif de ce qui est tolérable pour préserver un écosystème terrestre habitable pour le plus grand nombre. 

    Nous sommes conscients des importants débats de fond que cela soulève au regard du principe fondamental de notre code pénal selon lequel “ll n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.” Cela reviendrait à reconnaître un crime (le crime d’écocide) de nature non intentionnelle, comme cela était le cas avant 1994. 

    Notre Affaire à Tous est donc disposée à affiner la définition du crime d’écocide pour caractériser les dommages écologiques graves causés de manière intentionnelle et constituant un crime, sans pour autant devoir reconnaître une intention de nuire, si et seulement si le délit d’imprudence d’écocide est maintenu dans le dispositif et que l’esprit initial du texte est préservé. Ce délit d’imprudence permettra effectivement de garantir l’efficacité de l’incrimination ainsi que sa fonction dissuasive (voir notre deuxième réponse ci-dessous). 

    Ensuite, intégrer le concept des limites planétaires au dispositif relatif au devoir de vigilance des multinationales permettra de renforcer considérablement la fonction préventive de la protection extra-territoriale de l’environnement (voir notre troisième réponse ci-dessous).  

    “Il faut prouver l’élément intentionnel alors que beaucoup de dégâts causés à l’environnement sont le résultat d’une négligence.”

    Notre Affaire à Tous : L’élément intentionnel n’a pas besoin d’être démontré dès lors que serait caractérisé le délit d’imprudence, faute non-intentionnelle que les 150 citoyens proposent de reconnaître et de définir pour compléter le dispositif. Caractériser le délit d’imprudence ne nécessiterait donc pas de démontrer une intention de provoquer un écocide ou le franchissement des limites planétaires, mais seulement la prévisibilité du dommage ainsi qu’un manquement à une obligation de prudence préétablie par la loi, telle que l’obligation générale de vigilance environnementale découlant de la Charte de l’environnement (décision n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011 du Conseil constitutionnel).

    “L’écocide ne satisferait pas à l’exigence de précision de la loi pénale. Pour envoyer quelqu’un en prison, il faut une incrimination précise. C’est le principe de légalité et de clarté.”

    Notre Affaire à Tous En premier lieu, il est important de clarifier un certain malentendu à cet égard. Notre proposition initiale, reprise par les 150 citoyens de la Convention, avait défini directement dans la loi les limites planétaires ainsi que les seuils respectifs. Le comité légistique de la Convention Citoyenne a par la suite demandé aux 150 citoyens de synthétiser leur proposition, les obligeant ainsi à enlever les seuils chiffrés relatifs aux limites planétaires. C’est ce même comité légistique qui vient par la suite  critiquer son absence de précision !

    En second lieu, les limites planétaires font l’objet d’une définition scientifique assez précise (voir les travaux de l’équipe internationale de 28 scientifiques dirigée par Johan Röckstrom et Will Stefen, publiés en 2009 et réactualisés en 2015).  Ce concept de limites planétaires est d’ailleurs utilisé à plusieurs reprises au niveaux européen et français. Ainsi, l’Agence Européenne de l’Environnement a publié le 17 avril dernier un rapport sur le respect/irrespect par l’Europe des limites planétaires. Ensuite, le concept de limites planétaires a récemment été utilisé  par le gouvernement français dans son rapport sur l’état de l’environnement en France, publié par le Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) le 24 octobre 2019, qui indique que six des neuf limites planétaires sont déjà dépassées. Dans ce rapport, le concept des limites planétaires a été décliné au territoire de la France. 

    En outre, la notion des limites planétaires figure déjà dans la loi, à l’article L110-1-1 du code de l’environnement (modifié par la Loi n°2020-105 du 10 février 2020 – art. 2) qui dispose que “ La transition vers une économie circulaire vise à atteindre une empreinte écologique neutre dans le cadre du respect des limites planétaires et à dépasser le modèle économique linéaire […]”.

    Avant cela, dans son discours devant la communauté internationale lors de la COP23 de Bonn en 2017, le président de la République a lui-même évoqué le franchissement du “seuil de l’irréversible” et le risque que les équilibres de la planète ne se rompent. Cet effet de seuils doit être inscrit dans le droit afin de permettre aux institutions de notre État de cadrer les activités qui menacent ces équilibres planétaires.

    Il convient à présent d’investir dans la mise en oeuvre d’outils permettant de surveiller l’évolution des limites planétaires et de les  adapter à l’action des entreprises, dans la continuité de l’initiative prise par l’Oréal, qui souhaite “transformer [son] activité et l’inscrire dans les limites planétaires.”

