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  • Pour la reconnaissance de l’écocide et des limites planétaires : Contribution à la Convention Citoyenne

    La Convention Citoyenne pour le Climat est une consultation citoyenne mise en place par le gouvernement afin de donner la parole aux citoyens et citoyennes pour accélérer la lutte contre le changement climatique. Réunissant cent cinquante personnes, toutes tirées au sort, elle a pour mandat de définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) dans un esprit de justice sociale. 

    Dans ce cadre, les associations Notre Affaire à Tous et Nature Rights ont décidé de contribuer aux travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat en présentant une proposition en faveur de la reconnaissance du crime d’écocide et des limites planétaires. 

    Notre contribution

    Citoyennes, Citoyens,

    Selon le bulletin annuel de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) publié lundi 30 octobre 2017, en 2016 jamais la concentration dans l’atmosphère de dioxyde de carbone (CO2) n’avait atteint un niveau aussi élevé. « La dernière fois que la Terre a connu une teneur en CO2 comparable, c’était il y a 3 à 5 millions d’années : la température était de 2 à 3°C plus élevée et le niveau de la mer était supérieur de 10 à 20 mètres par rapport au niveau actuel » . Selon le secrétaire général de l’OMM, le Finlandais Petteri Taalas : « Les générations à venir hériteront d’une planète nettement moins hospitalière ».

    Selon le dernier rapport spécial du GIEC de 2018, il faut diviser de près de moitié nos gaz à effet de serre (GES) en 2030 et atteindre la neutralité carbone en 2050 pour avoir une chance suffisamment raisonnable de prévenir un dérèglement dangereux du système climatique. Une telle trajectoire, aussi ambitieuse soit elle,  nous laisserait seulement 50% de chances succès de contenir la température en dessous de 1.5°C et 85% pour limiter la température à 2°C. Dit autrement, une telle trajectoire est la seule voie possible pour nous assurer un avenir tolérable. Il faut donc agir avec volontarisme dans tous les secteurs économiques afin de soustraire la quantité requise de GES de l’atmosphère (environ 30 Gt à 40 Gt GES par an). 

    Or, tous les acteurs susceptibles d’agir en faveur d’une limitation drastique des émissions de GES démontrent bien peu d’efforts quels que soient leurs discours. Ni les États, ni les 100 entreprises responsables de 71% des émissions de gaz à effet de serre depuis 1988, ni les banques ne semblent prendre le cap d’une transition énergétique, encore moins celui de l’abandon de technologies industrielles dévastatrices, et ce malgré l’Accord de Paris. Selon l’ONU Environnement, les engagements pris en 2015 par les 195 pays parties prenantes de l’accord de Paris ne permettront que d’accomplir « approximativement un tiers » des efforts nécessaires et la Terre s’achemine aujourd’hui vers une hausse du thermomètre de 3 °C à 3,2 °C à la fin du siècle. Selon le rapport Carbon Majors Dataset du Carbon Disclosure Project de 2017, 50% des GES ont été émis depuis 1988, année où a été mis en place le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Malgré leur connaissance de la dangerosité de leurs activités, les grandes entreprises d’énergies fossiles n’ont cessé de freiner leur développement climaticide. Au lieu d’investir dans les énergies propres, elles ont commencé à investir dans des énergies fossiles non-conventionnelles telles que les sables bitumineux ou le pétrole de schiste, ayant un impact désastreux sur l’environnement. Selon ce rapport, si l’extraction des énergies fossiles continue au rythme des 28 dernières années, les températures devraient même augmenter de 4 °C d’ici à la fin du siècle par rapport à l’ère préindustrielle. 

    Les financeurs n’ont eux, jamais cessé de subventionner la recherche et l’exploitation des sources d’énergie fossiles En Europe, 112 milliards d’euros sont annuellement dépensés dans ces dernières, dont 4 milliards d’aide directement versées par l’Union européenne à l’extraction, ainsi que de nombreuses subventions supplémentaires. Selon une étude publiée par le FMI en 2015, les subventions directes et indirectes aux combustibles fossiles s’élèvent encore dans le monde à 5340 milliards de dollars par an. 

    Les scientifiques du GIEC affirment dans un rapport en préparation que même en contenant le réchauffement à 1,5ºC, tâche extrêmement ardue, le niveau des mers s’élèvera encore et se poursuivra pendant des siècles. 

    En cause principalement, la fonte des calottes glaciaires amorcée avec des températures 20° supérieures aux normales saisonnières durant les mois de novembre 2016 et 2017 en Arctique. 

    L’Europe devrait subir de meurtrières vagues de chaleur, des inondations, des tempêtes et autres phénomènes extrêmes qui pourraient faire jusqu’à 152.000 morts par an d’ici à la fin du siècle, contre environ 3.000 par an actuellement, selon une autre étude d’août 2017 financée par la Commission européenne. 

    Parallèlement le déclin de la biodiversité, constaté sur tous les continents habités du monde devrait s’accélérer. La Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (ci-après IPBES, acronyme anglais également utilisé en français) annonce qu’en Europe, 42 % des animaux terrestres et des plantes ont enregistré un déclin de leurs populations au cours de la dernière décennie, de même que 71 % des poissons et 60 % des amphibiens. Les rapports scientifiques confirmeraient que la Terre est en train de subir sa sixième extinction de masse, ce qui, selon l’IPBES « met en danger les économies, les moyens d’existence, la sécurité alimentaire et la qualité de vie des populations partout dans le monde ». De fait, les disparitions d’espèces ont été multipliées par 100 depuis 1900, soit un rythme sans équivalent depuis l’extinction des dinosaures il y a 66 millions d’années. 

    Pour le WWF qui a commandé une étude à deux universités australienne et anglaise, le constat global est tout aussi effroyable : si le réchauffement se poursuit jusqu’à + 4,5 °C, la moitié des espèces risqueront de disparaître d’ici à 2080 dans 35 écorégions prioritaires comme l’Amazonie, la Grande Barrière de corail, le désert de Namibie ou le delta du Mékong, des régions qui abritent nombre d’espèces emblématiques, endémiques et en danger. Or, les modèles qui simulent le mieux la période actuelle ont tendance à projeter, pour le futur, un réchauffement proche de 5°C selon une étude publiée par Nature en décembre 2017, menée par les chercheurs Patrick Brown et Ken Caldeira de la Carnegie Institution for Science.

    Le changement climatique et l’érosion de la biodiversité conduisent la planète vers un état auquel nul n’est préparé : il met en danger nombre d’écosystèmes, la survie de nombreuses espèces animales et végétales et les conditions de vie de l’humanité. Il nous faudrait d’une part reconnaître non seulement la menace à la paix que représente le changement climatique, mais aussi la menace à l’écosystème Terre dans son ensemble quand il se conjugue à une érosion vertigineuse de la biodiversité. Il est temps de contraindre l’activité industrielle au respect des limites de la planète au-delà desquelles elle deviendrait inhospitalière 

    Dans son discours devant la communauté internationale lors de la COP23 de Bonn, le Président de la République a évoqué le franchissement du “seuil de l’irréversible” et le risque que les équilibres de la planète ne se rompent.  Cet effet de seuils doit être inscrit dans le droit afin de permettre aux institutions de notre État de cadrer les activités qui menacent ces équilibres planétaires. 

    D’autant plus que ces seuils ont pu être identifiés et chiffrés. Une équipe internationale de 26 chercheurs, menés par Johan Rockström du Stockholm Resilience Centre et Will Steffen de l’Université nationale australienne, a identifié dès 2009 neuf processus et systèmes régulant la stabilité et la résilience du système terrestre – les interactions de la terre, de l’océan, de l’atmosphère et de la vie qui, ensemble, fournissent les conditions d’existence dont dépendent nos sociétés. Des valeurs seuils ont été définies pour chacun de ces processus ou systèmes, des limites qui ne doivent pas être dépassées si l’humanité veut pouvoir se développer dans un écosystème sûr, c’est-à-dire évitant les modifications brutales et difficilement prévisibles de l’environnement planétaire. Ces limites planétaires relèvent d’une démarche scientifique qui, élevées au rang de normes, permettraient de faire évoluer le droit vers une approche écosystémique reconnaissant notre lien d’interdépendance avec l’écosystème Terre. Nous sommes une espèce vivante impliquée dans ce réseau d’échanges de matière et d’énergie, à nous de nous comporter de façon efficace, c’est-à-dire qui n’en compromette pas le fonctionnement.

    Le changement climatique et l’intégrité de la biosphère sont, selon les scientifiques, les « limites fondamentales » et interagissent entre elles. Leur franchissement nous conduit vers un « point de basculement » caractérisé à la fin par un processus d’extinction irréversible d’espèces et des conséquences catastrophiques pour l’humanité. Quand la biosphère est endommagée, son érosion impacte le climat. La couverture végétale et le sol n’assument plus leur rôle crucial de régulation climatique directe, outre de stockage et de recyclage du carbone. La déforestation entraîne la disparition locale définitive des nuages et des pluies. La perte de plancton marin enraye la pompe à carbone qu’est l’Océan. Or, l’équipe de Steffen et Rockström met de plus en garde sur le fait que depuis 2015 d’autres limites, en plus de celle du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité, sont dépassées. Il s’agit du changement d’usage des sols et de la modification des cycles biogéochimiques (phosphore et azote) et d’autres limites à surveiller : l’usage de l’eau douce, l’acidification des océans, la déplétion de la couche d’ozone, les aérosols atmosphériques, la pollution chimique (plus largement l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère). Elles sont, elles aussi, liées ; ce qui signifie que la transgression de l’une d’entre elles peut augmenter la chance de se rapprocher d’autres limites. 

