Catégorie : Droits de la Nature

  • CP / Définition internationale de l’écocide : une proposition solide qui impose à la France d’agir

    Communiqué de presse

    Mardi 22 juin 2021

    Le Panel international d’experts de haut-niveau mis en place par la Fondation Stop Ecocide, présidé par Dior Fall Sow et Philippe Sands, vient de rendre publique une proposition d’amendement au Statut de la Cour Pénale Internationale pour y intégrer le crime d’écocide, et sa définition. Celle-ci est immédiatement mobilisable par les états dans le cadre de la CPI. Elle l’est aussi par les états, dont la France. A l’occasion des débats au Sénat sur la loi Climat et Résilience, Notre Affaire à Tous appelle le gouvernement à soumettre une proposition d’amendement visant à la reconnaissance immédiate du crime d’écocide dans le droit français, et les sénateurs et sénatrices à soutenir tout amendement en cette direction. 

    Le Président de la République a lui-même utilisé le terme d’écocide à l’été 2019 pour dénoncer la politique menée par Jair Bolsonaro en forêt amazonienne. Il n’a cessé depuis de promettre soutenir sa reconnaissance au niveau international, sans que nous n’ayons encore observé d’acte concret. A l’inverse de la Belgique qui a formulé une demande publique et officielle de reconnaissance de ce crime à l’Assemblée générale de la Cour Pénale Internationale. 

    Plutôt que d’agir, la majorité présidentielle s’enferme dans de nombreuses tergiversations juridiques visant à prouver que l’inscription dans le droit national du crime d’écocide est impossible. 

    Peine perdue : la proposition formulée aujourd’hui par le Panel d’experts prouve que définir ce crime est non seulement possible, mais également juridiquement solide. Cette proposition révolutionnaire sur le fond, puisqu’elle propose de condamner les atteintes au vivant, émerge en effet de termes et concepts déjà reconnus et définis dans plusieurs conventions internationales, et d’un langage largement éprouvé par les juristes et acteurs du droit international. 

    L’année 2021 est une année cruciale. La loi Climat et Résilience sera la dernière grande loi environnementale du quinquennat d’Emmanuel Macron. Supposée traduire les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, elle est aussi la dernière opportunité avant longtemps d’inscrire le crime d’écocide dans le droit français.

    La France a aussi pour responsabilité de porter cette proposition au niveau international. L’automne sera à cet égard chargé : Assemblée générale des Nations-Unies en septembre dédiée notamment à la reconnaissance du droit universel à un environnement sain, Sommet mondial pour la biodiversité à Kunming en octobre, Sommet climat en novembre à Glasgow, enfin Assemblée générale de la Cour Pénale Internationale en décembre. Ces rencontres mondiales sont autant d’opportunités pour faire avancer la reconnaissance et condamnation du crime d’écocide. Allier les actes à la parole, c’est pour la France devenir le fer de lance de la reconnaissance de l’écocide dans les négociations internationales, qui sont nombreuses à l’automne. Les sénateurs et les sénatrices doivent se saisir de cette proposition, intégrer le crime d’écocide dans la version actuellement discutée de la loi climat, et ainsi contribuer à l’effort international. S’ils ne peuvent soutenir que les amendements présentés, la CMP est une opportunité de rectifier le tir ; le gouvernement peut et doit dès aujourd’hui proposer une rédaction proche de celle proposée par le Panel. En soutenant cette dernière, le gouvernement français a également l’occasion de se placer en leader du mouvement international pour la reconnaissance de l’écocide, et d’agir réellement pour la protection de la planète et du vivant.

    Ne gâchons pas cette opportunité. Il est temps.

    Nota Bene :

    Notre Affaire à Tous s’est fondée avec l’objectif de faire vivre la justice climatique, les droits de la nature et la condamnation de l’écocide. Sur ce dernier plan, la prise de conscience mondiale s’est accélérée ces dernières années : un nombre croissant de citoyennes et de citoyens du monde, ainsi que de parlementaires, refusent ces graves crimes contre le vivant qui mettent en danger la sûreté de la planète et l’habitabilité de la Terre pour l’humanité. 

    Contact presse

    • Théophile Keita, Notre Affaire à Tous – theophile.keita@notreaffaireatous.org ; 06 34 19 06 67
    • Justine Ripoll,  Notre Affaire à Tous – justine.ripoll@notraffaireatous.org ; 06 42 21 37 36
    • Jojo Mehta, Stop Ecocide, jojo@stopecocide.earth
    • Marie Toussaint, Eurodéputée, initiatrice de l’Alliance parlementaire internationale pour la reconnaissance de l’écocide, marie.toussaint@europarl.europa.eu; 06 42 00 88 68

    Définition de l’écocide proposée par le Panel (en français)

    Proposition de définition de l’ÉCOCIDE comme cinquième crime en vertu du Statut de Rome de la Cour pénale internationale

    Groupe d’experts indépendants pour la définition juridique de l’écocide

    A. Ajout d’un paragraphe 2 bis au préambule

    Soucieux du fait que l’environnement est quotidiennement menacé de destructions et de détériorations dévastatrices mettant gravement en péril les systèmes naturels et humains de par le monde.

    B. Ajout à l’article 5 1.

    e) Le crime d’écocide.

    C. Ajout de l’article 8 ter

    Article 8 ter

    Écocide

    1. Aux fins du présent Statut, “écocide” s’entend d’actes illégaux ou arbitraires commis en sachant la réelle probabilité que ces actes causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables.

    2. Aux fins du paragraphe 1 :

    a. « Arbitraire » signifie de manière imprudente et sans faire cas des dommages qui seraient clairement excessifs au regard des avantages sociaux et économiques escomptés ;

    b. « Grave » signifie que les dommages entraînent des changements, perturbations ou atteintes hautement préjudiciables à l’une quelconque des composantes de l’environnement, y compris des répercussions graves sur la vie humaine ou sur les ressources naturelles, culturelles ou économiques ;

    c. « Étendu » signifie que les dommages s’étendent au-delà d’une zone géographique limitée, qu’ils traversent des frontières nationales, ou qu’ils touchent un écosystème entier ou une espèce entière ou un nombre important d’êtres humains ;

    d. « Durable » signifie que les dommages sont irréversibles ou qu’ils ne peuvent être corrigés par régénération naturelle dans un délai raisonnable ;

    e. « Environnement » s’entend de la Terre, sa biosphère, sa cryosphère, sa lithosphère, son hydrosphère et son atmosphère, ainsi que de l’espace extra-atmosphérique. —    

    Décryptage de Notre Affaire à Tous

    La définition proposée répond aux arguments soulevés avec plus ou moins de bonnes fois par les juristes et parlementaires depuis plus d’un an ; voici notre décryptage rapide :

    • La définition de ce qu’est le vivant : au sein de cette définition, le Panel d’experts préconise d’appréhender l’“environnement” comme : la Terre, la biosphère, la cryosphère, la lithosphère, l’hydrosphère et l’atmosphère, ainsi que l’espace. Ce faisant, le Panel tient compte des interactions entre les différents éléments composant les écosystèmes et le vivant. Une approche encore non reconnue dans le droit pénal français (contrairement au droit civil où le préjudice écologique a consacré cette notion), dont l’approche sectorielle des éléments composant le vivant est l’un des freins majeurs à la protection des entités écosystémiques et des communs naturels mondiaux comme territoriaux.
    • Sur le caractère intentionnel / mens rea : en droit pénal, la question de l’intentionnalité est majeure : elle conditionne la capacité à désigner un acte comme un crime. Ici le panel a décidé de définir comme écocide les actes “commis en sachant qu’il y a une forte probabilité que des dommages graves et étendus ou à long terme soient causés à l’environnement par ces actes.” Avec cette formulation, le panel définit donc l’intentionnalité comme la connaissance du risque encouru, une position ambitieuse que nous rejoignons.
    • Gravité : reconnaître un crime n’est jamais chose légère, moins encore lorsqu’il s’agit de définir un crime parmi les plus graves contre les valeurs universelles. Le Panel d’experts propose ainsi de caractériser le crime d’écocide comme des actes causant à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables. Cette définition permet d’inclure à la fois les dommages ponctuels mais étendus dans l’espace (comme certaines pollutions, qui peuvent être arrêtées dans le temps), et les dommages plus localisés mais aux effets de long terme (comme par exemple le déversement de grandes quantités déchets toxiques dans une rivière, qui auraient des conséquences pendant de nombreuses années). Les dommages doivent toutefois toujours être considérés comme « graves » (severe).
    • Précision : grâce à ces éléments, la définition revêt suffisamment de précision pour être effective et respectueuse des droits humains, une nécessité en vertu du principe de légalité des peines. En choisissant de caractériser les écocides à travers les conséquences qu’ils peuvent avoir, plutôt qu’en listant les différents dommages possibles, le panel évite le danger d’autoriser, par omission, les actes qui n’auraient pas été listés, et donc de laisser impunis certains dommages graves.
  • CP / Loi climat et écocide : les députés rejettent le crime d’écocide et entérinent de nouveaux délits inapplicables

    Communiqué de presseVendredi 19 mars 2021

    La commission spéciale de l’Assemblée nationale a étudié hier soir le Titre VI du  projet de loi Climat et Résilience, dédié à la protection judiciaire de l’environnement. Notre Affaire à Tous, qui se bat depuis sa création pour la reconnaissance de l’écocide et le renforcement du droit répressif environnemental français, regrette que les députés n’aient pas répondu à l’appel de la société civile. Ils nient ainsi, une fois de plus, l’urgence écologique et l’urgence de la justice.

    Les crimes que l’on ne nomme pas sont oubliés. Certains ne mettent pas seulement en danger les populations, mais aussi les écosystèmes, à un niveau tel qu’ils mettent en danger la sûreté de la planète pour la vie humaine. C’est le cas des écocides, ces graves crimes contre le vivant, qui auraient dû être reconnus au travers du projet de loi “Climat et Résilience” suite à la Convention Citoyenne pour le Climat. La reconnaissance du crime d’écocide y avait en effet été plébiscitée avec plus de 90% des voix.

    Si Garde des Sceaux et Ministre de l’écologie avaient promis de mettre en place un “délit de pollution généralisée”, et un mal-nommé délit d’“écocide”, leur proposition avait été affaiblie par Bercy, le Medef et les lobbies, en amont de sa présentation à l’Assemblée nationale.

    Le projet qui a été présenté au vote des députés ne proposait donc ni crime d’écocide, ni véritables délits de mise en danger de l’environnement et d’atteinte au vivant. Ainsi que nous l’avons déjà souligné, le projet de loi ne présentait ainsi pas d’amélioration du régime répressif français actuel, dont l’inefficacité est dénoncée depuis longtemps par les associations et les experts. C’est pourtant possible, et nécessaire : l’Italie a condamné les atteintes à l’environnement dès 2015, lors de la transposition de la Directive européenne de 2008 sur la protection de l’environnement par le droit pénal ; une directive très insuffisamment transposée par la France.

    Plutôt que de répondre à la demande émanant de la société civile et d’adapter enfin notre droit à l’urgence écologique, en reconnaissant et en condamnant les atteintes au vivant pour ce qu’elles sont, les députés réunis en commission spéciale n’ont pas corrigé cette erreur de trajectoire.

    L’examen du Titre VI s’est opéré de manière expéditive, dans une cacophonie d’arguments d’une qualité juridique variable. Le grand gagnant du débat d’hier est un libéralisme qui nie que les droits humains sont conditionnés par les droits du vivant. La majorité, soutenue par les Républicains, a avec constance défendu les intérêts des entreprises, notamment celle des grands groupes. D’une main, elle s’est enorgueillie d’innovations juridiques en droit de l’environnement ; de l’autre, elle a rejeté nombre d’amendements au prétexte qu’ils seraient trop innovants, comme le crime d’écocide ou le détachement des régimes pénaux et administratifs. De concert, majorité et Républicains ont repoussé les amendements rejoignant les inquiétudes des professionnels et des associations, et la nécessité de créer un véritable droit pénal général de l’environnement, pour se contenter d’un texte moins-disant et bancal.

    La Ministre de l’écologie, quant à elle, après avoir fourché en parlant de “crime d’écocide”, a tenté de défendre l’idée selon laquelle il y aurait de “petits écocides”, tel que la destruction d’une petite mare, et de “grands écocides”, comme la déforestation de l’Amazonie. Des propos qui ne peuvent être que source de confusion, car l’écocide est une notion recouvrant les crimes mettant en danger la sûreté de la planète. Non seulement le terme d’écocide est ainsi galvaudé, mais le gouvernement et la majorité parlementaire l’utilisent comme l’arbre cachant la forêt : en utilisant à mauvais escient le terme d’écocide, le gouvernement brandit l’arbre cachant la forêt de l’indigence du régime répressif environnemental qu’il propose à travers ce projet de loi.

    Notre Affaire à Tous le rappelle : nous avons besoin de condamner la mise en danger et les atteintes à l’environnement et au vivant, de manière autonome. La majorité s’évertue à maintenir des conditions juridiques inefficaces, à l’image de la condition de durée de 10 ans pour caractériser les infractions qu’elle propose. 

    Au-delà, nous devons d’urgence débarrasser le régime répressif environnemental de son carcan administratif. Le cas du chlordécone est à cet égard parlant : bien qu’ayant été autorisé par les autorités françaises, le caractère toxique et cancérigène de ce pesticide était connu de tous. Ni le droit actuel, ni la réforme proposée par le gouvernement, ne permettent encore aux populations de Guadeloupe et de Martinique d’obtenir justice. Et il ne s’agit malheureusement que d’un exemple parmi d’autres.

    Malgré le plaidoyer de certains députés pour faire de l’écocide un crime, le terme d’écocide reste donc réduit à une circonstance aggravante d’un délit restreint et à de nombreux égards ineffectif, tandis que le crime d’écocide n’est toujours pas reconnu.

