Catégorie : Droits de la Nature

  • Nouvelle-Zélande – Fleuve Whanganui 🗺 🗓 🗺

    Entité concernée : Fleuve Whanganui

    Pays : Nouvelle-Zélande

    Nature de l’acte : Loi (Te Awa Tupua Act 2017)

    Date : 20 mars 2017

    Faits : Le fleuve Whanganui a été emprunté par les Maoris pour aller cultiver les terrasses de l’intérieur du pays pendant 800 ans et les Maoris entretiennent un lien sacré avec ce fleuve ancestral et leur environnement naturel. Depuis quelques années, la Nouvelle-Zélande a engagé un processus de réconciliation avec les populations autochtones suite à la colonisation par la couronne britannique. En effet, un conflit existait depuis la rupture du traité de Waitangi signé en 1840 entre la couronne britannique et des chefs maoris, qui conférait à ces derniers la possession de leurs terres. En dépit de leurs nombreuses protestations, les maoris ont vu les activités pour exploiter le fleuve se développer et, depuis la construction de barrages dans les années 1970, le niveau du fleuve a baissé de plus de cinq mètres. En outre, ce fleuve était presque mort il y a une dizaine d’années à cause du rejet des eaux usées de la ville de Whanganui. C’est ainsi qu’au terme d’un litige juridique datant de 1870, les cinq tribus qui vivent le long des rives du fleuve Whanganui ont vu reconnue leur connexion spirituelle avec le fleuve Whanganui (il en a été de même avec le parc Te Urewara).

    Procédure : Vote de la loi par le parlement néo-zélandais accordant une personnalité juridique au fleuve Whanganui, faisant suite aux protocoles d’accord signés entre les tribus maoris concernées et la Couronne (the Crown) le 5 août 2014.

    Arguments du requérant : N/A

    Arguments du juge : N/A

    Décision/résultat : 

    • Il est constitué une entité comprenant la rivière Whanganui, de sa source à son versant (désignée Te Awa Tupua), à laquelle la personnalité juridique est accordée (page 15).
    • Il est constitué une entité chargée d’agir au nom de l’entité Te Awa Tupua, ou “visage humain” (Te Pou Tupua) (page 17).
    • Les droits et les intérêts du fleuve Whanganui pourront être défendus devant la justice (page 17). 
    • Le fleuve sera alors représenté par l’entité “visage humain” composée de deux personnes : un membre de la tribu et un autre du gouvernement: les plaintes pourront même être déposées au nom de l’entité (page 18). 
    • La tribu n’est pas la propriétaire du fleuve, qui appartient à Te Pou Tupua mais par ce biais agit comme son gardien. 
    • A titre compensatoire, la Couronne présente ses excuses officielles (page 70)  et la tribu reçoit 80 millions de dollars néo-zélandais (52,2 millions d’euros), et 30 millions pour améliorer l’état du cours d’eau (art.9 de l’accord du 05.08.2014). La Couronne reconnaît le lien qui unit les tribus (page 49) et le fleuve et l’organisation d’activités culturelles traditionnelles (page 51).
    • La loi prend en considération les propriétaires et les activités exercées sur le fleuve. Aucune expropriation ni cessation d’activités ne peuvent être ordonnées (page 30)
    • La gestion des politiques publiques affectant le fleuve est confiée à un organisme composé par la Couronne et les tribus maoris (Te Kopuka) (page 22). 
    • Un fonds spécial pour l’administration de Te Awa Tupua est crée (Te Korotete) (page 37).

    Commentaires :

    Cet acte vient consacrer les protocoles d’accord en date du 5 août 2014 conclus entre les tribus maoris et la Couronne, entérinant la fin d’un conflit centenaire. Cela marque une forte volonté politique de faire droit aux revendications des tribus maoris en reconnaissant, dans le droit positif, leur cosmologie et leur relation spirituelle au fleuve Whanganui. A l’instar de ce qui avait été élaboré pour le parc Te Urewara, plusieurs entités ont été créées et dotées de la personnalité juridique pour agir au nom du fleuve. 

    Sources : 

  • Partenariat avec la GARN

    Des droits pour les écosystèmes aquatiques d’Europe !

    En juillet 2018, l’Agence européenne pour l’environnement a dressé le bilan inquiétant de la qualité des eaux dans l’Union européenne : seules 40 % des eaux superficielles sont en “bon état écologique”. Les écosystèmes aquatiques d’Europe sont sévèrement impactés par les activités humaines : infrastructures, pollutions, surexploitation, changement climatique…. Les efforts actuels ne permettent pas de protéger réellement ces écosystèmes clés pour l’équilibre de notre planète et son habitabilité.

    C’est pourquoi le Hub Europe de l’Alliance globale pour les droits de la Nature (GARN), dont Notre Affaire à Tous fait partie, lance une campagne pour les droits des écosystèmes aquatiques en Europe. Nous demandons que l’Union européenne réalise l’urgence de la situation et réforme ses textes afin de rehausser l’ambition de protection des écosystèmes aquatiques. Nous demandons pour cela que l’UE reconnaisse les droits de ces écosystèmes et inscrive les limites planétaires comme principe directeur contraignant du droit de l’UE.

     

    Le Tribunal pour les droits des écosystèmes en Europe

    Dans le cadre de cette campagne, le Hub Europe organise également le Tribunal pour les droits des écosystèmes aquatiques d’Europe. Ce Tribunal aura lieu en janvier 2021, à l’occasion du Congrès mondial de l’UICN à Marseille.

    Cinq cas portant sur des atteintes bien réelles et concrètes à des écosystèmes aquatiques (la Mer de Glace en France, le lac Vättern en Suède, l’orpaillage en Guyane Française, les rivières des Balkans et les boues rouges à Marseille) seront présentés par une équipe alliant un·e scientifique, une partie lésée et un·e avocat·e. Un panel de juges experts internationaux dans la jurisprudence de la Terre entendra les plaidoiries et délivrera un verdict sur chaque cas.

    L’objectif du Tribunal est de montrer l’effectivité juridique des droits reconnus à la Nature, droits d’exister, d’être préservé et de se régénérer. En s’appuyant sur des dispositions légales existantes, le Tribunal permettra d’en proposer une nouvelle interprétation, une interprétation éco-centrée (et non anthropocentrée) dans l’esprit des droits de la Nature.

    Lors du Tribunal, Notre Affaire à Tous présentera le cas de la Mer de Glace, le plus grand glaciers français, situé dans le massif du Mont-Blanc. L’existence du glacier est menacée par le dérèglement climatique. Au rythme actuel, la Mer de Glace aura perdu 90 % de son volume à la fin du siècle. Son droit d’exister est donc directement atteint, et au-delà les répercussions de cette fonte sont nombreuses et graves (impacts sur le cycle de l’eau, montée des eaux, atteinte aux écosystèmes à l’aval jusqu’à la mer…). Or, une grande majorité du volume du glacier peut encore être conservé à condition de respecter les objectifs de l’Accord de Paris.


    Visiter le site du Tribunal


    En apprendre davantage sur le cas de la Mer de Glace

    L’Alliance globale pour les droits de la Nature

    Notre Affaire à Tous est fière de faire partie de la Global Alliance for the Rights of Nature (GARN), qui regroupe dans 100 pays les organisations qui œuvrent pour la reconnaissance des droits de la Nature et l’application de la Déclaration Universelle des Droits de la Terre Mère.

    Le Hub Europe de la GARN, dont Notre Affaire à Tous est membre, est un relai du réseau global en Europe.


    Visiter le site de la GARN

    Nos partenaires :

  • Pour la reconnaissance des droits de la Nature

    Aujourd’hui, la dualité instaurée entre l’Humain et la Nature par différents courants de pensée anthropocentriques se révèle être un obstacle majeur pour pouvoir instaurer l’idée, dans l’imaginaire collectif, de droits de la nature en adoptant une approche écosystémique.

    Par notre droit, nous reconnaissons la personnalité juridique et défendons les intérêts de groupements, collectifs, sociétés formés par les humains quand la Nature reste elle sans voix, démunie et sans réelle défense de ses intérêts.

    Des droits déjà reconnus dans plusieurs pays

    Pourtant, de nombreux Etats ont passé le cap : en Amérique Latine (avec le concept de Pachamama – la Terre Mère), aux Etats-Unis (avec le Lac Erié entre autres), en Inde (avec le Gange) et en Nouvelle-Zélande (illustration la plus frappante avec le fleuve Whanganui), pour ne citer qu’eux. Tous ces pays ont déjà reconnu, que ce soit au niveau local, national ou même dans leur Constitution, des droits pour la Nature. 

    Le groupe Droits de la Nature de Notre Affaire à Tous s’est pleinement emparé de la problématique et travaille activement à la valorisation de cette pensée. Reconnaître des droits à la nature, c’est admettre et protéger le droit de tous les écosystèmes “à exister, se développer et évoluer”. Il ne s’agit pas d’ôter aux humains leurs droits, mais d’affirmer l’inextricable lien entre la société humaine et la Nature. Ainsi, les humains disposent même de nouveaux outils pour protéger la Nature.

    En ce sens, le groupe de travail s’attache à recenser, documenter, étudier les différents cas et dispositifs de droits à la Nature existants à travers le monde pour apporter son expertise, diffuser et faire évoluer les consciences et les textes vers un droit positif moins utilitariste du naturel, un paradigme juridique moins anthropocentré.

    Notre Affaire à Tous est également membre de la  Global Alliance for the Right of Nature (GARN) et participe avec d’autres associations à la mise en place d’un tribunal européen “droits de la Nature” dans le cadre du hub européen de la GARN. Cette démarche s’inscrit dans une campagne menée sur les droits des écosystèmes aquatiques au niveaux local, national et européen.

    Conscient du long chemin emprunté, nous faisons nôtre la pensée de l’auteur du texte “Pensée comme une Montagne”, écologiste pionnier, Aldo Léopold : “La protection environnementale est un état harmonieux entre les Hommes et la Terre”.

  • CP / La proposition de loi sur le crime d’écocide rejetée par le gouvernement mais soutenue par de très nombreux groupes politiques

    Communiqué de presse – 12 décembre 2019

    La proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide était présentée en séance publique ce jour devant l’Assemblée nationale.  Le texte a donné lieu à des échanges ambitieux concernant la reconnaissance des limites planétaires, du crime d’écocide et des droits de la nature. Mais les associations Nature Rights, Notre Affaire à Tous et Wild Legal regrettent malgré tout l’apparent immobilisme du gouvernement qui a intégralement rejeté les amendements déposés par les divers groupes politiques d’opposition qui soutenaient une indispensable évolution du droit. 