    Le « Rapport sur l’état de l’environnement » de l’Agence européenne pour l’environnement rendu en 2010 hisse les limites planétaires au rang de « priorité environnementale ». La Commission européenne exploite ce concept en 2011 afin de définir ses objectifs :  « D’ici à 2050, l’économie de l’UE aura cru de façon à respecter les contraintes de ressources et les limites planétaires ». Ban Ki Moon, secrétaire général des Nations unies, évoque, lui aussi, lors de l’Assemblée générale de 2011 les limites planétaires comme outil de mesure scientifique. S’adressant aux dirigeants du monde, il déclare : « Aidez-nous à défendre la science qui montre que nous déstabilisons notre climat et dépassons les limites planétaires à un degré périlleux ». Le Groupe de haut niveau de l’ONU sur la viabilité du développement mondial (UN High-Level Panel on Global Sustainability) inclut alors la notion de limites planétaires (planetary boundaries) dans son rapport de 2012 nommé « Pour l’avenir des hommes et de la planète: choisir la résilience » et précise que son ambition à long terme « est d’éliminer la pauvreté, de réduire les inégalités, de faire profiter le plus grand nombre de la croissance, de rendre les modes de production et de consommation plus viables, de lutter contre les changements climatiques et de prendre en considération les limites planétaires. » Cela afin de réaffirmer « le rapport historique publié en 1987 par la Commission mondiale de l’environnement et du développement sous le titre « Notre avenir à tous » (document de l’ONU publié sous la cote A/42/427, annexe) et connu sous le nom de rapport Brundtland. » 

    Les limites planétaires sont définies comme suit pour:

    1. Le changement climatique :
      1. seuil à 350 ppm de CO2 dans l’atmosphère pour rester en deçà de 1° d’ici à 2100,
      2. Changement du forçage radiatif  global depuis l’époque pré-industrielle (en watts par mètre au carré) +1 W/m2 max / actuellement +2,88 W/m2.
    2. L’érosion de la biodiversité : le taux d’extinction « normal » des espèces doit rester inférieur à 10 espèces par an sur un million.
    3. Les apports d’azote et de phosphore à la biosphère et aux océans (résultant notamment de l’agriculture et de l’élevage intensifs) :
      1. N(azote)= Limiter la fixation industrielle et agricole de N2 à 35 Mt/an, soit environ 25% de la quantité totale de N2 fixée par an naturellement par les écosystèmes terrestres
      2. P (phosphore) : < 10× = limite de flux de phosphore vers l’océan ne dépassant pas 10 fois celui de son altération naturelle au fond de l’Océan.
    4. Le changement d’usage des sols : Pourcentage de la couverture terrestre mondiale convertie en terres cultivées = ≤ 15% de la surface terrestre libre de glace convertie en terres cultivées.
    5. L’acidification des océans : Concentration en ions carbonates par rapport à l’état moyen de saturation de l’aragonite dans les eaux de surface des océans (Ωarag) = ≥ 80% par rapport à l’état de saturation moyen préindustriel, y compris la variabilité saisonnière naturelle et saisonnière
    6. L’appauvrissement de l’ozone stratosphérique : Concentration d’O3 stratosphérique, DU = <5% de réduction par rapport au niveau préindustriel de 290 UA.
    7. L’usage de l’eau douce : Consommation d’eau bleue / km3 / an sur Terre = < 4,000 km3/an

    Restent à déterminer :

    8. La dispersion d’aérosols atmosphériques : Concentration globale de particules dans l’atmosphère, sur une base régionale.

    9. La pollution chimique (composés radioactifs, métaux lourds, composés organiques synthétiques tels que pesticides, produits et sous-produits chimiques industriels à longue durée de vie et migrant dans les sols et l’eau parfois sur de très longues distances. Les chercheurs proposent de considérer aussi l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère comme les nanoparticules et molécules de synthèse)

    Faire appliquer des limites planétaires 

    La reconnaissance des limites planétaires intégrées à la loi permettra au législateur mais aussi au juge d’apprécier la dangerosité d’une activité industrielle en s’appuyant sur les valeurs seuils déterminées par le Stockholm Resilience Center, et donc d’être en mesure de considérer si une activité industrielle est tolérable ou non. 

    Le dernier rapport sur l’état de l’environnement en France énonce “quoutre le fait de constituer un cadre d’analyse novateur, l’approche inédite des limites planétaires correspond à la nécessité d’actualiser les informations environnementales en offrant aux citoyens et aux décideurs une compréhension plus globale de la situation nationale”. 

    Il est donc désormais nécessaire de doter la France d’une instance scientifiquement reconnue et compétente pour garantir l’application et le respect des limites planétaires. Elle aurait pour mission de garantir le respect des limites planétaires, de transcrire ces limites planétaires au niveau national et de réévaluer ces données de façon périodique tous les cinq ans compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment.

    Prévoir et sanctionner les activités écocidaires

    Malgré la reconnaissance du préjudice écologique en droit civil ainsi que la directive européenne 2008/99 sur l’introduction de sanctions pénales environnementales, les crimes et délits autonomes contre l’environnement ne sont toujours pas appréhendées pénalement en France. Afin d’envisager en droit national, la poursuite des atteintes aux communs planétaires ou au système écologique de la Terre, il conviendra de prévoir la possibilité d’appréhender les écocides commis sur le territoire national ainsi que dans certains cas, en dehors du territoire de la République. 

    Afin de prévenir le franchissement et/ou de revenir en deçà de certaines  limites planétaires, comme en matière de protection du climat par un contrôle effectif des émissions d’origine anthropique. En prévoyant le retour au seuil de 350 ppm, jugé comme étant réellement le plus sûr en matière de prévention des effets du changement climatique (objectif 1°C), la reconnaissance du crime d’écocide s’appuyant sur l’instrument des limites planétaires pourrait permettre in fine de réguler drastiquement les activités polluantes, à la hauteur des enjeux environnementaux. La justice serait ainsi en capacité de rechercher la responsabilité objective de l’auteur d’activités ayant participé de manière non négligeable au franchissement des limites planétaires en tenant compte de l’intention, la négligence, la connaissance des risques encourus.

    La loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre visant à lutter contre l’impunité des multinationales, adoptée en 2017 à la toute fin du mandat de F. Hollande grâce au travail et aux exigences sans relâche de la société civile, pourrait être complété de différentes façons avec une loi sur l’écocide et les limites planétaires. Avec une telle combinaison, les entreprises transnationales seraient dans l’obligation de prévenir l’écocide non seulement en France, mais également dans tous les autres pays dans lesquels elles opèrent. Un renforcement significatif de la protection de l’environnement pourrait donc être obtenue par ce biais.

    Les effets concrets de la reconnaissance du crime d’écocide

    Le terme “écocide” a été utilisé pour la première fois en 1972 par le Premier ministre suédois Olof Palme, pour qualifier la guerre du Vietnam et l’épandage de défoliant, l’Agent orange, par l’armée américaine sur les forêts vietnamiennes. Des manifestations avaient alors eu lieu aux Etats-Unis pour que l’écocide soit reconnu comme un crime contre la paix. Mais les tentatives ont toujours échoué, notamment à cause de la pression d’Etats comme la France, qui y voyait un risque pour le nucléaire.

    Or “l’agent orange” n’est en définitive qu’un herbicide extrêmement efficace, dérivé d’autres produits largement utilisés dans l’agriculture, mais aussi comme arme de guerre, afin de détruire la végétation vietnamienne dans laquelle se cachait les Viêt-Cong. Les conséquences écologiques désastreuses furent multiples : disparition de nombreuses espèces végétales, destruction massive de la faune dont certaines espèces sont désormais menacées, voir proche de l’extinction. Ce sont donc des écosystèmes entiers qui ont été détruits, de manière irréversible pour certains même si le gouvernement a mis en place des politiques de décontamination et de reforestation.

    Qui sont les responsables ?

    Les sociétés chimiques ayant produit les différents agents contenus dans l’agent orange, tels Monsanto ou encore Dow Chemical, sont encore aujourd’hui leader dans les domaines de la chimie et de l’agro-alimentaire. Elle rejettent toute responsabilité arguant qu’elles n’ont fait que fournir les composés et qu’elles ne peuvent être poursuivies pour leur utilisation, imputable à l’armée américaine.

    Pourtant, au Vietnam, des enfants naissent encore aujourd’hui avec des malformations dues à la pollution de l’Agent orange

    Pourrions-nous aujourd’hui créer de nouveaux outils juridiques pour faire face efficacement à des activités écocidaires ? Faire évoluer la loi, reconnaître le crime d’écocide ainsi que des normes garantissant le respect des limites planétaires, permettrait de donner de facto des droits aux générations futures en agissant en leur nom et pour la protection de leurs intérêts afin de prévenir les dommages écologiques.

    La question du glyphosate est d’actualité brûlante. Suite aux procédures engagés par de nombreux agriculteurs malades, la justice américaine a, depuis quelques années, commencé à condamner Monsanto à des peines financières monumentales. Progressivement, le caractère toxique des produits massivement mis sur le marché, et contenant du glyphosate, responsable pour le développement d’affections sanitaires, tend à être reconnu. Mais s’il semble que Monsanto pourrait bien être confronté à des milliers de plaintes en raison du préjudice humain engendré, qu’en est t’il des procédures qui pourraient également être engagées pour la pollution et destruction des écosystèmes naturels ? 

    Face à une contamination massive de nos écosystèmes, les dispositions légales actuelles semblent obsolètes, il suffit pour cela de se référer aux récentes jurisprudences relatives aux arrêtés anti-pesticides édictés par de nombreuses municipalités et annulées par la justice. Plutôt que de compter sur une évolution lente et incertaine de la lecture du juge, de nouveaux outils, clairs et proportionnés, devraient être mis en place pour répondre efficacement aux enjeux sociétaux, sanitaires et écologiques et appréhender les comportements écocidaires pointés du doigts. 

    Citons un dernier exemple afin d’illustrer les enjeux de la reconnaissance des limites planétaires et du crime d’écocide :

    Les gaz à effet de serre (GES) émises par l’entreprise Total s’élèvent environ chaque année à 450 Mt CO2e, ce qui représente environ 1% des GES à l’échelle mondiale. Total fait partie des 20 plus grands pollueurs actuels et historiques (cf. résultats de R. Heede et du Carbon Disclosure Project). Total a connaissance qu’elle contribue de façon substantielle, ou du moins de manière non négligeable au réchauffement climatique. 

    Ce comportement est-il constitutif d’un écocide ? Total, en ayant parfaitement conscience des dangers liés au changement climatique, ne change pas substantiellement de comportement et continue de croître dans dans le pétrole et le gaz, en investissant presque exclusivement (à 95%) dans les hydrocarbures (cf. p. 68 du document de référence de Total de 2018).  

    La reconnaissance du crime d’écocide permettrait de remédier concrètement à cette situation. Les dirigeants de Total n’auraient d’autre choix que d’adopter des mesures climatiques drastiques et de changer son modèle économique, pour se prémunir de sanctions pénales en matière d’écocide. Par conséquent, la reconnaissance du crime d’écocide permettrait donc de renforcer substantiellement la protection du climat et des écosystèmes planétaires, 

    Dans le cas d’un recours, le juge pourra ainsi disposer d’un outil d’appréciation indispensable pour imposer des mesures conservatoires. Un tel cadre ouvrirait la voie à une justice pénale préventive en matière environnementale, climatique et sanitaire. 