    Ce faisant, la France affaiblit la discussion internationale en cours sur la reconnaissance du crime d’écocide. En prétendant attendre l’inscription de l’écocide dans le droit international, la France oublie d’ailleurs que le droit international se construit grâce et par les propositions des Etats, à travers des traités ou parce que des lois prennent force de coutume international. Les arguments du gouvernement ne sauraient ici être entendus.

    Nous veillerons à ce que des amendements soient déposés d’ici l’examen du texte en séance plénière. La France n’a en effet plus de temps à perdre pour reconnaître et condamner l’écocide. Malgré les mots du Président Macron dès août 2018 dénonçant la politique menée par Jair Bolsonaro en Amazonie brésilienne comme un écocide, malgré les promesses données à la Convention Citoyenne, la France n’a toujours fait aucun pas vers sa reconnaissance dans son droit interne, ni au niveau international. Après les Républiques des Vanuatu et des Maldives, la Belgique s’est pourtant exprimée officiellement en décembre 2020 auprès de l’Assemblée générale de la Cour Pénale Internationale tandis que nombre d’Etats-membres de l’Union ainsi que le Parlement européen travaillent à sa reconnaissance. La France, au fond, reste aux abonnés absents.

    La Convention Citoyenne a également formulé le souhait d’inscrire dans la loi les limites planétaires, une proposition que nous partageons : les limites planétaires doivent devenir un outil central de gouvernance des secteurs public comme privé.

    Nous resterons mobilisés pour que la France condamne enfin les atteintes au vivant et mette fin à l’impunité de ceux qui détruisent notre planète.

    Contacts presse :

    • Marie Toussaint : 06 42 00 88 68 
    • Théophile Keïta : 06 34 19 06 67
  • Projet de loi climat et protection judiciaire de l’environnement

    ANALYSE DE NOTRE AFFAIRE À TOUS DES DISPOSITIONS DU TITRE VI DU PROJET DE LOI CLIMAT ET RÉSILIENCE VISANT À RENFORCER LA PROTECTION JUDICIAIRE DE L’ENVIRONNEMENT ET PROPOSITIONS D’AMENDEMENT

     

    Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (le projet de loi climat et résilience), issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat,  a été publié le 10 février 2021. Le titre VI visant à renforcer la protection judiciaire de l’environnement contient les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement depuis le 22 novembre 2020 et relatives au délit de mise en danger de l’environnement et au “délit général de pollution” annoncé, dont les dispositions ont encore évolué par rapport aux versions précédentes du projet de loi ayant fuité. 

    Notre Affaire à Tous souhaite ici apporter une analyse de ces dispositions (I) ainsi que des propositions d’amendements (II), en invitant les parlementaires à soit incriminer l’écocide comme proposé par la Convention citoyenne pour le climat, soit à retirer ce terme du projet de loi dans sa rédaction actuelle, l’écocide étant un terme trop important pour être ainsi galvaudé. Enfin, Notre Affaire à Tous souhaite rappeler la nécessité de poursuivre le travail sur les limites planétaires avec la création d’une Haute autorité pour les limites planétaires, qui figurait dans la proposition de la Convention citoyenne pour le climat (III).

    1. Analyse des dispositions

    Pour faire face au dérèglement climatique en particulier et aux comportements entraînant la destruction de la planète et le dépassement des limites planétaires en général, la Convention citoyenne avait décidé de proposer de criminaliser l’écocide, une proposition pour laquelle Notre Affaire à Tous se bat  depuis longtemps.

    Le gouvernement a réduit à néant cette ambition, en détournant la définition d’écocide de celle débattue dans le débat national et international qui vise à l’inscrire parmi les crimes les plus graves portant atteinte à des valeurs universelles ; et en proposant à sa place de nouvelles incriminations environnementales qui auraient pu être bienvenues mais sont en réalité rendues quasiment inopérantes au regard de leur champ d’application extrêmement restrictif.

    A l’incrimination de l’écocide, le gouvernement a ainsi préféré proposer d’une part l’aggravation des peines applicables aux infractions sectorielles déjà prévues dans le code de l’environnement ; et d’autre part la création de nouveaux délits se caractérisant par des conditions d’application fortement restrictives et par un système incohérent de gradation des peines.  

    Par conséquent, le gouvernement semble bien éloigné de sa promesse de brandir “le glaive de la justice face aux voyous de l’environnement”.

    a. Sur le délit de mise en danger de l’environnement (article 67)

    Premièrement, le délit de mise en danger de l’environnement annoncé par les Ministres de la justice et de la transition écologique est réduit aux infractions spécifiques déjà prévues par les articles L. 173-1 et L. 173-2 du Code de l’environnement et par l’article L. 1252-2 du Code des transports : il ne s’agit donc pas d’un délit général de mise en danger de l’environnement pourtant si nécessaire, mais de dispositions concernant un nombre restreint d’actes ne couvrant pas l’ensemble des situations dans lesquelles la nature est mise en danger. La nouvelle infraction prévue est par ailleurs inopérante, tant les conditions requises pour considérer un comportement comme dangereux pour la santé et les éléments de l’environnement sont drastiques. Si nous pouvons nous réjouir de la volonté exprimée de créer un tel délit, ses dispositions ne permettent ainsi même pas de couvrir l’ensemble des situations censées l’être au regard de la Directive /99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal.

    D’une part, le délit prévu ne concerne que:

    • le fait d’exploiter une installation, soumise à autorisation, à enregistrement, à agrément, homologation, etc. (art. L. 173-1 Code de l’environnement) ; 
    • le fait de poursuivre une telle exploitation sans se conformer à la mise en demeure de l’autorité administrative (art. L. 173-2 Code de l’environnement) ; ou 
    • le fait de « transporter par voie ferroviaire, routière ou fluviale des marchandises dangereuses dont le transport n’est pas autorisé » (art. L. 1252-5 Code des transports). 

    Un tel délit ne vise donc pas l’ensemble des comportements susceptibles de mettre l’environnement en danger.

    D’autre part, tout comme le délit de pollution généralisée dont il sera fait état ci-après, cette nouvelle infraction ne peut être caractérisée que lorsque de tels comportements ne créent un risque de dommages graves et susceptibles de durer au moins dix ans. Il en découle que ce nouveau délit ne saurait s’appliquer ni à des risques de naufrage comme celui de l’Erika, ni à des risques d’accidents industriels comme celui de Lubrizol ! 

    Nos propositions ci-après visent à créer un délit général de mise en danger de l’environnement pleinement opérationnel.

    b. Sur le pseudo délit général de pollution (article 68)

    Deuxièmement, le délit général de pollution annoncé par les ministres de la justice et de la transition écologique, a été considérablement amoindri, sectionné en trois délits autonomes spécifiques et non pas généraux : (i) un délit de pollution induit par l’activité d’installations classées selon les articles L. 173-1 et L. 173-2 du code de l’environnement, qui serait introduit à l’article L. 173-3 II ; (ii) un délit de pollution de l’air et des eaux (nouvel article L. 230-1 du Code de l’environnement) et (iii) un délit de pollution des sols (nouvel article L. 230-1 du Code de l’environnement).  

    Alors que le premier délit ne concerne qu’un nombre restreint de cas ainsi que déjà souligné plus haut, le second est limité à la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence et sécurité prévue par la loi ou le règlement (laissant ainsi impunis les actes de négligence et d’imprudence qui structurent la criminalité environnementale), quand le troisième et dernier est limité à l’abandon et au dépôt de déchets (ne couvrant donc pas le rejet de substances polluantes provenant d’autres sources). 

    Les conditions de gravité et de durabilité de dix ans s’imposant également ici, ces trois délits seront tout aussi inopérants que le délit de mise en danger.

    En bref, parler d’un délit “général de pollution” relève d’un abus de langage : car le gouvernement ne propose pas de sanctionner les atteintes au vivant mais uniquement certains actes restreints, et se contente en réalité de proposer des sanctions plus élevées pour certaines atteintes relativement rares et difficiles à caractériser. Face à la criminalité environnementale, le gouvernement ne brandit guère plus qu’un doigt levé. Face à l’enjeu de préservation de la planète, le gouvernement se refuse encore à reconnaître la valeur intrinsèque du vivant et à condamner les atteintes à la nature pour ce qu’elles sont.

    c. Sur le délit d’écocide (article 68)

    Troisièmement, le crime d’écocide, fortement voulu par la Convention Citoyenne, est fortement dévoyé.  D’une part, ce qui aurait dû être un crime parmi les plus graves portant atteinte aux valeurs universelles est ici intégré comme un délit.  D’autre part, ce délit est présenté moins comme une infraction autonome contre les écosystèmes que comme une circonstance aggravante des deux délits spécifiques de pollution de l’air, des eaux et des sols, ainsi que de la nouvelle infraction envisagée par l’art. L. 173-3 Code de l’environnement (nouvel article L. 230-3 du Code de l’environnement). Prétextant répondre à une requête citoyenne, le gouvernement s’écarte ainsi de l’écocide tel qu’il est débattu depuis les années 70.

    Sous l’étiquette d’ « écocide », le projet de loi aggrave d’une part le délit de pollution de l’air et des eaux, lorsque les faits sont commis de manière intentionnelle (et non par violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence et de sécurité prévue par la loi ou par le règlement, et donc de manière non intentionnelle) ; et d’autre part, le projet de loi aggrave le délit de pollution des sols ainsi que les atteintes graves et durables induits par l’exploitation illégale d’une installation soumise à autorisation, lorsque ces faits sont commis « en ayant connaissance du caractère grave et durables des dommages sur la santé, la flore, la faune ou la qualité de l’air, de l’eau ou des sols, susceptibles d’être induits par les faits ». Dans l’un et l’autre cas, la peine de 5 ans d’emprisonnement est portée à dix ans d’emprisonnement ; la peine d’amende est portée d’1 million d’euros à 4,5 millions et peut être augmentée jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction. 

    Outre que l’incohérence de ce système d’infractions, l’absence de clarté des incriminations, ainsi que la non proportionnalité des même peines prévues à la fois pour des infractions intentionnelles et non intentionnelles – déjà soulignées par le Conseil d’État dans l’avis particulièrement sévère rendu sur le projet de loi dans lequel il déclare que “Le projet de loi n’assure donc pas une répression cohérente, graduée et proportionnée des atteintes graves et durables à l’environnement selon l’existence ou non d’une intention » – un tel système d’infraction banalise la notion d’écocide en l’utilisant comme un moyen pour l’aggravation de faits de pollution qui sont déjà incriminés par d’autres infractions « communes ». Il se détache également de l’essentiel : car là aussi, le gouvernement choisit de sanctionner un nombre restreint d’actes plutôt que de réprimer les graves dommages causés à l’environnement en tant que tels.

    Il y a une raison pour laquelle nous demandons l’inscription de l’écocide parmi les crimes les plus graves condamnés par la Cour pénale internationale : il s’agit précisément de leur gravité. Or, des comportements d’une telle gravité ne peuvent figurer que parmi les comportements incriminés (et non pas en tant que délit, donc) et les plus sanctionnés, sans quoi la reconnaissance de l’écocide perd à la fois toute force symbolique, toute capacité de mobilisation de l’opinion et de la communauté internationale, et tout effet dissuasif.

    Notre Affaire à Tous souhaite ici rappeler que le terme d’écocide a un sens, et une histoire. Il vient du grec oikos, « maison », et du latin caedere, “tuer”. Cela signifie littéralement “tuer notre maison commune”, la Terre. Utilisé pour la première fois en 1970 par le biologiste Arthur Galston à l’occasion d’une conférence sur la guerre du Vietnam, le définissant comme “la destruction volontaire et permanente de l’environnement dans lequel les gens peuvent vivre d’une manière de leur choix”, le terme est repris par le Premier Ministre suédois, Olof Palme, lors de la toute première Conférence internationale sur l’environnement à Stockholm, en 1972. Voilà donc 50 ans que la communauté internationale reconnaît l’importance de cette incrimination, sans pour autant l’inscrire dans notre droit. Une dizaine d’Etats, à commencer par le Vietnam et une dizaine de pays de l’ex-URSS souhaitant condamner les essais nucléaire sur leurs territoires, l’inscrivent néanmoins dans leurs codes pénaux pendant les années 90s.

    Diverses propositions de définition et formulation ont par la suite été discutées dans le cadre du travail de la commission juridique des Nations-Unies lors de la rédaction du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale, dans le milieu universitaire, ou encore chez les praticiens du droit ; et discutées au plus haut niveau de l’Etat, notamment en France.

    Plus récemment, la Fondation Stop Ecocide a mis sur pied un panel international d’expert.e.s de très haut niveau afin de proposer une définition du crime d’écocide susceptible d’être inscrite au Statut de Rome en réunissant l’accord des Etats parties à la Cour pénale internationale. Ses conclusions sont attendues pour le premier semestre 2021, et doivent inspirer la rédaction choisie dans les Etats. Soulignant la date rapprochée à laquelle la proposition du groupe d’expert.e.s sera publiée, Notre affaire à tous incite les parlementaires à déposer les amendements que nous suggérons tout en gardant ouverte la possibilité de leur évolution avant la fin de l’examen du projet de loi de sorte à y intégrer les conclusions de ce panel.

    d. Remarques générales

    La manière dont le gouvernement aborde ces nouveaux délits ne nous permet par ailleurs aucunement de voir :

    • Leur lien direct avec le dérèglement climatique, sauf à observer une évolution majeure de la jurisprudence en ce qui concerne la pollution de l’air, à ce jour principalement appréhendée à travers les particules fines ;
    • Emerger une approche écosystémique, le gouvernement préférant préserver une approche segmentée de l’environnement (faune et flore, sols, eaux et air) et des délits distincts, plutôt que la formulation déjà prévue par l’article 1247 du Code civil établissant le préjudice écologique et avec une responsabilité civile pour « une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou au bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». 