    En troisième lieu, le reproche de l’imprécision est à relativiser au regard des autres incriminations  déjà reconnues par le droit pénal français, peu précises dans leur formulation également. Ainsi en va-t-il par exemple du crime contre l’humanité, inscrit à l’article 212-1 du code pénal, qui dispose au 11° que “Les autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique.” De même, le code de l’environnement réprime le déversement de “substances quelconques” dans l’eau.

    Le droit de l’environnement a d’ailleurs ceci de particulier qu’il permet une pollution dans une certaine mesure : tel pourcentage de particules fines dans l’air, de dioxyde de soufre dans l’eau, de monoxyde de carbone dans les bâtiments, etc. Sont ainsi établies des “valeurs limites” à ne pas dépasser. Les limites planétaires sont parfaitement en ligne avec cet esprit, sauf qu’elles sont établies à l’échelle globale. Ces valeurs posent alors certaines questions juridiques liées à la causalité : à partir de quand la contribution d’un certain acteur devient est-elle illégale ? Nous avons choisi de caractériser l’illégalité de la contribution lorsqu’elle participe manifestement et de manière non négligeable aux limites planétaires (voir aussi la réponse question ci-dessous sur le fait de pouvoir poursuivre des individus pour écocide). 

    Si le caractère global des limites planétaires constituait un obstacle rédhibitoire aux yeux de certains juristes, Notre Affaire à Tous se dit prête à revoir la définition du dispositif pénal de l’écocide afin d’en dissocier le concept des limites planétaires. Notre Affaire à Tous considère toutefois que le concept des limites planétaires a tout intérêt à être intégré dans le droit, afin de renforcer sa fonction préventive et globale. 

    L’inscription dans la loi de l’écocide et des limites planétaires et la création d’une Haute Autorité permettrait d’investir dans ces instruments scientifiques, de créer et mobiliser les données disponibles, enfin de promouvoir le respect des limites planétaires comme outil de gouvernance au niveau global.

    “Pourquoi défendre la création d’une Haute autorité des limites planétaires alors que les agences de l’environnement crient déjà famine ?”

    Notre Affaire à Tous : De telles critiques, qui rejoignent celles faites sur la faiblesse de l’application de la législation environnementale déjà existante, revêtent un enjeu politique une fois de plus. Si on s’en tient à ces critiques, le manque de moyens disponibles devrait justifier la non reconnaissance d’un nouveau crime environnemental, pour lequel les moyens ne seraient pas accessibles pour sa mise en oeuvre.

    Il est certain que la criminalité environnementale fait l’objet d’un manque d’investissement et de priorisation politique, et ce depuis le début. Tous les experts le soulignent : manque de moyens pour détecter les infractions, absence de traitement des infractions repérées, classement sans suite pour la plupart et, lorsqu’elles sont traitées, ces infractions environnementales donnent plus souvent lieu à une remise de peine comparé à la moyenne, tandis que les amendes sont toujours très faibles par rapport aux enjeux. Quant à la coopération internationale en matière de lutte contre la criminalité environnementale, elle est balbutiante, et des réseaux structurés ne sont mis en place au niveau européen que depuis deux ans.

    C’est une raison de plus pour reconnaître l’écocide. Hisser les atteintes à l’environnement à ce niveau de l’échelle pénale entraînerait un besoin d’investissement accru dans le traitement de la criminalité environnementale et pourrait ainsi bénéficier, par ruissellement, à l’ensemble des infractions en la matière. 

    Nous sommes bien conscients que la reconnaissance du crime d’écocide implique un changement de paradigme avec une approche systémique qui révolutionnerait le droit de l’environnement, dans lequel la Haute Autorité aurait par exemple un rôle de vigie des limites planétaires  des lois et permettrait de veiller à adopter des politiques publiques cohérentes en prenant en compte les effets écosystémiques des limites planétaires .

    “L’empreinte carbone d’un français moyen est d’environ 11 tonnes d’équivalent CO2 par an, bien au-dessus de ce que la planète est capable d’absorber. Est-ce à dire que nous pourrions tous être condamnés ?”