    La proposition de loi discutée avait été déposée par le Groupe Socialistes et apparentés profitant d’une niche parlementaire pendant la COP.  Par ailleurs, les associations Nature Rights, Notre Affaire à Tous et Wild Legal travaillaient depuis plusieurs à une proposition transpartisane. Néanmoins, nous avons accepté de conseiller le rapporteur de cette proposition, Mr Christophe Bouillon, en proposant des amendements au texte initial. 

    Cette collaboration a finalement abouti une amélioration considérable du texte d’origine grâce au dépôt de plusieurs amendements. “M. Bouillon a accepté d’intégrer dans la définition de l’écocide, le critère du franchissement des limites planétaires. Une avancée majeure par rapport au texte présenté au Sénat en mai dernier” rappelle Marine Calmet.

    Pourtant, et malgré le fait que le gouvernement ait lui même utilisé les limites planétaires comme référentiel dans le dernier Rapport sur l’état de l’environnement publié en octobre 2019(1), et que l’assemblée ait adopté cette semaine un amendement reconnaissant le respect des limites planétaires au sein du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire(2), la ministre de la justice, Mme Belloubet, a refusé notre définition de l’écocide. Ce positionnement manque de cohérence et est à contre-courant de l’évolution du droit pourtant attendue et réclamée par la société civile.

    Il n’est pas non plus acceptable d’entendre, lors des débats en séance publique, de la part de Mme la Garde des Sceaux que le principe de préjudice écologique suffit à protéger les écosystèmes. Il permet d’obtenir réparation, en effet, après une catastrophe mais non pas de prévenir celle-ci. Le principe des limites planétaires, à l’inverse, permettrait de poser des mesures conservatoires en interdisant des pratiques et projets industriels dangereux et d’appliquer le principe de précaution.

    Les débats ont permis d’aborder ces sujets en profondeur et de poser une réflexion très poussée sur le changement de paradigme que représenterait la reconnaissance du crime d’écocide. Plusieurs amendements relatifs à la personnalité juridique de la nature ont été débattus comme celui déposé par Madame Ramassamy (LR) ou M.  Colombani (Libertés et Territoires) demandant au Gouvernement un rapport concernant la reconnaissance de droits intrinsèques à certains écosystèmes. Mais encore une fois, tous ont été rejetés par la majorité présidentielle.

    Au final, les députés du groupe de travail transpartisan avec qui nous oeuvrons depuis plusieurs mois, notamment Paul-André Colombani, Erwan Balanant et Matthieu Orphelin, même si contrariés par cette proposition faite sans concertation préalable, ont participé au débat en déposant d’autres de nos amendements, sur le délit d’imprudence(3) et le devoir de vigilance(4).

    Enfin, il faut souligner combien ce sujet devient fédérateur. Même si pendant la phase d’auditions, les représentants du MEDEF ont suggéré que la société n’était pas prête pour cela, au vu des débats et du soutien à la proposition de loi de députés et de sénateurs de la plupart des groupes politiques dans une Tribune publiée dans Libération le 10 décembre (socialiste, MoDem, libertés et territoires, France insoumise, EELV, CRCE, NI, RDSE, certaines députées LR), il est clair qu’un retour en arrière n’est plus envisageable. Les députés et la société civile sont bien prêts à avancer sur le crime d’écocide, les limites planétaires et les droits de la nature. 

    Il est néanmoins décevant que le gouvernement ait rejeté les propositions faites, soutenant que la sanction du crime d’écocide était inutile en droit français mais nécessaire en droit international. “Le projet de convention pour l’écocide qui va être soutenu par le gouvernement au sein de l’ONU mettra des décennies à voir le jour alors que les états du Pacifique demandent dès à présent sa reconnaissance dans l’arsenal pénal international au sein de la Cour pénale internationale (CPI). Nous aurions aimé voir la France à leurs côtés pendant l’Assemblée générale des Etats-parties au Statut de Rome qui s’est tenue il y a quelques jours à peine”, souligne Valérie Cabanes.

    Cette reconnaissance est devenu un impératif moral comme l’a exprimé M. Ahmed Saleem, représentant des Maldives le 4 décembre dernier : « Mon pays, ainsi que d’autres États vulnérables sur le plan environnemental, a attendu longtemps, espérant que des mesures concrètes seront prises au niveau international pour faire face à cette urgence climatique imminente à laquelle notre peuple est confronté […] Il est temps que la justice pour les victimes du changement climatique soit reconnue comme faisant partie intégrante du système de justice pénale internationale« .

    Notes :

    Contacts presse :

  • CP / La France doit être pionnière sur la reconnaissance des limites planétaires

    Communiqué de presse, 28 novembre 2019

    Ce mercredi 27 novembre a eu lieu l’examen de la proposition de loi pour la reconnaissance du crime d’écocide déposée par le député Christophe Bouillon (PS). Suite au rejet en bloc par « un front commun LREM, LR et RN » de ce texte, les associations Nature Rights, Notre Affaire à Tous et Wild Legal appellent à un sursaut politique en prévision du vote en séance publique qui se tiendra le 5 décembre prochain à l’Assemblée nationale. 

    Les associations partenaires mènent également un travail transpartisan depuis plusieurs mois afin de réunir les parlementaires de tous bords dans l’objectif d’aboutir à un consensus. Le texte initialement déposé par des députés socialistes a ainsi fait l’objet d’un travail de fond et de nombreux échanges. Il devrait être amendé pour inscrire les limites planétaires dans le droit français et ainsi se hisser à la hauteur des enjeux de la crise écologique et sociale actuelle. 

    Une nouvelle définition de l’écocide devrait aussi être proposée intégrant ces limites, fruit du travail de plusieurs juristes – Valérie Cabanes, Marine Calmet et Paul Mougeolle – et repris par Christophe Bouillon, rapporteur de la proposition de loi. Elle définit comme acte d’écocide « toute action délibérée tendant à causer directement des dommages étendus, durables, irréversibles ou irréparables à un écosystème ou ayant un impact grave sur le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les cycles de l’azote et du phosphore et leurs apports à la biosphère et aux océans, l’usage des sols, la déplétion de la couche d’ozone, l’acidification des océans, la dispersion des aérosols atmosphériques, l’usage de l’eau douce ou la pollution chimique, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées ».

    Cette définition repose sur la reconnaissance de l’impact grave sur les neuf processus et systèmes régulant la stabilité et la résilience du système terrestre, identifiés dès 2009 par une équipe internationale de 26 chercheurs, menés par Johan Rockström du Stockholm Resilience Centre et Will Steffen de l’Université nationale australienne. 

    « La reconnaissance d’un crime contre notre maison commune, le crime d’écocide, ne doit pas être vécue comme une contrainte mais comme le moyen de protéger les droits des générations futures. Nous atteignons un point de non retour concernant le dérèglement climatique et l’érosion de la biodiversité, c’est maintenant qu’il faut agir, demain sera trop tard. » Valérie Cabanes, Présidente d’Honneur de Notre Affaire à Tous

    Le terme « écocide » a déjà été employé par le Président de la République pour qualifier les incendies qui se sont déroulés en Amazonie. De la même façon, il a déjà déclaré en 2017 que le « seuil de l’irréversibilité a été franchi » pour le changement climatique. Il est aussi à noter qu’en France, le dernier rapport sur l’état de l’environnement publié par le Ministère de la Transition écologique et solidaire lui-même en octobre 2019 fait l’aveu que la France a dépassé 6 des 9 limites planétaires. Le rapport explique « qu’outre le fait de constituer un cadre d’analyse novateur, l’approche inédite des limites planétaires correspond à la nécessité d’actualiser les informations environnementales en offrant aux citoyens et aux décideurs une compréhension plus globale de la situation nationale» . Dans ce contexte, selon Valérie Cabanes, « il est impératif que ces limites soient hissées au rang de normes juridiques pour mieux cadrer l’activité industrielle quand celle-ci menace les grands équilibres planétaires et compromet notre avenir commun. »

    L’outil que représente les limites planétaires n’est pas nouveau. Le « Rapport sur l’état de l’environnement » de l’Agence européenne pour l’environnement rendu en 2010 hisse les limites planétaires au rang de « priorité environnementale ». La Commission européenne exploite ce concept en 2011 afin de définir ses objectifs :  « D’ici à 2050, l’économie de l’UE aura cru de façon à respecter les contraintes de ressources et les limites planétaires ». Ban Ki Moon, secrétaire général des Nations unies, évoque, lui aussi, lors de l’Assemblée générale de 2011 les limites planétaires comme outil de mesure scientifique. S’adressant aux dirigeants du monde, il déclare : « Aidez-nous à défendre la science qui montre que nous déstabilisons notre climat et dépassons les limites planétaires à un degré périlleux ». 

    « Forages pétroliers, mines et autres projets dangereux se succèdent sans qu’on soit capable de redresser véritablement la barre pour se réaligner avec nos objectifs de protection du climat et de la nature. Pour que nous, citoyens mobilisés, puissions agir, il faut que la loi s’aligne sur les principes régulant la terre et qu’elle garantisse la protection du vivant. C’est tout l’enjeu de cette proposition de loi ». Marine Calmet, Présidente de Wild Legal et juriste pour NatureRights

    Avec la reconnaissance des limites planétaires, les dirigeants de Total n’auraient d’autre choix que d’adopter des mesures climatiques drastiques afin de se prémunir de sanctions pénales en matière d’écocide. Une telle loi permettrait de renforcer substantiellement la protection du climat et des écosystèmes planétaires”. Paul Mougeolle, responsable du groupe multinationales de Notre Affaire à Tous.

    Contact presse : 

  • Pour la reconnaissance de l’écocide et des limites planétaires : Contribution à la Convention Citoyenne

    La Convention Citoyenne pour le Climat est une consultation citoyenne mise en place par le gouvernement afin de donner la parole aux citoyens et citoyennes pour accélérer la lutte contre le changement climatique. Réunissant cent cinquante personnes, toutes tirées au sort, elle a pour mandat de définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) dans un esprit de justice sociale. 

    Dans ce cadre, les associations Notre Affaire à Tous et Nature Rights ont décidé de contribuer aux travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat en présentant une proposition en faveur de la reconnaissance du crime d’écocide et des limites planétaires. 