    Notre Affaire à Tous regrette qu’au-delà du rejet de la proposition de la Convention citoyenne sur l’écocide, un système lisible, cohérent et proportionné de droit pénal de l’environnement ne soit introduit par ce projet de loi. Notre Affaire À Tous déplore également qu’un véritable débat public n’ait pas émergé autour du droit répressif de l’environnement, alors même que les atteintes au vivant mettent en danger la sûreté de la planète et la capacité de l’humanité à habiter la Terre aussi bien que notre sécurité, y compris définie au sens strict : la criminalité environnementale est la quatrième source de financement des groupes armés et organisations terroristes selon Interpol. 

    Ce droit répressif de l’environnement devrait  consister en un système rationnel organisé autour de trois infractions caractérisées par une différente échelle de gravité : (i) une infraction de mise en danger de l’environnement, (ii) une infraction d’atteinte aux éléments de l’environnement et à l’équilibre des écosystèmes, et finalement (iii) l’écocide comme incrimination réservée aux dommages les plus graves, autrement dit aux désastres et aux catastrophes écologiques. 

    Le droit international, le droit de l’Union européenne ainsi que plusieurs systèmes nationaux vont dans cette direction. Il est temps que le droit français reconnaisse enfin la valeur intrinsèque de la nature et criminalise, à leur juste niveau, les atteintes qui lui sont portées.

    DIGEST

    • Le projet de loi détourne la notion d’écocide et restreint outre toute mesure l’incrimination des atteintes aux éléments de l’environnement. Il ne criminalise pas les atteintes portées à l’équilibre des écosystèmes.
    • Les délits de mise en danger et d’atteinte générale aux éléments de l’environnement, envisagés par le projet de loi, ne concernent qu’un nombre restreint de comportements, ainsi que de dommages ou de risques de dommages révélant un fossé abyssal entre les prétentions du gouvernement et le réel. Ils ne visent en aucun cas la protection de la nature pour son intérêt propre. Ce système de délits environnementaux est par ailleurs voué à être inopérant pour les raisons suivantes : Il vise des catégories restreintes d’auteurs (exploitants d’installations soumises à autorisation, à enregistrement, à agrément, homologation ; opérateurs de déchets).  Il n’est mobilisable qu’en situation d’irrespect des autorisations et arrêtés distribués par les autorités publiques ; niant donc la valeur intrinsèque de la nature.Il n’est applicable qu’en cas d’atteintes susceptibles de durer au moins dix ans, assez rares dans le monde réel et difficilement mesurables.Le délit de pollution de l’air et des eaux est, quant à lui, limité à la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité et ne s’applique pas aux fautes d’imprudence et de négligence, pourtant dominantes dans le domaine. Ils s’écartent du droit international, du droit de l’UE et des réformes adoptées par d’autres pays industrialisés.
    • Il est difficile de qualifier le “délit d’écocide” finalement retenu par le gouvernement, empêtré dans ses négociations internes entre l’écologie et Bercy, tiré d’un côté par la Convention citoyenne et de l’autre par les lobbies et notamment le Medef ; si ce n’est qu’il use à la fois de termes inappropriés et recouvre un mécanisme quasi-inopérant. 

    ALERTE

    En tout état de cause, le terme d’écocide ne saurait être galvaudé ; en reconnaissant le crime d’écocide comme figurant parmi les crimes les plus graves, nous écrivons l’histoire. La proposition du gouvernement, donnant une autre définition et des contours beaucoup plus lâches à l’écocide, risque non seulement d’insulter l’histoire mais aussi de créer un dangereux précédent et ainsi affaiblir le fragile processus de définition dont cette infraction fait l’objet à l’échelle internationale. Le terme d’écocide ne doit pas figurer parmi les termes figurant dans la loi s’il ne revêt pas l’importance qui lui est donnée par la communauté internationale depuis sa première apparition et utilisation en 1970.

    2. Nos propostions

    Nous proposons deux scénarios possibles d’amendements au projet de loi climat et résilience:

    1. Un scénario d’amélioration substantielle du droit pénal de l’environnement pour relever le défi environnemental (scénario 1) ;
    2. Un scénario a minima visant à rendre opérationnelles les propositions du gouvernement, qui ne le sont aucunement à ce stade (scénario 2).

    Nous rappelons à ce titre que la question d’une meilleure réponse pénale aux infractions environnementales et celle de la création de juridictions spécialisées sont soulevées depuis de nombreuses années, et que la “dépénalisation de fait du droit de l’environnement” est une réalité. C’est précisément à ces enjeux que la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée a tenté de répondre sans pour autant aller au bout de l’exercice : c’est la raison d’être des, amendements que nous proposons. Nous rappelons également qu’à l’échelle européenne comme internationale, la répression des atteintes à l’environnement est un enjeu émergent, et la France en perte de vitesse vis-à-vis d’autres pays européens et occidentaux. Néanmoins, ces mesures doivent s’accompagner de moyens financiers et humains suffisants alloués à la justice environnementale, qui demeurent un point primordial afin de garantir l’effectivité des textes. 

    Scénario 1

    Vers un droit pénal de l’environnement général et autonome et l’incrimination de l’écocide

    Dans ce premier scénario, nous proposons:

    • Concernant le délit de mise en danger de l’environnement et le délit général de pollution:

    • un remplacement du critère cumulatif du caractère grave et durable, par un critère alternatif; 
    • la suppression de la définition du caractère durable exigeant une durée d’au moins 10 ans ; 
    • un élargissement de l’élément moral en incluant la négligence et l’imprudence.

    • Concernant l’écocide

    • une suppression du délit d’écocide tel que proposé par le gouvernement ; 
    • une incrimination de l’écocide avec une définition appropriée.  

    Scénario 2

    Amélioration à la marge des propositions du gouvernement afin de rendre les nouvelles incriminations pour le moins opérationnelles 

    Dans ce deuxième scénario, proposé à contre-coeur tant l’enjeu est immense et urgent, nous proposons uniquement :

    • S’agissant du délit de mise en danger de l’environnement et du délit général de pollution :

    • le remplacement du critère cumulatif du caractère grave et durable par un critère alternatif ;
    • la suppression de la définition du caractère durable exigeant une durée d’au moins 10 ans ; 
    • l’élargissement de l’élément moral en incluant la négligence et l’imprudence. 

    • S’agissant de l’écocide: 

    • la suppression du délit d’écocide tel que proposé par le gouvernement ;
    • l’incrimination de l’écocide avec une définition appropriée.    

    Rien ne serait pire que d’avoir mis en place de nouvelles infractions inefficaces, en prétendant avoir fait le nécessaire et en balayant d’un revers de la main les essentielles modifications du régime répressif français en matière d’environnement.

    Suggestions

    Poursuivre le travail sur les limites planétaires avec la création d’une Haute autorité pour les limites planétaires

    Afin de finaliser les recherches sur des outils de mesure et réglementaires relatifs aux limites planétaires, afin également de produire de la connaissance et de l’expertise dans la durée, et de fournir rapports d’évaluation et de recommandations aux pouvoirs publics et aux personnes morales de droit privé, la France doit également créer une Haute Autorité aux limites planétaires, dotée d’un budget suffisant, s’élevant pour les trois premières années à au moins 3 millions d’euros annuels. Cette Haute Autorité peut être créée par décret, préférablement en nouvelle Section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier de la partie réglementaire du code de l’environnement. Nous formulons également une proposition d’amendement législatif.

    En complément, l’article L. 225-102-4.-I du Code de commerce pourrait être utilement modifié de la sorte, afin que le secteur privé ait lui aussi pour responsabilité d’oeuvrer au respect des limites planétaires : « Le plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement et les limites planétaires, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu’elle contrôle au sens du II de l’article L. 233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.”

    ***

    Liens utiles

  • Pour la reconnaissance du crime d’écocide

    Pour la reconnaissance du crime d’écocide

    Nous dessinons peu à peu les contours d’un projet de loi à introduire à l’Assemblée Nationale pour obtenir l’inscription du crime d’écocide dans le Code pénal.

    Cette action fait partie d’une des cinq revendications que Notre Affaire à Tous a adressé au gouvernement. Il poursuit les travaux engagés par le mouvement End Ecocide on Earth et veut les adapter au contexte national français.

    Un écocide c’est quoi ?

    Le terme « écocide » vient du grec oikos, qui signifie « maison » ou « habitat » et du latin occidere, qui veut dire « tuer ». Littéralement, l’ecocide fait donc référence aux atteintes particulièrement nocives portées à la nature. Le terme a été utilisé, pour la première fois, en 1966, afin de qualifier les dégâts causés par l’agent orange utilisé au Vietnam par les États-Unis.

    Le mouvement End Ecocide on Earth a travaillé à la conceptualisation de l’écocide dans le domaine du droit. Il définit l’écocide comme « “un dommage ou une destruction généralisée qui aurait pour conséquence une altération significative et durable des communs planétaires ou des systèmes écologiques de la Terre” – desquels dépend tout être vivant de manière générale et le genre humain en particulier – et conformément aux limites planétaires reconnues ».

    Un mouvement mondial

    De manière générale, l’incrimination de l’écocide constitue un débat ouvertement tenu dans la sphère du droit pénal international. Son émergence accompagne un mouvement plus large qui consiste dans la reconnaissance de divers droits à la nature, et dans le déplacement du droit de l’environnement vers un droit écologique. L’incrimination de l’écocide repose donc sur un changement fondamental de perspective dans le champ juridique : là où le droit de l’environnement cherche à protéger la nature tout en promouvant une vision anthropocentrée de sa protection (l’homme se situe au centre d’un ensemble qui constitue son environnement et qui doit être régulé pour lui et par rapport à lui, à ses besoins et aux usages qu’il compte en faire), le droit écologique propose de concevoir la science juridique comme un instrument permettant de protéger les écosystèmes pour eux-mêmes, et de concevoir l’homme, non plus comme leur coeur, mais comme l’un de leurs nombreux composants.  

    Notre action pour la reconnaissance du crime d’écocide

    Notre Affaire à Tous ne se contente pas de faire appliquer le droit existant mais a pour ambition d’être un moteur dans l’évolution du droit de l’environnement pour la protection du vivant, des communs naturels et du climat. Notre projet répond à la nécessité de faire reconnaître la responsabilité des personnes morales ou individuelles qui portent préjudice à la nature, notamment lorsque ces préjudices ne sont pas (encore) sensibles par les personnes humaines. Il vise, ce faisant, à alourdir les peines pouvant peser sur ces responsables et à leur faire assigner le statut de criminel. Nous espérons que cette loi aura un effet dissuasif et réparateur à la hauteur des enjeux qui entourent la protection de la nature.

    Notre Affaire à Tous agit concrètement pour la reconnaissance de l’écocide. Afin de voir inscrire ce crime dans le Code pénal, nous avons, en partenariat avec Nature Rights et Wild Legal, rédigé une proposition de loi à destination des parlementaires. Puis nous avons apporté des amendements aux propositions de loi apportées par ces parlementaires. Nous avons noué une étroite collaboration avec un groupe parlementaire transpartisan.

    En mai 2019 et en décembre 2019, respectivement au Sénat et à l’Assemblée Nationale, des propositions de loi relatives à l’écocide ont été soumises par des sénateurs et des députés. Elles ont malheureusement toutes les deux été rejetées. Mais Notre Affaire à Tous continue son combat pour qu’une proposition de loi améliorée puisse voir le jour ! 

    Les travaux du groupe de travail

    Défendre les atteintes portées à la nature nécessite de bousculer la vision dominante et anthropocentrée du droit de l’environnement. Pour arriver à nos fins, nos juristes ont, jusqu’à présent, organisé leurs recherches autour de trois axes de réflexion.

    Intégrer le crime d’écocide dans le Code Pénal

    Le crime d’écocide est inexistant dans le Code Pénal français. Le débat politique et social actuel nous incite à envisager le rejet de notre proposition. C’est pourquoi nous nous attachons à décrypter précisément le Code Pénal afin de choisir la place et la formulation la plus adéquate des articles que nous proposerons dans notre loi.

    Nous abordons également trois aspects essentiels du crime d’écocide : sa détermination, la manière dont il pourra être prouvé, et la manière dont il pourra être réparé.

    Les communs et les limites planétaires

    Le crime d’écocide s’articule autour de deux notions qui définissent notre rapport aux ressources naturelles et à la vie sur Terre, ainsi que la résilience des éléments qui constituent l’écosystème Terre face aux atteintes que nous lui portons  : les communs planétaires et les limites planétaires. Notre groupe de travail oeuvre à définir et analyser ces deux conceptions pour déterminer la plus appropriée au contexte français.

    Ces questions, aujourd’hui débattues régulièrement dans la sphère publique, souffrent d’une absence de reconnaissance dans le domaine juridique.

    Quelles réparations exiger ?

    Un dommage est établi, quelle est la réponse juridique adaptée ? Nous étudions et envisageons tous les types de sanctions applicables au crime d’écocide. Au delà du juridique, c’est une question politique et stratégique. Cherchons-nous à appliquer le système punitif pénal au crime d’écocide ou voulons-nous défendre un nouveau type de réparation à travers notre proposition de loi ?

  • Pour la reconnaissance des droits de la Nature

    Pour la reconnaissance des droits de la Nature

    Pour la reconnaissance des droits de la Nature

    Aujourd’hui, la dualité instaurée entre l’Humain et la Nature par différents courants de pensée anthropocentriques se révèle être un obstacle majeur pour pouvoir instaurer l’idée, dans l’imaginaire collectif, de droits de la nature en adoptant une approche écosystémique.

    Par notre droit, nous reconnaissons la personnalité juridique et défendons les intérêts de groupements, collectifs, sociétés formés par les humains quand la Nature reste elle sans voix, démunie et sans réelle défense de ses intérêts.