    Notre Affaire à Tous : Il s’agit là d’un faux débat. Au regard du libellé de notre proposition, pour que l’écocide soit caractérisé, il faudrait un acte ou un comportement contribuant en un dépassement “manifeste et non négligeable.” Donc un particulier ou une petite entreprise dont l’empreinte carbone serait excessive ne rentrerait pas dans le champ d’application de l’incrimination. Le but est de viser les personnes ayant du pouvoir, une influence sur le cours des événements telles que les multinationales qui agissent en connaissance des conséquences de leurs activités, décisions et choix d’investissements. C’est notamment  le cas avec l’obtention de permis de polluer, comme les permis d’exploitation minière entraînant largement un dépassement du quota des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit donc de poser un cadre contraignant pour diriger les investissements industriels rapidement vers des énergies propres, qui permettrait de faire respecter la loi et les engagements internationaux de la France qui visent à protéger l’environnement, décarboner l’économie, etc., tout en donnant un pouvoir aux présidents et directeurs généraux vis-à-vis de leurs actionnaires.

    Cet encadrement des activités des multinationales est nécessaire lorsqu’on sait que plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre émaneraient indirectement de seulement 100 entreprises (selon un rapport de l’ONG internationale Carbon Disclosure Project), avec en première lignes les producteurs d’énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole). Ces entreprises ont une responsabilité morale et juridique particulière en matière de transition énergétique. Elles doivent mettre toutes les mesures en oeuvre afin de contribuer à l’accès universel à une énergie propre. Jusqu’ici, elles ne le font pas. Plus grave même, bien souvent elles s’y opposent. En effet, les compagnies pétrolières ont par exemple minimisé pendant des années les risques liés au changement climatique alors qu’elles avaient parfaitement connaissance des dangers, grâce à des études menées en interne. Récemment, elle ont même dépensé plus de 250 millions d’euros depuis 2010 en lobbying auprès de l’Union européenne afin de mettre en place une stratégie de pression pour faire échec aux actions en faveur du climat.Il est temps que ce comportement cesse et qu’il devienne pénalement répréhensible. Une telle législation sur l’écocide permettra de contribuer à faire cesser l’impunité en matière de protection du climat et des autres limites planétaires.

    “Le risque de “populisme pénal”. La société de consommation engendre de forts impacts environnementaux. On veut donc modifier cette société de consommation via le droit pénal ?”

    Notre Affaire à Tous : Nous ne recherchons pas à faire peser la responsabilité d’une certaine destruction environnementale collective sur certains acteurs en particuliers, simplement pour rechercher un bouc-émissaire. Cependant, les temps sont graves. La nature à l’échelle locale et l’écosystème global de notre planète sont gravement en périls. Leurs dérèglements menacent autant notre existence que celle du vivant en général. De nombreuses fautes ont par ailleurs été commises : les exemples de politiques et d’entreprises qui ignorent la science et le respect de nos besoins les plus élémentaires sont légions. Il est dès lors selon nous absolument nécessaire d’introduire dans notre droit pénal un dispositif fort et efficace entraînant un changement de paradigme. Des sanctions réellement dissuasives participeront grandement à ce changement de mentalité. La France, en adoptant une législation sur l’écocide serait pionnière en la matière et entraînerait avec certitude ses voisins européens ainsi que la communauté internationale dans son sillage.

    Le but de l’écocide n’est pas de reporter la sanction pénale sur des habitudes de consommation et des comportements individuels spécifiques tels que l’achat de biens matériels ou l’utilisation de produits à usage unique ou polluant. S’il est essentiel de devoir adopter un mode de consommation plus résilient, sobre et local, la transformation de notre mode de consommation passe au préalable par la responsabilisation de la production primaire. Le plaidoyer en faveur de l’écocide entend prévenir, réprimer et sanctionner les structures à l’origine d’un “dommage écologique grave” à travers leurs actions, comme par exemple une déforestation massive et illégale ou le déversement de déchets nucléaires en haute mer ou de produits hautement toxiques dans des rivières. 

    2. Sur la modification de la Constitution

    Pour rappel, la Convention Citoyenne pour le Climat propose:

    u003cul id=u0022block-a42d67dc-df85-4a9f-be02-73aff251f4c4u0022 class=u0022block-editor-rich-text__editable block-editor-block-list__block wp-block is-selected rich-textu0022 tabindex=u00220u0022 role=u0022groupu0022 contenteditable=u0022trueu0022 aria-multiline=u0022trueu0022 aria-label=u0022Bloc : Listeu0022 data-block=u0022a42d67dc-df85-4a9f-be02-73aff251f4c4u0022 data-type=u0022core/listu0022 data-title=u0022Listeu0022u003e
    u003cliu003ed’ajouter dans le préambule que “u003cemu003eLa conciliation des droits, libertés et principes qui en résultent ne saurait compromettre la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’humanitéu003c/emu003e;u003c/liu003e
    u003cliu003ed’ajouter à l’article premier que “u003cemu003ela République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatiqueu003c/emu003e”;u003c/liu003e
    u003cliu003ede créer un Défenseur de l’environnement, à l’image du Défenseur des droits. u003c/liu003e
    u003c/ulu003e

    Les principales critiques entendues

    2.1. Concernant le préambule

    “Cette phrase revient à préciser que le social et l’économie « ne saurait compromettre » la préservation de l’environnement. Or, une conception bien plus positive et enthousiasmante du développement durable consiste à défendre l’idée que la protection de l’environnement est une [chance] – et non une contrainte – pour le développement social et économique.”