    Le juge devra nécessairement s’appuyer sur des éléments scientifiques en s’appuyant par exemple sur une expertise qu’il aura soit ordonnée, soit en se basant sur des éléments fournis par les parties à l’instance ou des éléments extérieurs au procès comme les avis d’autorités administratives consultées au cours de procédures antérieures. Ces éléments auront la charge d’infirmer ou de démontrer qu’une ou plusieurs des valeurs seuils pré-définies par le Stockholm Resilience Center pour chacune des limites planétaires sont en passe d’être transgressées. 

    Les connaissances scientifiques susmentionnés ont permis de retenir plusieurs  axes de réforme législative. Actuellement, des discussions sont en cours de façon transpartisane entre parlementaires, députés et sénateurs, convaincus par l’importance de reconnaître des droits à la nature et de sanctionner le crime d’écocide afin de faire progresser le droit. 

    Le soutien de la société civile, notamment à travers le positionnement de la Convention citoyenne pour le Climat serait un soutien de taille. Pour l’ensemble de ces raisons, nous sollicitons une audition de la part de la Convention Citoyenne pour le Climat afin de vous présenter nos propositions. 

  • CP / 1,5°C : 14 collectivités et 4 associations mettent Total en demeure pour manquement au devoir de vigilance en matière climatique

    Communiqué de presse – le 18 juin 2019

    A la suite d’une réunion avec la direction et le PDG de Total, quatorze collectivités territoriales (1), accompagnées par les associations Notre Affaire à Tous, Les Eco Maires, Sherpa et ZEA, mettent la multinationale Total en demeure de se conformer à la loi sur le devoir de vigilance, en prenant les mesures nécessaires pour faire face au dérèglement climatique.

    Le 23 octobre 2018, treize collectivités et les quatre associations interpellaient Total face à l’absence de toute référence au changement climatique dans son premier plan de vigilance, malgré son obligation légale de prendre des mesures propres à prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement.

    Le coût global de l’adaptation se chiffre, pour les années à venir, à plusieurs centaines de milliards de dollars annuels selon le dernier rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP) (2) dont une grande partie devra être supportée par les villes. C’est donc bien d’une double injustice dont sont victimes les collectivités, au nom de leurs citoyen-nes : celle d’être les premières impactées par les conséquences du changement climatique, et celle d’en payer le prix fort. Face à l’injustice, citoyen-nes et collectivités demandent à Total de prendre sa juste part de responsabilité dans l’action face à la crise climatique.

    Si le nouveau plan de vigilance de Total, publié en mars 2019, mentionne le changement climatique, les mesures annoncées sont clairement insuffisantes, en-deçà des efforts nécessaires au respect des objectifs internationaux reconnus par l’Accord de Paris, comme le démontre le rapport publié le 29 mai dernier “Total : la stratégie du chaos climatique” (3). Aucune volonté de faire évoluer ce plan ne semble ressortir de la réunion qui a rassemblé ce jour les représentant-es des collectivités et des associations avec la direction du groupe.

    Si d’ici trois mois (soit le 19 septembre), Total ne présente toujours pas de mesures de réduction de gaz à effet de serre adéquates, les collectivités qui le souhaiteront ainsi que les associations les accompagnant pourront assigner la multinationale française en justice pour qu’il lui soit enjoint, le cas échéant sous astreinte, de réduire ses gaz à effet de serre et de se mettre en conformité avec la loi et l’Accord de Paris.

    Le communiqué de presse au format PDFTélécharger Le dossier de presse de la mise en demeureTélécharger

    Contacts presse :

    1. Arcueil, Bayonne, Bègles, Bize-Minervois, Champneuville, Correns, Est-Ensemble Grand Paris, Grande-Synthe, Grenoble, La Possession, Mouans-Sartoux, Nanterre, Sevran et Vitry-le-François
    2. Voir le rapport de l’UNEP : https://www.un.org/sustainabledevelopment/blog/2016/05/unep-report-cost-of-adapting-to-climate-change-could-hit-500b-per-year-by-2050/ . Une limitation du réchauffement à 1,5°C par rapport à 2°C permettrait encore de prévenir la survenance de dommages estimés à hauteur de 8 à 13 trillions de dollars américains en 2050″ voir , H. MCKINNON, 1.5°C: IEA’s scenarios will fail, need urgent review says letter from experts, business leaders, 2019.
    3. “Total : la stratégie du chaos Climatique”, Notre Affaire à Tous, 350.org et les Amis de la Terre France, avec le soutien d’Attac France, Sherpa, les Ecomaires, l’Observatoire des Multinationales, publié le 29 Mai 2019 https://preprod.notreaffaireatous.org/wp-content/uploads/2019/05/RapportTOTAL_2019.05.28_CMJN300dpi_compressed.pdf
  • Appel des Maires pour le climat

    Appel des maires pour le climat

    Nos collectivités mènent des politiques d’adaptation et d’atténuation afin de limiter nos émissions de gaz à effet de serre et de permettre aux générations futures de vivre sur les territoires de leurs parents. Cet effort commun pour respecter l’objectif inscrit dans l’Accord de Paris de limiter le réchauffement « nettement en dessous de 2°C » doit être partagé par tous, et en particulier par ceux qui sont historiquement responsables d’une partie non négligeable des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

    Nous ne pouvons en effet pas décemment exiger des collectivités locales et des citoyens de porter seuls les efforts nécessaires pour sauver le climat.

    Les 25 multinationales les plus polluantes de la planète sont responsables de plus de 50% des émissions mondiales de gaz à effet de serreL’entreprise Total en fait partie. En tant que major de l’énergie, elle est à elle seule responsable de près de 0,9% des émissions mondiales de gaz à effet de serre à travers les produits qu’elle met à disposition des consommateurs. Sa responsabilité pour limiter les effets du changement climatique doit être à la hauteur de sa contribution historique et de son poids politique et économique.

    Force est de constater que le compte n’y est pas. Total ne s’engage pas dans une trajectoire de baisse des émissions permettant de limiter le réchauffement à +1,5°C, comme le requiert l’Accord de Paris, et de prévenir les risques d’atteintes graves à l’environnement, aux droits humains et à la santé et la sécurité des personnes résultant du changement climatique. Alors que la jeunesse mondiale presse les responsables politiques et économiques pour pouvoir vivre dignement sur une planète qui ne soit pas transformée en étuve, Total continue à investir plusieurs milliards d’euros par an dans des énergies fossiles, devenues mortifères alors qu’elle pourrait préparer l’avenir en s’engageant uniquement sur des projets de production d’énergies renouvelables.

    Le temps nous est désormais compté. Dans une trentaine d’année, nous devrons vivre dans un monde neutre en carbone dans lequel les émissions résiduelles seront intégralement compensées. Dans ces conditions, pourquoi continuer à investir dans la recherche de nouveaux gisements de pétrole et de gaz, destinés à nous alimenter en énergies fossiles bien au-delà de cet horizon de 2050 ?

    Les enfants qui viennent au monde aujourd’hui auront alors à peine 30 ans. Il est de notre responsabilité de leur garantir les mêmes options que nous, sans avoir à subir les effets catastrophiques d’une hausse incontrôlée des températures et à supporter des coûts faramineux pour tenter de s’y adapter.

    Telles sont les raisons pour lesquelles, en ce 18 juin 2019, nous lançons un appel à l’ensemble des élus, maires, présidents de collectivités afin qu’ils s’associent à nous pour demander à Total de baisser rapidement ses émissions afin de limiter le réchauffement à +1,5°C.

    Signataires :

    Christian Métairie, Maire d’Arcueil, Jean-René Etchegaray, Maire de Bayonne, Clément Rossignol Puech, Maire de Bègles, Alain Fabre, Maire de Bize-Minervois, Daniel Lefort, Maire de Champneuville, Michaël Latz, Maire de Correns, Gérard Cosme, Président de l’établissement public territorial Est Ensemble, Damien Carême, Maire de Grande-Synthe, Eric Piolle, Maire de Grenoble, Vanessa Miranville, Maire de La Possession, Pierre Aschieri, Maire de Mouans-Sartoux, Patrick Jarry, Maire de Nanterre, Stéphane Blanchet, Maire de Sevran et Jean-Pierre Bouquet, Maire de Vitry-le-François.

    Le guide d’action pour les collectivités territoriales élaboré par Notre Affaire à Tous vous indique la marche à suivre pour vous aussi rejoindre ces territoires qui interpellent TOTAL.

     

    Vous êtes une collectivité ? Rejoignez-nous en envoyant un mail à contact@ecomaires.com ou contact@notreaffaireatous.org



  • Appel pour une Constitution Écologique

    Appel pour une Constitution Écologique

    L’Appel pour une Constitution Ecologique

    Le 22 avril 2018, Jour de la Terre, Notre Affaire à Tous, CliMates, WARN et le REFEDD ont lancé un Appel pour une Constitution Écologique sous le nom de “Notre Constitution Écologique”. L’objectif était d’inciter le gouvernement et les parlementaires à inscrire à l’article 1er de la Constitution la protection du climat et de la biodiversité, mais aussi le principe de non-régression et la reconnaissance des limites planétaires. Une portée très symbolique puisque l’article 1er énonce les principes fondateurs de la République française, mais aussi un outil juridique, après le passage de l’Affaire du Siècle.

    En août 2019, l’exécutif a dévoilé son nouveau projet pour l’article premier de la réforme constitutionnelle, rédigé ainsi : « la République favorise toutes les actions en faveur du climat et de la biodiversité ». Or, en 2018, la proposition adoptée par l’Assemblée nationale imposait une obligation à l’Etat d’agir en matière de protection de l’environnement. Par ce revirement, le Président de la République faisait en toute conscience et connaissance de cause le choix de phrases creuses, et non contraignantes.

    La réforme constitutionnelle abandonnée (2017-2019)

    Le 3 juillet 2017, le Gouvernement annonçait une réforme constitutionnelle visant à inscrire “l’impératif de lutte contre le changement climatique à l’article 34, qui définit le domaine de la loi”. Un important premier pas puisque la Constitution établit les lois fondamentales qui régissent notre société. Cependant, l’article 34 de la Constitution, qui se contente de définir le domaine de la loi, était loin de satisfaire les différentes ONG environnementales.