    <h3>Carte droit de la nature</h3>

    Une carte d’évènements

    Déclaration des Droits du Manoomin, Etats-Unis (2019)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Réserve indienne de White Earth, Minnesota, États-Unis
    Face à la détérioration des cultures du riz sauvage Manoomin par les mines de sulfate, la tribu White Earth a rédigé une Déclaration afin de préserver ces cultures qui sont indispensables dans cette région.
    Pétition citoyenne de la ville de Toledo, lac Erie (2019)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Toledo, Ohio, Etats-Unis
    La ville de Toledo et ses citoyens peuvent intenter une action au nom du lac, tout dommage et intérêt est versé à la Ville et est consacré à la restauration de l’écosystème du lac Erie.
    Charte de Broadview Heights, Etats-Unis (2012)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Broadview Heights, Ohio, Etats-Unis d’Amérique
    Par une ordonnance municipale, la ville de Broadview Heights adopte une charte communautaire des droits (Community Bills of Rights) afin de contrer l’exploitation des ressources pétrolières et gazières.
    Bill of Rights du State College, Pennsylvanie (2011)
    de à
    Planifié
    Carte droit de la nature
    State College, Pennsylvanie, USA
    Le 19 octobre 2011, à State College (Pennsylvanie, USA), a été adoptée, en complément de sa Charte préexistante, une Bill of Rights centrée sur des droits environnementaux.
    Ordonnance d’arrondissement de Forest Hills, Pennsylvanie (2011)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Forest Hills, Pennsylvanie, USA
    Le 19 octobre 2011, à Forest Hills (Pennsylvanie, USA), a été votée une ordonnance municipale interdisant l’extraction de gaz naturel.
    Ordonnance de Pittsburgh, États-Unis (2010)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Pittsburgh, Pennsylvanie, États-Unis
    Face aux contestations des citoyen·nes quant à la pratique du fracking pour exploiter le gaz de schiste, le Conseil municipal de Pittsburgh (Pennsylvanie, USA) a adopté une ordonnance codifiant les droits de la Nature. L’ordonnance reconnaît ainsi aux communautés naturelles et aux écosystèmes le droit inaliénable d’exister et de prospérer. Afin de garantir le respect de ces droits, l’ensemble des habitants de Pittsburgh dispose de la qualité à agir pour au nom des entités naturelles protégées par l’ordonnance. On notera que l’Etat de Pennsylvanie a tenté de contourner cette ordonnance par une loi qui a elle-même été déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême.
    Ordonnance de West Homestead, Etats-Unis (2011)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    West Homestead, Pennsylvanie, États-Unis
    Afin de lutter contre les pratiques d’extraction de gaz naturel, cette ordonnance reconnaît aux milieux naturels ainsi qu’aux écosystèmes le droit inaliénable d’exister et de prospérer, ainsi que le droit à un avenir énergétique durable. La qualité à agir est conférée aux résidents et à la municipalité.
    Ordonnance d’arrondissement de Baldwin (2011)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Baldwin, Pennsylvanie, Etats Unis
    En 2011, dans la lignée des initiatives locales visant à contrôler l’industrie extractive, le conseil d’arrondissement de Baldwin, en Pennsylvanie, a adopté une ordonnance municipale accordant des droits aux communautés et écosystèmes naturels. Cette Community Bill of Rights interdit l’extraction commerciale du gaz naturel. L’extraction de gaz naturel ayant pour finalité un objectif commercial viole les droits des résidents et pose une menace importante pour leur santé, leur sécurité et leur bien-être. Elle est prise dans le contexte de la Constitution de Pennsylvanie qui dispose d’un « amendement aux droits environnementaux » qui affirme le droit des citoyens à un environnement sain. 
    Décision de la Cour Suprême de Justice pour l’Amazonie, Colombie (2018)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Palacio de Justicia Alfonso Reyes Echandia, Bogotá, Colombie
    Face à l’augmentation de 44% de la déforestation entre 2015 et 2016 dans la région de Bogota, la Cour Suprême de la Colombie a été saisie pour mettre en cause la responsabilité des décideurs publics dont le Président de la République de Colombie.
    Reconnaissance de l’Amazonie colombienne comme sujet de droits (2018)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Bogotá, Colombie
    Assistés par l’ONG De Justicia, 25 jeunes colombiens intentent une action de tutelle afin de faire valoir la protection de leurs droits constitutionnels face à l’inaction des autorités publiques. En effet, malgré les engagements pris (tant internationaux que nationaux) par le gouvernement colombien en matière de lutte contre la déforestation, celle-ci ne cesse d’augmenter.
    Climate Bill of Rights and Protections de Lafayette, Etats-Unis (2017)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Lafayette, Colorado, Etats-Unis
    La conseillère municipale de Lafayette fait adopter une ordonnance reconnaissant le droit à un climat sain et interdit de fait les extractions d’énergies fossiles.
    Résolution de Crestone, Etats-Unis (2018)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Crestone, Colorado, Etats-Unis
    La ville de Crestone a invité Earth Law Center (ELC) lors d’un événement visant à réfléchir et à développer les droits de la nature.
    Inde – Jugement de la Haute Cour de Uttarakhand (2018)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Uttarakhand, Inde
    Face à la maltraitance des chevaux induite par le système du commerce de marchandises en charrettes entre le Népal et l’Inde, la Cour de Uttarakhand a été saisie à la suite d’ une pétition de Narayan Dutt Bhatt
    Charte du comté d’Orange, Etats-Unis (2020)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Comté d'Orange, Floride, Etats-Unis
    Pour la première fois en Floride, les droits de la Nature sont reconnus grâce à la commission de révision de la charte du comté d’Orange (CRC) qui décide de reconnaître à toutes les étendues d’eaux du comté.
    Décision de la Haute Cour du Bangladesh, rivière Turag (2019)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Rivière Turag, Bangladesh
    Après un grand débat national sur la protection des rivières, la Haute Cour du Bangladesh a déclaré que la rivière Turag et les autres rivières du pays sont des entités vivantes ayant la personnalité juridique et pouvant faire valoir leurs droits. Plusieurs directives sont publiées dans l’objectif de protéger les rivières de la pollution et de l’empiètement sur les rives. Les sanctions prévues en cas de non-respect de ces directives sont sévères. La Commission Nationale de Conservation des Rivières est désignée gardienne des rivières du Bangladesh.
    Loi du Parlement néo-zélandais, Fleuve Whanganui (2017)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Fleuve Whanganui
    La loi du 20 mars 2017 accorde une personnalité juridique au fleuve Whanganui, reconnaissant aux tribus maoris leur connexion spirituelle avec ce fleuve. Les tribus agissent comme son gardien et sont autorisées à défendre ses intérêts et ses droits devant la justice.
    Moratoire sur l’exploration et l’exploitation du pétrole dans la zone maritime du Belize (2017)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Belmopan, Belize
    La barrière de corail du Belize est menacée par la prolifération d’activités pétrolières, et ce en dépit de l’inscription du récif dans la Liste du patrimoine mondial en péril de l’UNESCO.
    Extension de l’Habeas corpus aux animaux (2017)
    de à
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Barranquilla, Colombie
    Après avoir passé plus de 20 ans en semi-liberté dans la réserve naturelle Rio Blanco, l’ours Chucho a été transféré dans le zoo de Barranquilla où il était maintenu en captivité permanente. Suite à un premier rejet de sa demande d’Habeas corpus, liberté fondamentale accordée à un Humain en vertu de laquelle nul ne peut être détenu arbitrairement, un avocat a porté sa requête devant la Cour suprême en 2017. Le juge reconnaît l’ours Chucho comme sujet de droits, en lui accordant l’Habeas corpus. En conséquence, il ordonne son transfert en semi-liberté dans une zone plus adaptée à ses conditions de vie. Néanmoins, cette décision a été cassée par la Cour Constitutionnelle de Colombie en 2019, refusant ainsi d’accorder une protection spéciale telle qu’un habeas corpus ou une action en tutelle à cet ours, comme elle l’avait pourtant fait auparavant pour des cours d’eau (Rio Cauca, Magdalena, entre autres).
    Décret du gouverneur de Nariño (2019)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Pasto, Nariño, Colombie
    Le département de Nariño est un des départements de Colombie qui possède la plus grande réserve de biodiversité du pays. Toutefois, il est aussi classé dans les 10 départements les plus déforestés de la région
    Décision de la Cour Constitutionnelle d’Equateur, forêt Los Cedros (2019)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Forêt Los Cedros, Equateur
    La réserve naturelle biologique Los Cedros est menacée depuis qu’un décret présidentiel permet aux industriels d’installer des concessions minières sur le territoire. Le gouvernement de Cotacachi dépose un recours auprès de la Cour Constitutionnelle afin de mettre fin à l’exploration minière par la société ENAMI. Le juge reconnaît la violation du droit à la consultation environnementale, en effet les communautés vivant sur le territoire auraient dû être préalablement consultées. Le Ministère de l’Environnement et de l’Eau reconnaît son devoir de respecter et de protéger les droits de l’environnement et de la nature. L’acte administratif attaqué est donc annulé. ENAMI a fait appel de la décision auprès de la Cour constitutionnelle. La décision du tribunal reste donc encore en suspens et la société minière continue d’opérer dans la zone.
    Amendement du Parlement Ougandais du National Environment Act (2019)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Kampala, Ouganda
    En 1995, l’Ouganda avait adopté le National Environment Act qui définissait un cadre en matière de protection de l’environnement pour le pays.
    Ordonnance municipale de Yellow Springs, Ohio (2012)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Yellow Springs, Ohio, USA
    Le 10 janvier 2012, la ville de Yellow Springs (Ohio, USA) a voté une ordonnance municipale accordant des droits aux communautés et écosystèmes naturels par l’adoption d’une Community Bills of Rights.
    Ordonnance municipale de Tamaqua Borough (2006)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Tamaqua, Pennsylvanie, Etats Unis
    Dans les années 1990 deux garçons sont décédés des suites d’une infection au staphylocoque. Ces staphylocoques sont des composants des boues d’épuration épandues sur le territoire. La municipalité de Tamaqua, par son pouvoir de légiférer sur la santé et le bien être de ses habitants, prend la décision d’interdire l’épandage des boues d’épuration par les entreprises. Aux Etats Unis c’est la première ville à interdire le déversement des déchets par les sociétés. Une centaine d’autres municipalités de la région vont suivre cet exemple en promulguant des ordonnances locales similaires qui donnent une personnalité juridique à la Nature.
    Loi du Parlement Néo-Zélandais, Te Urewera (2014)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Te Urewera, Ile du Nord, Nouvelle-Zélande
    Le parc national de Te Urewera est situé sur l’île du Nord de la Nouvelle-Zélande. Ce parc est un énorme réservoir de biodiversité et possède un très fort taux d’endémisme.
    Loi du Parlement de l’État de Victoria, Fleuve Yarra (2017)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Yarra River, Australie
    Le parlement de l’État de Victoria adopte le Yarra River Protection (Wilip-gin Birrarung murron) Act, qui reconnaît au fleuve Yarra le statut d’entité naturelle. Grâce à ça, est adopté un plan stratégique de gestion et de développement du fleuve sur le long-terme.
    Propositions de loi visant à faire reconnaître les droits de la Nature (2015 et 2017)
    de à
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Buenos Aires, Argentine
    Un sénateur argentin a déposé un projet de loi, à deux reprises (2015 et 2017), visant à faire reconnaître les droits de la Nature dans le pays. Bien que cela n’ait pas abouti, c’est la première fois en Argentine qu’une proposition de loi exprime clairement la volonté de faire évoluer la législation de l’anthropocentrisme vers l’écocentrisme.
    Acte local de Santa Fe (2018)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Santa Fe, Argentine
    L’association civile de Santa Fe a présenté au Conseil municipal de la ville de Santa Fe un projet de modification de l’Ordonnance 11.462 visant à interdire le glyphosate.
    Amendement de la loi organique, Florianópolis (2019)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Florianópolis, Brésil
    La commune de Florianópolis, déjà très avancée quant à la promotion du Buen Vivir, souhaite reconnaître la Nature comme sujet de droit avec une vision systémique qui contribue à la construction d’un habitat commun à tous les êtres. Bien que la sémantique de cet amendement demeure quelque peu anthropocentrée (“ressources naturelles”, “usage commun”) et qu’il soit trop peu précis quant aux types de droits octroyés à la Nature, leur valeur et la manière dont ils peuvent être invoqués, ce texte constitue une réelle avancée dans le mouvement des droits de la Nature au Brésil. Tous les acteurs de terrain (Etat, législatif, judiciaire, Union, municipalités, société civile) sont impliqués pour préserver, récupérer, restaurer et amplifier les processus écosystémiques naturels ; afin de proportionner la résilience socio-écologique des environnements urbains et ruraux. Cet amendement à la loi organique a été retenu et intégré à la loi organique en novembre 2019.
    Code de l’environnement de la Nouvelle-Calédonie, Province des Îles Loyauté (2016)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Wé, Lifou, Nouvelle-Calédonie
    La Nouvelle-Calédonie, forte de son statut particulier, a eu l’opportunité de développer son code de l’environnement.
    Adoption d’une Constitution tournée vers une approche écocentrée (2009)
    de à
    Planifié
    Carte droit de la nature
    La Paz, Bolivie
    La Constitution adoptée en 2009, après vote du peuple bolivien, ne reconnaît pas explicitement des droits à la Nature, mais elle insiste sur l’interdépendance entre la Nature et les êtres humains. Elle reconnaît à ces derniers le droit à un environnement sain, y compris pour les générations futures, et fait largement référence à la notion  de « Pachamama » comme notion centrale. Enfin, la Constitution consacre le droit des boliviennes et boliviens à agir en justice pour protéger le droit à un environnement sain. Ce sont par la suite les lois du 21 décembre 2010 (n°071) et du 15 octobre 2012 (n°300) qui confèrent expressément des droits à la Nature. 
    Loi sur les droits de la Terre Mère
    de à
    Reprogrammé
    Carte droit de la nature
    Bolivie
    Entité concernée : La Nature dans son ensemble Pays : Bolivie Nature de l’acte : Loi organique Date : 21 décembre 2010 Faits : Suite à la reconnaissance par la Constitution de l’État bolivien du concept de Pachamama Procédure : Adoption par l’assemblée législative plurinationale le 7 décembre 2010 Arguments du requérant : N/A Arguments du juge : N/A Décision/résultat : Texte composé de 10 articles répartis dans 4 chapitres. La Terre Mère est définie comme un système vivant dynamique comprenant une communauté indivisible de tous les systèmes de vie et êtres vivants, interreliés, interdépendants et complémentaires, qui partagent un destin commun. La Terre Mère est considérée sacrée selon les peuples indigènes (article 3). La Terre Mère et tous ses composants, dont l’être humain, dispose d’un statut légal d’intérêt général (“sujeto colectivo de interés público”) et de droits propres. Il est précisé que les droits reconnus par cette loi ne sont pas exclusifs d’autres droits de la Terre Mère (article 5). Toutes les boliviennes et les boliviens peuvent exercer les droits de la Terre Mère. L’exercice des droits individuels est limité par l’exercice des droits collectifs des systèmes de vie de la Terre Mère. En cas de conflit entre ces droits, celui ci devra être résolu de façon à ne pas affecter de manière irréversible les fonctions des systèmes de vie (article 6). Reconnaissance de sept droits la Terre Mère : droit à la vie, à la diversité biologique, à de l’eau, à un air pur, à l’équilibre, à la restauration de son système vivant, et à ne pas subir de pollution (article 7). Des devoirs et des obligations incombent à l’État pour assurer le respect de ces droits tels que : le développement de politiques publiques, d’actions de prévention et de protection à l’égard des citoyens comme des entreprises afin de respecter les processus et cycles qui assurent la vie, et assurer la durabilité des énergies. Incombent également des obligations de participer à l’échelle internationale à la reconnaissance d’une dette environnementale et la promotion de l’élimination des armes chimiques, nucléaires ou d’autres susceptibles de causer des massacres de masse (article 8). Création d’un Défenseur de la Terre Mère chargé de la protection et de la mise en œuvre de ces droits (article 10). Commentaires : On note une prévalence des droits collectifs sur les droits individuels. Les systèmes de vie bénéficient ainsi d’une protection de leurs fonctions. Le Défenseur de la Terre Mère, prévu à l’article 10 de la loi, n’a toujours pas été institué à date, mais une proposition de loi précisant les modalités d’existence est en cours de rédaction. Sources : Acte en espagnol : https://bolivia.infoleyes.com/norma/2689/ley-de-derechos-de-la-madre-tierra-071 et en anglais : http://www.worldfuturefund.org/Projects/Indicators/motherearthbolivia.htmlPresse : https://www.wired.com/2011/04/legal-rights-nature-bolivia/ Sur la création du Défenseur de la Terre Mère (en espagnol) : https://www.sinfronteras.com.bo/proyectan-defensoria-de-la-madre-tierra-que-emitira-censuras-publicas-y-resoluciones/
    Loi sur les droits de la Terre Mère (2010)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    La Paz, Bolivie
    Suite à la reconnaissance par la Constitution de l’État bolivien du concept de Pachamama (la Terre Mère), l’Assemblée législative plurinationale a adopté la loi sur les droits de la Terre Mère en 2010. Cette loi organique est fondamentale en ce qu’elle définit le concept de Pachamama comme suit : “un système vivant dynamique comprenant une communauté indivisible de tous les systèmes de vie et êtres vivants, interreliés, interdépendants et complémentaires, qui partagent un destin commun” (article 3). Surtout, à travers cette loi, se dégage l’idée d’une prévalence des droits collectifs sur les droits individuels. La Pachamama dispose d’un statut légal (“sujet collectif d’intérêt public”), lequel lui attribue des droits que l’Etat bolivien se doit de respecter. C’est dans cet objectif que l’article 10 propose de créer un Défenseur de la Terre-Mère, chargé de la protection et de la mise œuvre de ces droits.
    Loi Cadre de la Terre Mère et du développement intégral pour le Bien Vivre (2012)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    La Paz, Bolivie
    Cette loi, adoptée par l’assemblée législative plurinationale de Bolivie en 2012, vient préciser et mettre en œuvre les principes et droits contenus dans la loi organique sur les droits de la Terre Mère de 2010.
    Décision en faveur des droits des animaux (2019)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Brasilia, Brésil
    L’Institut Brésilien de l’Environnement et des Ressources Naturelles Renouvelables (IBAMA) a entamé une procédure pour que la garde illégale, en captivité, d’un perroquet Vert dont l’espèce est protégée soit retirée.
    Résolution du Conseil de la Tribu Yurok, rivière Klamath (2019)
    Planifié
    Carte droit de la nature
    Rivière Klamath
    Face à la dégradation de l’état de la rivière Klamath à cause de l’agriculture intensive, et à la disparition progressive des saumons, ressource primordiale pour la tribu Yurok, une déclaration des droits de la rivière a été adoptée.. La déclaration octroie à la rivière une personnalité juridique, ce qui lui confère des droits fondamentaux (droit à la vie, droit de s’épanouir et de se développer naturellement, etc.). Elle reconnaît également la capacité à agir en justice en son nom. Cependant, sans ordonnance, cette résolution n’a pas valeur contraignante.