    Notre contribution

    Citoyennes, Citoyens,

    Selon le bulletin annuel de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) publié lundi 30 octobre 2017, en 2016 jamais la concentration dans l’atmosphère de dioxyde de carbone (CO2) n’avait atteint un niveau aussi élevé. « La dernière fois que la Terre a connu une teneur en CO2 comparable, c’était il y a 3 à 5 millions d’années : la température était de 2 à 3°C plus élevée et le niveau de la mer était supérieur de 10 à 20 mètres par rapport au niveau actuel » . Selon le secrétaire général de l’OMM, le Finlandais Petteri Taalas : « Les générations à venir hériteront d’une planète nettement moins hospitalière ».

    Selon le dernier rapport spécial du GIEC de 2018, il faut diviser de près de moitié nos gaz à effet de serre (GES) en 2030 et atteindre la neutralité carbone en 2050 pour avoir une chance suffisamment raisonnable de prévenir un dérèglement dangereux du système climatique. Une telle trajectoire, aussi ambitieuse soit elle,  nous laisserait seulement 50% de chances succès de contenir la température en dessous de 1.5°C et 85% pour limiter la température à 2°C. Dit autrement, une telle trajectoire est la seule voie possible pour nous assurer un avenir tolérable. Il faut donc agir avec volontarisme dans tous les secteurs économiques afin de soustraire la quantité requise de GES de l’atmosphère (environ 30 Gt à 40 Gt GES par an). 

    Or, tous les acteurs susceptibles d’agir en faveur d’une limitation drastique des émissions de GES démontrent bien peu d’efforts quels que soient leurs discours. Ni les États, ni les 100 entreprises responsables de 71% des émissions de gaz à effet de serre depuis 1988, ni les banques ne semblent prendre le cap d’une transition énergétique, encore moins celui de l’abandon de technologies industrielles dévastatrices, et ce malgré l’Accord de Paris. Selon l’ONU Environnement, les engagements pris en 2015 par les 195 pays parties prenantes de l’accord de Paris ne permettront que d’accomplir « approximativement un tiers » des efforts nécessaires et la Terre s’achemine aujourd’hui vers une hausse du thermomètre de 3 °C à 3,2 °C à la fin du siècle. Selon le rapport Carbon Majors Dataset du Carbon Disclosure Project de 2017, 50% des GES ont été émis depuis 1988, année où a été mis en place le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Malgré leur connaissance de la dangerosité de leurs activités, les grandes entreprises d’énergies fossiles n’ont cessé de freiner leur développement climaticide. Au lieu d’investir dans les énergies propres, elles ont commencé à investir dans des énergies fossiles non-conventionnelles telles que les sables bitumineux ou le pétrole de schiste, ayant un impact désastreux sur l’environnement. Selon ce rapport, si l’extraction des énergies fossiles continue au rythme des 28 dernières années, les températures devraient même augmenter de 4 °C d’ici à la fin du siècle par rapport à l’ère préindustrielle. 

    Les financeurs n’ont eux, jamais cessé de subventionner la recherche et l’exploitation des sources d’énergie fossiles En Europe, 112 milliards d’euros sont annuellement dépensés dans ces dernières, dont 4 milliards d’aide directement versées par l’Union européenne à l’extraction, ainsi que de nombreuses subventions supplémentaires. Selon une étude publiée par le FMI en 2015, les subventions directes et indirectes aux combustibles fossiles s’élèvent encore dans le monde à 5340 milliards de dollars par an. 

    Les scientifiques du GIEC affirment dans un rapport en préparation que même en contenant le réchauffement à 1,5ºC, tâche extrêmement ardue, le niveau des mers s’élèvera encore et se poursuivra pendant des siècles. 

    En cause principalement, la fonte des calottes glaciaires amorcée avec des températures 20° supérieures aux normales saisonnières durant les mois de novembre 2016 et 2017 en Arctique. 

    L’Europe devrait subir de meurtrières vagues de chaleur, des inondations, des tempêtes et autres phénomènes extrêmes qui pourraient faire jusqu’à 152.000 morts par an d’ici à la fin du siècle, contre environ 3.000 par an actuellement, selon une autre étude d’août 2017 financée par la Commission européenne. 

    Parallèlement le déclin de la biodiversité, constaté sur tous les continents habités du monde devrait s’accélérer. La Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (ci-après IPBES, acronyme anglais également utilisé en français) annonce qu’en Europe, 42 % des animaux terrestres et des plantes ont enregistré un déclin de leurs populations au cours de la dernière décennie, de même que 71 % des poissons et 60 % des amphibiens. Les rapports scientifiques confirmeraient que la Terre est en train de subir sa sixième extinction de masse, ce qui, selon l’IPBES « met en danger les économies, les moyens d’existence, la sécurité alimentaire et la qualité de vie des populations partout dans le monde ». De fait, les disparitions d’espèces ont été multipliées par 100 depuis 1900, soit un rythme sans équivalent depuis l’extinction des dinosaures il y a 66 millions d’années. 

    Pour le WWF qui a commandé une étude à deux universités australienne et anglaise, le constat global est tout aussi effroyable : si le réchauffement se poursuit jusqu’à + 4,5 °C, la moitié des espèces risqueront de disparaître d’ici à 2080 dans 35 écorégions prioritaires comme l’Amazonie, la Grande Barrière de corail, le désert de Namibie ou le delta du Mékong, des régions qui abritent nombre d’espèces emblématiques, endémiques et en danger. Or, les modèles qui simulent le mieux la période actuelle ont tendance à projeter, pour le futur, un réchauffement proche de 5°C selon une étude publiée par Nature en décembre 2017, menée par les chercheurs Patrick Brown et Ken Caldeira de la Carnegie Institution for Science.

    Le changement climatique et l’érosion de la biodiversité conduisent la planète vers un état auquel nul n’est préparé : il met en danger nombre d’écosystèmes, la survie de nombreuses espèces animales et végétales et les conditions de vie de l’humanité. Il nous faudrait d’une part reconnaître non seulement la menace à la paix que représente le changement climatique, mais aussi la menace à l’écosystème Terre dans son ensemble quand il se conjugue à une érosion vertigineuse de la biodiversité. Il est temps de contraindre l’activité industrielle au respect des limites de la planète au-delà desquelles elle deviendrait inhospitalière 

    Dans son discours devant la communauté internationale lors de la COP23 de Bonn, le Président de la République a évoqué le franchissement du “seuil de l’irréversible” et le risque que les équilibres de la planète ne se rompent.  Cet effet de seuils doit être inscrit dans le droit afin de permettre aux institutions de notre État de cadrer les activités qui menacent ces équilibres planétaires. 

    D’autant plus que ces seuils ont pu être identifiés et chiffrés. Une équipe internationale de 26 chercheurs, menés par Johan Rockström du Stockholm Resilience Centre et Will Steffen de l’Université nationale australienne, a identifié dès 2009 neuf processus et systèmes régulant la stabilité et la résilience du système terrestre – les interactions de la terre, de l’océan, de l’atmosphère et de la vie qui, ensemble, fournissent les conditions d’existence dont dépendent nos sociétés. Des valeurs seuils ont été définies pour chacun de ces processus ou systèmes, des limites qui ne doivent pas être dépassées si l’humanité veut pouvoir se développer dans un écosystème sûr, c’est-à-dire évitant les modifications brutales et difficilement prévisibles de l’environnement planétaire. Ces limites planétaires relèvent d’une démarche scientifique qui, élevées au rang de normes, permettraient de faire évoluer le droit vers une approche écosystémique reconnaissant notre lien d’interdépendance avec l’écosystème Terre. Nous sommes une espèce vivante impliquée dans ce réseau d’échanges de matière et d’énergie, à nous de nous comporter de façon efficace, c’est-à-dire qui n’en compromette pas le fonctionnement.

    Le changement climatique et l’intégrité de la biosphère sont, selon les scientifiques, les « limites fondamentales » et interagissent entre elles. Leur franchissement nous conduit vers un « point de basculement » caractérisé à la fin par un processus d’extinction irréversible d’espèces et des conséquences catastrophiques pour l’humanité. Quand la biosphère est endommagée, son érosion impacte le climat. La couverture végétale et le sol n’assument plus leur rôle crucial de régulation climatique directe, outre de stockage et de recyclage du carbone. La déforestation entraîne la disparition locale définitive des nuages et des pluies. La perte de plancton marin enraye la pompe à carbone qu’est l’Océan. Or, l’équipe de Steffen et Rockström met de plus en garde sur le fait que depuis 2015 d’autres limites, en plus de celle du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité, sont dépassées. Il s’agit du changement d’usage des sols et de la modification des cycles biogéochimiques (phosphore et azote) et d’autres limites à surveiller : l’usage de l’eau douce, l’acidification des océans, la déplétion de la couche d’ozone, les aérosols atmosphériques, la pollution chimique (plus largement l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère). Elles sont, elles aussi, liées ; ce qui signifie que la transgression de l’une d’entre elles peut augmenter la chance de se rapprocher d’autres limites. 