    Notre Affaire à Tous : Cet ajout dans le préambule rejoint un important arrêt rendu par le Conseil constitutionnel le 31 janvier dernier (décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020) qui a reconnu que la protection de l’environnement, « patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle » qui peut justifier une “atteinte” à la liberté d’entreprendre. Cette décision, qui constitue une avancée majeure pour la protection de l’environnement, montre bien que la liberté d’entreprendre, et donc les intérêts économiques, ne peuvent pas toujours primer sur la protection de l’environnement.

    Au regard de la crise écologique sans précédent que nous traversons, nous appelons même à aller plus loin et à un renversement des normes, en affirmant que le droit de l’environnement doit primer sur les intérêts économiques, et non l’inverse. Nous parlons ici des intérêts économiques, et non de l’ensemble des droits et libertés visés dans le préambule, en particulier les droits humains.

    Ensuite, une telle révision aurait pu constituer une première étape vers la reconnaissance des droits de la nature, tout comme la proposition de créer un défenseur de l’environnement (à l’image de l’ombudsman), afin de reconnaître l’interdépendance des humains avec le reste du vivant. Nous n’allons pas jusqu’à affirmer, comme l’ont laissé penser certains commentaires, que les droits de la nature doivent primer sur les droits humains, mais qu’il existe une interdépendance, et non une hiérarchie,  entre les deux.

    Dans un contexte de “verdissement” des constitutions dans le monde et même de constitutionnalisation des droits de la nature (comme en Equateur), cet ajout dans le préambule aurait été bienvenu.

    2.2. Concernant l’article 1er

    “La proposition de modifier l’article 1er de la Constitution est, pour l’essentiel, une reprise d’une proposition défendue par le Gouvernement depuis 2018.”

    Notre Affaire à Tous : Certes, un projet de réforme constitutionnelle avait été annoncé  par le gouvernement en juillet 2017, qui visait à inscrire “l’impératif de lutte contre le changement climatique à l’article 34, qui définit le domaine de la loi”. Cette démarche de l’insertion de la lutte climatique dans l’article 34 a été critiquée de manière unanime et a été qualifiée de “greenwashing constitutionnel” par les associations. C’est pourquoi nous avons proposé de modifier l’article 1er de la Constitution et lancé l’Appel pour une Constitution Écologique en avril 2018 (voir notre proposition de loi initiale).  

    En juillet 2018, les députés ont réussi à voter le texte suivant: “La République agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques.” Mais les débats ont sans cesse été interrompus (affaire Benalla, Grand Débat,…) et la réforme a finalement été reportée sine die. C’est donc une bonne chose que cette modification de l’article 1er de la Constitution soit maintenant portée par la Convention Citoyenne pour avoir une chance d’aboutir. A cet égard, il est important de rappeler que la Convention Citoyenne propose le verbe “garantit” alors que le gouvernement proposait le verbe “favorise” sans son dernier projet de loi constitutionnelle du 29 août 2019, c’est bien là la grande différence! “Garantir” est bien plus contraignant que “favoriser”. 

    Comme le Conseil d’Etat l’a indiqué dans un précédent avis du 29 mai 2019, lorsque le gouvernement avait encore pour intention de modifier lui-même cet article de la Constitution: “l’affirmation d’un principe d’action imposerait une obligation d’agir à l’Etat, au niveau national ou international, comme aux pouvoirs publics territoriaux. Il serait susceptible d’avoir des conséquences très lourdes et en partie imprévisibles sur leur responsabilité, notamment en cas d’inaction.” Au regard de la crise environnementale, nier la nécessité d’introduire une véritable obligation d’agir nous apparaît scandaleuse. L’Etat n’a d’autre choix que de répondre avec force et vigueur contre la destruction de notre maison commune. 

    “La protection de l’environnement est déjà inscrite au sein du bloc de constitutionnalité grâce à la Charte de l’environnement (loi constitutionnelle du 1er mars 2005) et d’une rédaction d’une qualité nettement supérieure à ce que propose le rapport qui sera soumis à la Convention citoyenne pour le climat.”