    Des droits déjà reconnus dans plusieurs pays

    Pourtant, de nombreux Etats ont passé le cap : en Amérique Latine (avec le concept de Pachamama – la Terre Mère), aux Etats-Unis (avec le Lac Erié entre autres), en Inde (avec le Gange) et en Nouvelle-Zélande (illustration la plus frappante avec le fleuve Whanganui), pour ne citer qu’eux. Tous ces pays ont déjà reconnu, que ce soit au niveau local, national ou même dans leur Constitution, des droits pour la Nature. 

    Les actions de Notre Affaire à Tous

    Le groupe Droits de la Nature de Notre Affaire à Tous s’est pleinement emparé de la problématique et travaille activement à la valorisation de cette pensée. Reconnaître des droits à la nature, c’est admettre et protéger le droit de tous les écosystèmes “à exister, se développer et évoluer”. Il ne s’agit pas d’ôter aux humains leurs droits, mais d’affirmer l’inextricable lien entre la société humaine et la Nature. Ainsi, les humains disposent même de nouveaux outils pour protéger la Nature.

    En ce sens, le groupe de travail s’attache à recenser, documenter, étudier les différents cas et dispositifs de droits à la Nature existants à travers le monde pour apporter son expertise, diffuser et faire évoluer les consciences et les textes vers un droit positif moins utilitariste du naturel, un paradigme juridique moins anthropocentré.

    Un mouvement mondial

    Notre Affaire à Tous est également membre de la  Global Alliance for the Right of Nature (GARN) et participe avec d’autres associations à la mise en place d’un tribunal européen “droits de la Nature” dans le cadre du hub européen de la GARN. Cette démarche s’inscrit dans une campagne menée sur les droits des écosystèmes aquatiques au niveaux local, national et européen.

    Conscient du long chemin emprunté, nous faisons nôtre la pensée de l’auteur du texte “Pensée comme une Montagne”, écologiste pionnier, Aldo Léopold : “La protection environnementale est un état harmonieux entre les Hommes et la Terre”.

    Initiation aux droits de la nature

    Dans ce webinaire, Samy Hamel, Valérie Cabanes et Nina Salaün de Notre Affaire à Tous vous proposent une formation juridique autour des droits de la nature. L’octroi de la personnalité juridique à des entités vivantes est une voie particulièrement prometteuse pour garantir une protection accrue de la Nature et affirmer l’inextricable lien entre la société humaine et la Nature.

  • Des droits pour les écosystèmes aquatiques

    Des droits pour les écosystèmes aquatiques

    Des droits pour les écosystèmes aquatiques d’Europe !

    En juillet 2018, l’Agence européenne pour l’environnement a dressé le bilan inquiétant de la qualité des eaux dans l’Union européenne : seules 40 % des eaux superficielles sont en “bon état écologique”. Les écosystèmes aquatiques d’Europe sont sévèrement impactés par les activités humaines : infrastructures, pollutions, surexploitation, changement climatique…. Les efforts actuels ne permettent pas de protéger réellement ces écosystèmes clés pour l’équilibre de notre planète et son habitabilité.

    C’est pourquoi le Hub Europe de l’Alliance globale pour les droits de la Nature (GARN), dont Notre Affaire à Tous fait partie, lance une campagne pour les droits des écosystèmes aquatiques en Europe. Nous demandons que l’Union européenne réalise l’urgence de la situation et réforme ses textes afin de rehausser l’ambition de protection des écosystèmes aquatiques. Nous demandons pour cela que l’UE reconnaisse les droits de ces écosystèmes et inscrive les limites planétaires comme principe directeur contraignant du droit de l’UE.

    Le Tribunal pour les droits des écosystèmes en Europe

    Dans le cadre de cette campagne, le Hub Europe organise également le Tribunal pour les droits des écosystèmes aquatiques d’Europe. Ce Tribunal aura lieu en janvier 2021, à l’occasion du Congrès mondial de l’UICN à Marseille.

    Cinq cas portant sur des atteintes bien réelles et concrètes à des écosystèmes aquatiques (la Mer de Glace en France, le lac Vättern en Suède, l’orpaillage en Guyane Française, les rivières des Balkans et les boues rouges à Marseille) seront présentés par une équipe alliant un·e scientifique, une partie lésée et un·e avocat·e. Un panel de juges experts internationaux dans la jurisprudence de la Terre entendra les plaidoiries et délivrera un verdict sur chaque cas.


    L’objectif du Tribunal est de montrer l’effectivité juridique des droits reconnus à la Nature, droits d’exister, d’être préservé et de se régénérer. En s’appuyant sur des dispositions légales existantes, le Tribunal permettra d’en proposer une nouvelle interprétation, une interprétation éco-centrée (et non anthropocentrée) dans l’esprit des droits de la Nature.

    Lors du Tribunal, Notre Affaire à Tous présentera le cas de la Mer de Glace, le plus grand glaciers français, situé dans le massif du Mont-Blanc. L’existence du glacier est menacée par le dérèglement climatique. Au rythme actuel, la Mer de Glace aura perdu 90 % de son volume à la fin du siècle. Son droit d’exister est donc directement atteint, et au-delà les répercussions de cette fonte sont nombreuses et graves (impacts sur le cycle de l’eau, montée des eaux, atteinte aux écosystèmes à l’aval jusqu’à la mer…). Or, une grande majorité du volume du glacier peut encore être conservé à condition de respecter les objectifs de l’Accord de Paris.

    L’Alliance globale pour les droits de la Nature

    Notre Affaire à Tous est fière de faire partie de la Global Alliance for the Rights of Nature (GARN), qui regroupe dans 100 pays les organisations qui œuvrent pour la reconnaissance des droits de la Nature et l’application de la Déclaration Universelle des Droits de la Terre Mère.
    Le Hub Europe de la GARN, dont Notre Affaire à Tous est membre, est un relai du réseau global en Europe.

    Nos partenaires

  • CP / Ecocide : le gouvernement pense-t-il réellement répondre aux attentes de la Convention citoyenne avec la création d’un délit d’écocide ?

    Dimanche 22 novembre 2020

    Alors qu’une réunion de conclusion du groupe de travail écocide doit intervenir demain entre la Convention citoyenne et les ministères de la Justice et de la Transition écologique, le gouvernement vient d’annoncer dans le Journal du dimanche la création d’un délit d’écocide.

    Le groupe écocide de la Convention Citoyenne, appuyé par Notre Affaire à Tous, Wild Legal et d’autres professionnels du droit, vise à retravailler la proposition de loi sur la reconnaissance du crime d’écocide publiée en juin dernier par la Convention citoyenne. L’objectif est de proposer une nouvelle définition du crime d’écocide pour répondre aux critiques formulées par le gouvernement sur l’imprécision et le manque de clarté de la loi pénale.
     
    En attendant la réunion de conclusion de ce groupe de travail qui doit avoir lieu demain avec les ministres Eric Dupond-Moretti et Barbara Pompili, ces derniers viennent tout juste d’annoncer, sans attendre cette rencontre, la création d’un délit d’écocide devant être intégré dans le projet de loi Parquet européen. “Nous répondons à l’interpellation des citoyens sur le crime d’écocide” se félicitent-ils. Or leur proposition est loin de respecter l’esprit du texte proposé par la Convention citoyenne.
     
    Le crime d’écocide ainsi que les limites planétaires, deux éléments pourtant fondamentaux soutenus par la Convention citoyenne, sont ainsi définitivement enterrés au profit d’un délit général d’atteinte aux eaux, aux sols et à l’air qui semblait déjà en cours de discussion au sein du gouvernement et qui ne répond pas, en tout cas pas pleinement, aux propositions citoyennes ni au défi environnemental et climatique.
     
    Les ministres se contentent donc de reprendre le terme d’”écocide” et de l’apposer sur un texte pour prétendre satisfaire aux exigences des citoyens, un bel exercice de communication auquel le gouvernement est habitué.

    Pour Marie Toussaint, de Notre Affaire à Tous: “Les ministres se saisissent enfin de l’enjeu crucial de la répression pénale des atteintes à l’environnement. Parmi les propositions formulées dans le JDD nous ne trouvons toutefois trace ni d’une approche écocentrée, ni de la condamnation des atteintes autonomes à l’environnement, c’est-à-dire sans qu’elles ne soient rattachées à la violation d’une règle en vigueur. Nous serons d’une extrême vigilance. La notion d’écocide ne doit pas être vidée de son contenu si l’on veut qu’elle protège correctement l’environnement et vienne sanctionner les crimes aujourd’hui commis en toute impunité”

    Pour Marine Yzquierdo, coordinatrice plaidoyer de Notre Affaire à Tous : Ce délit général de pollution est sans rapport avec le crime d’écocide, censé punir les atteintes les plus graves à l’environnement en intégrant une approche écosystémique en référence aux limites planétaires. Ce délit devrait s’ajouter au crime d’écocide et non le remplacer. Reste une avancée intéressante avec la création d’un délit de mise en danger de l’environnement, mais le critère de “violation délibérée” est à discuter car s’il faut en plus que cela soit “manifeste”, cela posera une condition supplémentaire et donc limitera le champ de la répression »

    Il convient donc de connaître les amendements exacts au projet de loi Parquet européen qui seront proposés par le gouvernement.