    Le « Rapport sur l’état de l’environnement » de l’Agence européenne pour l’environnement rendu en 2010 hisse les limites planétaires au rang de « priorité environnementale ». La Commission européenne exploite ce concept en 2011 afin de définir ses objectifs :  « D’ici à 2050, l’économie de l’UE aura cru de façon à respecter les contraintes de ressources et les limites planétaires ». Ban Ki Moon, secrétaire général des Nations unies, évoque, lui aussi, lors de l’Assemblée générale de 2011 les limites planétaires comme outil de mesure scientifique. S’adressant aux dirigeants du monde, il déclare : « Aidez-nous à défendre la science qui montre que nous déstabilisons notre climat et dépassons les limites planétaires à un degré périlleux ». Le Groupe de haut niveau de l’ONU sur la viabilité du développement mondial (UN High-Level Panel on Global Sustainability) inclut alors la notion de limites planétaires (planetary boundaries) dans son rapport de 2012 nommé « Pour l’avenir des hommes et de la planète: choisir la résilience » et précise que son ambition à long terme « est d’éliminer la pauvreté, de réduire les inégalités, de faire profiter le plus grand nombre de la croissance, de rendre les modes de production et de consommation plus viables, de lutter contre les changements climatiques et de prendre en considération les limites planétaires. » Cela afin de réaffirmer « le rapport historique publié en 1987 par la Commission mondiale de l’environnement et du développement sous le titre « Notre avenir à tous » (document de l’ONU publié sous la cote A/42/427, annexe) et connu sous le nom de rapport Brundtland. » 

    Les limites planétaires sont définies comme suit pour:

    1. Le changement climatique :
      1. seuil à 350 ppm de CO2 dans l’atmosphère pour rester en deçà de 1° d’ici à 2100,
      2. Changement du forçage radiatif  global depuis l’époque pré-industrielle (en watts par mètre au carré) +1 W/m2 max / actuellement +2,88 W/m2.
    2. L’érosion de la biodiversité : le taux d’extinction « normal » des espèces doit rester inférieur à 10 espèces par an sur un million.
    3. Les apports d’azote et de phosphore à la biosphère et aux océans (résultant notamment de l’agriculture et de l’élevage intensifs) :
      1. N(azote)= Limiter la fixation industrielle et agricole de N2 à 35 Mt/an, soit environ 25% de la quantité totale de N2 fixée par an naturellement par les écosystèmes terrestres
      2. P (phosphore) : < 10× = limite de flux de phosphore vers l’océan ne dépassant pas 10 fois celui de son altération naturelle au fond de l’Océan.
    4. Le changement d’usage des sols : Pourcentage de la couverture terrestre mondiale convertie en terres cultivées = ≤ 15% de la surface terrestre libre de glace convertie en terres cultivées.
    5. L’acidification des océans : Concentration en ions carbonates par rapport à l’état moyen de saturation de l’aragonite dans les eaux de surface des océans (Ωarag) = ≥ 80% par rapport à l’état de saturation moyen préindustriel, y compris la variabilité saisonnière naturelle et saisonnière
    6. L’appauvrissement de l’ozone stratosphérique : Concentration d’O3 stratosphérique, DU = <5% de réduction par rapport au niveau préindustriel de 290 UA.
    7. L’usage de l’eau douce : Consommation d’eau bleue / km3 / an sur Terre = < 4,000 km3/an

    Restent à déterminer :

    8. La dispersion d’aérosols atmosphériques : Concentration globale de particules dans l’atmosphère, sur une base régionale.

    9. La pollution chimique (composés radioactifs, métaux lourds, composés organiques synthétiques tels que pesticides, produits et sous-produits chimiques industriels à longue durée de vie et migrant dans les sols et l’eau parfois sur de très longues distances. Les chercheurs proposent de considérer aussi l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère comme les nanoparticules et molécules de synthèse)

    Faire appliquer des limites planétaires 

    La reconnaissance des limites planétaires intégrées à la loi permettra au législateur mais aussi au juge d’apprécier la dangerosité d’une activité industrielle en s’appuyant sur les valeurs seuils déterminées par le Stockholm Resilience Center, et donc d’être en mesure de considérer si une activité industrielle est tolérable ou non. 

    Le dernier rapport sur l’état de l’environnement en France énonce “quoutre le fait de constituer un cadre d’analyse novateur, l’approche inédite des limites planétaires correspond à la nécessité d’actualiser les informations environnementales en offrant aux citoyens et aux décideurs une compréhension plus globale de la situation nationale”. 

    Il est donc désormais nécessaire de doter la France d’une instance scientifiquement reconnue et compétente pour garantir l’application et le respect des limites planétaires. Elle aurait pour mission de garantir le respect des limites planétaires, de transcrire ces limites planétaires au niveau national et de réévaluer ces données de façon périodique tous les cinq ans compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment.

    Prévoir et sanctionner les activités écocidaires

    Malgré la reconnaissance du préjudice écologique en droit civil ainsi que la directive européenne 2008/99 sur l’introduction de sanctions pénales environnementales, les crimes et délits autonomes contre l’environnement ne sont toujours pas appréhendées pénalement en France. Afin d’envisager en droit national, la poursuite des atteintes aux communs planétaires ou au système écologique de la Terre, il conviendra de prévoir la possibilité d’appréhender les écocides commis sur le territoire national ainsi que dans certains cas, en dehors du territoire de la République. 

    Afin de prévenir le franchissement et/ou de revenir en deçà de certaines  limites planétaires, comme en matière de protection du climat par un contrôle effectif des émissions d’origine anthropique. En prévoyant le retour au seuil de 350 ppm, jugé comme étant réellement le plus sûr en matière de prévention des effets du changement climatique (objectif 1°C), la reconnaissance du crime d’écocide s’appuyant sur l’instrument des limites planétaires pourrait permettre in fine de réguler drastiquement les activités polluantes, à la hauteur des enjeux environnementaux. La justice serait ainsi en capacité de rechercher la responsabilité objective de l’auteur d’activités ayant participé de manière non négligeable au franchissement des limites planétaires en tenant compte de l’intention, la négligence, la connaissance des risques encourus.

    La loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre visant à lutter contre l’impunité des multinationales, adoptée en 2017 à la toute fin du mandat de F. Hollande grâce au travail et aux exigences sans relâche de la société civile, pourrait être complété de différentes façons avec une loi sur l’écocide et les limites planétaires. Avec une telle combinaison, les entreprises transnationales seraient dans l’obligation de prévenir l’écocide non seulement en France, mais également dans tous les autres pays dans lesquels elles opèrent. Un renforcement significatif de la protection de l’environnement pourrait donc être obtenue par ce biais.

    Les effets concrets de la reconnaissance du crime d’écocide

    Le terme “écocide” a été utilisé pour la première fois en 1972 par le Premier ministre suédois Olof Palme, pour qualifier la guerre du Vietnam et l’épandage de défoliant, l’Agent orange, par l’armée américaine sur les forêts vietnamiennes. Des manifestations avaient alors eu lieu aux Etats-Unis pour que l’écocide soit reconnu comme un crime contre la paix. Mais les tentatives ont toujours échoué, notamment à cause de la pression d’Etats comme la France, qui y voyait un risque pour le nucléaire.

    Or “l’agent orange” n’est en définitive qu’un herbicide extrêmement efficace, dérivé d’autres produits largement utilisés dans l’agriculture, mais aussi comme arme de guerre, afin de détruire la végétation vietnamienne dans laquelle se cachait les Viêt-Cong. Les conséquences écologiques désastreuses furent multiples : disparition de nombreuses espèces végétales, destruction massive de la faune dont certaines espèces sont désormais menacées, voir proche de l’extinction. Ce sont donc des écosystèmes entiers qui ont été détruits, de manière irréversible pour certains même si le gouvernement a mis en place des politiques de décontamination et de reforestation.

    Qui sont les responsables ?

    Les sociétés chimiques ayant produit les différents agents contenus dans l’agent orange, tels Monsanto ou encore Dow Chemical, sont encore aujourd’hui leader dans les domaines de la chimie et de l’agro-alimentaire. Elle rejettent toute responsabilité arguant qu’elles n’ont fait que fournir les composés et qu’elles ne peuvent être poursuivies pour leur utilisation, imputable à l’armée américaine.

    Pourtant, au Vietnam, des enfants naissent encore aujourd’hui avec des malformations dues à la pollution de l’Agent orange

    Pourrions-nous aujourd’hui créer de nouveaux outils juridiques pour faire face efficacement à des activités écocidaires ? Faire évoluer la loi, reconnaître le crime d’écocide ainsi que des normes garantissant le respect des limites planétaires, permettrait de donner de facto des droits aux générations futures en agissant en leur nom et pour la protection de leurs intérêts afin de prévenir les dommages écologiques.

    La question du glyphosate est d’actualité brûlante. Suite aux procédures engagés par de nombreux agriculteurs malades, la justice américaine a, depuis quelques années, commencé à condamner Monsanto à des peines financières monumentales. Progressivement, le caractère toxique des produits massivement mis sur le marché, et contenant du glyphosate, responsable pour le développement d’affections sanitaires, tend à être reconnu. Mais s’il semble que Monsanto pourrait bien être confronté à des milliers de plaintes en raison du préjudice humain engendré, qu’en est t’il des procédures qui pourraient également être engagées pour la pollution et destruction des écosystèmes naturels ? 

    Face à une contamination massive de nos écosystèmes, les dispositions légales actuelles semblent obsolètes, il suffit pour cela de se référer aux récentes jurisprudences relatives aux arrêtés anti-pesticides édictés par de nombreuses municipalités et annulées par la justice. Plutôt que de compter sur une évolution lente et incertaine de la lecture du juge, de nouveaux outils, clairs et proportionnés, devraient être mis en place pour répondre efficacement aux enjeux sociétaux, sanitaires et écologiques et appréhender les comportements écocidaires pointés du doigts. 

    Citons un dernier exemple afin d’illustrer les enjeux de la reconnaissance des limites planétaires et du crime d’écocide :

    Les gaz à effet de serre (GES) émises par l’entreprise Total s’élèvent environ chaque année à 450 Mt CO2e, ce qui représente environ 1% des GES à l’échelle mondiale. Total fait partie des 20 plus grands pollueurs actuels et historiques (cf. résultats de R. Heede et du Carbon Disclosure Project). Total a connaissance qu’elle contribue de façon substantielle, ou du moins de manière non négligeable au réchauffement climatique. 

    Ce comportement est-il constitutif d’un écocide ? Total, en ayant parfaitement conscience des dangers liés au changement climatique, ne change pas substantiellement de comportement et continue de croître dans dans le pétrole et le gaz, en investissant presque exclusivement (à 95%) dans les hydrocarbures (cf. p. 68 du document de référence de Total de 2018).  

    La reconnaissance du crime d’écocide permettrait de remédier concrètement à cette situation. Les dirigeants de Total n’auraient d’autre choix que d’adopter des mesures climatiques drastiques et de changer son modèle économique, pour se prémunir de sanctions pénales en matière d’écocide. Par conséquent, la reconnaissance du crime d’écocide permettrait donc de renforcer substantiellement la protection du climat et des écosystèmes planétaires, 

    Dans le cas d’un recours, le juge pourra ainsi disposer d’un outil d’appréciation indispensable pour imposer des mesures conservatoires. Un tel cadre ouvrirait la voie à une justice pénale préventive en matière environnementale, climatique et sanitaire. 

    Le juge devra nécessairement s’appuyer sur des éléments scientifiques en s’appuyant par exemple sur une expertise qu’il aura soit ordonnée, soit en se basant sur des éléments fournis par les parties à l’instance ou des éléments extérieurs au procès comme les avis d’autorités administratives consultées au cours de procédures antérieures. Ces éléments auront la charge d’infirmer ou de démontrer qu’une ou plusieurs des valeurs seuils pré-définies par le Stockholm Resilience Center pour chacune des limites planétaires sont en passe d’être transgressées. 