    Notre Affaire à Tous : La Charte de l’environnement est un bon instrument mais elle est présente des lacunes pour plusieurs raisons. Premièrement, il n’y a pas de référence explicite au climat dans la Charte. Deuxièmement, les dispositions de la Charte n’instituent pas toutes un droit ou une liberté, et par conséquent ne permettent pas toujours la saisine du Conseil par le biai d’une question prioritaire de constitutionnalité. C’est notamment le cas des sept premiers alinéas qui précèdent l’article premier. Troisièmement, très peu de jurisprudences constitutionnelles abordent vraiment la lutte contre les changements climatiques et il n’y a donc pas d’enseignements sur la pertinence de la Charte dans la lutte climatique pour le moment. Enfin, la Charte est un bon instrument avec une grande force d’interprétation de ses principes, à condition toutefois d’en avoir une interprétation ambitieuse par les juges.

    Tout repose donc sur l’interprétation des juges, et avoir l’inscription de la lutte contre le dérèglement climatique, en plus de la préservation de la biodiversité et de l’environnement, à l’article 1er de la Constitution, ne ferait plus aucun doute et réduirait la marge d’interprétation de certains juges qui n’oseraient pas faire une interprétation poussée de la Charte de l’environnement.

    “Il serait préférable de réfléchir à la manière de mieux faire appliquer et respecter la Charte de l’environnement plutôt que de prendre le risque, au mieux d’une redondance des mêmes notions au sein du bloc de constitutionnalité, au pire d’un affaiblissement de la Charte de l’environnement.”

    Notre Affaire à Tous :  Il s’agit d’inscrire de manière univoque la lutte contre le dérèglement climatique qui ne figure nulle part dans la Charte, laissant ainsi un grand pouvoir d’interprétation aux juges.

    “Le rapport abandonne la proposition d’inscription du principe de non régression au sein du bloc de constitutionnalité qui aurait pourtant pu être débattue.”

    Notre Affaire à Tous : C’est en effet un aspect que nous regrettons. Il faut néanmoins garder en tête que le comité légistique de la Convention Citoyenne a tenté de réduire la portée des propositions des 150 citoyens en les “lissant” autant que possible de manière à écarter certaines formulations.

    “Plus grave, cette proposition de révision comporte un risque sérieux de régression du droit de l’environnement. Ainsi, elle propose d’extraire les notions de « biodiversité » et « climat » de celle d’environnement qui, jusqu’à présent, les comprenait.”

    Notre Affaire à Tous La proposition inclut les 3 notions biodiversité, environnement et dérèglement climatique. En quoi cela risque t-il de créer une régression du droit de l’environnement qui est déjà en nette régression? Il n’a pas fallu attendre cette critique pour constater un affaiblissement du droit de l’environnement. Beaucoup de mesures gouvernementales sont prises qui, sous couvert de “simplification” du droit, font régresser de nombreuses dispositions environnementales. 

    On peut notamment citer le projet de loi ASAP, qui consacre “le fait accompli” en permettant aux préfets d’autoriser des travaux de construction industrielle en anticipant sur la délivrance de l’autorisation environnementale nécessaire (à la condition que le permis de construire ait été délivré et l’enquête publique réalisée), ou encore qui prévoit que l’avis donné par l’autorité environnementale ne pourra plus être réactualisé en fonction de l’évolution du dossier. Figurent aussi les atteintes à la participation du public avec le pouvoir confié aux préfets de dispenser d’enquête publique, au profit d’une simple consultation électronique, les projets ne nécessitant pas d’évaluation environnementale. De telles mesures constituent manifestement une régression, voire une “destruction” (selon les experts) du droit de l’environnement. 

    De même, le décret du 8 avril 2020 généralise le droit des préfets à déroger à de nombreuses normes réglementaires, notamment en matière environnementale. Un tel dispositif permettrait notamment l’accélération des dispositifs procéduraux dans l’implantation de projets destructeurs de l’environnement. Ce décret a d’ailleurs été attaqué devant le Conseil d’Etat par plusieurs associations, dont Notre Affaire à Tous.

    Affirmer que cette proposition de modification de la Constitution constitue un “risque sérieux de régression du droit de l’environnement” paraît donc totalement absurde et de mauvaise foi au regard des mesures précitées voulues par le Gouvernement.

    3. Sur la possibilité de soumettre ces deux propositions à référendum

    Les critiques portent sur la mise en oeuvre de l’article 11 de la Constitution pour l’adoption de la proposition de loi sur l’écocide et sur  l’article 89 de la Constitution pour la révision de la Constitution.