    Valérie Cabanes, présidente d’honneur de Notre Affaire à Tous, ajoute : “Je suis très déçue concernant l’annonce du gouvernement français concernant la reconnaissance du crime d’écocide ce matin, avec fracas dans le JDD. Ce crime contre la sûreté de la planète dont la reconnaissance a été demandée par les citoyens de la Convention citoyenne pour le Climat en écho à la campagne menée par la Fondation Stop Ecocide a été relégué au rang de délit environnemental. Utiliser le terme d’écocide en le vidant de sa substance est un mauvais tour fait aux citoyens, en donnant l’illusion qu’ils ont obtenu ce qu’ils souhaitaient.”

    Un décryptage des mesures proposées par le gouvernement sera effectué après la réunion de conclusion avec les ministres, prévue demain midi.

    Contacts presse :

    • Marine Yzquierdo : marine.yzquierdo@notreaffaireatous.com – 06.50.27.05.78
    • Marie Toussaint : marie@notreaffaireatous.org – 06.42.00.88.68
  • Un Parlement pour la Loire ?

    Un Parlement pour la Loire ?

    Animé par le juriste et écrivain Camille de Toledo et porté par le POLAU (Pôle Arts et Urbanisme, conventionné par le Ministère de la Culture et la région Centre-Val de Loire), le Parlement de Loire est unique en France. Il s’agit de la première initiative visant à créer un parlement pour une entité non-humaine, la Loire. La réflexion sur la création de ce parlement se déroule au travers d’auditions de différents professionnels  et d’usagers de la Loire.

    L’accompagnement juridique de Notre Affaire à Tous

    Dans le cadre de la collaboration avec Camille de Toledo sur la rédaction du livre des auditions du Parlement de Loire, Notre Affaire à Tous s’est occupée de l’insertion de notes de bas de page pour développer et soutenir chaque idée développée par les personnes auditionnées et faisant référence à des décisions, des articles, des lois, etc. Déjà 80 pages (correspondant aux 2 premières auditions retranscrites) ont ainsi été revues par Notre Affaire à Tous afin de permettre de faire un ouvrage critique et solide juridiquement sur le sujet.

    Valérie Cabanes, présidente d’honneur de Notre Affaire à Tous, a apporté son point de vue de juriste internationale et spécialiste des droits de la Nature lors des auditions du Parlement de Loire le 17 octobre 2020,. prochain. Valérie Cabanes, accompagnée de membres de Notre Affaire à Tous, a également pu échanger avec les organisateurs de Parlement de Loire lors d’un « dîner de réflexion”. Des bénévoles de Notre Affaire à Tous sont également intervenus à l’audition du 5 décembre 2020 (qui a eu lieu en ligne) pour échanger, avec d’autres intervenants, sur les moyens et modalités de représentation de la Loire.

  • CP / Convention Citoyenne pour le Climat : réponses aux critiques sur l’écocide, la modification de la Constitution et le passage en référendum

    Communiqué de presse 

    Jeudi 9 juillet 2020 

    La Convention Citoyenne a voté le 21 juin dernier 150 propositions qu’elle a rendues publiques pour accélérer la lutte contre le réchauffement climatique, et certaines ouvrent la voie vers un véritable changement de paradigme. C’est notamment le cas des propositions de reconnaissance du crime d’écocide et de modification de la Constitution. Ces deux propositions font cependant l’objet de vives critiques. Face à ces réactions, Notre Affaire à Tous publie, ce jeudi 9 juillet, un argumentaire juridique pour défendre ces propositions et rappeler pourquoi elles sont nécessaires. Notre Affaire à Tous en appelle aussi à la responsabilité du gouvernement afin de faire avancer communément l’amélioration et l’adoption de ces textes sans pour autant en dénaturer l’esprit.

     “Imprécision”, “difficulté à prouver l’élément intentionnel du crime d’écocide”, “risque de populisme pénal”, “risque de redondance avec la Charte de l’environnement”, “risque de placer l’environnement au-dessus des autres valeurs”…  autant de critiques que Notre Affaire à Tous estime en grande partie injustifiées. Si ces critiques  ont au moins le mérite de nourrir le débat et de mettre en lumière des mesures emblématiques, elles demeurent néanmoins contestables juridiquement, parfois contre-productives et quelquefois davantage liées à un enjeu politique que juridique. 

    Cependant, les juristes de Notre Affaire à Tous n’en sont pas totalement insensibles et reconnaissent la nécessité d’élaborer les dispositifs les plus clairs et efficaces possible afin de réellement renforcer la protection de la nature et du vivant. Notre Affaire à Tous est décidée à faire adopter ces textes sans en dénaturer leur portée!

    Concernant l’intégration de l’écocide dans notre code pénal ainsi que la reconnaissance des limites planétaires, si la France agit et adopte une telle législation, un précédent absolument pionnier sera posé en matière de protection de la nature. A l’image de l’abolition de l’esclavage et de la reconnaissance des droits humains, Notre Affaire à Tous considère qu’il est temps d’intégrer ces nouvelles valeurs fondamentales communes dans notre droit positif. L’expérience de la Convention citoyenne pour le climat l’a démontré : les citoyens français sont prêts à voter en faveur de l’incrimination de l’écocide afin de mettre hors la loi les comportements destructeurs de notre environnement. 

    Ensuite, modifier l’article 1er de la Constitution tel que la Convention citoyenne le propose permettrait d’inscrire l’obligation d’agir pour la préservation de la biodiversité et la lutte contre les changements climatiques aux côtés des principes fondateurs de la République. Le choix des mots est important, et comme le Conseil d’Etat l’a indiqué dans un précédent avis du 29 mai 2019, lorsque le gouvernement avait encore pour intention de modifier lui-même cet article : “l’affirmation d’un principe d’action imposerait une obligation d’agir à l’Etat, au niveau national ou international, comme aux pouvoirs publics territoriaux. Il serait susceptible d’avoir des conséquences très lourdes et en partie imprévisibles sur leur responsabilité, notamment en cas d’inaction.” Au regard de la crise environnementale, nier la nécessité d’introduire une véritable obligation d’agir nous apparaît scandaleuse. L’Etat n’a d’autre choix que de répondre avec force et vigueur contre la destruction de notre maison commune. 

    Pour Marie Toussaint, de Notre Affaire à Tous : “ Il est urgent de discipliner les dirigeants économiques qui portent atteinte gravement à la nature et à la sûreté de la Terre en choisissant le profit à la vie. Telle est l’intention originelle de Notre affaire à tous lorsque nous avons rédigé cette première proposition de loi sur la reconnaissance de l’écocide et des limites planétaires au sein du droit pénal et du dispositif relatif au devoir de vigilance des sociétés mères et donneuses d’ordre”.

    Pour Marine Yzquierdo, qui s’occupe du plaidoyer concernant la modification de la Constitution au sein de Notre Affaire à Tous, “même si le dialogue intervenu le 29 juin dernier entre les 150 citoyen.ne.s et le président de la République est positif, il reste à s’assurer que de telles mesures aboutiront et ne seront pas vidées de leur substance lors de leur reformulation par le comité légistique. Notre Affaire à Tous continuera à soutenir les 150 citoyen.ne.s et à se mobiliser durant les prochaines étapes pour l’adoption de ces mesures emblématiques”, annonce 

    Notre Affaire à Tous publie donc, ce jeudi 9 juillet, un document de 13 pages répondant aux principales critiques contre l’écocide, la modification de la Constitution et le passage en référendum (liste non exhaustive). 

    Contacts presse :  


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  • Décryptage Convention Citoyenne pour le Climat  Exemplaire

    Décryptage Convention Citoyenne pour le Climat Exemplaire

    Article co-écrit par Paul MOUGEOLLE et Marine YZQUIERDO, membres de Notre Affaire à Tous, avec la collaboration de Marie TOUSSAINT et Valérie CABANES, co-fondatrices de l’association.

    La Convention Citoyenne pour le Climat est un exemple de démocratie participative inédit et certaines des mesures proposées ouvrent la voie vers une révolution juridique. Certaines de ces propositions telles que la reconnaissance du crime d’écocide et la modification de l’article 1er de la Constitution font pourtant l’objet de vives critiques. La proposition de soumettre ces deux mesures à référendum engendre également une levée de boucliers.

    Notre Affaire à Tous (NAAT), qui est à l’origine de ces deux propositions (aux côtés de Wild Legal pour l’écocide, et de la FNH au départ puis de Climates, le REFEDD et WARN en ce qui concerne la modification de l’article 1er de la Constitution), souhaite répondre à ces différentes critiques. Si elles ont au moins le mérite de nourrir le débat et de mettre en lumière des mesures emblématiques, ces critiques demeurent néanmoins contestables juridiquement, parfois contre-productives et quelquefois davantage liées à un enjeu politique que juridique. 

    Notre Affaire à Tous souhaite rappeler que l’objectif de ces propositions vise simplement à renforcer la protection de l’environnement, de la nature et du vivant, au-delà de tout débat idéologique.

    Si la France agit et adopte une législation efficace en matière d’écocide, un précédent important et absolument pionnier sera posé en matière de protection de la nature. A l’image de l’abolition de l’esclavage, il est temps de prendre nos responsabilités et d’intégrer nos nouvelles valeurs fondamentales communes dans notre droit pénal. L’expérience de la Convention Citoyenne pour le Climat l’a démontré : les citoyens français sont prêts à voter en faveur de l’incrimination de l’écocide afin de mettre hors la loi les comportements destructeurs de notre environnement. Montrons l’exemple à l’échelle de la France afin que l’humanité toute entière nous suive et protège la Terre et ses limites planétaires!

    A la suite des échanges intervenus le 29 juin entre les 150 citoyen.ne.s et le président de la République, ce dernier s’est dit prêt à intégrer l’écocide dans le droit français en revoyant toutefois la rédaction actuelle, et s’est montré favorable à une modification de l’article 1er de la Constitution, rejetant cependant la révision du préambule. Notre Affaire à Tous se réjouit de tels propos et considère également que “le temps est venu de faire, d’agir”, à condition de conserver l’esprit initial des textes lors du travail de réécriture. Voici donc nos réponses aux principales critiques (liste non exhaustive).

    1. Sur la reconnaissance du crime d’écocide

    Pour rappel, la Convention Citoyenne pour le Climat propose de :

    u003culu003e
    u003cli style=u0022font-weight: 400;u0022u003ereconnaître et définir le crime d’écocide comme “u003ciu003etoute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées”u003c/iu003e;u003c/liu003e
    u003cli style=u0022font-weight: 400;u0022u003ereconnaître et définir le délit d’imprudence caractérisé d’écocide comme suit: “u003ciu003eConstitue un délit d’imprudence caractérisé d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou un règlement ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétairesu003c/iu003e”;u003c/liu003e
    u003cli style=u0022font-weight: 400;u0022u003eobliger les multinationales à publier un plan de vigilance en prenant en compte la problématique des limites planétaires à des fins de prévention: Ainsi, “u003ciu003el’absence de mesures adéquates et raisonnables relatives à l’identification et la prévention de la destruction grave d’un écosystème ou du dépassement manifeste et non négligeable des limites planétairesu003c/iu003e” constituerait une violation de la loi sur le devoir de vigilance ainsi qu’un délit d’imprudence d’écocide si celui-ci était caractérisé;u003c/liu003e
    u003cli style=u0022font-weight: 400;u0022u003ecréer une Haute autorité des limites planétaires afin de promouvoir et  garantir la mise en œuvre de cette législation.u003c/liu003e
    u003c/ulu003e

    Les principales critiques entendues

    “L’intention de nuire est difficile à établir.”

    Notre Affaire à Tous : La proposition de loi sur l’écocide ne prévoit pas la nécessité de prouver l’intention de nuire mais seulement la “connaissance” des conséquences des actes incriminés. C’est bien là toute la spécificité de notre définition du crime d’écocide, qui est d’avoir choisi le principe de la connaissance d’une haute probabilité d’atteinte à la sûreté à la planète, plutôt que celui de l’intention. En effet, le changement climatique et l’érosion de la biodiversité conduisent la planète vers un état auquel nul n’est préparé : il met en danger nombre d’écosystèmes, la survie de nombreuses espèces animales et végétales et les conditions de vie de l’humanité. L’objectif du crime d’écocide doit être de répondre à la crise écologique et climatique en cours en permettant de poser un cadre normatif de ce qui est tolérable pour préserver un écosystème terrestre habitable pour le plus grand nombre. 

    Nous sommes conscients des importants débats de fond que cela soulève au regard du principe fondamental de notre code pénal selon lequel “ll n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.” Cela reviendrait à reconnaître un crime (le crime d’écocide) de nature non intentionnelle, comme cela était le cas avant 1994. 

    Notre Affaire à Tous est donc disposée à affiner la définition du crime d’écocide pour caractériser les dommages écologiques graves causés de manière intentionnelle et constituant un crime, sans pour autant devoir reconnaître une intention de nuire, si et seulement si le délit d’imprudence d’écocide est maintenu dans le dispositif et que l’esprit initial du texte est préservé. Ce délit d’imprudence permettra effectivement de garantir l’efficacité de l’incrimination ainsi que sa fonction dissuasive (voir notre deuxième réponse ci-dessous). 

    Ensuite, intégrer le concept des limites planétaires au dispositif relatif au devoir de vigilance des multinationales permettra de renforcer considérablement la fonction préventive de la protection extra-territoriale de l’environnement (voir notre troisième réponse ci-dessous).  

    “Il faut prouver l’élément intentionnel alors que beaucoup de dégâts causés à l’environnement sont le résultat d’une négligence.”

    Notre Affaire à Tous : L’élément intentionnel n’a pas besoin d’être démontré dès lors que serait caractérisé le délit d’imprudence, faute non-intentionnelle que les 150 citoyens proposent de reconnaître et de définir pour compléter le dispositif. Caractériser le délit d’imprudence ne nécessiterait donc pas de démontrer une intention de provoquer un écocide ou le franchissement des limites planétaires, mais seulement la prévisibilité du dommage ainsi qu’un manquement à une obligation de prudence préétablie par la loi, telle que l’obligation générale de vigilance environnementale découlant de la Charte de l’environnement (décision n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011 du Conseil constitutionnel).