    Les connaissances scientifiques susmentionnés ont permis de retenir plusieurs  axes de réforme législative. Actuellement, des discussions sont en cours de façon transpartisane entre parlementaires, députés et sénateurs, convaincus par l’importance de reconnaître des droits à la nature et de sanctionner le crime d’écocide afin de faire progresser le droit. 

    Le soutien de la société civile, notamment à travers le positionnement de la Convention citoyenne pour le Climat serait un soutien de taille. Pour l’ensemble de ces raisons, nous sollicitons une audition de la part de la Convention Citoyenne pour le Climat afin de vous présenter nos propositions. 

  • « Nous devons reconnaître le devoir de l’humanité de protéger la vie à long terme »

    Discours de Valérie Cabanes, membre fondatrice et présidente d’honneur de Notre Affaire à Tous, sur les liens entre reconnaissance des droits de la nature, l’Affaire du Siècle et la reconnaissance des droits climatiques, prononcé à l’occasion du wébinaire de l’ELGA (Ecological Law and Governance Association) en avril 2019.  

    Sénèque le Jeune aurait dit:
    « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles.« 

    Nous sommes tous conscients des effets du changement climatique et de ses conséquences effrayantes. Nous sommes maintenant capables d’identifier les raisons de ce changement, nous savons ce qu’il faut faire et comment limiter l’élévation des températures et les catastrophes naturelles. On nous dit comment changer notre comportement individuel et comment, collectivement, nous devrions nous attaquer au problème, mais nous croyons toujours que les moyens d’action collectifs sont uniquement entre les mains de nos représentants. Nous les regardons en tant que spectateurs, nous constatons qu’ils ne respectent pas leurs engagements, que leurs actions sont lentes et faibles. Mais alors…. devrions-nous attendre que le ciel nous tombe sur la tête?

    Face aux périls qui nous menacent, chacun de nous, comme le colibri, doit intervenir pour éteindre le grand feu. Mais il est également essentiel de nous connecter afin d’agir de manière universelle. C’est la « synchronicité » de nos actions qui amènera le changement. Plus nous agirons en synchronicité, plus nous aurons confiance dans nos capacités collectives, plus nous pourrons agir comme une grande vague.

    Nous ne pouvons pas simplement l’espérer, nous devons aussi l’incarner. Le philosophe Jiddu Krishnamurti l’explique différemment: «La révolution doit commencer avec vous et moi. Cette révolution, cette transformation individuelle, ne peut avoir lieu que lorsque nous comprenons la relation, ce qui est un processus de connaissance de soi ». Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est de ressentir des émotions. Dans notre vie, ce sont en effet nos pensées et nos émotions qui alimentent nos actions, qui à leur tour produisent nos résultats.

    Nous devrions ouvrir notre cœur à l’empathie pour ceux qui souffrent déjà de sécheresses ou d’inondations et nous devrions aussi croire que nous pouvons réussir ensemble pour éviter le grand effondrement. Nous sommes comme un arbre: nos pensées et nos émotions correspondant aux racines. Nos actions correspondant au tronc. La densité de nos actions est proportionnelle au diamètre du tronc. Nos résultats correspondant aux fruits. La quantité de fruits symbolise celle des résultats. En France, nous avons décidé de devenir un grand arbre.

    Depuis les années 60, les gouvernements français successifs ont toujours différé les décisions courageuses nécessaires pour lutter contre le changement climatique. Dans ce contexte, avant la COP21, j’ai co-fondé en août 2015 une ONG appelée Notre Affaire à Tous pour promouvoir la justice climatique, les droits de la nature et la reconnaissance de l’écocide actuel.

    Étant donné que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté depuis l’accord de Paris en 2015 en France, nous avons lancé le 18 décembre 2018 avec 3 autres ONG, la Fondation pour la nature et l’homme, Greenpeace France et Oxfam France, une campagne citoyenne intitulée « L’Affaire du Siècle » pour soutenir notre décision commune de poursuivre l’Etat français pour ne pas avoir fait assez pour le climat depuis des décennies et pour son incapacité à respecter ses engagements internationaux.

    En 3 jours seulement, la pétition en ligne a été signée par 1 million de personnes, atteignant plus de 2 millions de signatures un mois plus tard, ce qui en fait la pétition la plus signée de l’histoire française. Nous avons ensuite adressé au gouvernement une demande préliminaire démontrant que l’État était inactif face au changement climatique. Ouvrant une période de deux mois pendant laquelle l’État peut choisir de répondre ou non.

    Dans notre déclaration, nous avons évoqué les effets du changement climatique sur l’environnement, la santé humaine, le respect des droits fondamentaux et l’égalité sociale, tels que décrits par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son dernier rapport.

    Parmi les actions jugées nécessaires pour atteindre notre objectif, nous demandons au gouvernement de réduire l’empreinte carbone de la France, d’abandonner l’utilisation de l’énergie fossile et nucléaire, tout en passant aux énergies renouvelables, d’améliorer l’efficacité énergétique et de préparer un plan national d’adaptation et d’atténuation des changements climatiques. Le 15 février, nous avons reçu une lettre officielle du ministère de la transition écologique et solidaire à l’attention des 2 millions de signataires de «L’affaire du siècle», dans laquelle nous lisions, et je cite: «Les moyens nécessaires pour répondre à cette urgence sont loin d’obtenir une adhésion évidente et systématique des citoyens ». De plus, cette lettre appellait à un changement de comportement individuel.

    Pour nous, cette rhétorique semblait être de mauvaise foi et irresponsable envers les générations futures. En fait, les citoyens sont bien conscients des menaces liées au changement climatique, en particulier les jeunes, qui savent qu’ils seront ceux qui subiront les conséquences du changement climatique dans quelques décennies.

    Je tiens à souligner qu’une vidéo à l’appui de «L’affaire du siècle» a été réalisée en collaboration avec deux collectifs de français YouTubers intitulés «On Est prêt» et «Il est encore temps» et elle a été visionnée plus de 14 millions de fois en ligne en un seul mois. Il est important de le mentionner car le public ciblé était principalement composé d’adolescents et de jeunes adultes. Aujourd’hui, cette même population, qui se sent de plus en plus concernée par ces questions, n’a pas non plus les moyens de faire entendre sa voix et d’influencer les décisions politiques. Devant l’inaction de leurs gouvernements, ils perdent même confiance en leurs représentants élus.
    Pour cette raison, «L’Affaire du Siècle» a été perçue comme un moyen très concret et efficace de demander une action immédiate du gouvernement. À la suite de cet appel, les jeunes se sont massivement joints à la Grève climatique mondiale pour le futur, inspirée par Greta Thunberg le 15 mars de cette année, qui a mobilisé plus de 1 million et 400 000 personnes dans le monde – la plus grande marche climatique de l’histoire. Ils ont également participé à la «Marche du siècle» organisée le 16 mars en France à l’intention de tous les citoyens et réunissant 350 000 personnes.

    Stimulés par ce soutien massif de la société civile et après la réponse décevante reçue du gouvernement français, nous avons pris la décision de porter l’affaire devant le tribunal administratif de Paris le 14 Mars dernier. Nous suivons clairement la voie ouverte par d’autres citoyens du monde, profondément inspirés par leur succès. Je pourrais mentionner le cas du recours de la fondation Urgenda aux Pays-Bas, où le pouvoir judiciaire a ordonné au gouvernement néerlandais de revoir à la hausse ses objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ou celui des 25 jeunes en Colombie.

    Comme vous en avez entendu parler, la Cour suprême colombienne a ordonné à la présidence et aux ministères de l’Environnement et de l’Agriculture de créer un «pacte intergénérationnel pour la vie de l’Amazonie colombienne», mais a également reconnu que l’Amazonie colombienne était un moyen de protéger cet écosystème vital comme «Entité faisant l’objet de droits». Ce jugement nous montre tout le chemin à faire pour traiter efficacement la question du changement climatique mais également d’autres questions écologiques telles que l’effondrement de la biodiversité, la pollution globale, la rareté de l’eau douce, l’acidification de l’océan. Les conditions de vie sur Terre telles que nous les connaissons depuis 10 000 ans sont menacées, mettant en péril la vie des générations à venir.

    En France, notre prochain objectif est d’obtenir du gouvernement un amendement à la Constitution qui stipule dans son premier article que «La République garantit une utilisation durable et équitable des ressources naturelles, garantit la préservation de la diversité biologique et lutte contre le changement climatique au sein de la société. le cadre des limites planétaires. Il assure la solidarité entre les générations. Une génération ne peut pas soumettre les générations futures à des lois moins protectrices de l’environnement que celles en vigueur ».

    Nous préconisons également la reconnaissance des droits sur les écosystèmes naturels. Convaincus par l’ampleur du mouvement de nos citoyens, les membres du Sénat français ont accepté de présenter un avant-projet de loi sur le crime d’écocide. En tant que membre de l’Alliance mondiale pour les droits de la nature, j’ai été invitée à une audition devant la Commission des lois. Je pense vraiment que nous devons discuter des avantages de la reconnaissance des droits des générations futures et des droits de la nature pour protéger tous les êtres vivants de l’extinction massive et des catastrophes climatiques.

    Si les conditions de vie elle-même sont menacées sur Terre, comment pourrions-nous garantir la réalisation de droits humains fondamentaux tels que le droit à l’eau, à la nourriture, au logement ou à la santé?

    Comment pouvons-nous espérer maintenir la paix entre les peuples et les nations?

    Nous devons reconnaître le devoir de l’humanité de protéger la vie à long terme, c’est le seul moyen de garantir sa sécurité.

    Nous devons également reconnaître que les écosystèmes et les communautés naturelles ont le droit d’exister et de s’épanouir, de jouer leur rôle dans la communauté de la vie sur Terre. Nous ne pouvons plus nier notre parenté avec les animaux, les plantes et les arbres, ni éviter la réalité biologique selon laquelle nous sommes des êtres de la nature.

    Si notre capacité à prendre conscience de nous-mêmes nous a conduits, insidieusement, à nous imaginer extérieurs à la réalité, cette conscience individuelle devra alors s’orienter vers une conscience universelle dans laquelle tout le monde accepte d’être une simple note dans cette grande symphonie de la vie et de la société, et, au-delà, le cosmos. Tout en restant enracinés au sol.

    Et cela ne peut être fait que par une conscience profonde du principe d’interdépendance qui nous lie à tous, qui nous lie à la Terre et à tous les autres êtres vivants. Nous devrions incarner une vision du monde profondément égalitaire en ce sens que chacun est reconnu dans sa fonction vitale et que chacun sait qu’il est nécessaire aux autres.