    Notre Affaire à Tous entame alors un travail inter-associatif avec diverses structures, notamment la Fondation pour la Nature et l’Homme, pour rédiger une proposition d’amendement à l’article premier de la Constitution. L’association s’allie avec les organisations de jeunesse CliMates, le REFEDD et le WARN pour porter une pétition citoyenne, en parallèle du travail de plaidoyer auprès des parlementaires, sous le nom de “Notre Constitution Ecologique”, signée à ce jour par plus de 100 000 citoyen-nes. En mai 2021, l’organisation Noé a rejoint le collectif Notre Constitution Écologique.

    Au mois de juillet 2018, l’Assemblée Nationale permet une avancée symbolique dans la protection du climat et de la biodiversité en intégrant ces deux notions dans l’article 1er de la Constitution française grâce à l’amendement déposé par l’ex-Ministre de l’Écologie Nicolas Hulot : « La République agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre les changements climatiques ». La nouvelle formulation présentée par la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, lors du Conseil des Ministres du 28 août 2019, remplace le terme “agir” par “favorise”. Ce changement fait suite à un avis prévenant du Conseil d’Etat. Les termes retenus signalent une simple incitation à préserver notre environnement, alors même que les forêts du monde brûlent.

    La formulation adoptée par l’Assemblée Nationale en 2018 laissait déjà beaucoup (trop) de parts d’ombre alors que le projet initial, porté par Notre Affaire à Tous, proposait d’inscrire deux principes majeurs que sont la reconnaissance des limites planétaires et le principe de non-régression. Cet amendement était insuffisant pour garantir une préservation efficace de nos ressources et une action ambitieuse dans la lutte contre les changements climatiques.

    Notre proposition de loi

    “La France est une République indivisible, laïque, démocratique, sociale, solidaire et écologique. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion.

    La République veille à un usage économe et équitable des ressources naturelles, garantit la préservation de la diversité biologique et lutte contre les changements climatiques dans le cadre des limites planétaires. Elle assure la solidarité entre les générations. Une génération ne peut assujettir les générations futures à des lois moins protectrices de l’environnement que celles en vigueur. »

    Nous défendons

    • L’inscription des limites planétaires dans la Constitution

    Les limites planétaires sont une notion scientifique et font référence à dix processus et systèmes régulant la stabilité et la résilience du système terrestre. Elles ont été définies par le Stockholm Resilience Center en 2009 puis actualisées en 2015. Elles incluent le climat, l’acidification des océans, la biodiversité, l’eau douce, l’usage des sols, les cycles du phosphore et de l’azote, la couche d’ozone, l’émission d’aérosols atmosphériques et la pollution chimique. Une dixième limite relative à la diffusion d’entités nouvelles dans l’environnement (molécules de synthèse, nanoparticules, …) a été établie en 2015. Pour chacune de ces limites (sauf la dixième), il existe une valeur limite, un seuil à ne pas dépasser, si l’humanité veut pouvoir continuer à se développer sur une planète sûre. Leur franchissement nous conduirait vers un « point de basculement » entraînant un processus d’extinction irréversible des espèces, humaines et non-humaines.

    Or quatre de ces limites planétaires ont déjà été dépassées au niveau mondial, et six en France selon le “Rapport sur l’état de l’environnement en France” publié par le Ministère de la transition écologique et solidaire le 24 octobre 2019. L’inscription des limites planétaires dans la Constitution permettrait de poser un nouveau cadre normatif prenant en compte la réalité scientifique, et de faire évoluer notre droit vers une approche écosystémique.

    • L’ajout du principe de non-régression dans la Constitution

    Ce principe est un enjeu pour préserver les acquis environnementaux et éviter tout retour en arrière en matière de protection de l’environnement. Il figure déjà dans la loi à l’article L.110-1 du Code de l’environnement, qui énonce que “la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment”. Néanmoins, si ce principe a une valeur normative, il ne s’impose qu’au pouvoir réglementaire et non au pouvoir législatif.

    En outre, sa valeur constitutionnelle n’a pas été explicitement reconnue, même s’il est inscrit en filigrane dans la Charte de l’environnement (article 2). Le Conseil constitutionnel aurait eu l’occasion de consacrer le principe de non-régression dans sa décision du 10 décembre 2020 relative à la loi néonicotinoïdes, mais il ne l’a pas saisie et a validé cette la loi mettant en place une dérogation à l’interdiction d’usage des néonicotinoïdes.

    L’intégration du principe de non-régression dans la Constitution aurait sans doute pu empêcher le retour des néonicotinoïdes sur le marché, qui constitue une régression évidente en matière de protection de l’environnement. Son inscription dans la Constitution, et pas seulement dans la loi, permettrait en outre de le mettre à l’abri de tout changement conjoncturel de majorité parlementaire.

    Pourquoi la Charte de l’Environnement ne suffit pas ?

    Les bons élèves se rappelleront sans doute qu’il existe déjà une Charte de l’Environnement, inscrite en 2004 dans le préambule de la Constitution et qui introduit 10 principes fondamentaux en faveur de l’environnement. Si l’adoption de la Charte de l’Environnement reflète une première prise de conscience des enjeux environnementaux, elle n’est plus à la hauteur des prises de conscience actuelles et des enjeux climatiques. Elle ne contient aucune référence au climat. L’invocabilité de toutes les dispositions de la Charte est limitée : l’article 6 et les considérants de son préambule ne sont pas invocables dans le cadre d’un contrôle a posteriori de la loi avec la question prioritaire de constitutionnalité. Enfin, la Charte de l’Environnement est appliquée timidement par le juge constitutionnel. Il conviendrait donc de la renforcer en modifiant l’article 1er de la Constitution.

    Dans ce cas, pourquoi ne pas modifier la Charte de l’Environnement ? La Charte a introduit les principes de précaution, de prévention et de pollueur-payeur. Ne pas la modifier permet d’éviter un nouveau débat qui pourrait porter atteinte aux principes qui y sont déjà intégrés et amoindrir leur portée.

    En 2019, le gouvernement a annoncé le report sine die de la réforme et dévoilé en attendant son nouveau projet de modification de l’article premier de la réforme constitutionnelle, désormais rédigé ainsi : « la République favorise toutes les actions en faveur du climat et de la biodiversité. »

    Notre Affaire à Tous s’étant toujours mobilisée pour une réforme constitutionnelle ambitieuse, il était hors de question de reculer sur un sujet aussi important ! En adoptant une telle réforme constitutionnelle, la France deviendrait le premier pays européen à intégrer la lutte contre le changement climatique dans sa Constitution et montrerait l’exemple.

    La suite ?

    La Convention Citoyenne pour le Climat a été lancée en octobre 2019. Notre Constitution Écologique a déposé une contribution volontaire auprès de la Convention Citoyenne pour le Climat pour défendre la modification de la Constitution. Après neuf mois de travail en groupes thématiques, en juin 2020 les citoyen·nes ont formulé 149 propositions, dont la réforme de l’article 1er de la Constitution, défendue par Notre Affaire à Tous et Notre Constitution Écologique. Le 14 décembre 2020, devant les citoyen-nes de la Convention, Emmanuel Macron ouvre la voie d’un référendum sur la modification de l’article 1er de la Constitution afin d’y inclure la défense du climat et la préservation de l’environnement.

    Cependant, faute d’un accord entre les deux chambres, le projet de réforme constitutionnelle a été de nouveau abandonné par l’exécutif et les parlementaires.

    En savoir plus

  • « Nous devons reconnaître le devoir de l’humanité de protéger la vie à long terme »

    Discours de Valérie Cabanes, membre fondatrice et présidente d’honneur de Notre Affaire à Tous, sur les liens entre reconnaissance des droits de la nature, l’Affaire du Siècle et la reconnaissance des droits climatiques, prononcé à l’occasion du wébinaire de l’ELGA (Ecological Law and Governance Association) en avril 2019.  

    Sénèque le Jeune aurait dit:
    « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles.« 

    Nous sommes tous conscients des effets du changement climatique et de ses conséquences effrayantes. Nous sommes maintenant capables d’identifier les raisons de ce changement, nous savons ce qu’il faut faire et comment limiter l’élévation des températures et les catastrophes naturelles. On nous dit comment changer notre comportement individuel et comment, collectivement, nous devrions nous attaquer au problème, mais nous croyons toujours que les moyens d’action collectifs sont uniquement entre les mains de nos représentants. Nous les regardons en tant que spectateurs, nous constatons qu’ils ne respectent pas leurs engagements, que leurs actions sont lentes et faibles. Mais alors…. devrions-nous attendre que le ciel nous tombe sur la tête?

    Face aux périls qui nous menacent, chacun de nous, comme le colibri, doit intervenir pour éteindre le grand feu. Mais il est également essentiel de nous connecter afin d’agir de manière universelle. C’est la « synchronicité » de nos actions qui amènera le changement. Plus nous agirons en synchronicité, plus nous aurons confiance dans nos capacités collectives, plus nous pourrons agir comme une grande vague.

    Nous ne pouvons pas simplement l’espérer, nous devons aussi l’incarner. Le philosophe Jiddu Krishnamurti l’explique différemment: «La révolution doit commencer avec vous et moi. Cette révolution, cette transformation individuelle, ne peut avoir lieu que lorsque nous comprenons la relation, ce qui est un processus de connaissance de soi ». Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est de ressentir des émotions. Dans notre vie, ce sont en effet nos pensées et nos émotions qui alimentent nos actions, qui à leur tour produisent nos résultats.

    Nous devrions ouvrir notre cœur à l’empathie pour ceux qui souffrent déjà de sécheresses ou d’inondations et nous devrions aussi croire que nous pouvons réussir ensemble pour éviter le grand effondrement. Nous sommes comme un arbre: nos pensées et nos émotions correspondant aux racines. Nos actions correspondant au tronc. La densité de nos actions est proportionnelle au diamètre du tronc. Nos résultats correspondant aux fruits. La quantité de fruits symbolise celle des résultats. En France, nous avons décidé de devenir un grand arbre.

    Depuis les années 60, les gouvernements français successifs ont toujours différé les décisions courageuses nécessaires pour lutter contre le changement climatique. Dans ce contexte, avant la COP21, j’ai co-fondé en août 2015 une ONG appelée Notre Affaire à Tous pour promouvoir la justice climatique, les droits de la nature et la reconnaissance de l’écocide actuel.

    Étant donné que les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté depuis l’accord de Paris en 2015 en France, nous avons lancé le 18 décembre 2018 avec 3 autres ONG, la Fondation pour la nature et l’homme, Greenpeace France et Oxfam France, une campagne citoyenne intitulée « L’Affaire du Siècle » pour soutenir notre décision commune de poursuivre l’Etat français pour ne pas avoir fait assez pour le climat depuis des décennies et pour son incapacité à respecter ses engagements internationaux.