    “L’écocide ne satisferait pas à l’exigence de précision de la loi pénale. Pour envoyer quelqu’un en prison, il faut une incrimination précise. C’est le principe de légalité et de clarté.”

    Notre Affaire à Tous En premier lieu, il est important de clarifier un certain malentendu à cet égard. Notre proposition initiale, reprise par les 150 citoyens de la Convention, avait défini directement dans la loi les limites planétaires ainsi que les seuils respectifs. Le comité légistique de la Convention Citoyenne a par la suite demandé aux 150 citoyens de synthétiser leur proposition, les obligeant ainsi à enlever les seuils chiffrés relatifs aux limites planétaires. C’est ce même comité légistique qui vient par la suite  critiquer son absence de précision !

    En second lieu, les limites planétaires font l’objet d’une définition scientifique assez précise (voir les travaux de l’équipe internationale de 28 scientifiques dirigée par Johan Röckstrom et Will Stefen, publiés en 2009 et réactualisés en 2015).  Ce concept de limites planétaires est d’ailleurs utilisé à plusieurs reprises au niveaux européen et français. Ainsi, l’Agence Européenne de l’Environnement a publié le 17 avril dernier un rapport sur le respect/irrespect par l’Europe des limites planétaires. Ensuite, le concept de limites planétaires a récemment été utilisé  par le gouvernement français dans son rapport sur l’état de l’environnement en France, publié par le Ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) le 24 octobre 2019, qui indique que six des neuf limites planétaires sont déjà dépassées. Dans ce rapport, le concept des limites planétaires a été décliné au territoire de la France. 

    En outre, la notion des limites planétaires figure déjà dans la loi, à l’article L110-1-1 du code de l’environnement (modifié par la Loi n°2020-105 du 10 février 2020 – art. 2) qui dispose que “ La transition vers une économie circulaire vise à atteindre une empreinte écologique neutre dans le cadre du respect des limites planétaires et à dépasser le modèle économique linéaire […]”.

    Avant cela, dans son discours devant la communauté internationale lors de la COP23 de Bonn en 2017, le président de la République a lui-même évoqué le franchissement du “seuil de l’irréversible” et le risque que les équilibres de la planète ne se rompent. Cet effet de seuils doit être inscrit dans le droit afin de permettre aux institutions de notre État de cadrer les activités qui menacent ces équilibres planétaires.

    Il convient à présent d’investir dans la mise en oeuvre d’outils permettant de surveiller l’évolution des limites planétaires et de les  adapter à l’action des entreprises, dans la continuité de l’initiative prise par l’Oréal, qui souhaite “transformer [son] activité et l’inscrire dans les limites planétaires.”

    En troisième lieu, le reproche de l’imprécision est à relativiser au regard des autres incriminations  déjà reconnues par le droit pénal français, peu précises dans leur formulation également. Ainsi en va-t-il par exemple du crime contre l’humanité, inscrit à l’article 212-1 du code pénal, qui dispose au 11° que “Les autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou psychique.” De même, le code de l’environnement réprime le déversement de “substances quelconques” dans l’eau.

    Le droit de l’environnement a d’ailleurs ceci de particulier qu’il permet une pollution dans une certaine mesure : tel pourcentage de particules fines dans l’air, de dioxyde de soufre dans l’eau, de monoxyde de carbone dans les bâtiments, etc. Sont ainsi établies des “valeurs limites” à ne pas dépasser. Les limites planétaires sont parfaitement en ligne avec cet esprit, sauf qu’elles sont établies à l’échelle globale. Ces valeurs posent alors certaines questions juridiques liées à la causalité : à partir de quand la contribution d’un certain acteur devient est-elle illégale ? Nous avons choisi de caractériser l’illégalité de la contribution lorsqu’elle participe manifestement et de manière non négligeable aux limites planétaires (voir aussi la réponse question ci-dessous sur le fait de pouvoir poursuivre des individus pour écocide). 

    Si le caractère global des limites planétaires constituait un obstacle rédhibitoire aux yeux de certains juristes, Notre Affaire à Tous se dit prête à revoir la définition du dispositif pénal de l’écocide afin d’en dissocier le concept des limites planétaires. Notre Affaire à Tous considère toutefois que le concept des limites planétaires a tout intérêt à être intégré dans le droit, afin de renforcer sa fonction préventive et globale. 

    L’inscription dans la loi de l’écocide et des limites planétaires et la création d’une Haute Autorité permettrait d’investir dans ces instruments scientifiques, de créer et mobiliser les données disponibles, enfin de promouvoir le respect des limites planétaires comme outil de gouvernance au niveau global.

    “Pourquoi défendre la création d’une Haute autorité des limites planétaires alors que les agences de l’environnement crient déjà famine ?”

    Notre Affaire à Tous : De telles critiques, qui rejoignent celles faites sur la faiblesse de l’application de la législation environnementale déjà existante, revêtent un enjeu politique une fois de plus. Si on s’en tient à ces critiques, le manque de moyens disponibles devrait justifier la non reconnaissance d’un nouveau crime environnemental, pour lequel les moyens ne seraient pas accessibles pour sa mise en oeuvre.

    Il est certain que la criminalité environnementale fait l’objet d’un manque d’investissement et de priorisation politique, et ce depuis le début. Tous les experts le soulignent : manque de moyens pour détecter les infractions, absence de traitement des infractions repérées, classement sans suite pour la plupart et, lorsqu’elles sont traitées, ces infractions environnementales donnent plus souvent lieu à une remise de peine comparé à la moyenne, tandis que les amendes sont toujours très faibles par rapport aux enjeux. Quant à la coopération internationale en matière de lutte contre la criminalité environnementale, elle est balbutiante, et des réseaux structurés ne sont mis en place au niveau européen que depuis deux ans.

    C’est une raison de plus pour reconnaître l’écocide. Hisser les atteintes à l’environnement à ce niveau de l’échelle pénale entraînerait un besoin d’investissement accru dans le traitement de la criminalité environnementale et pourrait ainsi bénéficier, par ruissellement, à l’ensemble des infractions en la matière. 

    Nous sommes bien conscients que la reconnaissance du crime d’écocide implique un changement de paradigme avec une approche systémique qui révolutionnerait le droit de l’environnement, dans lequel la Haute Autorité aurait par exemple un rôle de vigie des limites planétaires  des lois et permettrait de veiller à adopter des politiques publiques cohérentes en prenant en compte les effets écosystémiques des limites planétaires .

    “L’empreinte carbone d’un français moyen est d’environ 11 tonnes d’équivalent CO2 par an, bien au-dessus de ce que la planète est capable d’absorber. Est-ce à dire que nous pourrions tous être condamnés ?”

    Notre Affaire à Tous : Il s’agit là d’un faux débat. Au regard du libellé de notre proposition, pour que l’écocide soit caractérisé, il faudrait un acte ou un comportement contribuant en un dépassement “manifeste et non négligeable.” Donc un particulier ou une petite entreprise dont l’empreinte carbone serait excessive ne rentrerait pas dans le champ d’application de l’incrimination. Le but est de viser les personnes ayant du pouvoir, une influence sur le cours des événements telles que les multinationales qui agissent en connaissance des conséquences de leurs activités, décisions et choix d’investissements. C’est notamment  le cas avec l’obtention de permis de polluer, comme les permis d’exploitation minière entraînant largement un dépassement du quota des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit donc de poser un cadre contraignant pour diriger les investissements industriels rapidement vers des énergies propres, qui permettrait de faire respecter la loi et les engagements internationaux de la France qui visent à protéger l’environnement, décarboner l’économie, etc., tout en donnant un pouvoir aux présidents et directeurs généraux vis-à-vis de leurs actionnaires.

    Cet encadrement des activités des multinationales est nécessaire lorsqu’on sait que plus de 70 % des émissions de gaz à effet de serre émaneraient indirectement de seulement 100 entreprises (selon un rapport de l’ONG internationale Carbon Disclosure Project), avec en première lignes les producteurs d’énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole). Ces entreprises ont une responsabilité morale et juridique particulière en matière de transition énergétique. Elles doivent mettre toutes les mesures en oeuvre afin de contribuer à l’accès universel à une énergie propre. Jusqu’ici, elles ne le font pas. Plus grave même, bien souvent elles s’y opposent. En effet, les compagnies pétrolières ont par exemple minimisé pendant des années les risques liés au changement climatique alors qu’elles avaient parfaitement connaissance des dangers, grâce à des études menées en interne. Récemment, elle ont même dépensé plus de 250 millions d’euros depuis 2010 en lobbying auprès de l’Union européenne afin de mettre en place une stratégie de pression pour faire échec aux actions en faveur du climat.Il est temps que ce comportement cesse et qu’il devienne pénalement répréhensible. Une telle législation sur l’écocide permettra de contribuer à faire cesser l’impunité en matière de protection du climat et des autres limites planétaires.

    “Le risque de “populisme pénal”. La société de consommation engendre de forts impacts environnementaux. On veut donc modifier cette société de consommation via le droit pénal ?”

    Notre Affaire à Tous : Nous ne recherchons pas à faire peser la responsabilité d’une certaine destruction environnementale collective sur certains acteurs en particuliers, simplement pour rechercher un bouc-émissaire. Cependant, les temps sont graves. La nature à l’échelle locale et l’écosystème global de notre planète sont gravement en périls. Leurs dérèglements menacent autant notre existence que celle du vivant en général. De nombreuses fautes ont par ailleurs été commises : les exemples de politiques et d’entreprises qui ignorent la science et le respect de nos besoins les plus élémentaires sont légions. Il est dès lors selon nous absolument nécessaire d’introduire dans notre droit pénal un dispositif fort et efficace entraînant un changement de paradigme. Des sanctions réellement dissuasives participeront grandement à ce changement de mentalité. La France, en adoptant une législation sur l’écocide serait pionnière en la matière et entraînerait avec certitude ses voisins européens ainsi que la communauté internationale dans son sillage.

    Le but de l’écocide n’est pas de reporter la sanction pénale sur des habitudes de consommation et des comportements individuels spécifiques tels que l’achat de biens matériels ou l’utilisation de produits à usage unique ou polluant. S’il est essentiel de devoir adopter un mode de consommation plus résilient, sobre et local, la transformation de notre mode de consommation passe au préalable par la responsabilisation de la production primaire. Le plaidoyer en faveur de l’écocide entend prévenir, réprimer et sanctionner les structures à l’origine d’un “dommage écologique grave” à travers leurs actions, comme par exemple une déforestation massive et illégale ou le déversement de déchets nucléaires en haute mer ou de produits hautement toxiques dans des rivières. 

    2. Sur la modification de la Constitution

    Pour rappel, la Convention Citoyenne pour le Climat propose:

    u003cul id=u0022block-a42d67dc-df85-4a9f-be02-73aff251f4c4u0022 class=u0022block-editor-rich-text__editable block-editor-block-list__block wp-block is-selected rich-textu0022 tabindex=u00220u0022 role=u0022groupu0022 contenteditable=u0022trueu0022 aria-multiline=u0022trueu0022 aria-label=u0022Bloc : Listeu0022 data-block=u0022a42d67dc-df85-4a9f-be02-73aff251f4c4u0022 data-type=u0022core/listu0022 data-title=u0022Listeu0022u003e
    u003cliu003ed’ajouter dans le préambule que “u003cemu003eLa conciliation des droits, libertés et principes qui en résultent ne saurait compromettre la préservation de l’environnement, patrimoine commun de l’humanitéu003c/emu003e;u003c/liu003e
    u003cliu003ed’ajouter à l’article premier que “u003cemu003ela République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatiqueu003c/emu003e”;u003c/liu003e
    u003cliu003ede créer un Défenseur de l’environnement, à l’image du Défenseur des droits. u003c/liu003e
    u003c/ulu003e

    Les principales critiques entendues

    2.1. Concernant le préambule

    “Cette phrase revient à préciser que le social et l’économie « ne saurait compromettre » la préservation de l’environnement. Or, une conception bien plus positive et enthousiasmante du développement durable consiste à défendre l’idée que la protection de l’environnement est une [chance] – et non une contrainte – pour le développement social et économique.”

    Notre Affaire à Tous : Cet ajout dans le préambule rejoint un important arrêt rendu par le Conseil constitutionnel le 31 janvier dernier (décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020) qui a reconnu que la protection de l’environnement, « patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle » qui peut justifier une “atteinte” à la liberté d’entreprendre. Cette décision, qui constitue une avancée majeure pour la protection de l’environnement, montre bien que la liberté d’entreprendre, et donc les intérêts économiques, ne peuvent pas toujours primer sur la protection de l’environnement.

    Au regard de la crise écologique sans précédent que nous traversons, nous appelons même à aller plus loin et à un renversement des normes, en affirmant que le droit de l’environnement doit primer sur les intérêts économiques, et non l’inverse. Nous parlons ici des intérêts économiques, et non de l’ensemble des droits et libertés visés dans le préambule, en particulier les droits humains.

    Ensuite, une telle révision aurait pu constituer une première étape vers la reconnaissance des droits de la nature, tout comme la proposition de créer un défenseur de l’environnement (à l’image de l’ombudsman), afin de reconnaître l’interdépendance des humains avec le reste du vivant. Nous n’allons pas jusqu’à affirmer, comme l’ont laissé penser certains commentaires, que les droits de la nature doivent primer sur les droits humains, mais qu’il existe une interdépendance, et non une hiérarchie,  entre les deux.

    Dans un contexte de “verdissement” des constitutions dans le monde et même de constitutionnalisation des droits de la nature (comme en Equateur), cet ajout dans le préambule aurait été bienvenu.