    Le philosophe persan Rumi l’a résumé simplement: « Vous n’êtes pas une goutte d’eau dans l’océan, vous êtes tout un océan dans une goutte d’eau. » Cette pensée holistique est commune à de nombreuses traditions spirituelles et trouve sa source dans la sagesse des peuples autochtones. Cela leur a permis de trouver la place qui leur revient et de vivre pendant des millénaires en harmonie avec la nature.

     

  • « Les limites de la Terre doivent être respectées et ses droits protégés »

    Discours de Valérie Cabanes, Présidente d’Honneur de Notre Affaire à Tous, à la tribune de l’ONU, à l’occasion du Jour de la Terre le 22 avril 2019, New York.

    Voir la vidéo de l’intervention.

    Nous choisissons comme fondement de nos sociétés des valeurs et des modes de fonctionnement qui sont en contradiction avec le principe d’interdépendance propre à la vie. Nous créons des lois pour protéger « l’environnement » comme si l’écosystème terrestre nous était extérieur, indépendant, comme si la santé de notre planète ne conditionnait pas la nôtre. Notre ontologie occidentale opère une séparation entre Nature et culture, entre espaces sauvages et espaces humanisés.

    Comme l’explique l’anthropologue Philippe Descola, cette distinction est ignorée par d’autres peuples, souvent indigènes, qui considèrent que tous les êtres, humains, animaux ou inanimés, sont des sujets dotés d’intériorité et que tous les espaces naturels sont des lieux habités. Ils ne dissocient pas leurs ancêtres, leur existence et leur destin de tous les êtres vivants et des écosystèmes dans lesquels ils vivent. La pensée autochtone se rapproche plutôt des sciences de la nature dans la mesure où elle comprend la nature comme l’ensemble des systèmes et des éléments constitutifs du monde vivant, une réalité tangible dont l’humanité est l’une des composantes et dont la science peut étudier les lois.

    Environ cinq siècles avant notre ère, Lao Tzu avait déjà résumé cette façon de voir le monde: «Le tout est plus que la somme de ses parties». Dans chaque écosystème, chacun des composants du vivant, quelle que soit sa taille, est essentiel au fonctionnement de l’ensemble. Cette interaction et cette interdépendance entre les espèces naturelles permettent à tout système ainsi constitué de se réguler sans qu’il soit nécessaire d’apporter des éléments extérieurs. Mais aucun système n’est pour autant pleinement autonome. Il reste dépendant du fonctionnement des autres systèmes auxquels il appartient.

    En d’autres termes, en regardant à travers ce prisme, une perspective et une compréhension différentes de notre monde nous sont exposées. En effet, l’écosystème terrestre se révèle fondé sur un ensemble complexe d’échanges soumis à des règles d’équilibre extrêmement délicates et fragiles. Nous ne pouvons pas regarder et aborder le changement climatique sans prendre en compte le fonctionnement des autres systèmes écologiques.

    Notre écosystème mondial est menacé par les rejets excessifs de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, mais aussi par la pollution massive, la déforestation, la dégradation des sols, la surexploitation de l’eau douce, l’acidification de l’océan. Lorsque la biosphère est endommagée, son érosion a un impact sur le climat. Dans ce cas, la végétation et les sols n’assument plus leur rôle crucial de régulateur climatique, en plus du stockage et du recyclage du carbone. La déforestation entraîne la disparition permanente des nuages et de la pluie. La perte de plancton marin bloque la pompe à carbone qu’est l’océan.

    Nous sommes maintenant engagé-es dans une sixième extinction de masse mettant en péril la vie des générations à venir. Comment en sommes-nous arrivés là? Notre rêve dmillénaire de nous affranchir des contraintes «naturelles» et de graviter comme hors-sol dans un système conceptuel qui ne se préoccupe que de nous-mêmes nous mène à notre perte. La plupart des êtres humains semblent vivre déconnectés de la matrice, incapables de vivre en harmonie avec les quelques espaces naturels qui les entourent, car le seul regard qu’ils portent sur eux est rempli d’avidité. Dans le système juridique en vigueur dans presque tous les pays, la Nature est considérée comme une propriété. Quelque chose qui est considéré comme une propriété donne au propriétaire le droit de l’endommager ou de le détruire. Les personnes et les entreprises qui « possèdent » des écosystèmes naturels sont largement autorisées à les utiliser à leur guise, même si cela signifie la destruction de la santé et du bien-être de la Nature.

    En outre, depuis la montée en puissance de compagnies multinationales dans les années 70, le droit des sociétés et les règles du commerce mondial ont eu tendance à prévaloir de plus en plus sur les droits de l’homme et ne respectent pas les écosystèmes. Nos activités industrielles manquent d’un cadre juridique nécessaire et solide, celui que notre planète offre pour garantir notre sécurité. L’âge d’or du matérialisme a manifestement atteint ses limites, celles que la Terre nous impose de respecter afin de laisser la vie perdurer.

    Une équipe internationale de 26 chercheurs, dirigée par Johan Rockström du Stockholm Resilience Centre et Will Steffen de l’Australian National University, a identifié en 2009 neuf processus et systèmes régulant la stabilité et la résilience du système terrestre – les interactions de la terre, de l’océan, de l’atmosphère et de la vie qui, ensemble, fournissent les conditions d’existence sur lesquelles reposent nos sociétés. Des valeurs seuils ont été définies pour chacun de ces processus ou systèmes. Ces limites ne doivent pas être dépassées si l’humanité aspire à se développer dans un écosystème sûr, c’est-à-dire en évitant les changements brusques et difficiles à prévoir de l’environnement mondial.

    Selon les scientifiques, le changement climatique et l’intégrité de la biosphère sont des « limites fondamentales » et interagissent les unes avec les autres. Leur franchissement mène à un « point de basculement » caractérisé par un processus d’extinction irréversible des espèces et des conséquences catastrophiques pour l’humanité.

    À présent, les équipes de Steffen et de Rockström mettent davantage en garde sur le fait que depuis 2015, d’autres limites, en plus du changement climatique et de la perte de biodiversité, sont dépassées ou sur le point de l’être. Il s’agit de la modification d’usage des sols, des flux de cycles biogéochimiques (azote et phosphore) et d’autres limites, telles que l’utilisation de l’eau douce, l’acidification des océans, l’appauvrissement de la couche d’ozone, les aérosols atmosphériques, la pollution chimique (introduisant largement de nouvelles entités dans la biosphère). Elles aussi sont liées; ce qui signifie que la transgression de l’une d’entre elles peut augmenter les chances de se rapprocher d’autres limites.

    Ban Ki Moon, Secrétaire général des Nations Unies, a évoqué lors de l’Assemblée générale de 2011 les limites planétaires comme outil de mesure scientifique. S’adressant aux dirigeants du monde, il a déclaré: «Utilisez chaque once de votre expérience, de vos compétences et de votre influence pour faire progresser les actions relatives au changement climatique. Aidez-nous à défendre la science qui montre que nous déstabilisons notre climat et que nous repoussons les limites planétaires à un degré périlleux ». Cette déclaration a été appuyée par le Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la durabilité mondiale, qui a reconnu le concept de limites planétaires comme cadre pertinent pour déterminer et mesurer les objectifs du développement durable.

    Mais je pense que nous devrions aller plus loin et élever les limites planétaires au rang de normes juridiques, ce qui contribuerait à réguler les activités industrielles et à faire évoluer le droit vers une meilleure approche écosystémique, en reconnaissant notre interdépendance avec le système Terre afin de vivre en harmonie avec la nature. L’anthropocentrisme juridique est l’une des causes principales de la crise écologique et climatique. Il est temps de repenser notre rôle au sein de la communauté plus large tissée par les relations entre espèces et écosystèmes qui soutiennent la vie et d’adapter notre droit et notre gouvernance en fonction des règles et des limites de la Terre nourricière.

    Un autre défi consiste à trouver un moyen d’intégrer et de réconcilier les droits respectifs de toutes les espèces et de toutes les composantes de la vie et de savoir comment les respecter en vertu de lois humaines. Nous ne pouvons pas survivre sans garantir aux autres espèces et aux systèmes vivants leur droit d’exister et de prospérer.

    En 1972, année du premier Sommet de la Terre, l’avocat Christopher Stone, préoccupé par la préservation d’une forêt de séquoias menacée par un projet de la Walt Disney Company, se demandait « Les arbres doivent-ils pouvoir plaider? » . Il a proposé une nouvelle approche juridique consistant à octroyer des droits à l’environnement naturel dans son ensemble et à désigner un tuteur ou un représentant pour l’objet naturel tout en devenant également le tuteur des générations futures.

    Aujourd’hui, de nombreux pays et municipalités qui ont déjà reconnu les droits de la Nature dans leur constitution ou leur législation locale ont compris la nécessité de reconnaître la valeur intrinsèque des non-humains pour résoudre la crise écologique. Cette approche juridique a été adoptée pour la première fois par des pays comptant de grandes communautés autochtones. En Amérique latine, l’Équateur a été le premier pays à reconnaître les droits de la nature dans sa constitution en 2008. Dans ce pays, la nature a le droit au respect intégral de son existence. Elle a le droit au maintien de ses cycles vitaux et de tous les éléments qui forment un écosystème. Le principe de précaution est constitutionnalisé de façon à prévenir toute extinction d’espèces, toute destruction d’écosystèmes ou à en altérer de façon permanente ses cycles naturels. La nature peut être représentée et défendue en justice par tout individu, communauté, peuple ou nation et dispose d’un droit inaliénable à la restauration. En dix ans, l’Équateur a ouvert la voie dans l’application de ces droits. 25 procès ont été menés au nom des éléments naturels et 21 ont été gagnés. Puis, en 2010, la Bolivie a adopté une loi annexée à sa Constitution et intitulée « Loi des droits de la Terre Mère ».

    Depuis lors, la nécessité de reconnaître la valeur intrinsèque des êtres non humains pour résoudre la crise écologique s’est répandue dans le monde entier. En 2017, la ville de Mexico a reconnu les droits de la Nature dans sa nouvelle constitution et au Brésil, la municipalité de Bonito a procédé à une modification de sa loi organique en ce sens, suivie par la municipalité de Paudalho en 2018. Plus de trente municipalités aux États-Unis ont adopté de nouvelles chartes reconnaissant les droits de la Nature en plus de dix ans. Plus récemment, la ville de Toledo, dans l’Ohio, a voté par référendum en février 2019 en faveur d’un projet de loi reconnaissant au lac Érié son droit d’exister, de s’épanouir et d’évoluer naturellement. Au-delà de sa signification symbolique, ce référendum a également une portée juridique: en donnant des droits légaux au lac, les habitants de Toledo peuvent intenter une action en justice contre les pollueurs au nom du lac.