    Les principales critiques entendues

    “Un référendum ne peut porter sur la législation pénale. La matière pénale est exclue de l’article 11 de la Constitution, comme de nombreux constitutionnalistes l’ont dores et déjà souligné. Il n’est donc pas possible d’organiser un référendum sur l’écocide en l’état actuel de la rédaction de l’article 11 de la Constitution. Il faudrait considérablement maltraiter l’interprétation de l’article 11 pour considérer un référendum sur l’écocide.”

    Notre Affaire à Tous : Pour rappel, l’article 11 prévoit que le référendum ne peut porter que sur certaines matières : « (…) tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.”

    S’il est vrai que l’article 11 ne mentionne pas la loi pénale, il ne l’interdit pas non plus. La proposition de la Convention Citoyenne porte par ailleurs sur une modification du code de l’environnement et non du code pénal. En outre, l’environnement a déjà été une manière d’élargir l’interprétation des règles et traités en matière pénale. Ainsi, à travers son arrêt “Commission v. Conseil” du 13 septembre 2005, la Cour de Justice des Communautés Européennes (aujourd’hui CJUE) avait donné raison à la Commission et élargi les compétences de l’Union Européenne à l’harmonisation de la législation pénale entre les Etats-Membres. Une décision qui sera ensuite validée par le Traité de Lisbonne, qui donne compétence pénale à l’Union Européenne. Ainsi, l’environnement, qui apparaît comme un nouveau défi pour le droit, a régulièrement été une source de modification et d’amélioration du droit et des jurisprudences ; situation qui pourrait se répéter ici.

    On en revient donc à un enjeu politique, car de l’interprétation des juges constitutionnels dépendra la validité juridique de la proposition de la Convention Citoyenne. Comme la science, le droit est le reflet de nos sociétés. Raison pour laquelle l’état de nécessité ou encore le préjudice écologique ont été “découverts” et appliqués en premier par des juges, alors que ces notions n’étaient pas encore consacrées par la loi.

    “L’article 89 précise qu’un référendum [portant sur la révision de la Constitution] ne peut être engagé sans l’accord des deux assemblées : Assemblée nationale et Sénat. Pour être précis, un référendum a déjà été organisé sur le fondement de l’article 11 et non de l’article 89 pour réviser la Constitution. En 1962, le général de Gaulle a en effet soumis à référendum, sur le fondement de l’article 11 de la Constitution, un projet de révision de l’article 6 de la Constitution afin de prévoir l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Toutefois, ce choix a suscité une très vive controverse et n’a été possible qu’en raison de circonstances historiques très particulières. Il est peu probable que l’actuel président de la République procède ainsi”

    Notre Affaire à Tous : Le président de la République aura le choix de la procédure en décidant soit de soumettre la révision à référendum, soit de faire approuver la révision par un vote parlementaire pour aboutir à un texte identique par les deux assemblées, nécessitant de la part du président de la République de convaincre les parlementaires. On en revient à nouveau à un choix politique.

    Enfin, de manière générale, un référendum portant sur ces questions serait l’occasion d’un large débat sur les liens entre le contrat social et le contrat naturel et le moyen de construire ensemble un chemin commun vers la transition écologique.

    Nos ressources

    Notes

    1- Définitions alternatives retenues par le comité légistique :

    • Constitue un crime d’écocide, toute action généralisée ou systématique ayant causé un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste et non négligeable d’au moins une des limites planétaires [définies à l’article L XXX du code de l’environnement] et dont l’auteur savait ou aurait dû savoir qu’il existait une haute probabilité de ce dépassement.” 
    • Constitue un crime d’écocide, toute action généralisée ou systématique ayant causé un dommage écologique étendu et durable à l’environnement naturel consistant en une grave dégradation des éléments ou des fonctions des écosystèmes ou en une grave altération des qualités essentielles des sols, de l’eau ou de l’air commise alors que son auteur savait ou aurait dû en savoir les effets.”

    2- Définition alternatives retenues par le comité légistique :

    • “Art. 522-2 – Constitue un délit d’imprudence d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi, le règlement ou une convention internationale ayant causé directement ou indirectement un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste des limites planétaires [au sens de l’article L.XXX du code de l’environnement], s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.”
    • “Art. 522-2 – Constitue un délit d’imprudence d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi, le règlement ou une convention internationale ayant causé directement ou indirectement un dommage étendu et durable à l’environnement naturel consistant en une grave dégradation des éléments ou des fonctions des écosystèmes ou en une grave altération des qualités essentielles des sols, de l’eau ou de l’air s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». 