    En 3 jours seulement, la pétition en ligne a été signée par 1 million de personnes, atteignant plus de 2 millions de signatures un mois plus tard, ce qui en fait la pétition la plus signée de l’histoire française. Nous avons ensuite adressé au gouvernement une demande préliminaire démontrant que l’État était inactif face au changement climatique. Ouvrant une période de deux mois pendant laquelle l’État peut choisir de répondre ou non.

    Dans notre déclaration, nous avons évoqué les effets du changement climatique sur l’environnement, la santé humaine, le respect des droits fondamentaux et l’égalité sociale, tels que décrits par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son dernier rapport.

    Parmi les actions jugées nécessaires pour atteindre notre objectif, nous demandons au gouvernement de réduire l’empreinte carbone de la France, d’abandonner l’utilisation de l’énergie fossile et nucléaire, tout en passant aux énergies renouvelables, d’améliorer l’efficacité énergétique et de préparer un plan national d’adaptation et d’atténuation des changements climatiques. Le 15 février, nous avons reçu une lettre officielle du ministère de la transition écologique et solidaire à l’attention des 2 millions de signataires de «L’affaire du siècle», dans laquelle nous lisions, et je cite: «Les moyens nécessaires pour répondre à cette urgence sont loin d’obtenir une adhésion évidente et systématique des citoyens ». De plus, cette lettre appellait à un changement de comportement individuel.

    Pour nous, cette rhétorique semblait être de mauvaise foi et irresponsable envers les générations futures. En fait, les citoyens sont bien conscients des menaces liées au changement climatique, en particulier les jeunes, qui savent qu’ils seront ceux qui subiront les conséquences du changement climatique dans quelques décennies.

    Je tiens à souligner qu’une vidéo à l’appui de «L’affaire du siècle» a été réalisée en collaboration avec deux collectifs de français YouTubers intitulés «On Est prêt» et «Il est encore temps» et elle a été visionnée plus de 14 millions de fois en ligne en un seul mois. Il est important de le mentionner car le public ciblé était principalement composé d’adolescents et de jeunes adultes. Aujourd’hui, cette même population, qui se sent de plus en plus concernée par ces questions, n’a pas non plus les moyens de faire entendre sa voix et d’influencer les décisions politiques. Devant l’inaction de leurs gouvernements, ils perdent même confiance en leurs représentants élus.
    Pour cette raison, «L’Affaire du Siècle» a été perçue comme un moyen très concret et efficace de demander une action immédiate du gouvernement. À la suite de cet appel, les jeunes se sont massivement joints à la Grève climatique mondiale pour le futur, inspirée par Greta Thunberg le 15 mars de cette année, qui a mobilisé plus de 1 million et 400 000 personnes dans le monde – la plus grande marche climatique de l’histoire. Ils ont également participé à la «Marche du siècle» organisée le 16 mars en France à l’intention de tous les citoyens et réunissant 350 000 personnes.

    Stimulés par ce soutien massif de la société civile et après la réponse décevante reçue du gouvernement français, nous avons pris la décision de porter l’affaire devant le tribunal administratif de Paris le 14 Mars dernier. Nous suivons clairement la voie ouverte par d’autres citoyens du monde, profondément inspirés par leur succès. Je pourrais mentionner le cas du recours de la fondation Urgenda aux Pays-Bas, où le pouvoir judiciaire a ordonné au gouvernement néerlandais de revoir à la hausse ses objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ou celui des 25 jeunes en Colombie.

    Comme vous en avez entendu parler, la Cour suprême colombienne a ordonné à la présidence et aux ministères de l’Environnement et de l’Agriculture de créer un «pacte intergénérationnel pour la vie de l’Amazonie colombienne», mais a également reconnu que l’Amazonie colombienne était un moyen de protéger cet écosystème vital comme «Entité faisant l’objet de droits». Ce jugement nous montre tout le chemin à faire pour traiter efficacement la question du changement climatique mais également d’autres questions écologiques telles que l’effondrement de la biodiversité, la pollution globale, la rareté de l’eau douce, l’acidification de l’océan. Les conditions de vie sur Terre telles que nous les connaissons depuis 10 000 ans sont menacées, mettant en péril la vie des générations à venir.

    En France, notre prochain objectif est d’obtenir du gouvernement un amendement à la Constitution qui stipule dans son premier article que «La République garantit une utilisation durable et équitable des ressources naturelles, garantit la préservation de la diversité biologique et lutte contre le changement climatique au sein de la société. le cadre des limites planétaires. Il assure la solidarité entre les générations. Une génération ne peut pas soumettre les générations futures à des lois moins protectrices de l’environnement que celles en vigueur ».

    Nous préconisons également la reconnaissance des droits sur les écosystèmes naturels. Convaincus par l’ampleur du mouvement de nos citoyens, les membres du Sénat français ont accepté de présenter un avant-projet de loi sur le crime d’écocide. En tant que membre de l’Alliance mondiale pour les droits de la nature, j’ai été invitée à une audition devant la Commission des lois. Je pense vraiment que nous devons discuter des avantages de la reconnaissance des droits des générations futures et des droits de la nature pour protéger tous les êtres vivants de l’extinction massive et des catastrophes climatiques.

    Si les conditions de vie elle-même sont menacées sur Terre, comment pourrions-nous garantir la réalisation de droits humains fondamentaux tels que le droit à l’eau, à la nourriture, au logement ou à la santé?

    Comment pouvons-nous espérer maintenir la paix entre les peuples et les nations?

    Nous devons reconnaître le devoir de l’humanité de protéger la vie à long terme, c’est le seul moyen de garantir sa sécurité.

    Nous devons également reconnaître que les écosystèmes et les communautés naturelles ont le droit d’exister et de s’épanouir, de jouer leur rôle dans la communauté de la vie sur Terre. Nous ne pouvons plus nier notre parenté avec les animaux, les plantes et les arbres, ni éviter la réalité biologique selon laquelle nous sommes des êtres de la nature.

    Si notre capacité à prendre conscience de nous-mêmes nous a conduits, insidieusement, à nous imaginer extérieurs à la réalité, cette conscience individuelle devra alors s’orienter vers une conscience universelle dans laquelle tout le monde accepte d’être une simple note dans cette grande symphonie de la vie et de la société, et, au-delà, le cosmos. Tout en restant enracinés au sol.

    Et cela ne peut être fait que par une conscience profonde du principe d’interdépendance qui nous lie à tous, qui nous lie à la Terre et à tous les autres êtres vivants. Nous devrions incarner une vision du monde profondément égalitaire en ce sens que chacun est reconnu dans sa fonction vitale et que chacun sait qu’il est nécessaire aux autres.

    Le philosophe persan Rumi l’a résumé simplement: « Vous n’êtes pas une goutte d’eau dans l’océan, vous êtes tout un océan dans une goutte d’eau. » Cette pensée holistique est commune à de nombreuses traditions spirituelles et trouve sa source dans la sagesse des peuples autochtones. Cela leur a permis de trouver la place qui leur revient et de vivre pendant des millénaires en harmonie avec la nature.

     

  • « Les limites de la Terre doivent être respectées et ses droits protégés »

    Discours de Valérie Cabanes, Présidente d’Honneur de Notre Affaire à Tous, à la tribune de l’ONU, à l’occasion du Jour de la Terre le 22 avril 2019, New York.

    Voir la vidéo de l’intervention.

    Nous choisissons comme fondement de nos sociétés des valeurs et des modes de fonctionnement qui sont en contradiction avec le principe d’interdépendance propre à la vie. Nous créons des lois pour protéger « l’environnement » comme si l’écosystème terrestre nous était extérieur, indépendant, comme si la santé de notre planète ne conditionnait pas la nôtre. Notre ontologie occidentale opère une séparation entre Nature et culture, entre espaces sauvages et espaces humanisés.

    Comme l’explique l’anthropologue Philippe Descola, cette distinction est ignorée par d’autres peuples, souvent indigènes, qui considèrent que tous les êtres, humains, animaux ou inanimés, sont des sujets dotés d’intériorité et que tous les espaces naturels sont des lieux habités. Ils ne dissocient pas leurs ancêtres, leur existence et leur destin de tous les êtres vivants et des écosystèmes dans lesquels ils vivent. La pensée autochtone se rapproche plutôt des sciences de la nature dans la mesure où elle comprend la nature comme l’ensemble des systèmes et des éléments constitutifs du monde vivant, une réalité tangible dont l’humanité est l’une des composantes et dont la science peut étudier les lois.

    Environ cinq siècles avant notre ère, Lao Tzu avait déjà résumé cette façon de voir le monde: «Le tout est plus que la somme de ses parties». Dans chaque écosystème, chacun des composants du vivant, quelle que soit sa taille, est essentiel au fonctionnement de l’ensemble. Cette interaction et cette interdépendance entre les espèces naturelles permettent à tout système ainsi constitué de se réguler sans qu’il soit nécessaire d’apporter des éléments extérieurs. Mais aucun système n’est pour autant pleinement autonome. Il reste dépendant du fonctionnement des autres systèmes auxquels il appartient.

    En d’autres termes, en regardant à travers ce prisme, une perspective et une compréhension différentes de notre monde nous sont exposées. En effet, l’écosystème terrestre se révèle fondé sur un ensemble complexe d’échanges soumis à des règles d’équilibre extrêmement délicates et fragiles. Nous ne pouvons pas regarder et aborder le changement climatique sans prendre en compte le fonctionnement des autres systèmes écologiques.

    Notre écosystème mondial est menacé par les rejets excessifs de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, mais aussi par la pollution massive, la déforestation, la dégradation des sols, la surexploitation de l’eau douce, l’acidification de l’océan. Lorsque la biosphère est endommagée, son érosion a un impact sur le climat. Dans ce cas, la végétation et les sols n’assument plus leur rôle crucial de régulateur climatique, en plus du stockage et du recyclage du carbone. La déforestation entraîne la disparition permanente des nuages et de la pluie. La perte de plancton marin bloque la pompe à carbone qu’est l’océan.

    Nous sommes maintenant engagé-es dans une sixième extinction de masse mettant en péril la vie des générations à venir. Comment en sommes-nous arrivés là? Notre rêve dmillénaire de nous affranchir des contraintes «naturelles» et de graviter comme hors-sol dans un système conceptuel qui ne se préoccupe que de nous-mêmes nous mène à notre perte. La plupart des êtres humains semblent vivre déconnectés de la matrice, incapables de vivre en harmonie avec les quelques espaces naturels qui les entourent, car le seul regard qu’ils portent sur eux est rempli d’avidité. Dans le système juridique en vigueur dans presque tous les pays, la Nature est considérée comme une propriété. Quelque chose qui est considéré comme une propriété donne au propriétaire le droit de l’endommager ou de le détruire. Les personnes et les entreprises qui « possèdent » des écosystèmes naturels sont largement autorisées à les utiliser à leur guise, même si cela signifie la destruction de la santé et du bien-être de la Nature.