    Les parlements et les juges se prononcent également de manière ciblée sur des écosystèmes en danger et emblématiques sur leur territoire. En juillet 2014, une loi a été adoptée en Nouvelle-Zélande reconnaissant le parc national Te Urewera, territoire ancestral de la tribu Tuhoe Maori, en tant qu’« entité juridique » avec « tous les droits, pouvoirs, devoirs et responsabilités d’une société ». En 2017, le parlement néo-zélandais a ensuite signé divers accords avec d’autres tribus et clans maoris reconnaissant le fleuve Whanganui et le mont Taranaki comme des entités vivantes et juridiques.

    Quelques jours plus tard, dans l’État d’Uttarakhand, dans le nord de l’Inde, compte tenu de l’inefficacité des mesures prises pour lutter contre la pollution du Gange, la Haute Cour de justice a également décidé de reconnaître le fleuve comme entité vivante, ainsi que son affluent, la Yamuna. La Cour leur a donné une personnalité juridique. Dans un second jugement, elle a également reconnu comme sujets de droit tous les écosystèmes himalayens sur son territoire: les glaciers Gangotri et Yamunotri menacés par le changement climatique, mais aussi les rivières, ruisseaux, lacs, sources et cascades, prairies, vallées, jungles, forêts et au-delà l’air . Puis en 2018, elle a reconnu les droits du règne animal, aquatique et aviaire (oiseaux) inclus. Ces décisions ont eu un effet boule de neige aux niveaux national et régional. Le 4 mai 2017, réunie en session extraordinaire l’Assemblée de l’État du Madhya Pradesh a adopté une résolution déclarant le fleuve Narmada eentité vivante et affirmant que le fleuve est la ligne de vie de l’État. Au Bangladesh, le 30 janvier 2019, la Haute Cour a accordé à la rivière Turag le statut de personne morale pour la protéger de tout empiétement et a déclaré que ce statut serait applicable à toutes les rivières du pays.

    Mais là où les juges semblent les plus innovants, c’est probablement en Colombie. En 2016, la Cour constitutionnelle a reconnu les droits de la rivière Atrato endommagée par l’extraction d’or illégale qui détruit les forêts et les écosystèmes fluviaux, polluant la rivière et rendant malades les communautés qui vivent sur ses rives. En 2017, le tribunal administratif de Boyacá a déclaré que Páramo Pisba (hautes terres de Pisba) avait des droits, puis la Cour suprême a établi que les animaux étaient des sujets protégés et a appliqué cette mesure en accordant des droits à l’ours andin, également appelé l’ours à lunettes. En 2018, le premier tribunal pénal de Carthagène a ordonné à l’État colombien de protéger et de préserver la vie des abeilles en tant qu’agents pollinisateurs.

    Enfin, en mai 2018, comme vous l’avez peut-être entendu, la Cour suprême colombienne a reconnu l’obligation pour l’État de protéger les citoyens de la menace climatique. Sa décision est historique de deux manières. Elle reconnait deux nouveaux sujets de droit: les générations futures et les êtres non humains. En droit occidental, les enfants à naître n’ont pas encore de droits et ne sont donc pas protégés contre les conséquences des décisions que nous prenons aujourd’hui et dans un proche avenir. Les droits transgénérationnels confèrent aux générations actuelles le devoir de protéger les générations suivantes, c’est ce que la Cour suprême de Colombie a compris. Mais elle a également compris que pour prévenir de nouvelles catastrophes, nous devons protéger les droits de la nature et sa valeur intrinsèque. Reconnaître les droits de la nature nous donne l’occasion de protéger ceux des générations futures, qu’elles soient humaines ou non.

    Maintenant, j’espère que d’autres pays d’Amérique latine reconnaîtront toute la forêt amazonienne en tant qu’entité vivante dotée de droits afin d’empêcher sa destruction. C’est un écocide en cours qui représente une énorme menace pour la sûreté de la planète.

  • Écocide / Reconnaissance du crime d’écocide : Revue de presse

    En Novembre 2017, la reconnaissance de l’écocide était l’une des cinq revendications portées par Notre Affaire à Tous auprès du chef de l’État : À ce jour, notre demande n’est toujours pas entendue. 

    En parallèle de notre action pour l’incrimination de l’écocide, nous portons aussi notre plaidoyer pour la reconnaissance des droits de la nature.

    Juillet 2020

    Politis, 1 juillet 2020 / L’urgence de reconnaître les écocides

    Une tribune de Valérie Cabanes et Marie Toussaint. Emmanuel Macron doit prendre au mot les propositions de la Convention citoyenne pour le climat afin de donner les outils juridiques nécessaires à la lutte climatique. Un bouleversement qui doit passer par un référendum. Lire la suite >

    Libération, 1 juillet 2020 / Écocide et droits de la Nature « Il faut avoir une visions beaucoup plus systémique du monde »

    La reconnaissance du crime d’écocide, visant à punir les dommages écologiques délibérés et graves, est l’une des propositions phares de la Convention citoyenne pour le climat. Une idée portée depuis plusieurs années par la juriste Valérie Cabanes, qui rappelle l’urgence de reconnaître à la nature des droits afin de protéger les écosystèmes dans leur ensemble, jusque dans les villes. Lire la suite >

    Libération, 1 juillet 2020 / Les citoyens de la Convention climat sont-ils des Khmers Verts ?

    Une tribune de Valérie Cabanes. Nous ne pouvons plus nous permettre de vivre déconnectés de la nature, alors que notre santé dépend de celles des écosystèmes. Lire la suite >

    Le Club des Juristes, 11 juillet 2020 / Convention citoyenne pour le climat : l’écocide a-t-il une chance d’aboutir ?

    Par Sébastien Mabile, Avocat (Seattle Avocats), docteur en droit, membre de Notre Affaire à Tous. Le 21 juin dernier, la Convention citoyenne pour le Climat a remis son rapport final au gouvernement. Parmi les 149 mesures proposées, la création du crime d’écocide pour sanctionner les atteintes graves à l’environnement. Lire la suite >

    France Inter, 15 juillet 2020 /  Réfléchir l’écocide avec Valérie Cabanes

    L’écocide ou reconnaître des crimes perpétrés envers la nature est la notion défendue par la juriste en droit international Valérie Cabanes. Récemment, l’écocide a été porté par les débats de la Convention citoyenne pour l’environnement. Entre résurgence du terme et enjeux politiques, Valérie Cabanes s’engage et milite. Écouter l’émission >

    La Libre, 17 juillet 2020 / Ecolo veut introduire l’écocide dans le code pénal: « Notre droit ne sanctionne pas du tout les crimes les plus graves contre l’environnement »

    La juriste française Valérie Cabanes lutte pour faire reconnaître l’écocide dans les codes pénaux internationaux ou nationaux. Elle était hier à la Chambre, à l’invitation du député fédéral Ecolo-Groen Samuel Cogolati, qui a déposé une proposition de résolution avec ses collègues « verts » pour que soit reconnue à la fois au niveau belge et international la notion d’écocide, crime grave contre l’environnement, comme crime à part entière. Interview croisée. Lire la suite >

    Juin 2020

    Radio télévision Suisse, 30 juin 2020 / Comment punir l’écocide

    De plus en plus de voix s’élèvent à travers le monde pour que soit reconnu le crime d’écocide, qui qualifie les atteintes graves à l’environnement. Mais comment en déterminer les contours et comment le punir ? La juriste Valérie Cabanes, à la pointe du combat, esquisse les grandes lignes dans le Point J.  Écouter l’émission >

    Décembre 2019

    Politis, 4 décembre 2019 / Le crime d’écocide devant le Parlement

    Le 12 décembre, une proposition de loi pénale sera débattue à l’Assemblée nationale. Elle vise à contrer la menace pesant sur l’habitabilité de notre planète en s’appuyant sur le cadre contraignant de ses limites. Lire la suite >

    LCI, 3 décembre 2019 / Pourquoi la reconnaissance d’un crime d’écocide dans la loi est plus compliquée qu’il n’y paraît

    Proposition – Depuis des années, des juristes et des élus militent pour la reconnaissance de l’écocide dans la loi pénale française mais aussi internationale. En France, l’Assemblée nationale doit examiner une nouvelle proposition de loi le 12 décembre. Va-t-on vers une reconnaissance juridique d’un crime contre l’environnement ? Lire la suite >

    Libération, 10 décembre 2019 / Reconnaître l’écocide au même rang que les crimes contre l’humanité

    Alors qu’une proposition de loi sur l’écocide est débattue ce jeudi à l’Assemblée nationale, une soixantaine de responsables politiques et d’intellectuels appellent à inscrire le phénomène de criminalité environnementale dans le droit français. Lire la suite >

    HuffPost, 12 décembre 2019 / La reconnaissance de l’écocide de nouveau débattue, à l’Assemblée cette fois

    Le groupe socialiste à l’Assemblée nationale propose un texte visant à faire reconnaître le crime d’écocide, huit mois après un premier échec au Sénat. Lire la suite >

    FranceInfo, 12 décembre 2019 / Le XXIème siècle doit être celui où l’on met fin aux crimes contre la planète

    L’Assemblée nationale examine le 12 décembre une proposition de loi visant à inscrire dans le droit français la reconnaissance du crime contre l’environnement. Lire la suite >

    Reporterre, 12 décembre 2019 / Le crime d’écocide, bientôt dans la loi ?