    3- La proposition alternative du comité légistique consiste à regrouper le délit d’imprudence d’écocide avec le délit de manque de devoir de vigilance des multinationales. Le comité légistique confère par ailleurs à la Haute Autorité des Limites Planétaires la tâche d’accompagner “les entreprises tenues d’élaborer un plan de vigilance au sens de l’article L.225-102-4 du code de commerce afin de les aider à évaluer la compatibilité de leur plan à la protection des limites planétaires.” Le devoir de vigilance des multinationales en matière d’écocide n’a donc pas été supprimé à travers la proposition alternative du comité légistique. Il aurait été toutefois préférable de prévoir l’obligation pour les multinationales de concevoir un plan de vigilance conforme aux limites planétaires et d’assigner à la Haute Autorité la tâche de contrôler le respect de cette obligation.

    4- L’idée initiale, inspirée du mouvement End Ecocide on Earth, est en effet de reconnaître l’écocide au même niveau que les crimes internationaux (crime de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crime d’agression) en modifiant le Statut de Rome instituant la Cour Pénale Internationale.

    5- Depuis 1994 et l’entrée en vigueur du code pénal français, seuls les délits et les infractions peuvent être non intentionnels.

    6- Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’article 121-3, alinéa 1er, du code pénal.

    7- En effet, au regard de l’alinéa 2 de l’art. 121-3 du code pénal, « lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas d’imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. »

    8- Voir notamment l’interviwew d’Alexandra Palt, directrice générale de la Responsabilité sociétale et environnementale (RSE) et membre du Comex de L’Oréal: https://www.novethic.fr/actualite/entreprise-responsable/isr-rse/alexandra-palt-directrice-generale-de-la-responsabilite-societale-et-environnementale-l-oreal-doit-evoluer-dans-les-limites-planetaires-148713.html

    9- Afin d’envisager, en droit national, la poursuite des atteintes aux communs planétaires ou à un système écologique de la Terre, il conviendra de prévoir la possibilité d’appréhender les actes commis sur le territoire national comme le prévoient les articles 113-2 à 113-5 du Code pénal ainsi que les infractions commises hors du territoire de la République (articles 113-6 à 113-14 code pénal). Dans le cas d’un recours, le juge pourra ainsi disposer d’un outil d’appréciation indispensable pour ordonner les mesures qui s’imposent. Un tel cadre ouvrirait la voie à une justice préventive climatique, environnementale et sanitaire.

    10- Il s’agira ici de prendre en compte différents éléments tels que la personnalité de l’auteur, la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

    11- Cette révision du préambule de la Constitution a depuis été rejetée par le président de la République. 

     

  • CP / Convention Citoyenne pour le Climat : une révolution juridique est en cours !

    Communiqué de presse – Jeudi 18 juin 2020

    Alors que les 150 citoyen·nes de la Convention Citoyenne pour le Climat se réunissent ce week-end pour valider leurs propositions concrètes à soumettre au gouvernement, des mesures ont déjà été rendues publiques ce jeudi 18 juin. Parmi elles, l’amendement de l’article 1er de la Constitution pour que la France devienne une République écologique, la reconnaissance d’un crime d’écocide et la création d’une Haute Autorité aux limites planétaires. Ces trois mesures permettraient de reconnaître que l’avenir de nos sociétés est conditionné par le respect des grands équilibres écologiques de notre maison commune. Les citoyen·nes nous invitent à une révolution juridique à la hauteur des enjeux de notre siècle.
     
    La Convention Citoyenne pour le Climat, constituée en octobre 2019, est une initiative décidée par le Président de la République en réponse au grand débat national et proposée par le collectif Démocratie Ouverte et le collectif des Gilets Citoyens, suite à la crise des “gilets jaunes” et au retentissement de l’Affaire du Siècle (1).

    Modification de l’article 1er de la Constitution

    Les citoyen·nes de la Convention Citoyenne pour le Climat ont été convaincu·es de la nécessité d’amender son article 1er. Iels veulent ajouter à l’article premier que « la République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ». Iels proposent en outre de créer un Défenseur de l’environnement, à l’image du Défenseur des droits.
     
    Cela résonne comme en écho au puissant plaidoyer mené depuis plus de deux ans par le Collectif “Notre Constitution Ecologique” (2), qui demande en outre la reconnaissance des limites planétaires et le principe de non-régression à l’article 1er de la Constitution. Cette proposition complète du Collectif a pour objectif de s’assurer que l’activité humaine ne menace pas l’habitabilité de la Terre sur le long-terme et les conditions d’existence des sociétés présentes et à venir, en s’appuyant sur les recommandations du Stockholm Resilience Center (3) à l’origine de l’étude sur ces effets de seuil à ne pas franchir. Lors de son audition devant l’escouade de la Constitution Citoyenne pour le Climat le 11 janvier dernier, Valérie Cabanes, Présidente d’Honneur de Notre Affaire à Tous, a bien tenté de les en convaincre.
     