    En outre, depuis la montée en puissance de compagnies multinationales dans les années 70, le droit des sociétés et les règles du commerce mondial ont eu tendance à prévaloir de plus en plus sur les droits de l’homme et ne respectent pas les écosystèmes. Nos activités industrielles manquent d’un cadre juridique nécessaire et solide, celui que notre planète offre pour garantir notre sécurité. L’âge d’or du matérialisme a manifestement atteint ses limites, celles que la Terre nous impose de respecter afin de laisser la vie perdurer.

    Une équipe internationale de 26 chercheurs, dirigée par Johan Rockström du Stockholm Resilience Centre et Will Steffen de l’Australian National University, a identifié en 2009 neuf processus et systèmes régulant la stabilité et la résilience du système terrestre – les interactions de la terre, de l’océan, de l’atmosphère et de la vie qui, ensemble, fournissent les conditions d’existence sur lesquelles reposent nos sociétés. Des valeurs seuils ont été définies pour chacun de ces processus ou systèmes. Ces limites ne doivent pas être dépassées si l’humanité aspire à se développer dans un écosystème sûr, c’est-à-dire en évitant les changements brusques et difficiles à prévoir de l’environnement mondial.

    Selon les scientifiques, le changement climatique et l’intégrité de la biosphère sont des « limites fondamentales » et interagissent les unes avec les autres. Leur franchissement mène à un « point de basculement » caractérisé par un processus d’extinction irréversible des espèces et des conséquences catastrophiques pour l’humanité.

    À présent, les équipes de Steffen et de Rockström mettent davantage en garde sur le fait que depuis 2015, d’autres limites, en plus du changement climatique et de la perte de biodiversité, sont dépassées ou sur le point de l’être. Il s’agit de la modification d’usage des sols, des flux de cycles biogéochimiques (azote et phosphore) et d’autres limites, telles que l’utilisation de l’eau douce, l’acidification des océans, l’appauvrissement de la couche d’ozone, les aérosols atmosphériques, la pollution chimique (introduisant largement de nouvelles entités dans la biosphère). Elles aussi sont liées; ce qui signifie que la transgression de l’une d’entre elles peut augmenter les chances de se rapprocher d’autres limites.

    Ban Ki Moon, Secrétaire général des Nations Unies, a évoqué lors de l’Assemblée générale de 2011 les limites planétaires comme outil de mesure scientifique. S’adressant aux dirigeants du monde, il a déclaré: «Utilisez chaque once de votre expérience, de vos compétences et de votre influence pour faire progresser les actions relatives au changement climatique. Aidez-nous à défendre la science qui montre que nous déstabilisons notre climat et que nous repoussons les limites planétaires à un degré périlleux ». Cette déclaration a été appuyée par le Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la durabilité mondiale, qui a reconnu le concept de limites planétaires comme cadre pertinent pour déterminer et mesurer les objectifs du développement durable.

    Mais je pense que nous devrions aller plus loin et élever les limites planétaires au rang de normes juridiques, ce qui contribuerait à réguler les activités industrielles et à faire évoluer le droit vers une meilleure approche écosystémique, en reconnaissant notre interdépendance avec le système Terre afin de vivre en harmonie avec la nature. L’anthropocentrisme juridique est l’une des causes principales de la crise écologique et climatique. Il est temps de repenser notre rôle au sein de la communauté plus large tissée par les relations entre espèces et écosystèmes qui soutiennent la vie et d’adapter notre droit et notre gouvernance en fonction des règles et des limites de la Terre nourricière.

    Un autre défi consiste à trouver un moyen d’intégrer et de réconcilier les droits respectifs de toutes les espèces et de toutes les composantes de la vie et de savoir comment les respecter en vertu de lois humaines. Nous ne pouvons pas survivre sans garantir aux autres espèces et aux systèmes vivants leur droit d’exister et de prospérer.

    En 1972, année du premier Sommet de la Terre, l’avocat Christopher Stone, préoccupé par la préservation d’une forêt de séquoias menacée par un projet de la Walt Disney Company, se demandait « Les arbres doivent-ils pouvoir plaider? » . Il a proposé une nouvelle approche juridique consistant à octroyer des droits à l’environnement naturel dans son ensemble et à désigner un tuteur ou un représentant pour l’objet naturel tout en devenant également le tuteur des générations futures.

    Aujourd’hui, de nombreux pays et municipalités qui ont déjà reconnu les droits de la Nature dans leur constitution ou leur législation locale ont compris la nécessité de reconnaître la valeur intrinsèque des non-humains pour résoudre la crise écologique. Cette approche juridique a été adoptée pour la première fois par des pays comptant de grandes communautés autochtones. En Amérique latine, l’Équateur a été le premier pays à reconnaître les droits de la nature dans sa constitution en 2008. Dans ce pays, la nature a le droit au respect intégral de son existence. Elle a le droit au maintien de ses cycles vitaux et de tous les éléments qui forment un écosystème. Le principe de précaution est constitutionnalisé de façon à prévenir toute extinction d’espèces, toute destruction d’écosystèmes ou à en altérer de façon permanente ses cycles naturels. La nature peut être représentée et défendue en justice par tout individu, communauté, peuple ou nation et dispose d’un droit inaliénable à la restauration. En dix ans, l’Équateur a ouvert la voie dans l’application de ces droits. 25 procès ont été menés au nom des éléments naturels et 21 ont été gagnés. Puis, en 2010, la Bolivie a adopté une loi annexée à sa Constitution et intitulée « Loi des droits de la Terre Mère ».

    Depuis lors, la nécessité de reconnaître la valeur intrinsèque des êtres non humains pour résoudre la crise écologique s’est répandue dans le monde entier. En 2017, la ville de Mexico a reconnu les droits de la Nature dans sa nouvelle constitution et au Brésil, la municipalité de Bonito a procédé à une modification de sa loi organique en ce sens, suivie par la municipalité de Paudalho en 2018. Plus de trente municipalités aux États-Unis ont adopté de nouvelles chartes reconnaissant les droits de la Nature en plus de dix ans. Plus récemment, la ville de Toledo, dans l’Ohio, a voté par référendum en février 2019 en faveur d’un projet de loi reconnaissant au lac Érié son droit d’exister, de s’épanouir et d’évoluer naturellement. Au-delà de sa signification symbolique, ce référendum a également une portée juridique: en donnant des droits légaux au lac, les habitants de Toledo peuvent intenter une action en justice contre les pollueurs au nom du lac.

    Les parlements et les juges se prononcent également de manière ciblée sur des écosystèmes en danger et emblématiques sur leur territoire. En juillet 2014, une loi a été adoptée en Nouvelle-Zélande reconnaissant le parc national Te Urewera, territoire ancestral de la tribu Tuhoe Maori, en tant qu’« entité juridique » avec « tous les droits, pouvoirs, devoirs et responsabilités d’une société ». En 2017, le parlement néo-zélandais a ensuite signé divers accords avec d’autres tribus et clans maoris reconnaissant le fleuve Whanganui et le mont Taranaki comme des entités vivantes et juridiques.

    Quelques jours plus tard, dans l’État d’Uttarakhand, dans le nord de l’Inde, compte tenu de l’inefficacité des mesures prises pour lutter contre la pollution du Gange, la Haute Cour de justice a également décidé de reconnaître le fleuve comme entité vivante, ainsi que son affluent, la Yamuna. La Cour leur a donné une personnalité juridique. Dans un second jugement, elle a également reconnu comme sujets de droit tous les écosystèmes himalayens sur son territoire: les glaciers Gangotri et Yamunotri menacés par le changement climatique, mais aussi les rivières, ruisseaux, lacs, sources et cascades, prairies, vallées, jungles, forêts et au-delà l’air . Puis en 2018, elle a reconnu les droits du règne animal, aquatique et aviaire (oiseaux) inclus. Ces décisions ont eu un effet boule de neige aux niveaux national et régional. Le 4 mai 2017, réunie en session extraordinaire l’Assemblée de l’État du Madhya Pradesh a adopté une résolution déclarant le fleuve Narmada eentité vivante et affirmant que le fleuve est la ligne de vie de l’État. Au Bangladesh, le 30 janvier 2019, la Haute Cour a accordé à la rivière Turag le statut de personne morale pour la protéger de tout empiétement et a déclaré que ce statut serait applicable à toutes les rivières du pays.

    Mais là où les juges semblent les plus innovants, c’est probablement en Colombie. En 2016, la Cour constitutionnelle a reconnu les droits de la rivière Atrato endommagée par l’extraction d’or illégale qui détruit les forêts et les écosystèmes fluviaux, polluant la rivière et rendant malades les communautés qui vivent sur ses rives. En 2017, le tribunal administratif de Boyacá a déclaré que Páramo Pisba (hautes terres de Pisba) avait des droits, puis la Cour suprême a établi que les animaux étaient des sujets protégés et a appliqué cette mesure en accordant des droits à l’ours andin, également appelé l’ours à lunettes. En 2018, le premier tribunal pénal de Carthagène a ordonné à l’État colombien de protéger et de préserver la vie des abeilles en tant qu’agents pollinisateurs.

    Enfin, en mai 2018, comme vous l’avez peut-être entendu, la Cour suprême colombienne a reconnu l’obligation pour l’État de protéger les citoyens de la menace climatique. Sa décision est historique de deux manières. Elle reconnait deux nouveaux sujets de droit: les générations futures et les êtres non humains. En droit occidental, les enfants à naître n’ont pas encore de droits et ne sont donc pas protégés contre les conséquences des décisions que nous prenons aujourd’hui et dans un proche avenir. Les droits transgénérationnels confèrent aux générations actuelles le devoir de protéger les générations suivantes, c’est ce que la Cour suprême de Colombie a compris. Mais elle a également compris que pour prévenir de nouvelles catastrophes, nous devons protéger les droits de la nature et sa valeur intrinsèque. Reconnaître les droits de la nature nous donne l’occasion de protéger ceux des générations futures, qu’elles soient humaines ou non.

    Maintenant, j’espère que d’autres pays d’Amérique latine reconnaîtront toute la forêt amazonienne en tant qu’entité vivante dotée de droits afin d’empêcher sa destruction. C’est un écocide en cours qui représente une énorme menace pour la sûreté de la planète.