    2.2. Concernant l’article 1er

    “La proposition de modifier l’article 1er de la Constitution est, pour l’essentiel, une reprise d’une proposition défendue par le Gouvernement depuis 2018.”

    Notre Affaire à Tous : Certes, un projet de réforme constitutionnelle avait été annoncé  par le gouvernement en juillet 2017, qui visait à inscrire “l’impératif de lutte contre le changement climatique à l’article 34, qui définit le domaine de la loi”. Cette démarche de l’insertion de la lutte climatique dans l’article 34 a été critiquée de manière unanime et a été qualifiée de “greenwashing constitutionnel” par les associations. C’est pourquoi nous avons proposé de modifier l’article 1er de la Constitution et lancé l’Appel pour une Constitution Écologique en avril 2018 (voir notre proposition de loi initiale).  

    En juillet 2018, les députés ont réussi à voter le texte suivant: “La République agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques.” Mais les débats ont sans cesse été interrompus (affaire Benalla, Grand Débat,…) et la réforme a finalement été reportée sine die. C’est donc une bonne chose que cette modification de l’article 1er de la Constitution soit maintenant portée par la Convention Citoyenne pour avoir une chance d’aboutir. A cet égard, il est important de rappeler que la Convention Citoyenne propose le verbe “garantit” alors que le gouvernement proposait le verbe “favorise” sans son dernier projet de loi constitutionnelle du 29 août 2019, c’est bien là la grande différence! “Garantir” est bien plus contraignant que “favoriser”. 

    Comme le Conseil d’Etat l’a indiqué dans un précédent avis du 29 mai 2019, lorsque le gouvernement avait encore pour intention de modifier lui-même cet article de la Constitution: “l’affirmation d’un principe d’action imposerait une obligation d’agir à l’Etat, au niveau national ou international, comme aux pouvoirs publics territoriaux. Il serait susceptible d’avoir des conséquences très lourdes et en partie imprévisibles sur leur responsabilité, notamment en cas d’inaction.” Au regard de la crise environnementale, nier la nécessité d’introduire une véritable obligation d’agir nous apparaît scandaleuse. L’Etat n’a d’autre choix que de répondre avec force et vigueur contre la destruction de notre maison commune. 

    “La protection de l’environnement est déjà inscrite au sein du bloc de constitutionnalité grâce à la Charte de l’environnement (loi constitutionnelle du 1er mars 2005) et d’une rédaction d’une qualité nettement supérieure à ce que propose le rapport qui sera soumis à la Convention citoyenne pour le climat.”

    Notre Affaire à Tous : La Charte de l’environnement est un bon instrument mais elle est présente des lacunes pour plusieurs raisons. Premièrement, il n’y a pas de référence explicite au climat dans la Charte. Deuxièmement, les dispositions de la Charte n’instituent pas toutes un droit ou une liberté, et par conséquent ne permettent pas toujours la saisine du Conseil par le biai d’une question prioritaire de constitutionnalité. C’est notamment le cas des sept premiers alinéas qui précèdent l’article premier. Troisièmement, très peu de jurisprudences constitutionnelles abordent vraiment la lutte contre les changements climatiques et il n’y a donc pas d’enseignements sur la pertinence de la Charte dans la lutte climatique pour le moment. Enfin, la Charte est un bon instrument avec une grande force d’interprétation de ses principes, à condition toutefois d’en avoir une interprétation ambitieuse par les juges.

    Tout repose donc sur l’interprétation des juges, et avoir l’inscription de la lutte contre le dérèglement climatique, en plus de la préservation de la biodiversité et de l’environnement, à l’article 1er de la Constitution, ne ferait plus aucun doute et réduirait la marge d’interprétation de certains juges qui n’oseraient pas faire une interprétation poussée de la Charte de l’environnement.

    “Il serait préférable de réfléchir à la manière de mieux faire appliquer et respecter la Charte de l’environnement plutôt que de prendre le risque, au mieux d’une redondance des mêmes notions au sein du bloc de constitutionnalité, au pire d’un affaiblissement de la Charte de l’environnement.”

    Notre Affaire à Tous :  Il s’agit d’inscrire de manière univoque la lutte contre le dérèglement climatique qui ne figure nulle part dans la Charte, laissant ainsi un grand pouvoir d’interprétation aux juges.

    “Le rapport abandonne la proposition d’inscription du principe de non régression au sein du bloc de constitutionnalité qui aurait pourtant pu être débattue.”

    Notre Affaire à Tous : C’est en effet un aspect que nous regrettons. Il faut néanmoins garder en tête que le comité légistique de la Convention Citoyenne a tenté de réduire la portée des propositions des 150 citoyens en les “lissant” autant que possible de manière à écarter certaines formulations.

    “Plus grave, cette proposition de révision comporte un risque sérieux de régression du droit de l’environnement. Ainsi, elle propose d’extraire les notions de « biodiversité » et « climat » de celle d’environnement qui, jusqu’à présent, les comprenait.”

    Notre Affaire à Tous La proposition inclut les 3 notions biodiversité, environnement et dérèglement climatique. En quoi cela risque t-il de créer une régression du droit de l’environnement qui est déjà en nette régression? Il n’a pas fallu attendre cette critique pour constater un affaiblissement du droit de l’environnement. Beaucoup de mesures gouvernementales sont prises qui, sous couvert de “simplification” du droit, font régresser de nombreuses dispositions environnementales. 

    On peut notamment citer le projet de loi ASAP, qui consacre “le fait accompli” en permettant aux préfets d’autoriser des travaux de construction industrielle en anticipant sur la délivrance de l’autorisation environnementale nécessaire (à la condition que le permis de construire ait été délivré et l’enquête publique réalisée), ou encore qui prévoit que l’avis donné par l’autorité environnementale ne pourra plus être réactualisé en fonction de l’évolution du dossier. Figurent aussi les atteintes à la participation du public avec le pouvoir confié aux préfets de dispenser d’enquête publique, au profit d’une simple consultation électronique, les projets ne nécessitant pas d’évaluation environnementale. De telles mesures constituent manifestement une régression, voire une “destruction” (selon les experts) du droit de l’environnement. 

    De même, le décret du 8 avril 2020 généralise le droit des préfets à déroger à de nombreuses normes réglementaires, notamment en matière environnementale. Un tel dispositif permettrait notamment l’accélération des dispositifs procéduraux dans l’implantation de projets destructeurs de l’environnement. Ce décret a d’ailleurs été attaqué devant le Conseil d’Etat par plusieurs associations, dont Notre Affaire à Tous.

    Affirmer que cette proposition de modification de la Constitution constitue un “risque sérieux de régression du droit de l’environnement” paraît donc totalement absurde et de mauvaise foi au regard des mesures précitées voulues par le Gouvernement.

    3. Sur la possibilité de soumettre ces deux propositions à référendum

    Les critiques portent sur la mise en oeuvre de l’article 11 de la Constitution pour l’adoption de la proposition de loi sur l’écocide et sur  l’article 89 de la Constitution pour la révision de la Constitution.

    Les principales critiques entendues

    “Un référendum ne peut porter sur la législation pénale. La matière pénale est exclue de l’article 11 de la Constitution, comme de nombreux constitutionnalistes l’ont dores et déjà souligné. Il n’est donc pas possible d’organiser un référendum sur l’écocide en l’état actuel de la rédaction de l’article 11 de la Constitution. Il faudrait considérablement maltraiter l’interprétation de l’article 11 pour considérer un référendum sur l’écocide.”

    Notre Affaire à Tous : Pour rappel, l’article 11 prévoit que le référendum ne peut porter que sur certaines matières : « (…) tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.”

    S’il est vrai que l’article 11 ne mentionne pas la loi pénale, il ne l’interdit pas non plus. La proposition de la Convention Citoyenne porte par ailleurs sur une modification du code de l’environnement et non du code pénal. En outre, l’environnement a déjà été une manière d’élargir l’interprétation des règles et traités en matière pénale. Ainsi, à travers son arrêt “Commission v. Conseil” du 13 septembre 2005, la Cour de Justice des Communautés Européennes (aujourd’hui CJUE) avait donné raison à la Commission et élargi les compétences de l’Union Européenne à l’harmonisation de la législation pénale entre les Etats-Membres. Une décision qui sera ensuite validée par le Traité de Lisbonne, qui donne compétence pénale à l’Union Européenne. Ainsi, l’environnement, qui apparaît comme un nouveau défi pour le droit, a régulièrement été une source de modification et d’amélioration du droit et des jurisprudences ; situation qui pourrait se répéter ici.

    On en revient donc à un enjeu politique, car de l’interprétation des juges constitutionnels dépendra la validité juridique de la proposition de la Convention Citoyenne. Comme la science, le droit est le reflet de nos sociétés. Raison pour laquelle l’état de nécessité ou encore le préjudice écologique ont été “découverts” et appliqués en premier par des juges, alors que ces notions n’étaient pas encore consacrées par la loi.

    “L’article 89 précise qu’un référendum [portant sur la révision de la Constitution] ne peut être engagé sans l’accord des deux assemblées : Assemblée nationale et Sénat. Pour être précis, un référendum a déjà été organisé sur le fondement de l’article 11 et non de l’article 89 pour réviser la Constitution. En 1962, le général de Gaulle a en effet soumis à référendum, sur le fondement de l’article 11 de la Constitution, un projet de révision de l’article 6 de la Constitution afin de prévoir l’élection du Président de la République au suffrage universel direct. Toutefois, ce choix a suscité une très vive controverse et n’a été possible qu’en raison de circonstances historiques très particulières. Il est peu probable que l’actuel président de la République procède ainsi”

    Notre Affaire à Tous : Le président de la République aura le choix de la procédure en décidant soit de soumettre la révision à référendum, soit de faire approuver la révision par un vote parlementaire pour aboutir à un texte identique par les deux assemblées, nécessitant de la part du président de la République de convaincre les parlementaires. On en revient à nouveau à un choix politique.

    Enfin, de manière générale, un référendum portant sur ces questions serait l’occasion d’un large débat sur les liens entre le contrat social et le contrat naturel et le moyen de construire ensemble un chemin commun vers la transition écologique.

    Nos ressources

    Notes

    1- Définitions alternatives retenues par le comité légistique :

    • Constitue un crime d’écocide, toute action généralisée ou systématique ayant causé un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste et non négligeable d’au moins une des limites planétaires [définies à l’article L XXX du code de l’environnement] et dont l’auteur savait ou aurait dû savoir qu’il existait une haute probabilité de ce dépassement.” 
    • Constitue un crime d’écocide, toute action généralisée ou systématique ayant causé un dommage écologique étendu et durable à l’environnement naturel consistant en une grave dégradation des éléments ou des fonctions des écosystèmes ou en une grave altération des qualités essentielles des sols, de l’eau ou de l’air commise alors que son auteur savait ou aurait dû en savoir les effets.”

    2- Définition alternatives retenues par le comité légistique :

    • “Art. 522-2 – Constitue un délit d’imprudence d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi, le règlement ou une convention internationale ayant causé directement ou indirectement un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste des limites planétaires [au sens de l’article L.XXX du code de l’environnement], s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.”
    • “Art. 522-2 – Constitue un délit d’imprudence d’écocide, toute violation d’une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi, le règlement ou une convention internationale ayant causé directement ou indirectement un dommage étendu et durable à l’environnement naturel consistant en une grave dégradation des éléments ou des fonctions des écosystèmes ou en une grave altération des qualités essentielles des sols, de l’eau ou de l’air s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». 

    3- La proposition alternative du comité légistique consiste à regrouper le délit d’imprudence d’écocide avec le délit de manque de devoir de vigilance des multinationales. Le comité légistique confère par ailleurs à la Haute Autorité des Limites Planétaires la tâche d’accompagner “les entreprises tenues d’élaborer un plan de vigilance au sens de l’article L.225-102-4 du code de commerce afin de les aider à évaluer la compatibilité de leur plan à la protection des limites planétaires.” Le devoir de vigilance des multinationales en matière d’écocide n’a donc pas été supprimé à travers la proposition alternative du comité légistique. Il aurait été toutefois préférable de prévoir l’obligation pour les multinationales de concevoir un plan de vigilance conforme aux limites planétaires et d’assigner à la Haute Autorité la tâche de contrôler le respect de cette obligation.

    4- L’idée initiale, inspirée du mouvement End Ecocide on Earth, est en effet de reconnaître l’écocide au même niveau que les crimes internationaux (crime de génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crime d’agression) en modifiant le Statut de Rome instituant la Cour Pénale Internationale.

    5- Depuis 1994 et l’entrée en vigueur du code pénal français, seuls les délits et les infractions peuvent être non intentionnels.

    6- Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’article 121-3, alinéa 1er, du code pénal.

    7- En effet, au regard de l’alinéa 2 de l’art. 121-3 du code pénal, « lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas d’imprudence, de négligence ou de mise en danger délibérée de la personne d’autrui. »

    8- Voir notamment l’interviwew d’Alexandra Palt, directrice générale de la Responsabilité sociétale et environnementale (RSE) et membre du Comex de L’Oréal: https://www.novethic.fr/actualite/entreprise-responsable/isr-rse/alexandra-palt-directrice-generale-de-la-responsabilite-societale-et-environnementale-l-oreal-doit-evoluer-dans-les-limites-planetaires-148713.html

    9- Afin d’envisager, en droit national, la poursuite des atteintes aux communs planétaires ou à un système écologique de la Terre, il conviendra de prévoir la possibilité d’appréhender les actes commis sur le territoire national comme le prévoient les articles 113-2 à 113-5 du Code pénal ainsi que les infractions commises hors du territoire de la République (articles 113-6 à 113-14 code pénal). Dans le cas d’un recours, le juge pourra ainsi disposer d’un outil d’appréciation indispensable pour ordonner les mesures qui s’imposent. Un tel cadre ouvrirait la voie à une justice préventive climatique, environnementale et sanitaire.

    10- Il s’agira ici de prendre en compte différents éléments tels que la personnalité de l’auteur, la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.

    11- Cette révision du préambule de la Constitution a depuis été rejetée par le président de la République.