    Notre Affaire à Tous se réjouit donc de cette avancée mais regrette que les limites planétaires et le principe de non-régression n’aient pas été repris dans la proposition de modification de la Constitution de la Convention Citoyenne pour le Climat.

    Crime d’écocide et Haute Autorité aux limites planétaires

    Parmi les mesures de la Convention Citoyenne pour le Climat figure également la reconnaissance de l’écocide (4). Iels proposent une loi pénalisant le crime d’écocide, compris comme « toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires », ainsi que la création d’une Haute Autorité des limites planétaires pour en garantir la mise en œuvre.
     
    Cette ambition est portée de longue date par plusieurs associations. À l’automne 2019, une proposition de loi, co-rédigée par Valérie Cabanes, Paul Mougeolle de Notre Affaire à Tous et Marine Calmet de Wild Legal, avait été préparée dans le cadre d’un travail de réflexion parlementaire transpartisan. Soumise aux citoyen·nes de la Convention Citoyenne pour le Climat sous forme de contribution, Valérie Cabanes a ensuite été invitée devant le groupe “Se nourrir” qui porte aujourd’hui cette proposition.

    Pour Marine Calmet de Wild Legal, “le soutien des citoyens à la création d’une Haute Autorité pour les limites planétaires ayant des missions d’information, d’expertise et d’alerte afin de veiller au respect des limites planétaires est un message fort en faveur d’une nouvelle gouvernance pour la protection de notre planète.

    Pour Valérie Cabanes, Présidente d’honneur de Notre Affaire à Tous : « La pénalisation de l’écocide a réussi à convaincre la majorité des citoyen·nes de la Convention Citoyenne pour le Climat, sensibilisés par sa portée systémique. La mesure votée est conforme à nos espérances : nous nous en réjouissons ». 

    Il reste à savoir si ces mesures seront soumises à référendum ou proposées comme projets de loi au Parlement. Les deux perspectives pourront permettre aux citoyen·nes ou à leurs représentant·es élu·es d’en débattre. 55 député·es ont d’ores et déjà annoncé par courrier aux citoyens de la Convention soutenir leur travail et se disent prêt·es à prendre la suite… pour le concrétiser par la voie législative. Parmi ces députés, de nombreux parlementaires s’étaient assis·es autour d’une table avec nous à l’automne dernier pour avancer sur le crime d’écocide. Il est heureux que les citoyens aient pu entre temps prendre toute leur place dans cette révolution juridique, consolidant par là nos effort communs.
     
    Cependant, concernant la réforme de la Constitution, le passage par référendum est plus compliqué : l’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier Ministre et aux membres du Parlement. Cette révision doit être votée par les deux assemblée en termes identiques avant d’être définitivement approuvée par référendum. Le chemin à parcourir est encore long !

    Contact presse

    • Valérie Cabanes : 06 89 85 28 70
    • Cécilia Rinaudo, Notre Affaire à Tous : 06 86 41 71 81
    • Marine Calmet, Wild Legal (sur la Haute autorité aux limites planétaires) : 06 89 24 03 99‬

    Notes

    (1) Portée par Notre Affaire à Tous, Greenpeace France, Oxfam France et la Fondation Nicolat Hulot
     
    (2) Regroupant Notre Affaire à Tous, CliMates, le REFEDD et WARN qui ont lancé l’Appel pour une Constitution Écologique.
     
    (3) Ces recommandations servent d’outils de suivi des objectifs de développement durable depuis 2012 par le Groupe de haut niveau de l’ONU sur la viabilité du développement mondial, depuis 2011 par la Commission européenne pour sa feuille de route vers une Europe efficace dans l’utilisation des ressources, et même par le Ministère de la Transition écologique français dans son Rapport sur l’état de l’Environnement.
     
    (4) Le crime d’écocide est défini comme toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées. La loi proposée définit aussi comme délit d’imprudence caractérisé d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou un règlement ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires. Enfin, elle reconnaît que l’absence de mesures adéquates et raisonnables relatives à l’identification et la prévention de la destruction grave d’un écosystème ou du dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, est contraire au devoir de vigilance prévu à l’article L. 225-102-4 du code de commerce.