    Ce jeudi 12 décembre, l’Assemblée nationale doit débattre sur la reconnaissance du crime d’écocide. Une notion juridique indispensable pour protéger les écosystèmes et leurs habitants, mais qui se heurte à la frilosité des politiques et des lobbies. Lire la suite > 

    L’Express, 12 décembre 2019 / Ecocide : pourquoi des députés veulent inscrire ce crime dans le Code pénal

    Une proposition de loi portée par le groupe socialiste visant à reconnaître le crime d’écocide dans le droit français est examinée ce jeudi par l’Assemblée nationale. Lire la suite >

    Novethic, 18 décembre 2019 / Rejeter par le gouvernement, la reconnaissance du crime d’écocide est loin d’être enterrée

    Le 12 décembre dernier, à la veille de la clôture de la COP25, les députés français ont rejeté la reconnaissance du crime d’éocide dans le droit pénal. Mais les débats dans l’hémicycle ont fait apparaître un réel intérêt pour le sujet de façon transpartisane. Lire la suite >

    Novembre 2019

    Novethic, 27 novembre 2019 / Ecocide : nouvelle tentative pour faire entrer le crime contre l’environnement dans le droit pénal français

    Les atteintes aux écosystèmes n’ont jamais été reconnues comme un crime dans le droit international. Mais des députés socialistes poussent en ce sens. Ils ont déposé une proposition de loi visant à reconnaître dans le code pénal français le crime d’écocide, contre l’environnement. Ce serait une première si la France adoptait une telle loi. Pour l’instant, le texte a été rejeté en Commission des lois et doit être examiné en séance plénière le 5 décembre. Lire la suite >

    InfoDurable, 28 novembre 2019 / Assemblée nationale : deuxième tentative pour la reconnaissance de l’écocide

    La proposition de loi portant la reconnaissance du crime d’écocide a été déposée à l’Assemblée Nationale par les députés du groupe socialiste, le 22 octobre dernier. Depuis renvoyé à la Commission des lois constitutionnelles, le texte a été à nouveau examiné le 27 novembre. Lire la suite >

    Mai 2019

    Le HuffPost, 1er mai 2019 / L’écocide, nouveau crime contre l’humanité qui tente de s’imposer en France

    L’écocide, ce nouveau crime contre l’humanité plus dévastateur encore que le génocide, selon ses défenseurs, essaie de se faire une place dans le droit français. Lire la suite >

    Avril 2019

    Novethic, 4 avril 2019 / Environnement : des sénateurs veulent faire reconnaître le crime d’écocide dans la loi française

    Une proposition de loi portée par des sénateurs socialistes entend faire reconnaître le crime d’écocide. Lire la suite >

    Actu Environnement, 8 avril 2019 / La reconnaissance du crime d’écocide en débat devant le Sénat

    Introduire dans le code pénal la répression des crimes contre l’environnement. Tel est l’objet d’une proposition de loi déposée par le sénateur Jérôme Durain et les membres du groupe socialiste. Elle sera examinée le 2 mai prochain en séance publique. Lire la suite >

    France Culture, 13 avril 2019 / Au nom de la terre, une juriste dans l’arène

    La Voix est libre avec Valérie Cabanes, juriste en droit international, spécialiste des droits de l’homme et du droit humanitaire, elle porte le projet de reconnaissance par la justice de l’écocide comme un crime contre la paix et les générations futures, au nom de la terre et du vivant. Lire la suite >

    E-RSE, 13 avril 2019 / Le crime d’écocide va-t-il intégrer le droit pénal français ?

    Le 19 mars, une proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide a été déposée par des sénateurs socialistes et républicains. Si cette notion reste méconnue, elle tend à se démocratiser, portée par des personnalités comme Valérie Cabanes. Lire la suite > 

    Mars 2019

    Le Temps, 1 mars 2019 / Valérie Cabanes : «Droits de la nature et crime d’écocide doivent être reconnus»

    Valérie Cabanes, juriste internationale et essayiste, souhaite que le droit se soucie enfin de la protection de tous les êtres vivants sur notre planète en péril. Lire la suite >

    Janvier 2019

    Le Monde, 4 janvier 2019 / Valérie Cabanes : « Reconnaître la nature comme sujet de droit »

    La juriste Valérie Cabanes, spécialisée dans les droits de l’homme et le droit humanitaire, combat pour faire reconnaître l’écocide, ou crime contre l’environnement. Lire la suite >

    2018

    Magazine Géo, 22 août 2018 / La minute écologique avec Marie Toussaint

    Présidente de Notre Affaire à Tous et membre de l’association End Ecocide on Earth, elle revenait pour le magazine Géo sur le combat pour la reconnaissance juridique du crime d’écocide, une bataille menée de plein front par les deux associations. En Novembre 2017, la reconnaissance de l’écocide était l’une des cinq revendications portées par Notre Affaire à Tous auprès du chef de l’État : une demande toujours pas entendue. Voir la vidéo >

    Libération, 31 juillet 2018 / Tribune de Marie Toussaint : L’homme est un prédateur pour la planète

    La destruction de notre planète est une politique de prédation sociale :en détournant le regard face au réchauffement climatique, nos dirigeants s’enferment dans une attitude méprisante, coupable et dangereuse. Lire la suite >

  • Criminaliser l’écocide, un enjeu pour demain ?

    Dans l’émission de France Culture « La Grande table », diffusée fin octobre, Valérie Cabanes*, juriste et cofondatrice de l’association Notre affaire à tous, est venue expliquer le concept d’écocide et la nécessité de le criminaliser pour assurer la survie des générations futures. Quelques jours plus tard, elle était de nouveau l’invitée de France culture dans l’émission « Les Nouvelles vagues », aux côtés de Marie Toussaint, présidente de Notre affaire à tous et de Christophe Bonneuil, historien des sciences et de l’environnement.

    Non, le monde ne tourne pas rond. Et les illustrations de cet état de délabrement sont criantes, énumérées à l’antenne de France Culture par Valérie Cabanes, juriste, porte-parole du mouvement Ecocide on Earth et cofondatrice de Notre affaire à tous : « Nous avons franchi un certain nombre de limites planétaires, définies par le Stockholm Resilience centre en 2009, au-delà desquelles la vie n’est plus en capacité de se régénérer».

    Ces limites planétaires, les voici : les principales sont le changement climatique qui est devenu irréversible et qui va devenir intolérable pour de nombreuses populations et le seuil d’érosion de la biodiversité qui a été dépassé, nous entraînant dans une 6e extinction des espèces. Celui de l’acidification de l’océan menace la vie marine. La pollution des sols et les rejets écotoxiques compromettent la santé des générations à venir. Enfin, la déforestation massive se poursuit.

    Un tableau peu réjouissant qui s’accompagne d’une pluie de conséquences dramatiques. « Dans les décennies qui viennent, s’alarme Valérie Cabanes lors de l’émission « Les Nouvelles vagues », on s’attend à 60 millions de réfugiés climatiques d’Afrique subsaharienne et 250 millions dans le monde entier d’ici 2050. Et si l’on garde ce cap industriel qui nous mène vers +3° à + 4°, c’est probablement une personne sur sept devra quitter son domicile. » En cause, les sécheresses à répétition, la famine, la montée des eaux…

    « Nous sommes la nature »

    Face à ces prévisions apocalyptiques, la juriste exhorte à sortir d’un état de sidération, voire de déni. Surtout, il est essentiel de repenser notre rapport à la nature : « Nous sommes la nature. Il n’y a pas l’homme exclu de son environnement. L’humain est interdépendant de tous les cycles écologiques […] A partir du moment où l’on s’exclut de cet environnement-là, on se conduit d’une manière qui met en danger les conditions d’existence des générations à venir. » Plus encore, pour l’historien Christian Bonneuil, « ce que nous vivons n’est pas juste une crise écologique globale, mais un basculement géologique, un basculement pour la terre ».

    L’urgence est constituée, et les juristes de l’association Notre affaire à tous militent pour une reconnaissance de l’écocide** – terme qui désigne cette atteinte portée à l’habitabilité de la terre – comme 5ème crime reconnu par la Cour pénale internationale. « L’écocide nous oblige à sortir du champ juridique actuel, à établir de nouvelles valeurs, à créer de nouveaux sujets de droits », tels que « la reconnaissance de droits à l’écosystème terre », mais aussi la prise en compte de «l’intérêt des générations futures », développe Valérie Cabanes. Il deviendrait alors possible, grâce à un nouveau cadre juridique contraignant, d’ester en justice au nom de l’écosystème terre et au nom du droit des générations futures à jouir d’un environnement sain. Autrement dit, criminaliser l’écocide permettrait d’engager « la responsabilité pénale des dirigeants des multinationales », « discipliner les activités industrielles qui polluent et menacent de façon globale l’existence des personnes actuelles et celles à venir ».

    Bien que la bataille juridique se livre à l’échelle des grandes instances internationales, sa présidente Marie Toussaint a précisé également – à l’antenne de l’émission « Les Nouvelles vagues » – qu’à l’échelle nationale, l’association Notre affaire à tous agit aussi pour que « la France œuvre autant qu’elle le doit du fait de sa responsabilité historique pour ne pas dépasser le réchauffement planétaire de 1,5°C, ainsi que nous y incite l’Accord de Paris. »

    « Pays les plus vulnérables »

    Reste que les militants de ce mouvement doivent faire face aux oppositions des grandes puissances, prêtes à tout pour défendre leurs intérêts. Pour Valérie Cabanes, l’espoir repose en partie sur la Cour pénale internationale, dans la mesure où, contrairement à l’ONU, les Etats qui en sont signataires sont égaux dans leurs votes. « Or, sur les 124 Etats parties de la CPI, plus des 2/3 ont la volonté de créer un cadre contraignant pour l’activité des multinationales et des états complices ou qui les subventionnent. Pour adopter un amendement au Statut de Rome, il faut obtenir 2/3 des votes des Etats parties à la CPI ». Ainsi, « l’espoir vient des pays les plus vulnérables ». En attendant, et face aux obstacles politiques, économiques et juridiques qui se dressent, « nous demandons aux juges d’être courageux et de créer des jurisprudences, de façon à ce que le droit évolue vers la reconnaissance de l’écocide dans le droit international », enjoint la juriste.

    Si le mot écocide est d’ores et déjà accepté au scrabble, le voir inscrit dans le droit international reste un défi à la charge de la société civile. Pour qu’un jour proche, des tribunaux comme celui, symbolique, qui a jugé la firme Monsanto à la Haye fin octobre 2016, deviennent enfin réalité.

    Par Elodie Crézé

     

    *Valérie Cabanes est l’auteure de l’ouvrage « Un nouveau droit pour la terre, pour en finir avec l’écocide », publié aux éditions du Seuil (2016).

    ** Terme employé pour la première fois en 1966 pour qualifier le crime de guerre qu’a constitué l’usage d’un défoliant appelé «agent orange», par l’armée américaine lors de la guerre du Vietnam

    A écouter :

    La Grande table, France culture : « Écocide : faut-il repenser les droits de la Terre ? » émission du 21 octobre 2016

    Les Nouvelles vagues, France culture : « Pour en finir avec l’«écocide» » émission du 31 octobre 2016