  • Écocide / Reconnaissance du crime d’écocide : Revue de presse

    En Novembre 2017, la reconnaissance de l’écocide était l’une des cinq revendications portées par Notre Affaire à Tous auprès du chef de l’État : À ce jour, notre demande n’est toujours pas entendue. 

    En parallèle de notre action pour l’incrimination de l’écocide, nous portons aussi notre plaidoyer pour la reconnaissance des droits de la nature.

    Juillet 2020

    Politis, 1 juillet 2020 / L’urgence de reconnaître les écocides

    Une tribune de Valérie Cabanes et Marie Toussaint. Emmanuel Macron doit prendre au mot les propositions de la Convention citoyenne pour le climat afin de donner les outils juridiques nécessaires à la lutte climatique. Un bouleversement qui doit passer par un référendum. Lire la suite >

    Libération, 1 juillet 2020 / Écocide et droits de la Nature « Il faut avoir une visions beaucoup plus systémique du monde »

    La reconnaissance du crime d’écocide, visant à punir les dommages écologiques délibérés et graves, est l’une des propositions phares de la Convention citoyenne pour le climat. Une idée portée depuis plusieurs années par la juriste Valérie Cabanes, qui rappelle l’urgence de reconnaître à la nature des droits afin de protéger les écosystèmes dans leur ensemble, jusque dans les villes. Lire la suite >

    Libération, 1 juillet 2020 / Les citoyens de la Convention climat sont-ils des Khmers Verts ?

    Une tribune de Valérie Cabanes. Nous ne pouvons plus nous permettre de vivre déconnectés de la nature, alors que notre santé dépend de celles des écosystèmes. Lire la suite >

    Le Club des Juristes, 11 juillet 2020 / Convention citoyenne pour le climat : l’écocide a-t-il une chance d’aboutir ?

    Par Sébastien Mabile, Avocat (Seattle Avocats), docteur en droit, membre de Notre Affaire à Tous. Le 21 juin dernier, la Convention citoyenne pour le Climat a remis son rapport final au gouvernement. Parmi les 149 mesures proposées, la création du crime d’écocide pour sanctionner les atteintes graves à l’environnement. Lire la suite >

    France Inter, 15 juillet 2020 /  Réfléchir l’écocide avec Valérie Cabanes

    L’écocide ou reconnaître des crimes perpétrés envers la nature est la notion défendue par la juriste en droit international Valérie Cabanes. Récemment, l’écocide a été porté par les débats de la Convention citoyenne pour l’environnement. Entre résurgence du terme et enjeux politiques, Valérie Cabanes s’engage et milite. Écouter l’émission >

    La Libre, 17 juillet 2020 / Ecolo veut introduire l’écocide dans le code pénal: « Notre droit ne sanctionne pas du tout les crimes les plus graves contre l’environnement »

    La juriste française Valérie Cabanes lutte pour faire reconnaître l’écocide dans les codes pénaux internationaux ou nationaux. Elle était hier à la Chambre, à l’invitation du député fédéral Ecolo-Groen Samuel Cogolati, qui a déposé une proposition de résolution avec ses collègues « verts » pour que soit reconnue à la fois au niveau belge et international la notion d’écocide, crime grave contre l’environnement, comme crime à part entière. Interview croisée. Lire la suite >

    Juin 2020

    Radio télévision Suisse, 30 juin 2020 / Comment punir l’écocide

    De plus en plus de voix s’élèvent à travers le monde pour que soit reconnu le crime d’écocide, qui qualifie les atteintes graves à l’environnement. Mais comment en déterminer les contours et comment le punir ? La juriste Valérie Cabanes, à la pointe du combat, esquisse les grandes lignes dans le Point J.  Écouter l’émission >

    Décembre 2019

    Politis, 4 décembre 2019 / Le crime d’écocide devant le Parlement

    Le 12 décembre, une proposition de loi pénale sera débattue à l’Assemblée nationale. Elle vise à contrer la menace pesant sur l’habitabilité de notre planète en s’appuyant sur le cadre contraignant de ses limites. Lire la suite >

    LCI, 3 décembre 2019 / Pourquoi la reconnaissance d’un crime d’écocide dans la loi est plus compliquée qu’il n’y paraît

    Proposition – Depuis des années, des juristes et des élus militent pour la reconnaissance de l’écocide dans la loi pénale française mais aussi internationale. En France, l’Assemblée nationale doit examiner une nouvelle proposition de loi le 12 décembre. Va-t-on vers une reconnaissance juridique d’un crime contre l’environnement ? Lire la suite >

    Libération, 10 décembre 2019 / Reconnaître l’écocide au même rang que les crimes contre l’humanité

    Alors qu’une proposition de loi sur l’écocide est débattue ce jeudi à l’Assemblée nationale, une soixantaine de responsables politiques et d’intellectuels appellent à inscrire le phénomène de criminalité environnementale dans le droit français. Lire la suite >

    HuffPost, 12 décembre 2019 / La reconnaissance de l’écocide de nouveau débattue, à l’Assemblée cette fois

    Le groupe socialiste à l’Assemblée nationale propose un texte visant à faire reconnaître le crime d’écocide, huit mois après un premier échec au Sénat. Lire la suite >

    FranceInfo, 12 décembre 2019 / Le XXIème siècle doit être celui où l’on met fin aux crimes contre la planète

    L’Assemblée nationale examine le 12 décembre une proposition de loi visant à inscrire dans le droit français la reconnaissance du crime contre l’environnement. Lire la suite >

    Reporterre, 12 décembre 2019 / Le crime d’écocide, bientôt dans la loi ?

    Ce jeudi 12 décembre, l’Assemblée nationale doit débattre sur la reconnaissance du crime d’écocide. Une notion juridique indispensable pour protéger les écosystèmes et leurs habitants, mais qui se heurte à la frilosité des politiques et des lobbies. Lire la suite > 

    L’Express, 12 décembre 2019 / Ecocide : pourquoi des députés veulent inscrire ce crime dans le Code pénal

    Une proposition de loi portée par le groupe socialiste visant à reconnaître le crime d’écocide dans le droit français est examinée ce jeudi par l’Assemblée nationale. Lire la suite >

    Novethic, 18 décembre 2019 / Rejeter par le gouvernement, la reconnaissance du crime d’écocide est loin d’être enterrée

    Le 12 décembre dernier, à la veille de la clôture de la COP25, les députés français ont rejeté la reconnaissance du crime d’éocide dans le droit pénal. Mais les débats dans l’hémicycle ont fait apparaître un réel intérêt pour le sujet de façon transpartisane. Lire la suite >

    Novembre 2019

    Novethic, 27 novembre 2019 / Ecocide : nouvelle tentative pour faire entrer le crime contre l’environnement dans le droit pénal français

    Les atteintes aux écosystèmes n’ont jamais été reconnues comme un crime dans le droit international. Mais des députés socialistes poussent en ce sens. Ils ont déposé une proposition de loi visant à reconnaître dans le code pénal français le crime d’écocide, contre l’environnement. Ce serait une première si la France adoptait une telle loi. Pour l’instant, le texte a été rejeté en Commission des lois et doit être examiné en séance plénière le 5 décembre. Lire la suite >

    InfoDurable, 28 novembre 2019 / Assemblée nationale : deuxième tentative pour la reconnaissance de l’écocide

    La proposition de loi portant la reconnaissance du crime d’écocide a été déposée à l’Assemblée Nationale par les députés du groupe socialiste, le 22 octobre dernier. Depuis renvoyé à la Commission des lois constitutionnelles, le texte a été à nouveau examiné le 27 novembre. Lire la suite >

    Mai 2019

    Le HuffPost, 1er mai 2019 / L’écocide, nouveau crime contre l’humanité qui tente de s’imposer en France

    L’écocide, ce nouveau crime contre l’humanité plus dévastateur encore que le génocide, selon ses défenseurs, essaie de se faire une place dans le droit français. Lire la suite >

    Avril 2019

    Novethic, 4 avril 2019 / Environnement : des sénateurs veulent faire reconnaître le crime d’écocide dans la loi française

    Une proposition de loi portée par des sénateurs socialistes entend faire reconnaître le crime d’écocide. Lire la suite >

    Actu Environnement, 8 avril 2019 / La reconnaissance du crime d’écocide en débat devant le Sénat

    Introduire dans le code pénal la répression des crimes contre l’environnement. Tel est l’objet d’une proposition de loi déposée par le sénateur Jérôme Durain et les membres du groupe socialiste. Elle sera examinée le 2 mai prochain en séance publique. Lire la suite >

    France Culture, 13 avril 2019 / Au nom de la terre, une juriste dans l’arène

    La Voix est libre avec Valérie Cabanes, juriste en droit international, spécialiste des droits de l’homme et du droit humanitaire, elle porte le projet de reconnaissance par la justice de l’écocide comme un crime contre la paix et les générations futures, au nom de la terre et du vivant. Lire la suite >

    E-RSE, 13 avril 2019 / Le crime d’écocide va-t-il intégrer le droit pénal français ?

    Le 19 mars, une proposition de loi portant reconnaissance du crime d’écocide a été déposée par des sénateurs socialistes et républicains. Si cette notion reste méconnue, elle tend à se démocratiser, portée par des personnalités comme Valérie Cabanes. Lire la suite > 

    Mars 2019

    Le Temps, 1 mars 2019 / Valérie Cabanes : «Droits de la nature et crime d’écocide doivent être reconnus»

    Valérie Cabanes, juriste internationale et essayiste, souhaite que le droit se soucie enfin de la protection de tous les êtres vivants sur notre planète en péril. Lire la suite >

    Janvier 2019

    Le Monde, 4 janvier 2019 / Valérie Cabanes : « Reconnaître la nature comme sujet de droit »

    La juriste Valérie Cabanes, spécialisée dans les droits de l’homme et le droit humanitaire, combat pour faire reconnaître l’écocide, ou crime contre l’environnement. Lire la suite >

    2018

    Magazine Géo, 22 août 2018 / La minute écologique avec Marie Toussaint

    Présidente de Notre Affaire à Tous et membre de l’association End Ecocide on Earth, elle revenait pour le magazine Géo sur le combat pour la reconnaissance juridique du crime d’écocide, une bataille menée de plein front par les deux associations. En Novembre 2017, la reconnaissance de l’écocide était l’une des cinq revendications portées par Notre Affaire à Tous auprès du chef de l’État : une demande toujours pas entendue. Voir la vidéo >

    Libération, 31 juillet 2018 / Tribune de Marie Toussaint : L’homme est un prédateur pour la planète

    La destruction de notre planète est une politique de prédation sociale :en détournant le regard face au réchauffement climatique, nos dirigeants s’enferment dans une attitude méprisante, coupable et dangereuse. Lire la suite >

  • CP / L’impunité doit cesser : Milieudefensie attaque Shell en justice pour un procès qui s’annonce historique, avec le soutien de Notre Affaire à Tous

    L’irresponsabilité et l’impunité des grands pollueurs doit cesser : la justice climatique, maintenant !

    La Haye, 5 avril 2019. Cet après-midi, les Amis de la Terre Pays-Bas – Milieudefensie ont remis  à Shell, au nom de plus de 30 000 personnes de 70 pays, une assignation pour obliger formellement l’entreprise à cesser de porter atteinte au climat. Aux côtés de nombreuses associations et citoyen-nes, Notre Affaire à Tous, à l’initiative de l’interpellation de la pétrolière Total S.A. en octobre dernier par 13 collectivités affectées par le dérèglement climatique, fait partie des soutiens officiels deà cette action en justice.

    Au travers de cette assignation, MilieuDefensie démontre que l’entreprise Shell connaissait depuis longtemps le problème du changement climatique (2), et ses contributions, sans pour autant remettre en cause ses activités et son modèle économique dévastateur. Alors que Shell reconnaît que l’industrie fossile a la responsabilité d’agir face au dérèglement du climat et déclare qu’elle « soutient avec force » l’Accord de Paris, la multinationale a continué de faire du lobbying contre les politiques climatiques et à investir des milliards dans l’extraction de pétrole et de gaz. Cette attitude est non seulement incompatible avec les objectifs climatiques mondiaux, mais elle est aussi illégale, en ce qu’elle déroge aux obligations de respect des droits humains fondamentaux.

    L’assignation démontre que les ambitions actuelles de Shell en matière de climat ne permettent aucune diminution des émissions et qu’elles contribueraient en fait à dépasser de beaucoup la limite de 1,5 degré de réchauffement planétaire. En cela, les requérants soutiennent que Shell manque à son devoir de diligence et met en danger les droits humains en amoindrissant sciemment les possibilités du monde de rester en-deçà de 1,5º C, en s’appuyant notamment sur le constat d’une violation par Shell des articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (4) – droit à la vie et droit au respect de la vie privée et familiale. Dans l’affaire historique d’Urgenda contre les Pays-Bas (5), la cour d’appel néerlandaise avait créé un précédent en statuant que le fait de ne pas atteindre les objectifs climatiques constituait une violation des droits des citoyen-nes – La cour avait ordonné à l’État néerlandais de réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 25 % d’ici à 2020.

    L’avocat Roger Cox qui, représentait précédemment Urgenda, dirige maintenant l’action judiciaire de Milieudefensie contre Shell. Selon lui, « Ce qui rend unique ce cas, si nous gagnons, c’est que Shell, en tant qu’une des plus grandes multinationales du monde, serait légalement contraint à changer son modèle économique. Nous nous attendons également à ce que cela ait un effet sur les autres entreprises du secteur des énergies fossiles, augmentant la pression pour qu’elles changent. »

    Si les requérants ont gain de cause, le tribunal pourra décider que, d’ici à 2030, Shell devra réduire ses émissions de CO2 de 45 % par rapport à celles de 2010, et les porter à zéro pour 2050, en adéquation avec les objectifs de l’Accord de Paris. Cela aurait de fortes implications, car Shell serait forcée de se détourner des énergies fossiles.

    Sara Shaw, coordinatrice du programme Justice climatique & énergie de Friends of the Earth International, explique : « Dans des documents des années 1990 qui ont été divulgués (6), Shell prédisait que les organisations écologistes allaient un jour poursuivre en justice l’entreprise si celle-ci ne suivait pas les avertissements de ses propres chercheurs. Ce jour est arrivé. La multiplication des procès climatiques (7) va obliger les multinationales climaticides comme Shell à rendre des comptes, et finira par les obliger à s’arrêter net ».

    Paul Mougeolle, juriste et chargé du groupe responsabilité des multinationales au sein de Notre Affaire à Tous, qui dirige l’action des collectivités face à Total en France : « Nous sommes aux côtés de Milieudefensie dans cette démarche de justice. Shell fait partie des plus grands contributeurs au changement climatique (environ 1,8% des émissions de GES), tout comme Total (environ 1%). Or, ces entreprises manquent complètement à leurs obligations car elles n’engagent pas une transition énergétique suffisante pour contenir le réchauffement à un degré soutenable pour la planète et l’humanité: en cela, ce sont nos droits, et ceux du vivant, qui sont affectés par cette irresponsabilité et cette impunité. Si ces entreprises ne le font pas d’elles-mêmes, il ne nous reste d’autre choix que de les attaquer en justice pour les y contraindre. En France, et ailleurs dans le monde, nous resterons uni-es et déterminé-es pour faire advenir la justice climatique grâce au le courage des juges. »

    Contacts presse

    • Paul Mougeolle, Notre Affaire à Tous : 07 54 83 46 75 ou 0049 157 57 05 61 66 – paul.mougeolle@notreaffaireatous.org
    • Juliette Renaud, Amis de la Terre France : 09 72 43 92 61 ou 06 37 65 56 40 – juliette.renaud@amisdelaterre.org
    • Lowie Kok, Milieu Defensie : +31 (0) 20 550 7333 ou Mobile : +31 (0) 63 4930173 
    • Sara Shaw, Friends of the Earth International : +44 (0)7974 008 270 – press@foei.org

    Références et notes à l’intention des rédacteurs

    Le résumé de l’assignation est disponible ici. 

    L’année dernière, les Amis de la Terre Pays-Bas ont lancé la première étape de l’action en justice contre Shell en lui adressant, le 3 avril 2018, un mise en demeure. Lire la réponse de Shell du 28 mai 2018 à la lettre des Amis de la Terre Pays-Bas. 

    (1) En février 2019, ActionAid Pays-Bas, Both ENDS Pays-Bas, Fossielvrij NL, Greenpeace Pays- Bas, les Jeunes Amis de la Terre Pays-Bas, Waddenvereniging, ont rejoint les Amis de la Terre Pays- Bas / Milieudefensie en tant que co-requérants.

    (2) A Crack in the Shell: New Documents Expose a Hidden Climate History (April 2018)

    (3) Rapport 2018 du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat

    (4) Convention européenne des droits de l’homme

    (5) L’action en justice d’Urgenda sur le climat contre le gouvernement néerlandais 

    (6) Rapport confidentiel de Shell sur l’effet de serre (1988) 

    (7) Plusieurs procès contre des entreprises pollueuses responsables du changement climatique existent dans le monde. Par exemple, en 2016, un agriculteur péruvien a poursuivi en justice la société charbonnière allemande RWE pour sa contribution à la fonte des glaciers. En 2017, plusieurs villes et États nord-américains ont intenté des procès contre Shell, BP, ExxonMobil et Chevron. En France, en octobre 2018, Notre Affaire à Tous, 3 ONG et 13 collectivités territoriales ont annoncé qu’ils lanceraient une potentielle action contre Total.

  • Lancement de Justice pour le Vivant

    Lancement de Justice pour le Vivant

    Une action en justice inédite pour la biodiversité

    Le jeudi 9 septembre 2021, Notre Affaire à Tous, aux côtés de POLLINIS, a lancé la première étape d’une action en justice inédite au niveau mondial pour manquement d’un Etat dans la protection de la biodiversité : Justice pour le Vivant ! L’inaction de l’Etat doit cesser : il doit respecter ses obligations internationales, européennes et nationales, et protéger le vivant.

  • Nous sommes déjà 60 000 à soutenir une constitution véritablement écologique !

    Soyons encore plus nombreux pour véritablement faire entendre nos voix pour une constitution écologique, maintenant ! 

    Plus que jamais, le climat bouleverse non plus seulement nos manières d’appréhender l’avenir, mais aussi le présent. Inondations, catastrophes climatiques, sécheresses, vagues de chaleur… ce ne sont pas seulement les JT qui changent et rapportent, soir après soir, la catastrophe en cours, mais nos propres vies qui sont bouleversées par les hautes chaleurs, la précarité énergétique, la perte de récoltes, la baisse des revenus du tourisme, et la peur face à un avenir plus incertain que jamais.

    Face à ces bouleversements, les acteurs s’engagent : des acteurs privés d’abord, qui opèrent tout doucement leur transition vers une économie décarbonée et solidaire, des citoyen-nes, ensuite, qui, chacun-e dans leur quotidien, adoptent les gestes de résilience et se mobilisent pour la défense de leurs droits.  Un seul acteur, et de taille, semble inlassablement passif face au déluge de solutions, de débats, de dynamiques en cours dans la société face à la crise : l’Etat.

    Et de fait, face à un monde en plein bouleversement, la République française opère toujours avec le logiciel qui lui a donné naissance, le 4 octobre 1958 : la constitution de la Ve République. La constitution française, texte au fondement de tous les droits et devoirs de l’Etat et de ses citoyen-nes, est aujourd’hui inadaptée aux enjeux majeurs qui se posent à l’Etat et aux citoyen-nes avec la crise écologique en cours.

    Aujourd’hui, nous avons l’opportunité de changer les choses.

    Il est temps d’exiger des élu.e.s et de la justice française le respect de l’environnement! Nous, citoyen.ne.s acteurs.rices du monde durable à venir, réaffirmons collectivement la protection de l’environnement comme la priorité du gouvernement français et souhaitons son inscription dans la constitution pour en obliger les priorités futures.

    La réforme constitutionnelle fera son retour à l’Assemblée Nationale en Janvier 2019, sept mois après le vote favorable des député.e.s pour inscrire la protection de l’environnement à l’article 1 de la Constitution française.

    Nous attendons désormais des sénateurs/trices qu’ils honorent cette dynamique progressiste en faveur du droit fondamental à un environnement sain et décent ! 

    Notre Affaire à Tous, aux côtés de la FNH, le REFEDD, le WARN et CliMates, vous invite tous et toutes à soutenir l’appel pour une constitution écologique dont nous sommes à l’initiative.

    Communiquez auprès de vos proches !

    Partagez ces visuels autour de vous pour faire un maximum de bruit autour de Notre Constitution Ecologique ! Les discussions parlementaires qui ont eu lieu en 2018 nous l’ont prouvé : ensemble, nous sommes une force immense !